Juste un petit mot pour vous informer que j'ai changé le rating pour du M. Y a pas une raison particulière à ça. Je ne compte pas écrire de scènes trop explicites ou quoi que ce soit mais j'avoue que le rating me bloquait un peu et commençait à me limiter et LDS est quand même plus violent et sombre que ses prédécesseurs. Et, oui, il y a des scènes qui seront peut-être un poil plus spicy parce que la fic est plus centrée sur les adultes qui ont des préoccupations d'adultes ;)
Enjoy & Review!
« These are the costs of war: a thousand shattering moments of pain and loss and a lifetime of regret. »
Heart Of Flames – Nicki Pau Preto
"Voilà le prix d'une guerre: un millier d'atroces moments de souffrance et de perte et une vie entière de regrets. »
Heart Of Flames – Nicki Pau Preto
Chapitre 46 : The Costs Of War
Tonks leva les yeux vers la Marque qui tâchait le ciel rosé, dès qu'ils quittèrent le château, s'interdisant de flancher. Elle se précipita à la suite de Dumbledore, dont elle peinait à suivre l'allure malgré son âge. Le vieux sorcier était tendu, anxieux.
Elle comprenait pourquoi.
Severus était le plus lent d'eux trois et il la rattrapa avec une difficulté évidente, s'appuyant fermement sur sa canne, le visage dur dissimulant mal une grimace de douleur à chaque pas… L'inquiétude lui crispa le cœur. Était-il en mesure de se battre après une nuit pareille ? Elle savait bien que si elle se hasardait à suggérer qu'il ne prenne pas part aux combats…
« Si nous étions sur le point d'être attaqués, nous le saurions déjà. » déclara-t-il, s'apercevant sans doute de son trouble. « Une armée n'est pas discrète. Ceci ressemble plus à une tentative d'intimidation qu'aux prémices d'une bataille. »
Son ton était confiant, rassurant, mais Nymphadora ne se détendit pas pour autant.
« Ou c'est une distraction. » contra-t-elle. « Comme le serpent dans les cachots. »
« Ne tirons pas de conclusions hâtives. » les reprit Dumbledore, en leur jetant un regard par-dessus son épaule.
Rapidement, ils arrivèrent aux grilles de l'école pour les trouver closes et sans aucune armée de Mangemorts se pressant contre elles. Il y avait par contre une personne allongée au sol et une autre accroupie au-dessus d'elle, baguette au poing et l'air paniqué.
« Gaby ! » appela immédiatement Tonks, en reconnaissant son Auror – si l'on pouvait qualifier d'Auror une jeune femme qui n'avait même pas terminé sa première année de formation. Elle venait à peine de terminer Poudlard l'été précédent.
« Oh, Madame ! » s'exclama la jeune fille avec un soulagement évident. C'était toujours très bizarre pour Tonks de se voir appelée Madame mais elle avait renoncé à reprendre les recrues. « Je viens de le trouver comme ça… J'ai envoyé un message au Professeur McGonagall et… »
« Nous nous passerons des détails, Delgado. » l'interrompit sèchement Severus, en déverrouillant les grilles.
Dumbledore, dans l'intervalle, avait fait disparaître la Marque.
Aucun d'eux ne commit l'erreur de relâcher sa garde.
« Ne fais pas attention au Professeur Snape, Gaby. » lâcha-t-elle pourtant, son attention focalisée sur les rochers et les arbres qui bordaient le chemin et pouvaient dissimuler des ennemis. « Il aboie plus qu'il ne mord. »
« Tu m'avais dit que la situation était critique, tu ne m'avais pas dit que vous en étiez à utiliser des adolescents à peine sortis de Poudlard. » grinça-t-il, suffisamment bas pour qu'elle soit la seule à l'entendre.
Elle l'ignora pour mieux se concentrer, laissant Dumbledore s'accroupir auprès de la victime.
« Il s'agit de ce pauvre Ollivanders. » soupira le Directeur, en lui passant la main sur le visage pour lui fermer les yeux.
« De quoi est-il mort ? » demanda Tonks.
« Est-ce réellement important ? » rétorqua Severus, étudiant lui aussi les abords de l'école avec méfiance. « Nous ferions mieux de rentrer, Albus… »
« C'est important s'il a une morsure de serpent et qu'il y a un lien avec ce qu'il s'est passé dans les cachots. » répliqua-t-elle.
« Je dirais qu'il est possible qu'un sort de mort l'ait achevé… » répondit calmement Albus. « Je ne vois ni morsure, ni aucune plaie visible… »
« Gaby, porte-le à l'infirmerie. » ordonna-t-elle. « Je veux que Pomfresh l'examine. »
« Est-ce nécessaire ? » intervint le vieux sorcier. « Je rejoins Severus. La priorité… »
Le hurlement d'un loup dans le lointain mit court à ses récriminations. Le bruit venait de la direction du village.
Bien sûr.
Le corps n'était pas arrivé là tout seul, qu'il s'agisse d'une tentative d'intimidation ou d'un message plus alambiqué.
« Et merde ! » jura-t-elle. Parce qu'elle n'avait qu'une recrue avec elle, qu'elle l'avait assignée à Poudlard par défaut, estimant que l'école avait suffisamment d'adultes capables de se battre, et que les Aurors expérimentés étaient malheureusement plus utiles ailleurs. Parce qu'elle savait que la situation pouvait très facilement basculer. Parce que… « Spero Patronum. »
La brume argentée jaillit de sa baguette pour former…
L'espace d'une seconde, elle resta interloquée de ne pas voir le loup qu'elle s'était mis à honnir. Le singe se tenait là, attendant ses instructions, familier et étranger à la fois, après tout ce temps…
Elle croisa brièvement le regard de Severus qui ne laissait rien paraître mais semblait pourtant… satisfait.
« Kingsley, j'ai besoin de renforts à Poudlard de tout urgence. Une victime. Possible présence de loups-garous dans les environs. » annonça-t-elle. « Je pars à leur poursuite. »
Le Patronus disparut délivrer son message et elle se tourna vers le groupe qui la regardait, semblant attendre ses instructions.
« Gaby, tu es sous les ordres de Dumbledore jusqu'à ce qu'un Auror plus gradé arrive. » déclara-t-elle. « Fais tout ce qu'il te dit. » Elle se tourna vers le Directeur. « Ne la faites pas tuer. » Le vieux sorcier inclina la tête, avec un léger amusement. « Transportez Ollivanders à l'infirmerie et faites le examiner. Tenez-vous prêt à lancer l'évacuation mais attendez d'être certain. Inutile de dévoiler le plan aux graines de Mangemorts dans l'école. »
« Je t'accompagne. » décréta Severus, lorsqu'elle se tourna vers lui. Il la rejoignit en deux enjambées peu assurées.
Elle ne fût pas surprise. Ni par l'annonce, ni par la lueur déterminée qui brillait dans ses yeux.
« Non. » contra-t-elle, avec douceur mais sans hésitation.
« Il se peut qu'il y ait plus d'un loup-garou. Il se peut que ce soit une embuscade. » insista-t-il.
« Et ils veulent ta tête. » lui rappela-t-elle.
« Et la tienne. » riposta-t-il.
« Severus, tu ne peux pas venir. » murmura-t-elle, baissant la voix, avec une grimace d'excuse.
Elle ne voulait pas dire les mots mais ce n'était pas nécessaire. Il était tout aussi conscient qu'elle que sa jambe, ce jour là, serait un handicap beaucoup trop important. Il la ralentirait au mieux, deviendrait un poids au pire. Son expression passa de vexée à frustrée avant de finalement demeurer inquiète.
« Attends au moins les renforts. » plaida-t-il.
Elle ne pouvait pas se permettre d'attendre. Il faudrait plusieurs minutes avant que Kingsley ne mobilise des Aurors et elle était déjà en train de perdre du temps qui pourrait sauver la vie de quelqu'un si un loup-garou se baladait dans les environs.
Elle hésita, l'espace d'une seconde, puis se remémora ces instants où, couchée dans la poussière et la cendre, elle s'était sentie mourir. C'était le poids des regrets qui avait pesé le plus lourd, ce soir là, ce qu'elle n'avait pas osé dire, faire…
Sans plus tergiverser, elle plaça la main sur sa joue, ignorant Dumbledore qui venait visiblement de trouver quelque chose de captivant au sol ou l'air éberlué de sa jeune recrue. Elle s'attendait presque à ce qu'il la repousse mais il lui rendit son baiser, l'air juste un peu embarrassé de ces effusions publiques.
« Reviens-moi. » exigea-t-il, contre sa bouche.
Elle ne fit pas de promesse qu'elle ne pouvait pas tenir.
Elle se détourna et partit en courant sur le chemin qui menait à Pré-au-Lard, ne ressentant que trop la fatigue d'une nuit blanche.
Elle ne se retourna pas.
Il planait sur le village une sensation de panique. Il y avait des signes de destructions visibles, des traces de sorts… La magie crépitait encore dans l'air matinal.
Les gens étaient calfeutrés chez eux. Elle vit plusieurs rideaux tressauter lorsqu'elle redescendit l'allée principale, la baguette levée et prête à en découdre.
« Tonks ! » appela une voix chuchotée du seuil Des Trois Balais. Rosmerta se tenait là, les cheveux défaits, une robe de chambre en soie parsemée de dragons nouée à la hâte, sa baguette levée.
L'Auror se rapprocha, non sans continuer de surveiller les alentours…
« C'est suffisamment prêt. » gronda la tenancière, la voix légèrement tremblante. « La dernière boisson que je t'ai servie. »
Il lui fallut honnêtement se creuser la tête. « Vodka Glace-Boyaux. »
Rosmerta se détendit et baissa sa baguette.
« La première fois où tu m'as servie quelque chose d'alcoolisé ? » s'enquit-elle, en retour, un peu méfiante.
« Ta cinquième année. » répondit Rosmerta. « Tu m'as eue en te faisant passer pour un septième année… »
Elle ne baissa pas sa baguette mais cessa de la pointer sur la sorcière. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
« Un loup-garou. » chuchota la tenancière, l'air terrifié. « Sous forme de loup. En plein jour. Je savais… J'ai lu les journaux mais… »
« Des victimes ? » l'interrompit-elle, n'ayant pas le temps de prendre de gants.
« Non. » s'empressa d'expliquer la sorcière, en secouant la tête. « Il a bien essayé d'attaquer mais… »
« Je l'ai fait fuir. » conclut une voix bourrue, sur sa gauche.
Tonks pivota, un sort déjà aux lèvres qu'elle n'avorta qu'à la toute dernière seconde.
Elle n'avait pas souvent croisé le propriétaire de la Tête de Sanglier mais il lui avait toujours fait forte impression. Ce matin là, en bras de chemise, les bretelles pendantes à l'arrière de son pantalon comme s'il n'avait pas pris la peine de terminer de s'habiller, et appuyé négligemment sur un bâton presque aussi grand que lui et orné d'une pierre runique, il irradiait de lui une tel aura de pouvoir qu'elle fit un pas en arrière.
« Il s'est enfui vers la gare. » lui apprit l'homme. « Et s'il sait ce qui est bon pour lui, il a continué vers la lande. Pré-au-Lard est protégé. »
À cet instant, l'homme lui rappela Dumbledore.
« Retournez chez vous et enfermez-vous jusqu'à ce que les Aurors vous disent que vous êtes en sécurité. » lâcha-t-elle, en le remerciant d'un hochement de tête. Elle ne cessa pas de l'observer avec méfiance pour autant.
Vigilance constante.
« La Marque. » demanda le sorcier, avant qu'elle ait pu continuer son chemin. « Le château… Ils ont besoin d'aide ? »
« Pas pour l'instant. » répondit-elle. « Rentrez chez vous. »
Elle partit à petite foulée vers la gare et ne tarda pas à repérer les énormes traces de pattes dans la poussière lorsque les rues pavées cédèrent à des chemins plus naturels, alors qu'elle s'enfonçait progressivement dans le paysage escarpé qui entourait Pré-au-Lard. Ralentissant l'allure, elle suivit les empreintes jusqu'à ce que celles-ci se mettent à changer progressivement pour se transformer en pieds humains.
La potion avait-elle terminé de faire effet ?
Les traces disparaissait subitement et elle se dit, un peu soulagé, que le loup avait dû transplanner.
Du moins, jusqu'à ce qu'elle entende les bruits de pas juste derrière elle, comme si quelqu'un avait voulu la prendre à revers…
°O°O°O°O°
Severus regarda Nymphadora partir en courant et dût se faire violence pour ne pas la suivre. Maudissant sa jambe, l'ego froissé, plus que gêné par la démonstration à laquelle ils venaient de s'adonner en public, il fit ce qu'il put pour garder contenance et sauver les apparences. Refusant l'aide de Delgado qui avait toujours été une catastrophe ambulante dans sa salle de classe, il fit apparaître une civière, y chargea le corps d'Ollivanders et entreprit de mener la lente procession vers l'infirmerie, remarquant à peine lorsque le Directeur ordonna à la jeune Auror de bien vouloir faire le tour du périmètre de l'école pour s'assurer que tout était en ordre.
Albus cala son allure sur la sienne alors qu'ils remontaient vers le château, sans commenter lorsque Severus s'arrêtait pour reprendre son souffle.
Il y avait un problème avec sa jambe, décida-t-il. Certes, la douleur s'aggravait avec des activités physiques intenses et il avait très visiblement passé les limites cette nuit là, mais… Arpenter des rochers glissants demandait une adresse qui lui avait coûté. Et tous ces atterrissages avec Nox n'avaient pas amélioré la chose.
Il était de fort méchante humeur lorsqu'ils pénétrèrent dans le hall d'entrée où une bonne partie du corps professoral était rassemblée, attendant visiblement de savoir s'ils devaient ou non déclencher le plan.
Minerva jeta un coup d'œil à la civière et s'autorisa une expression peinée avant de leur emboîter le pas avec l'efficacité d'un général ayant rameuté les troupes.
« Horace, Pomona, Filius et Bill Weasley sont en position, au cas où nous devrions lancer le sort. » leur apprit-elle. « Aurora et moi sommes prêtes à rejoindre la tour nord. J'ai supposé que vous vous chargeriez vous-même de Grindelwald, Albus. Et, Severus, il vous faudra vous trouver un autre second, Sirius Black est indisposé. Croyez-le ou non, l'homme a tellement bu hier soir qu'il ne tient pas debout. » Son agacement était perceptible. « Je n'ai pas manqué de lui exprimer ma déception. Je pensais que vous aviez une meilleure influence sur lui, mon garçon. » Elle claqua sèchement la langue et s'adressa à nouveau à Albus. « J'ai également pris l'initiative d'envoyer un Patronus à tous les membres de l'Ordre pour qu'ils se tiennent prêts, le cas échant. »
« Vous avez été, comme à l'accoutumée, parfaite. » répondit galamment Albus. « Toutefois, je doute que cela soit nécessaire. Faites servir le petit-déjeuner dans les salles communes et gardez les verrouillées jusqu'à nouvel ordre. Ensuite, répartissez les adultes en binômes, je veux être certain qu'il n'y a aucune surprise aux alentours de l'école. N'oubliez pas de vérifier les passages secrets, même ceux que nous avons condamnés, et le lac. »
Severus ne prêta qu'une oreille distraite aux instructions du Directeur et n'adressa pas un mot à la sorcière lorsqu'elle partit transmettre ses ordres.
Il n'ouvrit la bouche que lorsqu'ils atteignirent le troisième étage. « Où sont Shacklebolt et ses Aurors ? Ils devraient déjà être là. Leur temps de réponse est épouvantable. Si nous étions véritablement assiégés… »
Le regard d'Albus pétillait un peu trop.
« Je suis certain qu'elle va bien, Severus. » offrit le vieux sorcier. « Et puis, nous sommes à côté si elle a besoin d'aide. Je vous promets de l'assister moi-même, le cas échéant, si cela peut vous rassurer. »
« Je pensais simplement à la sécurité du château. » mentit-il.
Mal.
Pomfresh avait commencé à préparer l'infirmerie au cas où une bataille éclaterait bel et bien mais parut se détendre lorsque le Directeur l'informa qu'il n'en anticipait pas le besoin. Elle n'eut pas l'air enchanté, en revanche, qu'on lui demande de pratiquer ce qui s'apparentait à une autopsie.
Severus lui proposa son aide parce qu'il n'y avait rien d'autre qu'il pouvait faire.
Il n'était pas en état d'arpenter le domaine avec les autres Directeurs de Maison et il ne pouvait pas, non plus, se précipiter à Pré-au-Lard pour s'assurer que Nymphadora n'était pas en train d'affronter seule une meute de loups-garous.
Ce fût à ce moment précis qu'il décida de persévérer avec la potion. Parce que même un seul loup dans leur camp aurait fait une différence. Face à un tas de ses congénères, Lupin aurait été plus efficace qu'un groupe de sorciers.
Et Lupin, instable ou non, odieux ou non, n'aurait jamais permis qu'il arrive quoi que ce soit à la jeune femme.
Il se contenta de se tenir là, assistant l'infirmière lorsqu'elle le lui demandait, pendant qu'Albus observait la chose, d'un air un peu absent. Il occludait, remarqua distraitement Severus, avec beaucoup d'énergie. Pourquoi ? À cause du décès d'Ollivanders ou parce que le Seigneur des Ténèbres avait choisi de déposer l'homme devant l'école en guise d'avertissement ?
La sorcière examina Ollivanders sous toutes les coutures sans trouver une trace de morsure ou les vestiges d'un sort de mort… Elle s'en serait tenue là si Severus n'avait pas décidé d'inspecter l'intérieur de sa bouche, plus par réflexe que par réel intérêt, parce qu'il venait de penser à Black qui avait dû passer un mauvais quart d'heure aux mains de Minerva. Il n'y avait aucune trace visible de poison, aucune indication que la mort n'était pas naturelle…
La légère décoloration de la langue lui fit froncer les sourcils.
Il étudia ses yeux vitreux, ceux qu'Albus s'était empressé de fermer, notant les petits vaisseaux qui avaient explosé…
« Severus ? »
Le ton était à peine intrigué, la question à peine voilée.
Un test plus élaboré aurait, il en était certain, mis en évidence l'utilisation d'un poison pratiquement indétectable.
Seulement voilà, il croisa le regard d'Albus et, bien que l'expression du Directeur ne changea pas d'un iota, bien qu'aucune instruction ne fût donnée à voix haute, il était beaucoup trop familier des méthodes de l'homme pour ne pas comprendre l'injonction.
Légèrement dégoûté, Severus s'assura que sa propre expression demeurait neutre.
Et ne se rappela que trop bien avoir préparé, sur son ordre, plusieurs fioles de ce poison des années en arrière.
Les portes de l'infirmerie s'ouvrirent sur Shacklebolt et l'attention du Maître des Potions se détourna du mystère qu'était Ollivanders.
« Où étiez-vous ? » apostropha-t-il le Chef du Département des Aurors. « Nymphadora… »
« Va bien. » l'interrompit fermement l'autre homme, en levant une main apaisante. « Je l'ai rejointe moi-même directement à Pré-au-Lard. »
Il n'eut pas le temps de demander des explications, la jeune femme débarqua dans la seconde qui suivit, n'ayant, effectivement, pas l'air d'avoir eu à se battre.
Il s'autorisa à respirer à nouveau, alors même qu'il l'inspectait silencieusement des pieds à la tête. Elle lui adressa un sourire rassurant, venant sans paraître y réfléchir se tenir près de lui.
Il dût sérieusement résister au besoin de la toucher pour s'assurer qu'elle n'avait rien alors même qu'elle leur résumait sa visite à Pré-au-Lard qui n'avait rien donné. Elle avait perdu la trace du loup-garou au moment où Shacklebolt l'avait trouvée.
« Et Ollivanders ? » lança-t-elle, lorsqu'elle eut terminé.
« Pas de morsures de serpent. » répondit-il, un brin ironique. « Je n'aime pas non plus les coïncidences mais celle-ci parait en être une. »
« De quoi est-il mort ? » s'enquit Shacklebolt.
« Naturellement, de ce que je peux en dire. » offrit Pomfresh. « Il y a des traces de torture plus ou moins récentes… Il était âgé… Il est possible que son corps n'ait simplement pas résisté. »
Severus croisa le regard d'Albus, le soutint une seconde de trop…
Les boucliers du Directeurs étaient à leur maximum.
« Nous allons faire le nécessaire pour sa dépouille. » décréta le Chef du Bureau des Aurors. « Je dois retourner au Ministère. Tonks ? »
« Je te rejoins tout à l'heure. » promit la jeune femme. « Je pense que ça ne ferait pas de mal que les élèves voient quelques Aurors faire le tour du château, ce matin. Ça rassurera les uns et ça servira d'avertissement aux autres. »
Shacklebolt approuva d'un hochement de tête et s'éloigna en compagnie d'Albus.
Il voulut se tourner vers la jeune femme, peut-être lui confier ses soupçons, mais se retrouva traîné sans ménagement vers le lit le plus proche par une poigne ferme. Sa jambe manqua céder sous lui et il n'eut d'autre choix que de se laisser malmener par l'infirmière, s'asseyant sur le matelas, sous l'œil amusé de Nymphadora.
« Êtes-vous devenu folle ? » siffla-t-il, la fusillant du regard.
Pomfresh le toisa, les bras croisés, n'ayant rien à envier, à cet instant, aux plus vicieux bourreaux du Seigneur des Ténèbres. « Qu'avez-vous encore fait à votre jambe ? »
« Rien du tout. » mentit-il. « Je vais très bien. »
« Je suis presque sûre qu'il l'a tordue. » intervint Nymphadora, en se rapprochant.
Il lui jeta un regard trahi qui ne la fit même pas tressaillir.
L'infirmière ferma le rideau autour du lit d'un coup de baguette mais ne protesta pas lorsque l'Auror se dépêcha de passer à l'intérieur avant d'être exclue.
« Tordue, comment ? » exigea de savoir Pomfresh, après avoir lancé une batterie de sorts de diagnostic.
Severus demeura de marbre, les foudroyant toutes les deux du regard.
« Oh, ne me donnez pas de cette attitude, Severus Snape ! » s'emporta la sorcière. « En dehors d'un exercice intense, cette jambe ne devrait pas vous faire souffrir autant, or nous vous avons explicitement interdit tout effort physique trop poussé, il me semble. »
« Je ne suis pas encore infirme et je ferai autant d'exercice qu'il me sied ! » rétorqua-t-il, déjà un peu trop vexé d'avoir dû renoncer à aider Nymphadora.
Le regard de l'infirmière passa de lui à l'Auror plusieurs fois, puis une lueur de compréhension s'alluma dans ses yeux. Deux ronds rouges apparurent sur ses joues et elle se racla la gorge.
Severus, devinant très bien ce à quoi elle venait de conclure, s'empourpra lui aussi. « Ne vous avisez pas de… »
« Bien évidemment, certain exercices physiques ne sont pas malvenus mais vous devez prendre en compte… » commença-t-elle.
« Je crois que Kingsley m'appelle. » l'interrompit Nymphadora, avant de disparaître si vite que le Professeur aurait pu jurer qu'elle avait transplanné.
Traitresse.
L'infirmière ne sembla pas dissuadée pour autant.
« Poppy… » grinça-t-il, d'un ton d'avertissement.
Malheureusement, cela ne l'arrêta pas.
C'était le désavantage lorsqu'on travaillait avec des gens qui vous avaient connu enfant : ils se sentaient parfois autorisés à vous traiter comme si vous en étiez toujours un.
°O°O°O°O°
Harry marchait de long en large devant la cheminée de la salle commune sous les regards impuissants de ses amis qui tentaient depuis plusieurs minutes de le convaincre de s'assoir et de manger quelque chose.
Il avait l'estomac bien trop noué pour avaler quoi que ce soit.
Ils avaient découvert, au réveil, qu'ils étaient enfermés dans la tour des lions et les rumeurs les plus folles courraient. Un lève-tôt que McGonagall avait raccompagné à la salle commune avait dit que la Marque des Ténèbres flottait à l'entrée de Poudlard. Tout le monde était demeuré tendu jusqu'à ce leur Directrice de Maison ne repasse pour leur promettre que, non, ils n'étaient pas sur le point d'être attaqués mais qu'ils devaient rester là pour l'instant par mesure de sécurité.
C'était à ce moment là, à peu près, qu'Harry avait sorti la Carte des Maraudeurs pour mieux suivre les pérégrinations des enseignants et des divers Aurors, uniquement pour s'apercevoir que Severus était à l'infirmerie.
Il n'arrivait pas à s'ôter de la tête que quelque chose avait mal tourné la veille et…
« Harry, assieds-toi. » plaida Ron. « Tu me donnes le tournis. »
« Bois un verre de jus de citrouille, au moins. » renchérit Ginny. « Tu es tout pâle. »
Il refusa l'un comme l'autre d'une secousse de la tête.
« Je suis sûre qu'il va bien. » offrit Hermione, avec à peine un moment d'hésitation.
« S'il va bien pourquoi est-ce qu'il serait avec Pomfresh ? » rétorqua-t-il.
Il aurait dû insister pour aller avec Sirius et lui, il aurait dû insister pour…
« Vous êtes libres de circuler à nouveau dans le château. » annonça la voix de McGonagall, amplifiée par un sonorus. « Les cours auront lieu comme d'habitude. »
Harry n'attendit pas d'entendre le reste. Il bondit dès que le portrait de la Grosse Dame se déverrouilla et s'élança en direction du troisième étage. Le cœur battant, terrifié de ce qu'il allait y trouver, il sauta plus qu'il ne descendit les marches des escaliers, fonçant si vite qu'il manqua heurter plusieurs murs sur le chemin…
Il s'était tellement persuadé que ce serait aussi terrible que lorsque Nox s'était écrasé sur la tour d'astronomie qu'il fût presque choqué d'entendre la voix du Maître des Potions alors qu'il tournait le coin qui menait au couloir de l'infirmerie.
« Tu m'as lâchement abandonné. » était en train d'accuser Severus.
Un éclat de rire lui répondit et Harry ralentit l'allure, à bout de souffle, juste à temps pour voir Tonks lui attraper le bras, apparemment hilare.
« Je suis désolée ! » répondit la jeune femme, sans paraître désolée du tout. « Je suis prête à faire beaucoup de choses pour toi, tu le sais, mais discuter de ce genre de choses avec Pomfresh, non merci. Est-ce que c'était instructif, au moins ? »
Si son regard avait lancé des Avada, l'Auror serait probablement tombée raide. Pourtant Harry devina que Severus était plus amusé qu'il n'était prêt à le laisser voir.
« Papa ! » appela-t-il, en se rapprochant, tentant de reprendre son souffle. Il l'étudia attentivement mais ne vit aucune blessure ou… « Tout va bien ? »
Le Professeur se tourna vers lui, un peu surpris de le trouver là. « Tout est relatif. Certaines viennent de passer un meilleur moment que d'autres. »
La réponse redéclencha un fou rire de la part de Tonks qui s'efforça pourtant de reprendre contenance.
Un peu perplexe et se sentant légèrement comme la troisième roue du carrosse, Harry jeta un assurdiato et un léger sort anti-intrusion qui les engloba tous les trois. Une seconde plus tard, il sentit la magie de Severus renforcer ses sortilèges et en ajouter deux de plus.
« Vous n'avez pas été blessé ? » demanda-t-il, plus sérieusement. « Tout s'est bien passé, hier soir ? »
Il avait voulu attendre dans leurs appartements mais Severus lui avait dit qu'il ne ferait qu'y tourner en rond et qu'il valait mieux pour lui qu'il reste chez les lions où il aurait ses amis pour le distraire. Évidemment Harry avait passé la moitié de la nuit à scruter la Carte mais lorsque Sirius et Bill, puis Severus et Tonks étaient revenus sur le domaine, il s'était autorisé à dormir.
« Attends, sérieusement ? » intervint Tonks, apparemment moins encline à rire. « Harry a le droit de savoir mais pas moi ? »
Le garçon fronça les sourcils. Avait-il commis une gaffe ?
Il avait cru…
« Harry, contrairement à toi, est pratiquement un Maître Occlumens. » s'enorgueillit Severus.
Première nouvelle, songea-t-il.
La jeune femme leva les yeux au ciel.
« Ça va, ça va… » maugréa-t-elle. « J'ai compris que mes boucliers ne sont pas à la hauteur de tes exigences. Des critiques, toujours des critiques… À se demander ce que tu me trouves. »
« D'autres attraits que tes dons d'Occlumens. » rétorqua Severus, ses lèvres tressautant avec amusement.
Un peu gêné, Harry enfonça les mains dans les poches, peu à l'aise avec la conversation. Il sourit pourtant lorsque Tonks rabroua l'homme d'une bourrade affectueuse, secouant la tête avec amusement. Leur complicité était évidente.
Il était content que Professeur ait quelqu'un d'autre que lui dans sa vie, quelqu'un qui comptait suffisamment pour sa disparition éventuelle ne le brise pas trop.
Et puis… Il était évident qu'elle lui faisait du bien. Il n'était pas aveugle au point de ne pas voir que Severus était beaucoup plus détendu lorsque Tonks était dans les parages.
Et c'était différent de la manière dont Sev avait jalousement gardé son temps avec Lily dans le passé… Le Professeur ne paraissait pas craindre perpétuellement d'être remplacé, avec elle.
« Un conseil Harry, si jamais tu as besoin de demander à quelqu'un comment parler aux filles, adresse-toi à n'importe qui sauf à ton père. » plaisanta-t-elle.
Severus leva les yeux au ciel avec un peu trop d'emphase. « Et pourtant, malgré mes piètres talents, je ne t'ai pas encore faite fuir. »
« Tu as d'autres attraits. » riposta-t-elle, en imitant à la perfection la voix et le ton du Maître des Potions, ce qui arracha à Harry un petit ricanement.
Son père lui jeta un regard trahi un peu trop théâtral pour être sincèrement blessé.
Tonks, pour sa part, lui fit un clin d'œil puis redevint sérieuse.
« Je dois retourner au Ministère. » dit-elle, dans un soupir. Elle pointa un doigt accusateur vers Severus. « Repose ta jambe. Et tiens-moi au courant pour Sirius. » Elle sourit à Harry. « Empêche-le de faire des folies, tu veux ? »
Ils la regardèrent partir en silence puis Harry se tourna vers lui, sourcils froncés. « Qu'est-ce qu'elle a votre jambe ? Et qu'est-ce qui est arrivé à Sirius ? »
« J'ai dû faire appel à Nox et les atterrissages ne sont toujours pas mon point fort, je le crains. Ma jambe se remettra très bien. Quant au reste… » Le Professeur poussa un long soupir, plaça une main sur son épaule et l'encouragea d'une légère pression à avancer. « Pas ici. Autant retourner chez ton parrain. Il va me falloir une tasse de thé si je veux survivre à cette journée, quoi qu'il en soit. »
Harry se força à ne pas le harceler de questions à propos de l'horcruxe mais parvint à lui soutirer l'explication de ce réveil stressant. Il accueillit la nouvelle de la mort d'Ollivanders sans grande surprise mais avec tristesse. Par contre, le récit rocambolesque de la sortie nocturne dans la salle commune des Serpentards…
« Malfoy ne peut pas continuer à vivre là-bas. » remarqua-t-il. « C'est stupide et dangereux. »
« Il est à peu près aussi têtu que toi. » répondit Severus.
Harry hésita quelques secondes puis décida de passer outre ses réticences naturelles à trahir la confiance d'un autre adolescent pour demander de l'aide à un adulte.
« Il s'est fait tabasser plus d'une fois. » avoua-t-il. « Il ne nous le dit pas à chaque fois mais je sais qu'il cache régulièrement des bleus. »
L'expression du Directeur de Maison se rembrunit. « J'aurais une petite discussion avec lui. »
« Et moi, je vais avoir une petite discussion avec Hermione. » déclara-t-il.
Parce qu'elle était probablement la seule qui pourrait lui faire entendre raison.
« Si manipulateur… » commenta fièrement l'homme. « Un vrai Serpentard. »
Le Gryffondor leva les yeux au ciel mais sourit malgré lui, ravi de l'avoir satisfait.
Il fût nettement moins ravi lorsque Bill Weasley les firent entrer dans les appartements de Sirius et qu'il vit dans quel état était son parrain. L'Animagus était avachi dans le canapé, trop pâle, l'air épuisé…
« Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? » s'inquiéta-t-il.
« J'ai bien cru que McGonagall allait me coller une retenue. » répondit Sirius, en plaisantant. « Ça m'a un peu remué. Rien de grave. »
« Elle n'était pas du tout commode. » acquiesça Bill.
Agacé par leur manière de tourner autour du pot, Harry pivota vers Severus qui soupira et se laissa tomber dans un des fauteuils avec moins de grâce que d'ordinaire. Il grimaça lorsqu'il étendit sa jambe devant lui.
« Peux-tu faire du thé, avant que tu ne m'arraches toute l'histoire, s'il te plaît ? » demanda le Professeur.
« Ce n'est pas un elfe de maison. » grommela Sirius. « Jimlin. »
Un elfe à l'aspect vaguement familier apparut dans un craquement sonore et s'inclina profondément devant l'Animagus. « Le Professeur Black a besoin de Jimlin ? »
« Du thé. » exigea son parrain. « Et des toasts. »
« S'il te plait. » rajouta Harry, avant que l'elfe ne disparaisse, avec un regard réprobateur pour Sirius. La politesse ne coutait rien.
Jimlin sursauta pourtant à ce mot, puis s'inclina plus profondément devant Harry qu'il ne l'avait fait devant Sirius, son nez touchant presque le sol, avant de disparaitre.
Quelques secondes plus tard, une théière fumante apparaissait sur la table basse avec des toasts grillés et une assiette contenant une part de tarte à la mélasse dont il s'empara d'autorité et avec gourmandise.
Severus secoua la tête. « Tu as conscience, bien sûr, qu'en autorisant les elfes à aller et venir comme ils le veulent, tu invites Albus à t'espionner à sa guise ? Je suppose que je devrais m'estimer heureux que tu ais retiré tous les portraits. »
« Tu es paranoïaque. » décréta Sirius. « Et puis, je peux vivre sans peintures mais pas sans elfe de maison. »
Bill servit le thé et passa une tasse bien remplie à Severus d'abord puis une autre à Sirius qui la prit d'un air nauséeux. Il fixa le liquide du regard quelques secondes puis fit la grimace.
« Je ne suis pas sûr de pouvoir jamais plus boire quoi que ce soit pour le reste de ma vie. » marmonna-t-il.
« Tu mourras donc de soif. » rétorqua le Maître des Potions. « Voilà qui nous fera des vacances. »
Harry accepta la tasse que Bill lui tendit avec un remerciement, ignorant leurs chamailleries, puis s'installa à même le sol, sur le tapis. Il attendit.
Les trois hommes échangèrent un regard.
Ce fût Severus qui fit un résumé – qu'il devinait sporadique – de leur soirée, après avoir jeté ses protections habituelles pour s'assurer que personne ne les espionnait.
La mésaventure de Sirius qui avait été forcé de boire une potion nocive, par exemple, lui parut très édulcorée. À les entendre, l'Animagus n'avait véritablement été en danger à aucun moment. Et toute l'histoire des Inféris n'avait été rien de plus qu'une promenade de santé.
« Je peux le voir ? » demanda-t-il, lorsque son père se tut.
« On ne peux pas essayer de le transférer comme ça. » expliqua Bill. « Il faut préparer tout un rituel… »
« Je veux juste le voir. » insista Harry, tournant les yeux vers Severus qui restait silencieux.
« Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de le sortir de sa boîte… » hésita Sirius.
« À vrai dire… » murmura Severus. « Une étude poussée avant d'essayer de le transférer ne serait pas une mauvaise idée. Et j'aimerai savoir si Harry peut le percevoir. »
« Je ne pouvais pas sentir la bague. » nuança-t-il.
« Nous luttions pour nos vies. » remarqua le Professeur. « En dehors du danger… Si deux horcruxes réagissent lorsqu'ils sont à proximité… »
« On pourrait se servir de l'un pour trouver l'autre. » termina Bill, les yeux légèrement écarquillés.
« Tu n'es pas sérieusement en train de suggérer qu'on se serve d'Harry comme détecteur à horcruxes. » gronda Sirius.
« Bien sûr que non. » cingla sèchement Severus. « Je suis en train de suggérer que nous pourrions utiliser celui-ci pour en trouver un autre avant de le détruire. »
« Oh. » lâcha son parrain, en se laissant retomber un peu plus lourdement contre le dossier du canapé.
« Nous n'avons pas beaucoup de temps avant le début des cours. » remarqua Severus, en faisant disparaître les restes de leur petit-déjeuner d'un geste.
Il posa davantage de sortilèges et de protections autour des appartements de Sirius, pour contenir la marque potentielle de magie noire, devina Harry.
Puis Bill sortit un coffret de sa besace cachée sous le fauteuil et, après avoir pris plusieurs minutes pour annuler les sorts de protection qui l'entouraient, le posa sur la table basse. D'un coup de baguette, il souleva le couvercle.
Un médaillon reposait sur le velours quelque peu élimé de la boite.
« Gardez vos baguette à la main. » ordonna Severus, l'air concentré.
Harry se demanda, l'espace d'une seconde, si c'était là précisément le genre de folies contre lesquelles Tonks l'avait mis en garde.
Ils demeurèrent tous sur le qui vive d'interminables secondes, attendant qu'il se passe quelque chose…
Mais rien ne se produisit.
Le garçon osa approcher plus près…
« Harry. » l'avertit Severus, tendu.
Mais le garçon baissa sa baguette, fronçant les sourcils. « Vous êtes sûr que… »
« Que quoi ? » demanda Sirius, lui aussi avait l'air perplexe. « Je ne vais pas mentir, je m'attendais à plus de son et lumière… C'est un peu décevant. »
« Pourquoi ne pas envoyer tes remarques au Seigneur des Ténèbres ? » siffla Severus, avec agacement.
« Il ne ressemble pas au médaillon que j'ai vu dans la pensine de Dumbledore. » intervint-il, avant que les deux hommes aient pu se lancer dans un échange de piques.
« Comment ça ? » demanda Bill.
Un autre pas le rapprocha davantage de la table basse. Severus lui attrapa le poignet, prêt à le tirer en arrière…
Ce médaillon était plus petit que celui que lui avait montré Dumbledore et il n'avait pas le S ouvragé sur le dessus.
Après le récit de leurs aventures pour l'obtenir…
« Je suis désolé. » lâcha-t-il. « Mais je ne crois pas que ce soit le médaillon de Serpentard. »
L'annonce jeta un froid.
Severus le poussa légèrement pour prendre sa place. D'un sort informulé, le médaillon se mit à léviter, tournant lentement sur lui-même pour qu'ils puissent l'observer sous toutes les coutures. Bill fredonnait une litanie latine, baguette à la main…
Sirius n'avait pas tenté de se lever du canapé. Sa baguette était pointée sur le bijou mais il se tenait le ventre de son autre bras et n'avait pas l'air bien du tout.
« Ce n'est pas le médaillon de Serpentard mais c'est bien l'horcruxe ? » insista l'Animagus. « Toutes ces protections… Voldemort ne se serait pas amusé à poser toutes ces protections pour… »
La fin de sa phrase se perdit dans le sifflement douloureux de Severus qui lâcha sa baguette et sa canne pour ramener sa main gauche contre son torse. Harry l'aida à s'asseoir sur le fauteuil, l'absence de protestations l'alarmant davantage que la pâleur soudaine du Professeur, puis lui rendit sa baguette.
« Désolé. » grimaça Sirius.
Bill cessa d'inspecter l'horcruxe pour contourner la table basse, s'emparant du bras gauche du Maître des Potions avec autorité.
« Pas maintenant. » refusa rapidement Severus, avec un regard en coin pour Harry que ce dernier ne rata pas.
Se désintéressant du médaillon, il l'observa avec méfiance, additionnant plusieurs indices et remarques qu'il avait surprises. « Il y a un problème avec la Marque ? »
« La Marque réagit toujours violemment au nom de son Maître. » répondit son père, avec un peu trop de détachement. « Comme tu le sais déjà. Rien de plus. »
Bill évitait son regard avec un peu trop d'empressement et Sirius était beaucoup trop silencieux dans son coin de la pièce.
Et Harry était beaucoup trop familier des mensonges de Sev.
« Vous avez dit que c'était sous-contrôle. » l'accusa-t-il presque. « Vous avez dit que… »
« Et la situation est sous-contrôle. » l'interrompit Severus. « Inutile de t'inquiéter. »
Le ricanement du Gryffondor était plus fatigué qu'amer. « Quand vous dites que je ne dois pas m'inquiéter, c'est là où je sais que je dois paniquer. » Il fixa son avant-bras gauche du regard comme s'il pouvait voir à travers l'épais tissu de ses robes. « C'est beaucoup plus grave que vous l'avez dit, c'est ça ? » Il croisa le regard du Professeur, le soutint à la limite de la Legilimencie. « À quel point ? »
Les boucliers de Severus étaient à leur maximum.
« La situation est sous-contrôle. » répéta le Maître des Potions.
Ce qui voulait tout dire et rien dire à la fois.
Bill se racla la gorge. « Je ne détecte aucune magie sur le médaillon. Les seuls résidus de magie noire sont ceux de la potion dans laquelle il était immergé mais à part ça… C'est un objet banal, de ce que je peux en dire. Il n'y a ni enchantements, ni rien de suspect. Je ne pense pas que ce soit un horcruxe. »
Harry ne détourna pas le regard, n'ayant strictement plus rien à faire de l'horcruxe. Pas si son père…
« Je vais bien, Harry. » soupira finalement le Professeur, en baissant les yeux le premier. Était-ce pour mieux mentir ou parce qu'il savait pertinemment que le garçon serait furieux qu'il lui ait caché la vérité ?
« Le problème c'est que ce que vous considérez comme aller bien enverrait la plupart des gens à l'infirmerie. » marmonna-t-il, avec irritation.
Le regard que Sev lui jeta était agacé. « Surveille ton ton. »
Le Gryffondor ne chercha même pas à s'empêcher de lever les yeux au ciel. « Oui, parce que c'est mon ton le problème, là tout de suite, pas le fait que vous m'ayez caché des choses. »
« Je ne suis pas tenu de tout te dire. » grinça l'ancien espion. « Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. »
« Vous êtes mon père. » cracha-t-il. « Vous êtes censé me le dire si la Marque est en train de vous tuer ! »
Severus se pinça l'arrête du nez. « La Marque n'est pas en train de me tuer. »
« Les protections de Poudlard le protègent. » lâcha Sirius.
« Black. » gronda le Professeur.
« Il est à l'abri ici. Bill a toute une panoplie de sorts pour s'assurer que la Marque ne le fasse pas trop souffrir. » continua l'Animagus. « Et c'est moi qui lui ait demandé de ne pas te le dire pour ne pas t'inquiéter. »
Les deux hommes échangèrent un regard un peu trop intense pour qu'Harry les croit. Il doutait que lui cacher la vérité ait été l'idée de Sirius. Il doutait aussi que la situation soit aussi facilement réglée qu'ils ne le prétendaient.
Et cela mettait Harry tellement en colère de se voir rejeté sur le banc de touche…
« Je préférais quand vous ne vous entendiez pas. » cingla-t-il, les foudroyant du regard l'un après l'autre. « Vous ne pouvez pas me cacher des choses comme ça. »
« Nous le pouvons et, dans certains cas, nous le devons. » riposta Severus. « Je sais que c'est un concept extrêmement abstrait pour toi mais prendre soin d'un enfant implique… »
« Mais je ne suis plus un enfant ! » s'énerva-t-il.
« Avec ce genre de caprice, ce n'est pas évident, à l'instant. » commenta froidement le Professeur.
Harry se renfrogna, croisant les bras avant de les décroiser avec agacement lorsqu'il réalisa que cela lui donnait l'air boudeur de l'enfant que Severus l'accusait d'être.
« Harry… » intervint Sirius.
« Il y a un mot à l'intérieur. »
Ils cessèrent tous les trois de se disputer pour se tourner vers Bill qui, durant cet intermède, avait attrapé le médaillon. À mains nues.
« Ceci était une décision extrêmement stupide. » murmura Severus, d'un ton méfiant, luttant pour se remettre debout. « Il se peut très bien que… »
« Ce n'est qu'un objet inanimé. » l'interrompit l'ainé des Weasley. « Ce que j'essaye de vous dire depuis dix minutes. » Il tira le parchemin plié en petits morceaux du creux à l'intérieur du médaillon, jeta quelques sortilèges puis posa le bijou pour mieux le déplier. Il le parcourut rapidement avant de soupirer. « Quelqu'un nous a pris de vitesse. »
« Dumbledore ? » suggéra Sirius.
« Non, un certain R.A.B. » répondit Bill, en haussant les épaules.
L'Animagus se figea comme si on lui avait jeté un sortilège de pétrification.
À la droite d'Harry, Severus s'était lui aussi raidi.
« Vous savez qui c'est ? » demanda le garçon, en tendant la main pour prendre le mot. Bill le lui passa sans protester. Personne ne lui répondit. Sirius paraissait choqué, Severus perplexe… Il lut le mot à haute voix. « Au Seigneur des Ténèbres, Je sais que je ne serais plus de ce monde bien avant que vous ne lisiez ceci mais je veux que vous sachiez que c'est moi qui ai découvert votre secret. J'ai volé le véritable Horcruxe et j'ai l'intention de le détruire dès que je le pourrai. J'affronte la mort dans l'espoir que lorsque vous rencontrerez un adversaire de votre taille, vous serez redevenu mortel. R.A.B. »
Sirius se leva brusquement et se précipita hors du salon. Une porte claqua quelques secondes plus tard.
Bill paraissait tout aussi surpris et curieux que lui, Harry se tourna donc vers Severus. « Qui est R.A.B ? »
Severus soupira. « Si je devais me hasarder à deviner… Je dirais Regulus Arcturus Black. »
« Regulus ? » répéta-t-il. Il lui semblait impossible que le garçon chétif de troisième année qui lui avait servi de suppléant ait pu s'emparer d'un horcruxe…
La première sonnerie retentit, annonçant le début des cours, et, malgré ses protestations et ses arguments comme quoi il pouvait être plus utile ici qu'en Métamorphose, Severus le mit à la porte sans accepter de discuter.
Grommelant contre l'injustice de la chose, surtout étant donné qu'il lui avait caché des informations importantes, Harry se promit que la conversation n'était pas terminée.
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Severus prit le temps de raccompagner Bill à la cheminée, en promettant de le tenir au courant, avant d'aller frapper à la porte de la salle de bain. Elle s'ouvrit après une minute et il ne put s'empêcher de plisser le nez à la forte odeur de bile.
Clairement, l'Animagus n'était remis de son empoisonnement.
Ou bien peut-être était-ce le choc.
Le sorcier paraissait perdu et s'avachit contre le chambranle de la porte, l'air défait.
« On est d'accord que R.A.B. ne peut être que lui ? » demanda Black, d'une voix blanche.
Le Maître des Potions leva des mains tremblantes en signe d'ignorance. « La coïncidence serait un peu grosse si ce n'est pas le cas. »
« Mais c'était un Mangemort. » contra l'Animagus. « Il croyait en la rhétorique. Le parfait Sang-Pur, le parfait héritier à la dynastie des Black… » L'homme secoua la tête. « Quand il a disparu… J'ai toujours pensé qu'il s'était retrouvé trop impliqué, qu'il avait eu les jetons et qu'il avait voulu partir mais que… »
Sa phrase demeura en suspens.
Severus se sentit obligé de la terminer. « On ne trahit pas le Seigneur des Ténèbres impunément. »
Black croisa son regard, perdu. « Alors… Quoi ? Tu sais ce qu'il lui ait arrivé ? Tu sais… »
« Non, je regrette. » le coupa-t-il, en secouant la tête. « Je ne l'ai jamais su. Il a disparu du jour au lendemain. Le Seigneur des Ténèbres a simplement dit qu'il était mort. Je suppose qu'il le savait par la Marque… Si je suis honnête, Black, je ne crois pas que ce soit lui qui l'ait tué. Il semblait penser que c'était l'Ordre. »
L'Animagus se frotta le visage. « Ce n'était pas l'Ordre. Je n'ai jamais su… Je n'ai jamais su. »
Le Maître des Potions croisa les bras et détourna le regard. « S'il a bu la potion… »
« Oh… » lâcha l'Animagus, comme si ça ne l'avait pas effleuré. « Mais comment serait-il sorti ? Comment… »
« Il est possible qu'il ne soit jamais sorti de la caverne. » remarqua-t-il, un peu à regret. « Il est possible que l'horcruxe soit au fond du lac. »
Auquel cas le récupérer n'allait pas être une mince affaire…
« Non. » refusa Black, tout net. « Non, ça… Non. »
Severus ne pouvait pas le blâmer pour ce déni instinctif, il n'aurait pas aimé penser qu'un proche fasse partie d'une armée d'Inféris lui non plus.
« Imaginons qu'il soit parvenu à quitter la caverne avec le médaillon… » lâcha-t-il. « Où l'aurait-il caché ? »
Il retournerait à la caverne s'il le devait, drainerait le lac avec ses Inféris, mais s'il y avait une option plus simple à explorer d'abord…
Black secoua la tête en signe d'ignorance, le dévisageant avec impuissance. « Le Square Grimmaurd ? Sa chambre. »
« Un peu trop simple. » jugea-t-il. « Toutefois, il y a peut-être des indices… » La seconde sonnerie retentit, lui indiquant qu'il était en retard. Il ne se hâta pas pour autant, observant l'Animagus d'un air critique. « Tu devrais t'allonger et dormir. Ton corps devrait avoir éliminé la toxine d'ici vingt-quatre heures mais je ne m'attends pas à ce que tu sois en pleine possession de tes moyens avant deux ou trois jours. »
Il n'était pas certain que son rival l'ait entendu.
« Je pensais que… » marmonna Black. « J'ai tiré un trait sur lui, tu comprends ? Je… Je n'ai rien vu. Je n'ai pas… »
« Sirius. » soupira-t-il, en lui tapotant maladroitement l'épaule. « Va dormir. Les choses seront plus claires à ton réveil. »
L'Animagus l'étudia longtemps, l'air toujours perdu, puis hocha lentement la tête et se dirigea vers la chambre d'un pas trainant.
Voilà une complication dont ils n'avaient pas eu besoin, songea Severus.
°O°O°O°O°
Draco sut qu'il allait avoir des ennuis lorsque Granger se planta devant lui alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la Grande Salle pour une pause déjeuner bien méritée. Le cours de Sortilèges, après la nuit passée et étant donné la détermination de Flitwick a rattraper le retard accumulé durant son absence avant les B.U.S.E.s, l'avait fatigué. Il n'était pas parvenu à fermer l'œil après que Snape les ait renvoyés dans leurs dortoirs et, en conséquence, il avait sommeil et faim. L'un ne pouvait être réglé pour l'instant, mais l'autre…
Blaise, pleutre qu'il était, jeta un seul coup d'œil à la lionne et se dépêcha de fuir.
« Bonjour à toi aussi. » marmonna-t-il, sous son regard noir.
« Tu déménages dans la Tour de Gryffondor dès ce soir. » ordonna-t-elle.
Qui lui avait raconté ?
Certes, la rumeur devait aller bon train mais il avait espéré que la présence de la Marque des Ténèbres aux portes de Poudlard aurait suffisamment distrait les élèves pour ne pas que le récit de l'incident chez les Serpentards atteigne Granger.
La réponse lui apparut évident lorsqu'il croisa le regard vert, passablement contrarié, de Potter alors que le garçon pénétrait dans la Grande Salle avec Ginny et Luna.
Potter, bien sûr.
Probablement alerté par Snape.
Ou sa cousine qui s'était sentie obligée de menacer ses camarades de dortoir.
« Non. » répondit-il fermement.
D'inquiète, l'expression de la jeune fille devint furieuse.
« Draco. » siffla-t-elle.
Il étouffa tous ses arguments d'un baiser, lui volant sa respiration et ses mots. Lorsqu'il fût certain qu'elle n'était plus en état de réfléchir, il recula, croisant son regard.
« Je respecte tes choix, aussi dangereux qu'ils soient, lorsqu'il est question de la guerre. » remarqua-t-il. « Tu dois respecter les miens. »
Il n'allait pas se laisser chasser de Serpentard.
Il était Draco Malfoy, futur Lord, héritier de l'une des plus grandes Maisons Sang-Pure, et il valait mieux que tous les imbéciles qui vivaient dans les cachots.
Et il n'était, de toute manière, pas certain que cela ferait une quelconque différence, à ce stade.
S'il déménageait dans une autre Maison, il risquait de mettre davantage de ses amis en danger.
« C'est stupide. » décréta-t-elle, avec peut-être un peu trop de compréhension.
Mais elle n'insista pas.
Il l'embrassa à nouveau, avec un peu trop de désespoir parce qu'il avait vu sa mort dans les yeux du mamba noir, puis lui prit sa main pour l'attirer vers la Grande Salle.
Et prétendre, l'espace d'un moment, que tout était normal.
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Albus était en train d'admirer un spécimen particulièrement rare de champignon lorsqu'il sentit la présence de l'homme dans son dos. Il ne s'alarma pas. Les protections de Poudlard s'arrêtaient peut-être à la lisière de la Forêt Interdite mais ils n'étaient pas suffisamment profondément enfoncés entre les arbres pour que la situation soit dangereuse.
Et puis, il aurait reconnu l'empreinte magique de l'autre sorcier entre mille.
Il avait mis plus de temps à venir le trouver qu'Albus avait escompté.
C'était, en partie, la raison pour laquelle il avait dit à Minerva qu'il voulait inspecter les abords de la Forêt durant la pause déjeuner afin de s'assurer que tout était en ordre après la fausse alerte de la matinée. Il avait su que l'information ne serait pas perdue pour tout le monde.
Là, au moins, ils étaient seuls.
« Severus. » salua-t-il, sans se retourner. « N'êtes-vous pas censé reposer cette jambe ? »
Il boitait beaucoup ce jour là et l'excursion nocturne dans les cachots n'expliquait pas le degré de fatigue sur les traits du sorcier.
Albus devinait une entourloupe mais n'avait pas le temps de s'y pencher plus avant. Il faisait trop confiance à Severus pour le soupçonner de trahir l'Ordre – ou Harry – de toute manière. Cela devrait donc attendre.
« Pourquoi ? »
La question n'était pas une surprise.
Il se redressa, mettant un terme à son observation de la faune locale, et dirigea un regard tout à fait compatissant au Maître des Potions. « Il me semble qu'elle vous fait particulièrement souffrir, aujourd'hui. »
Ce ne fût pas un choc de voir son enseignant perdre son calme. La canne frappa le sol avec agacement. « Pourquoi, Dumbledore ? »
Le Directeur leva un sourcil à cette familiarité impolie que Severus ne s'autorisait que lorsqu'il était véritablement furieux après lui et voulait le lui faire comprendre.
Cessant de prétendre qu'il ne savait pas de quoi l'homme parlait, il soupira et continua sur le chemin à peine visible qui les ramènerait vers la cabane d'Hagrid. « C'était nécessaire. »
Severus lui emboîta le pas et ils feignirent tous les deux de ne pas remarquer qu'Albus prenait soin de ne pas leur imposer un rythme trop soutenu. Leur allure tenait plus de la promenade qu'autre chose.
« Pourquoi ? » répéta pourtant le Maître des Potions.
« Fût un temps où savoir que c'était nécessaire vous aurait suffi. » remarqua-t-il, dans un autre soupir.
Le Professeur écarta un gros caillou d'un coup de canne. « Fût un temps où ma conscience était la seule à qui je devais rendre des comptes. »
Ah, bien sûr…
Malgré le désagrément que cela impliquait pour lui, Albus se prit à sourire. « Et est-ce le jugement d'Harry ou celui de Tonks que vous craigniez, Severus ? »
L'ancien Mangemort se referma comme une huître.
Il fût donc surpris de l'entendre répondre.
« Harry désapprouverait très certainement et serait fort déçu de me savoir impliqué dans ce genre de choses, quoi que sans doute pas étonné. » lâcha l'homme.
Or perdre l'affection ou l'estime du garçon lui serait insupportable.
« Vous n'êtes pas impliqué. » répondit tranquillement Albus. « Et si cela peut tranquilliser votre conscience, sachez que si vous vous hasardiez à formuler à voix haute certaines hypothèses, je me verrais dans l'obligation de jeter un oubliette. »
Severus laissa échapper un bruit moqueur. « Vous savez pertinemment que si vous effaciez mes souvenirs, j'identifierai sans mal votre empreinte magique et viendrai vous demander des comptes. Je suis trop bon Occlumens pour ne pas remarquer la chose. »
« Certes mais votre conscience serait sauve. » remarqua-t-il, avant de lui jeter un coup d'œil par-dessus ses lunettes en demi-lunes. « Je suis disposé à le faire si cela vous pose réellement un problème de vous taire. »
« Tenez-vous loin de ma tête. » gronda son ancien élève, sans surprise. « Mais donnez-moi une vraie réponse. Pourquoi était-ce nécessaire ? »
Albus hésita quelques secondes puis décida que la vérité, dans ce contexte, était encore la meilleure explication. Il le mit au courant de la création de cette horrible baguette qu'ils avaient, avec un peu de chance, stoppée dans l'œuf.
Lorsqu'il eut terminé, Severus poussa un long soupir. « Je garderai mes soupçons pour moi. Après tout, notre Médicomage a rendu ses conclusions et je ne suis, moi, que Maître des Potions… »
La chose n'avait donc pas été aussi entendue qu'Albus l'aurait souhaité avant cette mise au point. Et comme il doutait que l'ancien espion serait allé se confier à l'adolescent, cela signifiait qu'il avait envisagé d'en parler à l'Auror, ce qui lui aurait sans conteste compliqué la tâche, à lui.
Mais Severus, entre tous, comprenait qu'il était parfois nécessaire de se salir les mains.
Ils marchèrent en silence quelques minutes, le chemin qu'ils suivaient les mena jusqu'à l'arrière de la cabane d'Hagrid. Le garde-chasse n'était pas dans les environs mais ils aperçurent Charlie et Anthony qui revenaient des écuries. Albus les salua d'un geste mais préféra bifurquer vers le lac, bien que cela rallongerait leur retour au château, plutôt que les croiser.
« Puis-je vous poser une question indiscrète, Severus ? » s'enquit-il, alors qu'ils rejoignaient un des sentiers plus arpentés du parc. Il n'y avait pourtant pas d'élèves en vue – et les sortilèges dont ils avaient tous deux l'habitude de s'entourer leur aurait assuré une certaine intimité dans tous les cas – mais le chemin de terre battue serait sans doute moins difficile pour la jambe du sorcier que le sol inégal de la Forêt.
« Puis-je vous en empêcher ? » rétorqua le Professeur, pince-sans-rire.
Albus ne retint pas son sourire. « Vous et Tonks… »
Severus poussa un grognement agacé. « Sommes-nous véritablement si fascinants que tout le monde du Seigneur des Ténèbres jusqu'à vous se sente obligé d'en discuter ? »
Il rit sans chercher à s'en cacher. « Eh bien, il faut dire, mon garçon, que vous connaissant vous conviendrez que la chose peut surprendre. » Le Maître des Potions leva les yeux au ciel mais ne commenta pas. Il lui laissa quelques secondes puis persévéra. « Vous semblez proches. »
Severus lui jeta le regard qu'il réservait d'habitude à un élève médiocre qui aurait soulevé l'évidence sans s'en rendre compte. « Nous sommes proches. À quoi riment ces sous-entendus ? Vous, entre tous, savez pertinemment à quel point nous sommes proches. Ou bien pensez-vous qu'elle a passé la nuit dans mes appartements si régulièrement ces derniers mois parce que nous jouons aux échecs ? »
« Je me garderai bien de présumer. » se défendit-il, sans être toutefois très crédible. Severus devait bien se douter que lui et Minerva en avait discuté. Et Poudlard l'ayant effectivement averti à chaque fois que l'Auror mettait les pieds sur le domaine… Oui, il avait mesuré, peut-être même avant l'autre homme, à la fréquence de ces visites et à leurs durées, que leur relation devenait sérieuse.
C'était une chose de le deviner et une autre d'y être confronté, pourtant.
Ce matin là, il avait lu de la peur dans les yeux de l'ancien Mangemort quand il l'avait regardée partir. De la peur et de l'impuissance.
Sans parler du fait qu'il se soit laissé embrasser devant témoins.
« Posez votre question, s'il le faut. » grinça Severus, alors qu'ils arrivaient en vue de la rive du lac.
Son Maître des Potions surveilla l'eau avec méfiance puis occluda brusquement de manière plus évidente. Albus était curieux mais ne chercha pas à creuser la chose, sachant qu'il opérait déjà en terrain glissant.
« Après tout ce temps… Lily ? » demanda-t-il, presque prudemment.
Severus trébucha légèrement, sans que sa jambe ne soit à blâmer.
« Toujours. » répondit le Professeur, après un moment, d'une voix calme et mesurée. « Mais différemment. »
Albus hocha lentement la tête, prenant garde de ne pas chercher à croiser son regard, sachant qu'il n'apprécierait pas ce qu'il apparenterait à une intrusion. Il était déjà miraculeux qu'il ait consenti à lui répondre.
« Je dois être honnête, je ne pensais pas que vous parviendriez un jour à passer outre votre sentiment de culpabilité. » admit-il.
Après la mort des Potter…
Au début, il avait gardé Severus auprès de lui car il avait deviné que Voldemort reviendrait et il lui avait paru évident qu'il aurait, à nouveau, besoin d'un espion. Pourtant, la détresse sincère de Severus, les mois qu'il avait passé dans les affres d'un désespoir si profond qu'Albus avait craint ne pas parvenir à l'en sortir… Il s'était attaché au jeune homme, il n'avait jamais cherché à s'en cacher. Et échouer à lui faire comprendre que la manière dont il menait sa vie, drapé de remords qui le dévoraient de l'intérieur, était du gâchis l'avait peiné. Même si, égoïstement, il avait également été conscient que ce serait un avantage sur le long terme pour la guerre…
« Harry m'a pardonné. Lily m'a pardonné. Une version d'elle l'a fait, dans tous les cas. » soupira Severus, d'un ton las.
« Et vous ? Vous êtes vous pardonné, Severus ? » demanda curieusement Albus.
Le Maître des Potions fût silencieux si longtemps qu'il n'attendait plus de réponse lorsqu'ils contournèrent les quelques groupes d'élèves répartis sur la pelouse pour rejoindre le chemin qui menait au château. Pourtant, l'homme le surprit une nouvelle fois.
« J'ai accepté. » offrit le Professeur pensivement. « Rien n'effacera ma part de responsabilité ou mes erreurs mais je ne peux pas changer le passé. Je peux, en revanche, tenter de mieux faire à l'avenir. »
« Voilà une philosophie très sage. » approuva-t-il.
« Elle n'est pas si facile à mettre en application. » remarqua Severus.
« Non, je m'en doute. » murmura-t-il, son regard se perdant vers les tours et vers celle qui abritait son bureau, en particulier.
Severus Snape était trop bon espion pour manquer un tel geste.
Et Albus était trop las pour tenter de le déguiser en autre chose.
Gellert était resté enfermé dans sa chambre, ce matin là.
« La culpabilité est une chose terrible, n'est-ce pas ? » continua-t-il, presque distraitement. « Elle vous dévore de l'intérieur… Et pourtant, parfois, on a beau connaître le prix, on cède quand même à la tentation… »
Au lieu de remonter vers le château, Severus changea brusquement de direction, les menant vers les serres. Albus suivit, devinant que c'était une manière de ne pas mettre un terme à la conversation.
« Allez-vous enfin me révéler ce que fait Grindelwald ici ? » s'enquit-il. « Parce que nous savons tous les deux que, bien qu'il y en ait peu, il y a tout de même d'autres sorciers au Royaume-Uni avec une puissance magique proche de la vôtre. »
« Alastor aurait pu le faire. » acquiesça-t-il, tristement. Il était toujours peiné de la disparition de son ami. « Vous auriez très bien pu servir de clef de voute, ne vous en déplaise. »
Severus n'était certes pas aussi puissant que lui mais il était un excellent sorcier et savait compenser par ses compétences lorsque le pouvoir lui faisait défaut.
« Vous détournez la conversation. » rétorqua son enseignant. « Grindelwald est peut-être presque aussi puissant que vous mais… »
« Il l'est davantage, en vérité. » l'interrompit-il, tranquillement.
Le Maître des Potions le dévisagea avec effarement. « Vous n'êtes pas sérieux. »
Il soupira sans pourtant tenter de le convaincre.
« Albus… » reprit Severus, ralentissant encore le pas. Il grimaçait à chaque pas, à présent. Il aurait été plus sage de faire demi-tour – et de le trainer jusqu'à l'infirmerie – mais maintenant qu'ils avaient entamé cette conversation, il était réticent à y mettre un terme. « Pourquoi avoir fait venir Grindelwald à Poudlard ? »
« Deux raisons. » avoua-t-il, calant son allure sur celle de son enseignant. « L'une tout à fait pragmatique, l'autre beaucoup moins. »
L'ancien Mangemort atteignait le bout de sa patience. « Commençons par la plus pragmatique. »
Albus réfléchit une seconde à ce qu'il souhaitait révéler et ce qu'il préférait dissimuler. « Gellert possède des informations que je ne voulais pas voir tomber entre les mains de Vol… de Tom. »
Il ne se reprit qu'au tout dernier moment et, encore, uniquement parce que Severus s'était raidi d'appréhension. Il devait faire plus attention, se morigéna-t-il. La Marque était un réel danger, à présent, et pas une simple désagrément.
« Et il ne vous est pas venu à l'idée qu'une option plus radicale était de mise ? » se moqua l'ancien espion.
Albus lui sourit mais cela n'atteignit pas ses yeux. Il ne chercha pas à cacher la profonde tristesse qui l'habitait, la mélancolie qui l'accompagnait depuis plus de cinquante ans… « Ah, mais c'est là qu'intervient la deuxième raison beaucoup moins pragmatique. »
« Une raison qui, je le devine, a un lien avec toutes ces questions malvenues sur ma vie sentimentale. » railla Severus.
« Il est possible que je vois un certain parallèle entre les deux situations, en effet. » admit-il.
L'expression du Maître des Potions se durcit. « Auriez-vous causé la mort de la femme que vous aimiez en révélant accidentellement certaines informations à un mage noir, par hasard ? »
Ce n'était pas si loin de la vérité, en fin de compte.
Et il aurait peut-être pu s'en tenir là.
Mais Albus était las et les accusations de Gellert résonnaient encore à ses oreilles.
De façon justifiée.
« Seriez-vous choqué d'apprendre que je n'ai jamais aimé de femmes de ma vie, Severus ? » demanda-il, un peu trop tranquillement, un peu trop distraitement. Il feignit d'observer le vol d'un hibou qui s'échappait de la volière pour mieux éviter de voir la réaction du jeune homme. Par pudeur ou par crainte de lire sur son visage…
La main qui effleura son bras mit un terme à leur semblant de promenade et Albus se tourna vers son espion, se résignant à croiser finalement son regard. Il occludait pourtant mais dût mal dissimuler son appréhension car Severus fronça les sourcils.
« Avez-vous une si piètre opinion de moi pour penser que cela ferait une quelconque différence ? » répondit le Professeur, visiblement blessé. « J'ai mes griefs contre vous, Albus, cela n'enlève en rien à mon estime ou à mon… amitié. Or ni cette estime, ni cette amitié ne seraient si facilement abîmées par vos actions les plus discutables tant qu'elles ne concernent pas mon fils, encore moins par vos préférences en matière de romance. »
Albus était un vieil homme dont la vie était derrière lui, un Maître Legilimens et un Maître Occlumens, qui aurait dû parfaitement pouvoir maîtriser ses émotions, et pourtant, à cet instant là, la gorge nouée par un sentiment qui s'apparentait tout autant à la peur qu'à la libération, il sentit ses yeux s'embrumer.
Mal à l'aise comme il l'était toujours face aux débordements d'émotions, Severus lui tapota maladroitement le bras.
Cela le fit sourire et lui permit de reprendre contenance. Qu'il le veuille ou non, le jeune homme avait véritablement changé, ces derniers mois. Avant la tempête magique, dans une situation pareille, il aurait pris la poudre d'escampette bien avant de tenter de prodiguer du réconfort.
Ils se raclèrent tous les deux la gorge de concert et reprirent leur promenade mal avisée pour la jambe du Professeur de Défense.
« Gardez-vous Grindelwald en vie pour venger l'homme que aimiez ? » s'enquit finalement Severus, visiblement incapable d'oublier le mystère.
Il supposait que c'était justifié. Après tout, il n'ignorait pas que, pour le monde extérieur, c'était pure folie que de ramener Gellert à Poudlard. Le Ministère avait dû faire face à des mouvements de protestation, il avait lui-même été assailli de hiboux de parents d'élèves et de nombreuses beuglantes…
« Je vous envie. » confessa-t-il. « D'avoir su oublier Lily. »
« Je ne l'ai pas oubliée. » corrigea sèchement le Maître des Potions. Il s'arrêta quelques secondes, changea sa canne de main pour mieux ouvrir et fermer le poing… Ses mains non plus n'étaient pas dans leur meilleur jour, nota curieusement Albus. Il ne reprit la parole que lorsqu'ils se remirent à marcher. « Je ne me souviens pas d'un jour où je ne l'ai pas aimée. Mais ça n'a pas toujours été de nature… »
« Romantique ? » suggéra-t-il, lorsque l'autre sorcier échoua à trouver le bon mot.
Bon gré, mal gré, Severus approuva d'un grognement. « Lorsque je pense à elle, désormais, ce sont ces sentiments là qui me reviennent, ceux de notre enfance. Si je suis honnête… » L'homme s'empourpra légèrement et Albus était persuadé qu'il ne terminerait pas sa phrase. Severus persévéra pourtant, prouvant une nouvelle fois qu'il avait grandi durant ces derniers mois dans le passé. « Vous n'êtes pas sans ignorer que je n'ai jamais eu de relation sérieuse, auparavant. À présent… Avec le recul… M'aurait-elle rendu mes sentiments, je suis bien persuadé que j'aurais trouvé le moyen de tout saborder. Lily n'était pas toujours de nature patiente. »
Or il fallait de la patience avec quelqu'un comme Severus.
« Je l'aimais. » reprit le Maître des Potions, avec un soupir. « Mais, ces dernières années… J'avais oublié à quel point certaines choses m'horripilaient, à quel point elle désapprouvait certaines parts de moi dont je ne saurais me défaire. »
« Nous sublimons toujours nos morts. » acquiesça Albus, avec un petit sourire plein de compassion. « Je suis heureux pour vous, vous savez. Sincèrement. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur la place que doit prendre Harry dans cette guerre, et, nul doute, aurons-nous des mots à ce propos dans un avenir proche, mais j'espère que vous savez que je ne serai jamais votre ennemi, Severus. »
Severus détourna la tête, embarrassé.
Ils arrivaient aux serres et firent silencieusement demi-tour vers le château avant de pénétrer sur le domaine de Pomona où des élèves se rassemblaient déjà en prévision de la reprise des cours. Ils ne pressèrent pas l'allure pour autant.
« Vous n'avez jamais répondu à ma question. » remarqua le Professeur, au bout de quelques minutes.
« Certes… » admit-il. « Mais vous êtes trop intelligent pour ne pas arriver à la conclusion qui s'impose par vous-même. »
Severus soupira. « J'avais mes soupçons mais j'espérais un peu me tromper. » Il marmonna quelque chose à propos de Harry qui avait évité à tout prix une certaine conversation et d'à quel point il le comprenait à présent avant de se racler la gorge. « Laissez-moi deviner… Vous vous êtes rencontrés à cause de vos articles respectifs sur les Reliques de la Mort qui seraient plus réalité que mythe… »
Choqué, Albus tourna brusquement la tête pour le dévisager.
Apparemment ravi de son petit effet, le Maître des Potions ricana. « Ces articles ont fait forte impression sur Harry, en soixante-quinze. Il est toujours très déçu que vous ayez changé d'avis par la suite. »
« Il y a toujours une part de vrai dans un conte de fée, mon garçon. » se força-t-il à plaisanter, à peine rassuré que Severus ne paraisse pas prêter foi à ces articles dont il avait ignoré qu'il subsistait une trace. Il avait pensé les avoir tous détruits.
Quant à Harry…
Harry était beaucoup plus brillant que la plupart des gens ne le réalisait.
« Ne l'encouragez pas. » le gronda le Professeur, sans trop d'hostilité. « Il s'est déjà à moitié persuadé que sa cape était celle des Peverell… » Il soupira. « Parfois, il est un peu trop crédule. »
Extrêmement brillant.
Et, apparemment, conscient d'avoir deux Reliques en sa possession.
« C'est un rêveur. Est-ce si terrible ? » riposta-t-il.
« Non… » répondit Severus, après un moment. « Mais je déteste le voir subir des désillusions. »
« Les désillusions sont malheureusement légions avec l'âge. » commenta-t-il, non sans regret.
Ils marchèrent en silence jusqu'à ce que le château ne se dessine à nouveau au bout du chemin. La sonnerie retentit au loin mais, bien qu'il ait cours, Severus ne fit aucun geste pour se hâter. Sans doute ne le pouvait-il pas ou bien s'était-il arrangé avec Sirius.
« L'aimez-vous encore ? » demanda le Professeur, alors qu'ils entamaient la côte qui menait à une porte dérobée de l'aile ouest.
« Me jugeriez-vous si je vous répondais que je n'ai jamais cessé de l'aimer ? » murmura-t-il, sans parvenir, une nouvelle fois, à le regarder en face.
Severus laissa échapper un rire qui ne contenait aucun amusement. « Vous oubliez à qui vous parlez. »
« Lily n'était pas le mage noir qui a fait ployer l'Europe. » remarqua-t-il. « Je ne suis pas certain que la comparaison soit valable. »
« Les sentiments demeurent les mêmes. » contra le Maître des Potions. « Et vous êtes plus courageux que moi. Serait-elle devenu un mage noir qui aurait fait ployer l'Europe, je me serais jeté à ses pieds et sans aucune hésitation. »
« À seize ans, peut-être. » corrigea-t-il, avec affection. « Admettons que Tonks décide demain de marcher dans les pas de Tom, je ne suis pas certain que vous soyez si prompt à la suivre ou à vous prosterner devant elle. »
« Peut-être cela est-il un commentaire sur la force de mes sentiments et pas le reflet d'un changement de ma nature. » riposta immédiatement Severus.
« Ou peut-être est-ce parce que vous idéalisiez tellement Lily que vous la traitiez comme une déité alors que vous ne voyez qu'une femme en notre amie Auror. » suggéra Albus, en lui jetant un regard entendu. « Ce qui est beaucoup plus sain, tout à fait entre nous. »
L'ancien Mangemort leva un sourcil ironique. « Étant donné votre situation actuelle, je ne suis pas certain que vous soyez en position de juger ce qui est sain ou pas. »
Souriant à cette joute verbale amicale, Albus lui accorda la victoire d'un geste, savourant un moment de complicité qui, s'il devait être honnête, lui avait manqué et devenait trop rare. Depuis leur retour suite à la tempête, lui et Severus avaient été en conflit plus ou moins ouvert.
La paix ne durerait pas, il le savait, pas avec Harry au milieu, mais…
Merlin, ce qu'il pouvait tenir à lui, tout aussi arrogant et impertinent qu'il soit.
Ils venaient de passer la porte du château lorsqu'Albus se décida à lui révéler un secret, un autre.
« Je n'ai pas arrêté Gellert à Darmstadt. » déclara-t-il, s'amusant de l'expression choquée qui naquit sur le visage de son enseignant. « Il aurait pu me tuer s'il avait essayé. Il s'avère qu'il ne voulait pas essayer. »
Severus le dévisagea longtemps. « À vous deux, vous auriez pu conquérir le monde. »
« C'est ce qu'il aime à me rappeler, oui. » plaisanta-t-il, sans amusement. « Je ne pouvais pas le faire assassiner, Severus. Le faire venir ici n'était sans doute pas la décision la plus avisée que j'ai jamais prise mais je suis quasiment certain qu'il ne me trahira pas et, en ce sens, ce n'était pas non plus mon pari le plus risqué. Comprenez-vous ? »
L'ancien espion hocha la tête lentement.
Après un sourire légèrement crispé, Albus se détourna pour rejoindre son bureau, laissant son enseignant digérer ces nouvelles informations.
« Albus ? » appela Severus, avant qu'il ne se soit trop éloigné. Les sortilèges qui les entouraient s'était évanouis et le Directeur ne fût pas surpris qu'il demeure vague. « Il y a des contextes où l'égoïsme est excusable. »
Cela ressemblait à une permission.
Une permission dont Albus avait vitalement besoin.
Mais ce n'était pas à Severus de la lui donner.
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Harry donna un coup de baguette un peu trop agressif et la flamme de la bougie qu'il s'entraînait à contrôler pour le cours de Sortilèges s'embrasa si haut et si fort qu'elle manqua mettre le feu aux rideaux en lambeaux qui pendaient de chaque côté de la fenêtre.
Assise en tailleur sur un des bureaux qu'elle avait préalablement débarrassé de son épaisse couche de poussière, Hermione se dépêcha d'éteindre la bougie avant qu'il ait pu déclencher un incendie, lui jetant un regard désapprobateur au passage.
Le garçon préféra ne pas relever.
Il n'avait pas voulu l'emmener dans la vieille classe de Divination et ils avaient tous deux décidé d'éviter la Salle sur Demande, sachant qu'il était trop probable qu'un de leurs amis ne leur tombe dessus par accident. Les salles de classes vides et abandonnées faisaient légion à Poudlard et en trouver une n'avait pas été si compliqué. Obscurcir les portraits d'un sort et leur jeter des silencio n'avait pas pris si longtemps non plus.
« Qu'est-ce que tu as, à la fin ? » râla Hermione. « Tu as été de mauvaise humeur toute la journée… »
« Je ne sais pas comment tu fais pour ne pas être de mauvaise humeur, toi aussi. » rétorqua-t-il. « Tu vas vraiment laisser Malfoy retourner dans les dortoirs de Serpentard ? »
Hermione poussa un soupir mais baissa la tête, tournant et retournant sa baguette entre ses mains. « Je l'ai emmené avec moi lorsque j'ai utilisé une potion qui frisait la magie noire sur ma famille et il m'a tenu la main tout du long. Lorsque je me suis précipité au Ministère parce que je pensais que Sirius était en danger, il est venu avec moi même s'il trouvait que c'était stupide – et il avait raison. Je lui ai dit que je voulais me battre contre les Mangemorts et, même s'il veut rester neutre, il ne m'a pas quittée… »
Harry leva les yeux au ciel. « Donc, ce que tu es en train de m'expliquer, c'est que vous choisissez de ne rien dire à l'autre lorsque ses décisions sont atrocement stupides ? »
Vexée, la jeune fille se redressa légèrement. « Ce que je suis en train de t'expliquer, c'est que nous respectons nos décisions mutuelles. Et puis… Je n'approuve pas parce que c'est dangereux et qu'il n'a rien à prouver mais, si tu y penses, sa décision est courageuse… »
Sa décision, selon Harry, était surtout politique.
Il avait passé suffisamment de temps chez les Sang-Purs pour savoir que ceux-ci respectaient le pouvoir et ses démonstrations les plus flamboyantes. Si Malfoy se laissait chasser du domaine des serpents maintenant, il perdrait en crédibilité lorsque, à l'âge adulte, il tenterait de contrôler les autres Maisons Sang-Pures.
« Ils disent que lorsqu'on essaye de faire un truc noble ou courageux, on est imprudent. » grommela-t-il. « Mais tu as remarqué comme les Serpentards ont la noblesse ou le courage dramatique ? » Il leva à nouveau les yeux au ciel, rallumant la bougie d'un sort muet pour mieux tenter à nouveau d'en contrôler la flamme, toujours aussi en colère qu'il l'avait été ce matin là. « Merlin préserve qu'ils disent simplement les choses, hein ? Non… Mieux vaut faire des cachoteries. »
Hermione éteignit à nouveau la bougie avant qu'il ait pu perdre le contrôle. « Et si tu me disais ce que Snape a fait qui t'a mis si en colère ? »
« Rien. » mentit-il.
Son amie n'était ni dupe, ni convaincue, mais décida de laisser couler. « Je suis prête. »
Harry lâcha un grognement, délaissant la bougie pour se rapprocher d'elle, toujours convaincu que l'idée était très mauvaise. Certes, il l'avait laissée le convaincre de trouver un endroit où s'entraîner, de fausser compagnie à leurs amis… Mais il ne l'avait fait qu'à reculons.
« Tu es sûre, Hermione ? » demanda-t-il pour la dixième fois. « Je ne maîtrise pas la Legilimencie… Je n'ai que des bases. »
C'était sur la liste de choses que Severus voulait lui enseigner mais ce n'était pas une priorité.
« On n'a pas le choix. » insista la jeune fille. « Il faut bien que je teste mes défenses pour voir si elles fonctionnent ou non. »
« Je ne peux pas garantir que je ne vais pas te faire mal. » l'avertit-il – également pour la dixième fois. « Severus est un Maître Legilimens et j'avais l'impression qu'il me passait le cerveau au rouleau compresseur à chaque fois. »
Encore qu'il n'était pas entièrement certain que le Professeur ait tenté d'être délicat lors de leurs premières séances. C'était comme à l'entraînement au duel… La douleur, tant qu'elle n'était pas débilitante, était permise. Blessures et autres seraient soignées immédiatement après que l'entraînement soit fini mais la douleur aidait le corps à comprendre que la situation était sérieuse, poussait à se dépasser…
« On n'a pas le choix. » répéta son amie.
Harry soupira puis prit un moment pour inspecter ses propres défenses. Il fit le tour des marécages, enferma sa colère rentrée dans un coffre qu'il enfouit très profondément dans l'eau, raviva le brasier qui formait la protection principale de son esprit… Une fois satisfait et certain d'être suffisamment concentré, il planta son regard dans celui, légèrement craintif, d'Hermione.
« Legilimens. » murmura-t-il.
Il s'enfonça dans sa tête comme dans du beurre.
Très visiblement, il y avait une couche de souvenirs à la surface de son esprit qui étaient là pour servir de distraction mais si c'était son bouclier, il était faible. Il les effleura à peine, se désintéressant des conversations qu'elle avait eu ce jour là pour s'enfoncer plus profondément dans son esprit. Il sentit sa panique, sentit qu'elle cherchait à le repousser, devinait aux souvenirs qu'elle jetait devant lui presque avec affolement que sa méthode ne marchait pas mais il persévéra pourtant, cherchant un souvenir bien précis.
Il en trouva d'autres qui l'auraient fait rougir s'il avait été dans son propre corps et s'en détourna rapidement, n'ayant que très peu envie de garder l'image d'un Draco Malfoy torse nu gravé dans sa tête.
Il ne voulait pas savoir ni pourquoi, ni comment elle avait cette image là en tête.
Il fût relativement simple de dénicher le souvenir de la salle commune, le moment où elle avait compris ce qu'il était… Terreur, douleur, chagrin, panique, compassion… L'étalage d'émotions le déstabilisa et il se retira de son crâne, à peine soulagé de ne pas avoir trouvé de dégoût.
Hermione se plia en deux, se tenant la tête, haletante.
Il l'attrapa avant qu'elle puisse basculer du bureau, l'encourageant gentiment à respirer jusqu'à ce que la nausée soit passée.
« Pour une première fois, ce n'était pas si mal. » la consola-t-il, lorsqu'il fût certain qu'elle n'allait pas perdre connaissance.
Elle lui jeta un regard incrédule. « Ça ne t'a même pas ralenti. »
Il enfonça les mains dans ses poches et haussa les épaules, grimaçant légèrement. « Je t'avais dit d'essayer l'Occlumencie élémentaire. Se servir de ses souvenirs, c'est bien trop… »
« Subtil ? » suggéra-t-elle. « Le livre dit que c'est le meilleur moyen de pas laisser voir qu'on est Maître Occlumens. »
« Oui mais à moins que tu ne veuilles devenir espion, tu n'as pas besoin de subtilité. » contra-t-il. « Tu as juste besoin de boucliers qui garderont les gens hors de ta tête. »
« Et tu penses que Dumbledore ne s'étonnerait pas s'il essayait de regarder dans ma tête et qu'il trouvait un mur de flammes ? » rétorqua-t-elle.
Il concéda l'argument d'un geste mais secoua pourtant la tête. « Dans ces cas là, tu pourrais lui dire que tu as décidé de t'y mettre parce que ça te semblait un avantage tactique et faire la Gryffondor toute offensée qu'il ait essayé de lire ton esprit, en premier lieu. »
Elle le dévisagea puis soupira. « Très Serpentard. »
Il s'inclina avec un sourire amusé qui ne tarda pas à disparaître. « Tu veux réessayer ? »
Elle hocha la tête avec détermination et sauta du bureau pour mieux se camper sur ses jambes, cette fois.
« Rends-moi service… » plaisanta-t-il – à moitié. « Essaye d'occluder très, très profondément les souvenirs impliquant Malfoy. »
C'était sa faute, décida-t-il, quelques secondes plus tard, lorsqu'il envahit à nouveau son esprit et qu'elle tenta, avec la même panique, de le détourner des souvenirs qu'elle voulait lui cacher. Excepté qu'il lui avait mis Malfoy en tête et, parce qu'elle voulait les lui cacher, ces souvenirs là prédominaient. À trop penser à les lui dissimuler…
Il essayait vraiment de ne pas trop en voir.
Ça ne l'empêcha pas de mettre un terme au sortilège et de se frotter les yeux avec dégoût.
« J'ai besoin que tu me jettes un oubliette ! » exigea-t-il.
Parce qu'il n'avait vraiment, vraiment pas eu besoin de savoir qu'elle avait déjà retiré son chemisier pour cet abruti de Serpentard qu'il allait se faire un plaisir de tuer lui-même. Sans serpent venimeux. Avec ses propres poings.
Rouge comme une écrevisse, Hermione enfouit à nouveau son visage dans ses mains.
« Est-ce que tu étais obligé d'aller fouiner dans ces souvenirs là ? » gémit-elle.
« Attends, ce n'est pas ma faute si tu me les jetais dessus ! » riposta-t-il, avec tout autant de détresse. « Ça suffit pour ce soir. Je ne veux plus voir d'autres horreurs, je fais assez de cauchemars comme ça. »
Elle fit apparaître quatre oiseaux qui foncèrent sur lui dans le but évident de lui faire du mal. Il les fit exploser dans un nuage de plumes avant qu'ils aient pu l'atteindre.
« Choisis un élément et construis une défense. » lui conseilla-t-il, avec davantage de sérieux. « Oublie la subtilité. Je suis quasiment persuadé que ce genre de boucliers ne fonctionnent que pour les naturels. »
Toujours écarlate, incapable de croiser à nouveau son regard, Hermione acquiesça.
°O°O°O°O°
Severus tournait et retournait le faux horcruxe entre ses doigts.
Le poids de la nuit précédente et de la journée pesait sur ses épaules, le rendant incapable de faire la chose sensée qui aurait été de se trainer jusqu'à sa chambre – sans parler de faire des choses nécessaires comme finaliser l'examen de Potions des A.S.P.I.C.s ou de parcourir une nouvelle fois ses recherches sur les horcruxes.
Ils avaient été si prêts du but, songea-t-il, en occludant davantage la frustration et l'impuissance qui ne l'avaient pas quitté de la journée. Sans parler de l'humiliation qu'il ressassait depuis qu'il avait dû s'admettre incapable de suivre Nymphadora, ce matin là.
La porte d'entrée de ses appartements s'ouvrit et se ferma sans claquer. Un miracle.
Severus savait qu'il aurait dû bouger, faire semblant, mais il ne parvint pas à esquisser un mouvement. Trop tard de toute manière. Le gamin se tenait déjà sur le seuil du salon et le dévisageait avec une expression si lisse et neutre qu'il devait être en train d'occluder de manière très prononcée.
« Vous n'avez pas déjeuné dans la Grande Salle à midi et vous avez raté le diner. » déclara Harry.
Le Maître des Potions se retint de justesse de lui rappeler que c'était lui qui était censé se nourrir correctement au lieu de surveiller ses propres repas.
« Sans compter que vous avez été en retard en cours au moins deux fois aujourd'hui. » continua le Gryffondor.
« Et comment le sais-tu ? » railla-t-il.
Avait-il demandé à ses amis de l'espionner ? Il n'aurait même pas été surpris.
« J'ai mes sources. » marmonna l'adolescent, relevant le menton avec défi.
Severus laissa échapper un bruit amusé. « Tes sources ne seraient pas rouquines, en quatrième année et extrêmement douées pour les sortilèges de chauve-furies, par hasard ? »
« Vous avez mangé quelque chose ? » insista le garçon, sans tomber dans le piège.
Il soupira, trouvant la discussion bien futile.
Harry savait pertinemment qu'il ne se serait jamais laissé attraper assis de travers sur le canapé dans le simple but d'étendre une jambe qu'il ne parvenait plus à bouger sans ressentir de douleur s'il avait été dans son état normal. Sans parler de la main qui tressautait là où elle était posée sur le dossier, des manches retroussées de sa chemise qui ne dissimulaient pas le bandage tâché sur son avant-bras gauche ou ses sur-robes et sa cape qui avaient été jetées sur le dos du fauteuil plutôt que pendues dans l'entrée.
Il n'avait pas pensé qu'Harry passerait, ce soir là.
Le regard vert s'attarda sur l'emplacement de la Marque mais le garçon ne fit pas de commentaires.
« Ce n'est pas à toi de prendre soin de moi. » grinça-t-il. « Je suis l'adulte et… »
« Les enfants prennent soin de leurs parents aussi. » l'interrompit cet insupportable garnement, avec juste assez de reproches dans la voix pour lui faire sentir qu'il n'était pas raisonnable.
« Quand ils sont grabataires. » rétorqua-t-il, agacé.
Il tenta de s'assoir un peu plus correctement mais la morsure vive dans le muscle crispé de sa cuisse qui remonta dans sa hanche le fit se figer. À peine ravala-t-il un grognement.
« Je prends juste un peu d'avance. » se moqua Harry, faisant visiblement un effort pour garder son ton léger parce qu'il savait que son humeur était volatile et qu'il n'aurait pas fallu beaucoup pour qu'il se mette en colère. « Qu'est-ce que vous voulez manger ? »
Il réfréna à grand peine le besoin de lui rappeler qu'il n'avait pas besoin de cuisiner pour lui, qu'il n'était pas son elfe de maison… Il détestait l'idée que Pétunia se soit servi de lui comme ça.
« Un sandwich fera l'affaire. » capitula-t-il. « Et du thé, si ça ne te dérange pas, s'il te plait. »
« Et une potion antidouleur. » rajouta le garçon, avec défi.
Ce n'était pas une bataille que Severus voulait mener. Si ces potions n'avaient pas été dans une autre pièce, il en aurait fait léviter une jusqu'à lui depuis longtemps. « Et une potion antidouleur. »
Le manque de protestations parut inquiéter le garçon encore plus mais, encore une fois, le Gryffondor tint sa langue et disparut dans la cuisine.
Severus aurait pu jurer n'avoir fermé les yeux que quelques secondes mais ce fût une main lui secouant prudemment l'épaule qui le poussa à les rouvrir.
Le sandwich débordait de tout ce que le gamin avait pu trouver dans les placards. Severus l'avala sans discuter, plus affamé qu'il n'était disposé à l'admettre. Il avala aussi la fiole entière de potion antidouleur au lieu de chercher à la doser.
À ce niveau de souffrance, compter les gouttes n'aurait servi à rien.
Harry, à son habitude, s'était installé par terre et s'était servi une tasse de thé. Son regard était rivé au bandage souillé sur son avant-bras.
Severus reposa sa propre tasse de thé et soupira. « Il y a un danger avec la Marque, c'est vrai, mais la situation est véritablement sous contrôle et il n'y avait aucune raison de t'inquiéter pour rien. Je ne t'ai jamais caché que la Marque était davantage qu'un simple tatouage. »
« Elle vous fait mal. » l'accusa presque le garçon.
« Oui. » confirma-t-il. « Elle me fait mal. Mais j'ai toujours su que trahir le Seigneur des Ténèbres ne serait pas sans conséquences. »
Certes, il n'avait pas pensé qu'il serait toujours en vie pour subir ces conséquences, mais… Il ne le regrettait pas. Les inconvénients, séquelles et autres désagréments… Il les endurerait autant qu'il le faudrait si cela lui permettait d'être là pour Harry.
« Je n'aime pas quand vous me mentez. » grommela son fils. « Même par omission. »
Il se frotta le visage, trop fatigué pour avoir cette conversation qu'ils, lui semblait-il, avaient déjà eu cent fois. « Harry, je ne te mens pas autant que je le pourrais ou que je le devrais. Certaines choses, toutefois, ne regardent que moi. S'il y avait véritablement eu un danger que je meure soudainement à cause de la Marque, oui, je t'en aurais averti. En l'état, nous avons trouvé une solution qui fonctionne. La douleur me regarde. »
Au final, c'était probablement une bonne chose qu'il ait déjà eu cette dispute là avec Nymphadora. Au moins, il avait eu le temps de mieux préparer et rationaliser ses arguments.
« Et votre jambe ? » demanda le garçon, son regard dérivant du bandage à la jambe toujours allongée devant lui.
« Je te l'ai dit, les atterrissages de Nox ne me réussissent plus. » soupira-t-il. « J'en ai trop fait, je suis prêt à l'admettre, et cela ne s'arrangera pas sans repos, raison pour laquelle te voilà dispensé de cours particulier de Défense demain. »
Le Gryffondor fronça les sourcils. « Sirius ne va pas mieux ? »
« Je suis passé le voir après mon dernier cours. Il se remet. » répondit-il. « Il faudra un jour ou deux avant qu'il soit tout à fait sur pieds. »
Apparemment rassuré, Harry hocha pensivement la tête. « Et l'horcruxe ? Vous pensez vraiment que c'est Regulus qui l'a pris ? »
Il eut un geste d'ignorance. « Je ne vois pas qui d'autre. Regulus était un Mangemort… L'hypothèse est cohérente. Lorsque Black sera remis il ira fouiller la chambre de son frère et, avec un peu de chance, nous en apprendrons davantage. »
Le garçon soupira et termina sa tasse de thé d'une longue lampée. « S'il l'a caché quelque part, le Square Grimmaurd est l'endroit idéal, c'est plein de bibelots et de trucs comme ça. » Soudain, il fronça les sourcils. « Attendez… Cet été, quand Mrs Weasley nous a fait faire le ménage… Il y avait un médaillon dans une vitrine. Je crois, du moins. On a jeté tellement de choses… »
« Il n'y a plus qu'à espérer que le médaillon de Salazar Serpentard n'a pas terminé dans une décharge publique. » se moqua-t-il. « Voilà qui serait d'une belle ironie. »
Mais peu probable.
Si Molly avait jeté ces objets, ils n'étaient certainement pas restés longtemps dans les ordures. Ils aurait été trouvés, vendus ou échangés… Ils avaient probablement changé de mains une dizaine de fois depuis.
« Kreattur n'arrêtait pas de récupérer des choses en douce. » l'informa Harry. « Vous pourriez lui demander. »
« Voyons d'abord ce que nous trouvons par nous-mêmes avant d'impliquer un elfe de maison dont je ne suis toujours pas certain de la fiabilité. » nuança-t-il.
Le garçon émit un bruit amusé. « Un jour, vous devrez me dire ce que vous avez contre les elfes de maison. »
« Mis à part le fait qu'ils n'ont aucune maîtrise de la grammaire et qu'ils fouinent toujours partout sous prétexte de faire le ménage ? » riposta-t-il.
Harry secoua la tête pour cacher son amusement. Un amusement qui ne dura pas.
Rien qu'à la manière dont il se mit à tourner et retourner distraitement le sceau des Prince autour de son doigt, Severus sut qu'il n'allait pas aimer la suite.
« Le Professeur McGonagall a posté l'emploi du temps des examens dans la salle commune tout à l'heure. » annonça le garçon.
Elle avait bien de la chance d'avoir eu le temps de le faire elle-même. Severus avait confié la chose à un préfet de sixième année.
« Et ? » l'encouragea-t-il, lorsque le garçon garda trop longtemps le silence. « Il te reste un peu de temps pour revoir ce dont tu n'es pas certain. Tu as bien travaillé cette année, Harry, fais de ton mieux et… »
« Ce n'est pas ça. » l'interrompit nerveusement le Gryffondor, sans le regarder en face. « Hermione a tout un emploi du temps pour qu'on puisse réviser tout ce qu'il faut. » Il grimaça. « C'est juste que les vacances d'été commenceront deux jours après la fin des B.U.S.E.s. »
« Nous n'avons pas eu l'occasion de finaliser les détails donc, garde l'information pour toi, mais c'est une quasi-certitude que Poudlard continuera d'accueillir les élèves cet été. » expliqua-t-il.
Il y avait trop d'adolescents dans la situation de Malfoy ou de Granger. Trop de familles qui ne pensaient pas pouvoir assurer la sécurité de leurs enfants chez eux et avaient supplié Dumbledore de le faire à leur place.
Harry ne leva pas la tête. « Dumbledore va vouloir que je retourne chez les Dursley. »
« Dans ce cas le Professeur Dumbledore me trouvera sur son chemin. » rétorqua-t-il, d'un ton ferme.
Peut-être pas assez ferme, cependant, parce que le garçon soupira légèrement avant de lui jeter un bref coup d'œil par-dessous sa frange. « Légalement, vous ne pouvez rien faire. Et Sirius non plus. »
Black harcelait le Ministère d'hiboux mais se voyait confronté à une fin de non recevoir. Le Ministère était en état d'urgence et personne ne considérait apparemment sa demande de tutelle comme une priorité.
Un problème dont il devinait sans mal l'origine.
Il ouvrit la bouche pour lui assurer, une nouvelle fois, qu'ils trouveraient une solution lorsque l'adolescent le prit de cours.
« Écoutez, j'ai réfléchi et je crois qu'on devrait faire ce qu'il veut. » lâcha Harry, d'une voix qui se voulait sans doute très mature. « Après tout, ce ne sera que pour deux semaines, trois maximum, et après je pourrais revenir vivre ici avec vous. »
« Non. » décréta-t-il.
Le Gryffondor se mit à jouer plus agressivement avec la bague. « Je ne serais pas en danger et ça ne va pas me tuer. Au mieux, ils m'ignoreront et prétendront que je n'existe pas. Au pire, ils m'enfermeront dans ma chambre et je devrais éviter Dudley. Un Serpentard ne fait pas de choix, non ? Ça ne vaut pas le coup de se mettre Dumbledore à dos pour si peu. »
« Si peu ? » répéta-t-il, avec amertume. Il dût faire un effort pour déplacer sa jambe. La potion avait apaisé la douleur mais la plier et placer son pied au sol pour s'asseoir correctement lui arracha tout de même une grimace. Il ignora l'air alarmé du garçon pour tapoter le coussin libre à côté de lui. « Viens ici. »
Harry hésita puis obéit, visiblement mal à l'aise. Il attendit qu'il se soit assit à côté de lui avant de reprendre.
« Le soir où tu t'es confié à moi pour la première fois, où tu m'as expliqué qu'ils t'avaient gardé dans un placard toute ton enfance… » lui rappela-t-il. « Une des premières choses que tu m'as dites, ce soir là, c'est que personne ne t'avait jamais sorti de là. »
L'adolescent se voûta comme sous le poids d'un chagrin trop lourd à supporter. Severus plaça une main à l'arrière de sa tête, sans réfléchir, une part de lui s'étonnant presque d'à quel point ce genre de gestes de réconfort était devenu seconde nature.
« C'est différent. » murmura le garçon. « Je sais que… Je sais que je peux rentrer à la maison. Ce sera différent. Ce n'est pas comme si vous m'abandonniez. »
« Non, en effet. » répondit-il calmement. « Et, ce, parce que tu ne retourneras jamais chez ta tante et ton oncle. »
« Papa… » soupira Harry.
« Laisse-moi m'occuper d'Albus Dumbledore. » déclara-t-il. « Et s'il me faut me le mettre à dos, comme tu dis… Je ne considère pas que ce serait pour si peu. Tu n'es pas peu, Harry, tu es tout. Tu es mon fils. Tu es la personne la plus importante à mes yeux. Et il est hors de question que je te renvoie chez des gens qui te traitent mal, que ce soit pour deux semaines ou un jour. »
Et il n'aurait pas dû avoir besoin de le répéter encore.
Harry souffla doucement puis se redressa, faisant sans doute appel à son courage tout Gryffondor.
« Tu ne peux pas me sauver de tout. » lâcha le garçon, avant de rougir légèrement, visiblement mal à l'aise. Il se racla la gorge et détourna le regard. « Je veux dire, vous… »
« Je t'ai déjà autorisé à abandonner le vouvoiement en dehors d'une classe, si tu le souhaites. Cela ne me dérange pas. » lui rappela-t-il, avec un détachement feint. Il n'était pas plus à l'aise que l'adolescent lorsqu'il était question de mettre en mots certaines choses. « Et je ne peux peut-être pas te sauver de tout mais je peux très certainement essayer. »
Le sourire du garçon n'atteignit pas ses yeux.
Était-ce parce qu'il avait discuté de Lily avec Albus plus tôt que la pensée lui vint, fugace, qu'il ne se souvenait plus de la dernière fois où il avait comparé le regard du garçon à celui de sa mère ? Les yeux verts qui l'avaient hanté depuis l'arrivée du Survivant à l'école, pleins d'accusations et de reproches, avaient cessé de lui rappeler son amie. C'étaient ceux de son fils, avant d'être ceux de Lily, à présent.
« Ça ne vaut pas le coup. » insista Harry. « Je ne vais pas vous empêcher d'essayer, mais… Je peux supporter deux semaines chez les Dursley si ça permet de monnayer le reste de l'été ailleurs. »
« Moi vivant, tu ne remettras pas un orteil là bas. » répéta-t-il.
Il était très opportun qu'Albus lui ait fourni le chantage idéal ce jour là. Certes, il répugnait un peu à s'en servir étant donné l'émotion dont le vieil homme avait fait preuve mais…
Pour Harry, il aurait tout fait.
Si Albus venait le trouver pour lui ordonner de rendre le gamin aux Dursley, il aurait une vilaine surprise sur les bras.
L'adolescent ne le croyait toujours pas mais se força à nouveau à sourire. « En attendant, il faut que je remette un orteil dans la salle commune, j'ai promis à Ron de l'aider avec la Métamorphose. » Il l'étudia avec inquiétude. « Ça ira, si je vous laisse tout seul ? »
Severus leva les yeux au ciel. « Tu es bien conscient que j'ai survécu trente-cinq ans sans toi ? »
Harry laissa échapper un bruit amusé. « Oui, mais à peine. »
« Insolent garnement. » gronda-t-il, sans hostilité, juste pour le plaisir de le faire rire.
Il le regarda ramasser ses affaires et ramener le plateau avec l'assiette vide et le reste du thé à la cuisine malgré ses protestations qu'il le ferait plus tard, ressentant un immense sentiment d'affection qui menaça de le submerger si brutalement qu'il fût forcé de l'occluder en partie.
Son fils.
S'habituerait-il jamais à la force de l'attachement qu'il lui portait ?
Les autres pères finissaient-ils par s'habituer ?
Ou serait-il toujours émerveillé dans dix ans par ces liens qu'ils tissaient entre eux ?
°O°O°O°O°
Albus fût franchement surpris de trouver son salon occupé lorsqu'il se décida finalement à quitter son bureau pour monter les étages qui menaient à ses appartements personnels.
Gellert ne le salua pas, ne tourna même pas la tête vers lui. Avachi dans le fauteuil le plus proche de l'âtre, il observait les flammes qui y dansaient, fortes et claires.
C'était un progrès, cependant, songea-t-il, oubliant son vague projet de se coucher tôt pour une fois pour aller se tenir derrière son fauteuil. Il hésita un long moment, leva la main puis la laissa retomber plusieurs fois…
Gellert ne fit aucun signe prouvant qu'il avait remarqué sa présence.
Mais lorsque Albus rassembla finalement son courage et posa la main sur sa nuque, comme il le faisait autrefois, l'autre sorcier laissa échapper une longue expiration un peu trop sifflante.
Il n'avait donc pas gardé la chambre simplement par bouderie, comprit-il, mais parce qu'il ne se sentait pas bien.
« Es tut mir Leid. » s'excusa Gellert, dans un murmure. « Tu m'as offert ton amitié et je suis devenu avide de plus. C'était égoïste de ma part. Mais tu savais déjà que j'étais égoïste. »
L'homme leva la tête pour lui adresser un demi-sourire auquel Albus répondit par un autre, un peu plus triste.
« Un ami m'a dit aujourd'hui qu'il y a des contextes où l'égoïsme est excusable. » offrit-il, la gorge nouée.
Gellert prit sa main, l'écarta de sa nuque pour la porter à ses lèvres sans jamais détourner le regard. Albus ne chercha pas à se dégager lorsqu'il embrassa sa paume.
Son cœur s'emballa dangereusement.
« Cent fois, à Nurmengard, j'ai refait l'histoire. » avoua Gellert. « Cent fois, j'ai imaginé différents choix, différents moments clefs, différents dénouements… Si je ne m'étais pas battu avec Abelforth, ce jour là, si Arianna ne s'était pas mise entre nous… »
« Nous ne pouvons pas changer le passé. » l'interrompit-il, faisant sans le vouloir écho à d'autres mots que lui avait offerts Severus, cet après-midi là.
« Ja, mais… » continua Gellert, imperturbable. « Serais-tu parti avec moi, Liebling ? Si rien de tout ça n'était arrivé. Serais-tu parti avec moi ? »
La réponse n'avait pas été aussi évidente à l'époque qu'elle l'était désormais, à posteriori.
« Bien sûr. » murmura-t-il. « Je t'aurais suivi au bout du monde. » Et ils auraient probablement mis leurs projets à exécution, peut-être moins brutalement que Gellert ne l'avait fait par lui-même parce qu'il aurait été là pour le freiner, le tempérer… « Moi aussi j'ai refait cent fois l'histoire, toutes ces années, tu sais. » Gellert sourit, ses yeux s'éclairant d'une satisfaction simple, alors il se força à poursuivre. « J'aurais pu aller te chercher, au lieu de me terrer à Poudlard. J'aurais pu te convaincre de… »
« Improbable. » l'interrompit le mage noir.
« Ce sont mes rêves. » contra-t-il aimablement.
« Dans les miens, c'est moi qui te convainquais. » insista pourtant son ancien amant, en pressant la main qu'il n'avait toujours pas lâchée. « Nous savons tous les deux que je suis trop têtu pour me laisser détourner de mes objectifs. Mais soit. »
Amusé malgré lui, Albus secoua la tête. « Même lorsque tu réécris l'histoire, il faut que tu gagnes. »
Gellert ne protesta pas mais son expression s'adoucit. « Je t'aurais épousé. »
Les sourcils du Directeur se levèrent de surprise. « La loi… »
« J'aurais changé la loi. » siffla-t-il. « Les lois de la communauté magique ne devraient pas être basées sur des lois moldues archaïques, de toute manière. » Il balaya l'air de sa main libre avec agacement. « Et qui se soucie de l'aspect légal, Albus ? Certainement pas la magie. C'est courant de nos jours, Ja ? Légal ou pas, les gens se marient, ont des cérémonies, échangent des serments. » Il n'attendit pas la réponse. « Je t'aurais épousé. Je t'épouserai tout de suite si tu n'étais pas aussi obstiné. »
Albus ouvrit et referma la bouche, sans trop savoir que dire. « Est-ce une demande ? »
« Te faut-il une demande en bonne et due forme ? » se moqua gentiment Gellert. « Heraite mich, Liebling. Épouse-moi. »
Il n'était pas sérieux.
Ce n'était pas sérieux.
Ils se dévisagèrent longtemps, figés dans un moment qui s'éternisait sans qu'Albus ne sache si c'était une bonne ou une mauvaise chose…
Les coups de bec à la vitre brisèrent cet instant qui n'en finissait pas.
Reprenant ses esprits, Albus se détourna, remarquant à peine que Gellert ne lâchait sa main qu'à regret. Le hibou était familier, il récupéra la lettre avec un brin de culpabilité qui ne fit que s'accentuer lorsqu'il lut le mot griffonné avec une colère rentrée.
« C'est d'Abelforth. » soupira-t-il.
Gellert émit un bruit amèrement amusé qui se termina par une quinte de toux. « Il a toujours eu un don certain pour nous interrompre au mauvais moment. »
La culpabilité enfla alors qu'il relisait la lettre. « Il s'inquiète à cause de la Marque ce matin. »
Non pas que son frère se soit exprimé avec autant de franchise mais Albus pouvait lire entre les lignes. Il avait hésité à lui faire porter un message pour le rassurer quant à sa propre sécurité puis avait jugé, qu'étant donné leur dispute de la veille, la rumeur ferait aussi bien l'affaire. Ça avait été petit de sa part, songea-t-il.
Mais ce n'était pas la raison du sentiment de culpabilité, de regret, qui l'accabla tout à coup.
« Ne dis rien. » exigea Gellert. « Je sais déjà. Restons-en là. »
« Gellert… » le supplia-t-il, sans bien savoir de quoi.
Certainement pas de s'extirper de son fauteuil avec une difficulté visible. Le mage noir lui adressa un sourire faussement amical. « Je suis fatigué. Je vais me coucher. Bonne nuit, Albus. »
« Bonne nuit. » offrit-il, en sachant que ce n'était pas la bonne réponse.
°O°O°O°O°
Les protections de ses appartements le tirèrent lentement du sommeil, sans qu'il ne s'en alarme. Le temps qu'il émerge totalement de la torpeur dans laquelle l'avait plongé une nouvelle dose de potion antidouleur, la porte de sa chambre s'était ouverte et refermée en silence et, après une minute ou deux, quelqu'un se glissa dans son lit.
Severus sourit, enlaçant instinctivement le corps chaud qui vint se blottir contre le sien, sans que sa main ne rencontre beaucoup de tissu. Des lèvres se posèrent sur son cou, trois baisers rapides en guise de salut, avant qu'une tête ne trouve le creux familier de son épaule…
« Je ne t'attendais pas… » murmura-t-il.
« J'ai fait une ronde à Pré-au-Lard. » expliqua Nymphadora. « Et, après ce qu'il s'est passé ce matin, je n'aimais pas l'idée qu'il n'y ait pas au moins un Auror expérimenté à Poudlard. »
« Je ne vais pas m'en plaindre. » plaisanta-t-il.
Son rire raisonna dans la pièce. « C'est bien ce que je pensais. »
Elle bougea légèrement pour trouver une position plus confortable, heurta accidentellement sa jambe… Trop détendu pour occluder correctement, il ne ravala pas assez vite le sifflement de douleur.
Elle se figea immédiatement. « Ça ne va pas mieux ? »
« Ça ira mieux demain ou après-demain. » marmonna-t-il, agacé par cette faiblesse qu'il ne parvenait à cacher à personne.
« Tu as pris une potion ? » insista-t-elle.
« Pourquoi paraissez-vous tous penser que je suis incapable de prendre soin de moi-même ? » se plaignit-il, sans pour autant éprouver le ressentiment ou l'irritation qu'il aurait dû. Il s'avérait que, pour quelqu'un dont personne ne s'était jamais soucié la majorité de sa vie, il était agréable de voir que certaines personnes s'inquiétaient.
« Parce qu'on te connait. » rétorqua-t-elle, en s'installant avec un peu plus de prudence.
Il chercha à se rendormir. Il n'avait pas eu de problèmes, plus tôt, il avait sombré à peine sa tête avait-elle touché l'oreiller, mais à présent qu'il la tenait dans ses bras… Sa conscience le tiraillait et ce n'était pas une sensation très agréable.
« Nymphadora, il y a certaines choses que je n'aime pas te dissimuler. » avoua-t-il, presque à contrecœur.
« Si c'est à propos de ce que vous avez fait hier soir… » marmonna-t-elle, visiblement éreintée, elle aussi, après leur nuit blanche. « Je sais que je râle mais c'est pour plaisanter. C'est important et je ne peux pas garantir la sécurité de l'information, j'ai compris. C'est pour ça qu'on a un accord sur les secrets professionnels. Ou ceux de l'Ordre. »
« Je le sais. » soupira-t-il. Il était conscient qu'elle ne lui tenait pas rigueur de ce secret là. « Il s'agit d'autre chose. » Il hésita, laissant distraitement traîner ses doigts le long de son bras, encore et encore... « J'ai découvert quelque chose par inadvertance que tu désapprouverais. J'ai juré de garder le silence mais… »
Mais il n'aimait pas garder entre eux autre chose que des secrets essentiels.
Cela lui paraissait être une pente sérieusement savonneuse.
Or celui-ci n'était pas véritablement indispensable.
« Juré à qui ? » demanda-t-elle.
« Dumbledore. » avoua-t-il.
Elle hésita. « C'est important ? »
« Pas vraiment si l'on considère le contexte… » Sauf pour Ollivanders, supposait-il, le fabriquant de baguette aurait sans doute jugé la chose plutôt importante. « Mais si tu venais à l'apprendre par la suite, je ne voudrais pas que tu me reproches d'avoir aidé à le dissimuler. »
« Tu étais impliqué ? » demanda-t-elle, soudain plus réveillée.
Une intéressante question.
« Je t'ai dit hier que je m'étais retrouvé confronté à un poison dont j'avais complètement oublié l'existence… » grinça-t-il. « Le Seigneur des Ténèbres n'est pas le seul à m'avoir un jour demandé de lui préparer certaines… potions. »
Ses doigts pianotèrent distraitement sur son flan alors qu'elle réfléchissait. « Dumbledore t'a payé pour ces potions ? »
Ces questions ressemblaient à s'y méprendre à un interrogatoire, pourtant Severus se força à répondre. « Non. »
« Dans ce cas, tu n'as rien fait d'illégal. » décréta-t-elle. « Tant que tu n'as pas vendu, échangé contre services ou utilisé toi-même ces potions pour commettre un crime… Légalement, tu n'es pas impliqué. »
Ce n'était pas tout à fait ainsi que l'interprétait sa conscience, s'il devait être honnête.
Et c'était une technicalité qui n'aurait jamais suffi à Lily.
« Est-ce la main qui prépare le poison ou celle qui l'utilise qui est coupable ? » demanda-t-il.
Elle poussa un grognement qu'elle étouffa à moitié dans son épaule. « Je n'ai pas dormi depuis trop de temps pour les questions philosophiques à la con, Severus. »
« Tu ne m'en veux pas, donc ? » chercha-t-il pourtant à clarifier.
« T'en vouloir de quoi ? » se moqua-t-elle. « D'avoir juré à Dumbledore de ne pas révéler qu'Ollivander n'est pas mort de son grand âge ou bien de lui avoir promis de taire un meurtre ? Il était beaucoup trop fuyant tout à l'heure… Et il s'est jeté sur le corps… » Elle souffla lentement. « Est-ce que j'ai besoin de savoir ce qui lui est véritablement arrivé ? »
Il n'était pas surpris qu'elle en ait autant deviné. C'était elle, après tout, qui avait insisté pour qu'on examine le corps. De là à arriver à la conclusion que les coupables n'étaient pas les Mangemorts…
Il réfléchit quelques secondes avant de trancher. « Non. »
Sa voix trembla légèrement. Probablement parce que, exactement comme il l'avait redouté, elle n'était pas à l'aise avec ce genre d'idées. « Est-ce que Dumbledore a vraiment… »
« Tu viens de me dire que tu ne voulais pas savoir. » l'interrompit-il.
« Dis-moi juste qu'il y avait une très, très bonne raison. » insista-t-elle.
« Il y avait une excellente raison. » confirma-t-il, avant de grimacer. « Il n'aurait probablement pas survécu longtemps, de toute manière. Il a été torturé de manière extensive. »
Elle soupira, se blottit davantage contre lui, tout en faisant attention de ne pas secouer sa jambe. « Serre-moi plus fort. J'ai froid. »
Il s'exécuta, doutant que le froid ait réellement à voir avec son besoin d'affection. Ça ne l'empêcha pas d'enfouir le nez dans ses cheveux ou de fermer les yeux pour mieux savourer l'étreinte.
« Peut-être que si tu ne te baladais pas nue dans les cachots… » remarqua-t-il, caustique.
« Si ça te dérange tant que ça… » plaisanta-t-elle, faisant mine de s'éloigner.
Il la ramena contre lui, sans chercher à contrôler le petit rire qui lui échappa. Il caressa sa gorge, sa clavicule, embrassa son front, ses lèvres…
Maudit sa jambe qui le faisait souffrir à chaque mouvement.
« Ne me demande plus jamais de te laisser aller affronter seule un loup-garou. » exigea-t-il. Cela sonna davantage comme une supplique que comme un ordre.
Elle l'embrassa doucement, tendrement.
« On devrait dormir. » suggéra-t-elle, sans rien promettre d'autre. Ça ne l'empêcha pas de faire une pointe d'humour. « Tu as fouillé tes appartements, j'espère ? Pas de serpent venimeux dans le lit ? »
« Pas d'autre que moi. » répliqua-t-il.
« Tu n'es pas venimeux. » protesta-t-elle, avec un peu trop de sérieux.
Il répondit tout aussi sérieusement, la serrant plus fort contre lui. « Jamais pour toi. »
Il lui semblait qu'ils ne dormaient que depuis quelques minutes à peine lorsque le lynx argenté fit irruption dans la pièce mais il avait dû s'écouler quelques heures.
Nymphadora poussa un grognement, enfouissant le visage dans son épaule pour se protéger de l'éclat du patronus, sans véritablement écouter le message standard qui convoquait tous les Aurors disponibles au Ministère. « Et merde… »
L'instant suivant, elle s'échappait du lit et s'habillait en vitesse. Le temps qu'il mette la main sur sa baguette et allume la lumière, elle était prête à partir.
Il garda une expression neutre, s'efforça de demeurer calme même s'il voulait l'attraper et la garder là où elle ne risquerait rien. Elle n'était pas assez reposée, elle n'était pas…
« Je t'envoie un patronus dès que je peux. » promit-elle, posant un genou sur le lit pour lui voler un baiser.
« Reviens. » exigea-t-il à la place, exactement comme ce matin là.
Et, à nouveau, elle négligea de répondre.
°O°O°O°O°
Ce fût le miroir qui le réveilla au beau milieu de la nuit.
Pestant silencieusement de voir son sommeil une nouvelle fois écourté, Albus s'empara du miroir pour faire face au visage mécontent de Lucius Malfoy.
« C'est un échec. » lâcha immédiatement le Sang-Pur, sans banalités d'usage. « Il a terminé la baguette lui-même. »
Un rare frisson d'effroi descendit le long de sa colonne. « Elle fonctionne ? »
« Suffisamment bien pour raser une ville entière. Cardiff n'existe plus. » déclara Lucius, cachant mal sa propre horreur. « J'ai déjà eu des artefacts gorgés de magie noire entre les mains mais une magie aussi vile… »
Albus ferma les yeux.
« Vous soupçonne-t-il ? » s'obligea-t-il à demander.
L'attaque sur Draco quelques heures avant qu'on ne dépose le corps d'Ollivanders paraissait une trop grosse coïncidence mais, en même temps, il gardait un œil suffisamment attentif sur le cinquième année pour savoir que ce n'était pas la première attaque qu'il subissait. Simplement la plus meurtrière.
« Je ne pense pas. » répondit Lucius. « Mais il est plus paranoïaque que jamais. »
Et plus dangereux, nul doute.
