Enjoy & Review!
« Just because someone knocks on the door doesn't mean you have to open it. Sometimes, sweet girl, there are wolves at the door. If we are not careful, they might eat us. »
Salt To The Sea – Ruta Sepetys
« Ce n'est pas parce que quelqu'un frappe à la porte que tu es obligée de l'ouvrir. Quelques fois, ma douce, les loups sont à la porte. Si l'on n'est pas prudent, ils pourraient nous dévorer. »
Salt To The Sea – Ruta Sepetys
Chapitre 41 : Wolves At The Door
« Je pense que je tiens quelque chose. » déclara Severus.
Cela faisait plus d'une heure qu'il lisait et relisait les documents que Nymphadora avait rassemblés pour lui. Les notes de la jeune femme étaient claires et concises, il avait ajouté les siennes dans les marges… Ses mains ne l'autorisaient toujours pas à utiliser une plume, du moins pas sans mettre de l'encore partout, mais si les tremblements n'étaient pas trop prononcés, il parvenait à tenir un des stylos billes que la jeune femme avait eu l'idée de lui ramener, après l'avoir vu une fois de trop s'échiner à gribouiller sur un parchemin. Son écriture était à peine illisible, même pour lui, mais c'était un soulagement de parvenir à écrire à nouveau.
« Un horcruxe ? » demanda Black, levant la tête du grimoire qu'il parcourait. Il tentait toujours de déterminer le meilleur moyen de déplacer l'horcruxe. Bill Weasley les avait orientés vers l'utilisation de runes mais le procédé paraissait complexe. Le briseur de sorts travaillait sur la meilleure séquences de runes à utiliser de son côté, lui et Black planchaient sur le sort à utiliser…
« Une possible cachette. » nuança-t-il, en extirpant du tas de documents une des photocopies des archives de l'orphelinat. « Vois-tu, il y a cette caverne qui… »
Le linx argenté apparut entre eux, au beau milieu de la pièce, sans avertissement.
Le cœur de Severus se serra avant même que le Patronus ne commence à délivrer son message.
« Venez au Q.G. aussi vite que possible. Tonks est blessée et vous demande. » annonça la voix grave de Shacklebolt. « Son état est stable pour l'instant. »
La dernière partie semblait avoir été ajoutée comme une arrière-pensée, comme si ce n'était pas la plus importante.
Il était déjà debout alors même que Black bondissait sur ses pieds comme si…
« Je n'ai pas besoin que tu m'accompagnes. » cingla-t-il.
Black fronça les sourcils. « De quoi tu parles ? Le message était pour moi, évidemment. Pourquoi est-ce que Tonks te demanderait, toi ? »
Pour une myriade de raisons qu'il ne se sentait pas capable d'expliquer à Black, à l'instant.
Pas alors que sa respiration demeurait courte et qu'il sentait l'adrénaline lui parcourir les veines, alors même que la crainte lui serrait le ventre.
Stable ne voulait pas dire hors de danger.
Pour l'instant ne voulait pas dire pour de bon.
« Parce que je suis formé au soin et que le reste d'entre vous est à peine compétent lorsqu'il est question de premier secours. » rétorqua-t-il.
Ce n'était pas un mensonge, pas vraiment, mais il ne s'attarda pas pour tâcher de l'en convaincre.
Il se précipita sur la cheminée. Elle n'était, cependant, reliée qu'au réseau interne de Poudlard et il fit rapidement le choix qui lui parut le plus sensé en traversant directement dans le bureau du Directeur. Il aurait pu aller dans ses quartiers et retraverser en direction du Square Grimmaurd, mais outre le fait qu'il n'avait pas ôté le pare-feu de devant son âtre, il lui paraissait important d'informer Albus. Sans compter qu'il aurait peut-être des informations.
Il émergea de la cheminée et interrompit apparemment une conversation animée au sujet d'un traité de Métamorphose. Les fauteuils d'Albus et de Grindelwald avaient été traînés près l'un de l'autre et ils étaient tous deux penchés sur le même livre avec une telle complicité que Severus eut l'impression de faire irruption dans un moment intime.
C'était absurde bien sûr.
Durant la demi-seconde qu'il lui fallut pour se ressaisir, Albus s'était levé, alarmé.
« Severus ? Je ne vous attendais pas… » Le Directeur fronça les sourcils et traversa la pièce pour lui saisir le bras. « Vous êtes pâle comme la mort, mon garçon. »
« Nymphadora est blessée. » lâcha-t-il, avec plus d'émotions, plus de panique, qu'il ne l'avait souhaité.
Il raviva immédiatement ses boucliers mentaux mais ne parvint pas à se contrôler tout à fait.
La compréhension se fit sur le visage du vieux sorcier. « Vous me l'apprenez. Est-ce… »
« Je l'ignore. » déclara-t-il, en faisant un geste vers la cheminée. « Je dois… »
Il n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit. Le feu se raviva et Black s'extirpa des flammes, l'air mécontent.
« Tu aurais pu m'attendre. » ronchonna le Maraudeur, avant de se tourner vers Dumbledore, son regard glissant sur Grindelwald comme s'il était préférable d'ignorer sa présence. « Vous savez ce qu'il s'est passé ? »
« Non. » répondit Albus. « Mais nous allons le découvrir. Gellert… »
Le mage noir se hissa péniblement hors de son fauteuil. « Je serais en haut. »
Il se glissa derrière une porte dérobée qui, Severus le savait, menait dans les étages de la tour vers les appartements du Directeur.
Albus hébergeait-il littéralement Grindelwald ?
C'était une manière radicale de le garder à l'œil…
« Sirius, voulez-vous bien rester ici jusqu'à mon retour ? » ordonna Albus, plus qu'il ne le demanda. « Gardez le château pour moi. Severus, allons-y. »
Il ne se le fit pas dire deux fois.
Ignorant les protestations de Black, il attrapa une poignée de poudre de cheminette qu'il jeta dans l'âtre et murmura l'adresse du Square Grimmaurd.
Il avait oublié sa canne dans la précipitation et sa jambe se rappela à son mauvais souvenir lorsqu'il sortit de la cheminée avec un peu trop d'empressement. Albus émergea juste derrière lui et manqua lui rentrer dedans…
Severus ne s'excusa même pas, il se précipita vers le couloir d'où il pouvait entendre des voix. Shacklebolt se tenait là, l'air épuisé, ses robes couvertes de trainées de suie, de sang et de boue…
Il ne prit même pas la peine de jeter un coup d'œil à Lupin qui se rembrunit pourtant immédiatement. « Où est-elle ? »
« À l'étage. » répondit le chef du Département des Aurors, en levant une main dans un geste d'apaisement qui exsudait l'autorité. « Elle est stable. »
« Qu'est-ce que tu fais là ? » aboya Lupin avec hostilité. « On n'a pas besoin de toi. Tu… »
« C'est moi qui l'ait prévenu. » intervint Shacklebolt, en fronçant les sourcils. « Tonks l'a réclamé plusieurs fois. Tu l'as entendue comme moi. »
« Elle ne sait pas ce qu'elle dit. » cracha le loup. « Elle est dans les vapes. Elle… »
« Allons, Remus. » l'interrompit Dumbledore, en sortant du salon. « Un peu de courtoisie. Kingsley, que s'est-il passé ? »
Severus écouta à peine le résumé rapide des batailles, les pertes tragiques…
« Comment a-t-elle été blessée ? » s'imposa-t-il, lorsqu'il n'y tint plus. « Qu'a-t-elle exactement ? »
Son ton était trop cassant, trop inquiet. Son expression, il en était certain, trahissait précisément la panique qu'il ne parvenait pas à contenir.
Il occludait pourtant.
Essayait, du moins.
Albus posa brièvement une main rassurante sur son épaule, ordonnant à Shacklebolt d'un signe de la tête de répondre à ses questions.
« De ce que j'ai pu déterminer, elle a abattu Rabastan Lestrange mais il a eu le temps de lui jeter un confringo en pleine poitrine avant de mourir. Elle devait protéger quelqu'un d'autre à ce moment là car elle n'a dressé aucun bouclier. » expliqua l'Auror.
Severus retint sa respiration, imaginant sans mal les dégâts qu'un sort d'explosion en pleine poitrine, sans aucun sortilège défensif pour en atténuer l'effet pouvait provoquer. « Comment peut-elle être stable ? »
Ses côtes auraient explosé sous l'effet du sort. Cela aurait déjà été problématique mais les bouts d'os se seraient, en plus, transformés en projectiles. Ses organes auraient dû être lacérés.
Elle aurait dû…
Elle devrait être…
« Une de nos jeunes recrues était près d'elle. Il a paniqué et fait disparaître ses os. » continua Shacklebolt, imperturbable. « Un peu barbare mais cela lui a, au demeurant, sauvé la vie. J'ai colmaté les différentes hémorragies sur place. »
« Fait disparaître ses os ? » répéta Severus, incrédule. « Quelle espèce d'incompétent… »
« Il s'agissait d'Albert. » l'interrompit l'Auror, d'un ton légèrement plus agressif. « Il est mort alors même qu'il essayait de l'aider. »
Albert était l'Auror en place le plus souvent à Poudlard.
Un Serdaigle qui avait passé ses A.S.P. quelques années plus tôt. Il n'avait jamais été brillant en Potions mais il était curieux, respectueux, et il n'avait jamais fait partie des élèves qui agaçaient le plus le Maître des Potions. Il ressentit une certaine tristesse à l'idée de sa mort.
Nymphadora l'adorait, se souvint-il, avec un temps de retard.
Il se força à se concentrer sur ce qui était important.
« Êtes-vous en train de me dire que vous avez ramené Nymphadora ici alors que… » s'énerva-t-il.
« Bien sûr que non. » rétorqua Shacklebolt. « Je l'ai conduite à Sainte Mangouste avec le reste des blessés. Ils l'ont soignée et lui ont donné une forte dose de Poussos. Je l'ai ramenée ici car elle refusait de rester à l'hôpital. Elle ne pensait pas y être en sécurité et je n'avais aucun Auror à assigner à sa protection. Les Médicomages n'étaient pas heureux de la laisser partir mais ils n'anticipent pas de complications. »
Sainte Mangouste n'aurait pas été sûr pour elle, sur ce point, elle avait eu raison.
Mais il aurait été bien plus sage de la ramener à Poudlard où Pomfresh aurait pu garder un œil sur elle.
L'air fatigué, l'Auror se tourna vers Dumbledore. « Je dois retourner au Ministère. Le Ministre doit attendre mon rapport et il voudra des nouvelles de Tonks. Il a beaucoup d'affection pour elle. »
Albus hocha la tête avec compréhension. « Très bien. Transmettez-lui mes amitiés. »
N'ayant que peu à faire des banalités et ne tenant plus en place, Severus se détourna et fit un pas vers l'escalier, déterminé à ausculter la jeune femme lui-même, à s'assurer qu'elle était effectivement stable et hors de danger. Il n'alla pas très loin avant que Lupin ne lui barre la route.
« Tu n'es pas le bienvenu ici. » cracha Lupin.
Il n'était vraiment pas d'humeur pour ce genre de scène.
« Aux dernières nouvelles, tu n'étais pas le propriétaire des lieux. » rétorqua-t-il, en faisant tomber sa baguette dans sa main.
« Cela suffit. » tonna Albus, avec sévérité.
Le loup tourna la tête vers le vieux sorcier, visiblement en colère. « Il n'a rien à faire ici. »
« Elle l'a réclamé. » répéta Shacklebolt, une nouvelle fois, avec un agacement perceptible. « Du moment où je l'ai soignée sur le champ de bataille au moment où nous l'avons installée dans la chambre, elle n'a eu que son prénom à la bouche. Et elle savait très bien ce qu'elle disait à ce moment là, Remus. »
« Je pense qu'il est évident pour tous ici que Severus a davantage sa place à son chevet que le reste d'entre nous. » ajouta Dumbledore, sans se départir de son ton strict. « Allez-y, mon garçon. Inutile de faire attendre l'héroïne du jour. Rabastan Lestrange… Ce n'est pas rien. Remus, un mot dans la cuisine, je vous prie. »
Severus n'attendit pas que Lupin s'écarte, il continua son chemin, percutant son épaule au passage avec suffisamment de violence pour en ressentir l'élancement jusqu'au premier palier. La satisfaction fût de courte durée, cependant.
Il n'avait pas pensé à demander dans quelle chambre elle était et les marches raides étaient difficiles pour sa jambe sans l'appui de sa canne. Il persévéra pourtant, s'aidant de la rampe… Il croisa Anthony alors qu'il atteignait le premier étage.
« Où est-elle ? » demanda-t-il, sans s'embarrasser de le saluer.
Le jeune homme l'étudia brièvement, puis s'effaça pour le laisser passer sans discuter la légitimé de sa présence. « Deuxième porte à gauche. »
La porte était restée entrouverte et il l'entendit bien avant de l'atteindre. Des gémissements de douleur, des sanglots, des petits cris essoufflés…
Elle se débattait contre Charlie Weasley lorsqu'il pénétra dans la pièce au pas de charge. L'ancien Gryffondor essayait de presser une fiole contre sa bouche mais elle refusait d'en avaler le contenu… Il avait les larmes aux yeux de devoir batailler avec elle alors qu'elle était dans cet état, paraissait inquiet, agité…
Severus l'écarta avec brutalité pour prendre sa place à ses côtés.
« Nymphadora… » murmura-t-il, en se penchant au-dessus d'elle.
Elle peinait à respirer.
Ses yeux gris débordaient de larmes qui roulaient sur ses tempes et allait se perdre dans ses cheveux, sa poitrine se soulevait trop vite…
Il plaça une main sur sa joue pour maintenir sa tête dans une position qui faciliterait sa respiration, écarta de l'autre les mèches brunes qui collaient à son visage…
« Nymphadora. » répéta-t-il, plus fermement. Leurs regards se croisèrent, s'accrochèrent… « Cesse immédiatement de pleurer. »
Les mots sonnèrent bien plus secs et froids qu'il ne l'avait voulu.
« Elle vient de traverser un truc horrible. » protesta Charlie Weasley, derrière lui. « Ce n'est pas une machine ! Si elle a besoin de pleurer… »
« Les sanglots ne feront qu'aggraver les choses. Plus tu paniqueras et pire ce sera. » expliqua-t-il, davantage à son intention que pour son meilleur ami, en effaçant ses larmes d'un pouce tremblant. « Peux-tu occluder la douleur ? » Il n'était pas certain qu'elle soit en mesure de comprendre ce qu'il disait. Ses yeux brillaient de souffrance, de peur… Il claqua la langue de frustration. « Laisse-moi entrer… » Il attendit que son regard se fasse un soupçon plus clair, caressant son visage sans même y penser. « Laisse-moi entrer, Nymphadora. »
Elle cilla de manière un peu trop prononcée pour être naturelle, ce qu'il interpréta comme un consentement.
D'un Legilimens informulé, il pénétra prudemment dans son esprit.
La vague de douleur le heurta immédiatement, comme un raz-de-marée.
Physique.
Psychique.
La souffrance était omniprésente et, couplée à ses défenses naturelles, manqua l'éjecter de sa tête.
Severus tint bon, cependant, trop adepte à naviguer les courants de douleur. Aurait-il été dans son propre esprit, il aurait été facile d'enfermer la souffrance derrière des boucliers provisoires, d'en atténuer la morsure… Dans celui de la jeune femme, en revanche… Il tâcha patiemment de lui montrer ce qu'il fallait faire, comment isoler la douleur, comment tromper son cerveau, comment lui faire croire que la souffrance était moindre qu'elle ne l'était en réalité…
Elle mit du temps à comprendre et lorsqu'elle saisit finalement le concept, elle était presque trop faible pour que cela fasse une différence majeure.
Sur le plan physique, pourtant, il sentit sa respiration s'apaiser, se calquer lentement sur la sienne. Il entendit ses gémissements diminuer puis cesser, ses pleurs se tarir…
Lorsqu'il fût certain qu'elle avait la situation sous contrôle, il se retira, peu surpris de sentir que ses muscles s'étaient crispés, que ses membres s'étaient ankylosés…
Le temps passait différemment sur la sphère psychique, pourtant, d'expérience, il savait qu'il s'était écoulé une bonne dizaine de minutes sur le plan physique.
Charlie Weasley s'était déplacé et se tenait désormais au pied du lit, une main posée sur la cheville de la jeune femme, comme si, lui aussi, avait besoin de se rassurer…
Severus ne lui prêta qu'une attention limitée.
« Severus… » souffla-t-elle, un peu plus lucide.
« Je suis là. » lui promit-il. Il lui caressa plusieurs fois les cheveux, incapable de cesser de la toucher, de s'assurer qu'elle était vivante… « Je suis là. »
Son corps perdit en tension et il s'autorisa finalement à l'observer, à étudier la manière peu naturelle dont son torse s'affaissait… Il jeta deux sorts de diagnostic qui contribuèrent à le rassurer sur son état de santé mais lui indiquèrent distinctement à quel point elle était passée près de la mort.
Weasley se racla la gorge, lui tendant la même fiole qu'il avait été en train d'essayer de lui faire avaler lorsqu'il était entré. « La Médicomage a dit qu'elle devait prendre ça. »
« Et qu'est-ce que ça, précisément ? » railla-t-il, sans esquisser le moindre geste pour prendre la potion.
Il était incapable d'ôter les mains de son visage, de cesser de la toucher, de caresser ses cheveux, ses joues, sa gorge…
Il était incapable de repousser la crainte irrationnelle qu'elle disparaîtrait au moment où il perdrait le contact physique avec elle.
« Une potion de sommeil-sans-rêve. » clarifia le jeune homme.
Severus refusa immédiatement d'une secousse de tête. « Un somnus est préférable. »
« Kingsley a dit… » insista Weasley.
« Sous l'effet de cette potion, elle serait incapable de se réveiller pour nous avertir si la douleur empire ou si elle se sentais mal. » l'interrompit-il, s'efforçant de rester aussi courtois qu'il le pouvait. Il n'était, après tout, pas le seul à être inquiet et Nymphadora avait été très claire quant au fait que Charlie Weasley était une des personnes les plus importantes dans sa vie. « Son usage serait peut-être acceptable à Sainte Mangouste où il y a pléthore de Médicomages pour la surveiller mais, ici, un sortilège plus léger dont elle pourra se réveiller si besoin est préférable. Qui plus est, le Poussos est une potion violente pour l'organisme et la coupler à une autre ne fera qu'amplifier son inconfort. Cela repoussera d'autant le moment où elle pourra prendre une potion antidouleur. C'est bien trop cher payer pour quelques heures de sommeil profond. »
Le dragonnier hésita puis haussa les épaules. « C'est vous l'expert. »
Si seulement tout le monde pouvait accepter cet état de fait avec la même facilité, songea-t-il, reportant son attention sur la jeune femme.
« Nymphadora… » murmura-t-il doucement. « Je vais t'endormir, d'accord ? »
Elle attrapa son poignet, sa prise beaucoup plus ferme que ce à quoi il s'était attendu. La pression sur la Marque manqua lui arracher un sifflement de douleur. Elle secoua la tête, presque avec panique.
Il pinça un peu les lèvres, n'éprouvant aucun plaisir à l'idée de la contraindre à quoi que ce soit.
« Il le faut. » insista-t-il. « Tu as besoin de repos et, crois-moi, tu ne veux pas être éveillée lorsque le Poussos commencera à véritablement agir. » Des larmes perlèrent à nouveau à ses yeux et il marmonna un juron, s'asseyant prudemment à côté d'elle pour mieux emplir son champ de vision. « Tu es en sécurité. »
« Severus… » supplia-t-elle, la respiration un peu trop sifflante.
« Je suis là. » répéta-t-il.
Ses doigts s'enfonçaient avec suffisamment de force dans sa chair pour laisser des bleus. Il occluda la douleur, occluda la brûlure de la Marque alors qu'elle pressait par inadvertance sur une zone particulièrement sensible…
« Reste… » l'implora-t-elle, une lueur paniquée dans le regard. « Ne me laisse pas… »
« Il n'en était pas question. » la rassura-t-il. « Je te l'ai dit, tu es en sécurité. Je suis là. Je veillerai sur toi. » De sa main libre, il retraça sa pommette avant d'agripper son épaule. « J'ai besoin que tu te reposes, à présent. Je ne te laisserai pas seule, je te le jure. »
Elle fouilla son regard avec désespoir, à la limite de la Legilimencie. Il abaissa ses boucliers, juste assez pour qu'elle puisse trouver ce qu'elle cherchait, et se détendit légèrement lorsqu'elle ferma finalement les paupières.
« Somnus. » chuchota-t-il, sans s'embarrasser de sortir sa baguette.
Il l'observa durant plusieurs minutes, s'assurant que le sortilège avait pris et qu'elle dormait bel et bien, avant de finalement être rattrapé par la réalité et de regarder autour de lui.
Son sang ne fit qu'un tour.
Ce n'était pas une chambre d'amis destinée à abriter un des membres de l'Ordre pour la nuit ou quelques jours. Celle-ci était visiblement habitée sur le long terme.
Et il n'était pas dur de déterminer par qui.
Tout ici empestait le fauve.
Des pull-overs rapiécés empilés sur la commode, attendant d'être rangés, aux malles au cuir élimé rangées sous la fenêtre.
« Pourquoi l'a-t-on installée ici ? » siffla-t-il, sentant la colère familière monter.
Lorsqu'il était inquiet, la fureur était souvent prompte à se manifester.
« Je ne sais pas. » avoua Charlie Weasley, en secouant la tête. Il s'approcha davantage, étudiant la jeune femme avec inquiétude. « Kingsley venait juste de la déposer sur le lit quand on est arrivé. »
Cela n'avait aucun sens.
Il savait de source sûre qu'elle s'était plus ou moins appropriée une des chambres dans les étages. Et s'il s'était simplement s'agit de trouver un lit au premier étage pour éviter de la déplacer trop loin, il devait bien y avoir une pièce plus adaptée que la chambre de son ex petit-ami.
Pas étonnant qu'elle ait été si paniquée, se dit-il, pas étonnant qu'elle ne se soit pas sentie en sécurité.
« Et ces vêtements ? » insista-t-il, en remarquant le détail qui manqua lui faire perdre définitivement son calme. Il n'y avait prêté aucune attention jusque là, plus préoccupé par l'état de la jeune femme que par ce qu'elle portait. Il était quasiment certain que le pantalon de pyjama en coton à carreaux marron et la chemise dépareillée en flanelle grise appartenaient également à Lupin. « Qui l'a déshabillée ? »
Si c'était le loup, s'il l'avait touchée, il était un homme mort.
Severus allait…
« Moi. » répondit Weasley, sur la défensive. « Ce n'est pas la première fois. Elle ferait pareil pour moi. Et puis, elle était consciente. Ses fringues étaient couvertes de boue et de sang. »
Où était donc la vampire ? Pourquoi personne n'était allé chercher l'autre femme ? Cela ne lui plaisait pas que Weasley ait ce genre d'intimité avec elle…
Néanmoins, il supposait qu'il valait mieux Charlie Weasley que Lupin.
Cette situation était la goutte d'eau qui faisait déborder un chaudron déjà trop plein.
En ce qui le concernait, Lupin venait de franchir une ligne rouge et il n'était plus question de laisser Nymphadora gérer la chose seule.
Pour tromper son irritation, il sortit sa baguette et jeta un nouveau sort de diagnostic. Cette fois, lorsqu'il analysa les résultats, il frissonna. Les sorts qui avaient réparés les dégâts sur ses organes étaient suffisamment frais pour laisser une trace. Elle allait bien maintenant mais sur le coup… Son poumon gauche avait été lacéré… Son rein gauche… Sa rate…
Sans soin, elle serait morte en quelques minutes et dans des souffrances indescriptibles.
Il était passé à un cheveux de la perdre.
Sans magie…
« Elle va se remettre, hein ? » demanda Charlie Weasley, la voix nouée.
Severus leva les yeux vers lui, lui trouva une ressemblance frappante avec son plus jeune frère, à l'instant, et soupira, l'irritation qu'il ressentait envers lui disparaissant subitement.
« Nous n'en serons certains qu'une fois que le Poussos aura fait son œuvre. » déclara-t-il. « Toutefois, je ne vois rien d'alarmant et il n'y aucune raison de penser qu'il y aura des complications. Je vais la veiller. »
Weasley hocha la tête en signe d'approbation. « Je peux vous relayer dans quelques heures si vous voulez dormir un peu. »
« Inutile. » marmonna-t-il. « Je serais incapable de fermer l'œil en la sachant dans cet état. »
Il venait d'avouer plus qu'il ne l'aurait dû mais le jeune homme, loin de se moquer, continua d'hocher la tête, comprenant visiblement très précisément ce qu'il voulait dire. Il ouvrit la bouche pour répondre mais des éclats de voix dans le couloir l'en empêchèrent.
« Restez avec elle. » ordonna-t-il, en se levant souplement – du moins, ce fût souple jusqu'à ce que sa jambe ne vienne lui rappeler qu'il n'était plus aussi agile qu'autrefois.
Il dissimula son boitement autant qu'il le put lorsqu'il sortit de la pièce, prenant soin de refermer la porte derrière lui, peu surpris de trouver Lupin dans le couloir, l'air furieux. L'autre dragonnier lui barrait le passage, les mains levées devant lui comme pour apaiser un animal sauvage. Encore que ce n'était pas si loin de la vérité…
« Tu es pathétique. » cracha-t-il, ajustant sa prise sur sa baguette, résistant de peu à l'envie de jeter un sortilège. « Quel était le plan, Lupin ? La glisser dans ton lit pour mieux l'y rejoindre lorsqu'elle serait endormie ? »
Anthony les regarda tour à tour puis s'écarta sagement.
Les yeux du loup brûlait d'un éclat sauvage, ambré. L'animal rôdait trop près de la surface.
Non pour la première fois, Severus eut des doutes à propos de la potion Révèle-Loup. Sur le papier, elle aurait dû fonctionner comme une version plus poussée de la potion Tue-Loup, aurait dû permettre aux loups-garous de trouver un meilleur équilibre entre leurs deux natures… Sauf que lorsqu'on voyait Lupin…
« Va-t-en. » intima ce dernier, irradiant d'une autorité à laquelle une meute de loups se serait peut-être soumise mais qui ne fit qu'enrager Severus davantage. « Tu n'as rien à faire ici. »
« Ce n'est pas moi qui n'ait rien à faire ici. » rétorqua-t-il. « Ou bien as-tu déjà oublié qui elle désire à son chevet ? Mais cela ne compte pas pour toi, n'est-ce pas ? Ce qu'elle désire ? Pourquoi respecter ses souhaits, après tout. »
Le sarcasme fût la provocation de trop.
Lupin se jeta sur lui, poing levé…
Évidemment.
La bête sauvage oubliait qu'il possédait une baguette et recourait directement à la violence physique.
Severus aurait pu le repousser par magie mais ce poing qui se dirigeait droit vers son visage… La situation était bien trop familière.
Excepté qu'il n'était plus un adolescent sans défense.
Il esquiva la frappe sans trop de difficulté, attrapa le poignet de Lupin au passage, se servit de son élan pour le retourner contre lui… Il n'avait pas compté sur sa jambe qui l'handicapait ou ses mains moins fiables qu'autrefois. Emporté, lui aussi, par l'élan de Lupin, ils s'écrasèrent contre le mur. Severus se reprit, en premier, cependant et lui écrasa la joue contre la cloison d'un bras pressé en travers de la nuque, utilisant le poids de son corps pour le maintenir en place.
« Elle te l'a expliqué gentiment pendant des mois. » siffla-t-il à l'oreille du loup. « Puisque la méthode douce ne fonctionne pas, je suis tout disposé à tenter une autre approche. »
« Vas te faire foutre. » cracha le loup.
Il accentua la pression qu'il maintenait sur sa nuque, si furieux qu'il aurait réellement pu la lui briser sans sourciller.
« Dans ton lit ? Vraiment, Lupin ? Es-tu tombé si bas ? » ragea-t-il. « Que comptais-tu faire ? Laisse-moi être clair : si tu poses à nouveau une de tes sales pattes sur elle, je me ferais un tapis de ton pelage. »
Le loup sembla se recroqueviller sur lui-même. Severus aurait dû se méfier.
La seconde suivante, il se dégageait d'un coup brutal d'épaule.
Le Maître des Potions trébucha en arrière, levant immédiatement sa baguette, s'entourant d'un bouclier.
« Je l'ai mise en sécurité. » rétorqua Lupin, en tirant sa baguette.
« En sécurité. » répéta Severus, avec un ricanement moqueur. « Et qui l'y aurait protégée de toi ? »
« Ce n'est pas de moi qu'elle doit être protégée. » gronda le loup, dans un bruit sourd. « C'est de toi. »
« Remus, ça suffit. » intervint finalement Anthony.
Ils l'ignorèrent tous les deux.
« Elle semble avoir l'opinion contraire. » railla l'ancien espion.
« Tu profites d'elle ! » l'accusa Lupin, avec un doigt pointé vers lui.
« Pourtant ce n'est pas moi qui ait tiré profit du fait qu'elle soit blessée pour la contraindre à s'allonger dans mon lit. » répliqua-t-il. « Ce n'est pas moi qui ait manqué lui arracher la gorge. Ce n'est pas moi qui la rabaisse sans arrêt et l'infantilise. Ce n'est pas moi qu'elle fuit comme la peste. »
Le danger brillait dans les yeux du loup-garou.
Qui était aux commandes à ce moment précis ?
Lupin ?
Ou le loup ?
Ou bien s'agissait-il de cette symbiose parfaite entre les deux que la potion Révèle-Loup était censée provoquer ?
« Elle est à moi. » murmura Lupin, avec un mélange de douleur, de fureur et de désespoir. « Elle s'amuse avec toi mais elle est à moi. »
« Elle ne t'appartient pas. » contra sèchement Severus. « Pas plus qu'elle ne m'appartient à moi. Ce n'est pas un animal. »
« C'est ma compagne ! » rugit le loup. « Pour la vie. »
« Oh, s'il te plait… » dédaigna-t-il. « Ce n'est pas la première femme avec qui tu as une aventure ou dont tu t'amouraches. »
Il le savait de source sûre.
Le loup n'avait pas exactement vécu en célibataire durant leur scolarité.
« C'est différent. » insista Lupin, cet éclat mauvais toujours dans le regard. « Trouve-toi un autre passe-temps. Elle est prise. »
« Elle n'est certainement pas un passe-temps. » siffla-t-il. « Et, oui, en effet, elle est prise. »
« Tu n'as rien à lui offrir. » gronda Lupin. « Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé. Tu es pourri jusqu'à la moelle. Même Lily le savait. »
Le prénom fût comme un coup de poing au plexus.
Et le loup dût le percevoir parce qu'il sourit avec une cruauté féroce que Severus n'avait jamais vu sur son visage auparavant. L'animal se dessinait derrière l'humain.
« Oh, je n'ai pas oublié… Et même si c'était le cas, Harry est bavard lorsqu'il s'agit de votre escapade en soixante-quinze. Toujours amoureux des femmes que tu ne peux pas avoir, pas vrai, Servilus ? » se moqua froidement l'ancien Maraudeur. « Tu la dégoûtais sur la fin. Elle ne pouvait même pas prononcer ton nom sans plisser le nez… Comme si elle sentait une mauvaise odeur… Ce sera pareil pour Dora. Elle s'apercevra de qui tu es vraiment, elle verra que tu es mauvais, et elle me reviendra. »
Ses mains étaient loin d'être stables et sa baguette tremblait si fort qu'il manqua la lâcher.
La fureur l'envahit, moins puissante cependant que le regret, la honte, le chagrin…
Lupin mentait-il ou bien Lily avait-elle été répugnée par lui ?
Non, bien sûr qu'il ne mentait pas.
Il n'en avait pas besoin.
Severus l'avait toujours su. Comment aurait-elle pu conserver ne serait-ce qu'un infime degré d'amitié pour lui ? Il n'était même pas digne de la nostalgie affectueuse avec laquelle on pensait à un ami d'enfance.
Et c'était tout ce qu'il méritait.
Il baissa sa baguette.
« Je ne te laisserai pas lui faire du mal. » l'avertit-il. « Tiens-toi le pour dit, Lupin. Si je n'ai pas de cœur, ton meurtre ne pèsera pas bien lourd sur ma conscience. »
« Je ne te laisserai pas lui faire du mal non plus. » rétorqua Lupin. « C'est pour ça que tu vas retourner à Poudlard et y rester. Elle n'a pas besoin… »
« Elle lui a demandé de rester. »
Trop préoccupé par sa dispute avec le loup, Severus n'avait pas fait attention à Anthony qui avait visiblement battu en retraite dans la chambre. Charlie se tenait maintenant sur le seuil de la pièce, sa baguette à la main.
« Professeur Snape. » l'appela le dragonnier, en lui faisant signe de rentrer dans la chambre.
Il ne leva pas tout à fait sa baguette en direction de Lupin mais il était évident qu'il se tenait prêt à la confrontation.
« Charlie. » gronda le loup. « Tu ne sais pas… »
« Je sais que c'est ma meilleure amie et que je l'aime. » le coupa Weasley. « Je sais que tu lui as brisé le cœur et que tu t'es comporté comme un connard avec elle. Je sais qu'elle s'est remise à sourire, à plaisanter et qu'elle est heureuse. Je sais que c'est en grande partie grâce à lui parce qu'elle me l'a dit. Je sais aussi que je ne vais pas te laisser rentrer dans cette chambre tant qu'elle est inconsciente parce que ton comportement est plus que limite, Remus, et je sais que la personne qu'elle veut auprès d'elle là, tout de suite, c'est lui. Voilà tout ce que je sais et, honnêtement, ça me suffit. »
Lupin les dévisagea tour à tour. « Ce n'est pas terminé. »
Non, pensa Severus en le regardant disparaître dans l'escalier, ce n'était pas terminé.
Ce ne serait pas terminé avant qu'un drame ait eu lieu.
Parce que si Lupin ne pouvait plus la posséder… Jusqu'où irait le loup ?
Il ne remercia pas Charlie ou son partenaire qui se tenait juste à l'intérieur de la porte, les bras croisés comme s'il lui déplaisait de devoir trancher en sa faveur, mais il leur adressa à chacun un hochement de tête reconnaissant.
Il écouta à peine Weasley lorsqu'il l'informa qu'ils allaient passer la nuit au Q.G. et qu'il pouvait les appeler si besoin. Il attendit qu'ils quittent la pièce avant de jeter ses sorts de protection les plus forts sur la porte, non pas parce qu'il craignait le loup mais parce que l'idée que Nymphadora ne se trouve pas en lieu sûr lui était insupportable.
Une fois barricadé à l'intérieur, il envoya valser au sol la pile de vêtement entassés sur une chaise dans le coin, la transforma en fauteuil plus confortable et le fit léviter au plus près du lit, le positionnant de telle manière à ce qu'il puisse garder porte et fenêtre dans son champ de vision.
Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé. Tu es pourri jusqu'à la moelle.
Il se laissa aller dans le fauteuil avec un soupir las.
Tout est pourri en moi.
N'était-ce pas ce qu'il avait affirmé à Minerva quelques jours plus tôt ?
Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé.
Il se frotta le visage.
Severus… Je suis en train de tomber amoureuse de toi.
C'est mon père que je veux.
Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé.
Un enfant. Tu meurs pour un enfant.
Mon enfant.
Tu es tout ce que j'ai. Tu es mon fils.
« Severus… »
Il leva les yeux vers le lit.
Les paupières de Nymphadora papillonnaient.
« Tu devrais être en train de dormir. » la gronda-t-il, sans hostilité aucune. Il se pencha en avant, dégagea les mèches brunes de son visage. « Cesses de lutter contre le sort. »
« Mal… » bredouilla-t-elle, en tournant la tête vers sa main, calant sa joue contre l'intérieur de son poignet.
Il jeta un sort de diagnostic mais n'y lut rien d'alarmant. Une légère fièvre qui n'était que la conséquence normale du stress subit par son corps…
« La potion a commencé à faire effet, tes côtes sont en train de repousser. » murmura-t-il. « Je vais te rendormir. »
« Reste… » insista-t-elle.
« Jusqu'à ce que tu ne veuilles plus de moi. » promit-il, avec une tristesse palpable, avant de jeter à nouveau le sort.
Sa respiration s'apaisa lentement à mesure qu'elle sombrait dans un sommeil plus profond.
Il caressa une dernière fois ses cheveux puis attrapa ses doigts, les portèrent à ses lèvres pour y déposer un baiser. Un second… Il s'inclina de fatigue, pressant son front contre le dos de sa main.
Il avait failli la perdre.
Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé.
C'était faux, songea-t-il.
Il avait aimé par le passé et il aimait encore aujourd'hui.
Lily. Sa mère. Même Tobias, par moment, à son corps défendant.
Albus.
Harry.
Quant à Nymphadora… Il ne pouvait nier que…
S'il l'avait perdue…
Lorsqu'il était question d'amour, d'émotions, Severus était un équilibriste. Il était faux de dire qu'il ne ressentait rien, il était juste devenu très habile lorsqu'il était question d'éviter de ressentir.
Lorsque Lily était morte il était tombé au fond d'un gouffre dont il ne s'était extirpé que grâce à la détermination d'Albus à le sortir de l'abysse. Depuis, il marchait sur un fil, trop conscient qu'il serait trop simple pour lui de retomber dans cette dépression qui l'avait rongé une grosse partie de sa vie.
La fureur était préférable à l'apathie.
L'amertume était préférable au chagrin.
La haine de soi, des autres, était préférable au désespoir.
La vérité était qu'il déambulait désormais sur ce fil en portant à bout de bras les deux poids qu'étaient Harry et Nymphadora. Non pas parce qu'il les considérait comme des boulets à ses pieds, un encombrement, ou parce qu'il était irrité de la place qu'ils occupaient dans sa vie, au contraire. Mais parce que s'il perdait l'un ou l'autre, il perdrait également l'équilibre et sombrerait à nouveau dans le gouffre béant en lui.
Celui que les paroles de Slughorn avait rouvert si brutalement l'autre jour.
Certaines blessures ne cicatrisaient jamais.
Tu n'as jamais aimé personne et personne ne t'a jamais aimé.
C'était faux. Trop faux.
Que savait Lupin de sa vie ? Rien ou presque.
Tu es pourri jusqu'à la moelle.
Peut-être.
Sûrement même.
Harry avait vu le pire et était resté.
Nymphadora…
Finirait-elle par le fuir avec la même véhémence qu'elle mettait à fuir le loup-garou ?
C'était probable.
Et cela le terrifiait.
Parce que la vérité, cette vérité nue qu'il n'était pas tout à fait prêt à admettre, c'était qu'elle n'était pas la seule qui était en train de tomber amoureuse.
Et là où Lupin n'avait pas tort, c'était que ce genre de choses ne s'étaient jamais bien terminées pour lui.
°O°O°O°O°
Tonks avait mal partout.
Elle gémit avant même de chercher à ouvrir les yeux. Chaque inspiration lui piquait la poitrine comme si une centaine d'aiguilles s'enfonçaient dans son abdomen, ses poumons…
Une main passa dans ses cheveux, s'attarda tendrement sur son front comme pour vérifier sa température…
Elle tourna instinctivement la tête pour la suivre lorsqu'elle se retira, l'esprit embrumé.
« Nymphadora ? »
Malgré la douleur, elle sentit ses lèvres s'étirer en un faible sourire, et elle renonça à ouvrir les yeux.
« Severus… » souffla-t-elle.
« Je suis là. » murmura-t-il. « Rendors-toi. »
Elle voulut bouger, se blottir contre lui, mais cela lui arracha un nouveau gémissement. Et le lit était vide. Le lit était… familier sans l'être tout à fait… Trop mou pour être celui de ses appartements à Poudlard, trop dur pour son propre matelas. Trop…
L'odeur la frappa brusquement.
Familière, elle aussi.
Pas désagréable. Simplement…
Elle ouvrit les yeux en grands, paniquée. « Severus… »
« Je suis là. » répéta-t-il, une main posée sur son épaule pour l'empêcher d'essayer de se redresser.
Elle dût ciller plusieurs fois avant de parvenir à le distinguer dans la pénombre. Quelques bougies éclairaient une pièce qu'elle ne connaissait que trop bien.
La panique la prit à la gorge.
« Pourquoi… »
« Si j'étais charitable, je dirais que cela venait d'un besoin instinctif de te mettre en sécurité dans sa tanière. » répondit calmement Severus. « Mais comme je suis simplement pragmatique, je résumerais ça à Lupin étant un parfait connard. »
Le juron était si incongru dans sa bouche qu'il la choqua.
« Qu'est qu'il s'est passé ? » demanda-t-elle, en couvrant la main posée sur son épaule de la sienne.
Elle avait besoin…
Elle voulait…
« Quelle est la dernière choses dont tu te souviennes ? » s'enquit-il.
Elle ouvrit la bouche pour répondre, la referma… Ses souvenirs étaient flous mais ne tardèrent pas à lui revenir, un peu en désordre, un peu trop vivaces…
Leo.
Albert.
« Ne pleure pas. » la gronda-t-il gentiment, effaçant du dos de sa main les larmes qui venaient de lui échapper. « Tu vas aggraver tes blessures. Prends sur toi encore un peu. »
Elle était désorientée.
Elle croisa son regard, s'y accrocha comme une noyée à son rocher…
« Combien de temps… » marmonna-t-elle.
Combien de temps avait-elle été inconsciente ?
Combien de temps était-elle restée dans cette chambre sans lui ?
Elle se rappelait vaguement avoir exigé de Kingsley qu'il la ramène au Q.G., puis de Remus qui l'avait faite porter jusqu'à sa chambre… Elle avait paniqué. Elle ne pouvait pas se défendre. Sa baguette… Elle tâta autour d'elle, ignorant la douleur…
Severus plaça le bout de bois dans sa main et elle se détendit, respirant un peu plus facilement.
Charlie et Anthony étaient arrivés juste après ça, se souvint-elle.
Et après… après….
« Il est… » Le Maître des Potions jeta un rapide tempus. « …cinq heures du matin. Tu as dormi plus ou moins la nuit entière. J'ai dû te jeter un somnus à plusieurs reprises. »
« Tu es resté avec moi. » murmura-t-elle.
Elle avait de vagues souvenirs de l'avoir supplié plusieurs fois de ne pas la laisser…
« Bien sûr. » répondit-il, comme si c'était l'évidence. « Tu devrais te reposer davantage. Tu as à nouveau une cage thoracique fonctionnelle mais le Poussos n'a pas tout à fait terminé d'agir, il lui faut consolider tes os. Et il te faut un repos complet pendant quelques jours. »
Il était hors de question qu'elle se rendorme dans ce lit, dans cette chambre, tout droit sortis d'un écho du passé.
« Je veux rentrer chez moi. » décida-t-elle. « Ramène-moi chez moi. »
Elle essaya de se redresser mais il la maintint fermement allongée. Ce n'était pas qu'elle ne lui faisait pas confiance ou qu'elle avait peur de lui, ça n'avait rien à voir avec lui du tout, mais elle ne put s'empêcher de se débattre, ce qui raviva la douleur dans son torse et lui arracha un cri.
« Nymphadora. » cingla-t-il, un petit plus sévèrement, cette fois-ci. « Arrête. »
« Je veux rentrer chez moi. » insista-t-elle, repoussant sa main.
Elle parvint à se hisser un peu contre les oreillers, dans une position semi-assise qui ne lui fit aucun bien. Severus n'essaya pas de l'attraper à nouveau, ayant certainement peur de la blesser davantage.
Avec un nouveau juron qui, vraiment, trahissait sa fatigue et son inquiétude, il jeta un sort de diagnostic qui ne parut pas le satisfaire tout à fait. « Tu as de la fièvre. »
« Je me sens bien. » mentit-elle, les larmes aux yeux. De douleur, de fatigue, de peur, peut-être. « Ramène-moi chez moi, s'il te plaît. »
Son hésitation fût perceptible mais ne dura pas longtemps. Son expression était compréhensive mais inflexible. « Je regrette, je ne peux pas. Tu n'es pas en état de transplanner, encore moins de marcher aussi longtemps qu'il le faudrait, et nous serions trop exposés pendant trop de temps. Je ne pourrais pas garantir notre sécurité. C'est beaucoup trop risqué. »
Son ton était catégorique.
« Je ne veux pas rester ici. » l'implora-t-elle, repoussant les couvertures qui sentaient Remus.
C'était trop bizarre.
Trop…
« Je peux t'aider à changer de chambre. » offrit-il. « Ou… Si tu te sens capable de descendre l'escalier et d'emprunter la cheminée, je peux te ramener chez moi. »
À Poudlard.
Oui… Oui, songea-t-elle, Poudlard était une bien meilleure option que de rester coincée au Square Grimmaurd pendant des jours. Seule. Parce que bien qu'il ferait son possible si elle le lui demandait, il ne pouvait pas tout abandonner pour lui tenir la main toute la journée.
Et c'était certainement mieux que de rester une seconde de plus dans ce lit.
« Doucement. » la morigéna-t-il, lorsqu'elle essaya de se lever toute seule.
Il la força à ralentir la cadence, s'assura que la douleur était supportable avant de l'autoriser à faire quelques pas, la soutenant avec précaution…
« Es-tu certaine que… » demanda-t-il.
« Si tu tiens un tant soit peu à moi, sors-moi d'ici. » exigea-t-elle.
Il cessa de lui poser la question et démantela les protections dont il avait bardé la porte sans plus discuter. Cela lui prit plusieurs minutes.
La tête lui tournait et elle s'appuya plus fort contre lui, agrippant sa baguette sans trop savoir de quoi elle avait peur.
« Pourquoi… » marmonna-t-elle.
« Un loup-garou grattait à la porte. » répondit-il, acerbe.
Un loup-garou qui avait insisté pour que Kingsley la porte dans sa chambre, arguant que c'était la plus proche lorsque son partenaire avait émis un doute. Elle tira sur la chemise qu'elle portait, l'identifia sans mal comme une de celles qu'elle s'était plu à lui emprunter par le passé…
Tout dans cette situation la dérangeait.
Remus ne l'avait pas touchée.
C'était Kingsley qui l'avait portée, Charlie qui l'avait aidée à se changer…
Remus ne l'avait pas touchée, lui avait à peine adressé la parole, mais cela ne l'empêchait pas d'avoir l'impression qu'il s'agissait d'une manière de la marquer. Comme une possession. Comme…
C'était malsain.
Tous ses instincts étaient en alerte.
Elle refusait de rester dans cet endroit où rôdait impunément son ex qui se permettait des libertés qu'elle lui avait explicitement refusées.
Elle n'avait plus confiance.
Pire, elle se sentait en danger.
Elle devait sortir d'ici.
Maintenant.
« Tu n'es pas seule, Nymphadora. » lui rappela Severus, comme s'il avait suivi son raisonnement muet. Sa panique devait être évidente. « Tu es en sécurité avec moi. »
Elle se détendit d'un cran mais pas totalement.
Il ne mentait pas pourtant. N'était-ce pas pour ça qu'elle l'avait réclamé à corps et à cri, la veille ? À Kingsley, d'abord, à Remus, ensuite, et puis, lorsqu'ils étaient arrivés, à Charlie et Anthony… Elle ne se souvenait pas bien mais elle savait, elle savait, que l'impression de danger ne s'était atténuée que lorsqu'elle avait entendu le son de sa voix.
« Allons-nous en. » chuchota-t-elle.
La maison était lourde du silence qui précédait l'aube. Tout le monde paraissait dormir mais ça ne l'empêcha pas d'être anxieuse. Son cœur battait trop fort, sa tête tournait, la douleur était à peine supportable… Severus la portait plus qu'il ne la soutenait, mais elle savait qu'il peinait, sa jambe manqua céder plus d'une fois dans l'escalier. Leur progression était lente et inélégante.
Ils étaient presque arrivés à la porte du salon lorsque Remus en émergea, l'air bien trop éveillé, sa baguette à la main. Comme s'il avait été en train de monter la garde.
« Qu'est-ce que tu fais ? » demanda-t-il à Severus, en lui accordant à peine un regard à elle. Il avait l'air terriblement satisfait, comme s'il avait pris le Maître des Potions en flagrant délit de…
De quoi ?
De fuite ?
Pourquoi avait-elle l'impression qu'ils essayaient de s'évader ? Elle n'avait de comptes à rendre à personne, si ce n'était peut-être à l'homme qui la tenait contre lui, et encore parce qu'elle l'avait choisi. Elle n'en devait certainement plus au loup-garou.
Si elle souhaitait partir, cela la regardait.
« Laisse-nous tranquille. » cracha-t-elle.
Les yeux de Remus revinrent vers elle, s'adoucirent… « Tu ne sais pas ce que tu dis. Tu devrais être au lit, pas… »
« Dans ton lit ? » rétorqua-t-elle, à bout de souffle. « Plus jamais. »
Le loup-garou fit un pas en avant et, perdant en bravoure, elle se recroquevilla davantage contre Severus, s'agrippant à ses robes par réflexe, tout en sachant que c'était une erreur, que s'il devait se battre, elle ne ferait que l'encombrer, que la meilleure chose qu'elle aurait pu faire était de s'écarter, de lui laisser le champ libre parce qu'elle serait un poids mort… Au lieu de ça, elle pressa le visage dans le creux de son épaule, la respiration courte, la sensation de vertige atroce…
Elle savait qu'elle tremblait.
Elle le savait parce que Severus l'attira plus près encore, la serra plus fort.
« Écarte-toi, Lupin. » ordonna-t-il.
« Et te laisser l'emmener je ne sais où pour lui faire je ne sais quoi ? Je ne crois pas, non. » riposta le loup-garou. « Lâche-la. »
« Je ne le redirais pas. » insista le Maître des Potions, avant de secouer la tête. « Regarde dans quel état elle est. Regarde. Si tu dis la vérité lorsque tu prétends tenir à elle, écarte-toi. »
« C'est toi qui la met dans cet état. » gronda le loup. « Et il est temps que ça cesse… »
« Tu la terrifie ! » s'énerva Severus, perdant son calme. « Et, en effet, il est grand temps que cela cesse. »
Elle ne vit pas le sortilège partir mais elle entendit le bruit lourd d'un corps heurtant le mur.
Elle ne chercha pas à vérifier que Remus n'avait rien ou à protester qu'elle était une Auror que rien n'effrayait et certainement pas une ancienne idylle. Ses jambes flanchaient, elle avait trop mal pour se soucier de sa réputation, elle n'était pas certaine qu'elle n'allait pas vomir…
Elle laissa Severus l'entraîner vers le salon, fermer la porte d'un autre sortilège et la verrouiller derrière eux.
Une seconde plus tard, des coups sourds résonnaient dans toute la maison. Le bruit d'un poing qui frappait sur la cloison, puis celui, plus brutal, d'une épaule qui essayait d'enfoncer la porte… Remus l'appelait, désespéré comme si elle était en danger de mort, comme si elle s'apprêtait à s'enfuir retrouver Voldemort plutôt que de partir avec un membre de l'Ordre qui avait cent fois prouvé son allégeance…
Severus la soutint jusque à la cheminée, attrapa une poignée de poudre qu'il lui fourra dans la main.
« Peux-tu traverser seule ? » demanda-t-il.
Elle hocha la tête bien qu'elle n'en soit pas certaine.
Il la lâcha prudemment, lentement, s'assurant qu'elle pouvait tenir sur ses pieds par elle-même.
« Le pare-feu est devant la cheminée. Je passe le premier. » déclara-t-il. Parce que cela serait douloureux, songea-t-elle, et qu'il ne permettrait pas qu'elle se blesse davantage. Il posa la main sur sa joue, chercha son regard… « Je te donne une minute pour me rejoindre. Si tu ne le fais pas, je considérerai qu'il te retient en otage, je reviendrai et je le tuerai. »
Ce n'était pas une menace en l'air.
Elle frissonna, mal à l'aise face à cette violence pure – du moins jusqu'à ce que le prochain choc ne fasse trembler la porte.
Elle ne savait pas ce dont elle avait peur, au fond. Remus ne lui ferait pas de mal, elle en était convaincue, mais…
Mais rien du tout, lui murmura une petite voix au fond de sa tête, certains instincts ne trompaient pas.
Elle s'était sentie en danger ou, du moins, pas en sécurité, et il y avait des raisons à cela.
Elle hocha la tête à nouveau pour lui indiquer qu'elle avait compris.
Il s'attarda une seconde supplémentaire, puis prit une profonde respiration et traversa en direction de ses appartements. Elle se rapprocha de la cheminée sur des jambes tremblantes, à peine consciente que les voix de Charlie et Anthony s'étaient jointes à celle de Remus dans le couloir. Ils semblaient tenter de le convaincre de se calmer…
Elle jeta la poudre de cheminette, tâcha d'être claire en énonçant l'adresse…
Lorsqu'elle arriva, Severus peinait encore à se relever, empêtré dans le pare-feu qu'il avait pris de plein fouet. Elle fût projetée de la cheminée avec un peu trop de force pour son état chancelant et manqua trébucher sur lui. Elle se rattrapa de justesse à un fauteuil, resta pliée en deux, de douleur et de fatigue.
Elle l'entendit fredonner une litanie latine dans son dos puis elle sentit ses mains se poser sur ses hanches, l'une d'elles remonta jusqu'à son dos et le frotta doucement.
« Respire. » lui conseilla-t-il.
Elle chercha derrière elle à tâtons, trouva l'épais tissu de ses robes et l'agrippa, s'en servant pour se redresser. La douleur lui coupa le souffle et elle chancela, se réfugiant contre son torse. C'était ce qu'elle avait voulu, de toute manière, trouver la chaleur de son corps. Elle ferma les yeux, ne ravala pas un sanglot…
Il referma immédiatement les bras sur elle, l'étreignant avec prudence, attentif à ne pas lui faire mal. Il cala sa tête contre la sienne. Elle l'entendit prendre une profonde inspiration, perçut ce qu'elle interpréta comme du soulagement…
« Ne pleure pas. » lui rappela-t-il, avant de déposer un baiser maladroit sur sa tempe.
Combien de fois lui avait-il répété ça, ces dernières heures ? Ses souvenirs de la nuit étaient vagues, brumeux… Mais elle se rappelait indistinctement s'être réveillée plusieurs fois, lui avoir demandé à chaque fois de ne pas la laisser… Et de sa voix qui lui demandait de ne pas pleurer, de se contenir un tout petit peu plus longtemps, au moins jusqu'à ce que la douleur reflue davantage…
« Je suis désolée… » souffla-t-elle, la gorge nouée.
Elle se sentait mal, un peu coupable de l'avoir mis dans une situation désagréable. Sans parler de le forcer à veiller sur elle comme elle l'avait fait.
La douleur, la peur, le contrecoup de la bataille…
Les larmes montèrent mais elle fit un effort pour les ravaler.
« Ce n'est certainement pas à toi de présenter des excuses. » siffla-t-il. « J'ai bloqué l'accès à la cheminée. Cela ne durera pas plus de quelques heures, Poudlard n'aime pas qu'on obstrue son réseau, mais cela nous assurera de ne pas recevoir de visites intempestives dans l'intervalle. » Il resserra légèrement son étreinte dans un geste qui sembla inconscient. « Tu es en sécurité ici. »
« J'ai… J'ai peut-être paniqué pour rien. » avoua-t-elle, en enfouissant son visage contre son épaule.
Il poussa un soupir. « Non, je ne pense pas. Ma réaction n'a pas été bien meilleure que la tienne, hier soir, pour tout t'avouer. Et, non, il ne s'agit pas de jalousie. Je suis sincèrement inquiet, maintenant. Son comportement est au-delà de ce qui est acceptable. »
Elle n'avait pas vraiment pensé qu'il avait accédé à sa demande de la sortir de là par jalousie.
« Il ne me ferait pas de mal… » insista-t-elle. Son ton n'était ni convainquant, ni convaincu. Elle s'humecta les lèvres, sentant un nouveau vertige lui couper les jambes… « Je me sens mal. »
L'avertissement lui évita de s'écrouler au sol.
Severus la rattrapa, soutenant à nouveau la majorité de son poids.
« Il faut te recoucher immédiatement. » ordonna-t-il. « Tu ne devrais pas être debout. Foutu Lupin… »
Il marmonna l'insulte entre ses dents. Elle songea à protester puis décida qu'elle s'en fichait. Si elle s'était sentie mieux, si elle avait été en meilleur état, peut-être qu'elle aurait géré la situation différemment.
Elle était suffisamment grande pour affronter ses propres dragons.
Néanmoins, il était agréable de savoir que quelqu'un était prêt à le faire à votre place lorsque vous ne pouviez pas le faire vous-même.
Pas à pas, lentement, ils avaient presque atteint le seuil du salon lorsqu'il se figea.
« Je n'ai pas d'autre chambre que la mienne. » hésita-t-il. « Il y a celle d'Harry, mais… Si tu préfères le canapé… Je peux le transformer en lit d'appoint. Tu n'es pas obligée de… »
« Severus. » l'interrompit-elle, un peu sèchement parce que la nausée lui broyait le ventre. « Me réveiller dans le lit de Remus, c'est une raison de paniquer. Me réveiller dans ton lit, c'est normal. »
Son lit était un peu le sien, désormais. Elle y passait suffisamment de ses nuits, platoniquement ou non.
Certes, il en avait été de même pour celui de Remus à une époque mais toute la différence était là : elle n'aurait jamais paniqué si elle s'était réveillée avec Severus. C'était devenu la norme. Une habitude.
Sans plus tergiverser, il l'aida à atteindre sa chambre, la déposa sur le lit impeccablement fait. Elle se laissa aller jusqu'à se recroqueviller en position fœtale, ce qui s'avéra être une erreur parce que, loin de diminuer la douleur, cela sembla la rendre plus aigue. Elle ne retint pas un gémissement.
Le Maître des Potions la força immédiatement à rouler sur le dos.
« Respire. » ordonna-t-il. Encore une consigne qu'il avait répété plusieurs fois ces dernières heures.
Elle ne tarderait pas à sombrer dans l'inconscience, songea-t-elle, soit parce qu'elle allait s'endormir – ou être endormie par un nouveau somnus, vu l'expression de Severus – soit parce qu'elle allait perdre connaissance.
Il restait un dernier problème à régler, avant ça.
Maladroitement, elle commença à déboutonner sa chemise.
« Que fais-tu ? » demanda l'ancien espion, un peu gardé.
« Je ne veux pas de ses vêtements. » murmura-t-elle, frustrée par les boutons qui ne coopéraient pas.
Elle avait l'impression désagréable que Remus n'aurait pas pu faire davantage pour la marquer mis à part lui pisser dessus comme un chien sur un lampadaire. La pensée était ingrate et elle la regretta mais… tout de même.
Un murmure et, sous l'effet d'un sortilège qu'elle n'avait pas saisi, tous les boutons se défirent d'eux-mêmes.
« Pratique… » commenta-t-elle.
« Nécessaire lorsque tes mains ne sont pas toujours coopératives. » contra-t-il, en fouillant dans un tiroir de sa commode.
Il en extirpa un tee-shirt jaune fané qu'elle reconnut sans mal et un caleçon de sport long noir qu'elle avait cherché partout avant de le déclarer perdu dans le triangle des Bermudes qu'était son appartement.
« Tu les as oubliés dans la salle de bain. » expliqua-t-il, d'un ton presque trop neutre. « Les elfes les ont récupérés et lavés avec mon linge. »
Elle n'était pas en état d'avoir cette discussion là. Oui, elle emmenait souvent un pyjama et des affaires de rechange pour le lendemain. Oui, elle en oubliait sans doute quelques unes ici ou là. Oui, à ce stade, il aurait été plus pratique qu'elle laisse carrément des choses dans ses appartements. Une brosse à dents, au moins.
Il l'aida à se changer ou, plutôt, il fit tout le travail pendant qu'elle luttait pour rester consciente puis, une fois que ce fût fait, il donna un petit coup de pied dans le tas de vêtements empruntés à Remus. Encore que, pouvait-on parler d'emprunt étant donné qu'elle n'avait rien demandé en premier lieu et aurait nettement préféré porter des affaires appartement à Sirius, Nyssa ou même Charlie ?
« Crois-tu qu'il serait puéril de notre part d'y mettre le feu ? » railla-t-il, à demi-sérieux.
Le souvenir de la chaleur des flammes la veille lui sauta à la gorge.
Elle ferma les yeux sans répondre, l'entendit soupirer avant de marmonner un evanesco.
Ensuite, elle le sentit manœuvrer pour la faire glisser sous les couvertures en la secouant la moins possible. Elle s'efforçait encore de soulever les paupières lorsqu'il parvint finalement à la couvrir convenablement. Il lui caressa le front, les cheveux…
« Tu m'as fait peur. » avoua-t-il, dans un murmure.
Elle s'était fait peur à elle-même.
Elle attrapa son bras, tira légèrement dessus avec la maigre force qu'il lui restait… « Viens te coucher. »
« Je devrais me lever dans une heure… Cela ne vaut pas la peine. » protesta-t-il.
« Viens te coucher. » répéta-t-elle, d'un ton un peu plus suppliant.
Elle avait besoin de lui, besoin de ses bras autour d'elle, de sentir son odeur, sa chaleur…
Il soupira mais retira ses lourdes robes, enleva ses chaussures et sa ceinture… Il se glissa sous les draps tout habillé, ce qui lui fit dire qu'il ne comptait pas rester longtemps.
Elle s'en contenterait.
Elle voulut se blottir contre lui mais se tourner sur le côté était insupportable. Frustrée, elle grogna de rage.
Il devait avoir deviné ce qu'elle voulait, cependant, parce qu'il la déplaça prudemment jusqu'à ce qu'elle soit plus ou moins allongée sur lui, son dos contre son torse, son bassin et ses jambes entre les siennes, légèrement surélevée mais pas trop… La position rendait sa respiration plus facile, allégeait la pression sur sa cage thoracique et elle se laissa aller sur lui, tournant la tête juste assez pour pouvoir presser son front contre sa gorge… Il l'entoura de ses bras, attentif à ne pas serrer trop fort sans pour autant que l'étreinte soit lâche…
Il y avait beaucoup de choses qu'elle aurait aimé pouvoir lui dire, des choses qui lui étaient venues alors qu'elle se tenait aux portes de la mort, des choses qui pesaient sur sa poitrine et d'autres qui la rendaient plus légères… Elle était incapable de trouver les mots.
« Rabastan Lestrange. » lâcha-t-il.
Elle attendit qu'il la réprimande pour avoir seulement essayé de l'affronter, anticipant déjà la dispute qui la laisserait épuisée, avant de réaliser que c'était ce que Remus aurait fait.
Severus, lui…
« Ils te décoreront bien d'un Ordre de Merlin, pour ça. »
« Sectumsempra… » marmonna-t-elle. « C'est comme ça que je l'ai tué. » Et, comme toujours lorsqu'elle prenait une vie, elle en éprouva plus de dégoût que de fierté. La nausée s'amplifia et elle ferma les yeux plus fort, espérant parvenir à se maîtriser. « Il voulait me capturer et t'envoyer un de mes yeux par hibou… »
Elle n'avait pas prévu de lui raconter ça.
Il se raidit, resserra son étreinte. « C'est aussi bien que tu l'ai tué, dans ce cas, je préfère tes yeux là où ils sont. »
Elle avait chaud, dût s'en plaindre à voix haute, parce qu'il murmura un sort de diagnostic.
« Tu as de la fièvre. » répondit-il. « Rien de bien préoccupant ou d'anormal. Veux-tu que je m'écarte ? »
« Non. » protesta-t-elle. Elle avait toujours le front pressé contre sa gorge. Elle pouvait sentir son pouls. Ou s'imaginait pouvoir sentir son pouls. « J'ai cru… J'ai cru… »
« Tu vas bien. Tu es en sécurité. » offrit-il, lorsqu'elle échoua à terminer sa phrase.
Sans doute pouvait-il deviner ce qu'elle voulait dire.
Après tout, il était passé par là, lui aussi, s'était vu partir…
« Mal… » admit-elle, un peu malgré elle.
« Dans quelques heures, ton organisme aura évacué le Poussos et tu pourras prendre une potion antidouleur. » expliqua-t-il. « Tu te sentiras mieux. Je crains que ce ne soit un mauvais moment à passer. Le meilleur remède est le repos, pour l'instant. »
De gré ou de force, songea-t-elle, alors que le malaise la tirait vers l'inconscience.
« Reste avec moi ? » insista-t-elle.
« Aussi longtemps que tu le souhaiteras. » promit-il patiemment.
« Toujours. » décida-t-elle, emportée par la fièvre qui l'empêchait de mesurer ses paroles.
Une de ses mains s'aventura le long de son bras, redescendit en une caresse hésitante.
« Toujours n'existe pas. » déclara-t-il, à regret. « Aussi longtemps que possible. »
Ce n'était pas assez.
Rien, songea-t-elle, juste avant de perdre connaissance, ne serait jamais assez.
