Joyeux Noël un peu en avance!

Enjoy & Review!


Sometimes I still think it's coming but I know it's not

Tryin' to breathe in and then out but the air gets caught

'Cause even though I'm older now and I know how to shake off the past

I wouldn't have made it if I didn't have you holding my hand

Control- Zoe Wees

Parfois il m'arrive toujours de penser que ça va recommencer mais je sais que non
J'essaye d'inspirer puis d'expirer mais l'air reste bloqué
Car même si je suis plus vieux maintenant et que je sais comment me détacher du passé
Je n'aurais pas survécu si tu n'étais pas là pour me tenir la main.
Control – Zoe Wees


Chapitre 48 : Shake Off The Past


Tonks se réveilla lentement, la tête lourde d'avoir trop dormi, mais reposée pour la première fois depuis… Trop longtemps, décida-t-elle, en enfouissant le visage dans l'oreiller tout en tâtant à l'aveugle pour trouver le corps chaud qui aurait dû être dans le lit.

Les draps étaient froids.

Elle marmonna la formule du Tempus, grimaça lorsqu'elle vit que la moitié de la matinée était déjà passée… Et pourtant, il lui fallut du temps et du courage pour se convaincre de sortir du lit. Quitte à être en retard, elle prit son temps dans la salle de bain, s'autorisant le luxe d'une longue douche après des jours à utiliser des sorts de nettoyage. Elle était toujours vaguement en train d'essayer de se souvenir de quand elle avait abandonné une bouteille de shampoing dans la salle de bain de Severus lorsqu'elle regagna la chambre, enroulée dans une serviette.

Elle n'avait aucune idée d'où étaient passés ses vêtements – et vu qu'elle les portait depuis des jours, elle n'en était pas tout à fait fâchée – mais trouva un pantalon trop grand et un des tee-shirts qu'elle avait abandonnés dans les cachots sur la commode, bien en évidence. Un sort de Métamorphose et le pantalon était à sa taille – et à son goût.

Scrimgeour n'avait pas eu tort de lui dire d'éviter de rentrer chez elle, décida-t-elle, mais il lui fallait des vêtements de rechange. Peut-être demanderait-elle à Kingsley ou à Charlie et Anthony de la raccompagner à son appartement le temps qu'elle récupère quelques affaires… Il serait sans doute plus sage qu'elle aille s'installer au QG quelques temps. Même si la perspective ne la réjouissait pas du tout…

Elle se tourna et sursauta, ravalant à peine un cri surpris, lorsqu'elle avisa le gros chat noir et blanc qui l'observait de son perchoir au bout du lit, la queue battant avec agacement. Elle l'avait déjà aperçu plusieurs fois mais l'animal avait tendance à déguerpir lorsqu'elle était dans les parages.

Elle tendit prudemment la main dans l'intention de faire ami-ami et la retira à peine assez vite pour éviter la griffure. Le chat feula et partit en courant.

« Aussi bon caractère que son maître. » marmonna-t-elle, entre ses dents.

Son maître, elle le trouva sans trop de mal au salon, assis à la petite table de travail dans le coin.

« Ton chat me déteste. » déclara-t-elle, en guise de bonjour.

Il leva la tête vers elle, un sourire amusé aux lèvres. « Curieux, il est toujours très affectueux avec Aurora. »

Elle ne l'avait sans doute pas volée, celle la.

« Ha, ha. Très drôle. » riposta-t-elle, en s'approchant suffisamment pour voir qu'il travaillait sur ce qui semblait être un examen de Potions. Sans sembler y penser, dès qu'elle fût suffisamment proche, il plaça une main à l'arrière de sa jambe comme pour l'attirer encore plus près. Elle se pencha pour l'embrasser et il y répondit sans hésitation, ce qui contribua légèrement à la rassurer. Ni la fatigue, ni la longue nuit de repos n'avaient malheureusement gommé ses souvenirs de la veille au soir ou de son comportement… « Je suis désolée, tu sais. »

« Inutile. » offrit-il pour la seconde fois.

Elle l'embrassa à nouveau. Juste parce qu'elle le pouvait, parce qu'elle en avait envie, parce qu'il avait été beaucoup trop compréhensif et qu'elle s'en sentait presque honteuse.

« Il faut que je m'en aille. » soupira-t-elle, à regret. Elle n'aurait rien eu contre l'idée de rester là encore un peu, juste discuter ou plaisanter… De prendre le temps de se recentrer, de retrouver son équilibre.

« Le Ministre a insisté pour que tu prennes ta journée ou, à défaut, ta matinée. » rétorqua-t-il. La main toujours posée à l'arrière de sa cuisse se fit un peu plus pressante, comme s'il était déterminé à la retenir coûte que coûte.

Elle commença par rire à ce qui était sans doute une plaisanterie avant de remarquer le cadre posé sur un coin du bureau. Et la médaille avec son ruban vert à l'intérieur.

Elle l'attrapa pour mieux la détailler, sourcils froncés. « D'où ça sort, ça ? »

« Il semble qu'un Mangemort semi-repenti devenu espion n'est pas assez convenable pour ta carrière. » lâcha-t-il, pince-sans-rire. « Me voilà adoubé du sceau de l'approbation Ministérielle. »

Son regard se balada de lui à la médaille. « Scrimgeour ? » Sa seule réponse fût un geste de la main et une expression amusée. Elle secoua la tête. « Quand ? »

« Hier soir. » répondit-il tranquillement. « Est-ce une habitude de ta part de collectionner les mentors chez les anciens Aurors qui me détestent au premier regard ? »

Il plaisantait, elle le savait bien, mais elle n'était pas du tout amusée. L'ingérence dans sa vie privée, elle avait du mal à le supporter et elle avait été très claire avec le Ministre. « Tu aurais dû me réveiller. »

« J'ignorais dans quoi je mettais les pieds lorsque Albus m'a convoqué, pour être honnête. » admit-il. « Et tu avais besoin de dormir. Par ailleurs, je crains que cela ne fasse désordre si tu assassines le Ministre de la Magie. » Il haussa les épaules. « Au demeurant, c'est un avantage. Ne cherchons pas d'ennuis là où nous n'en avons pas besoin. » Ses lèvres s'étirèrent à nouveau, ses yeux noirs brillant presque d'amusement. « Vois le bon côté des choses, si jamais il te prenait à nouveau l'envie de me jeter des objets contondants au visage, ceci ferait une excellente arme du crime. »

Il lui prit le cadre des mains et le reposa sur un coin de la table.

« Tu en ris mais soixante-dix pour cent des meurtres gérés par le bureau des Aurors sont en rapport avec des adultères, figure toi. » l'avertit-elle, en croisant les bras, prenant un faux air sévère qui ne le trompa pas une seconde.

« Ce n'est pas de l'adultère tant que nous ne sommes pas mariés. » riposta-t-il, en se levant.

Tant que.

Leurs regards se croisèrent instantanément.

Les mots semblèrent planer entre eux.

Tant que.

Il se détourna brusquement, en se raclant la gorge, rassemblant ses papiers en un tas approximatif.

« Ce serait de l'infidélité. » corrigea-t-il, clairement gêné. « Et le problème ne se pose, de toute manière, pas, étant donné que je n'ai jamais rien fait de répréhensible. »

Nymphadora n'était pas certaine de comment réagir. Son cœur battait un peu trop vite et elle ne savait pas bien si c'était de l'appréhension ou de l'excitation qui lui tordait le ventre. Peut-être un peu des deux.

Elle resta silencieuse trop longtemps.

Il prit une inspiration – et son courage à deux mains – et lui fit à nouveau face avec une expression un peu trop gardée. « Le petit-déjeuner t'attend dans la cuisine. »

Elle accueillit le changement de sujet avec un soulagement évident et un sourire à peine forcé. « Tu aurais pu me l'apporter au lit. »

« Pour que tu mettes des miettes partout ? » se moqua-t-il, la guidant vers la cuisine d'une main posée au creux du dos.

Elle allait répondre du tac au tac mais ce qui l'attendait sur la table la fit taire. Ce n'était pas un petit-déjeuner ça, c'était presque un brunch. La table était couverte de plats encore fumants qui, elle en était sûre, venaient directement des cuisines de Poudlard. Il y avait des œufs cuisinés de trois manières différentes, du bacon, des toasts, des haricots en sauce, quatre ramequins de confitures différentes, des céréales, du lait…

« Je sens qu'il y a un message caché là-dessous. » plaisanta-t-elle, en le laissant la pousser vers une chaise.

« Je pensais pourtant qu'il était clair. » rétorqua-t-il, le reproche sous-jacent plus qu'évident.

« Je n'ai pas vraiment eu le temps de prendre de pause déjeuner. » admit-elle.

« Ou de pause diner. Ou de pause petit-déjeuner. » grommela-t-il, en s'appuyant contre le comptoir, bras croisés. Elle aurait préféré qu'il s'assoit avec elle mais il ne semblait pas décidé. Il favorisait sa bonne jambe, nota-t-elle, mais pas de manière trop prononcée.

Elle se servit copieusement, juste pour le faire taire et parce que son estomac gargouillait. Elle ne se souvenait pas de quand datait son dernier repas chaud.

« Pas de café ? » demanda-t-elle, en étudiant l'assortiment de boissons chaudes. Trois sortes de thé, du chocolat chaud…

« Je n'étais pas certain que t'alimenter en caféine serait une bonne idée. » répondit-il, une touche d'humour dans la voix. « Je craignais ce qui se passerait si tu t'énervais à nouveau. Je n'ai échappé à la mort que d'un fil, hier soir, après tout… Et je n'aimerais pas que cette pauvre Aurora finisse kidnappée et séquestrée ou forcée de manger ses télescopes. »

Elle lui jeta un regard noir tout en avalant ses œufs. « Quelqu'un est de bonne humeur, ce matin. »

« Je suis toujours de bonne humeur lorsque je me réveille avec toi. » riposta-t-il, un peu trop galamment. Elle attendit la chute et ne fût pas déçue. « Surtout lorsque, dans ta magnanimité, tu décides de ne pas m'assassiner pour des tromperies imaginaires. »

« Tu ne veux pas passer à autre chose ? » s'enquit-elle.

« Laisse-moi savourer la nouveauté. » se moqua-t-il. « Ce n'est pas tous les jours qu'une femme menace de tuer pour me garder. »

Elle leva les yeux au ciel, se servant une tasse de thé. Et à lui aussi par la même occasion. « Assieds-toi et arrête tes conneries où je vais vraiment te tuer. »

Il ricana mais s'assit avec elle et ne protesta pas lorsqu'elle crocheta le pied à l'arrière de sa cheville, avec possessivité. Son amusement sembla le déserter peu à peu alors qu'il attrapait la tasse de thé à deux mains, comme pour les y réchauffer.

« Plaisanteries mises à part, j'ai des nouvelles moins agréables. » déclara-t-il.

Elle s'efforça de ne pas s'avachir sur sa chaise, s'efforça de se tenir droite et de continuer à manger ce qu'il y avait devant elle parce qu'elle ne savait pas quand elle pourrait à nouveau s'accorder ce luxe à l'avenir.

« Dis-moi. » l'invita-t-elle, de son ton le plus détaché.

Elle cacha mal son appréhension ou alors il la connaissait trop bien. Ou, et c'était sans doute le plus logique, suite à sa petite crise de nerfs de la veille, il craignait sa réaction.

Il expliqua néanmoins, en des phrases brèves mais précises, ce qui s'était sans doute passé à Cardiff.

« Donc Ollivanders est mort pour rien. » commenta-t-elle avec un frisson, renonçant à terminer son assiette. Ce qu'elle avait avalé lui pesait déjà lourd sur l'estomac.

« Il serait mort de toute manière. » lui rappela-t-il, une expression neutre sur le visage. « Ce n'est pas tout à fait l'information la plus capitale dans tout ce que je viens de te dire. »

Certes.

Mais penser que Voldemort avait en sa possession une baguette d'une puissance considérable et que leurs chances de l'arrêter venaient à nouveau de diminuer d'un cran lui donnait envie d'aller se pelotonner sous la couette et de ne plus en bouger. Or ce ne serait pas exactement productif.

« On ne peut rien y faire. » répondit-elle.

Il ne la contredit pas.

« Tu dois garder l'information pour toi. » insista-t-il. « Je compte informer Black et Harry, mais c'est tout. »

Elle ne chercha même pas à discuter, songea à peine à désobéir. Elle comprenait le raisonnement. S'ils partageaient l'information et que l'espion le rapportait à Voldemort, alors…

« La source de Dumbledore, tu sais qui c'est ? » demanda-t-elle. Parce qu'il était évident qu'il en avait une.

« J'ai mes soupçons. » offrit lentement Severus, d'un ton qui indiquait clairement qu'il ne voulait pas les formuler à voix haute.

Elle hocha la tête. « Oui, moi aussi. »

Et ces soupçons se portaient fortement sur l'oncle qui avait soudain décidé qu'elle aurait été digne d'être sa nièce et s'était senti obligé, dette ou pas, de l'avertir du danger qu'elle courrait.

Elle pianota distraitement sur la table de sa main libre, tournant et retournant machinalement la tasse de thé de l'autre.

« Draco. » lâcha-t-elle. « Il ne peut pas rester à Serpentard. »

« J'ai ajouté davantage de sorts d'alarmes et de protections sur la salle commune et les dortoirs. » soupira-t-il. « J'ai tenté de lui parler mais il refuse d'entendre raison et il est… très peu réceptif à mes conseils. Il ne me fait plus confiance. »

Elle se frotta le visage. « Je vais lui parler. »

« Il ne t'écoutera pas. » contra-t-il, en terminant sa tasse de thé. « Il est extrêmement déterminé à prouver que les Malfoy sortent toujours vainqueurs. De plus, je n'approuve pas l'idée d'Albus et de Minerva de le transférer dans une autre Maison. Gryffondor serait certainement plus sûr que Serpentard, je l'admets volontiers, mais se convaincre qu'il n'y ait pas de sympathisants chez les lions est irresponsable. »

« Poufsouffle… » commença-t-elle.

« Il y en a également à Poufsouffle. Et à Serdaigle. » l'interrompit-il. « Ils profitent simplement du manque de suspicion, ce qui est plus dangereux. »

« Alors quoi ? » s'agaça-t-elle. « On le laisse là où on sait qu'il y a des Mangemorts avérés ? »

« Ça ne me plait pas plus qu'à toi. » se défendit-il. « C'est mon élève, ne l'oublie pas. »

« Oui, mais c'est mon… » contra-t-elle, avant de se taire. Ce n'était pas comme si elle avait réellement rempli son rôle de tutrice à part pour quelques lettres. Depuis le début, elle traitait la chose comme une corvée et… « Je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose. »

« Très honnêtement, après la dernière tentative ratée, je ne pense pas que nous ayons à nous inquiéter tout de suite. » offrit-il. « J'ai demandé aux elfes de garder un œil sur la salle commune et Albus a ses portraits dans le dortoir… Je suis plus inquiet de ce qui pourrait arriver dans les couloirs ou dans le reste de l'école et qu'on le change de Maison ne ferait pas beaucoup de différence à ce sujet. Je lui ai recommandé de ne pas se déplacer seul, quant à savoir s'il va m'obéir… As-tu songé à ce que tu voulais faire pour les vacances ? Parce que j'y ai réfléchi et bien qu'Albus ait décidé de garder l'école ouverte… Le fait est que je me demande s'il ne serait pas plus sûr pour lui de passer l'été au Q.G. »

Elle manqua s'étouffer avec sa gorgée de thé. « Tu te souviens qu'il y a un espion qui pourrait très bien s'attaquer à lui ? »

« Pas sans se démasquer, ce qui ne serait pas dans son intérêt. » contra-t-il. « Et, quand bien même, Draco est parfaitement capable de se défendre contre un seul sorcier ou sorcière. Ou vampire. Contre une bande de Mangemorts en herbe qui auront l'avantage du nombre, en revanche… »

Elle le dévisagea. « Tu vas envoyer Harry au Square Grimmaurd ? »

« Harry reste avec moi. » siffla-t-il, un peu trop brutalement.

« Dans ce cas, Draco reste avec moi. » rétorqua-t-elle. Sauf que… Elle leva les yeux au ciel et arracha un petit bout à un des toasts grillés, juste pour s'occuper les mains. « Mais ce sera sans doute au Q.G. parce que Scrimgeour ne veut pas que je rentre chez moi, du moins pas pour le moment. »

Severus fronça les sourcils. « Il y a toujours une possibilité que quelqu'un te suivre mais ton appartement en lui-même est extrêmement sûr. Je ne veux pas me vanter mais, en termes de protections, c'est un de mes chefs-d'œuvres. Seul un Fidelitas serait plus sûr. »

Cela lui arracha un sourire, même si, effectivement, le risque qu'on la suive rendait la fiabilité de ses protections secondaire. Cela lui ferait une belle jambe d'être en sécurité chez elle si on l'assassinait sur le chemin. « Je n'ai vraiment pas envie d'aller vivre au Square Grimmaurd, même quelques jours… Il ne nous resterait pas un autre endroit sûr où je pourrais aller momentanément habiter ? »

Si ses parents n'étaient pas sous Fidelitas… Vivre sous le même toit que sa mère l'aurait peut-être rendue folle mais probablement moins que la perspective de partager une maison avec Remus, aussi gigantesque soit-elle.

« Il y a Poudlard. » remarqua-t-il lentement.

Elle releva brusquement le regard, croisant le sien, le cœur battant à nouveau avec un peu trop de force parce que…

« Pas ici. » précisa hâtivement le Maître des Potions, après s'être raclé la gorge. « Je suis certain qu'Albus t'accorderait l'asile, le château ne manque pas de suites vides. Et cela règlerait le problème d'avoir un Auror à demeure… »

Elle ne savait pas si elle était déçue ou…

« C'est une option. » acquiesça-t-elle. « De toute manière, je vis pratiquement au bureau, en ce moment, donc… »

Le moment menaçait fortement de devenir gênant.

« Cela ne solutionnerait pas le problème de la sécurité de Draco, cela dit. » remarqua-t-il, en se resservant une tasse de thé. Purement pour avoir une excuse afin de ne pas la regarder en face, elle en était sûre.

Il y avait plusieurs choses que cela ne solutionnerait pas mais elle se garda de le dire.

En revanche…

Elle fronça les sourcils. « J'ai une question… Je sais que tu m'as dit que tu voulais adopter Harry et, très visiblement, il veut aussi que tu l'adoptes mais… Sirius n'a jamais légalement récupéré sa garde, si ? Il m'a demandé de fureter au Ministère mais c'est motus et bouche cousue, là bas, cette histoire. » Elle secoua la tête. « Sa famille… »

« Il ne retournera jamais là-bas. » gronda-t-il. Il y avait de la haine dans sa voix, de la pure haine, comme elle n'en avait jamais entendu.

Elle pouvait additionner un plus un. « Ce ne sont pas des gens très bien, n'est-ce pas ? » Il garda le silence, préférant fixer la tasse du regard, mais la tension dans ses épaules, la fureur qu'il dissimulait si mal… « Tu savais que je faisais partie du groupe qui est allé le chercher cet été ? Il y a un truc qui cloche dans cette maison. »

Ses yeux noirs se levèrent lentement pour croiser les siens. « Comme ? »

« Comme plusieurs verrous sur la porte de sa chambre. À l'extérieur. » lâcha-t-elle. « Comme une chatière sur la porte mais aucun chat. Comme des douzaines de photos partout mais aucune de lui. » Elle plissa le nez. « Et l'endroit était beaucoup trop propre, ça puait la javel. Je me méfie toujours des endroits un peu trop propres, ça me fait me demander ce que les gens ont à cacher. »

Sans parler de la manière dont Harry avait été si pressé de partir avant que les Moldus ne reviennent. Presque paniqué à l'idée que son oncle réalise que le concours qu'ils étaient censés avoir gagné n'était qu'un leurre.

Le seul fait qu'il y ait eu besoin d'un tel subterfuge, en premier lieu, elle ne l'avait jamais compris. Les Dursley étaient au courant que la magie existait, qu'ils soient mal à l'aise avec ou pas ils avaient un neveu sorcier… Pourquoi ne pas simplement leur dire qu'ils venaient chercher Harry ? Quelle drôle de famille avait besoin d'être trompée comme ça ?

« Une chatière. » répéta Severus d'un ton beaucoup trop neutre pour qu'il ait été au courant de ce détail.

« J'en ai parlé à Fol'Œil. » admit-elle. « Mais il m'a dit que je me faisais des idées, que ces Moldus étaient particuliers et que Dumbledore savait ce qu'il faisait. » Elle fit la grimace. « Harry avait l'air d'aller bien et il n'y avait rien de réellement incriminant. Il y avait tout ce bordel au Ministre et, ensuite, la tempête magique… Severus, est-ce que j'ai manqué quelque chose d'important ? »

Elle n'avait pas insisté.

Sur le moment, elle n'avait pas insisté. Parce que, malgré ce que lui soufflait son instinct, elle n'avait été que la jeune Auror accrochée aux basques de son mentor, plus encline à faire rire la galerie qu'à autre chose, encore un peu émerveillée de s'être vue proposé d'intégrer l'Ordre du Phoenix, une de leurs plus jeunes membres qui ne se sentait pas tout à fait légitime.

Elle n'avait pas insisté, persuadée qu'Alastor et Dumbledore savaient mieux qu'elle.

Il délibéra un long moment puis détourna finalement à nouveau le regard. « Il ne retournera jamais là-bas. »

Ce qui était une réponse en soi et, étant donné les cicatrices sur son corps et les cauchemars qui le hantaient encore, elle n'était plus si étonnée que Severus se soit autant attaché au garçon au point de le considérer comme un fils.

Elle ferma les yeux et souffla longuement, ressentant à nouveau le poids d'une fatigue écrasante.

Parce qu'il y avait trop d'innocents qui souffraient des erreurs des autres.

« Entre toi et Sirius, je suis surprise que les Moldus soient encore en vie. » remarqua-t-elle.

« Dois-je m'inquiéter de ces nouvelles pulsions meurtrières, Nymphadora ? » plaisanta-t-il, sans parvenir à y mettre de la légèreté.

Elle ne répondit pas.

Une main recouvrit la sienne et elle fit un effort pour rouvrir les paupières.

« Harry va bien. » offrit-il, plus fermement. « Aussi bien qu'il le peut étant donné le contexte, du moins. »

Ce qui n'effaça ni le remord, ni l'élan protecteur dans sa poitrine.

Elle aurait dû essayer de lui parler, de s'assurer qu'il était bien en sécurité à Privet Drive. Les verrous sur la porte, la chatière… Ce n'était pas normal.

« Une seule fois, je voudrais une bonne nouvelle… » avoua-t-elle. « Tout est si… sombre, en ce moment. Je voudrais juste… » Elle soupira et se leva, portant par réflexe les tasses et son assiette dans l'évier. « Dommage que tu ne fumes plus parce que je n'aurais rien eu contre une cigarette. »

Et elle allait se faire un devoir de trouver Sirius, Charlie ou Anthony avant de quitter Poudlard et d'en emprunter plusieurs parce que…

Elle sentit sa présence dans son dos, se laissa aller en arrière jusqu'à s'appuyer sur lui, notant distraitement qu'il était moins hésitant à lui rendre ce genre d'étreintes ces temps-ci, plus à l'aise. Un bras passé autour de son ventre la tenait contre lui, de sa main libre, il déposa quelque chose sur le plan de travail.

Un petit carnet noir du genre qu'il avait toujours dans une poche pour noter ses idées de potions ou de sorts, généralement enchantés pour que personne d'autre que lui ne puisse les lire. Un ruban vert avait été noué tout autour avec trop de précision pour que cela n'ait pas été fait par magie.

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda-t-elle.

« Ni une bague, ni des fleurs… » murmura-t-il, à son oreille. « Mais mes options en matière de gestes romantiques étaient limitées et, au moins, tu auras l'assurance qu'il n'y a pas de malédiction. »

Elle se sentit se détendre, s'appuyant davantage contre lui, un sourire naissant spontanément sur ses lèvres. « Je t'ai dit que tu n'étais pas obligé de… »

« Il se trouve que cela me fait plaisir de te faire plaisir. » l'interrompit-il.

« Oh, tu me fais souvent plaisir… » remarqua-t-elle, d'une voix feutrée.

Elle sentit son petit rire se répercuter de son torse à son dos et elle n'en sourit que plus fort, heureuse de cette petite victoire. Il riait peu mais beaucoup plus librement ces derniers temps. Ses lèvres se posèrent sur le côté de son cou et elle laissa tomber sa tête sur son épaule pour lui donner un meilleur accès, non sans attraper le carnet. Elle dénoua le ruban et le feuilleta… Il était vierge.

« Ce n'est rien de bien exceptionnel. » l'avertit Severus, sur un ton d'excuse. « Un simple sortilège de transfert comme ceux que les plus idiots de mes élèves utilisent en classe lorsqu'ils veulent discuter sans avoir à passer de mots… Mais j'ai modifié légèrement le sort et il devrait perdurer dans le temps et quelle que soit la distance. »

« Tu as son jumeau. » devina-t-elle.

« Ce n'est pas un téléphone mais ce sera toujours plus fiable et rapide qu'un hibou et plus pratique qu'un Patronus. » expliqua-t-il. « Ces trois derniers jours sans contact… Je m'inquiétais. Et à raison, visiblement. »

Elle se tourna dans ses bras, attrapa le col de sa chemise et l'attira à elle pour l'embrasser à pleine bouche. Cela lui valut un nouveau ricanement alors même que ses mains quittaient le creux de son dos pour glisser plus bas.

« J'en déduis que tu apprécies l'intention ? » souffla-t-il contre ses lèvres.

« Les chances qu'Harry passe à l'improviste, ce matin ? » demanda-t-elle, déboutonnant déjà sa chemise. Il n'avait pas l'air enclin à la repousser.

« Faibles. » répondit-il, en glissant ses propres mains sous son tee-shirt, effleurant à peine sa peau dans un contact électrique. « Quasiment inexistantes. »

« Dans ce cas, à mon tour de te faire plaisir. » annonça-t-elle, avec un sourire pleins de promesses.

Et elle tint chacune d'entre elles.

Et, beaucoup plus tard, elle fit taire la petite voix qui murmurait qu'elle aurait dû se sentir coupable d'être toujours affalée sur le torse de Severus, les draps emmêlés autour de leurs tailles, au lieu d'avoir déjà rejoint le Ministère. Parce qu'elle avait un besoin vital de ces moments de paix.

Les doigts du Maître des Potions, un peu tremblants, courraient le long de son dos son autre bras – celui qui ne portait pas la Marque – était replié sous sa tête pour remplacer l'oreiller qui était… quelque part. Elle en profita pour explorer du bout des doigts l'intérieur de son bras, son aisselle – ce qui le fit tressaillir parce que, même s'il n'aimait pas l'avouer, il y avait des endroits où il était chatouilleux… Autant d'endroits fragiles et vulnérables, deux des rares qui n'avaient ni marques ni cicatrices, qu'elle seule avait le droit de voir, de toucher ou d'embrasser…

« Je veux soigner ça avant que tu partes. » murmura-t-il distraitement, comme si la pensée venait juste de lui venir. Il toucha à peine la limite de la brûlure qui la dérangeait toujours un peu. Elle ne protesta pas, sachant que n'importe quel baume qu'il avait chez lui serait plus efficace que le vieux pot qu'elle avait trouvé au Ministère.

Pour l'instant, cela dit, elle voulait profiter de chaque seconde et ne pas penser au départ ou aux raisons de cette brûlure.

La main de Severus reprit ses caresses paresseuses bien que pas tout à fait innocentes vu là où elle s'égarait parfois.

« Je réfléchissais… » reprit-il.

Elle étouffa un bruit amusé contre son torse. « Sans blague ? Parce que tu arrêtes, parfois ? »

Il lui pinça légèrement la fesse en guise de punition, lui arrachant un glapissement mi-amusé, mi-outré. Elle se tortilla pour lui échapper mais se retrouva coincée sous son corps, riant sans détour alors qu'il embrassait sa gorge, descendait plus bas…

« Fais attention, Severus… » se moqua-t-elle, riant toujours. « Tu sais, d'après Pomfresh, certains exercices physiques sont… »

« Tant d'impertinence… » la coupa-t-il, en s'appuyant sur son avant-bras droit pour mieux lui jeter un regard faussement courroucé. « Jamais Aurora ne me traiterait comme ça. »

Elle savait que c'était de l'humour mais elle perdit toute envie de rire.

« Cette plaisanterie n'était déjà plus très drôle, hier soir, tu sais. » répondit-elle, un peu trop cassante. Il fronça les sourcils, l'étincelle amusée disparaissant brusquement de son regard. « Ou peut-être que tu me préfèrerais comme ça ? »

Elle modifia ses trait, assombrit ses yeux jusqu'à ressembler à Sinistra sans toutefois être son sosie.

« Je vais tuer Black. » grommela-t-il, en lui caressant le visage de sa main libre comme pour effacer l'illusion. « Tu n'es pas réellement jalouse d'Aurora, n'est-ce pas ? »

Il semblait un peu désemparé, incertain.

Elle reprit son visage habituel, plus d'humeur aussi badine.

« Non. » promit-elle bien que cela ne sonna pas aussi convaincu que ça l'aurait dû. « Mais ça ne m'amuse pas. »

Il grimaça. « Nymphadora… »

« T'embrasser cette nuit là, c'est la meilleure décision que j'ai prise cette année. » avoua-t-elle, en croisant son regard. « Et j'ai déjà l'impression que tout s'écroule alors… Toi et moi, ce qu'il y a entre nous… C'est une des seules choses qui me restent qui ne me donnent pas envie de hurler. J'ai besoin de… J'ai besoin de toi. Et peut-être que ça m'effraye un peu parfois, à quel point, parce que ça va vite et que c'est très fort mais… J'ai besoin de toi. » Elle détourna le regard, ravalant difficilement la boule dans sa gorge. « Je n'aime pas plaisanter avec l'idée de te perdre, même si je sais que c'est ridicule d'être jalouse parce que tu n'es pas le genre d'hommes qui me tromperait. » Elle haussa les épaules. « Ce n'est même pas vraiment de la jalousie, juste… »

Elle laissa sa phrase en suspens.

« Je déteste l'idée que tu ailles vivre au Square Grimmaurd. » lâcha-t-il. « Et pas uniquement parce que l'espion y a accès. »

« Remus ? » devina-t-elle. « Tu sais que tu n'as rien à… »

« Je sais. » la coupa-t-il. « Ce n'est pas réellement de la jalousie non plus. Je ne veux pas plus te perdre que toi. » Il se pencha pour l'embrasser avec hésitation. « Il n'y aura plus de plaisanteries stupides sur Aurora. » lui jura-il.

L'ambiance s'était un peu refroidie. Elle ne protesta pas lorsqu'il bascula sur le dos, l'entrainant avec lui. Elle se blottit contre lui, comme elle en avait l'habitude, et ferma les yeux, se laissant bercer par la caresse de son pouce sur son bras.

« Comme je le disais avant d'être si impoliment interrompu… » murmura-t-il, au bout de plusieurs minutes. « Je réfléchissais à tes pouvoirs de Métamorphomage et à leurs limites. »

Elle laissa échapper un bruit amusé. « Tu t'ennuyais à ce point ? Ou bien est-ce que tu veux une démonstration précise ? »

Elle prit garde d'adopter un ton taquin mais ne put s'empêcher de ressentir une pointe de méfiance. Il ne lui avait jamais demandé quoi que ce soit jusque là mais avec une partenaire qui pouvait devenir qui elle voulait de la plus célèbre top model à une femme morte depuis des années… Les gens avaient tendance à avoir des requêtes.

« Puisque tu peux changer de forme, pourquoi ne peux-tu pas te soigner ? » demanda-t-il, sans comprendre le sous-entendu. Ou, plus probablement, feignant de ne pas le comprendre.

La question était si loin de ce qu'elle avait craint qu'elle fût prise de court.

« Parce que c'est différent. » répondit-elle. « Si je changeais entièrement d'apparence, là tout de suite, je conserverais la brûlure et les plaies à moins que ce ne soit vital de les dissimuler. »

« En quoi est-ce différent ? » insista-t-il. « Parce que, théoriquement… Cela relève du même processus. Techniquement, tu aurais dû pouvoir reconstruire ta cage thoracique sans Poussos. »

« Non. » Elle secoua la tête. « Déjà parce que je ne me métamorphose pas à partir de rien et il n'y avait plus d'os à manipuler. »

Il lui accorda l'argument d'un bruit pensif mais déplaça sa main jusqu'à retracer légèrement une des petites coupures sur son dos. « Ces blessures sont si superficielles… »

Elle se concentra et la plaie se referma sous ses doigts. Ignorant la sensation de vertige, elle souffla lentement jusqu'à ce que le malaise passe.

« Nymphadora ? » appela-t-il, alarmé.

« Elles sont peut-être superficielles mais les faire disparaître demande beaucoup d'énergie. » expliqua-t-elle. « Changer d'apparence, c'est aussi facile que de respirer pour moi, ça ne me coûte rien. Mais me soigner… Si j'essayais de régénérer ma peau au niveau de la brûlure, ça me laisserait K.O. pour une semaine. »

« Je vois. » commenta-t-il. « As-tu jamais essayé de t'entraîner sur la durée ? Peut-être que l'habitude rendrait la chose moins épuisante ? »

« Ce n'est pas le même principe que la magie sans baguette. » répondit-elle. « C'est difficile à expliquer. C'est juste… Mon corps est fait comme ça. »

Andromeda avait suggéré que peut-être si elle s'y connaissait mieux en anatomie, cela deviendrait une seconde nature, que si elle pouvait visualiser le problème, cela aiderait. Elle avait dévoré des bouquins entiers de médecine en quatrième année sans que cela ne fasse de différence. Cela lui avait été utile lorsqu'elle s'était façonnée d'autres corps mais cela ne l'avait jamais aidée à comprendre pourquoi elle ne pouvait pas ressouder un os facilement ou refermer une plaie.

Et elle avait cessé de chercher à pousser son don dans une direction qu'il ne voulait pas prendre.

« Dans ce cas, laisse-moi aller chercher de quoi soigner tout ça. » ordonna-t-il, en dégageant ses cheveux roses de son épaule. « Et, la prochaine fois, montre-le à un Médicomage immédiatement. »

« Si je faisais ça, on ne pourrait pas jouer au docteur. » riposta-t-elle, en remuant les sourcils de manière prononcée.

Il leva les yeux au ciel, cachant mal qu'il avait envie de sourire à ses bêtises.

Elle l'embrassa profondément avant de l'autoriser à quitter le lit.

Et remercia le ciel d'avoir eu le courage de lui faire des avances parce que si elle ne l'avait pas fait, si elle ne l'avait pas eu dans sa vie…

Elle refusait d'y penser.

°O°O°O°O°

Une des bonnes choses lorsqu'on cherchait le Survivant, c'était qu'on était quasiment toujours certain de le trouver. Poudlard était un nid à ragots où tout le monde s'occupait des affaires de tout le monde.

En conséquence, Severus n'eut qu'à dénicher un élève capable de lui dire où était son fils.

Il arrêta Crivey junior dans le hall qui l'envoya vers la Grande Salle où, apparemment, plusieurs septièmes années s'étaient installés pour réviser leurs A.S.P.I.C.s, uniquement pour croiser Luna Lovegood qui lui expliqua que Granger avait rabattu tout le monde à la bibliothèque, craignant qu'ils ne soient pas assez concentrés dans un endroit où ils pourraient discuter.

Étant donné que Lovegood se rendait elle aussi à la bibliothèque, il eut le plaisir mitigé de faire le chemin en sa compagnie. La quatrième année déblatérait à propos des propriétés supposées de la corne de Jabberwocky dans les potions d'un ton rêveur. Severus avait depuis longtemps renoncé à la reprendre sur ce qui existait ou pas. La jeune fille était… spéciale. Pas inintelligente, pour ne pas dire qu'elle pouvait avoir des réflexions tout à fait brillantes qui expliquaient largement sa place à Serdaigle, que ce soit en Potions ou en Défense, mais spéciale d'une manière qui ne se prêtait pas à ses moqueries habituelles lorsqu'il était question d'élèves agaçants. Même lui n'était pas si cruel. Et puis, les Serdaigles l'avaient toujours moins agacé que les Gryffondors.

Ce fût en partie pourquoi il toléra ses bavardages.

Et pourquoi il foudroya du regards tous les idiots qui les regardèrent passer en riant sous cape dans les couloirs. Il avait entendu Filius se lamenter du fait que la jeune fille était une cible pour ses camarades, il n'avait pas entièrement compris que c'était au stade où les gens la pointaient du doigt pour se moquer ouvertement. Surtout lorsque lui était à côté.

« Il y a beaucoup de Joncheruines sur votre bras, Professeur. » remarqua-t-elle, soudain, alors qu'ils atteignaient – enfin – les portes de la bibliothèque. « Vous devriez faire attention. Harry aussi en a toujours qui lui tournent autour. »

À bout de patience, Severus fût plus sec qu'il ne l'aurait souhaité. « Je n'y manquerai pas. »

Elle hocha pourtant la tête, satisfaite, et le précéda dans la bibliothèque, sautillant plus qu'elle ne marchait à travers les rayonnages. Il salua Mrs Pince d'un hochement de tête puis la suivit vers l'une des plus grandes tables, tout au fond, où les chuchotements allaient bon train, au grand désespoir de Granger. Le groupe était composé de ce qui semblait être la moitié des cinquièmes années, plus les jumeaux Weasley, les Sywent et il repéra également Jones qui discutait un peu timidement avec Susan Bones. La troisième année semblait être enfin parvenue à se faire des amis, qui était-il pour lui reprocher de les avoir trouvés en dehors de Serpentard ? Cela n'avait jamais été simple pour les Nés-Moldus chez les serpents.

« Comment exactement est-on censé se préparer à un examen théorique de Défense quand nos cours pour les trois-quarts de l'année sont pleins d'inepties ? » râlait Draco, en agitant un parchemin. « Tu te souviens des kelpies ? Je doute que Flitwick se contente d'un : je me cache et j'appelle le Ministère. »

« Cela semble peu probable, en effet. » commenta Severus, en émergeant des rayonnages à la suite de Luna qui alla prendre place entre Londubat et Zabini comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.

Tous les autres adolescents sursautèrent, trahissant par là-même un manque crucial d'attention à leur environnement et le poussant à lever les yeux au ciel. Pourquoi donc s'échinait-il à leur enseigner quoi que ce soit en Défense ?

« Félicitations, Professeur Snape. » offrit Zabini, ce qui fût rapidement reprit en cœur, avec plus ou moins de sincérité, par les autres adolescents.

Il dût avoir l'air suffisamment perdu parce que son fils se racla la gorge. « L'Ordre de Merlin. Ça a fait la Une de la Gazette. »

« L'article était dithyrambique. » commenta Draco, avec un brin d'insolence. « Qui aurait cru qu'un tel héro se cachait chez les Serpentards… Et on dit qu'il n'y a que des traitres et des Mangemorts chez nous… »

Le commentaire lui valut un coup de pied sous la table de la part de Granger et plus d'un regard réprobateur.

Severus décida de l'ignorer mais prit note de trouver un exemplaire de la Gazette afin de se rendre compte par lui-même d'à quel degré d'inepties il allait devoir faire face.

« Harry, un mot, s'il te plait. » demanda-t-il, sans les remercier, alors même que le garçon se levait déjà, repoussant avec un soulagement évident le lourd tome d'Histoire de la Magie qu'il était en train de consulter.

Severus se tourna sans plus un regard pour les autres mais se figea lorsqu'il entendit l'éclat de rire général. Il se retourna brusquement pour les fusiller de son regard le plus noir, ce qui les calma efficacement, mais plaça néanmoins une main protectrice sur l'épaule de son fils lorsque le garçon le rejoignit, peu enclin à les voir se moquer d'Harry simplement parce que leur Professeur le moins aimé souhaitait lui parler.

Cependant, Harry lui-même paraissait lutter contre un fou rire.

Il l'entraîna un peu plus loin dans les rayonnages, s'assurant de quelques coups de baguette que personne ne surprendrait la conversation, sans pour autant jeter de sortilèges trop complexes. Il n'avait pas l'intention de discuter de quoi que ce soit de dangereux dans la bibliothèque.

« Je serais au Q.G. toute l'après-midi. » annonça-t-il. « Ton parrain n'a rien trouvé de satisfaisant hier. Des recherches plus poussées sont nécessaires. »

L'amusement du garçon fondit comme neige au soleil. « Oh… D'accord. »

« Envoie-moi un Patronus si tu as besoin de moi. » ordonna-t-il. « Et j'aimerais que tu viennes diner à la maison, ce soir. »

Severus avait prévu, de toute manière, de l'informer de l'existence de la nouvelle baguette du Seigneur des Ténèbres et, peut-être, de le tenir au courant de leurs avancées mais…

Comme une chatière sur la porte mais aucun chat.

Harry lui avait dissimulé des choses, sciemment ou non. Il avait dit que Pétunia lui avait donné la seconde chambre de Dudley à son entrée à Poudlard – la seconde chambre quand elle avait obligé son fils à vivre dans un placard pendant des années – il n'avait jamais dit que la chambre s'accompagnait de verrous ou d'une chatière. Ce n'était pas une chambre que lui avait décrit Nymphadora mais une cellule.

Harry comprenait-il seulement que ce n'était pas acceptable ?

Probablement pas vu la manière dont il avait tenté de le convaincre de le laisser y retourner.

« D'accord. » répéta le garçon, en hochant la tête. « Et… Est-ce que… »

Il baissa brusquement la tête, apparemment gêné.

Severus fronça les sourcils. « Est-ce que ? »

« Est-ce qu'on pourrait revoir les bases et les catalyseurs dans les antidotes, après diner. Je veux être sûr d'avoir compris le concept. » lâcha-t-il, en grimaçant. « Si ça ne te dérange pas. »

Le Gryffondor ne le regardait pas en face mais avait mis juste un peu trop d'intensité dans son tutoiement, comme s'il tâtait toujours le terrain de ce côté-là. C'était devenu chose courante, ces derniers jours. Harry oscillait entre tutoiement et vouvoiement, semblant parfois se forcer à être plus familier, toujours plus craintif lorsqu'il s'y aventurait par accident comme s'il pensait que Severus allait soudain changer d'avis et le punir pour son impolitesse…

Était-ce sa faute ou un nouveau problème hérité des Dursley ?

Il n'avait pas anticipé que ce soit si… compliqué pour lui. C'était, après tout, Harry qui avait commencé seul à l'appeler par son prénom ou surnom, sans s'embarrasser de demander sa permission, et c'était Harry qui avait décidé de l'appeler Papa davantage que Professeur. En dehors d'une salle de classe, il ne l'appelait pratiquement plus que ça.

Et puis, Harry l'avait tutoyé plusieurs fois en soixante-quinze sans que cela ne semble le gêner. Toujours devant témoins, certes. Pour lui forcer la main ou vendre leur mensonge, certes.

Mais…

Merlin savait ce que les Dursley lui avait mis dans la tête.

Comme une chatière sur la porte mais aucun chat.

Il appréhendait fortement la conversation qu'ils allaient devoir avoir. Harry n'aimait pas parler des Dursley, l'évitait autant que possible, et Severus n'avait peut-être pas fait le bon choix en décidant de le laisser partager à son rythme.

« Tant que tu ne t'attends pas à ce que je te livre les questions de l'examen sur un plateau, nous pouvons revoir ce que tu veux. » offrit-il. Ce n'était pas très juste pour les autres élèves, peut-être, mais les autres élèves n'étaient pas son fils.

Harry se détendit immédiatement. Son sourire reconnaissant, toutefois, se transforma vite en amusement.

« Il faut que je vous demande… » hésita le garçon, les yeux pétillants. « Est-ce que c'est un nouveau style ou est-ce que c'est une déclaration ? »

« De quoi es-tu en train de parler ? » s'enquit-il, avec un très mauvais pressentiment.

Les rires sous capes et les doigts pointés dans les couloirs…

Avait-il été la cible et pas Lovegood ?

Était-ce à cause de l'article ?

À nouveau, Harry paraissait lutter contre un fou rire. « Vous avez regardé votre cape avant de l'enfiler ? »

Son mauvais pressentiment s'accentuant, il ôta rapidement sa cape et la tint à bout de bras pour l'examiner. Il n'eut pas à chercher bien loin ce qui avait déclenché tant d'amusement dans tout Poudlard.

L'arrière de sa cape était orné du blason de la Maison Serpentard ce qui, jusque là, aurait sans doute pu passer pour un goût vestimentaire douteux, si le serpent sur le blason, un serpent animé qui glissait inlassablement autour du S, n'avait pas porté autour du cou une écharpe aux couleurs de Poufsouffle, du moins.

Harry n'y tint plus et éclata de rire, s'accrochant à un rayonnage pour mieux rester debout.

Severus aurait été nettement plus en colère si cela n'avait pas été une démonstration admirable de magie. Le serpent lui fit un clin d'œil avant de brusquement disparaître. Oui, un sortilège impressionnant de complexité, étant donné qu'elle avait dû le jeter en moins de quelques minutes lorsqu'il avait le dos tourné.

Il jeta un sort pour s'assurer que le blason ne réapparaîtrait pas dès qu'il aurait détourné les yeux et renfila la cape avec calme et mesure.

Et une promesse intérieure de lui faire payer cette petite plaisanterie.

« Qu'est-ce que vous lui avez fait ? » osa demander Harry avec curiosité, une fois qu'il se fût repris.

Il claqua la langue avec agacement, n'ayant pas du tout l'intention de lui expliquer le quiproquo de la veille.

« Disons que je n'ai pas été des plus délicats. » admit-il. « J'ai traité comme une plaisanterie quelque chose qui lui tenait à cœur. »

Il n'aurait pas dû remettre le malentendu avec Aurora sur le tapis, même pour s'en amuser. La chose lui avait paru hilarante, une fois sa crise de nerf terminée, mais elle ne partageait visiblement pas cette opinion. Elle n'avait pas l'air de mesurer à quel point il était rare qu'une femme s'intéresse à lui. Sans parler du fait que son infidélité supposée était d'autant plus risible qu'il n'avait pas menti lorsqu'il lui avait dit qu'elle était la seule femme à occuper ses pensées.

« Très mauvaise idée, apparemment. » commenta sagement le garçon.

« Très mauvaise idée, oui. » confirma-t-il, dans un soupir.

« Au moins elle ne vous a pas collé une écharpe de Poufsouffle directement autour du cou avec un sort de glue éternelle. » remarqua Harry, dans un haussement d'épaules fataliste. « C'est un peu plus subtil comme manière de dire que vous êtes avec elle. » Le gamin combattit à nouveau vaillamment un ricanement qui finit par lui échapper. « Et c'était drôle. Il faut que je lui demande de m'apprendre ce sort. »

Severus fronça un peu les sourcils face à la conclusion trop nonchalante pour ne pas être convaincue de l'adolescent. Était-ce ce qu'elle avait tenté de faire ? Revendiquer leur relation davantage que de se venger de ses plaisanteries ?

Black était probablement la dernière personne dans leur cercle de connaissances à ne pas être au courant mais il était vrai qu'ils n'avaient jamais véritablement non plus… annoncé la chose. Il n'était pas à l'aise avec tout ça, n'avait aucune idée de ce qu'il était approprié de faire, n'avait aucune intention de s'afficher… Pensait-elle qu'il ne prenait pas leur relation suffisamment au sérieux parce qu'ils la gardaient principalement cachée dans les cachots ? Il n'avait pas protesté lorsqu'elle l'avait embrassé devant Albus, il avait été gêné, oui, mais il ne l'avait pas repoussée. Et il n'avait pas nié lorsque le Ministre avait sous-entendu qu'il serait probablement dans sa vie suffisamment longtemps pour avoir une influence sur sa carrière. Mais il n'avait toujours pas informé Black. Et il s'était amusé de sa jalousie alors que, visiblement, c'était un point sensible.

Et puis il y avait Lestrange et sa tentative de meurtre…

Lestrange était loin d'être idiot et lui avait paru plutôt sain d'esprit malgré les années passées à Azkaban. Lestrange était également marié à une psychopathe qui n'avait jamais eu la romance à l'esprit. Et malgré ça, il avait pensé que Nymphadora trouverait normal de recevoir un cadeau de sa part, s'il y avait sceau et signature pour confirmer sa provenance. Parce que, songea-t-il, bien que cela ne lui ait jamais effleuré l'esprit, c'étaient des choses que les hommes faisaient pour les femmes qu'ils fréquentaient : leur offrir des cadeaux ou des fleurs, avoir des attentions…

Se sentait-elle négligée ?

S'y prenait-il mal ?

Était-ce comme lorsqu'il ne l'avait pas informée pour la Marque ? Était-il entièrement inapte en matière de relations humaines ?

Il connaissait déjà la réponse à cette dernière question, bien sûr.

Et il y avait une solution, évidemment. Il ne commettrait pas l'erreur d'essayer de demander son opinion à Black une deuxième fois mais il y avait Minerva… Minerva lui avait conseillé de s'excuser, la dernière fois, et cela n'avait pas été la pire idée. Toutefois, il refusait d'aller expliquer à Minerva que…

« Sev ? »

Avec un sursaut un peu coupable, il revint vite sur terre et adressa une grimace d'excuse au garçon qui le dévisageait avec inquiétude.

« Tu te n'es pas disputé avec elle, hein ? » hésita Harry.

« Non. » répondit-il. Ce n'était pas vraiment un mensonge. Ils avaient été loin d'être fâchés lorsqu'ils s'étaient quittés. Il supposait que sa petite farce n'était pas un signe de colère, pas lorsqu'ils avaient eu toutes les peines du monde à se résoudre à quitter son lit, ce qui était franchement embarrassant vu leurs âges et leurs responsabilités respectives. « Non, tout va bien. »

« Oh, tant mieux. » déclara le Gryffondor, visiblement soulagé.

Pour lui ou parce qu'il s'était attaché à l'Auror ?

Était-il sage de laisser Harry s'habituer à sa présence dans leurs vies alors qu'il n'était pas sûr que…

Pas sûr de quoi ? se moqua une voix à l'arrière de sa tête, tu as sous-entendu que tu comptais l'épouser ce matin même.

Ce n'était pas, du tout, ce qu'il avait eu l'intention de dire et il occluda prestement ce souvenir qui l'avait laissé aussi gêné qu'elle.

« Vous serez prudent ? » exigea Harry. « Au Q.G., je veux dire. Mrs Weasley et Sirius ont dit qu'il y avait beaucoup d'objets maudits. »

« Je suis toujours prudent. » contra-t-il. « Ton parrain, en revanche… Je ferais mieux d'aller m'assurer qu'il ne s'est pas une nouvelle fois empoisonné. »

Il s'était à peine éloigné de quelques pas lorsqu'il entendit, dans son dos, les jumeaux Weasley tomber sur Harry.

« Harry, Harry, Harry… »

« S'il te plait, dis nous que tu sais… »

« Qui est le génie… »

« Le maître… »

« L'artiste… »

« Qui est parvenu à jouer un tour pareil à Snape. »

Il leva les yeux au ciel.

Oui, Nymphadora n'avait qu'à bien se tenir.

À provoquer un Serpentard, il fallait s'attendre à avoir des ennuis.

°O°O°O°O°

Sirius et Bill venaient de terminer d'explorer chaque recoin du salon lorsque le feu de cheminée vira au vert. À sa connaissance, le Maître des Potions n'avait pas été capable de faire une entrée digne par cheminette depuis sa rencontre prolongée avec l'Endoloris. Le sorcier trébucha au bout de deux pas, se rattrapa avec difficulté grâce à sa canne et s'autorisa une grimace frustrée avant qu'il ne les remarque et que son expression ne devienne entièrement lisse.

Sirius décida que le laisser ruminer le fait d'avoir été pris en grand délit d'humanité n'était pas dans leur intérêt.

« Si ce n'est pas le dernier Commandeur en date du Grand-Ordre de Merlin ! » se moqua-t-il, en faisant tout un cinéma pour sortir sa montre et regarder l'heure. « Trop aimable à toi de sortir du lit pour venir nous aider. »

Severus le foudroya du regard. « Je devais parler à Harry. »

Il salua Bill d'un hochement de tête plus poli que l'ainé des Weasley lui rendit.

« Harry a bon dos. » riposta Sirius, non sans humour. Il était prêt à parier que la raison du retard très inhabituel du sorcier était davantage sa mystérieuse conquête de la veille au soir. « Mais je suppose qu'on ne peut pas vraiment te demander des comptes… » Il plaça une main sur son cœur et soupira avec un air tragique. « Après tout, l'incarnation de Garet Flinsh a sans doute des choses plus intéressantes à faire… »

Sirius n'avait jamais été fan de cette série de livres pour enfants qui mettaient en scène un sorcier espion mais Harry les dévorait par la douzaine bien qu'ils aient plus de dix ans, ce qui lui avait rappelé que Lily les adorait à l'époque.

Severus se figea. « Dis-moi que c'est une de tes piètres tentatives d'humour et pas une citation de cet article… »

« Vous ne l'avez pas vu ? » demanda Bill, plus amusé qu'il ne voulait le laisser paraître.

« Je n'en ai pas eu l'occasion. » avoua l'ancien Mangemort.

« Oh, c'est très dommage, mon cher brun ténébreux au regard de jais. » ricana Sirius. « Une figure austère qui cache un passé tragique devrait toujours lire les articles écrits sur lui. »

Severus n'avait pas l'air tranquille. « Passé tragique ? »

Parce qu'il y avait une vraie appréhension dans sa voix, Sirius cessa de le taquiner. « Ils mentionnent la mort de ta mère en cinquième année et les Prince qui t'ont refusé leur titre. » Il hésita puis fit la grimace, devinant que ça ne servait à rien de lui cacher le reste. « Ils disent aussi que ton père a été arrêté pour le meurtre de ta mère… »

Ce dont il n'avait jamais entendu parler.

Que Severus ait perdu sa mère lors de leur cinquième année, toute l'école l'avait appris. Il se souvenait même de la conversation que les Maraudeurs avaient eu dans le dortoir où ils avait collectivement décidé de le laisser tranquille pendant quelques temps, même si lui cherchait à les provoquer. C'était Remus qui avait lancé cette initiative, sans véritable surprise.

Mais que son père Moldu ait été arrêté pour l'avoir jetée en bas d'un escalier, accidentellement ou pas… Cette information là avait été bien gardée. Sirius n'avait jamais entendu la moindre rumeur à ce sujet.

L'ancien espion n'avait pas tressailli ou marqué le moindre signe d'émotion mais l'Animagus savait qu'il était contrarié, pire, il était touché. Et on le serait à moins, supposait-il.

L'article n'était pas de Rita Skeeter mais ce n'était pas beaucoup mieux.

« Lily ? » lâcha Severus.

« Non. » Sirius secoua immédiatement la tête. « Ils n'en font pas mention. Ni d'Harry, d'ailleurs. »

« Il y a une copie dans la cuisine. » offrit Bill. « Je suppose que c'est celle de Remus… »

Le Maître des Potions s'y précipita – sans avoir l'air de se précipiter, bien sûr. Après avoir échangé un regard, lui et Bill suivirent. Severus parcourait déjà l'article qui s'étalait à la Une le temps qu'ils le rattrapent. Sur la photo, Scrimgeour épinglait encore et encore une médaille sur le torse du Professeur qui avait l'air éberlué.

Rien qu'à la manière dont les mains tremblantes du Maître des Potions étaient crispées sur le journal, Sirius devina qu'il n'appréciait pas sa lecture.

« On s'habitue à ces articles débiles. » le consola-t-il. « Ils continuent à en faire sur moi régulièrement quand ils n'ont rien d'autre à dire. Et puis… Être célèbre c'est un peu la marque de fabrique de la famille, non ? Il y avait Harry et moi, maintenant il y a toi. »

Severus lui adressa un regard noir qui manquait singulièrement d'hostilité. Probablement parce qu'il venait de dire qu'ils étaient une famille.

Sirius attendit le déni, le rejet, se sentant un peu trop vulnérable à son goût et trop conscient que la véritable famille était Harry et Snape, que lui n'était que le parrain dont le garçon pouvait éventuellement se passer et…

« Quels progrès avez-vous fait ? » demanda Severus, en jetant le journal dans la poubelle.

« On sait qu'il n'y a rien dans le salon. » déclara Bill. « Le problème c'est qu'il y a trop d'objets ensorcelés, maudits ou simplement vecteurs de magie noire dans la maison. Je ne peux pas jeter de sorts de détection sur le bâtiment non plus parce que la maison est magique. Il faut fouiller pièce par pièce. »

Ce qui risquait de leur prendre des semaines, songea Sirius.

« Séparons-nous. » suggéra le Maître des Potions. « Bill, prenez le rez-de-chaussée et le premier. Je fouillerai le deuxième et le troisième. Black… »

« Je prends le deuxième et le troisième. » l'interrompit Sirius. « Prends le grenier et les anciens quartiers des elfes. » Severus le dévisagea comme s'il était stupide, l'Animagus leva donc les yeux au ciel. « Comment est-ce tu justifierais d'être surpris par quelqu'un en train de fouiller les chambres ? Moi je suis chez moi, je fais ce que je veux. Et puis il y a Buck. Buck ne t'aimera pas beaucoup. »

« Buck… » lâcha Severus. « … devrait peut-être retourner chez Hagrid sous un nom d'emprunt avant de devenir trop sauvage d'avoir été enfermé ici pendant des mois. Cela fait deux ans et personne ne le cherche. »

Certes.

Il verrait ça avec Charlie et Anthony.

« Au travail. » exigea le Professeur, comme si ce n'était pas lui qui était arrivé en retard.

Sirius disparut dans les étages, agacé que Severus donne des ordres mais ne soit pas plus prompt à les exécuter, avant de se rendre compte que s'il n'avait pas voulu monter jusqu'au grenier, c'était à cause de sa jambe. Déconfit et se sentant un peu coupable, il rebroussa chemin jusqu'à l'escalier, observant son ancien rival monter les marches avec quelques difficultés.

« J'ai oublié ta jambe. » avoua-t-il, tout de go. « On peut échanger, si tu veux. »

Mais il n'avait vraiment, vraiment pas envie et Severus dut le lire sur son visage parce qu'il pinça les lèvres. « Qu'y a-t-il là en haut que tu ne veuilles pas affronter ? »

« Trop de souvenirs. » soupira Sirius. « Comme dans le reste de cette foutue baraque. »

Le sorcier le dévisagea un instant puis agita la main. « Je peux très bien arriver en haut. »

« Sûr ? » hésita-t-il.

« Je ne suis pas infirme, Black. » trancha Severus, dans un sifflement.

Il préféra ne pas répondre à ça. Le Maître des Potions n'était pas infirme mais ne paraissait pas non plus vouloir admettre ses limites, ce que Sirius pouvait comprendre et respecter, mais il savait aussi qu'il souffrirait des trop nombreux escaliers.

Égoïstement, il n'insista pas.

Il n'était pas capable de retourner au grenier.

La dernière fois, avec Andy…

« Il y a peut-être un Epouvantard. » l'avertit-il. « Je crois que Remus l'a détruit mais je ne suis pas sûr. »

« Fantastique. » commenta l'ancien Mangemort, avant de reprendre son ascension.

À court d'excuses, Sirius commença à fouiller les pièces du deuxième étage.

°O°O°O°O°

Severus bouillait de colère.

L'Ordre de Merlin était une chose, cet article dans la Gazette en était une autre. La prose était ridicule, la tentative de le faire passer pour une espèce de héro tragique Byronien était insultante et les détails, au demeurant tous de faits publics, dévoilés sur sa vie privée étaient de trop. Il supposait devoir s'estimer heureux que le journaliste, qui avait clairement usé d'une plume à papote, n'ait pas fait correctement son travail et enquêté. L'article ne mentionnait pas Lily et ne s'étendait, bien heureusement, pas sur Tobias ou sa brutalité. Ce qui ne l'empêcherait pas d'envoyer un hibou à la Gazette.

Le Square Grimmaurd devait avoir eu tout un bataillon d'elfes de maison dans le temps parce que leurs quartiers étaient beaucoup plus larges que ce à quoi il se serait attendu. L'endroit n'avait très visiblement pas été habité depuis un très long moment et il était évident que Kreattur n'y mettait jamais les pattes.

Il fouilla méthodiquement la pièce sans s'attendre à y trouver quoi que ce soit.

Il passa au grenier dont la porte était rouillée, marmonnant entre ses dents des insultes pour Black qui l'avait obligé à monter jusque là, ce pourquoi sa jambe ne le remerciait pas. Elle avait mis deux jours à cesser de le faire souffrir à chaque pas suite à leur petite excursion sur la côte et il aurait préféré éviter de renouveler l'expérience.

Il comprit néanmoins pourquoi l'Animagus n'avait pas voulu venir là lorsqu'il pénétra dans la pièce, forcé de se courber légèrement en deux pour éviter de se cogner aux poutres de la soupente. Il y avait des poupées abandonnées, les restes pourris d'un goûter, des cartes et autres jeux de société… Visiblement, l'endroit avait servi de salle de jeux à des enfants dans le passé.

Par certains côtés, la pièce lui rappelait la vieille salle de Divination que lui et Lily utilisaient comme quartier général.

Sur ses gardes, au cas où l'Epouvantard soit toujours dans les parages, il avança dans le grenier, en se demandant par où commencer. Si l'endroit avait eu une importance sentimentale pour Regulus, cela rendait la possibilité qu'il l'ait utilisé comme cachette plus forte. Mais la pièce avait été laissée dans un fatras incommensurable.

Il s'apprêtait à jeter un sort de détection à tout hasard lorsqu'une chaleur douce dans sa poche intérieure le stoppa net.

Il sortit le carnet de sa poche, sans oublier de garder un œil sur la vieille armoire, au fond, qui aurait été la cachette rêvée pour un Epouvantard.

La vengeance est un plat qui se mange froid, avait-il écrit avant de quitter Poudlard, peut-être pas l'entrée en matière qu'il aurait souhaitée lorsqu'il avait enchanté un des carnets qu'il achetait en gros, ce matin là.

Dis moi que tu es passé dans la salle des prof avant de t'en rendre compte et qu'une certaine personne a compris le message.

Nymphadora avait une écriture qui trahissait sa joie de vivre et son impulsivité. Surtout lorsqu'elle griffonnait à la hâte.

Il leva les yeux au ciel, sortant le stylo bille de sa poche. Il dût trouver une surface plane sur laquelle s'appuyer et se concentrer pour tracer des lettres lisibles. Il faisait moins d'efforts s'il prenait des notes pour lui-même mais bien que ses mains se soient un peu stabilisées depuis que Slughorn lui préparait sa potion, il n'y avait pas eu de miracles. Et son écriture, bien que plus lisible au stylo qu'à la plume, ressemblait désormais à celle d'un enfant malhabile.

Je pensais que nous étions d'accord pour cesser d'en plaisanter.

Il n'eut pas le temps de fermer le carnet ou de le remettre dans sa poche. La réponse fût immédiate, chaque mot apparaissant les uns après les autres à mesure qu'elle les traçait.

Qui a dit que je plaisantais ? Tu as vu l'article dans la Gazette ? Tu vas avoir des dizaines d'admiratrices plus cinglées les unes que les autres… N'ouvre plus tes lettres si tu ne sais pas de qui elles viennent. J'ai dit ma façon de penser au M.

Ce qu'elle n'avait pas pu savoir lorsqu'elle avait ensorcelée sa cape.

Et il n'avait pas vraiment besoin de ses conseils en matière de sécurité.

Néanmoins, il était amusé qu'elle soit allée affronter le Ministre de la Magie sur le sujet.

Tentative de diversion. Serpentard.

L'accusation dût la faire hésiter parce qu'une tâche d'encre apparut, comme si elle avait posé la plume et l'avait retirée sans rien écrire. Il s'apprêtait à ranger le carnet et retourner à sa chasse au médaillon lorsqu'elle répondit finalement.

Désolée.

Était-elle énervée ? Se sentait-elle véritablement coupable ? Craignait-elle qu'il soit en colère après elle ? Il n'y avait aucune manière de le déterminer à travers un simple mot.

Tout ça devenait bien compliqué.

Cela avait été beaucoup plus simple au début.

Les excuses ne te sauveront pas de ma vengeance.

Il espérait qu'elle comprendrait qu'il plaisantait, que…

Ce ne fût pas des mots qui apparurent mais un cœur hâtivement dessiné.

Rien ne suivit alors il rangea le carnet dans sa poche, les joues le cuisant suffisamment pour qu'il les devine rougies.

Trente-six ans, se gronda-t-il en se mettant au travail, tu as trente-six ans, pas seize.

°O°O°O°O°

Sirius en était à la dixième pièce.

Il s'était écoulé à peu près trois heures depuis qu'ils avaient commencé à fouiller la maison et il n'en pouvait plus.

Il s'efforçait de garder le cap, de rester concentré, mais être à nouveau ici de manière prolongée… Il entendait des murmures qui, il en était certain, étaient dans sa tête. Des échos du passé. Chaque pièce ramenait son lot de souvenirs. Des spectres imaginaires dansaient à la périphérie de son champ de vision.

Il avait fouillé les chambres que divers membres de l'Ordre s'étaient plus ou moins attribués, la suite de son oncle, celle de sa tante, les chambres que les filles occupaient quand elles étaient au Square Grimmaurd… Seule celle de Narcissa avait été plus ou moins vidée et il se demanda si c'était elle qui, au décès de ses parents, avait scellée magiquement la maison. Elle avait été la dernière Black en liberté, après tout.

Finalement, il aurait dû prendre le grenier et laisser à Snape ou Bill ces chambres trop pleines de fantômes.

Il ne lui restait que deux pièces : la suite de son père et celle de sa mère.

Il avait fait deux pas dans la chambre de son père et s'était figé, incapable de bouger, incapable de se souvenir qu'il n'était plus un enfant.

Parce qu'il n'avait pas le droit de rentrer ici.

Il entendit les bruits de pas dans le couloir, ferma les yeux, attendit les hurlements qui lui reprocheraient de désobéir encore, la main qui se refermerait sur son bras et le secouerait comme un prunier, les mots cruels qui le découperaient en morceaux…

« Sirius. »

Il rouvrit les yeux, avala une bouffée d'air sans s'être aperçu avoir retenu si longtemps sa respiration, cilla plusieurs fois jusqu'à ce que la silhouette devant lui se transforme de celle de son père à celle de Severus.

L'expression du Maître des Potions était neutre mais il y avait une lueur un peu trop compréhensive dans ses yeux.

« Je n'ai rien trouvé en haut. Bill est en train de retourner la bibliothèque de fond en comble. » expliqua l'homme, en jetant un coup d'œil à l'intérieur. « Je peux m'occuper de cette pièce si tu veux. »

« C'est la suite de mon père. » lâcha-t-il.

« Je peux m'en occuper. » répéta Severus, en posant une main hésitante sur son épaule.

« Je n'ai pas le droit d'y entrer. » murmura-t-il. Ça ne l'avait pas empêché de le faire plus d'une fois lorsqu'il était certain de ne pas être surpris. Il l'avait fait par défi, par goût de braver l'interdit…

« Ton père est mort depuis longtemps. » lui rappela calmement l'ancien Mangemort. « Et la maison t'appartient. »

« Le dernier hériter des Black. » cracha-t-il, en prenant une profonde inspiration. Il fit un pas dans la pièce, un deuxième…

Son père ne revint pas d'entre les morts pour l'invectiver d'injures.

« Si je pouvais je brûlerais cet endroit jusqu'à ce qu'il ne reste que des cendres. » gronda-t-il.

Cette maison ne lui faisait aucune faveur.

« Je comprends. » offrit Severus.

Ce n'était pas une platitude, il y avait de la conviction dans la voix de l'autre sorcier, une conviction qui le poussa à se reprendre.

« Tu peux fouiller le salon ? » demanda-t-il. La suite se composait d'une chambre, d'un salon, d'un large placard qui tenait plus du dressing et d'une salle de bain, dans la plus typique organisation victorienne. « Il y a un compartiment caché dans le manteau de la cheminée. »

Severus acquiesça et ils se partagèrent les lieux sans discuter mais en faisant suffisamment de bruits pour que Sirius ne se laisse pas trop emporter par ses fantômes. Ils firent choux blanc.

À part quelques papiers qui prouvaient qu'Orion trempait dans des affaires louches avant sa mort, Sirius ne trouva rien de bien intéressant.

Ils traversèrent le couloir et passèrent aux appartements de sa mère.

Et il regretta immédiatement d'y avoir pénétré parce que c'était comme faire un voyage dans le passé.

Il pila si net que Severus lui rentra dedans.

Grommelant entre ses dents, le Maître des Potions ne tarda pas à froncer les sourcils. « Comment se fait-il que le reste de la maison soit à l'abandon mais que cette pièce soit si propre ? Quelqu'un vit ici ? »

Personne n'avait choisi d'occuper les chambres qui avaient été celles de sa famille. Tous les autres s'étaient installés dans celles des invités ou dans les pièces reconverties à la hâte. La seule exception était Tonks qui utilisait parfois la chambre d'Andromeda.

« Kreattur. » lâcha-t-il. « Il voue un culte à ma mère. La chambre de Regulus était dans le même état. Comme s'il attendait qu'ils reviennent. »

« Et cela ne te parait pas suspect ? » contra Severus.

Sirius secoua la tête. « Cet elfe est fou à lier. »

« Oui, c'est aussi ce qu'on disait de toi. » rétorqua son rival, en le dépassant pour rentrer dans la pièce.

Sirius le suivit lentement.

Il y avait des photos au mur. Son visage avait été brûlé méthodiquement sur chacune d'entre elles.

Il ne savait pas pourquoi cela lui fit mal, il n'avait jamais pensé que sa mère l'aimait beaucoup. Ou tout court.

C'était Regulus, le fils prodigue. Pas lui.

Ce fût long et difficile de fouiller cette suite-ci parce qu'il ne connaissait pas tous ses recoins ou ses cachettes. Il avait défié son père par bravade, mais il n'avait jamais été assez stupide pour s'opposer aussi ouvertement à sa mère. Par bien des côtés, elle avait été plus terrifiante.

« C'était une Black aussi. » déclara-t-il, au bout de plusieurs minutes. « Ma mère. Ma grand-mère était une Crabbe, mon grand-père un Black. »

« Ah, la consanguinité… » se moqua Severus, à genoux sous le secrétaire dans le coin du petit salon pour mieux chercher des compartiments secrets. Il en avait déjà trouvé deux. « Voilà qui explique tout. »

Sirius ne releva pas l'insulte parce qu'elle était vraie.

« Je crois qu'ils m'auraient fait épouser Bella ou Cissy, s'ils avaient eu leur mot à dire. » continua-t-il. « Andy était promise aux Rosier. »

« Il est heureux qu'Andromeda ait eu le courage de s'enfuir. » commenta le Maître des Potions, avant qu'un léger clic ne signale la présence d'un troisième compartiment secret. « Et toi aussi, je suppose. »

« Ce n'était pas du courage, c'était de la survie. » murmura-t-il, en déplaçant la petite table basse pour rouler le tapis rongé par les mites. Le parquet dessous était décoloré mais il ne trouva pas une trace d'une latte branlante ou d'une trappe.

« Je ne suis pas certain d'être d'accord. » remarqua Severus, en s'extirpant de sous le secrétaire avec difficulté. Il jeta un tas de lettres et documents sur le bureau mais il ne devait rien y avoir d'intéressant parce qu'il ne commenta pas sa trouvaille. « M'enfuir ne m'est jamais venu à l'esprit. »

Sirius lui jeta un coup d'œil, un peu surpris qu'il offre volontairement ce genre d'informations. Il en avait laissé échapper assez pour qu'il parvienne à ses propres conclusions et les rares fois où il avait fait des insinuations prudentes, l'ancien espion ne les avait pas détrompées, mais…

« J'avais la chance d'avoir les Potter. » répondit-il.

Et la mère de James avait été la seule véritable mère qu'il ait connue.

Walburga… Son Epouvantard avait longtemps pris la forme de Walburga et son air désapprobateur, déçu.

« J'aurais pu avoir les Evans. » commenta l'ancien Mangemort sans le regarder en face, d'une voix trop neutre pour être véritablement détachée. « J'étais trop fier pour demander de l'aide. »

« Tu étais trop fier ou tu savais que personne ne t'aiderait ? » riposta Sirius, en abandonnant sa fouille pour mieux le dévisager. « Parce que, moi, pendant très longtemps, j'étais certain que personne ne m'aiderait. » Il haussa les épaules. « Après tout, ce n'est pas comme s'ils m'avaient vraiment brutalisé. Ils étaient… Ils étaient affreux mais Regulus et les filles étaient là et survivaient. Pourquoi est-ce que je me serais plains ? Pourquoi est-ce qu'on m'aurait cru ? »

« Ta situation était similaire à celle d'Harry. » remarqua Severus.

« Et pas à la tienne ? » rétorqua-t-il, fatigué de tourner autour du pot.

Le Maître des Potions se figea brièvement puis continua à inspecter la bibliothèque dans le coin, retirant et ouvrant chaque livre pour s'assurer qu'ils ne cachaient rien. « Harry m'a toujours assuré que les Dursley n'avaient jamais été physiquement violents avec lui. »

Ce qui était une manière détournée de dire que Severus, en revanche, avait subi des violences physiques. Le souvenir de leur scolarité, de tout ce que les Maraudeurs lui avaient fait subir par ennui ou par jeu lui tordit l'estomac.

« Je ne suis plus sûr de le croire, toutefois. » soupira l'homme, avec lassitude, en se frottant les yeux. « Est-ce un bon moment pour discuter de ça ou bien cela va-t-il déclencher des souvenirs trop… pesants pour toi, étant donné l'endroit ? Cela peut attendre que nous soyons revenus à Poudlard. Je dois te parler d'autre chose, de toute manière. »

Il ne souciait plus du tout de ses souvenirs ou du reste.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » s'inquiéta-t-il. « Qu'est-ce qui se passe avec Harry ? »

Severus avait repris sa fouille méthodique de la bibliothèque. « Il m'avait laissé entendre que, bien que leur négligence manifeste ait persisté après ses onze ans, les Dursley lui avaient donné une chambre et que le degré d'hostilité avait… diminué. Qu'ils l'ignoraient, en somme, tant qu'ils n'étaient pas confrontés à de la magie. »

« Oui. » confirma-t-il. « Ils détestent la magie mais, oui, c'est ce que j'ai compris aussi. »

« Nymphadora m'a dit que lorsqu'elle était allée le chercher cet été avec le reste de l'Ordre, elle avait remarqué des verrous et une chatière au bas de la porte de sa chambre. » siffla le Maître des Potions. « Harry n'a jamais mentionné ni l'un, ni l'autre. T'en a-t-il parlé ? »

Sirius se tendit, la colère extrêmement dure à contrôler lorsqu'il imaginait son filleul… « Il m'a dit que ses Moldus craignaient la magie. Il m'a dit que son oncle était déterminé à le garder enfermé à Privet Drive après sa première année. Une histoire d'elfe de maison ? »

« Dobby. » suppléa Severus, en se détournant de la bibliothèque pour lui faire face, en croisant les bras. « T'a-t-il parlé du reste ? »

Toujours agenouillé sur le sol, il secoua la tête. « Pourquoi… Pourquoi une chatière ? »

Le Maître des Potions l'observa comme s'il était stupide. « Je suis certain qu'on te nourrissait aussi à Azkaban. »

« Tu penses qu'ils l'enfermaient dans sa chambre. » lâcha-t-il. « Tu penses que c'était comme une cellule. »

« Je pense qu'il y a quelques jours il m'a dit que ce serait probablement moins contraignant pour nous de laisser Albus le renvoyer chez les Dursley sans protester si cela signifiait qu'il pouvait passer le reste de l'été avec moi. » expliqua Severus.

« Non. » décréta immédiatement Sirius. « Tu ne peux pas… »

« Évidemment que non. » l'interrompit l'homme, presque agacé. « Mais il m'a également dit : au pire ils m'enfermeront dans ma chambre. Et, à présent, je me demande si sa chambre n'était rien d'autre qu'un plus grand placard et, comme il a toujours insisté pour dire que le placard était la pire des punitions, je me demande aussi s'il a menti sur le reste. »

Sirius soutint son regard longtemps puis se passa les mains sur le visage. « Putain… »

« Comme tu dis. » soupira Severus, l'air tout aussi fatigué. « La question est… Doit-on adresser le problème ? Doit-on lui demander de nous expliquer la présence des verrous et de la chatière ? Doit-on clarifier ce qui s'est passé depuis son entrée à Poudlard ? Ou le laisser venir à nous à son rythme ? »

« Il n'y a pas de nous. » remarqua Sirius. « Il ne m'a plus spontanément parlé des Dursley depuis l'été avant sa quatrième année et, comme je te l'ai déjà dit, il en plaisantait. Tu es le seul à qui il a jamais dit la vérité, je pense. Il ne se confiera pas à moi. »

L'ancien espion se détourna et entreprit de fouiller un petit meuble à tiroirs.

Lentement, Sirius se remit lui aussi à explorer la pièce.

Le silence ne dura pas plus d'une minute.

« C'est égoïste et cela ne diminue en rien le reste de la maltraitance dont il a fait l'objet, la négligence seule est inacceptable, sans parler de la violence morale, mais j'ai besoin de savoir s'ils l'ont brutalisé et s'il m'a menti tout du long. » lâcha Severus.

Sirius cessa de prétendre qu'il était concentré sur ce qu'il faisait et se tourna pour l'observer à nouveau. « Pourquoi est-ce qu'il t'aurait menti ? S'il t'en a parlé en premier lieu, ce n'est pas pour… »

« Ce n'est pas comme s'il était venu me trouver parce qu'il se sentait en confiance, Black. » cracha le Professeur avec une agitation manifeste. « Il ne m'en a parlé uniquement parce que… » Le sorcier s'interrompit, prit une profonde inspiration. « Nous nous disputions. Je l'ai accusé d'être un enfant gâté et il… Il m'a tout avoué parce que cela lui pesait et qu'il a… Il a reconnu quelque chose en moi, je suppose, mais je ne suis pas certain que c'était une décision réfléchie. Et étant donné la teneur de notre dispute… »

Il regrettait presque de devoir poser la question. « Pourquoi est-ce que vous vous disputiez ? »

Severus avait l'air d'avoir croqué dans un citron particulièrement acide et semblait incapable de croiser son regard.

« Il partageait un dortoir avec mon double. » grinça-t-il. « Il a vu… des marques. »

« Des marques. » répéta Sirius. Voulait-il dire des bleus ou…

« Mes cicatrices. » lâcha le Maître des Potions faiblement, le visage toujours détourné pour ne pas le regarder en face. « Il a vu mes cicatrices. Et mon double ayant eu la brillante idée de lui expliquer… » Il s'interrompit. « Ce que je veux dire c'est qu'Harry a tendance à penser que ce qui lui arrive n'a pas d'importance. Je l'ai vu torse nu, je sais qu'il n'a pas de cicatrices de ce genre, mais toutes les formes de brutalité ne laissent pas forcément de marques physiques durables. Des ecchymoses disparaissent. Il m'a toujours dit que les Dursley ne l'avaient jamais frappé mais il m'a aussi dit qu'il ne l'avait jamais plus enfermé après Poudlard. J'ai peur qu'il ait comparé le degré de violence entre nos situations et m'ait menti, peut-être même sans le vouloir, parce qu'il a décidé que ce qui m'avait été fait était plus grave et donc… »

Il laissa sa phrase en suspens.

Sirius tâcha de digérer rapidement l'avalanche d'informations.

Et de ne pas involontairement dire ou faire quelque chose qui agiterait davantage Severus.

Severus qui avait été brutalisé avec suffisamment de force dans son enfance pour en garder des cicatrices.

C'était une chose d'avoir des soupçons, une autre de se les voir confirmer.

Sirius avait toujours été très protecteur envers ses amis. C'était dans sa nature, l'explication peut-être de sa forme Animagus. Il était loyal à défaut du reste.

C'était probablement une bonne chose que Snape senior soit mort parce qu'il brûlait de faire une petite expédition punitive. Il devait déjà se faire régulièrement violence pour ne pas aller torturer les Dursley.

« On peut lui redemander. » proposa-t-il calmement, suivant du regard son ancien rival qui s'était mis à faire les cent pas dans la pièce. « Severus, je ne suis pas sûr que ce soit aussi grave que ce que tu es en train de t'imaginer. » Cela lui valut un regard à moitié incrédule et à moitié hostile. Il grimaça. « Non, c'est grave, ce n'est pas ce que je veux dire. Évidemment que c'est grave. Mais… Le fait qu'il ne t'ait pas dit qu'ils l'enfermaient dans sa chambre… Ça ne veut pas dire qu'il t'a menti. Est-ce que vous avez jamais parlé de sa chambre ? De la manière dont ils le traitaient lorsqu'il n'était pas à Poudlard. »

Le Maître des Potions ne cessa pas d'aller et venir, sa canne heurtant le sol avec force. Son expression était légèrement paniquée et Sirius n'était pas certain que ce soit entièrement à cause d'Harry.

« Occlude. » suggéra-t-il.

Severus lui jeta un coup d'œil irrité mais, dans la seconde suivante, il ralentit jusqu'à finalement se tenir à nouveau immobile, son visage figé dans une expression neutre.

L'Animagus n'avait pas eu l'intention de réveiller le robot en lui, mais… Il lui fallait des réponses sur Harry. Ensuite, ils pourraient s'occuper de l'adulte.

« Nous avons abordé le sujet quelques fois, oui. » répondit finalement l'ancien Mangemort. « Mais nous avons davantage parlé du fait qu'ils ne se souciaient pas de lui ou des bêtises qu'ils lui avaient inculquées que de comment il vivait lorsqu'il était à Privet Drive. »

« D'accord… » hésita-t-il. « Est-ce qu'il y a quoi que ce soit qui t'ait jamais fait penser qu'il ne t'a pas dit la vérité sur le fait qu'ils ne l'ont jamais frappé ? »

Severus prit le temps de réfléchir puis secoua la tête. « Non. Il ne… Il n'a jamais semblé avoir physiquement peur de moi. Il n'aime pas les mouvements brusques, surtout proches de son visage, mais il n'a jamais eu le bon sens de me craindre sur ce plan là or jusqu'à septembre dernier j'étais probablement la figure d'autorité la plus hostile dans sa vie mis à part son oncle et sa tante. »

« Il est plein de bon sens. » corrigea-t-il. « Et il te connait trop bien. Même moi je sais que tu ne lèverais jamais la main sur un gamin. »

« Il n'a pas peur d'Hagrid, non plus. » remarqua Severus, sans lui prêter attention.

« Hagrid est un nounours. » se moqua-t-il.

« Hagrid est un demi-géant qui pourrait l'assommer d'une main. » rétorqua le Professeur. « S'il y avait eu… » À nouveau, il s'interrompit. « Je ne sais plus, Sirius. Je ne pense pas mais… »

« Mais tu ne seras pas tranquille tant que tu ne seras pas certain. » termina-t-il. Et lui non plus s'il devait être honnête.

« J'ai vu des bribes de son enfance. » avoua le Professeur, après un moment. « Dans son esprit. Pendant nos séances d'Occlumencie et… » Il soupira. « Le rejet, le désespoir… Sa terreur quand ils l'enfermaient dans le placard, dans le noir. Tout ça est suffisamment grave. L'idée qu'il y ait davantage… Et c'est sans parler de Diggory, du Seigneur des Ténèbres, de Quirrel, du basilic ou des… tu sais quoi. »

Sirius l'étudia puis leva les yeux au ciel. « Dis moi si je me trompe mais tu es en train de te persuader que tu ne fais pas du bon travail avec lui, que tu es un mauvais père. »

« Je ne suis pas un mauvais père. » grommela son ancien rival. « Je sais ce qu'est un mauvais père, je sais très précisément ce qu'il ne faut pas émuler. Mais cela ne veut pas dire que je sais ce que je fais ou… »

« D'accord. Severus. » le coupa-t-il. « Voilà ce que je vois, moi, et ne crois pas que ça me fasse plaisir de devoir te faire des compliments : depuis que t'occupes de lui, Harry a pris confiance en lui, il a beaucoup moins tendance à vouloir tout régler tout seul en se mettant en danger dans la foulée, il est à l'aise avec toi comme je ne l'ai jamais vu à l'aise avec aucun adulte, moi inclus. » Visiblement gêné, le Maître des Potions ouvrit la bouche mais Sirius leva la main pour le faire taire. « Tu veux qu'on lui en parle, on peut lui en parler. »

Severus se frotta le visage, soupirant longuement. « Viens diner chez nous, ce soir. Il y a autre chose dont il nous faut discuter tous les trois. »

« Quoi ? » demanda Sirius, en fronçant les sourcils.

Le Professeur secoua la tête. « Pas ici. »

Parce que les murs avaient des oreilles.

Il acquiesça, autant pour montrer qu'il avait compris que pour accepter l'invitation, puis désigna le reste de la pièce d'un geste. « Finissons-en. »

°O°O°O°O°

Severus était debout, appuyé au comptoir de la cuisine, et attendait que le thé finisse d'infuser. Il n'écoutait que d'une oreille distraite la conversation entre Bill et Sirius, plus préoccupé par le carnet qui avait chauffé dans sa poche intérieure une bonne partie de l'après-midi.

Ils avaient retourné le Square Grimmaurd de fond en comble sans rien trouver.

Et la conversation qu'il avait eue avec Black l'avait simultanément vidé et rempli d'une rage qu'il faisait de son mieux pour occluder.

Il se sentait désemparé, impuissant et légèrement humilié d'avoir dû exposer devant le Maraudeur des choses qu'il préférait habituellement taire.

Black ne s'était pas moqué, toutefois, n'avait pas plaisanté ou…

Évidemment que non, Black était dans le même bateau qu'Harry et lui.

Il lui avait fallu du temps pour l'accepter mais…

Il était plus simple de se concentrer sur les phrases griffonnées à la hâte par Nymphadora au cours de l'après midi. Visiblement, le Ministère devait être particulièrement ennuyeux ce jour là parce qu'elle avait fait deux, trois commentaires sur les plus jeunes recrues qui étaient plus encombrantes qu'autre chose, se plaignait de ne pas avoir le droit de sortir sur le terrain parce qu'elle était censée coordonner les troupes et avait terminé par un paragraphe écrit avec irritation sur pourquoi elle aurait été heureuse de ne jamais plus voir un seul plan d'Azkaban de sa vie entière.

« Peut-être qu'on l'a raté ? » soupira Bill, en se massant la nuque. « Il faudrait recommencer. Peut-être échanger les pièces entre nous. Il y a tellement de coins et de recoins cachés… Et la maison ne coopère pas du tout. Elle est hostile au possible. »

« Peut-être qu'il n'est pas là, tout simplement. » rétorqua Black, affalé sur sa chaise habituelle. Le sorcier en était à sa deuxième cigarette.

Et Severus faisait un gros effort pour prétendre ne pas respirer délibérément la fumée.

S'il retombait dans le tabac à cause de ce stupide cabot…

Il avait besoin d'une distraction, raison pour laquelle il sortit son stylo et répondit à Tonks qu'elle ne semblait pas beaucoup travailler ce jour là. Parce que paniquer face à leur manque de pistes pour retrouver le médaillon n'aiderait pas. Il devait y réfléchir à tête reposée, fomenter un plan quitte à retourner dans la caverne…

J'ai craqué. J'ai rassemblé les recrues et j'ai décidé qu'une simulation de combat était la meilleure idée que je pouvais avoir aujourd'hui.

Ses lèvres s'étirèrent avec amusement alors qu'il laissait le stylo courir sur le papier.

Ne voulais-tu pas plutôt te défouler ?

Une tâche d'encre apparut comme si elle avait posé sa plume un peu trop longtemps, puis une série de mots.

Peut-être un peu. Severus, le niveau du cours de Défense à Poudlard ces dernières années est EFFRAYANT. Je sais qu'ils sont jeunes et que je leur en demande beaucoup mais ils ont leur putain d'A.S.P.I.C.s et ils ont passé l'année à s'entraîner. Je pense que je suis en droit de m'attendre à ce qu'ils sachent jeter un foutu stupefix correctement, non ?

Il ne pouvait pas lui donner tort. Avant qu'il ait pu répondre, pourtant, d'autres mots s'étalaient sur la page blanche, continuant sur la suivante.

Tu passes une meilleure journée que moi ?

Pas vraiment, s'il devait être honnête, mais cela ne l'aiderait pas de l'entendre et il était trop soulagé de la voir un peu moins déprimée pour en rajouter.

Certainement plus productive. Si j'avais su que ce carnet te distrairait autant de ton travail, je ne te l'aurais pas offert…

Il n'eut pas à attendre longtemps sa réponse.

Ce n'est pas le carnet qui me distrait, c'est toi.

J'ai des courbatures.

Le rire quitta sa gorge sans qu'il ne parvienne à le ravaler, le prenant par surprise. Cela devenait une habitude. Il se contint immédiatement mais le mal était fait.

Weasley et Black le regardaient avec de grands yeux, comme s'il venait de lui pousser une deuxième tête.

L'expression de l'Animagus vira soudain de la stupéfaction à une suspicion amusée.

« Qu'est-ce qui te passionne tellement dans ce carnet ? » demanda ce dernier, d'un ton taquin dont Severus avait appris à se méfier.

Il se dépêcha de le faire disparaître dans la poche intérieure de ses robes, ayant l'impression, une fois encore, d'être un adolescent pris sur le fait. « Rien du tout. »

Les dégâts étaient faits, cependant.

« Ça n'aurait pas un rapport avec ce que j'ai interrompu hier soir, des fois ? » insista Black, avec un peu trop de malice, comme si lui aussi avait désespérément besoin d'une distraction. Il jeta un regard entendu à Bill. « Severus a une mystérieuse conquête. »

Weasley émit un bruit amusé et servit le thé, estimant sans doute qu'il avait suffisamment infusé. « Elle n'est pas si mystérieuse que ça. »

Le Professeur le toisa avec mécontentement, le foudroyant du regard jusqu'à ce que son ancien élève grimace et marmonne une excuse dans sa barbe.

Black, pour sa part, les regardait tour à tour avec indignation. « Tu as dit qui c'était à Bill mais pas à moi ? »

« Je n'ai rien dit à Bill. » rétorqua-t-il, en venant prendre place à table, soulagé de pouvoir s'asseoir quelques minutes. Toutes ces allées et venues dans l'escalier ne lui avaient fait aucun bien et Nymphadora n'était pas la seule à avoir des courbatures.

« Comment est-ce que tu as pu le lui dire à lui et pas à moi. » s'indigna Black – ou fit semblant de s'indigner, c'était parfois dur de suivre avec lui. « Je suis ton meilleur ami ! »

Severus parvint à ne pas cracher la gorgée de thé qu'il venait de prendre mais échoua à ne pas s'étouffer avec. « Pardon ? »

« Je suis ton seul ami. » précisa l'Animagus, en haussant les épaules. « Donc, je suis le meilleur. »

Face à un raisonnement aussi absurde, il resta d'abord muet de stupeur puis laissa finalement place à son outrage. « Tu n'est certainement pas mon seul ami. »

« Harry ne compte pas. » rétorqua Sirius avec un amusement manifeste.

« Évidemment qu'Harry ne compte pas, c'est mon fils, pas un camarade. Je ne suis pas étonné que tu n'ais toujours pas saisi la nuance. » siffla-t-il. « Mais que fais-tu de Minerva ? Filius ? Nymphadora ? »

« Ce sont nos anciens Professeurs, pas nos amis. » décréta Black, en prenant une gorgée satisfaite de son thé. « Et Tonks ne compte pas non plus, c'est ta protégée. »

Il ouvrit la bouche pour lui expliquer très précisément pourquoi elle comptait plus que lui mais la referma bien vite. Certes, l'occasion de lui expliquer toute la situation semblait parfaite. Mais la scène de la veille était un peu trop fraiche dans son esprit. Et la rapidité avec laquelle Sirius venait d'écarter Nymphadora comme si elle était quantité négligeable, comme s'il ne pouvait pas imaginer qu'il y ait plus entre eux que… Que quoi ? L'idée que Black pense qu'il soit une sorte de mentor pour elle le perturbait.

Allait-il, comme Lupin, leur jeter au visage le fait que Severus avait été son Professeur ? Allait-il les juger ? Les rejeter ?

Il aurait aimé pouvoir affirmer qu'il s'en serait relevé sans trop de mal mais outre le fait qu'il avait besoin de la coopération de Black pour tout ce qui touchait à Harry…

L'homme n'était certainement pas son meilleur ami.

Mais… Mais il était un ami et…

Bill paraissait fasciné par sa tasse de thé.

« Albus. » contra-t-il, préférant dévier la conversation loin de ces eaux troubles. Oui, c'était lâche. Et Nymphadora était mécontente qu'il n'ait pas encore clarifié la situation – de manière justifiée. Mais il n'avait jamais prétendu être courageux. « Albus est mon ami. »

« Albus n'est l'ami de personne. » se moqua l'Animagus, un peu amèrement. L'amertume disparut rapidement alors qu'il se mettait à agiter stupidement les sourcils. « Allez, dis moi qui c'est. Je suis sûr que c'est Sinistra. »

« Ce n'est pas Sinistra. » gronda Severus. « Et, à ce sujet, ne t'est-il pas venu à l'idée que parler d'une sorcière en sachant qu'une autre se tenait derrière la porte pouvait m'attirer des ennuis ? »

« Ah Ah ! » triompha Black, en pointant un doigt accusateur vers lui. « Donc c'est suffisamment sérieux pour qu'elle te demande des comptes. »

« C'est sérieux. » admit-il, un peu à reculons. Il jeta un coup d'œil à Bill mais Bill observait toujours sa tasse de thé, luttant visiblement pour garder une expression neutre. Severus grimaça. Il aurait préféré qu'il n'y ait pas de témoins. Et il hésitait toujours à sauter le pas.

Il fallait le faire pourtant.

Ça en devenait ridicule.

Certes, Black aurait pu faire un effort et comprendre de lui-même, comme le reste du monde. Même Harry était parvenu à la bonne conclusion après les avoir vus ensemble une seule fois…

Abandonnant le ton de la plaisanterie, l'Animagus l'étudia avec hésitation. « Suffisamment sérieux pour que tu en parles bientôt à Harry ? »

« Harry est déjà au courant. » soupira-t-il. « Écoute, Sirius… »

Il allait le faire.

Il allait lui dire.

Il était sur le point de tout confesser lorsqu'il sentit la présence sur le seuil de la cuisine et se raidit instinctivement, lâchant la tasse de thé pour poser la main sur la hampe de sa baguette.

Parce que Remus Lupin se tenait là et qu'il ne l'avait pas revu depuis qu'il avait agressé Harry.

Cela lui prit toute sa maîtrise de l'Occlumencie pour ne pas laisser libre court à la pulsion qui exigeait qu'il lui jette un sort bien vicieux.

Du point de vue de Lupin, bien sûr, cette première rencontre avait déjà eu lieu.

« Remus. » l'accueillit Black, sans hostilité manifeste mais avec une certaine tension.

Il était évident que Lupin revenait de l'extérieur. Il portait son vieux manteau moldu élimé malgré le temps plaisant et avait les cheveux en bataille.

Et il semblait particulièrement surpris de les trouver dans la cuisine, comme s'ils s'étaient invités chez lui à son insu, comme si la maison était à lui et pas à Black, comme si, en tant que membres de l'Ordre, ils n'avaient pas eu entièrement le droit d'être là.

Severus n'était pas réellement impatient de devoir s'impliquer plus dans l'Ordre mais cela vaudrait sans doute la peine rien que pour la tête que le loup-garou ne manquerait pas de faire lorsqu'il serait explicitement établi qui d'eux deux Albus estimait le plus. Une victoire supplémentaire sur le loup dont il se délectait d'avance.

« Qu'est-ce que vous faites là ? » s'enquit le loup, en ôtant sa veste.

« J'ai engagé Bill pour qu'il inspecte un ou deux artefacts de la collection familiale pour moi. » expliqua Sirius. « Il y a trop de trucs dangereux, ici. »

Le sourire du loup était loin d'être amical, ses yeux un peu trop ambrés. « Et tu as emmené Severus avec toi, parce que… »

« Dois-je avoir ton autorisation pour visiter le Q.G., Lupin ? » rétorqua-t-il.

L'idée que Nymphadora soit obligée de passer plusieurs jours ici, avec le loup-garou dans les parages… Il aurait dû lui dire qu'elle était la bienvenue chez lui. Pour quelques jours. Stupidement, il avait paniqué sur le moment, principalement parce qu'il avait fait cette blague ridicule sur l'adultère qui impliquait qu'il souhaitait l'épouser à termes et…

« Non. » répondit Lupin posément. « Je m'étonne simplement que tu trouves le temps de te balader. Tu n'es pas censé travailler sur ta potion ? Ou bien étais-tu trop… distrait, à Poudlard ? »

Le reniflement du loup-garou était exagéré mais la manière dont il semblait se tenir aussi loin de lui que possible n'était pas feinte. Severus supposait qu'il pouvait sans doute sentir l'odeur de Nymphadora sur lui, ce qui, d'un côté l'agaçait en raison de l'intrusion dans leur intimité que cela représentait, mais d'un autre…

« Je voulais consulter la bibliothèque. » rétorqua-t-il, d'un ton sec. « Les Black ont des volumes qu'on ne trouve nulle part ailleurs mis à part peut-être chez les Malfoy. »

« Oui, je vois que tu es en plein travail… » se moqua Lupin, dans un rictus.

« Remus. » lâcha Black, presque à voix basse.

Un avertissement manifeste.

Le loup lui jeta un regard blessé, posa son manteau sur le dossier d'une chaise et rebroussa immédiatement chemin vers le couloir.

« Tu peux rester. » offrit maladroitement Bill. « Le thé est prêt. »

« Non, merci. » riposta Lupin. « Je cherche toujours à comprendre ce qui s'est passé à Cardiff et l'odeur dans la cuisine est nauséabonde. »

Severus n'était pas certain de s'il avait perdu le contrôle de sa magie ou bien si Black avait anticipé sa réponse mais la porte claqua brusquement, les isolant du reste de la maison.

L'intermède avait eu l'avantage de leur rappeler pourquoi ils étaient là et Severus jeta ses protections habituelles.

« Bon, on fait quoi maintenant ? » soupira l'Animagus.

Bill haussa les épaules. « Comme je le disais, on l'a peut-être raté. S'il y a des enchantements visant spécifiquement à ce que personne ne le remarque…

« La maison est pleine de compartiments secrets… » admit Sirius. « Je ne les connais même pas tous. »

« Harry a mentionné une vitrine avec tout un tas d'objets que Molly aurait demandé aux enfants de nettoyer cet été. » lâcha-t-il soudain. « Il pense qu'il y avait un médaillon mais il n'est pas sûr. Il a aussi mentionné que beaucoup d'objets on été jetés. »

L'ainé des Weasley émit un bruit amusé. « Ce serait bien maman de se débarrasser d'un bout de Vous-Savez-Qui par inadvertance… »

« Il a aussi dit que l'elfe avait récupéré certaines choses mais je n'ai rien vu dans les quartiers des serviteurs, là haut. » soupira-t-il.

« Kreattur ne dort pas là haut. » réfuta Sirius, avec un regain d'excitation. « Il a fait son nid ici, ce cafard. Tu as fouillé son placard, Bill ? »

« Son placard ? » répéta le Briseur de Sorts. « Je… Non, je ne crois pas. »

L'ancien fugitif se leva d'un bon souple que Severus lui envia parce qu'il lui fallut prendre appui sur la table pour se remettre sur ses pieds et la canne n'était, ce jour là, pas qu'un simple accessoire. Le temps qu'il ait traversé la cuisine, Sirius était déjà agenouillé devant un placard bas et avait entreprit de vider le renfoncement. Il tira d'abord un matelas à moitié éventré qui ne pouvait pas être bien confortable, tout un tas de bric-à-brac, médailles et autres objets de valeur…

Severus repéra le médaillon presque par hasard, il était à moitié caché sous une couverture sale…

« Là ! » s'exclama-t-il, en se penchant pour le ramasser.

Ses doigts s'étaient à peine refermés sur la chaine que, dans un craquement sonore et un cri de guerre, un elfe enragé se jeta sur lui.

Surpris, Severus recula instinctivement, lâchant canne et médaillon pour mieux tenter de repousser la créature vicieuse qui tentait de lui arracher les yeux en hurlant. Sa mauvaise jambe céda sous l'assaut et il se retrouva au sol, tournant désespérément la tête pour essayer d'échapper aux griffes acérées qui labouraient son visage.

« LES TRAITRES À LEUR SANG ET LES SANG DE BOURBES NE VOLERONT PAS LE MEDAILLON DE MAITRE REGULUS ! » beugla l'elfe. « KREATTUR LES TUERA ! KREATTUR LES TUERA ! »

Et alors que les griffes couvertes de crasse raclaient dangereusement la chair près de son œil gauche, Severus se dit que l'elfe paraissait particulièrement déterminé à réussir.