C'est ce que j'appelle un monstre.

Non, je n'ai pas abandonné cette histoire même si j'admets que les updates sont très irrégulières. Je fais ce que je peux ;) J'espère que ce long chapitre vous plaira!

Enjoy & Review!


"I've been making a list of the things they don't teach you at school. They don't teach you how to love somebody. They don't teach you how to be famous. They don't teach you how to be rich or how to be poor. They don't teach you how to walk away from someone you don't love any longer. They don't teach you how to know what's going on in someone else's mind. They don't teach you what to say to someone who's dying. They don't teach you anything worth knowing."

Neil Gaiman The Kindly Ones

"Je travaille sur une liste de toutes les choses qu'on ne nous apprend pas à l'école. On ne nous apprend pas à aimer quelqu'un. On ne nous apprend pas à être célère. On ne nous apprend pas à être riche ou pauvre. On ne nous apprend pas à s'éloigner de quelqu'un que l'on n'aime plus. On ne nous apprend pas à deviner ce qui se passe dans la tête de quelqu'un d'autre. On ne nous apprend pas quoi dire à quelqu'un qui est en train de mourir. On ne nous apprend rien qu'il vaille le coup de savoir. »

Neil Gaiman – The Kindly Ones

Chapitre 33 : Things They Don't Teach You At School

Les réunions pédagogiques de Poudlard ressemblaient à s'y méprendre aux réunions de l'Ordre du Phoenix, les bons plats de Molly Weasley en moins.

Sirius s'avachit davantage sur sa chaise, quêtant Snape du regard de l'autre côté de la table. L'ancien Mangemort affichait un air impassible qui dissimulait mal sa contrariété et échangeait régulièrement des coups d'œil agacés avec Flitwick qui se tenait debout sur sa chaise depuis le début de la réunion, attendant poliment qu'Albus daigne leur donner la parole.

À proprement parler, la réunion n'avait pas pour but de discuter les problèmes scolaires mais, à la seconde où ils avaient pris place, Chourave s'était enquis des examens de fin d'année et chacun des professeurs installés autour de la longue table avait tenu à mettre leur grain de sel, même Binns qui flottait au-dessus de sa chaise sans bien avoir l'air de savoir ce qu'il faisait là.

Tonks, assise à la droite de Dumbledore, consultait régulièrement sa montre sans cacher son ennui. Elle était là pour représenter le Département des Aurors – et le Ministre – et avait sans doute la singulière impression de perdre son temps.

Sirius ne pouvait que compatir.

À l'extrême opposé de la table, Remus marinait dans son jus, tentant sans succès d'attirer l'attention de la jeune femme. Remus était là en tant que second de Dumbledore au sein de l'Ordre – et, du moins Sirius le supposait-il, parce que cela avait paru comme une bonne occasion pour lui de voir Tonks.

Durant les deux dernières semaines, sa cousine s'était apparemment faite rare au QG – cela il le tenait de Nyssandra, de Charlie et de McGonagall. Cette dernière s'avérait être une véritable mine d'or en termes de potins, ce qu'il n'aurait jamais deviné avant d'être intégré au corps professoral.

Pour sa part, Sirius était partagé entre une compassion toute amicale envers Remus et un agacement qui grandissait depuis un moment. Il s'était fait un devoir de rendre visite à son meilleur amis tous les deux jours pour vérifier qu'il se remettait bien de sa mésaventure et savait donc de source sûre que Lunard avait passé les quinze derniers jours déchiré entre culpabilité et mélancolie. Culpabilité d'avoir blessé Tonks et de l'avoir presque transformée. Mélancolie de ne pas avoir accès à davantage de potion et de ne pas pouvoir se transformer à loisir.

L'obsession que Remus vouait à son loup intérieur commençait sérieusement à inquiéter Sirius.

Il avait tenté d'en toucher deux mots à Snape, craignant toujours que ça ait à voir avec sa potion Révèle-Loup mais l'ancien Mangemort ne voulait rien entendre au sujet du loup-garou. Toute conversation entamée à ce sujet finissait irrémédiablement par un commentaire désobligeant et une dispute. Sirius était conscient que son ancien rival faisait, lui aussi un effort pour s'entendre mais il était tout de même fatigué de devoir toujours arrondir les angles.

La vérité était qu'être ami avec Severus Snape était épuisant et il comprenait aisément pourquoi Lily avait fini par jeter l'éponge.

« Peut-être pourrions-nous mettre ces considérations techniques de côté et nous concentrer sur l'objet de cette réunion. »

Snape n'éleva pas la voix mais son timbre dangereusement courroucé suffit à mettre un terme à l'échange vif entre Sinistra et McGonagall.

« Excuse-moi, Severus, mais cela fait des semaines que j'essaye d'obtenir une réponse au sujet des examens. » rétorqua Sinistra. « Je ne sais plus quoi dire à mes élèves. Alors pour une fois qu'on a une employée du Ministère sous la main… »

Tonks sursauta comme prise en faute, n'ayant probablement pas du tout suivi la conversation. « Je ne suis pas là pour ça. »

« L'Auror Tonks est ici pour discuter des contingences à mettre en place en cas d'attaque. » rappela Dumbledore. Lui aussi avait jusque là gardé le silence, perdu dans ses pensées. « Les examens ne sont actuellement pas notre priorité. »

« Les vacances d'été approchent. » insista Sinistra.

« Le Ministère est débordé. » répondit Tonks dans un haussement d'épaules. « Toutes nos ressources vont à l'effort de guerre. Les examens… »

« De toute manière, il semble exclu de renvoyer les élèves chez eux dans l'immédiat, vacances ou pas. » intervint McGonagall. « N'est-ce pas la raison de notre présence aujourd'hui ? »

Cela jeta un froid.

Les attaques éclair s'étaient multipliées au cours des dernières semaines. Villes Moldues, communautés magiques… Il y en avait eu au moins une tous les deux jours. Attaque de loups-garous, de Mangemorts, de Détraqueurs… Il y avait même des rumeurs à propos d'une armée d'Inféris… Une seule chose était certaine, la Marque des Ténèbres brillait dans le ciel aux quatre coins du Royaume-Unis et le Ministère de la Magie peinait à faire face.

Cette fois-ci, Snape croisa brièvement le regard de Sirius. Il ne le soutint pas longtemps, ce n'était pas nécessaire, ils étaient sur la même longueur d'onde. Dumbledore prévoyait toujours de renvoyer Harry chez les Dursley cet été. Quelques semaines au minimum, avait déclaré le directeur, répétant à loisir son abracadabrante excuse de la protection que le sang de Lily conférait au garçon et qu'il fallait renouveler.

Ni Snape ni Sirius n'était d'accord avec ça et Sirius avait d'ors et déjà entamé des démarches afin d'officiellement récupérer la garde de son filleul ce qui semblait singulièrement contrarier Dumbledore. Comme Tonks venait de le rappeler cependant, le Ministère avait d'autres priorités pour le moment et la lenteur bureaucratique se faisait sentir dans toute sa splendeur.

Il avait proposé de kidnapper Pétunia Dursley s'il était vraiment nécessaire qu'Harry passe quelques semaines en sa compagnie mais le vieux sorcier n'avait pas réellement apprécier sa boutade. Il avait, en revanche, brillé un tel éclat dans les yeux de Snape que Sirius devinait qu'une excursion sauvage à Little Whinging n'était pas totalement exclue.

Snape se racla la gorge. « Albus, pouvons-nous commencer ? Certains d'entre nous ont des choses plus importantes à faire qu'écouter Aurora ressasser ad vitam aeternam des problèmes triviaux. »

Sinistra manqua s'étouffer d'indignation mais plus d'un enseignant autour de la table masqua un sourire ou étouffa un éclat de rire. Même Slughorn qui paraissait bien taciturne ces derniers temps marqua un mouvement amusé.

« Certes. » approuva le directeur avec un regard désolé pour le professeur d'Astrologie. « Sans vouloir vous offenser, ma chère. La raison pour laquelle j'ai organisé cette réunion est très simple. Il semble probable que Volde… » Dumbledore s'interrompit brusquement. Snape s'était tendu comme un arc et avait replié le bras gauche vers sa poitrine dans un geste instinctif qui fit froncer les sourcils à Sirius. La Marque. Avec un instant d'incertitude, le vieux sorcier se reprit. « … que Poudlard soit une cible. J'ai donc demandé à Filius et à Severus d'élaborer un plan si le pire devait se produire, raison pour laquelle j'ai invité le Ministère et l'Ordre à assister à nos échanges. »

Il y eut un long silence autour de la table.

Ni Tonks, ni Remus n'étaient particulièrement surpris, Sirius en déduisit donc qu'ils étaient déjà au courant. McGonagall ne trahit aucun mouvement de surprise non plus.

Ce fut Slughorn qui posa la question que tous les autres pensaient tout bas. « Tu ne penses pas que les protections du domaine suffiront ? »

« Nous les avons encore renforcées… » renchérit Chourave d'un ton hésitant. « Elles n'ont jamais été plus robustes… »

« Robuste ne signifie pas impossible à briser. » rétorqua Snape.

Flitwick approuva d'un hochement de tête. « Severus et moi avons passé des jours à étudier les protections et nous sommes tous les deux d'accord. Elles nous protègent d'une intrusion mais si une armée se masse au portail ou à la limite de la Forêt Interdite… »

« Les centaures ne permettraient jamais… » remarqua Pomfresh avec espoir.

« Hagrid tente de négocier une alliance avec eux, toutefois… » soupira Albus, en faisant signe au demi-géant installé en bout de table, derrière Remus de prendre la parole.

« Ils ne sont pas très emballés. » marmonna Hagrid avec une grimace.

« Les protections nous permettrons de gagner du temps en cas d'attaque frontale. » reprit Snape. « Suffisamment, espérons-le, pour évacuer les élèves. Il serait néanmoins naïf et stupide de croire qu'elles suffiront. Si Poudlard est attaqué… »

« Poudlard ne doit pas tomber. » interrompt Dumbledore. Son ton ne souffrait d'aucune controverse et Sirius, tout comme bon nombre d'autres, se tendit. « Le Ministre et moi-même sommes d'accord sur un point : si le Ministère est attaqué, une évacuation immédiate est la seule option. Les locaux en eux-même ont peu d'importance. »

Tonks tiqua. « Les coffres sous le Ministère… »

« Tous les artéfacts sensibles en possession du Ministère ont déjà été envoyé à Gringotts. » anticipa le vieux sorcier. « Vol… »

Une nouvelle fois Dumbledore s'interrompit. Ce coup-ci, il jeta un coup d'œil à Snape. Tout le monde observait Snape, à présent. Certains avec curiosité, d'autres avec méfiance. Personne n'aimait se rappeler qu'il portait une Marque des Ténèbres.

« Dites son nom et qu'on en finisse. » siffla l'ancien Mangemort, probablement agacé d'être la cible de tous les regards. « Je survivrai. »

« Il ne trouvera aucune arme au Ministère. » conclut Dumbledore comme si le Maître des Potions n'avait pas ouvert la bouche.

« Il n'y a pas plus d'armes à Poudlard. » remarqua McGonagall. « La priorité est de protéger nos élèves bien entendu mais… »

« Poudlard est un symbole. » contra le directeur. « Plus que cela, Poudlard est probablement l'endroit le plus sûr du pays. Si le pire devait arriver, l'école doit demeurer un havre dans la tempête où les sorciers pourront venir se réfugier. Il est exclus de perdre le château. S'ils attaquent, nous nous battrons. »

Il y eu un long, long silence.

« Nous ne sommes pas des Aurors ! » s'exclama soudain Trelawney, oubliant de s'exprimer avec son cinéma habituel. « Nous ne serons que de la chair à canon ! »

Le regard perçant de Dumbledore se posa sur elle et s'adoucit. « Je ne forcerai personne à se battre, bien entendu. Il est, de toute manière, exclu d'évacuer les élèves sans aucune protection. Les Professeurs qui désirent les accompagner sont libres de le faire, Sybille, cela va sans dire. »

« Je resterai. » déclara McGonagall.

« Moi aussi. » renchérit Chourave, après un court silence.

Sirius se contenta de lever la main avec un sourire désinvolte. Il fut imité par Madame Bibine, Flitwick, Sinistra, Hagrid et la grande majorité des autres. Après un long moment de considération, Slughorn leva lui aussi la main à la surprise générale.

Dumbledore salua le geste d'un signe de tête puis se tourna vers Snape. « Severus. »

Snape n'avait pas levé la main mais il était évident pour tout le monde qu'il ferait partie des combattants. Il n'était pas encore tout à fait remis de ses blessures, il conservait un léger boitement de sa mésaventure et ses mains tremblaient toujours, bien que de manière moins prononcées, mais personne ne s'attendait à ce qu'il fuit pour autant.

Remerciant le directeur d'un hochement de tête de lui avoir donné la parole, il déplia d'un coup de baguette le large parchemin abandonné au centre de la table qui s'avéra être une carte géante de Poudlard.

Pas aussi détaillée que la Carte des Maraudeurs mais extrêmement précise tout de même.

Sirius échangea un coup d'œil avec Remus et ne réprima pas un sourire complice lorsqu'il vit que son meilleur ami était arrivé à la même conclusion.

« Filius et moi estimons que les protections nous ferons gagner en moyenne entre une demi-heure et une heure selon la force employée par l'ennemi. » déclara Snape, en lissant le parchemin du plat de la main.

« Si peu ? » s'étonna McGonagall. L'ancien Mangemort pinça les lèvres, visiblement irrité d'avoir été interrompu, et la Directrice des Gryffondors lui jeta elle-même un coup d'œil ennuyé. « J'ai tout de même le droit d'être étonnée, Severus. »

« Nous avons choisi de considérer le pire des scénarios, Minerva. » intervint Flitwick. « Si Vous-Savez-Qui entrait lui-même dans la danse… Il ne fait aucun doute qu'il serait amène de briser les protections aussi rapidement qu'Albus pourrait le faire. Il suffit d'une seule brèche… »

« Une demi-heure. Une heure, tout au plus. » insista Snape. « Si nous avons davantage de temps, tant mieux. Il me semble plus judicieux de nous préparer au pire. »

McGonagall acquiesça. « Comment évacuerons-nous les élèves ? »

« J'y viens. » gronda l'ancien Maître des Potions, en agitant sa baguette. Des traits lumineux apparurent sur la carte, illuminant une partie des cachots. « Il y a une cinquante de tunnels sous les cachots, bon nombre d'entre eux finissent leur course sous le lac, trois ou quatre débouchent aux alentours de Pré-au-Lard. »

« Des tunnels ? » releva Remus. « Quand ont-ils été… »

« Lis L'Histoire de Poudlard sur ton temps libre. » cingla Snape. « L'important, c'est que ces tunnels ont été construits justement pour permettre d'évacuer les élèves en cas de siège. Le problème est qu'ils datent du Moyen-âge et sont en ruine. »

« En l'état, le seul que je trouve fiable est celui-ci. » renchérit Flitwitck, en touchant à son tour le parchemin du bout de sa baguette. Les tracés lumineux de Snape se rejoignirent en un seul, surlignant un trait fin qui serait autrement passé inaperçu. « Je m'emploierai à le renforcer dès demain. Minerva, votre aide me serait précieuse. »

McGonagall accepta immédiatement.

« Nous pensions qu'un groupe de professeurs, ceux qui ne souhaitent pas se battre, et les préfets pourraient se charger de guider les enfants. » reprit Snape, sans intonations particulières pour ceux que Sirius aurait, lui, qualifié de déserteurs. « Les élèves majeurs pourront rester et aider s'ils le désirent. »

« Albus. » protesta immédiatement la Directrice des Poufsouffles.

« Nous pourrons compter sur l'Ordre du Phoenix. » grinça l'ancien Mangemort avant que le Directeur ait pu ouvrir la bouche. « Nous ne savons pas si le Ministère enverra ses Aurors ou même si ses Aurors pourront nous rejoindre à temps. »

« Nous viendrons. » contra Tonks. « Si Poudlard a besoin de nous… »

« Combien d'Aurors compétents reste-t-il, Nymphadora ? » se moqua Snape sans hostilité. Il secoua la tête. « Si nous en venons à nous battre ici, nous aurons besoin de toutes les bonnes volontés. » L'homme balaya la pièce de ses yeux sombres, notant sans doute que plus d'un des professeurs n'approuvait pas l'idée de laisser des élèves se battre. « Croyez-vous que cela me plaise plus qu'à vous ? Je ne suis pas en train de suggérer de laisser se batte des première et des deuxième années, restreignons-nous simplement aux septième années si cela vous agrée davantage. Pour ma part, je pense que tous les élèves majeurs devraient avoir le choix, sixième et septième année confondues. À eux de décider, ce n'est plus seulement notre guerre. »

Les regards se tournèrent vers Dumbledore dont les yeux étaient perdus dans le vide. Lorsqu'il s'aperçut qu'il était le centre de l'attention, le vieux sorcier eut une moue de regret.

« Je pense que Severus a raison. » déclara l'homme. « Tout le monde devrait avoir le choix. »

« Les sixième et les septième années majeurs uniquement. » répéta rapidement Snape, en le foudroyant du regard.

Il fallut une seconde à Sirius pour comprendre le sous-entendu et il serra les poings, agacé que Dumbledore cherche toujours à impliquer Harry davantage.

« Très bien. » lâcha Remus, après s'être raclé la gorge. « Les plus jeunes élèves s'enfuient par les tunnels guidés par les préfets et un groupe de professeurs. Comment nous assurons-nous de ne pas perdre l'école ? »

« Un ancien sortilège. » répondit Flitwick avec une excitation perceptible. « Très difficile à mettre en place sans les bons éléments mais je pense que c'est réalisable. Quelqu'un a-t-il entendu parler de la sphère de Troie ? »

Sirius grimaça. « Je ne suis pas expert en histoire mais est-ce que ça n'a pas très mal fini pour les sorciers de Troie ? Une sombre histoire de cheval… »

Il jeta un coup d'œil vers Binns mais lorsqu'il n'était pas question des guerres de gobelins, le fantôme n'était guère prolixe.

« La sphère de Troie a fonctionné pendant des siècles avant la chute de la cité. » démentit Flitwick. « À vrai dire, il y a une théorie selon laquelle la seule raison pour laquelle… »

« Filius. » interrompit Snape avec un soupir agacé. « Peut-être pourrions-nous nous en tenir aux faits ? »

Le Professeur de Sortilèges eut l'air légèrement déçu mais se reprit très vite. « Bien sûr. La sphère de Troie fonctionne selon un concept très simple. Il faut cinq sorciers pour jeter et maintenir le sort, des ancres si vous préférez, il en résultera un dôme impénétrable. »

« Nous ne pourrons couvrir que le château et une infime partie du domaine. » avertit Severus. « Plus le sortilège est étendu plus il est dur à maintenir. Ce sera aux Professeurs, aux Aurors et aux membres de l'Ordre de repousser les Mangemorts hors du parc. Je suggère que nous minions autant que possible les alentours du châteaux dans cette éventualité. La riposte devra être rapide et efficace. »

« J'ai une plante ou deux qui devraient faire l'affaire. » proposa Chourave.

Snape approuva d'un hochement de tête. « Nous devrions tous y contribuer selon nos spécialités. J'ai une formule de potion incendiaire que j'espérais tester… »

S'en suivit un brouhaha où tout le monde donna son avis. Hagrid était particulièrement enthousiaste à l'idée de commander quelques créatures monstrueuses avides de chair humaine – incomprises, cela allait sans dire.

« Qu'en est-il précisément de ces ancres, Filius ? » s'enquit Dumbledore au bout d'un moment, lorsque les idées commencèrent à se tarir. « Ceux qui devront maintenir le sortilège ? »

Flitwick et Snape échangèrent un long regard.

« Ça ne peut pas être n'importe qui. » expliqua le Professeur de Sortilèges de but en blanc. « Pardonnez-moi pour ce que je vais dire mais maintenir le sortilège est épuisant et ne serait-ce que le jeter demande une puissance magique qui n'est pas accessible à tout un chacun. En conséquence… »

« En conséquence, vous avez déjà une liste de candidats. » termina simplement Dumbledore.

« Cinq ancres sont nécessaires. » déclara Snape. « Idéalement, je placerai les quatre à chaque point cardinaux du domaine. Ici, ici, ici et ici. » Quatre points lumineux dansèrent sur la carte. Un au niveau du hall d'entrée, un au sommet de la tour nord, un au pied de l'aile est et le dernier dans une des petites courts au sud. « Le cinquième… » L'ancien Mangemort hésita. « Le cinquième au sommet de la tour d'Astronomie. » Un cinquième point lumineux s'alluma au centre de ce qui s'apparentait à un losange irrégulier. « Cette personne là sera la clef de voute du sortilège. Nous pourrons peut-être maintenir la sphère sans un des points cardinaux mais sans la clef de voute, le sortilège ne tiendra pas plus d'une poignée de minutes. »

« Il s'agit du point le plus éreintant. » renchérit Flitwick. « Ce sorcier-là devra avoir une puissance magique bien supérieure à la norme. »

Tout le monde avait compris ce que Snape et Flitwick sous-entendaient pourtant Dumbledore avait l'air serein des grands jours.

« Severus, donc. » lâcha le vieux sorcier.

Snape eut l'air sincèrement surpris l'espace d'un moment puis cela disparut derrière une expression lisse et quelque peu froide. « Vous me flattez mais je serais loin d'avoir les capacités magiques nécessaires même sans considérer les récents… évènements. Cela doit être vous. »

« En cas d'attaque, je veux pouvoir être mobile. » refusa Dumbledore. « Quelqu'un doit superviser les troupes au sol et je suppose que vous comptiez vous-même être l'une des ancres…. »

Snape fronça les sourcils. « Lupin peut se charger de coordonner nos défenses. Vous n'avez pas l'air de comprendre… Vous êtes le seul avec la puissance magique nécessaire. Le seul autre sorcier capable d'un tel exploit serait le Seigneur des Ténèbres. Il y a une raison pour laquelle ce sortilège est pratiquement tombé dans l'oubli. »

Dumbledore et Snape s'affrontèrent si longtemps du regard que Sirius commença à se demander s'il se jouait une bataille de Legilimencie derrière leurs expressions neutres.

Au final, le vieux sorcier détourna les yeux le premier. « Sans vouloir offenser Remus, je n'aime pas l'idée de ne pas être aux commandes en cas d'attaque. D'autant plus si vous n'êtes pas en état de donner les ordres qui s'imposent. »

« Albus… » siffla Snape avec une colère rentrée. « Ce plan entier repose sur… »

« J'entends bien, Severus. » l'interrompit Dumbledore. « Je sais exactement qui peut servir de clef de voute. À vrai dire… Cela résoudra plus d'un problème… Oui, oui… Cela fera parfaitement l'affaire. »

Un murmure parcourut la pièce mais le directeur ne sembla pas s'en rendre compte. Il se caressait pensivement la barbe, à nouveau perdu dans ses pensées.

« Vous connaissez un sorcier aussi puissant que vous et Vous-Savez-Qui et vous n'avez jamais eu l'idée de… Je ne sais pas… Lui proposer de rejoindre l'Ordre du Phoenix ? » grinça McGonagall. « Vraiment, Albus… »

Dumbledore lui jeta un regard amusé mais, qu'importe combien de questions lui furent jetées au visage, il refusa de s'expliquer.

« Les ancres ? » invita-t-il Snape à poursuivre.

« Les ancres… » reprit l'ancien Mangemort avec une irritation croissante. « … seront entièrement vulnérables durant toute la durée du sortilège. Nous les positionnerons dans des endroits reculés, toutefois je suggère fortement de leur attribuer un partenaire qui sera chargé de les protéger et qui, si le siège devait se prolonger, sera capable de les relayer. » Il prit appui sur la table pour se lever et désigna du bout de sa baguette le point lumineux situé dans le hall d'entrée. C'était très clairement la position la plus risquée. « Je me tiendrais ici. » Il jeta un regard furtif à Tonks, parut hésiter l'espace d'une seconde, pourtant il n'y avait aucune incertitude dans sa voix lorsqu'il reprit. « Black, je suppose que je ne peux pas te convaincre de t'enfuir avec les élèves ? »

Avec Harry, voulait-il dire.

Sirius secoua la tête. Il comprenait la nécessité de protéger Harry mais, tout comme Snape semblait-il, il n'était pas décidé pour autant à passer la totalité de la guerre loin du front.

Le Maître des Potions ne parut pas surpris outre mesure. Il accueillit cette déclaration d'un hochement de tête. « Dans ce cas, tu seras avec moi. »

De toutes les personnes qu'il aurait pu choisir…

À nouveau il y eut une série de murmures dans la pièce, leur rivalité étant légendaire. Remus ne semblait pas particulièrement enchanté par ce développement et même Tonks paraissait un peu contrariée.

« Compte sur moi. » répondit-il sobrement, conscient que c'était une énorme preuve de confiance de la part de Snape mais peu sûr de comment y répondre.

L'homme ravala à grand peine une remarque acerbe et continua, ignorant les chuchotements curieux.

« Filius prendra le sud. » enchaina Snape. « Avec Bill Weasley s'il est d'accord. Au nord… » L'ancien Mangemort leva les yeux et croisa le regard de la Directrice des lions. « Minerva ? »

McGonagall n'hésita pas, ne serait que l'espace d'une seconde, avant d'acquiescer.

Sirius se demanda si elle réalisait que, mis à part la tour d'Astronomie, la tour nord serait l'endroit le plus sûr et que Snape l'avait sûrement conçu ainsi du départ.

« Aurora, tu iras avec elle. » ordonna Snape, sans un regard pour l'autre professeur.

« Je ne suis pas si puissante… » objecta Sinistra avant de grimacer. « Je veux dire… Vous avez dit qu'il fallait être puissant et… »

« Minerva l'est pour deux et tu ne seras pas non plus un atout sur le champ de bataille. » rétorqua le Maître des Potions sans douceur ou délicatesse. « Tactiquement parlant, c'est le choix le plus sensé. Si besoin est, tu devrais pouvoir la remplacer quelques heures. Si cela ne fonctionne pas, nous trouverons quelqu'un d'autre. »

« Je pourrais le faire. » proposa Tonks timidement.

« Je l'ai considéré. » répondit Snape, nettement moins sèchement. « Toutefois, je préfère te savoir en protection du mystérieux ami d'Albus. En espérant qu'il ne soit pas un produit de son imagination. »

Dumbledore parut plus amusé que blessé par la remarque.

« Et la dernière ancre ? » s'enquit McGonagall.

« Nous pensions à Kingsley Shacklebolt. » offrit Flitwick. "Il a la puissance magique nécessaire."

"Certes, néanmoins, cela nous prive d'un combattant expérimenté. » contra Snape. « Nous n'avions pas escompté… » Les yeux sombres se dirigèrent vers Slughorn qui, malgré sa masse imposante, avait un don certain pour se faire oublier. « Horace ? »

Il y avait quelque chose de menaçant dans le sifflement de Snape et une certaine rancœur sur le visage de Slughorn. Sirius soupçonnait que cela n'avait rien à voir avec le fait que le vieux professeur ne cessait de récupérer son ancien poste de Directeur de Maison au nez et à la barbe de Snape.

« Je ne sais s'il s'agit d'un compliment ou d'un arrêt de mort. » commenta Slughorn, pince-sans-rire. « Mais oui, j'accepte. Pomona, me serviras-tu d'escorte ? »

« Naturellement. » accepta Chourave.

« Bien. » approuva Snape. « Shacklebolt pourra ainsi diriger les Aurors au sol. Nymphadora, la Tour d'Astronomie sera sous ta protection, il te faudra des renforts, fais ton choix. Lupin, tu coordonneras l'Ordre. Albus, il faudra également prévoir un endroit où évacuer les enfants une fois sortis du château. Par portoloins peut-être. »

Dumbledore hocha la tête avant de taper dans ses mains et de les frotter avec un sourire bien trop jovial.

« Eh bien, c'était une réunion très productive. Bon travail, mes amis. » déclara le directeur. « Retrouvons nous à la même heure la semaine prochaine afin d'affiner le plan. » Il se leva, mettant ainsi effectivement terme à la réunion. « Severus, n'oubliez pas notre rendez-vous tout à l'heure. Minerva, accompagnez-moi, voulez-vous ? »

Les professeurs se levèrent tous, la plupart s'attardèrent pour bavarder avec un collègue ou un autre, Sirius vit Remus bouger aussi si vite qu'il le pouvait sans attirer l'attention générale et fit sagement le tour de la table tout aussi rapidement de sorte que lorsque son meilleur ami atteignit Tonks, il se tenait déjà à côté d'elle.

Elle leur jeta à tous les deux un regard contrarié mais leva à peine les yeux vers Remus. Elle enfila son blouson en jean déchiré au coude sans un mot.

« Dora… » grimaça Remus. « Je voudrais m'excuser. »

« Pour changer. » marmonna-t-elle, sans lui accorder un regard.

Sirius fit discrètement signe au loup-garou de lâcher l'affaire mais ce dernier préféra l'ignorer.

« Peut-être pourrions-nous faire le chemin jusqu'au portail ensemble ? » proposa Remus, en esquissant un geste vers elle. « J'aimerai vraiment… »

Il s'interrompit lorsque Tonks bondit en arrière, baguette au poing et braquée droit sur lui. Les conversations s'étaient interrompues dans la pièce et tout le monde les observaient, abasourdis par ce rebondissement de situation. Remus leva les deux mains en signe de paix mais la respiration de la jeune femme demeura hachée.

« Allons-y. » décréta Sirius, en poussa gentiment Remus vers la sortie. Il fusilla les professeurs qui trainaient encore dans la salle du regard. « Il n'y a rien à voir ! »

La tête de mule de loup-garou refusa de bouger d'un iota. « Dora… »

« Puis-je te voler une minute de ton temps ? C'est à propos de Mr Malfoy. » s'enquit Snape.

Sirius manqua sursauter. L'espion s'était glissé dans son dos à son insu et se tenait à présent près de Tonks, à qui il s'était adressé comme s'il ne s'était rien passé de choquant ces dernières secondes.

« Oui. » acquiesça-t-elle immédiatement d'une voix légèrement tremblante qu'elle s'efforça de raffermir d'un raclement de gorge. « Oui. Raccompagne-moi au portail. »

D'autres avaient été assassinés pour moins que ça mais il semblait que Snape avait réellement sa cousine à la bonne parce qu'au lieu de s'insurger car elle lui donnait des ordres, il la guida hors de la pièce d'une main galamment posée au creux de son dos.

Sirius fronça les sourcils puis haussa les épaules, se tournant vers le loup-garou qui semblait fulminer.

« Laisse-la tranquille, Lunard. » exigea-t-il plus qu'il ne conseilla. « C'est terminé et, franchement, après ce qui s'est passé, tu ne peux pas lui en vouloir d'avoir besoin d'espace. »

« De quel côté es-tu ? » gronda le loup.

« De nous deux, c'est moi l'idiot. » rétorqua-t-il. « Ne me vole pas mon rôle. »

Remus se rembrunit mais lui emboîta le pas lorsqu'il quitta la pièce, enfonçant les mains dans ses poches. « Je voulais simplement m'excuser. Il faut toujours qu'il se mette entre nous. »

« Qui ? Snape ? » se moqua-t-il. « Ne me dis pas que tu es jaloux de Snape ? »

L'idée était tellement ridicule qu'il manqua s'en étouffer de rire, ce qui agaça d'autant plus le loup-garou.

Deux étages plus bas, Sirius riait toujours à en avoir mal au ventre.

°O°O°O°O°O°

Lorsque Severus ouvrit le portrait qui gardait l'entrée de ses appartements deux heures après la fin de la réunion, ce fut pour trouver Black hilare dans le couloir.

Il leva un sourcil interrogateur, ses muscles se contractant par réflexe. Son corps avait depuis longtemps appris qu'un Sirius Black riant aux éclats était une source potentielle de danger. Il attendit le Servillus moqueur qui ne vint pas. L'Animagus prit plusieurs profondes inspirations pour parvenir à se contrôler, pouffa une fois ou deux puis s'essuya les yeux avec un soupir qui se transforma à moitié en gloussement.

Ridicule et indigne.

Mais qu'attendait-il d'autre de Black ?

Severus s'effaça pour le laisser entrer, vérifiant par habitude que le couloir était désert avant de refermer le portrait. Il n'attendait pas Harry avant plusieurs heures encore.

« Je crains de poser la question. » ironisa-t-il, agacé de voir que Black se sentait apparemment suffisamment à l'aise dans ses quartiers pour attraper un livre abandonné sur une table basse et l'inspecter avant de le reposer.

Ravalant une remarque peu amène, Severus choisit de se diriger vers la cuisine, laissant le cabot le suivre.

« Désolé, c'est juste que… Remus est jaloux de toi. » expliqua Black et, à nouveau, il éclata de rire.

Son rire, décida Severus, sonnait comme un aboiement.

« Il pense que Tonks en pince pour toi. » rajouta l'Animagus après coup.

Espérer cacher leur liaison au loup-garou était certainement trop en demander. Outre l'odorat et l'ouïe supérieurs à la norme, Remus Lupin n'avait jamais manqué de jugeote.

« Hilarant, en effet. » commenta-t-il sans intonation particulière.

Les intonations qu'il aurait aimé donner à cette phrase, il les occluda, comme il avait occludé la colère plus tôt en salle de réunion.

Il avait fallu de longues minutes avant que Nymphadora ne cesse de trembler sur le chemin du portail. Elle n'avait pas offert d'explications et il n'avait pas ressenti le besoin d'en demander. Il était parfaitement au fait d'à quel point se retrouver nez à truffe avec un loup-garou était terrifiant – et, lui, n'avait pas fait l'expérience de devoir supporter le poids d'un prédateur le clouant au sol pendant plus d'une demi-heure.

Elle s'était réveillée en sueur la plupart des nuits qu'ils avaient passées ensemble depuis l'incident et il n'était pas bien difficile d'imager le sujet de ses cauchemars bien qu'elle n'ait jamais souhaité en discuter ouvertement. En règle générale, elle se contentait de se recoucher, de se blottir contre lui et d'enfouir son visage dans son cou jusqu'à ce qu'elle cesse de trembler et se rendorme. Cela ne faisait que rajouter à la fatigue de la jeune femme – et à la sienne par-dessus le marché – et la fatigue était un facteur dangereux de leurs jours étant donné ce qui se tramait là dehors. Il ne se passait pas un jour sans qu'il y ait une escarmouche.

Alors, lorsqu'il avait vu Lupin s'approcher plus tôt, tenter de la toucher, il avait vu rouge et avait dû s'empêcher de lui jeter un sort qui l'enverrait voler à travers la fenêtre et droit dans le lac. Avec un peu de chance, le calamar géant en aurait fait son quatre heure.

Ce n'était pas de la jalousie, simplement un besoin pathologique de protéger les personnes qu'il…

« Thé ? » proposa-t-il pour se distraire, envoyant déjà la bouilloire sur le feu et sortant manuellement les tasses du placard. C'était un bon exercice pour ses mains.

« Tu n'as rien de plus fort ? » demanda Black, en se laissant tomber sur l'une des chaises qui entouraient la petite table carrée nichée dans un coin de sa cuisine. « Je n'aurais rien contre un Whiskey-Pur-Feu. »

« Je ne bois pas. » répondit-il, s'en tenant là.

Black leva les yeux au ciel et tira son paquet de cigarettes de sa poche. « Tu ne bois pas, tu ne fumes pas, tu ne baises pas… Pas étonnant que tu ais toujours l'air aussi coincé. »

« Épargne-moi tes vulgarités. » cingla-t-il, s'adossant au comptoir de la cuisine. Il croisa les bras devant lui, en partie pour dissimuler les tremblements de ses doigts.

Les deux dernières semaines avaient été salutaires pour sa santé, le fait qu'il ait enfin récupéré la maîtrise de sa magie avait grandement aidé son moral et sa récupération physique s'en était trouvée grandement améliorée. Ses mains n'étaient toujours pas entièrement dextres mais la potion qu'il avait créée et à laquelle il avait, par l'intermédiaire de Granger et de Draco, fait quelques ajustements s'avérait extrêmement efficace. Il n'escomptait pas retrouver un jour un plein contrôle, ses jours de potioniste étaient derrière lui bien qu'il peinât toujours à en faire le deuil. Toutefois, son corps s'était peu à peu remis et mis à part la dégénérescence des nerfs de ses mains et une raideur ponctuelle dans sa jambe gauche, il ne gardait pas d'autres séquelles de ce qui aurait dû être sa mise à mort.

Il était conscient que ça aurait pu être bien pire.

Cela ne l'aidait pas tout à fait à accepter la situation mais il en était conscient.

« Des nouvelles du Ministère ? » s'enquit-il.

Il s'imaginait déjà glisser les papiers de tutelle sur le bureau d'Albus, l'expression sur le visage du vieux sorcier… Échec et Mât.

Black lui jeta un coup d'œil distrait puis tapa le bout de sa cigarette contre la table pensivement. « Non. Je sais qu'ils ont leurs propres problèmes mais je commence à penser… »

« Qu'Albus a fait jouer de ses relations pour retarder les choses ? » termina-t-il dans un grincement. « Comme tu es brillant, Black. »

Une nouvelle fois, l'Animagus leva les yeux au ciel avant de porter la cigarette à ses lèvres et de l'allumer avec sa baguette. Il ôta la tasse de sa coupelle et se servit de celle-ci comme d'un cendrier.

Severus serra les dents et énuméra silencieusement toutes les raisons pour lesquelles il avait besoin de ce cabot mal élevé comme allié.

« J'irai faire un tour au Ministère en personne. » déclara Black. « Et, si besoin, j'airai voir la Gazette. Il faut bien que ma célébrité serve… » Le ton badin disparut lorsqu'il leva la tête vers Severus. « Aucune chance que tu fasses changer Dumbledore d'avis pour ce soir ? »

La bouilloire se mit à siffler et cela lui donna l'excuse rêvée pour se détourner de l'Animagus. Il occluda sa colère et son impuissance, s'obligeant à ne trahir aucun signe d'énervement. Contrôler son mauvais caractère était difficile ces temps-ci, particulièrement quand Albus semblait prendre plaisir à le contrarier.

La chasse aux Horcruxes

Tous ses refus les plus nets et toutes ses tirades incendiaires à propos du rôle qu'Harry devait pour l'instant jouer dans cette guerre s'étaient soldés par l'offre peu alléchante de prendre un bonbon au citron.

Severus en était venu à espérer que le vieux sorcier s'étouffe avec.

« Cela serait plus simple si Harry n'était pas si impatiemment de prendre part à la mission. » répliqua-t-il. « En l'état… C'est déjà un miracle que j'ai été autorisé à les accompagner. Je suis certain qu'Albus avait prévu une sortie initiatique immanquablement traumatisante. »

Parce que c'étaient bien là les sorties scolaires qu'Albus Dumbledore affectionnait le plus.

Black laissa échapper un bruit agacé mais ne commenta pas, pas plus heureux de la situation que Severus ne l'était.

« Harry t'a parlé de ses craintes à propos de… » Black s'interrompit brusquement. « On peut parler ici ou… »

Severus lui adressa un regard dédaigneux. « Mes appartements sont toujours protégés par tous les sorts anti-intrusions possibles, Black. Tu m'en vois navré si tu ne vois pas la nécessité de prendre les mêmes précautions. »

Il se demanda brièvement si l'ancien fugitif battrait son record et lèverait à nouveau les yeux au ciel pour la troisième fois en quinze minutes mais Black se contenta de tirer sur sa cigarette avec une grimace.

« Frimeur. » lâcha le Gryffondor.

Tire au flanc, faillit-il répondre. Faillit seulement. Il ne se lancerait pas dans une joute verbale puérile qui aurait autrement pu être qualifiée d'amicale avec son ancien rival. Certainement pas.

« Harry a peur que l'Horcruxe puisse le posséder. » lâcha Black. « Il me l'a dit le soir où Remus… J'ai essayé de lui en reparler depuis mais il évite le sujet. Il m'évite tout court d'ailleurs si tu veux mon avis. »

Severus fit léviter la bouilloire qui vint remplir la théière.

« J'ai déjà discuté de cela avec lui, il y a un moment de cela… Une possession me semble peu probable tant qu'il n'est pas le dernier Horcruxe restant… » déclara-t-il. « Je pensais que ses craintes étaient apaisées. Je lui parlerai. » Une fois que la théière fut pleine et que le sort ne demandait plus son attention, il plaça les mains sur la table et se pencha légèrement en avant pour mieux toiser l'Animagus avec une expression sévère. « Pourquoi t'éviterait-il ? Qu'as-tu encore fait ? »

Black avait le regard fuyant des grands jours. « Bill ne devrait pas déjà être là ? Il est en retard, non ? »

« Mr Weasley a encore trois minutes pour être à l'heure. » riposta-t-il, sans daigner jeter un coup d'œil à l'horloge. « Et tu me caches quelque chose. »

L'Animagus grimaça et se tortilla nerveusement sur son siège avec un air coupable. « Il est possible qu'il ait vu quelque chose qu'il n'aurait pas dû voir… »

« Comme ? » siffla-t-il.

Black soupira et écrasa sa cigarette dans la soucoupe. « J'étais occupé avec Nyssa et on ne l'a pas entendu arriver. La porte n'était pas fermée. Il n'a rien vu de bien traumatisant mais je suppose qu'à sa place j'aurais du mal à regarder mon parrain en face, moi aussi. »

Severus pinça les lèvres à s'en faire mal, autant parce qu'il était en colère que pour réprimer un rictus amusé. Mieux valait Black que lui.

« Oh, ça va… » s'énerva l'Animagus, en s'empourprant. « On ne peut pas tous être des exemples de vertu. »

« Rassure-toi. Personne ne t'accusera jamais de posséder une quelconque once de vertu. » se moqua-t-il.

Des coups au portrait mirent un terme à cette conversation et Severus se redressa pour aller ouvrir.

« Tu es sûr que tu veux lui dire ? » lâcha Black, nerveux pour d'autres raisons à présent. « L'espion court toujours et… »

« Bill Weasley n'est pas l'espion. » l'interrompit-il. « Et son expérience ne serait pas superflue. S'il a les capacités de se protéger contre un assaut mental… »

« Plus il y a de gens dans la confidence, plus il y a de risques que Dumbledore l'apprenne. » lui rappela inutilement l'Animagus.

Une autre série de coups frappés au portrait le firent se diriger vers le couloir, non sans un dernier regard pour le parrain de son fils. « Contente-toi de me laisser parler. »

Sirius Black leva à nouveau les yeux au ciel, brisant son record.

Bill avait les bras chargés de marmites et autres récipients de cuisine et lui jeta un regard presque désespéré derrière la pile de plats. « J'ai dit à maman que vous aviez apprécié sa cuisine. »

Severus cilla, masquant son amusement derrière une expression neutre. « Black ! »

L'Animagus arriva au pas de course, alarmé peut-être, et leva immédiatement les sourcils lorsqu'il aperçut le jeune homme. Il le soulagea immédiatement de quelques plats, cachant mal son intérêt soudain pour ce qui s'y trouvait.

« Ça fait des mois que je n'ai pas vu ta mère ! » s'exclama Black. « Comment va-t-elle ? Est-ce qu'elle se remet ? »

Au moins, songea Severus en refermant le portrait derrière Bill, avait-il pris le soin de prendre un ton plus sobre. On ne pouvait pas toujours faire confiance aux Gryffondors pour faire preuve de délicatesse lorsque leur estomac était concerné.

« Elle a vécu une période difficile après… Après papa. » lâcha Bill, quêtant le regard de l'ancien Professeur de potions. Severus ne laissa rien paraître. Seule Minerva était au courant de ce qui s'était passé avec Molly et il ne voyait pas l'intérêt de répandre la nouvelle. Ce n'était certainement pas à lui de le faire. « Elle va beaucoup mieux. »

« Tant mieux. » déclara Black, en guidant Bill vers la cuisine comme s'il était chez lui. « Dis lui qu'elle nous manque. »

Il était évident que l'ainé des Weasley était curieux quant à la présence de l'Animagus, d'autant plus lorsqu'ils eurent déposés les plats sur le comptoir de la cuisine et que l'ancien fugitif les examina un à un avec un appétit évident.

« Ne touche pas à la tarte à la mélasse. » avertit Severus.

C'était le dessert préféré d'Harry et il n'y avait pas de raison qu'il en soit privé parce que son parrain était un estomac sur pattes.

Black lui fit une grimace absolument enfantine et attrapa une tarte aux pommeq qu'il attaqua directement dans le plat après avoir trouvé une fourchette d'un Accio. Ravalant un soupir irrité, Severus fit signe à Bill de s'asseoir.

C'était probablement une chance que Weasley soit trop poli pour faire un commentaire sur les manières de l'Animagus.

« On m'avait dit que vous aviez récupéré mais c'est presque miraculeux. » remarqua toutefois le briseur-de-sorts. « Il y a deux semaines, vous… »

« Poppy pense que retrouver le contrôle de ma magie a accéléré ma guérison. » l'interrompit-il, peu amène de s'épancher sur ses ennuis de santé.

Bill marqua sa compréhension d'un hochement de tête et prit un ton professionnel que Severus préféra largement à toute la compassion dont il aurait pu faire preuve. « Et la Marque ? »

« Le traitement semble faire effet. » admit-t-il, en ôtant ses sur-robes. Ensuite, il prit place autour de la table et défit le bouton de la manche de sa chemise – ou, plus exactement, lutta contre le bouton de la manche de sa chemise avec ses doigts tremblants. « La douleur a augmenté ces deux derniers jours. Le saignement a repris ce matin. »

Il expliqua le tout d'un ton clinique et détaché, prenant soin de ne pas regarder du côté de Black. Cela ne l'empêcha d'entendre le juron à moitié étouffé de l'Animagus lorsque la Marque fut à découvert. Apparemment, le spectacle de sa chair rougie et boursoufflée était suffisamment dégoutant pour que l'homme abandonne sa tarte aux pommes. Qui l'aurait cru ?

« Putain, Severus, tu n'as jamais dit que c'était aussi grave. » siffla Black.

Severus fut plus choqué d'entendre son prénom dans la bouche de son ancien rival que par la colère rentrée dont il faisait preuve.

« Je ne vois pas en quoi ça te concerne. » rétorqua-t-il.

« Vraiment ? Tu ne vois pas ? » cingla l'Animagus.

Il s'en tint là mais Severus devina le reste. Si jamais la Marque le tuait, la tâche de l'annoncer à Harry reviendrait à Black. La tâche d'élever Harry reviendrait à Black.

Le Maître des Potions se renfrogna.

Bill se racla la gorge, pas tout à fait à l'aise. « Je vais drainer l'excès de magie noire, exactement comme l'autre fois. » Il jeta un coup d'œil à Black, hésita. « Ce n'est pas vraiment un spectacle agréable. Les conjoints… »

« Pardon ? » s'exclamèrent-ils tous deux en cœur, avec un dégout similaire.

Weasley grimaça. « Hey, ça ne me dérange pas. Mon frère est… »

« Jamais. Jamais. » cracha Black. « Pas même s'il était le dernier homme sur terre. »

Severus lui jeta un regard noir. « J'en éprouve autant à ton service. »

Black s'ébroua comme un chien mouillé. « Ami, je peux. Plus, pas question. Désolé, j'ai mes limites. »

Cette fois-ci, ce fut au tour de Severus de lever les yeux au ciel. « Je tâcherai de contenir ma déception. » Il pinça les lèvres. « Et nous ne sommes pas amis. » Pourquoi cela sonnait-il de moins en moins convaincu à chaque fois qu'il le clamait à corps et à cri ? Il balaya l'air de sa main libre et fusilla Weasley des yeux. « Procédons. »

Bill sortit un flacon barré de runes de sa poche sans se faire prier et commença le long et douloureux processus. Severus serra les dents et se retrancha derrière ses boucliers, laissant Black poser toutes les questions qu'il désirait.

Un éclat d'intérêt s'était allumé dans ses yeux gris et Severus devinait qu'il avait enfin compris pourquoi il souhaitait consulter Bill.

Il fallut un long moment avant que le briseur-de-sorts ne déclare qu'il en avait terminé pour cette session. Il était tout aussi pâle que Severus, légèrement en sueur, et il accepta la part de tarte aux pommes et la tasse de thé que Black glissa devant lui sans discuter.

« Excuse-moi, je ne m'y connais pas très bien en briseurs-de-sorts… » lança Black, après que Bill ait pris une bouchée de tarte. « Est-ce que vous êtes tenus au secret comme les Médicomages ou les avocats ? »

Subtil, grinça Severus en son fort intérieur avec un nouveau regard noir pour l'Animagus.

« Rien d'officiel mais ce n'est pas vraiment dans l'intérêt d'un briseur-de-sorts de trahir la confiance d'un client. » répondit Bill, en haussant les épaules. « Certains contrats ont des clauses de confidentialité. Dumbledore me paye très bien pour garder le secret. Personne ne saura pour la Marque, Professeur. À vrai dire, je l'aurais fait gratuitement ne serait-ce que pour… »

Bill s'empourpra légèrement et Severus cessa d'examiner la Marque pour rajuster sa manche. Une fois le serpent et le crâne sombre hors de vue, il étudia le jeune homme qui lui faisait face.

« Comme à son habitude, Black ne pose pas la bonne question. » déclara-t-il lentement. « La question qu'il devrait poser est celle-ci… Seriez-vous prêt à risquer votre vie pour garder un secret qui pourrait changer le cours de la guerre ? »

Weasley demeura interdit une seconde, son visage se ferma. « Je connaissais les risques lorsque j'ai rejoint l'Ordre. Je… »

« Il ne s'agit pas de l'Ordre du Phoenix. » l'interrompit-il. « Et Albus Dumbledore ne doit rien savoir de cette discussion. »

La méfiance du jeune homme était à présent nettement perceptible. Bill jeta un coup d'œil à Black, se rendit compte que l'Animagus ne comptait rien ajouter de plus et croisa à nouveau le regard de Severus.

Le contact visuel était tout ce qu'il avait attendu et il examina discrètement les pensées en surface de son ancien élève. À peine eut-il le temps d'examiner deux souvenirs sans conséquences qu'un mur de briques s'abattit fermement devant lui, sans fioritures ou subtilité, lui barrant l'accès à l'esprit de Bill Weasley.

« Non. » refusa net le briseur-de-sort.

Les lèvres de Severus tressautèrent en un rictus satisfait. Il l'avait suspecté mais en avoir la confirmation facilitait les choses.

« Une excellente maîtrise de l'Occlumencie. » le félicita-t-il. Il leva les sourcils en direction de Black. « Prends exemple. »

L'Animagus ne prit pas la peine de répondre, à peine celui de grimacer.

« Je serais un piètre briseur-de-sorts si je ne savais pas fermer mon esprit. » remarqua Bill. « C'est la première chose qu'on nous apprend. » Le jeune homme les étudia tour à tour. « Qu'est-ce qui se passe ? »

Severus consulta Black du regard, les réserves qu'il avait émises plus tôt étant, après tout, justifiées. Après plusieurs secondes, l'Animagus hocha la tête en signe d'assentiment.

« Que savez-vous des Horcruxes ? » s'enquit-il d'un ton nonchalant.

Il n'y avait rien de nonchalant à la réaction de Bill Weasley.

« Assez pour savoir que si vous soupçonnez Vous-savez-qui d'en avoir crés, il faut le dire au Professeur Dumbledore immédiatement. » répliqua le briseur-de-sorts.

« Je ne soupçonne rien et Albus est déjà au courant. » répondit-il. « Il apparait qu'il y en a sept en tout. »

Bill s'humecta les lèvres et porta la tasse de thé à présent tiède à sa bouche, trahissant sa peur. « Détruire un horcruxe peut être dangereux mais il nous suffit de trouver un extrait de venin de basilic et… »

Severus leva la main, le coupant net.

« En tant que briseur-de-sorts… Comment procéderiez-vous si je vous demandais de… vous débarrasser d'un Horcruxe sans détruire le vaisseau ? » Bill resta interdit alors il poursuivit. « Nous avons envisagé de tenter de déplacer l'horcruxe vers un autre contenant. Il m'est également apparu qu'une dérivation du sortilège que vous utilisez pour drainer la magie noire de ma Marque… »

« Ça n'a rien à voir. » l'interrompit Bill. Le jeune homme se leva et se mit à faire les cent pas, réfléchissant à voix haute. « La magie dans la Marque des Ténèbres est puissante mais elle est résiduelle. Un Horcruxe… Un Horcruxe est vivant. Il va se défendre. Il va se battre. L'arracher à son vaisseau sans détruire ce dernier… Je ne sais même pas si c'est matériellement possible. Ce serait risqué. Vraiment, risqué. Presque suicidaire, en fait. » Il secoua la tête et cessa de tourner en rond. « Pourquoi voudriez-vous faire ça ? Qu'est-ce qui peut bien être aussi précieux que vous préfériez courir le risque d'être possédé par Vous-savez-qui plutôt que de le détruire ? »

Weasley les observa tour à tour, désemparé.

Severus et Black restèrent silencieux longtemps, peut-être trop longtemps.

« Ta parole que tu n'en parleras à personne, surtout pas à Dumbledore ? » lança l'Animagus au bout d'un long moment.

« Un serment. » corrigea Severus doucement. « Un serment inviolable qui vous liera à Black. »

Black tourna brusquement la tête vers lui mais le Maître des Potions garda les yeux dans le vide.

« Pourquoi moi ? » demanda l'homme, en fronçant les sourcils. « Je peux officier. »

« Parce que mon espérance de vie est toujours inférieure à la tienne. » soupira-t-il, avant de croiser à nouveau le regard de Bill. « Alors ? »

La respiration de Bill était hachée, il était blanc comme un linge et une profonde tristesse se dessinait sur ses traits.

Il avait compris, déduisit Severus.

Bien sûr qu'il avait compris. Quoi d'autre aurait pu les réunir lui et Black ?

« Et merde… » lâcha Bill. « Et merde. C'est Harry, c'est ça ? »

°O°O°O°O°O°

Les livres de cours gisaient ouverts sur la couverture qu'Hermione avait fait apparaître un peu plus tôt, abandonnés par leurs propriétaires. Harry poussa celui de potions du pied sans vraiment s'en rendre compte, suivant du regard la folle envolée d'un hibou qui s'échappait de Poudlard à tire d'ailes.

Déserter la bibliothèque pour venir réviser autour du lac avait été l'idée d'Astoria et malgré ses réticences, Hermione devait admettre que cela s'était révélé une excellente suggestion. Pour la première fois depuis longtemps, le ciel était clair, dépourvu de la grisaille qui avait assombri tout le printemps, et bien qu'il ne fasse pas exactement chaud, ils avaient tout de même choisi de tomber leurs capes, avides de prétendre que les beaux jours étaient enfin là. L'air était pur bien qu'un peu frais et cela faisait du bien de quitter enfin le château. Le leur n'était d'ailleurs pas le seul groupe à profiter du beau temps ce jour là.

Bien sûr, la séance de révision avait très vite tournée court lorsque les jumeaux étaient arrivés avec un souaffle. Une partie de Quidditch improvisée sans balais, sans vif d'or ou cognards et sans équipe particulière avait débuté sous les yeux d'Harry, Ron et Hermione qui s'étaient attardés sur la couverture. Malgré tous les efforts de Dean, les autres refusaient d'appeler ça du football – surtout Draco qui maintenait fermement que le football était bien en-dessous du Quidditch. Les rires fusaient, les adolescents chahutaient joyeusement et la scène était presque incongrue de normalité.

L'espace d'une seconde, Hermione les envia.

De parvenir à oublier.

De parvenir à ignorer.

« J'aimerai qu'on puisse venir avec toi. » avoua-t-elle à mi-voix.

Harry haussa les épaules et s'allongea à moitié, s'appuyant sur ses coudes pour mieux suivre la partie de non-Quidditch des yeux. « Severus sera là. Je ne risque rien. »

« Et Dumbledore. » renchérit Ron, d'un ton légèrement inquiet. « Dumbledore vous accompagne toujours, hein ? »

Le regard d'Hermione voyagea d'Harry à Ron, notant la nonchalance feinte avec laquelle les deux garçons étaient avachis. Assis en tailleur, le plus jeune des fils Weasley trahissait cependant sa nervosité en triturant un brin d'herbe. Il croisa brièvement son regard mais elle fut la première à détourner les yeux. À temps pour apercevoir un flash fugitif d'irritation déformer les traits d'Harry. Juste avant que son visage ne devienne aussi lisse qu'un masque. Sans aucun reflet.

Elle détestait lorsque Harry faisait ça. Occluder. Cela le rendait… Elle refusait de penser le mot inhumain mais plus froid, plus distant…. Ils n'avaient pas besoin de davantage de froideur ou de distance entre eux en ce moment. Leur amitié était déjà suffisamment tendue ainsi.

Les choses devenaient plus simples qu'elles l'avaient été après son retour à mesure qu'Harry trouvait sa place dans leur groupe mais il restait comme une fêlure mal recollée dans une amitié qui avait auparavant été faite de granit.

« Bien sûr que Dumbledore y va, Ron. » cingla-t-elle avant que l'autre garçon ait pu répondre. Elle baissa la voix, jetant un coup d'œil alentour pour s'assurer que personne ne les espionnait. Le seul à leur prêter une quelconque attention était Draco et il paya la distraction dont il faisait preuve lorsque le souaffle que Blaise lança l'atteignit en pleine tête. « C'est normal qu'il veuille emmener Harry. Après tout, il l'avait déjà chargé de recueillir les informations auprès de Slughorn… »

« Et ça a été un beau succès. » lui rappela Harry pince-sans-rire.

Elle ne savait pas trop quoi penser du fait que Snape avait, au final, été celui à extraire les renseignements clefs de l'autre Maître des Potions. Elle ne savait plus trop quoi penser de Snape tout court ces derniers temps. Elle ne l'avait jamais haï avec la même détermination farouche que ses deux meilleurs amis mais elle n'avait eu aucune sympathie pour lui non plus, à peine une légère admiration pour ce qu'il était parvenu à accomplir en un temps record pour son âge (plusieurs découvertes révolutionnaires dans le domaine des potions, un poste de professeur à Poudlard et la position de Directeur de Maison…). Puis la tempête magique avait bousculé le statu quo en recrachant un Harry Potter qui ne jurait plus que par l'espion à qui personne au sein de l'Ordre n'avait eu entièrement confiance jusque là… Et juste au moment où Hermione commençait à s'habituer à l'idée que l'homme puisse avoir des qualités autres que son don indéniable pour les potions, voilà qu'il manquait se faire tuer et lui demandait à elle de préparer en secret une potion non brevetée à la difficulté bien supérieure au niveau des A.S.P.I.C.s uniquement pour finir par dévaster le laboratoire et s'écrouler au milieu de fioles brisées comme un pantin auquel on aurait coupé les fils…

Elle n'avait pu s'empêcher d'éprouver une compassion sincère pour lui lorsqu'elle l'avait découvert au milieu du carnage, malgré le choc. Elle ne pouvait s'imaginer perdre ce pour quoi elle était le plus doué au monde. Si on lui avait retiré sa magie, sa vivacité d'esprit, sa capacité à retenir la plupart de ce qu'elle lisait… Elle pouvait comprendre pourquoi l'idée de ne plus jamais pouvoir préparer de potion par lui-même dévastait Snape.

Néanmoins, lorsqu'Harry leur avait rapporté, à elle et à Ron, que Snape avait utilisé ses dons de Legilimens pour extorquer le souvenir qu'il avait pour mission de convaincre Slughorn de lui confier, elle s'était quelque peu offusquée. Elle avait renoncé à critiquer l'attitude du Professeur lorsque son meilleur ami s'était immédiatement mis sur la défensive mais il lui semblait évident que si Dumbledore avait chargé Harry de cette mission, il y avait une raison. Une raison plus profonde que simplement déterminer le nombre d'Horcruxes. Après tout, si Snape avait été capable d'arracher le souvenir à Slughorn, Dumbledore en aurait très certainement eu lui aussi les moyens.

Non, il était évident pour Hermione, que le véritable but avait davantage été d'impliquer Harry dans la chasse aux Horcruxes afin de le préparer au rôle qu'il viendrait à jouer à un moment ou à un autre dans cette guerre.

Il y avait cette prophétie dont l'ampleur lui faisait tourner la tête à chaque fois qu'elle s'aventurait à y songer de trop près…

Et étant donné ce qui se passait à l'extérieur aux quatre coins du Royaume-Unis, le directeur devait très certainement penser qu'Harry devrait endosser le rôle d'Élu très bientôt.

« Harry ne risquera rien avec Dumbledore. » déclara-t-elle, plus pour se rassurer elle-même que les garçons.

Harry lui jeta un coup d'œil que ses boucliers mentaux rendaient indéchiffrable.

« Je ne risque rien avec Severus. » corrigea-t-il doucement.

Hermione se fit violence pour ne pas tourner les yeux vers Ron dont le regard lourd lui brûlait pratiquement le visage. Lui non plus n'était pas tout à fait certain d'où se positionner par rapport au nouveau statu quo avec Snape. Ils en avaient discuté des dizaines de fois pour ne pas dire grand-chose, ils avaient tous les deux conclu qu'Harry ne tolèrerait pas de remise en question, certainement pas après la Seconde Nuit des Ténèbres et ce qui avait failli arriver à l'espion.

« Évidemment. » lâcha-t-elle. Ce fut son tour de jouer nerveusement avec un brin d'herbe. « Je ne voulais pas dire… »

Elle laissa sa phrase en suspens, espérant sans trop y croire que le Survivant la terminerait pour elle. Il n'en fut rien. Les yeux verts suivaient le jeu improvisé à quelques mètres d'eux avec un peu trop d'intensité.

Il fallut plusieurs minutes avant qu'il ne reprenne la parole. Sa voix ne trahissait aucune émotion particulière et elle ne parvenait pas à déterminer si c'était parce qu'il se servait de l'Occlumencie ou parce qu'il était d'une de ses humeurs étrangement apathiques qu'elle ne parvenait pas tout à fait à comprendre.

Au début de l'année, Harry n'avait été qu'une boule de fureur qui explosait à tout bout de champ. À présent, il était d'un calme imperturbable la plupart du temps. Presque calculateur.

Elle n'avait aucune difficulté à comprendre comment il avait été réparti à Serpentard.

« Severus ne veut pas que j'y aille mais Dumbledore insiste. » expliqua-t-il.

Ron grimaça et se frotta la nuque, visiblement gêné. « Mais, toi, tu veux y aller, pas vrai ? C'est important. C'est… »

La possibilité de se débarrasser d'un Horcruxe. C'était énorme. Non seulement parce qu'elle était certaine qu'être témoin de la destruction d'une telle chose était exceptionnel mais également pour ce que cela représenterait pour l'effort de guerre.

Plus ils détruisaient d'Horcruxes et plus ils seraient rapidement débarrassés de Voldemort.

« Moi… » répéta Harry. Une pointe de vulnérabilité perça dans sa voix et le masque neutre sur son visage se fissura brièvement. Il suivit Ginny des yeux lorsqu'elle se jeta sur Blaise avec un cri sauvage pour lui arracher le souaffle des mains. « Ça n'a pas d'importance ce que je veux. »

Hermione observa son meilleur ami, la manière dont ses lèvres s'étirèrent en un demi-sourire inconscient lorsque la cadette des Weasley rit aux éclats, et en déduisit qu'il ne fallait pas être un géni pour devinait ce qu'il désirait et ne pensait pas pouvoir obtenir.

Ron allait devoir se faire une raison, elle pressentait que sa sœur aurait un nouveau petit-ami d'ici peu.

« Mais, Harry, c'est… » Ron s'interrompit et souffla de frustration lorsqu'il peina à trouver les bons mots. « C'est important. » Il martela une nouvelle fois chaque syllabe du mot. « Ne me dis pas que tu voudrais passer ta chance de… Je suis sûr que si tu voulais, tu pourrais rejoindre l'Ordre du Phoenix maintenant. »

Harry laissa tomber la tête en arrière, son torse se soulevant en bref à-coups. Un rayon de soleil dissimula son visage à la vue d'Hermione et, l'espace d'une seconde, elle crut qu'il pleurait. Elle ne savait pas pourquoi. C'était stupide. Harry n'avait aucune raison de pleurer. Il riait. Un petit rire silencieux qui ralluma une lueur de vie dans ses yeux verts.

« Honnêtement ? Je crois que si Dumbledore essaye de me faire entrer dans l'Ordre, Severus le lui fera payer au centuple et ce ne sera pas joli à voir. » plaisanta-t-il, avant de secouer la tête. « Peut-être un laxatif dans son thé ou quelque chose du genre. Il peut être très retors quand il veut. »

Le sourire amusé resta accroché à ses lèvres, comme si la scène imaginaire lui procurait un plaisir certain.

Hermione avait déjà noté cette nouvelle tendance à non seulement se méfier de Dumbledore mais à quelque peu le dénigrer et elle ne l'aimait pas du tout. Sans Dumbledore…

« Mais ce n'est pas à lui de décider. » lui rappela Ron, presque avec désespoir. « Et si le Conseil te le propose… »

« Severus ne me laissera jamais accepter. » l'interrompit Harry, son ton perdant quelque peu en jovialité. « Et, franchement, je n'ai aucune envie de rentrer dans l'Ordre du Phoenix de toute manière. »

La déclaration fit à Hermione l'effet d'un coup de poing au creux de l'estomac.

Peut-être parce qu'elle avait secrètement espéré que si Harry était effectivement invité à rejoindre l'Ordre, elle et Ron seraient autorisés à l'imiter. Elle voulait faire sa part, elle avait déjà tant sacrifié, elle voulait…

Plus que cela, cependant, c'était la certitude avec laquelle son ami s'exprimait qui la prit de court. Il n'y avait aucune amertume, aucune colère vis-à-vis de l'enseignant qui voulait l'empêcher de marcher dans les traces de ses parents, aucune rancune, aucun regret…

Depuis qu'il avait entendu parler de la société secrète, tout ce qu'Harry avait voulu était d'être autorisé à rejoindre l'Ordre du Phoenix, à se battre, et maintenant, parce que Severus Snape le lui interdisait…

Hermione était perdue.

Elle chercha le regard de Ron, le soutint quelques minutes et, lorsque le Gryffondor hocha discrètement la tête, elle se lança.

« Harry… » soupira-t-elle. « Je sais que tu as beaucoup d'estime pour le Professeur Snape. »

« Mon père. » lui rappela Harry d'un ton doucereux qui lui rappela immédiatement le Maître des Potions. Il y avait une menace voilée derrière ces deux mots, un avertissement à peine déguisé.

« Ton père. » accepta-t-elle sans discuter. « On comprend que… »

« On ? » releva-t-il. Il se redressa, son regard s'arrêtant brièvement sur Ron avant de revenir à elle.

« Ron et moi. » clarifia-t-elle. « On comprend que tu sois heureux d'avoir trouvé une famille. Et on est heureux pour toi. » se dépêcha-t-elle de rajouter. « Mais Harry ce n'est pas parce que… Avoir un père ne signifie pas que tu dois faire tout ce qu'il veut. Je comprends que tu ais peur de le décevoir mais… »

« Je n'ai pas peur de décevoir Severus et je ne fais certainement pas tout ce qu'il veut. » l'interrompit-il avec un bruit amusé. Il grimaça. « Si tu lui poses la question, c'est plutôt l'inverse. J'ai passé ces derniers mois à faire un tas de trucs qu'il m'avait interdit de faire. » Harry soupira et puis secoua la tête. « Et tu sais quoi, Hermione ? Il avait raison. À chaque fois. Depuis que j'ai mis les pieds dans cette école, j'ai passé ma vie à me mettre en danger. À vous mettre en danger. »

Hermione s'assit un peu plus droite, raidissant le dos comme si elle cherchait instinctivement à se grandir. Le bruit du jeu de ses autres amis se perdit dans le lointain. Pour elle, il n'existait plus que ce bout de couverture, Harry, Ron et l'énormité de ce que le Survivant était en train de dire.

« Pour la bonne cause. » contra Ron, partagé entre frustration et incompréhension. « Tout ce qu'on a fait… »

« Tout ce qu'on a fait, Dumbledore aurait pu le faire cent fois plus intelligemment. » coupa net Harry, la mâchoire contractée et les poings serrés. « La pierre philosophale… Que crois-tu qu'il se serait passé si on ne s'était pas lancé à la poursuite de Quirrell ? Rien du tout. Il serait resté bloqué devant le Miroir du Rised et peut-être que Voldemort ne se serait pas échappé. Le basilic… D'accord, peut-être qu'ils n'auraient jamais trouvé l'entrée de la chambre des secrets sans nous mais de, toute manière, c'était déjà trop tard, j'étais déjà trop bien dressé à ce moment là. Évidemment que j'allais essayer de sauver Ginny, évidemment… Et Sirius… Si on ne s'en était pas mêlé… Si on avait laissé faire Remus, peut-être qu'il aurait été innocenté plus tôt et… »

Il laissa sa longue diatribe en suspens, légèrement essoufflé.

Hermione attendit, le souffle court. Le fantôme de Cédric planait désormais au-dessus de leur tête parce qu'il était la suite logique de ce discours. Après Sirius était venu le Tournois des Trois Sorciers et avec lui…

« Il m'a élevé comme un porc pour l'abattoir. » cracha-t-il. « Il s'est assuré que je deviendrai le genre de personne qui risque sa vie pour les autres sans y penser à deux fois. Pour le plus grand bien. »

Il murmura les derniers mots presque avec amusement. Un amusement tristement amer.

Elle n'osa pas regarder Ron, n'osa pas demander si c'était Snape qui lui mettait ce genre de choses dans la tête, n'osa pas demander ce qu'en pensait Sirius, n'osa pas…

« Alors, non, je ne veux pas rejoindre l'Ordre du Phoenix et je n'ai pas particulièrement envie d'accompagner Dumbledore ce soir, même si j'ai dit le contraire à Severus, parce que je sais déjà ce qu'il veut que je comprenne. » termina-t-il d'un ton définitif. « Tout ce que je veux, moi, c'est profiter du temps qu'il me reste. »

Il parlait comme un mourant.

Hermione se mordit l'intérieur de la joue jusqu'au sang mais ce fut Ron qui réagit le premier, Ron qui plaça sa main sur l'épaule de leur ami et serra à en faire pâlir les articulations de ses doigts…

« Si c'est la prophétie qui te tracasse… » hésita le garçon.

« Harry, tu ne vas pas mourir. » chuchota Hermione, la gorge serrée. Elle attrapa la main d'Harry et la pressa entre les siennes avec ferveur. « Dumbledore ne te laisserait jamais… C'est pour ça que c'est important que tu participes à ces missions, tu ne comprends pas ? C'est comme un entraînement. Exactement comme tes cours particuliers avec Remus et McGonagall et Sirius. C'est… »

Elle s'interrompit.

Harry les observait avec un air triste, comme s'il savait quelque chose qu'ils ignoraient et elle eut soudain l'insupportable soupçon qu'il leur cachait des choses. Des choses importantes.

« Non ! » s'écria Daphné dans un cri suraigu qui se termina en éclat de rire lorsque Blaise l'attrapa à bras le corps et fit mine de la jeter dans le lac.

La partie de non-Quidditch avait pris fin et les autres revenaient s'affaler près d'eux, Hannah et Susan d'abord puis Astoria et Ginny…

Draco fut l'un des derniers à les rejoindre, bataillant avec les jumeaux Weasley qui lui avaient chacun passé un bras autour du cou… Pas assez digne à son goût probablement… En d'autres circonstances, Hermione en aurait plaisanté.

Ni Ron, ni Harry, ni elle ne prononcèrent un mot.

Elle n'était pas certaine, de toute manière, qu'elle aurait su quoi dire.

Elle se sentit coupable du soulagement qui l'envahit lorsque Draco, après s'être débarrassé des jumeaux et s'être tourné vers eux, n'eut à les étudier que quelques secondes avant de perdre son sourire.

« Vous ne m'en voudrez pas si je vous enlève Granger. » déclara-t-il plus qu'il ne demanda.

Elle n'hésita pas quand il lui tendit la main, le laissant la tirer sur ses pieds.

Harry ne fit pas un commentaire, il était à nouveau perdu dans ses pensées, à l'abri derrière ce masque neutre qu'elle commençait à vraiment haïr.

Ron lui jeta un regard tout à la fois jaloux et agacé, apparemment pas tout à fait ravi qu'elle l'abandonne.

Elle lui fit une légère grimace d'excuse mais se dit, qu'au fond, c'était un mal pour un bien, qu'Harry s'ouvrirait peut-être davantage seul avec Ron…

Lorsque Draco l'attira à lui, elle se blottit contre son flanc et le laissa décider de la direction à prendre. Ils déambulèrent un peu au hasard jusqu'à ce qu'ils arrivent en vue du hangar à bateaux. Ils s'installèrent près de la berge, suffisamment près pour que l'eau du lac lèche leurs chaussures. Le bras du Serpentard était autour de ses épaules et, sans plus réfléchir, elle nicha sa tête au creux de son épaule.

Malgré tous ses efforts, elle ne parvint pas à se détendre.

« Ai-je le droit de demander ce qui ne va pas ou est-ce une de ces choses dont tu ne peux pas discuter ? » s'enquit-il sur le ton de la conversation, un agacement à peine perceptible sous la touche d'amusement.

Quand exactement, se demanda-t-elle, était-il devenu plus simple de parler à Draco qu'à ses meilleurs amis ?

Elle connaissait la réponse, cependant. La réponse datait de ce matin peu après Noël où elle avait pris la plus dure décision de sa vie.

« Je crois qu'Harry… » hésita-t-elle. Elle devait peser ses mots, ne pas trop en révéler sans lui cacher ce qui la perturbait vraiment. « Je crois qu'Harry ne pense pas qu'il survivra à… tout ça. »

Draco demeura silencieux une seconde de plus que ce qu'elle aurait pensé. Il se mit à jouer avec la tresse lâche qui tombait sur son épaule mais la légèreté qu'il voulut prêter à sa voix sonnait faux.

« Potter est moins idiot que ce que je pensais dans ce cas. » se moqua-t-il.

« Ce n'est pas drôle. » le gronda-t-elle.

Il n'avait pas pris le temps de remettre sa cape et il avait retroussé ses manches lors de la partie de non-Quidditch, elle observa son avant-bras gauche, caressant la peau presque maladivement pâle du regard, refusant de penser qu'un serpent lové autour d'un crâne aurait pu s'y trouver.

Il tira gentiment sur le bout de sa tresse. « Je n'ai jamais prétendu que ça l'était. »

Elle ne répondit pas immédiatement mais se redressa, laissant le bras de Draco glisser de ses épaules. Il posa la main légèrement derrière elle, de sorte qu'elle soit toujours un peu appuyée contre lui.

« Je sais que ça peut arriver. » expliqua-t-elle. « Je sais que ça peut m'arriver à moi mais… »

« S'il te plait, ne me dis pas ça. » soupira-t-il. Son expression se durcit. « Je dois déjà me faire violence pour ne pas te jeter un stupefix et t'emmener loin d'ici, si en plus tu parles de te faire tuer… »

« Mais tu ne le feras pas parce que tu sais que je ne te le pardonnerai jamais. » l'avertit-elle en l'observant attentivement.

C'était le problème lorsqu'on sortait avec un Serpentard, on n'était jamais sûr de lorsqu'il s'agissait de simple sarcasme…

« Dans ce cas de figure, tu aurais tout le reste de nos vies pour me détester et moi pour te convaincre de me pardonner. » raisonna-t-il. « Bien des mariages ont des fondations moins solides. »

Le mot était tellement gros, tellement ridicule, qu'elle préféra l'ignorer. Seul un Sang-Pur aurait seulement pu envisager ce genre de choses à leur âge. Et rien qu'à la manière dont il jouait distraitement avec la bague qui pendait autour de son cou, elle savait que ce n'étaient pas simplement des paroles en l'air mais qu'il envisageait véritablement d'ors et déjà un avenir commun. Parce qu'il possédait le seau des Malfoy et que cela faisait de lui le dépositaire de l'héritage de sa Maison et que, en conséquence, il se devait d'envisager sérieusement ses responsabilités.

Hermione savait qu'il prenait ses devoirs envers sa famille très au sérieux.

Ce n'était pas une raison pour parler mariage à seize ans.

« Je ne fuirais pas. » insista-t-elle.

« Je le sais bien. » répondit-il dans un haussement d'épaules. « C'est bien pour ça que je parle de stupefix. »

Il y avait une drôle de tension entre eux qu'Hermione regretta immédiatement.

« Je n'ai pas changé d'avis, tu sais. » reprit-il. « Je n'ai aucune intention de me faire tuer sur un champ de bataille. »

Elle attrapa sa main qui jouait toujours avec le sceau des Malfoy, entrelaça leurs doigts…

« Je sais. » promit-elle doucement « Et après ce qui s'est passé au Ministère… Je ne peux pas te le reprocher. »

Il laissa échapper un long soupir et retira lentement sa main de la sienne, ramenant ses jambes contre son torse et les étreignant de ses bras. Il posa le menton sur ses genoux et son regard gris se perdit dans la contemplation du lac. Il était toujours si guindé, si maître de lui-même que l'attitude vulnérable inquiéta Hermione.

« Nous n'avons jamais parlé de ce qui s'est passé au Ministère. » lâcha-t-il.

Elle s'humecta les lèvres, un poids lui écrasant la poitrine. Elle n'aimait pas repenser à cette nuit là. Oui, ils avaient sauvé Sirius mais Ron et Ginny garderaient à jamais les cicatrices sur leurs bras et… Et bien qu'elle ait fait de son mieux pour occulter ce qui s'était passé dans la salle des prophéties, il n'était pas rare qu'elle se réveille en sursaut la nuit, tremblante et en sueur, le souvenir de l'expression défaite de Lucius Malfoy gravée dans son esprit. Elle se souvenait parfaitement du poids mort de la main de Draco dans la sienne, les hématomes que ses poings avaient laissés sur son torse alors qu'elle tentait de le ranimer, la drôle de brume qui valsait autour d'eux en volutes…

« L'amulette des Peverell… » commença-t-elle. Elle était étrangement essoufflée, comme si elle avait couru un marathon.

Il balaya distraitement l'air de la main, comme pour lui dire d'oublier ces considérations techniques. Lorsqu'il parla son ton était dur, froid.

« Je suis mort. » lui rappela-t-il bien inutilement.

Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. « Draco… »

Il lui jeta un coup d'œil, fronça les sourcils et attrapa à nouveau ses doigts qui, entretemps, étaient devenus gourd. Son corps entier était gourd.

Elle avait le cœur dans la gorge.

« Je ne t'ai jamais dit… » continua-t-il, laissant sa phrase en suspens quelques secondes. Il détourna les yeux comme si soutenir son regard et avoir cette conversation en même temps lui étaient insupportable. « Lorsque j'étais mort, j'ai fait un rêve. Je croyais que c'était un rêve. Potter était là. »

Le cœur battant, elle étudia son profil.

« Il a volé l'amulette à ton père dans le passé. Le passé alternatif. » lui apprit-elle. « Lui aussi, il est… » Elle ne se décida pas à prononcer le mot. Pas quand Draco hochait tristement la tête en signe de compréhension. Elle se mordit brièvement la lèvre. « Tu crois que c'est pour ça qu'il… Je peux comprendre d'avoir peur de mourir mais la manière dont il agit c'est… C'est comme s'il l'avait déjà accepté. Comme s'il avait renoncé à seulement essayer de… »

« Nous étions dans les limbes. » la coupa-t-il et elle se tut immédiatement, sachant à quel point cela devait être difficile pour lui d'en parler. « Pour être franc, tout ça devient plus flou de jour en jour alors je ne peux jurer de ce qui s'est dit toutefois… Nous avons abordé le sujet une fois. Vaguement. Je crois qu'il aurait préféré mourir, Granger. »

Ce fut son tour de se détourner brusquement, de regarder au loin pour tromper cette douleur dans sa poitrine… Des larmes coulaient sur ses joues et venaient mourir sur ses lèvres…

« Difficile de le lui reprocher quand tu y penses… » murmura pensivement Draco. « Il y a pire qu'un sort de mort. C'est indolore. Si le Seigneur des Ténèbres… »

« Arrête. » le supplia-t-elle. « Arrête, s'il te plait. »

Elle sentit sa main sur son épaule, la sentit remonter jusqu'à sa nuque, masser les muscles noués…

« Excuse-moi. » offrit-il. « Excuse-moi, je ne voulais pas… »

Elle se blottit à nouveau entre ses bras, pressa son visage dans son épaule avant de changer d'avis et de l'embrasser un peu trop brusquement si elle en croyait son mouvement de surprise. Il lui rendit son baiser pourtant. Il lui rendit tous ses baisers jusqu'à ce que la tête lui tourne et qu'elle oublie comment réfléchir.

Le chagrin, pourtant, continua de peser sur son cœur.

°O°O°O°O°O°

Lorsque Malfoy entraîna Hermione, Harry en fut soulagé.

Il se sentit un peu coupable parce que c'était sa meilleur amie et il l'aimait mais toutes ses questions et ses grandes convictions en noir et blanc étaient parfois dures à supporter.

À Serpentard, il avait appris à voir en teintes de gris.

« Harry… » lâcha Ron du ton sérieux qu'il prenait de plus en plus ces derniers temps. Il ne s'était toujours pas habitué à ce nouveau Ron plus mâture. « S'il y avait autre chose, tu nous le dirais, hein ? »

Les yeux bleus de son meilleur ami fouillèrent les siens et, s'il ne l'en avait pas su incapable, Harry se serait demandé s'il cherchait à lire son esprit. Ses boucliers étaient de toute manière en place, flammes et marécages, systèmes de défenses et dernier recours, son coffre tout au fond… Il préférait être prêt au cas où sa cicatrice se mette à nouveau à brûler mais, depuis la nuit où les Mangemorts avaient capturé Ollivander, aucune vision n'avait été suffisamment forte pour que ses boucliers ne les repoussent pas automatiquement.

Il détestait mentir à Ron et Hermione mais avouer qu'il était lui-même un Horcruxe était hors de question.

Pas seulement parce que cela aurait été trop dangereux, parce que si Voldemort le découvrait cela serait un désastre ou parce que si Dumbledore apprenait qu'il était au courant cela compliquerait grandement les choses… Tout ça c'étaient les préoccupations de Severus. Harry savait que ses meilleurs amis auraient gardé le secret de leur vie – ou du moins auraient essayé. Non, le problème, c'était qu'Harry ne supportait pas l'idée qu'ils sachent.

Qu'ils sachent qu'un bout du mage noir se déplaçait partout avec lui.

Qu'ils sachent que son âme était souillée.

Qu'ils sachent qu'Harry était…

Harry était le monstre que les Dursley l'avaient toujours accusé d'être et il ne voulait pas voir le regard de ses amis changer, il ne voulait pas surprendre la lueur fugitive de tristesse dans leurs yeux comme il lui arrivait parfois de la voir dans ceux de Sirius, il ne voulait pas être témoin du désespoir croissant alors qu'ils se rendaient lentement compte qu'il n'y avait rien à faire pour le sauver… C'était déjà assez terrible de voir Severus tenter de le lui dissimuler, de l'entendre faire encore et encore des promesses creuses, lui qui d'ordinaire abhorrait les faux serments.

L'arrivée d'Hedwige lui évita d'avoir à mentir ouvertement. Il accueillit sa chouette et la félicita pour sa rapidité, dispensant généreusement caresses et gratouilles. Le temps qu'il détache le paquet souple de sa patte et vérifie l'adresse d'expédition, il feignit d'avoir oublié la question.

Hedwige sauta sur son épaule et lui mordilla affectueusement le lobe l'oreille. Harry la flatta, frottant son visage contre ses plumes douces, un sourire se dessinant sur ses lèvres…

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Ron, en tirant le paquet vers lui.

« Juste des ingrédients. » répondit-il dans un haussement d'épaules qui fit hululer Hedwige en guise de protestation. « Pardon, ma belle. »

La chouette se rengorgea et se pavana d'autant plus lorsqu'Astoria la repéra et s'exclama d'admiration. Ginny suivit le regard de l'autre quatrième année et se rapprocha. Bientôt les deux filles flattaient Hedwige qui se laissait faire avec une fierté dédaigneuse qui dissimulait mal son plaisir.

Harry en profita pour récupérer le paquet avant que Ron ait pu avoir l'idée de l'ouvrir pour l'inspecter.

« Saevus Prince ? » insista quand même son ami. « Pourquoi un faux nom ? »

Ginny jeta un coup d'œil au paquet puis à son frère avant de lever des sourcils moqueurs. « À ton avis ? Avec toutes ces attaques de Mangemorts pourquoi est-ce que Harry Potter utiliserait un faux nom pour faire ses achats ? »

Parce qu'il aurait été très facile pour n'importe qui d'ensorceler ou d'empoisonner un objet à son insu malgré les protections en place autour de Poudlard.

Ron s'empourpra lorsqu'il en comprit la raison, vexé de ne pas avoir fait le lien plus vite que sa sœur.

« Ce n'est pas pour moi, c'est pour Severus. » répondit-il, en se levant. « Et je ferais mieux de lui apporter. »

L'heure tournait de toute manière et le professeur avait spécifié qu'il souhaitait dîner avant de suivre Dumbledore à l'aventure.

Il rassembla rapidement ses affaires et jeta son sac sur son épaule, gardant le paquet à la main pour plus de sûreté. S'il endommageait les ingrédients qui, il le savait pour avoir aidé son père à remplir le bon de commande, coutait un bras chacun, il passerait un sale quart d'heure.

« Attends-moi, je vais faire le chemin avec toi. » exigea Ginny. « Je dois terminer mon devoir de Métamorphose. »

La perspective de quelques minutes en tête à tête avec elle suffit à le faire sourire et, pour tromper cette chaleur bizarre qui lui envahissait la poitrine et parce que le regard de Ron s'était fait un peu suspicieux, il se tourna vers Hedwige qui ne se lassait pas de se faire admirer par Astoria.

« Et toi ? Tu restes là ou tu viens avec moi ? » lança-t-il à sa chouette.

Le hululement et la manière dont elle étira le cou pour permettre à la quatrième année de mieux lui gratter les plumes furent toute la réponse dont il avait besoin. Hedwige ne raffolait pas des cachots. Elle ne raffolait pas de Masque non plus.

« Je suis prête. » déclara Ginny, en passant la lanière de son sac sur l'épaule.

Sans vraiment y réfléchir, il l'en délesta et le jeta sur sa propre épaule, ignorant autant qu'il le pouvait l'expression à moitié contrariée de Ron et le demi-sourire qu'Astoria dissimulait mal.

Après s'être raclé la gorge, il lui fit signe de le précéder et ils se mirent en route vers le château. Le silence devint rapidement gênant. Ginny ne cessait de lui jeter des coups d'œil curieux, presque inquiets à cause de son soudain mutisme. Harry était fasciné par la manière dont sa longue queue de cheval rebondissait à chaque pas et dut résister à l'envie de tirer dessus – et pour de bonnes raisons, il n'avait aucun envie de devoir esquiver un sortilège de chauve-furie.

Dis quelque chose, se répéta-t-il alors que les grandes portes du hall d'entrée se dessinaient au loin, au bout du chemin. Dis quelque chose.

Pour l'amour de Merlin et tous les autres sorciers célèbres, sa tête était absolument vide.

Quelque chose d'intéressant, insista la partie de son cerveau qui semblait être la seule en état de marche.

« Je crois que Tonks sort avec mon père. » lâcha-t-il.

Intéressant, grinça la partie valide de son cerveau, intéressant pas suicidaire. Snape aurait sa peau s'il entendait Harry colporter ce genre de rumeurs.

Ginny trébucha de surprise et manqua s'étaler par terre. « Quoi ? »

« Mon père… » répéta-t-il dans une grimace avant de se corriger. « Severus. Et… Tonks.»

La quatrième année avait cessé de marcher alors Harry s'immobilisa lui aussi et se tourna vers elle.

Elle l'observait avec des yeux ronds, comme s'il était devenu complètement fou. Lorsqu'elle leva la main vers son visage un peu trop brusquement, il parvint à maîtriser un mouvement de recul instinctif. Ce qui était heureux parce qu'elle la posa simplement sur son front comme pour vérifier sa température.

« Tu as trop pris le soleil. » déclara-t-elle, un rire dans la voix. « Tu penses que Tonks… Tonks… a une histoire avec Snape ? »

Dit comme ça, ça semblait fou.

Mais tous ces regards dans la cuisine du Square Grimmaurd, la manière dont ils s'étaient tournés autour, la façon dont Severus se crispait légèrement à chaque fois qu'il prononçait accidentellement le nom de l'Auror devant lui avant d'Occluder sans raison apparente…

Il avait eut tout le loisir d'observer le comportement de Severus lorsqu'il était amoureux de Lily. Les signes ne trompaient pas.

« Pourquoi pas ? » demanda-t-il dans un haussement d'épaules.

Les yeux bruns de Ginny pétillaient d'amusement.

« Déjà parce que… Désolé, je sais que tu l'aimes beaucoup mais… c'est Snape. Et c'est Tonks. » contra-t-elle et, cette fois, elle ne chercha pas à masquer son éclat de rire. « Enfin, tu imagines ? Ils n'ont rien en commun ! Tu imagines Snape rire à une de ses blagues ? Et Tonks… Sérieusement… »

Il s'était répété ces arguments là une centaine de fois. Et pourtant… Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que…

« Ce ne serait pas toi qui aimerait bien Tonks, par hasard ? » plaisanta-t-elle.

La manière dont elle l'observait contrastait pourtant avec la légèreté de la question.

« Je préfère les rousses. » répondit-il du tac au tac avant de rougir jusqu'à la racine des cheveux.

Je préfère les rousses.

Une chose était certaine : il n'avait pas hérité des dons de dragueur de son vrai père.

Ginny aussi rougit mais un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres.

Le moment menaçait de devenir gênant alors il se racla la gorge et désigna d'un geste de la tête les grandes portes. « On fait la course ? »

'On fait la course. On fait lacourse' se morigéna-t-il.

Se sentant de plus en plus stupide, il se mit à courir en direction du château.

Sans surprise, Ginny le dépassa comme un feu follet au bout d'une poignée de secondes. Elle était plus svelte et elle n'était pas chargée comme une mule.

Elle riait lorsqu'il la rejoignit dans le hall d'entrée, essoufflé et en sueur. Elle récupéra son sac et déposa un léger baiser sur sa joue qui le fit ciller frénétiquement – ce qui, il en était sûr, le fit ressembler à un hibou.

Il la regarda monter quatre-à-quatre le grand escalier, son regard dérivant progressivement vers sa chute de reins avec l'air probablement aussi éveillé qu'un verracrasse jusqu'à ce qu'un raclement de gorge ne le fasse sursauter. McGonagall l'observait par-dessus ses lunettes carrées avec une telle expression sur le visage qu'Harry sut qu'elle savait exactement ce qu'il avait été si occupé à admirer.

Il s'échappa vers les cachots sans demander son reste, dévalant les marches humides et inégales avec la facilité de l'habitude.

Il déboula dans leurs appartements si brutalement que Severus fit tomber sa baguette dans sa main d'un geste vif du poignet et ne l'abaissa que lorsque Harry eut jeté son sac dans un coin et ne se fut laissé tomber dans un fauteuil. Il dut payer sa réaction instinctive parce qu'il rangea sa baguette et se massa distraitement le poignet d'une main tremblante.

« Où est la horde d'hippogriffes sauvages à tes trousses ? » lança le professeur avec l'ironie mordante qui le caractérisait.

Harry fit la grimace mais agita triomphalement le paquet dans les airs, comme si cela avait été la raison de sa course folle. Ses mains moites avaient laissé des traces humides sur le papier kraft.

« Les feuilles de spathiphyllum sont arrivées. » déclara-t-il inutilement avant de marquer une pause, défiant l'homme du regard de commenter sa prononciation. Severus refusait d'appeler ces plantes fleurs de lune comme tout un chacun et s'était moqué de lui les rares fois où Harry s'était aventuré à l'imiter.

Les lèvres de l'ancien Mangemort tressautèrent mais il ne le corrigea pas. « Et c'est là la raison de ton enthousiasme ? Si tu ne prends pas garde on pourrait croire que tu prends goût aux potions… »

Harry leva discrètement les yeux au ciel pendant que Severus était occupé à déballer son colis. Côtoyer Severus (l'adolescent comme l'adulte) l'avait peut-être réconcilié avec la matière mais il n'avait guère de passion pour ce que l'espion élevait au rang d'art. Toutefois, il avait été promu assistant pour tout ce qui touchait à la question de la potion qui permettait aux loups-garous de se transformer hors des pleines lunes.

Cela relevait davantage des circonstances que d'un potentiel talent, il le savait bien. Contrairement à Malfoy et Hermione que Severus utilisait pour toute autre entreprise, il était déjà au courant que l'Ordre avait en sa possession un échantillon de la potion et il avait été témoin de la transformation de Remus alors quand le Maître des Potions lui avait demandé d'être ses mains devant un chaudron, Harry avait accepté sans hésiter.

Cela avait évidemment entraîné quelques frictions. Severus était souvent frustré qu'il ne comprenne pas des instructions qui étaient pour lui évidentes (et il était rapidement apparu qu'une pincée ne signifiait pas la même chose pour lui que pour le garçon) et il y avait des instincts qu'Harry ne possédait pas et auxquels l'homme ne pouvait plus répondre avec l'agilité nécessaire. Néanmoins, cela leur permettait également de passer du temps ensemble et, entre les cours, les sessions d'entraînement inutiles avec Remus, les travaux d'apprentissage de plus en plus frustrants avec McGonagall, l'AD et les heures que Severus passait à ses recherches de son côté, c'était un temps qu'Harry jugeait précieux.

L'un dans l'autre, il avait quand même fini par s'intéresser de près à la potion qu'ils tentaient de recréer et ne pouvait s'empêcher de considérer chaque victoire comme étant un petit peu la sienne. Severus était peut-être le cerveau des opérations, mais c'était lui qui mettait les consignes en pratique en s'appliquant de son mieux.

« Il n'y en a pas autant que je l'espérais pour le prix. » pesta l'homme, en étudiant attentivement les petits paquets. « Enfin… Elles sont de bonne qualité. Je suppose que l'on peut déjà s'estimer heureux étant donné le nom d'emprunt. »

Apparemment, les apothicaires avaient tendance à soigner les Maîtres des Potions davantage que des clients lambda et Severus Snape davantage encore que tous les autres.

« Quand vous avez dit qu'on appelait ces plantes Fleurs de Lune, je m'attendais à quelque chose d'un peu plus joli. » remarqua-t-il.

« Qu'importe l'esthétique. » rétorqua Severus, le regard plus vif qu'Harry lui avait vu depuis des semaines. « Si elles ont été récoltées à la pleine lune comme je l'ai spécifié dans ma commande, nous tenons peut-être le début d'une réponse. »

Ils ne cherchaient pas à répliquer la potion, se rappela Harry parce que l'homme le lui avait expliqué quinze fois, mais à créer quelque chose de similaire. Ultimement, le garçon devinait que l'ancien Mangemort comptait combiner cette nouvelle potion avec ses améliorations de la potion Tue-Loup de sorte que le sujet garde une forme de conscience durant la transformation.

Et afin que Remus ne risque plus d'accidentellement égorger quelqu'un sous sa forme animale.

Une fois qu'il eut terminé d'examiner avec attention les plantes, l'homme jeta un coup d'œil à la pendule et se rembrunit. Il ne fut pas surpris de le voir disparaître dans la cuisine avec un vague grommèlement sur le fait qu'ils feraient mieux de diner avant leur rendez-vous avec le directeur.

Severus ne laissait toujours pas d'elfe de maison entrer dans ses appartements – de la même manière qu'il n'autorisait aucun portrait – et appréciait de toute manière de temps en temps de cuisiner. Trop habitué à la scène pour s'en étonner, Harry se laissa tomber sur une chaise et l'observa disperser divers légumes sur une planche à couper.

D'ordinaire, il faisait ça d'un sort, comme Molly Weasley au Terrier, mais récemment il avait pris l'habitude de les trancher à la main. La méthode était lente mais prudente, probablement parce qu'il ne voulait pas à avoir à se précipiter chez Pomfresh pour qu'elle lui recolle un doigt. Il n'avait rien dit mais Harry devinait que c'était une manière de tenter de réhabituer sa main à tenir un couteau.

Il vola un tronçon de carotte crue pendant que l'homme travaillait, répondant distraitement à ses questions sur ce qu'il avait fait de sa journée. Oui, ils avaient révisé leur B.U.S.E.s non, il n'avait pas de difficultés particulières dans aucune matière et, non, il ne voulait pas parler de cet accidentel T en Botanique. Il mit la table pendant que la soupe cuisait, n'écoutant que d'une oreille le professeur déblatérer sur l'importance de se donner au maximum en classe… Il avait entendu le discours cent fois de la part de son double et au minimum trois cents de la part d'Hermione. À ce stade, il aurait pu le réciter par cœur.

« Oh ! Au fait ! » s'exclama-t-il tout d'un coup, en se souvenant de ce qu'il avait été si impatient de lui montrer depuis la veille. Il n'arrivait pas à croire qu'il ait oublié. Il blâmait Ginny.

Severus s'interrompit au milieu de sa phrase, cessant de remuer la soupe pour le dévisager à la fois interloqué et irrité.

Harry ne le laissa pas se lancer dans une autre tirade qui lui rappellerait sans nul doute que la politesse voulait qu'on ne coupe pas la parole à ses aînés et qu'il ne tolèrerait pas un tel manque de respect. Réprimant mal un sourire, il prit une profonde inspiration exactement comme McGonagall le lui avait conseillé et, la seconde suivante, il exhibait fièrement sa patte de tigre, remuait des oreilles arrondies et agitait les sourcils pour que le professeur remarque la nouveauté.

« Alors ? » lança-t-il, se retenant de sautiller sur place comme un enfant de cinq ans dans son excitation. « Qu'est-ce que vous en dites ? »

Le Maître des Potions semblait déchiré entre sévérité et amusement. Preuve que les choses changeaient, ce fut ce dernier qui l'emporta. Il secoua la tête pour mieux dissimuler un sourire.

« Terrifiant. » commenta l'homme.

Le professeur se moquait si ouvertement de lui qu'Harry renifla de dédain et, abandonnant ses pupilles fendues de félin, redevint humain. Il lui fallut un moment pour que toutes les parties de son corps coopèrent. Il ne progressait pas aussi vite que ce qu'il aurait souhaité bien que McGonagall ne cessait de lui répéter que pour son âge, c'était déjà bien, qu'il fallait être patient. Patient, Harry ne l'était pas. Il lui paraissait de plus en plus injuste que Severus soit arrivé à se fondre dans Nox aussi rapidement.

Voyant certainement qu'il boudait, l'ancien Mangemort leva les yeux au ciel.

« Je suis certain que tu maîtriseras ta forme Animagus sous peu. » offrit Severus en guise de concession. « La soupe est chaude, passons à table. »

Il était un peu tôt pour diner et Harry n'avait pas très faim mais il avait également trop souffert de privations durant son enfance pour gâcher de la nourriture. À mesure que le repas avançait et malgré la banalité de la conversation, cependant, l'estomac du garçon se serra jusqu'à ce que l'idée d'avaler quoi que ce soit lui devienne insupportable.

L'intermède avec Ginny avait chassé quelque peu la morosité morbide de sa discussion avec Ron et Hermione et passer du temps avec Severus chez eux était si normal qu'Harry n'aspirait qu'à une seule chose ce soir là et c'était de se rouler en boule sur le canapé avec sa couverture et un bon roman pendant que le professeur lisait dans son fauteuil ou corrigeait des copies.

Or cela n'arriverait pas.

Les yeux noirs trop aiguisés observèrent un peu trop longtemps l'assiette à demi-pleine pour qu'Harry n'en devine pas la raison et l'ordre sous-jacent. Il se força à avaler une autre cuillerée. La soupe, pourtant bonne, était fade sur sa langue.

« Est-ce l'Horcruxe qui te tracasse ? » s'enquit finalement Severus d'un ton tranquille.

Lequel ? aurait-il voulu demander. Celui qui le rongeait de l'intérieur ou celui qu'ils s'apprêtaient à détruire ?

Il traça des ronds dans le reste de soupe sans se décider à lever les yeux et affronter le regard de son père.

« Est-ce que… » hésita-t-il. « Est-ce que les autres Horcruxes deviendront plus forts une fois qu'on aura détruit celui-là ? »

Le Professeur mit un moment à répondre. Trop longtemps.

« C'est une possibilité. » admit Severus. « Si Albus ne nous accompagnait pas… S'il y a une opportunité de subtiliser la bague sans qu'il s'en aperçoive je la saisirais. Toutefois, je crains qu'il soit trop risqué de lui mettre la puce à l'oreille. Notre meilleure option est de le prendre de vitesse la prochaine fois. »

« Et ensuite quoi ? » insista-t-il. « Même si vous pouvez mettre la main sur les Horcruxes avant lui… On ne peut pas tous les cacher. Tant qu'ils existent… »

« Je ne compte pas les cacher. » coupa l'homme. « Je compte tenter de séparer l'âme du Seigneur des Ténèbres du vaisseau afin de ne pas faire de toi un rat de laboratoire le moment venu. »

Cela lui semblait dangereux et extrêmement optimiste mais le ton que le professeur avait employé lui fit dire qu'il n'accepterait aucun commentaire défaitiste.

Et pourtant…

« Sev… » commença-t-il doucement parce qu'il ne pouvait pas l'appeler autrement durant la conversation qu'il souhaitait avoir. Papa était exclu. Il ne pouvait lui donner ce titre là lorsqu'il souhaitait lui rappeler la prophétie et la possibilité de plus en plus tangible qu'il allait…

« Je ne te laisserai pas mourir, Harry. » cingla Severus d'un ton péremptoire et hargneux.

« Ce n'est pas mourir qui m'inquiète. » lâcha-t-il, en trouvant finalement la force de croiser son regard. « C'est qu'il prenne le contrôle de mon corps ou que ce qui s'est passé à Halloween recommence »

« Je t'ai déjà expliqué… » grinça l'homme.

« Mais vous n'en savez rien ! » explosa-t-il en serrant les poings. « Vous n'en savez rien parce que je suis le seul Horcruxe humain de l'Histoire et… » La colère le déserta aussi vite qu'elle l'avait saisi. Il soupira et secoua la tête. « Si vous trouvez une solution tant mieux mais… Pas en vous mettant en danger. Pas si ça permet à Vol… » Il s'interrompit juste à temps, ses yeux dérivant brièvement vers la Marque. « Vous-savez-qui de rester en vie. »

Severus l'étudia longtemps, les mains posées bien à plat sur la table, de chaque côté de son assiette, un masque lisse sur le visage qui dissimulait mal les émotions qui tourbillonnaient derrière les yeux noir.

Harry sursauta lorsqu'il se leva brusquement et il enfouit le visage dans ses mains lorsque l'homme quitta la pièce. S'il les avait portées, ses sur-robes et sa cape auraient sans nul doute claqué de façon menaçante dans son sillage.

Il ne s'attendait pas à ce que le professeur revienne immédiatement dans la cuisine ou à ce qu'il se rassoie, il avait pensé que le Maître des Potions s'éloignait pour mieux laisser éclater son mauvais caractère sans que lui en soit témoin. Il laissa lentement retomber ses mains sur son giron et croisa à nouveau le regard de son mentor, espérant que ses yeux étaient moins humides qu'il ne le pressentait.

Il y avait une grosse boule dans sa gorge.

Elle ne disparut pas lorsque Severus posa silencieusement une lourde bague au milieu de la table, entre leurs deux verres, la carafe d'eau et la salière. Elle était en or terni, un peu large, et il lui fallut un moment pour réaliser qu'il s'agissait en fait d'un sceau comme celui que Zabini portait en permanence à la main gauche ou l'épais anneau qui pendait au cou de Malfoy.

Les armoiries à moitié effacées par le temps étaient à peine déchiffrables. Il distingua un serpent enroulé autour de ce qui lui semblait être une couronne… Il connaissait ces armoiries. Il les connaissait parce que le professeur l'avait obligé à apprendre tout un tas de choses sur la lignée des…

« Le sceau des Prince. » lâcha Severus avec une amertume à peine déguisée. « Tu n'es peut-être pas familier avec les coutumes des Sangs-Purs mais… »

« Elle désigne le Chef de famille. » suppléa-t-il. Il avait passé huit mois à Serpentard et continuait à côtoyer les serpents. Il s'y connaissait davantage en coutumes Sangs-Pures qu'il ne l'aurait voulu.

« Correct. » approuva le professeur d'un hochement de tête. « Je l'ai hérité à la mort de mon grand-père ainsi qu'une somme confortable et quelques biens dont je me suis débarrassé depuis. Je n'ai pas hérité du titre de Lord Prince, comme tu peux t'en douter, ou du rôle de Chef de famille. »

Un rôle qui aurait dû lui revenir de droit, comprit Harry, un affront supplémentaire pour lui, sans aucun doute.

« Légalement parlant, elle n'a aucune valeur, ce n'est que la relique d'une des grandes Maisons Sang-Pures réduite à néant. » continua Severus. « Théoriquement, elle se transmet de père en fils, de Chef de famille à héritier. »

L'homme la poussa davantage vers lui du bout des doigts.

Il fronça les sourcils, étudiant la bague avec hésitation, comprenant sans vraiment comprendre. « Je ne suis pas sûr… »

« Le sceau des Potter t'attend certainement quelque part à Gringotts et, à ta majorité, tu hériteras du titre de ton père. » répondit calmement Severus. « Si j'ai bien déduit les projets de Black, tu risques également d'hériter de son propre titre un jour. Tu ne seras pas le premier à cumuler le rôle de… »

« Severus. » coupa-t-il parce qu'il n'était pas vraiment d'humeur à écouter un exposé sur le fonctionnement de la communauté magique.

Severus s'interrompit sans le reprendre pour son impolitesse, il s'humecta simplement les lèvres, le regard fuyant.

« Je n'ai qu'une breloque à te transmettre. Pas de titre ou de manoir familial. » lâcha Severus. « Mais… Si tu le souhaites… Une fois que la question de ta tutelle sera réglée, une fois que toi et Black auraient signé les papiers… Tu auras dix-sept ans dans un peu plus d'un an, bien sûr, et c'est sans doute ridicule, toutefois… »

Le cœur d'Harry battait à cent à l'heure, la boule dans sa gorge avait grossi jusqu'à lui couper la respiration…

Le professeur lui jeta un regard presque suppliant, comme s'il aurait préféré que le garçon l'interrompe une nouvelle fois et déclare tout haut ce qu'il ne parvenait décidément à dire…

Harry n'aurait pas été capable de prononcer un mot s'il l'avait voulu.

« J'aimerai faire de toi mon héritier. » termina Severus au prix d'un effort évident. L'homme tentait d'occluder mais ses boucliers récalcitrants ne répondaient pas. « Harry, je ne suis pas certain que le Magenmagot m'y autorise… Mon passif de Mangemort est de notoriété publique malgré le témoignage du Professeur Dumbledore et cela implique que Black donne son accord dans tous les cas… Je ne veux pas te faire de fausses promesses mais… Si cela est possible, si tu le désires… J'aimerai t'adopter. Légalement, s'entend. »

Ses oreilles tintaient, son cœur battait si fort qu'il lui semblait qu'il allait exploser et ses yeux le brûlaient désormais pour une raison bien différente…

« Bien entendu, officialisation ou pas, tu demeures mon fils et… »

Harry ne le laissa pas terminer sa phrase. Il fit le tour de la table et jeta ses bras autour de son cou, le serrant probablement trop fort à un croire le léger grognement de protestation. Severus lui rendit maladroitement son étreinte avec autant de force cependant.

« Je suppose que cette attaque toute lionesque équivaut à un oui. » lâcha l'homme, d'un ton sarcastique qui masquait mal une certaine émotion. « Tu vois… Voilà une raison supplémentaire pour toi de demeurer en vie. Je n'envisage pas d'avoir un autre enfant dans un futur proche, tu ne peux me laisser sans héritier. À qui pourrais-je donc léguer mon chat ? »

Harry renifla et ferma les yeux, refusant d'être embarrassé de son mouvement d'affection subit.

« Vous avez tout compris. » plaisanta-t-il. « Tout ce qui m'intéresse, ce sont le chat et les livres. »

« À vrai dire… » déclara lentement l'homme d'un ton plus sérieux en se détachant de son étreinte. « Entre les brevets des potions que j'ai inventées et l'argent que j'ai hérité des Prince… Ce n'est certes pas comparable à la fortune des Potter mais… »

« Je me fiche de l'argent. » lâcha-t-il, trouvant soudain la conversation particulièrement glauque. Il ne voulait pas discuter de ce que Severus pouvait lui léguer. Il attrapa le sceau des Prince et l'essaya à plusieurs doigts jusqu'à en trouver un où il ne risquait pas de la perdre. Lorsqu'il fut sûr quel a bague resterait en place à son majeur gauche, il croisa à nouveau le regard de Severus. « Vous ne savez pas ce que ça représente pour moi… »

L'homme avait l'air un peu triste. « Oh, si, je le sais, détrompe-toi… Sais-tu ce que cela représente pour moi ? »

Il baissa les yeux, étudiant avec attention les armoiries des Prince…

La main de Severus recouvrit la sienne, exigeant son attention.

« Il n'y a pas si longtemps, tu m'as fait jurer de me battre coûte que coûte pour te revenir. » lui rappela le professeur, d'un ton pressant. « Aujourd'hui, je te demande la même promesse. Cesse de penser que tu ne survivras pas à cette guerre, Harry. Bats toi. » Harry hocha la tête parce qu'il ne savait pas quoi faire d'autre mais il ne croisa pas son regard, pas même lorsque l'ancien Mangemort lui secoua les mains. « Jure le moi. »

« Je le jure. » marmonna-t-il, mal à l'aise.

Les mots avaient un goût amer.

Le goût du mensonge.