Love isn't soft, like those poets say. Love has teeth which bite and the wounds never close.
Stephen King – The Body
L'amour n'est pas doux, comme le disent ces poètes. L'amour a des dents qui mordent et les plaies ne se referment jamais.
Stephen King – The Body
Chapitre 31 : Teeth Which Bite
Albus fit léviter la tasse de thé en direction de Severus d'un geste de la main. Si le Professeur remarqua qu'il ne s'était pas servi de sa baguette, il n'en fit pas mention. Toutefois, Severus était bien plus avachi dans le fauteuil qui faisait face à son bureau qu'il ne se l'autorisait d'habitude. L'ancien espion frottait des yeux rougis par la fatigue et peinait à lui dissimuler le tremblement de ses mains.
Il était censé se reposer, ragea silencieusement le Directeur, pas prendre des risques inutiles avec sa santé. Et, surtout, il n'était pas censé voler les mission qu'Albus confiait à dessein à Harry Potter.
S'il avait voulu employer la manière forte avec Horace, il l'aurait pu. Mais outre le fait qu'il n'avait guère eu envie d'entacher leur amitié, le fait demeurait que récupérer le souvenir avait été plus une formalité qu'autre chose.
Il avait deviné que Tom porterait son choix sur le nombre sept. Pour lui, c'était logique.
« Avez-vous une idée de ce qu'ils sont ? D'où ils sont ? » s'enquit Severus, en s'emparant de la tasse qui lévitait près de l'accoudoir.
Albus soupira et se leva, délaissant la tasse de thé qu'il s'était lui-même servie, se promenant tranquillement dans son bureau comme il en avait l'habitude lorsqu'il souhaitait réfléchir. Naturellement, ses pas le menèrent jusqu'à l'étagère qui contenait ses instruments les plus précieux – ceux qui avaient une valeur sentimentale, pas ceux qui étaient les plus onéreux – et porta sa baguette à sa tempe avant de déposer une pensée parasite dans la pensine.
En vérité, il hésitait.
Il n'avait jamais prévu d'impliquer Severus de trop près dans la chasse aux horcruxes. Si quelqu'un pouvait découvrir ce qu'était Harry, c'était lui. Et Albus devinait que si Severus arrivai à cette conclusion… Il refuserait de comprendre ce qui devrait, à un moment où à un autre, être fait. Pour le plus grand bien.
Severus clamait à tors et à travers qu'il ne croyait pas à la prophétie.
La vérité, le vieux sorcier le soupçonnait, était que l'homme n'y croyait que trop et que cela le terrifiait parce qu'il aimait le garçon.
« Il y a une bague, comme vous le savez déjà. » admit-il en fin de compte.
Quelle était l'alternative ? Effacer sa mémoire ? C'était, bien entendu, une possibilité mais Severus était trop bon occlumens pour ne pas s'en rendre compte et Albus avait déjà pris un risque en jetant un sort d'oubliette à Tonks. Cela lui avait coûté la confiance de la jeune femme et il était trop important de garder l'Ordre sous contrôle pour le diviser davantage encore.
« Et ? » s'impatienta Severus après avoir vidé d'un trait la moitié de la tasse. Cela sembla le requinquer quelque peu mais il demeura pâle et il avait toujours l'air aussi épuisé. Sa voix, en revanche, ne tremblait pas.
« Le médaillon de Serpentard. La coupe d'Helga Poufsouffle. » énuméra-t-il. « Sans oublier le journal qu'Harry a détruit durant sa deuxième année. Voilà ce dont je suis absolument certain. Nous rentrons, ensuite, sur le terrain hasardeux des spéculations… » Il marqua une pause pour laisser le temps à son professeur d'intervenir mais Severus resta silencieux donc il continua. « Étant donné son obsession pour Poudlard et les Fondateurs, il semblerait logique de chercher quelque chose ayant appartenu à Rowena Serdaigle. »
« Qu'en est-il de Gryffondor ? » demanda l'ancien espion, sourcils froncés. Les yeux noirs s'étaient automatiquement déplacés vers l'étagère où trônait l'épée de Gryffondor.
Albus secoua la tête. « J'ai de bonnes raisons de penser qu'il dut y renoncer, les seuls artéfacts ayant appartenu à Gryffondor étant en ma possession et à l'abri au sein de l'école. » Le regard sombre s'attarda sur la garde de l'épée et le directeur soupira. « Ceci n'est pas un horcruxe, Severus. Quant bien même Lord Voldemort aurait-il réussi à me la dérober, y glisser un bout de son âme et la remettre à sa place à mon insu, Harry l'a utilisée pour tuer un basilic. Elle est imbibée de venin. Or le venin de basilic… »
« Est un des seuls moyens connus de détruire un horcruxe. » termina Severus à sa place. Le regard qu'il jetait à l'épée était désormais pensif.
« Je compte m'en servir pour les détruire, en effet. » confirma-t-il.
Les yeux noirs s'arrachèrent à leur contemplation et revinrent se braquer sur lui. Severus porta à nouveau la tasse à ses lèvres, observant le moindre de ses gestes alors qu'il soulevait des babioles des étagères pour mieux les y reposer.
« Cela ne fait que quatre. Cinq, si on le compte lui. » remarqua le Professeur. « En admettant qu'il ait réussi à trouver quelque chose appartenant à Serdaigle… »
« Le diadème… » suggéra-t-il.
« Perdu depuis des siècles. » contra Severus sans même ciller. « Il doit y avoir autre chose… »
« Peut-être… » admit-t-il. Il reposa l'instrument qu'il avait retiré de l'étagère et retourna prendre place derrière l'imposant bureau, réchauffant le thé tiède d'un geste négligeant. « Il est peu probable qu'il ait réussi à mener son projet à bien avant qu'Harry ne le fasse disparaitre en quatre-vingt-un… Séparer son âme en sept… Je soupçonne qu'il comptait utiliser le meurtre du garçon pour créer le sixième… »
Il laissa trainer la voix et fixa sa tasse de thé du regard, observant Severus sans en avoir l'air. Attendant, peut-être, qu'il ne se trahisse… S'il soupçonnait…
Toutefois, Severus ne marqua aucun signe de compréhension. Ses traits n'exprimaient rien d'autre qu'une profonde lassitude.
« Quoi qu'il ait prévu de faire, il a échoué… » répondit finalement le professeur à son silence prolongé. « Aucun horcruxe n'a été créé ce soir là… N'est-ce pas ? »
La question était innocente, la voix parfaitement mesurée, mais Albus ne savait s'il devait y croire. Néanmoins, il ne pouvait prendre le risque d'aiguiser sa curiosité au cas où Severus n'ait réellement pas compris donc il secoua la tête en signe de dénégation.
« Non. » confirma-t-il. « Rien ne dit qu'il n'en a pas créé un après son retour, en revanche… La relation qu'il entretient avec son serpent m'intrigue… »
« Nagini. » grinça Severus avec un dégout palpable. La tasse désormais vide fut reposée sur le bureau dans un cliquètement qu'Albus feignit de ne pas remarquer. Severus grimaça davantage et ouvrit et referma le poing plusieurs fois jusqu'à ce que les tremblements diminuent. « Ce n'est pas impossible. Ils ont une relation presque symbiotique…» Le professeur balaya l'air d'un geste de la main. « Nagini est hors de portée pour l'instant. Lesquels avez-vous localisés ? »
Albus l'observa attentivement pendant un long moment, hésitant encore à l'impliquer davantage. Il y avait des avantages et des inconvénients à ce que Severus participe à la chasse aux horcruxes. Il était, bien sûr, dangereux que le directeur soit le seul au courant de tout. S'il était un jour balayé de l'échiquier… Oui, mais Severus avait un intérêt premier qui n'était pas le même que le sien…
Albus voulait sauver la communauté magique.
Severus voulait sauver son fils.
« Si mes théories sont exactes et, vous me pardonnerez de penser qu'elles le sont, je sais où sont la bague et le médaillon. » répondit-il. « À présent que le nombre d'horcruxes est confirmé, Harry et moi… »
« Non. » l'interrompit Severus d'un ton doucereux qui était bien plus dangereux que toutes les menaces qu'il aurait pu proférer.
Nous y voilà, songea Albus dans un soupir.
« Que vous le vouliez ou non, Harry jouera un rôle capital dans cette guerre. » déclara Albus. « Non pas parce que je l'ai décidé mais parce que cela a été… »
« Ne vous avisez pas de mentionner cette prophétie ridicule… » siffla Severus. « La prophétie ne dit pas qu'il doit partir à la recherche d'artefacts gorgés de magie noire à quinze ans. Vous n'emmènerez Harry nulle part, est-ce clair ? »
Plutôt que de lui rappeler, une nouvelle fois, qu'il n'avait aucun droit légal sur Harry Potter et qu'il aurait été de bon ton de lui témoigner, à lui, un peu plus de respect, Albus choisit d'emprunter une voie plus diplomatique.
« Vous pourrez nous accompagner. » accorda-t-il, parce que cela ne lui coutait pas grand-chose.
« Albus… » gronda l'homme dans ce qui était généralement un prélude à une impressionnante explosion.
La scène leur fut épargnée par l'apparition d'un labrador argenté.
« Nous avons besoin d'aide d'urgence au square Grimmaurd. » déclara la voix de Charlie Weasley. « Emmenez Sirius. » Une hésitation de la part du patronus et puis… « Snape aussi, si possible. Pas plus de gens que nécessaire. La situation est… délicate. »
Albus avait déjà fait apparaître son propre patronus avant que celui de Charlie ait terminé de débiter son message. Le phoenix fonça à travers le mur à la recherche de Sirius Black.
Severus s'appuya lourdement sur les accoudoirs de son fauteuil pour se remettre debout, trahissant plus de faiblesse qu'il ne l'aurait probablement souhaité. Albus esquissa un geste pour l'aider et puis retint sa main, sachant que le jeune homme l'aurait vécu comme une humiliation supplémentaire.
« Remus, Charlie, Anthony et Nyssandra étaient censé ramener Ollivander à Poudlard avant que les Mangemorts ne le capturent. » expliqua-t-il à Severus. « Il semble que tout ne se soit pas passé comme prévu… »
Il ne chercha pas à masquer son inquiétude. Non seulement il était possible que quelqu'un soit blessé mais, s'ils n'étaient pas revenus à l'école, cela tendait à prouver qu'ils avaient échoué à sauver Ollivander…
Et si Voldemort convoitait la baguette de Sureau…
« La vampire… » murmura Severus d'un ton pensif. « Ils ont déjà fait appel à moi lorsqu'elle a été blessée par le passé. Et elle et Black… »
« Vraiment ? Vous me l'apprenez. » répondit-il avec intérêt. Il n'avait pas eu conscience que Nyssandra ait entamé une relation avec Sirius. C'était toutefois une information à prendre en considération.
Sirius débarqua sur ses entrefaites, à bout de souffle, ayant très visiblement parcouru la distance de ses appartements au bureau directorial en courant. Il n'avait pas pris le temps de s'habiller et était encore en pyjama. Ses pieds nus frappèrent la pierre froide alors qu'il se précipitait jusqu'à eux.
« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda l'Animagus avec une panique à peine contenue.
Être réveillé au milieu de la nuit en temps de guerre n'était jamais bon.
« Allons voir. » offrit Albus, en se dirigeant d'un pas décidé vers la cheminée.
Il ne lui fallut qu'une seconde pour émerger dans l'âtre du Square Grimmaurd et il trouva la maison entièrement silencieuse. Comme si la bâtisse elle-même retenait son souffle.
Il n'eut le temps de faire que quelques pas dans le salon avant que le feu ne s'embrase dans son dos. Il se retourna à temps pour attraper Severus et le stabiliser avant qu'il ne s'effondre. Preuve que le professeur n'était pas au mieux de sa forme, il chancela et agrippa le bras d'Albus avant de reprendre contenance et de se dégager, les joues légèrement rougies. Sirius apparut peu après et leur épargna à tous deux la peine de devoir affronter la situation délicate. Albus ne voulait pas davantage insister sur l'état de Severus, sûrement pas devant témoin, et Severus n'aurait pas apprécié sa sollicitude.
Les deux autres sorciers éprouvaient très visiblement le même malaise que lui face au silence de plomb qui régnait sur les lieux. Ils sortirent tous leurs baguettes sans avoir à se consulter et Albus ouvrit la marche en direction de la cuisine.
Il n'était pas certain de savoir à quoi il s'attendait mais ce n'était certainement à ce qu'il trouva.
À peine eut-il le temps de tendre le bras pour barrer le passage à Severus, de crainte que l'homme ne fasse quelque chose de désespéré ou de stupide, l'un entraînant souvent l'autre.
« Nymphadora… » murmura le Maître des Potions, le cœur dans la gorge.
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Personne dans la cuisine du Square Grimmaurd n'osait bouger.
Personne, songea Tonks, n'osait même respirer.
Charlie et Anthony se tenaient par la taille, adossés au mur le plus éloigné, et la fixaient du regard avec un désespoir grandissant. Nyssa était accroupie dans un coin, aussi immobile qu'une statue, s'efforçant de ne pas attirer l'attention de l'énorme loup-garou sur elle. La vampire était prête à bondir si jamais Remus…
La mâchoire de Remus enserrait toujours sa gorge.
Transplanner avait été risqué et tous les autres avaient désapprouvé mais cela lui avait semblé préférable à attendre au fin fond d'une forêt perdue que son ex-petit-ami reprenne ses esprits ou que quelqu'un vienne les secourir – ou les attaquer. Elle avait empoigné la fourrure épaisse et elle avait transplanné vers le Square Grimmaurd en espérant qu'il ne la tuerait pas sous le coup de la surprise.
Ses mâchoires s'étaient resserrées mais il ne l'avait pas tuée. Pas encore.
Elle reporta son regard sur le plafond et puis ferma les yeux. Le poids du loup était écrasant et son torse était en feu. Elle était pratiquement sûre d'avoir une côte fêlée et Remus ne faisait rien pour arranger les choses. Elle n'osait plus parler, n'osait plus bouger…
Combien de temps pouvait-il rester ainsi ? Il semblait content, confortablement allongé sur elle, ses dents égratignant à peine sa chair, sa bave dégoulinant dans son cou…
Combien de temps la potion ferait-elle effet ?
Dans le silence étouffant, ils entendirent tous la cheminée recracher successivement trois personnes. Remus laissa échapper un grondement et Tonks rouvrit les yeux à temps pour le voir plaquer ses oreilles en arrière.
Dans le coin, Nyssa se tendit davantage, prête à passer à l'action. Ce serait inutile. La vampire avait beau être rapide, le temps qu'elle atteigne Remus, Tonks n'aurait déjà plus de jugulaire.
Une minute qui lui sembla durer une éternité plus tard, Dumbledore apparut sur le pas de la porte, suivi de près par Severus et Sirius. Le vieux sorcier leva brusquement le bras devant le Maître des Potions comme s'il craignait que Severus soit suffisamment stupide pour se précipiter vers elle.
Ridicule.
C'était un Serpentard, après tout. Qu'il ait de l'affection pour elle ou pas, elle ne s'attendait pas à ce qu'il se jette sur un loup-garou pour la sauver. Elle lui faisait confiance pour élaborer une meilleure stratégie que ça.
Severus, cependant, demeura interdit alors qu'il contemplait la bête sauvage couchée sur elle. Puis, leurs regards se croisèrent et elle sentit ses yeux s'embuer stupidement.
« Nymphadora… » murmura-t-il et, dans le silence de la cuisine, cela résonna comme un boulet de canon.
Remus gronda à nouveau. Elle sentait les muscles du loup-garou jouer au-dessus d'elle. Il avait été détendu jusque là mais, à présent, il semblait prêt à passer à l'attaque. Ses dents s'enfoncèrent un peu plus dans sa peau et elle s'efforça de ne pas penser à ce que cela pourrait signifier si elle survivait…
« Comment… » balbutia Sirius.
« La potion. » répondit sèchement Severus, sans faire le moindre geste pour avancer dans la pièce. Au contraire, son regard retourna se poser sur l'animal et elle eut l'impression qu'il devait faire un effort pour ne pas reculer.
Elle pouvait comprendre.
Tonks décida que c'était le son de sa voix qui ne plaisait pas à Remus lorsque des griffes d'une longueur impressionnante manquèrent se planter dans son épaule.
« Remus, lâche la. » lança son cousin avec une panique perceptible. « Remus… »
« C'est un loup, pas un chien. » siffla le Maître des Potions.
« Silence. » intima Dumbledore. « Tonks, restez calme. »
Plus facile à dire qu'à faire mais elle leva la main qui agrippait toujours sa baguette, ses doigts crispés d'avoir empoigné la fourrure aussi fort pendant si longtemps et se força à lever le pouce vers le ciel pour signifier qu'elle avait compris.
« Je ne pense pas qu'il veuille lui faire du mal. » murmura Charlie pour ne pas contrarier le loup-garou davantage. « Il aurait pu la tuer dix fois, déjà. »
« Il marque son territoire. » répondit Severus, d'une voix blanche. « Ce qu'il veut et la réalité des faits ne sont pas forcément compatibles. »
Un nouveau grondement lui répondit mais celui là sonnait moins comme un avertissement aux oreilles de Tonks et davantage comme une menace. Les yeux dorés du loup étaient rivés sur le Maître des Potions.
Si Remus la lâchait pour foncer sur Severus… Certes Dumbledore était juste à côté et avait très certainement les moyens de les protéger tous les deux mais Severus, lui, était toujours incapable de se défendre… Il serait une proie facile et…
Son cœur s'emballa sous le coup de la panique, ce qui sembla attirer l'attention de Remus. Il desserra légèrement sa prise sur sa gorge avec un gémissement qui se voulait sans doute apaisant.
« Il a fait ça avec Laura. » lâcha Sirius. « Sur la lande. Il a fait ça avec Laura. Elle a appelé ça… Être marquée ou quelque chose comme ça. C'est… Je crois que c'est comme ça que les loups-garous construisent leur meute… »
« Étant donné leur passif, elle fait déjà partie de sa meute. » rétorqua Severus. « Comme toi. Comme… »
Il s'interrompit brusquement.
« Severus ? Une idée brillante ? » pressa Dumbledore.
Son regard bleu, inhabituellement froid, était rivé sur Tonks et Remus. Il ressemblait à Nyssandra. Un prédateur prêt à passer à l'attaque au moindre signe de danger.
« Black fait partie de sa meute. » hésita l'ancien espion. « Il ne l'attaquera pas sans provocation… Et si Black peut le distraire suffisamment pour qu'il relâche sa prise… »
« Et on appelle ça une brillante idée ? » grommela Sirius, en jetant un regard noir au professeur. « Juste quand je pensais qu'on avait trouvé un terrain d'entente, tu me jettes en pâture au premier loup-garou qui passe ? Tu me brises le cœur, Snape. »
Il y avait plus d'amusement que de reproches dans la voix de l'ancien fugitif et Tonks soupçonnait que c'était une manière comme une autre de tromper sa peur. La seconde suivante, un énorme chien noir se tenait à la place de l'Animagus et rampait prudemment vers elle et le loup, en prenant garde de rester plus bas que Remus en signe de soumission.
Le loup-garou se détendit légèrement et, lorsque, après un instant d'hésitation, le museau du chien donna un petit coup affectueux à son énorme patte avant, Remus lâcha sa gorge pour passer sa langue râpeuse sur la tête de l'Animagus.
Être libérée du danger que présentaient les crocs était tout ce qu'avait attendu Tonks. Ainsi, apparemment, que tous les autres.
Elle hurla la formule de l'expulso mettant tant de force dans son sortilège que le loup-garou vola violemment dans les airs et heurta le mur opposé. Parce qu'ils n'avaient pas anticipé sa réaction, les stupefix de Charlie et d'Anthony manquèrent Remus. Sirius, qui avait été pris dans la déflagration, tenta de se retourner en plein air et réussit à retomber sur ses pattes non sans un couinement de douleur lorsqu'il se cogna contre la table. Nyssa qui n'avait attendu qu'une opportunité pour passer à l'attaque se trouvait désormais entre elle et le loup-garou sonné qui se remettait lentement debout à l'autre bout de la pièce.
Mais ce fut la réaction de Severus qui la sidéra.
Peut-être Dumbledore n'avait-il pas eu si tort que ça de lui barrer le passage plus tôt parce qu'à la seconde où les crocs cessèrent d'être une menace, il se précipita vers elle et, avant que le chaos de toutes ces attaques simultanées ne s'estompe, elle se retrouva trainée contre le mur opposé. D'un bras autour de ses épaules, il la soutenait en position assise, de l'autre, il tenait sa baguette d'une main tremblante. Elle ne saisit pas la formule qu'il fredonna presque mais l'air autour d'eux vibra, comme chargé en électricité, et l'instant d'après, ils étaient à l'abri derrière un bouclier bleuté.
« Tu as retrouvé tes pouvoirs. » fut tout ce qu'elle trouva à dire.
Il lui jeta un regard indéchiffrable, peut-être parce que ce n'était pas le plus urgent, mais il se contenta de lever les sourcils avec un amusement soulagé. « Ce fut une longue journée. »
« À qui tu le dis… » soupira-t-elle, en se laissant aller légèrement contre lui. Pas trop. Et pas longtemps. Les autres avaient les yeux rivés sur le loup-garou que Dumbledore tenait désormais en respect mais cela ne durerait pas éternellement.
« Il me semblait t'avoir demandé d'être prudente ce matin. » remarqua-t-il négligemment, comme s'il commentait le temps qu'il faisait.
L'occlumencie avait ses avantages, supposait-elle.
Des couverts en argent s'envolèrent de leurs tiroirs et fusèrent sur Remus avant de se transformer en une cage de fortune. Le loup-garou fonça sur les barreaux et recula avec un couinement lorsqu'il heurta le métal. Les loups-garous et l'argent ne faisaient pas bon ménage.
Il y eut un soupir de soulagement collectif alors qu'ils relâchaient tous plus ou moins leur garde.
Elle était vaguement consciente que Charlie était en train de résumer les événements de la nuit à Dumbledore. Severus avait fait disparaitre son bouclier et était désormais occupé à tâter sa gorge, inspectant les plaies avec une attention minutieuse.
À l'autre bout de la pièce, Remus recommença à se jeter contre les barreaux de sa cage, grondant et grognant à tout va.
« Il l'a mordue. » commenta platement Sirius, en s'accroupissant à côté d'elle. Il attrapa sa main et Tonks la serra avec force parce que…
« Ce n'est pas profond… » contra Severus, son attention rivée sur sa gorge. « Et ce n'est pas la pleine lune… »
« Je ne vais pas devenir un loup-garou alors ? » chuchota-t-elle d'une voix fébrile.
Il ne répondit pas immédiatement. Il jeta deux ou trois sorts de diagnostic et effleura finalement sa gorge du bout des doigts jusqu'à ce qu'il rencontre sa clavicule. C'était plus une caresse qu'un examen et, dans sa cage, Remus semblait devenir fou.
« Severus, ne le provoquez pas. » avertit Dumbledore, sans même leur jeter un regard. « Cette cage a été métamorphosée dans l'urgence, elle ne résistera pas longtemps s'il est réellement déterminé à en sortir. »
« Il essaye juste de la soigner. » rétorqua Sirius, sur la défensive. « On se calme. »
Tonks doutait qu'il ait simplement été en train de la soigner mais le demi-sourire ne demeura pas longtemps sur les lèvres de l'ancien Mangemort. Il redevint rapidement sérieux.
« Je ne pense pas que la blessure soit suffisamment profonde pour que la malédiction ait été transmise. Je n'en trouve aucune trace… » offrit-il. « Toutefois, il se peut que tu développes une affinité pour la viande saignante… Laisse-moi voir tes autres blessures… »
Ce fut Sirius qui referma tant bien que mal les plaies que les griffes et la bataille qui avait eu lieu un peu plus tôt avaient laissées, sous les instructions de Severus qui supervisait d'un œil attentif. Ses mains tremblaient trop et il paraissait sur le point de s'effondrer. Elle le fixa d'un regard anxieux tout le temps qu'il fallut à son cousin pour la remettre sur pieds.
Severus se releva plus lentement, en agrippant le bord du buffet et ne lâcha pas immédiatement le meuble. Il observait à présent le loup dans sa cage improvisée avec un mélange de dégoût et de terreur. Une main pressée contre ses côtes douloureuses, Tonks effleura son bras de l'autre. Ce fut suffisant pour qu'il se reprenne, endosse un masque de neutralité absolue.
Dans la cohue qui régnait dans la cuisine, cela passa inaperçu.
« Il faut trouver un moyen de le retransformer. » déclara Sirius, sa voix s'élevant au-dessus du débat houleux qui opposait Charlie, Dumbledore et Anthony.
Nyssa se tenait en retrait. Comme Severus, elle ne semblait pas tentée par la perspective d'approcher le loup-garou de trop près. Tonks demeura là où elle était, s'adossant au buffet à la gauche de Severus. Elle soupçonnait que l'imposant meuble de bois ouvragé était tout ce qui empêchait le Maître des Potions de s'effondrer. Encore que, pour être honnête, elle n'était pas loin d'être dans le même état.
« Et comment ? » se moqua l'ancien espion. « Avaler cette potion était stupide. »
« S'il ne l'avait pas fait nous serions tous morts. » rétorqua Charlie avec un regard noir.
« Ça reste à prouver. » marmonna Tonks. Ses yeux gris ne cessaient de revenir se poser sur le loup qui tournait en rond dans sa cage pour mieux s'élancer contre les barreaux. L'attention de l'animal était rivée sur elle et elle dut réprimer un mouvement instinctif vers l'homme qui se tenait à sa gauche.
Severus, malheureusement pour elle, était bien trop attentif à son environnement et se décala, sans avoir l'air, jusqu'à être légèrement devant elle.
Cela l'irrita et la toucha à la fois. Elle n'avait pas besoin d'un bouclier humain mais, à l'instant, elle n'avait rien contre l'idée que quelqu'un fasse rempart entre elle et le loup-garou. Elle allait faire des cauchemars jusqu'à la fin de sa vie.
Le mouvement, pourtant discret, suffit à redoubler la détermination de l'animal qui se jeta sur les barreaux avec davantage d'ardeur.
« Cela est bien possible. » déclara Dumbledore. « Toutefois, je ne peux donner tort à Severus. Consommer une potion sur laquelle nous savons si peu… »
Le vieil homme avait-il remarqué leur manège ? Tonks n'en était pas certaine, cependant y avait-il quelque chose qui échappait à Albus Dumbledore ? Nyssa, elle, avait très certainement noté le changement de position. La vampire soutint son regard quelques secondes avant de détourner les yeux.
« Il est impossible de dire si les effets vont s'estomper d'eux même ou si une autre potion est nécessaire afin d'annuler la transformation. » renchérit Severus dans un hochement de tête. « Peut-être faut-il même un sort… Quelle dose a-t-il consommée ? La durée de la transformation dépend-elle de la quantité de potion avalée ? De sa densité ? Si nous forçons la transformation comme nous pourrions le faire pour un Animagus, son esprit redeviendra-t-il humain ou demeurera-t-il loup ? En l'état, je ne peux rien faire pour lui mis à part recommander une muselière. »
« Severus ! » s'exclama-t-elle avec réprobation.
Certes, elle n'était pas en très bon termes avec Remus et les évènements de la soirée n'avaient pas contribué à améliorer la chose mais…
Le Maître des Potions lui jeta un coup d'œil glacial. « Ses mâchoires étaient de pars et d'autre de ta gorge. C'est une bête sauvage qui n'a pas sa place dans… »
« C'est Remus. » l'interrompit Sirius d'un ton sec, presque menaçant.
« Je ne crois pas qu'il voulait me faire du mal. » hésita-t-elle.
« Non. Bien sûr. » grinça Severus, furieux. « Suis-je idiot. Il voulait simplement jouer. Pourquoi ne pas lui gratter le ventre et lui dire qu'il est un bon chien, tant que tu y es ? Connaissant Lupin, il appréciera sans doute. Il a toujours eu des goûts quelque peu étranges. »
Il se détourna dans un claquement de robes qui aurait été plus impressionnant s'il n'avait pas chancelé.
Tonks, les joues rouges d'embarras et de colère, le fusilla du regard. Le silence dans la cuisine était gênant. Dumbledore feignait d'étudier le papier peint décrépit, Charlie la regardait avec insistance, Anthony et Nyssa surveillaient tous deux le loup et Sirius paraissait confus, probablement peu sûr de ce qui venait de se passer.
« Severus, où allez-vous ? » s'enquit poliment Dumbledore lorsque le Maître des Potions eut atteint le seuil de la cuisine.
« À Poudlard, chercher mes recherches et mon nécessaire à potions. » rétorqua Severus. « Ne comptiez-vous pas m'ordonner de passer le reste de la nuit à observer ce monstre tourner en rond dans sa cage ? »
Dumbledore soupira, une profonde lassitude se peignant sur son visage. « Je vous l'aurais, en effet, demandé, mon garçon. »
« Épargnez-moi la sémantique. » grommela Severus en disparaissant dans le couloir.
Tonks demeura figée sur place, déchirée entre l'envie de lui courir après – pour éclaircir la situation ou lui crier dessus, elle n'en était pas bien certaine – et le besoin de savoir ce qui allait se passer à présent. Elle regretta de ne pas avoir choisi la première option lorsqu'il apparut clairement qu'il ne se passerait plus grand-chose.
Dumbledore renforça le sort de Métamorphose qu'il avait posé sur la cage de fortune et ajouta quelques protections qui devraient ralentir le loup-garou si jamais il parvenait à défoncer les barreaux. Nyssa, après avoir discrètement récupéré une poche de sang dans le réfrigérateur, se fondit dans l'ombre et quitta la pièce. Sirius se transforma en chien et se roula en boule aussi près de la cage qu'il l'osa. Après un moment et plusieurs gémissements, Remus fit de même, se pressant contre les barreaux pour sentir la chaleur corporelle du chien malgré la douleur. Anthony et Charlie s'attardèrent un moment, le temps de s'assurer qu'elle allait bien et puis disparurent dans les étages.
Elle était si occupée à fixer le loup et le chien sans les voir, trop fatiguée pour faire autre chose que de presser sa main contre ses côtes douloureuses, qu'elle ne s'aperçut de l'approche de Dumbledore que lorsqu'il eut effleuré son bras.
Son mouvement de recul fut instinctif.
Le cœur battant la chamade, encore sous le choc d'avoir eu un loup-garou couché sur le corps pendant plus d'une demi-heure et, à présent, jamais tout à fait rassurée de se retrouver seule avec le vieux sorcier depuis l'affaire de l'Oubliette, elle remit une certaine distance entre eux.
Le Directeur ne tenta pas de se rapprocher à nouveau. Il l'observa d'un air peiné mais pas surpris. « Allez vous reposer, mon enfant. Les esprits sont échauffés mais nous y verrons tous plus clair demain matin. »
Le conseil, au demeurant, n'était pas mauvais.
L'idée de rentrer chez elle était tentante. S'effondrer sur son lit, ne plus sortir de sous sa couette – ou, du moins, pas avant quelques jours… Mais la perspective de la longue marche qui l'attendait…
« Je vais passer la nuit ici. » offrit-elle. « S'il y avait un problème… »
Un fin sourire joua sur les lèvres de Dumbledore. Les yeux bleus pétillaient d'amusement. « Comme vous le souhaitez. Je suis certain, en tous les cas, que Severus appréciera la compagnie… »
La remarque était anodine mais elle grimaça toute de même.
L'un dans l'autre, elle ne fut pas mécontente lorsqu'il quitta le QG pour retourner à Poudlard.
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À cause du sol froid des cachots, il avait perdu toute sensation dans ses fesses et ses jambes étaient engourdies. Le chat, qui l'avait laissé le serrer jusqu'à l'étouffer, avait depuis longtemps échappé à sa prise et il avait recommencé à se griffer distraitement les avant-bras sans même s'en rendre compte.
Le temps, pour Harry, s'était figé.
Il n'existait rien que la migraine qui lui vrillait les tempes. Chaque inspiration était identique à la précédente, l'air froid lui brûlait les poumons et s'échappait ensuite dans un souffle trop court. Son cœur battait de manière anarchique, son estomac se contractait de façon aléatoire et, il avait beau occluder, tenter de vider son esprit, il ne parvenait pas à cesser d'imaginer la noirceur poisseuse qui lui rongeait l'âme.
Ce fut presque un soulagement lorsque les flammes de la cheminée s'embrasèrent brusquement, virant au vert émeraude.
Il ne bougea pas d'un pouce.
Pas même lorsque la personne qui émergea de la cheminée trébucha sur le pare-feu – qui devait toujours demeurer devant l'âtre au cas précis où quelqu'un traverserait à l'improviste – et s'étala de tout son long sur la pierre humide. Il y avait là, songea la part d'Harry qui était encore quelque peu lucide, une certaine ironie.
Le Professeur ne se releva pas immédiatement.
Il resta prostré au sol, ses grandes robes noires étalées autour de lui. Harry aurait dû s'inquiéter, il le savait, insister pour que l'homme aille voir Pomfresh ou se repose ou… Son esprit était comme entouré de coton. Il ne pouvait rien faire d'autre que de le regarder se redresser lentement, après plusieurs secondes passées au sol.
Le Professeur ne l'avait pas remarqué.
Harry le savait parce qu'à la seconde où les yeux noirs se posèrent sur lui, son comportement changea. Le flash d'irritation initial fut rapidement remplacé par de l'inquiétude.
Le reste se passa trop vite pour que son esprit embrumé ne l'interprète correctement.
« Lumos. » lança Severus à la va-vite, rampant presque jusqu'à lui. « Que s'est-il passé ? Es-tu blessé ? » Harry le laissa incliner sa tête en arrière, tâter la cicatrice et le sang séché qui en avait coulé… « Harry, répond-moi. »
L'ordre ne souffrait aucune contradiction.
« Vous n'étiez pas là. » murmura-t-il.
Le Professeur eut un léger mouvement de recul, comme si Harry l'avait frappé. Au bout d'une interminable seconde, il laissa échapper un soupir éreinté. « Crois-le ou non, Lupin a été suffisamment stupide pour avaler une dose de cette fameuse potion pour loups-garous. »
Greyback voulait la tête de Remus…
« Est-ce qu'il va bien ? » s'inquiéta-t-il, sortant un peu du brouillard qui lui remplissait la tête.
« Suffisamment bien pour tenter d'égorger Nymphadora. » siffla Severus. « Non que cela semble lui poser problème outre mesure. » Le Professeur laissa échapper un bruit amer. « Quoi qu'il en soit… Cela n'excuse pas… J'aurais dû repasser ici… Vérifier… »
« Vous ne pouviez pas savoir. » nia-t-il instinctivement.
« Je savais que tu avais lutté contre des visions toute la journée. » répliqua le Maître des Potions. « J'aurais dû anticiper que… Je ne peux que m'excuser. »
« Ce n'est pas votre faute. » insista-t-il.
Ses ongles s'enfoncèrent un peu plus profondément dans sa chair. Les yeux sombres se posèrent sur ses avant-bras parsemés de griffures et, sans un mot, le Professeur attrapa ses poignets et le força gentiment à desserrer sa prise. Il rajusta la couverture autour de ses épaules et se leva. Harry agrippa le bas de ses robes pour le retenir, n'ayant que trop l'impression d'agir comme un enfant mais incapable de se contrôler.
Se retrouver à nouveau seul avec cette chose à l'intérieur de lui pour seule compagnie…
« Je vais simplement chercher quelques potions, Harry. » promit l'homme. « Je ne quitte pas la pièce. Peux-tu me dire quelle était la vision ? »
Il lui fallut un court moment pour se convaincre de lâcher le lourd tissu noir.
« Ollivander. » marmonna-t-il. « Vold… » Se souvenant au dernier moment de la Marque et de l'étrange pouvoir que le nom du mage noir avait dessus, il se reprit. « Il le torturait. Il veut une nouvelle baguette. Une baguette puissante. Et ensuite… »
Harry ferma les yeux. Les mots restèrent coincés dans sa gorge.
« Tiens. » murmura Severus.
Une fiole tapota gentiment son bras et il rouvrit les yeux, pris les trois potions que l'ancien espion lui tendait avec des mains tremblantes et en avala mécaniquement le contenu. L'effet fut immédiat. La migraine s'atténua, sa respiration se fit plus facile et il n'eut plus l'impression qu'il allait s'écrouler dans la seconde. Anti-migraine, potion calmante et philtre de force.
« C'est en cherchant Ollivander que Lupin a fait le choix douteux d'avaler cette potion. » expliqua l'homme, s'accroupissant à nouveau à ses côtés. « Le Professeur Dumbledore est donc déjà au courant de sa capture. »
« Il veut vous tuer. » avoua Harry. « Il veut tous nous tuer. »
Severus poussa un long soupir qui trahissait sa lassitude. Était-ce l'heure tardive ou les dernières semaines de convalescence ? L'inquiétude qu'il prenait toujours soin de lui dissimuler était gravée sur chacun de ses traits.
« Nous l'avons toujours su. » répondit calmement l'ancien Mangemort. « Rien n'a changé. »
Harry secoua la tête, se frotta le visage pour chasser la fatigue et les larmes stupides qui lui montaient aux yeux. Ils étaient impuissants. Tellement impuissants. « On aurait dû rester en soixante-quinze. On était bien là bas. On… »
« Oui. » l'interrompit Severus en posant une main sur son épaule. « Nous aurions pu et nous l'étions. Mais combien de temps aurait passé avant que nous n'ayons plus été capable de nous regarder en face ? »
Et il avait raison, bien sûr.
Il ravala donc cette terreur sourde qui lui pesait désormais quotidiennement sur l'estomac et se força à laisser échapper un bruit moqueur. « Gryffondor. »
L'accusation qui aurait auparavant enragé le Maître des Potions lui tira simplement un rictus amusé. Il déplaça sa main de son épaule à sa tête. « Serpentard. »
Harry ne récusa pas l'affirmation. Il avait passé suffisamment de mois chez les serpents pour en garder des séquelles. Il se contenta de hausser les épaules avec fatalisme. « J'ai eu un bon professeur. »
Severus émit un bruit amusé et se releva lentement, en prenant appui sur l'accoudoir du canapé. « Je dois retourner au QG. C'est une chance unique d'observer les effets de cette potion et Lupin ne devrait pas rester sans surveillance. »
« Je viens. » déclara-t-il immédiatement, en se mettant debout.
Ses jambes étaient plus engourdies qu'il ne l'avait anticipé et il chancela brièvement. Severus ne semblait pas beaucoup plus assuré sur les siennes. Ils faisaient une belle paire.
Il s'attendait à ce que le Professeur proteste mais il se contenta d'incliner la tête. « Il se peut que j'ai besoin d'un assistant. »
Harry accepta immédiatement.
Il pouvait jouer les assistants.
Tout plutôt que de rester là tout seul à ruminer des choses qu'il ne pouvait changer.
