Enjoy & Review!
"Maybe you can afford to wait. Maybe for you there's a tomorrow. Maybe for you there's one thousand tomorrows, or three thousand, or ten, so much time you can bathe in it, roll around it, let it slide like coins through you fingers. So much time you can waste it.
But for some of us there's only today. And the truth is, you never really know."
— Lauren Oliver - Before I Fall
« Peut-être que vous pouvez vous permettre d'attendre. Peut-être que, pour vous, il y a un demain. Peut-être que, pour vous, il y a un millier de demain, ou trois milliers, ou dix, tellement de temps que vous pouvez vous y baigner, vous y roulez, le laisser filer entre vos doigts comme des pièces. Tellement de temps que vous pouvez le gaspiller.
Mais pour certains d'entre nous, il n'y a qu'aujourd'hui. Et la vérité c'est qu'on ne peut jamais savoir.
— Lauren Oliver - Before I Fall
Chapitre 52 : There's Only Today
Sirius doutait légèrement de l'intelligence de sa démarche mais il ne s'était jamais laissé arrêter par si peu et, donc, il s'appuya contre le mur, en face de la porte des appartements de Severus et d'Harry et attendit, espérant qu'ils comptaient bien prendre leur petit-déjeuner dans la Grande Salle et qu'il n'aurait pas à poiroter trop longtemps.
Il n'avait pas beaucoup dormi la nuit dernière. Il avait ressassé ce qui s'était passé à l'infirmerie, les révélations de la soirée, et avait beaucoup réfléchi.
« Personne n'a nettoyé. » grommela Draco, le regard rivé aux gouttes de sang en bas du mur comme si c'était une offense personnelle.
Emmener le garçon avec lui, ce matin là, n'était probablement pas non plus une excellente idée mais lorsqu'il avait annoncé, en quittant ses appartements, qu'il descendait dans les cachots, le Serpentard s'était empressé de le suivre, arguant qu'il voulait parler à Harry. Sirius avait pensé qu'il était peut-être nerveux à l'idée de se déplacer seul dans l'école et n'avait pas protesté mais vu l'expression déterminée sur le visage du garçon…
Avant qu'il ait pu lui promettre de demander à un elfe de le faire, la porte s'ouvrit pour laisser sortir Severus qui avait son air des mauvais jours : gardé, renfrogné et très mécontent de le trouver là.
« Que veux-tu ? » attaqua le Maître des Potions, très visiblement sur la défensive. Contrairement au coquard de son cousin, l'hématome sur son front n'avait pas disparu. La bosse bleue violacée n'arrangeait pas son air revêche.
Ça se comprenait, décida Sirius, en forçant un sourire joyeux sur son visage. « Quoi ? Il me faut une raison pour rendre visite à un ami, maintenant ? »
C'était probablement un signe qu'ils passaient trop de temps ensemble qu'il remarque son léger changement de posture. C'était si subtil que la plupart des gens l'aurait probablement manqué mais Sirius le vit : la manière dont ses épaules perdirent une fraction de leur tension. L'ancien Mangemort ne laissa aucun soulagement apparaître sur son visage mais Sirius le lut néanmoins dans ses yeux noirs et s'en voulut d'avoir été aussi prompt à fuir la veille. Peut-être que s'il s'était attardé à l'infirmerie, s'ils avaient discuté…
Mais il lui avait fallu digérer.
Harry se glissa derrière son père pour sortir des appartements, hissant sa besace sur son épaule tout en terminant de resserrer sa cravate de sa main libre…
« Toi, je te retiens. » plaisanta Sirius, avec suffisamment d'humour pour que tout le monde comprenne bien qu'il n'était pas fâché. « Comment tu as pu me cacher un truc pareil ? »
L'espace d'une seconde, Harry sembla perdu, comme s'il ne savait pas de quoi il parlait, puis la lumière se fit sur son visage et il leva les yeux au ciel.
« Ce n'est pas ma faute si tu es aveugle, Sirius. » ricana l'adolescent. « Il ne m'a fallu que deux minutes dans la même pièce qu'eux et c'était avant qu'ils soient si… » Severus se racla la gorge de manière délibérée et le garçon lui adressa un sourire tout à fait innocent. « Je dis juste que c'était un peu évident. »
« Dis-en moins et concentre toi un peu plus sur l'examen de ce matin. » lui conseilla le Professeur, non sans une pointe d'humour. « Draco, que puis-je faire pour vous ? »
« Convaincre Nymphadora que je peux très bien vivre dans les dortoirs ? » rétorqua le Serpentard mais, devant l'expression intransigeante de son Directeur de Maison, il leva les yeux au ciel. « C'est Potter que je voulais voir. »
« Tu as intérêt à avoir mes fiches. » grommela Harry, en faisant plusieurs pas dans le couloir, sans s'embarrasser d'attendre les adultes.
« Quelles fiches ? » rétorqua Draco. « Ce n'est pas moi qui ai tes fiches. »
« Bien sûr. » railla le Gryffondor. « C'est drôle comme tu étais la dernière personne a les avoir en mains avant qu'elles ne disparaissent. »
Les deux adolescents s'éloignèrent en se chamaillant, un peu trop rapidement pour lui et Severus qui suivaient à un pas plus mesuré. Le Maître des Potions ne sembla pas apprécier qu'ils s'éloignent trop.
« On ne peut pas les surveiller à chaque seconde, dans chaque couloir. » lui rappela Sirius, avant qu'il puisse les rappeler. « Même si c'est tentant. »
Severus lui jeta un regard en coin, l'étudia quelques secondes, puis lâcha un bruit amusé.
« Tu as demandé à Kreattur de garder un œil sur eux. » devina son ancien rival.
« Disons que si quelqu'un d'autre a l'idée saugrenue d'attaquer l'un ou l'autre, il aura une surprise. » répondit tranquillement Sirius, en enfonçant les mains dans les poches. Il attendit quelques secondes, le temps d'être certain que les adolescents n'étaient plus à portée de voix, puis soupira. « Tu aurais dû me le dire. »
« Parce que je te dois des comptes, maintenant ? » rétorqua sèchement Severus, à nouveau sur la défensive.
« Parce que tu sais très bien que je la considérerai toujours comme un bébé. » riposta-t-il.
« Nymphadora n'est plus une enfant depuis longtemps. » s'agaça l'homme.
« Oui, je suppose que tu le sais mieux que personne vu que tu étais là quand elle a passé ses A.S.P. . » cingla-t-il. Exactement ce qu'il n'avait pas voulu dire. Il grimaça. « Désolé. »
Le Professeur se renfrogna davantage alors qu'ils arrivaient à une partie plus fréquentée des cachots. Ils ne croisèrent heureusement que peu d'élèves et la plupart étaient trop occupés pour leur prêter attention.
« J'ai conscience de ce dont cela a l'air. » soupira le Professeur.
« Je sais que ce n'est pas ce dont ça a l'air. » le rassura-t-il. « Déjà, parce qu'elle est trop intelligente pour s'être amourachée d'un enseignant et, surtout, parce que malgré tous tes défauts, tu n'es pas un pervers. »
Severus n'eut pas vraiment l'air de savoir comment le prendre mais il finit par émettre un autre bruit amusé. « Quel compliment. »
« Tu couches avec ma petite cousine, le bébé de la famille, alors ne t'attends pas non plus à ce que je saute de joie. » grommela-t-il.
« Techniquement, Draco est plus jeune. Ne devrait-il pas être considéré comme le bébé ? » remarqua l'ancien espion, tentant probablement de noyer le poisson.
Il refusa de se laisser distraire. « Tu sais très bien ce que je veux dire. »
« Oui, je le sais, mais que veux-tu que je te dise, Sirius ? » s'énerva l'autre sorcier. « Le reste du pays ne semble parler que de ça et ce n'est pas comme si nous nous cachions réellement, ces derniers temps. »
« Le reste du pays ? » releva-t-il, sourcils froncés.
Ils s'arrêtèrent en bas des escaliers qui menaient au hall d'entrée, principalement pour que Severus puisse faire une pause avant d'attaquer les marches.
« Le Seigneur des Ténèbres est au courant et a mis sa tête à prix. » admit l'ancien Mangemort, visiblement à contrecœur. « Et pourquoi crois-tu que l'on m'ait soudain donné un Ordre de Merlin ? Scrimgeour est très attaché à elle et à sa carrière. »
Il lui apparut soudain qu'il était encore plus idiot qu'il ne le pensait déjà. « Attends… Je suis vraiment la dernière personne au courant ? »
Severus évita son regard. « Je suppose que personne n'a encore annoncé la chose à Molly ou Mondingus. »
« Dumbledore ? » demanda-t-il, en connaissant déjà la réponse.
« Albus contrôle les protections du domaine. Ses allées et venues n'auraient pas pu passer longtemps inaperçu, surtout vu ses heures de visite. » marmonna Severus.
« McGonagall ? » insista-t-il. Parce que, sûrement, il n'était pas allé se confier à la vieille femme.
Mais un sourire amusé joua quelques secondes sur les lèvres de l'ancien Mangemort, comme s'il s'agissait d'une excellente plaisanterie. « Oh, Minerva a compris avant moi… »
Il y avait une histoire là-dessous qui devrait attendre qu'ils puissent s'asseoir autour d'un verre parce que le milieu du couloir n'était pas le lieu et ce n'était pas le moment s'ils voulaient manger quelque chose avant la fin du petit-déjeuner.
Et il avait des questions plus urgentes.
« Tu as dis que ça durait depuis plusieurs mois, hier soir… » hésita-t-il.
Severus sembla débattre avec lui-même puis haussa les épaules. « Depuis le soir où vous avez récupéré un échantillon de la potion des loups-garous. »
Sirius dût faire un effort pour garder la bouche fermée.
Certes, il s'était passé tellement de choses entretemps que ça semblait plus lointain que ça ne l'était en réalité mais… C'était il y avait vraiment longtemps. Et il n'avait rien soupçonné. Il n'avait…
« Cependant, s'il nous faut être précis, ce n'est sérieux que depuis que ma couverture a sauté. » continua l'homme, avant de se pincer l'arrête du nez. « Encore que cela ait commencé à être sérieux avant ce jour là, mais c'est à ce moment là que nous avons décidé qu'il s'agissait d'une vraie relation et pas de quelque chose de plus léger. »
C'était une manière bien polie de désigner une histoire de cul.
Ce à quoi il ne voulait vraiment pas penser.
Il préférait encore la version où ils étaient amoureux.
Bien que le mot n'ait toujours pas été prononcé.
« Par sérieux, tu veux dire… » lâcha-t-il. Aucune réponse ne vint. Le Professeur était insondable. « Non, parce que tu as mentionné le mariage, hier… »
« En plaisantant. » clarifia rapidement Severus, avant de grimacer. « Elle n'est pas prête. Et moi non plus. C'est beaucoup trop tôt pour l'envisager. »
Sirius tenta vraiment de ne pas ciller comme un idiot. « Mais c'est un projet ? »
« C'est… » commença le Maître des Potions, avant de s'interrompre. « Pourquoi suis-je en train de parler de ça avec toi ? »
Cette partie fût marmonnée et il entama l'ascension de l'escalier avec mauvaise humeur.
« Parce que je suis ton meilleur ami et que tu m'as caché un truc énorme. » rétorqua-t-il.
« Cesse de dire à tout va que je suis ton meilleur ami. » grommela l'ancien Mangemort. « C'est suffisamment pénible d'admettre que nous puissions être simplement amis. »
Il n'y avait aucune hostilité dans la voix de son rival, à peine une affection un peu bourrue, alors Sirius se prit à sourire. « Tu sais que si tu l'épouses, on sera cousins. »
Il adorait le faire tourner en bourrique.
« Avec un peu de chance, tu seras mort avant. » grinça Severus.
Sirius ne le prit pas mal parce qu'il savait qu'il ne le pensait pas. Et il y avait vraiment plus important là tout de suite.
« Tu en es vraiment à penser mariage ? » insista-t-il.
Malgré les protestations et les railleries, il y avait une certain solennité dans le regard de l'ancien espion qui lui faisait dire que c'était moins une idée en l'air que quelque chose qu'il désirait.
« Contrairement à Lupin, je mesure précisément la chance que j'ai. » répondit le Professeur. « Elle est… Je serais stupide de ne pas vouloir m'engager sur le long terme. »
Cela répondait à une question que Sirius n'osait pas poser.
Cet idiot était amoureux de Tonks.
Il n'était pas inconscient au point d'en faire la remarque à voix haute, cependant.
« Très bien. » soupira-t-il, alors qu'ils émergeaient dans le hall d'entrée et se dirigeaient vers la Grande Salle. « Je suppose que j'approuve. »
Severus leva les yeux au ciel. « Ai-je jamais demandé ton approbation ? »
« Si tu n'en avais rien eu à faire, tu me l'aurais dit avant. » remarqua-t-il.
Il s'attendait à ce que l'homme nie tout en bloc mais le Maître des Potions le surprit.
Il sembla batailler quelques secondes avec lui-même puis admit, d'un ton sec et presque froid : « Cela m'aurait peiné de perdre notre amitié. »
Trop estomaqué pour répondre, Sirius le regarda partir devant avec un peu de précipitation et beaucoup de gêne.
Ou de pudeur.
Patmol n'avait ni l'un, ni l'autre et il le rattrapa rapidement, sans résister à l'envie de jeter un bras amical par-dessus ses épaules, uniquement pour l'embêter et le pousser à se dégager en protestant comme un chat effarouché, devant tous les élèves.
Les ricanements et les rires les poursuivirent jusqu'à la Grande Table où Dumbledore les observait, en secouant la tête, une étincelle amusée dans le regard.
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Malfoy ne voulait pas admettre qu'il avait volé ses fiches.
Tout ce dont il voulait parler sur le chemin qui menait à la Grande Salle était Severus et Tonks. Harry avait déjà levé les yeux au ciel trois fois lorsqu'il repéra Zabini à la table des serpents avec ce qui semblait être le reste des cinquièmes années de Serpentard au grand complet. Cela ressemblait fort à un conciliabule mais il ne laissa pas un détail pareil l'arrêter. Le Sang-Pur qui continuait à déblatérer tout seul sur les talons, il se dirigea droit vers eux.
« Zabini, fais taire ton meilleur ami avant que je ne le trucide ! » s'exclama-t-il, à bout de patience.
Leur arrivée sembla prendre les cinquièmes années de court.
Puis tout le monde se mit à parler en même temps, même Grabbe et Goyle. L'avalanche de reproches plut sur eux, presque incompréhensibles, et, surpris, Harry fit un pas en arrière, laissant Malfoy faire face à l'animosité ambiante du reste de sa maison.
« Espèce de crétin ! » s'exclama finalement Parkinson, sa voix de crécelle s'élevant au-dessus des autres.
Elle se leva du banc pour se précipiter vers Malfoy qui leva les mains devant lui, sur la défensive. « Pansy… »
Le Gryffondor fit tomber sa baguette dans sa main d'un coup de poignet, juste au cas où…
Mais Parkinson se contenta de l'étreindre rapidement, cillant beaucoup comme si elle luttait contre des larmes, avant de reculer et de lui frapper le bras avec suffisamment de force pour que le Sang-Pur grimace.
« Qu'est-ce qui te prend ? » râla Malfoy.
« Qu'est-ce qui lui prend ? » siffla Greengrass. « Tu as disparu, Draco. Nous t'avons cherché partout pendant des heures. »
« Tes affaires n'étaient plus dans le dortoir. » marmonna Goyle.
« Des septièmes années aux inclinations avérées étaient introuvables. » renchérit Zabini.
« On a cru que tu étais mort. » soupira Nott, comme si l'affaire l'ennuyait plus qu'autre chose. « Cela en contrariait certains plus que d'autres. »
« Sans blague. » railla Malfoy, en toisant ses camarades, surtout ceux dont l'allégeance allait à Voldemort. « Et depuis quand ça vous tracasse, ce qui peut m'arriver ? Je pensais que je n'étais qu'un traître à son sang ? »
Harry se tint en retrait, bras croisés, baguette rangée dans sa manche, mais rechignant à abandonner le Serpentard même si c'était son but originel.
« Ne sois pas stupide ! » s'énerva Parkinson, en remettant nerveusement en place une mèche de cheveux derrière son oreille. « Tu t'es peut-être entiché d'une Sang-de-Bourde et fait des choix… malencontreux, dernièrement, mais ce n'est pas pour ça que nous voulons que tu meures ! » Elle sembla hésiter, regarda nerveusement du côté des élèves plus âgés, puis grimaça. « Draco… »
L'expression de Malfoy, pourtant aussi hautaine et dédaigneuse que d'habitude, s'adoucit légèrement. « Je n'ai rien du tout. Il s'avère que Black n'a pas d'héritier et… »
« Épargne-nous le baratin. » soupira Nott. « Rowle et Travers ont été arrêtés. Les clowns qui passent pour des recrues d'Aurors sont venus fouiller leur dortoir, ce matin. »
« Ils ont fait du zèle. » ajouta Greengrass. « Ils ont inspecté les avant-bras de tout le monde. »
Dora n'avait sans doute pas autorisé ça, devina Harry, mais ses recrues étaient indisciplinées et peu compétentes, de toute manière. Il l'avait entendue plaisanter – à moitié – que Severus aurait peut-être dû faire un cours de Défense spécial juste pour eux. Le Professeur avait refusé tout net.
« On s'en fiche. » déclara Parkinson, en balayant l'air de la main. « L'important c'est que tu ne nous ais pas prévenus que tu allais bien. »
« On aurait pu croire que l'important soit que j'aille bien, tout court. » marmonna Malfoy. Cela lui valut une seconde claque sur le bras de la part de Parkinson. « Pansy ! »
« Ça t'apprendra à m'inquiéter ! » s'agaça la jeune fille, avant de tourner les talons pour aller s'installer plus loin. Le reste des cinquièmes années suivit en pestant après Malfoy mais Harry détecta une certaine affection derrière la froideur de façade.
Au moins, les autres tables étaient trop occupées par le manège de Sirius et de Severus pour s'intéresser à eux. Son parrain semblait déterminé à faire sortir son père de ses gonds mais ça semblait plus amical qu'autre chose alors il n'intervint pas.
Zabini fût le seul à rester assis là où il était et Harry se laissa tomber à côté de lui, sans plus y penser, laissant Malfoy faire le tour de la table.
« Les filles ! » se plaignit ce dernier, dès qu'il eut pris place.
« En parlant de filles, j'espère que tu as une meilleure explication prévue pour Granger parce que la réaction de Pansy sera plaisante en comparaison de la sienne. » lâcha Zabini, visiblement contrarié. « Elle t'a cherché partout, hier soir. Et toi aussi d'ailleurs, Potter. »
Harry se figea, la tartine qu'il venait de beurrer à quelques centimètres de sa bouche.
« C'est la faute de Malfoy. » décréta-t-il. « Il s'est laissé kidnapper. »
Le Sang-Pur s'étouffa presque dans son jus de citrouille, ce qui lui valut plusieurs regards désapprobateurs de la part des autres serpents. Les manières à table comptaient à Serpentard.
« Je ne me suis certainement pas laissé kidnapper. » contra le garçon.
« Je l'ai sauvé. » continua-t-il, comme si le Serpentard n'avait pas ouvert la bouche.
« Ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé ! » protesta Malfoy.
Les yeux sombres de Zabini passaient de l'un à l'autre, sans aucun amusement. « Et aucun de vous ne s'est dit que prévenir vos amis, des amis qui vous connaissent trop pour ne pas s'inquiéter dès que vous disparaissez plus de cinq minutes consécutives, était une bonne idée ? »
Mouché, Harry échangea un regard avec Malfoy. Ils baissèrent tous les deux la tête, un peu honteux parce que cela ne leur était même pas venu à l'esprit.
Zabini poussa un long soupir. « Nous étions inquiets, Draco. Tous. » Il fit un geste de la tête vers l'endroit où le reste des cinquièmes années de Serpentard s'étaient retranchés. « Ils ne sont peut-être pas du même côté que nous mais ça ne veut pas dire qu'ils ont oublié qu'on a grandi ensemble. C'est une chose de dire que tu mérites ta déchéance parce que tu sors avec Granger, une autre de véritablement penser qu'il puisse t'arriver quelque chose. La plupart d'entre eux s'en sont aperçu hier soir. »
Malfoy leva les yeux au ciel mais la morgue était là pour la forme. « Très bien, je regrette de vous avoir inquiété. Mais ce n'était pas mon choix de quitter le dortoir. »
« Racontez-moi, avant que Granger n'arrive et ne vous réduise en ingrédients pour potions. » exigea Zabini.
Harry s'exécuta, souvent interrompu par Malfoy qui voulait corriger un détail ou insistait pour dire que le Gryffondor exagérait et qu'il aurait parfaitement pu maîtriser Rowle seul.
« Et ensuite Nymphadora est devenue complètement hystérique et m'a interdit de retourner dans les dortoirs. » conclut Malfoy, ayant à nouveau coupé la parole à Harry. « Ce qui me ramène au point important que Potter et moi devons discuter. »
« Non. » lâcha Harry, se penchant légèrement en arrière pour voir l'entrée de la Grande Salle, espérant un peu qu'Hermione allait apparaître et le sauver.
« Potter. » grinça Malfoy.
« Non. » répéta-t-il.
« Harry. » siffla le Sang-Pur.
« Encore moins. » cracha-t-il.
Zabini les regardait avec curiosité – et amusement, ce coup-ci. « Puis-je savoir ? »
« Non. » déclara-t-il, au moment précis où Malfoy poussait un soupir théâtral.
« Snape et Nymphadora. » lâcha la plaie de son existence.
Harry le foudroya du regard. « Mais tu vas la fermer, oui ? »
« Ah. » commenta Zabini, en coupant en deux une tranche de bacon d'un geste précis de son couteau. « Je suis au regret de te dire que ce n'est plus véritablement un secret, Potter. Elle a été vue quittant les cachots à l'aube, plus d'une fois. » Le garçon marqua une pause. « Qui plus est, lorsque Snape est venu nous débarrasser du serpent qui avait élu domicile dans le lit de Draco, elle était avec lui. En plein milieu de la nuit. Et la manière dont ils se comportaient tous les deux… »
« Oh, crois-moi, je sais. » grogna-t-il.
« Non, mais c'est pire que ce que nous soupçonnions. » grinça Malfoy, en baissant la voix dans un chuchotement furieux. « Il ne s'agit pas d'une simple liaison illicite ! Ils ont… des sentiments ! »
Personne, la veille, n'avait parlé de sentiments.
Toutefois, il supposait que c'était extrêmement évident – pour tout le monde sauf pour Sirius, apparemment. Il espérait que son parrain n'allait pas causer de difficultés.
L'amusement de Zabini sembla augmenter d'un cran mais c'était toujours dur à déterminer avec lui. « Tu m'en diras tant. »
Harry beurra résolument une deuxième tartine.
« Et c'est pourquoi il nous faut y mettre un terme. » déclara Malfoy, pas pour la première fois ce matin là.
« Malfoy… » lâcha-t-il calmement, en étalant une généreuse dose de confiture à l'abricot sur le beurre, sans lever les yeux de son petit-déjeuner. « Si tu tentes de les séparer ou de créer des problèmes, je vais te botter le cul si fort que tous les illustres ancêtres de ta stupide famille vont le sentir dans leur tombe. »
Zabini étouffa son rire dans sa tasse de thé.
Le Serpentard le dévisagea comme s'il était particulièrement stupide. Ce n'était pas nouveau, il le faisait souvent, mais, ce matin là, il avait l'air de penser qu'Harry était extrêmement idiot.
« Potter, je vois bien que tu es perdu dans ton petit fantasme de papa et maman, mais reviens sur terre une seconde et rends-toi compte de ce qu'une relation sérieuse entre eux implique. » gronda Malfoy.
Imperturbable, bien qu'agacé par le sous-entendu qu'il souhaitait juste reformer une famille – et quand bien même, râla-t-il intérieurement – Harry croqua dans sa tartine.
« Tu te rends compte que tant qu'elle est ma tutrice et que vous jouez à être père et fils… » insista le Serpentard.
« Nous ne jouons pas. » l'interrompit-il froidement.
Malfoy l'ignora. « Cela signifie que s'ils s'installent ensemble, nous serons probablement forcés de cohabiter à un moment donné. Pire, s'ils se marient… »
« Ah, ces vilaines rumeurs qui vont refaire surface si cela se sait que tu ne veux pas de Potter comme frère parce que… » intervint Zabini, pince-sans-rire. « Parce que… quoi, déjà ? Il y a pire sort que d'avoir le Survivant comme frère pour ta réputation… »
Harry émit un bruit dégoûté. « Nous ne serons pas frères. Même s'ils se marient. »
Les deux Sang-Purs lui jetèrent un regard, comme s'il venait de dire quelque chose de stupide. Ce fût Zabini qui expliqua, un peu plus poliment que ne l'aurait fait Malfoy.
« Les sorciers prennent les tutelles très au sérieux. Dans les faits, un tuteur est l'équivalent d'un parent. Si Tonks est sa tutrice et que Snape est ton tuteur et qu'ils se marient… Aux yeux de la communauté magique, ce serait comme si vous étiez frères. La parenté sanguine, dans ce cas de figure, n'entrerait pas en ligne de compte. »
Une bonne chose qu'il ne se soit jamais préoccupé de ce que la communauté magique pensait.
Il haussa les épaules.
« Tant que je n'ai pas à partager ma chambre, ça m'est égal. » décida-t-il.
Malfoy se couvrit le visage de la main avec un grondement étouffé. « Potter. »
« Écoute, tu as des parents. » cingla-t-il. « Et j'espère pour toi que lorsque cette guerre sera finie, tu pourras retourner vivre avec eux, même en sachant qui est ton père. » Parce qu'il avait beau détester Lucius, il ne souhaiterait jamais à personne de perdre ses parents. « Mais moi j'ai Severus. Et Severus est heureux avec Tonks. Et il se trouve que j'aime bien Tonks. Alors tu vas te mêler de tes affaires. Parce que, tu l'as dit hier soir, ta tutelle est temporaire. Moi, c'est ma vie. »
Le Serpentard l'observa avec agacement, touchant, sans sembler s'en rendre compte, le sceau qu'il avait passé à son doigt lorsqu'Harry le lui avait rendu la veille. C'était devenu un tic. Toutes les deux minutes, il le touchait.
Le Gryffondor comprenait. Si on lui avait arraché le sceau des Prince…
Par réflexe, il fit tourner la lourde bague autour de son doigt.
Heureusement, ou malheureusement, la conversation s'arrêta là parce que les Gryffondors venaient d'arriver, pratiquement au grand complet. Et chargeaient vers eux.
Hermione en tête.
Mais Ron et Ginny étaient juste derrière.
« Où étiez-vous passé ?! » beugla Hermione, plus qu'elle ne le demanda.
« Tu n'as rien ? » enchaina Ron, en le trainant pratiquement hors du banc pour mieux l'inspecter. « Putain, pourquoi tu ne nous as pas envoyé un message ?! Un Patronus ! N'importe quoi ! »
Ginny le foudroyait du regard, les jumeaux avaient l'air agacé, Neville était plus compatissant mais semblait contrarié, Dean et Seamus semblaient un peu amusés mais tout aussi inquiets que les autres, Lavande et Parvati le regardaient avec désapprobation…
« Euh… » lâcha-t-il.
« Tu nous as dit que tu descendais voir Snape et que tu n'en avais pas pour longtemps. » gronda Ron. « Et ensuite tu as disparu ! Et pendant ce temps, on ne trouvait plus Malfoy non plus ! »
« Je vous avais prévenus. » lâcha Zabini alors que lui et Malfoy se mettaient à balbutier des explications qui se contredisaient parfois. Greengrass revint sur ses entrefaites, désirant l'explication plus détaillée que celle que le Sang-Pur avait fourni au reste des cinquièmes années de sa Maison… Elle se percha sur les genoux de Blaise qui cala son menton sur son épaule pour mieux regarder le spectacle…
Hermione était furieuse.
Et Ginny n'avait pas prononcé un mot mais Harry sentait son regard meurtrier sur son profil bien qu'il fasse un effort pour se concentrer principalement sur Ron.
« Et Tonks m'a ordonné d'emménager avec Sirius. » termina Malfoy, qui n'en menait visiblement pas très large et se frottait le bras là où Hermione l'avait frappé plusieurs fois.
« Eh bien, il y a au moins une personne sensée dans cette école. » siffla la lionne.
« Sensée, sensée… » bougonna le Sang-Pur. « Tu savais qu'elle et Snape… »
« Mais il faut que je fasse quoi pour que tu te taises ? » intervint Harry, sous les exclamations incrédules du public qu'ils avaient accumulé. « Que je te provoque en duel ? »
La majorité de l'A.D. se tenait désormais groupée autour d'eux et la plupart des élèves attablés alentour écoutaient attentivement, avides de ragots. Ils étaient debout autour de la table des serpents et avaient visiblement attiré l'attention de la table des professeurs. McGonagall n'allait pas tarder à venir les disperser, vu ses lèvres pincées.
« Snape et Tonks, quoi ? » demanda curieusement Ron. Malfoy lui lança un regard lourd de sens qui le fit éclater de rire. « C'est ça, oui ! Tu as pris un sort de confusion en pleine tête ou quoi ? Tonks. Tu as vu Tonks ? Elle est… »
« Elle est quoi, Ronald ? » demanda froidement Lavande.
« Oui, elle est quoi, Ronald ? » répéta le Sang-Pur, soudain moins bien disposé. « C'est de ma cousine que tu parles, je te rappelle. »
Embêté, Ron chercha le regard d'Harry qui préféra sagement détourner les yeux. Il savait très bien ce que son meilleur ami voulait dire parce qu'ils en avaient déjà plaisanté cet été au Square Grimmaurd. Mais c'était il y a une éternité et c'était bien avant que…
« Laisse-moi en dehors de ça. » plaida-t-il, avec un regard en coin pour Ginny qui, décidemment, n'avait pas l'air très heureuse.
« Ce n'est pas une discussion très appropriée. » décréta Hermione, en se raclant la gorge. « Et ce n'est pas le sujet. Tu aurais dû… »
« Excuse-moi, c'est un peu le sujet. » la coupa Ron, avec un bruit amusé. « S'il pense vraiment que Tonks est avec Snape, il débloque et on devrait le ramener chez Madame Pomfresh. Harry, dis-lui, toi. »
Tous les regards se tournèrent vers lui et il grimaça. Il ne voulait pas mentir comme si la chose était ridicule ou honteuse. Et ce n'était plus un secret, si ? Mais ce n'était pas non plus ses affaires et…
Dans le silence chargé qui suivit son absence de réponse, Greengrass soupira. « Il doit être riche. »
Il se tourna vers la blonde avec agacement. Comme si ça avait été la seule explication à…
« Ou alors il n'est pas bon qu'en Potions… » remarqua Lavande.
Harry, les yeux écarquillés d'effroi, pivota vers sa camarade, uniquement pour entendre une dizaine d'autres spéculations différentes sur ce que Tonks aurait pu trouver à leur Professeur de Défense.
« Non, mais, attends… » insista Ron, en lui tirant la manche dans la cacophonie. « C'est une blague, hein ? Non parce que je ne veux pas insulter ton père ou quoi, mais Tonks est quand même très, très… Et Snape… C'est Snape. Enfin, tu comprends… »
Plus qu'énervé, Harry croisa le regard gris de Malfoy. « Satisfait ? »
Un bruit sec mais si fort qu'il avait dû être amplifié par un léger sonorus mit un terme aux conversations qui avaient attiré l'attention de ce qui semblait être l'école entière. Tous les adolescents détournèrent soudain les yeux ou se trémoussèrent sur place sous le regard noir qui les fixait avec une irritation certaine.
Comment Severus et sa canne étaient parvenus à fondre sur eux sans que personne ne les remarque, ça…
« Dispersez-vous. » ordonna-t-il, sans même élever la voix. L'hématome sur sont front lui donnait l'air encore plus effrayant que d'habitude.
Tout le monde s'enfuit sans demander son reste, Hermione incluse, sauf lui et Malfoy qui n'eut pas la présence d'esprit d'avoir l'air repentant. Et Zabini et Greengrass qui se firent touts petits et continuèrent à avaler leur petit-déjeuner comme si de rien n'était.
« Le dernier jour des examens, vous vous présenterez à mon bureau à sept heures pour une retenue, Draco. » cingla Severus, furieux.
« Je n'ai rien fait ! » protesta Malfoy.
« Deux retenues. » contra le Professeur, imperturbable. Le Sang-Pur serra les dents mais parvint à se contenir. « Peut-être que récurer des chaudrons sales vous apprendra à tenir votre langue sur la vie privée de vos enseignants. Daphné, il y a des sièges, utilisez-les. »
Sans un regard, un souffle ou un mot, Greengrass glissa des genoux de Zabini au banc à côté de lui.
Harry se tint immobile, attendant que l'orage passe. Les yeux noirs passèrent sur lui et Severus ne dit rien mais il pressentit qu'il allait en entendre parler une fois qu'ils seraient seuls. Le Maître des Potions se détourna mais n'avait fait que deux pas vers la table des Professeurs lorsque Malfoy perdit son calme.
« Ce n'est pas juste. » décréta-t-il. « Et je vais lui écrire pour lui dire que vous me persécutez. »
Harry leva les yeux au ciel.
Zabini ferma les paupières comme s'il ne pouvait pas croire à tant de bêtise.
Quant à Greengrass, elle enfouit son visage dans l'épaule de son petit-ami pour mieux cacher son amusement.
« Faites donc. » lâcha Severus, en se retournant pour mieux le fusiller du regard. « Souvenez-vous simplement que tant que vous êtes au sein de cette école, vous êtes soumis à mon autorité et pas à la sienne. » L'homme marqua une pause, puis leva les sourcils. « Sans mentionner le fait que je suis certain qu'elle sera enchantée que vous ayez choisi de révéler des informations privées à tout Poudlard moins de douze heures après qu'elles vous aient été confiées. »
« Je désapprouve. » annonça le Sang-Pur, un peu trop fort vu les regards avides de scandale de tous ceux qui prétendaient ne pas suivre la conversation.
« Si seulement je me souciais de votre opinion. » se moqua le Professeur. « Une semaine de retenues, Mr Malfoy. Terminez votre petit-déjeuner, il serait malheureux d'échouer à votre examen de Potions parce que vous n'auriez pas l'esprit clair. »
Severus s'éloigna à pas agacés, la menace planant dans son sillage.
« Tu es suicidaire. » commenta Zabini, en secouant la tête. « Qu'est-ce qu'il t'a pris ? »
« Nymphadora est ridicule mais c'est une Black et elle mérite mieux. » cracha Malfoy.
Harry aurait probablement fait quelque chose de très inconsidéré, comme sauter par-dessus la table pour lui mettre son poing dans la figure, si Greengrass ne s'était pas brusquement levée, et ne s'était pas plantée devant lui. Il se demanda s'il était évident qu'il voulait frapper Malfoy.
« Je croyais que tu en avais terminé avec tes préjugés stupides ? » rétorqua-t-il, en étirant le cou pour le regarder par-dessus l'épaule de la jeune fille. « Hermione sait que tu crois toujours à ces conneries ? »
Le Serpentard eut le mérite d'avoir l'air gêné. « Ce n'est pas ce que je veux dire. Simplement… »
« C'est un Prince. » l'interrompit-il, indiquant d'un signe de la tête que Greengrass pouvait se rasseoir. Ce qu'elle fit après une seconde d'hésitation. « Ça vaut deux fois un Black. Ou un Malfoy. »
« La Maison a disparu. » contra Malfoy.
« Ça ne change pas son arbre généalogique. » remarqua Zabini, agacé lui aussi. « Franchement, Draco… »
Les deux Serpentards échangèrent un long regard lourd de sens puis Malfoy détourna la tête, les joues rougies.
« Très bien, c'est un argument stupide. » admit le Sang-Pur. « Mais je n'approuve pas, je maintiens. Et je vais écrire à ma tante, dès ce soir. Quelqu'un doit faire entendre raison à Nymphadora… »
« Oui, c'est sûr que la femme qui a fui les Black et a été reniée par amour pour un Né-Moldu va prendre ton parti et dire à sa fille qui elle doit aimer. » railla-t-il, en secouant la tête. « Tu es pathétique, Malfoy. »
Il planta là le Serpentard et alla rejoindre le reste de ses amis à la table des Serdaigles. Seulement, là aussi, la conversation tournait autour de son père et de Tonks comme si c'était le ragot le plus croustillant que Poudlard avait eu à se mettre sous la dent depuis longtemps.
Un coup d'œil à la table des Professeurs révéla que Severus se pinçait l'arrête du nez et était visiblement occupé à envoyer balader des collègues trop curieux sous le regard amusé du Directeur et de la sous-directrice. Sirius paraissait trouver l'affaire hilarante et ne lui était d'aucune aide.
Harry aurait voulu leur rappeler, à tous, qu'il y avait une guerre qui se jouait là-dehors.
Le regard de Ginny accrocha le sien par-dessus un plat d'œufs brouillés.
Il marmonna une excuse et quitta la Grande Salle pour mieux se cacher dans une des alcôves près de l'escalier. Lorsqu'elle passa à proximité, quelques minutes plus tard, il l'attrapa par la taille et l'attira dans sa cachette.
Il l'embrassa sans lui laisser le temps de lui reprocher de ne pas les avoir rassurés sur son sort, la veille au soir.
Heureusement pour lui, elle semblait d'humeur à se laisser distraire.
« Ce n'est pas une très bonne cachette. » remarqua-t-elle, riant à moitié sous ses baisers.
« Je ne veux pas me cacher. » répondit-il, un peu hésitant.
Ils n'avaient rien dit à personne, se donnaient des rendez-vous secrets, passaient discrètement des mots pliés en quatre, se retrouvaient dans des classes vides ou des alcôves… Le secret était un peu excitant et il aurait menti s'il avait dit que ces rencontres illicites ne l'amusaient pas mais il ne voulait pas non plus qu'elle pense qu'il ne voulait pas dire la vérité…
« Crois-moi, tu ne veux pas que mes frères l'apprennent. » rétorqua-t-elle, en le regardant en face. « Pas tout de suite. »
Il repoussa les lourdes mèches de sa queue de cheval derrière son épaule, passant ses doigts dans l'épaisse masse rousse.
« Je suis désolé si tu t'es inquiétée. » murmura-t-il. « Je n'avais rien du tout. Si Dumbledore et Sirius n'avaient pas fait de zèle, on n'aurait même pas eu besoin d'aller à l'infirmerie pour Severus. »
« Envoie-moi un Patronus, la prochaine fois, ou tu me le payeras. Et je ne plaisante pas. » exigea-t-elle.
Il savait qu'elle ne plaisantait pas. Et ses sortilèges de chauve-furies étaient suffisamment célèbres chez les Weasley pour qu'il ne veuille pas s'y frotter. « Promis. »
Elle l'embrassa à nouveau et ils passèrent plusieurs minutes ainsi plaisamment occupés jusqu'à ce que la première sonnerie ne les oblige à se séparer avec un grognement.
« On se retrouve après mon examen de Potions ? » demanda-t-il.
« Tu ne veux pas plutôt réviser pour la pratique de cet après-midi ? » le taquina-t-elle.
« Tu peux m'aider à réviser si tu veux. On peut pratiquer tout ce que tu veux. » proposa-t-il, volant plusieurs baisers consécutifs pour le simple plaisir de la faire glousser. Puis il approfondit le baiser et il oublia complètement que…
Elle le poussa avec un amusement manifeste. « Va-t-en, avant de rater tes B.U.S.E.s. Snape te tuera et, ensuite, ce sera mon tour pour t'avoir distrait… »
Son rire joyeux le poursuivait encore lorsqu'il sprinta jusqu'à la Grande Salle rejoindre le reste de son année.
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Draco attendit la fin du petit-déjeuner pour les rejoindre à la table de Serdaigle, l'air sombre et très légèrement ennuyé.
Hermione le regarda approcher par-dessus son livre de Potions puis reporta les yeux sur le texte, tournant délibérément une page avec un peu trop d'agressivité lorsqu'il se glissa à côté d'elle sur le banc. Ginny, Harry et Neville étaient déjà partis Susan, Hannah, Parvati et Padma se posaient des questions de dernière minute sur les propriétés du sang de dragon pour être sûres de n'en oublier aucune quant à Ron et Lavande, ils étaient trop occupés à s'embrasser à pleine bouche pour se préoccuper de l'examen qui suivrait.
Ils restèrent une bonne minute comme ça : Hermione feignant de lire son livre et Draco la regardant avec une impatience grandissante.
« Granger… » finit-il par soupirer.
« Je n'ai pas dormi de la nuit. » cingla-t-elle. « Alors laisse-moi réviser parce que si je loupe cet examen à cause de toi… »
Il émit un bruit amusé. « Tu sais très bien qu'il n'y aucune chance pour que tu loupes quoi que ce soit. »
Elle pinça les lèvres avec irritation et tourna la page. C'était flatteur que tout le monde pense qu'elle ne pouvait pas échouer mais c'était aussi un peu réducteur. Comme si elle ne méritait pas ses notes. Comme si c'était moindre parce que c'était facile. Comme si elle ne travaillait pas avec acharnement. Comme si…
« Hermione… » reprit-il, plus bas. Une supplique.
Une concession.
Parce qu'il ne cacha pas la fatigue dans sa voix, la tension.
Elle ferma son livre avec un soupir. Il avait beau avoir raconté l'épisode de la veille avec légèreté, s'en être presque moqué comme si ce n'était qu'une aventure un peu gênante, cela avait dû le secouer. Sans compter qu'ils lui avaient fait du mal.
« C'est une bonne chose que tu ne vives plus chez les Serpentards et je ne comprends pas pourquoi personne ne t'a forcé à déménager avant. » lâcha-t-elle. « Les adultes dans cette école sont parfois irresponsables. De ce que disait Harry, je pensais que Snape était un peu plus digne de confiance mais qu'il ne t'ait pas sorti de là avant… »
« Pour être franc, il a essayé. » admit Draco. « J'ai refusé plusieurs fois. »
« Tu es un élève, lui ton Directeur de Maison. » rétorqua-t-elle. « Tu n'aurais même pas dû pouvoir refuser. »
Mais elle savait que McGonagall n'aurait pas lutté trop ardemment non plus aurait-il été à Gryffondor. Les sorciers ne semblaient jamais prendre les choses suffisamment au sérieux.
Comme lorsqu'ils avaient décidé de cacher une pierre philosophale en plein milieu d'une école, par exemple.
« La question ne se pose plus de toute manière. » grommela son petit-ami. « À présent, je vais devoir vivre avec Sirius Black et je rentrerai dans l'Histoire comme le Malfoy qui aura déshonoré sa Maison parce qu'il n'était pas capable de faire face à trois crétins. »
Elle l'étudia attentivement, retraça du pouce le contour tuméfié de son œil. L'hématome était pratiquement invisible, déjà résorbé. La magie permettait des choses incroyables mais ce n'était pas parce qu'on soignait les blessures qu'on les oubliait aussi facilement…
Il inclina la tête, nichant la joue dans sa main.
Et, malgré elle, elle sentit son ressentiment et son irritation fondre.
Elle n'était pas douée pour résister aux yeux gris qui avaient accroché les siens, particulièrement lorsqu'ils étaient tristes et un peu blessés.
« Ils t'ont pris en traître. » lui rappela-t-elle.
« Ce n'est pas une raison. » marmonna-t-il.
Ça n'empêchait pas son égo d'être froissé, comprit-elle.
Elle se pencha vers lui pour effleurer ses lèvres des siennes, recula alors qu'il allait affermir le contact. Elle joua à ça une ou deux fois, jusqu'à ce qu'il perde patience et enfouisse la main dans les boucles qu'elle n'avait même pas essayé de dompter ce matin là pour l'embrasser passionnément.
Il y eut plusieurs sifflements facétieux mais ce fût le raclement de gorge désapprobateur de Flitwick qui venait de faire une remarque similaire à Ron et Lavande qui la poussa à mettre un terme au baiser.
Elle marmonna une excuse, rouge comme une pivoine, pressant le dos de sa main contre sa joue cuisante.
Cependant, Draco souriait à nouveau et c'était bien le principal.
°O°O°O°O°
Ron et Lavande attendaient que les portes de la Grande Salle s'ouvrent pour qu'ils puissent prendre place pour leur examen. Appuyé contre le mur, un peu à l'écart de la masse d'élèves qui patientaient, la jeune fille dans ses bras, il volait des baisers lorsqu'il était sûr que les Professeurs qui passaient de temps en temps pour s'assurer que les cinquièmes années ne chahutaient pas trop ne regardaient pas vers eux.
Ils s'étaient déjà faits réprimander par Flitwick et McGonagall ce matin là. Et il ne voulait pas entendre une nouvelle fois qu'il aurait dû montrer l'exemple en tant que préfet.
Quel meilleur exemple aurait-il pu donner ?
Il sortait avec l'une des plus jolies filles de l'école.
« Stressée ? » demanda-t-il finalement à sa petite-amie, qui jouait avec une boucle de ses cheveux blonds.
« Non. » Lavande haussa les épaules. « Je ne veux pas continuer les Potions, l'année prochaine, alors ça m'est un peu égal. Et toi ? »
« Un peu. » admit-il.
Il n'était pas tout à fait sûr de ce qu'il voulait faire plus tard. Percy lui avait envoyé une longue lettre en début de semaine, avant que les examens ne commencent. Contrairement à Charlie ou Bill, il ne s'était pas contenté de lui souhaiter bonne chance ou de lui dire de faire de son mieux, non… Percy lui avait rappelé à quel point ces examens étaient importants, simplement parce que même s'il ne savait pas bien à quel métier il se destinait, cela ne faisait jamais de mal d'avoir le choix. Or pour avoir le choix, il devait avoir le maximum de E et de O. Fred et Georges avaient reçu une lettre similaire et en avait fait une lecture à voix haute un peu moqueuse dans la salle commune.
Ron avait ri avec les autres mais, pour une fois, les mots de son frère ainé ne lui semblaient pas si dénués de sens.
Il avait toujours pensé que lui et Harry deviendraient Aurors mais Harry ne semblait plus vouloir poursuivre dans cette voie dernièrement… Neville se destinait à la Botanique… Hermione allait révolutionner le monde au Ministère… Draco avait un avenir tout tracé au domaine familial et au Magenmagot… Et lui ne savait plus trop.
Tâcher de réussir le maximum d'examens, comme Percy le lui conseillait, afin d'avoir un plus vaste choix de matières parmi lesquelles choisir à la rentrée n'était pas un mauvais plan.
Mais les Potions…
« Oh, rappelle-moi de rendre ses fiches à Harry, après, d'accord ? » demanda-t-il distraitement. « Je voulais le faire au petit-déjeuner puis j'ai oublié. »
« Je ne suis pas un Rapeltout. » gronda Lavande, avec plus d'amusement que d'hostilité, en se tournant dans ses bras. Un rapide coup d'œil pour s'assurer que la voie était libre et puis elle vola un autre baiser.
Les portes de la Grande Salle s'ouvrirent lentement et les élèves commencèrent à entrer pour aller prendre place au bureau qui était le leur. C'était devenu la routine, ces derniers jours.
« Je t'aime. » murmura Lavande, avant d'aller rejoindre rapidement Susan et Hannah.
Comme d'habitude, Ron marmonna quelque chose qui aurait pu être pris pour un assentiment, toujours pas très sûr de ses propres sentiments. Oui, il aimait passer du temps avec elle, oui, il aimait l'embrasser, mais…
« Prêt ? » lança un peu trop joyeusement Harry, en le rejoignant.
Son meilleur ami semblait beaucoup plus détendu, ces derniers jours, sans que Ron ne soit parvenu à déterminer pourquoi. Il aurait soupçonné une histoire de filles si Harry n'avait pas été aussi fuyant sur le sujet.
« Prêt. » répondit-il, avec un sourire plus bravache que ce qu'il éprouvait en réalité.
°O°O°O°O°
Installé au milieu de la table des Professeurs, à la place qui était d'ordinaire celle du Directeur, Severus planchait sur les notes que Slughorn avait rédigées suite à leur dernière session de travail. Ils étaient près de l'idée fulgurante qui débloquerait la situation, il le sentait. Il était à ça de trouver comment transformer sa potion Révèle-Loup en un philtre similaire à celui que possédaient les Mangemorts.
De temps en temps, il relevait la tête pour s'assurer que personne n'avait l'idée saugrenue de tricher malgré les sortilèges mis en place pour l'empêcher. Toutes les demi-heures, il se levait et faisait le tour de la Grande Salle, jetant parfois un œil sur un des parchemins des cinquièmes années.
Il avait pris un malin plaisir à se tenir derrière Malfoy et à lire par-dessus son épaule pendant plusieurs minutes, sachant à quel point le Serpentard détestait ça. Cela aurait été plus satisfaisant s'il avait été moins bon en Potions. Toutes ses réponses étaient exactes et ils le savaient tous les deux, son reniflement dédaigneux était donc passé loin au-dessus de la tête de son élève.
Il résista, une nouvelle fois, à l'envie de sortir son carnet pour mieux informer Nymphadora de son comportement.
Ils avaient échangé quelques lignes lorsqu'il s'était réveillé, suffisamment pour qu'il sache qu'elle avait passé une partie de la nuit à interroger les élèves arrêtés la veille sans grand succès. La Poufsouffle, mineure, avait été récupérée par ses parents et leur avocat avant que qui que ce soit ait pu lever le petit doigt. Quant à Rowle et Travers, c'était presque comme s'ils étaient heureux d'être dans leurs cellules, ce qui lui faisait dire qu'il y avait plus sous toute cette histoire qu'une initiation ratée. Ils étaient trop calmes, trop satisfaits et son instinct la titillait mais elle avait plusieurs réunions prévues ce jour là et le mystère devrait attendre.
Elle était fatiguée et avait d'autres préoccupations, Severus ne voulait pas en rajouter en lui apprenant qu'ils étaient devenus le ragot le plus juteux de tout Poudlard. Surtout que la situation lui semblait délicate. Elle avait été excessivement compréhensive avec Harry, avait pris soin de ne jamais empiéter sur leur relation, et, si les choses étaient différentes entre elle et Draco, il demeurait qu'elle était sa tutrice et Severus, par définition, l'intrus. Il lui semblait que c'était à lui de faire un effort pour ne pas la mettre en porte à faux, à lui de convaincre l'adolescent de ne pas compliquer les choses. Avec le recul, il n'aurait probablement pas dû lui coller autant de retenues.
Le large sablier à côté de lui luisit faiblement, indiquant qu'une demi-heure de plus s'était écoulée. Ravalant son soupir las, il se leva.
« Il vous reste une demi-heure avant la fin de l'examen. » annonça-t-il, s'assurant de parler suffisamment fort pour que tous les élèves l'entendent. Certains paniquèrent visiblement, d'autres restèrent d'un calme olympien… Granger, sans surprise, repoussa une mèche derrière son oreille et se remit à écrire rapidement avec une expression déterminée… Elle avait déjà rempli plus de parchemin qu'il n'était nécessaire et il dût résister à l'envie de lui rappeler de rester concise – ce qui n'avait jamais été son fort.
Severus entreprit de faire le tour, marchant entre les bureaux individuels qui avaient remplacé les longues tables des Maisons, laissant les yeux trainer sur une copie ou une autre.
Il n'était pas impatient d'en lire certaines.
Il repérait beaucoup trop d'inepties d'un simple coup d'œil.
Harry leva la tête lorsqu'il passa près de lui, lui adressa un sourire un peu tendu avant de replonger dans son examen… Il ne lui restait que quelques questions et il ne semblait pas avoir répondu trop mal à celle qu'il venait de terminer…
Severus se força à continuer sa ronde plutôt que de troubler son fils en lisant par-dessus son épaule. Contrairement à Draco, il n'était pas en colère après lui. Ce n'était pas Harry qui avait révélé à toute l'école que le Professeur le moins populaire avait une liaison avec l'héroïne du Ministère. Certes, l'Ordre de Merlin avait redoré son blason, mais cela n'avait pas empêché la stupeur générale à cette rumeur qu'il n'avait pas niée devant ses collègues – ce qui revenait à une confirmation de sa part. Et ses dits collègues n'avaient pas hésité à faire part de leur ahurissement, félicitations ou autres conseils douteux. Black, au moins, avait passé un bon moment, les encourageant même. Sa petite vengeance pour être resté si longtemps dans l'ignorance, semblait-il.
Il était presque revenu à la table des Professeurs lorsqu'il se sentit tomber à genoux.
Il ne comprit pas immédiatement ce qui s'était passé et Susan Bones et Hanna Habbot, entre les bureaux desquelles il s'était écroulé, ne le comprirent pas non plus, étant donné leurs exclamations choquées. Puis, il sentit la brûlure dans sa Marque et il ne parvint pas à contenir le cri de souffrance. Son bras était en feu, la douleur se répercutait dans tout son corps, pas différente d'un sort de doloris…
Un hurlement fit écho au sien plus loin dans la pièce.
Un bruit de chute : une chaise, un corps…
Puis des voix inquiètes, des…
Des papillons noirs dansaient devant ses yeux, il sentait la sueur naître sur sa nuque et son front, le vertige comme une poing glacial contracté autour de son estomac, la nausée…
Des mains l'attrapèrent sous les aisselles et le hissèrent debout. Un peu à l'aveugle, il agrippa un bureau de la main droite pour mieux se stabiliser. Sa main gauche… Sa main gauche ne répondait plus. La douleur… Il occluda la douleur, occluda le malaise, occluda tout le reste. Il replia le bras contre son torse et ignora la canne que quelqu'un lui tendait.
Weasley.
C'était Weasley qui l'avait remis debout. Plus d'un élève avait quitté son siège, les chuchotements anxieux résonnaient dans la pièce… Sur le plafond de la Grande Salle, le temps avait brusquement viré à l'orage… D'épais nuages gris et menaçants voilaient le ciel, des éclairs zébraient, de temps en temps, la masse nuageuse… La luminosité avait brutalement chutée…
« La cicatrice d'Harry saigne. » lâcha le Gryffondor. « Est-ce que… »
Malgré la distance, Severus croisa le regard de son fils qui se remettait lui-même debout, aidé par Granger et Londubat…
Ils n'eurent pas le temps d'échanger un seul mot.
Poudlard trembla sur ses fondations, déclenchant des cris.
Severus n'était pas lié aux protections de l'école mais il n'en avait pas besoin pour deviner ce qui venait de se passer.
« Silence ! » tonna-t-il, sa voix amplifiée par un léger sonorus. « Granger, Malfoy, Parkinson, MacMillan, faites disparaitre tous les bureaux. Les autres préfets, rassemblez vos camarades par Maison, en lignes. » Ils le dévisageaient tous avec incompréhension. « Allez ! »
Les élèves se mirent à obéir brusquement.
Faisant fi de l'ordre et ignorant ses camarades paniqués, Harry traça un chemin jusqu'à lui à travers la foule, une main plaquée sur sa cicatrice enflammée de laquelle coulait un léger filet de sang.
« TOUS LES ELEVES DOIVENT REJOINDRE LA GRANDE SALLE IMMEDIATEMENT. » ordonna soudain la voix de Minerva, amplifiée par un sort qui devait résonner sur tout le domaine. « TOUS LES PROFESSEURS A LEUR POSTE. CECI N'EST PAS UN EXERCICE. »
« Il est là. » lâcha Harry, en le rejoignant. Le garçon grimaçait de douleur. « Je l'ai vu. »
« Occlude. » ordonna Severus. « Ne relâche pas tes boucliers. Ne lui donne aucune prise sur son esprit. »
Sa main gauche était quasiment inutilisable mais il se força lui-même à occluder la chose plus profondément, à ouvrir les doigts juste assez pour les refermer sur le pommeau de sa canne où ils se crispèrent à nouveau.
Il fit apparaître un Patronus. Les oreilles du faon tressautaient avec nervosité, un tic qui en trahissait beaucoup sur son état d'esprit.
« À tous les membres de l'Ordre, Poudlard est assiégé. Rejoignez-nous immédiatement via le Q.G. » Il hésita une seconde parce que cela lui coutait, puis… « Lupin, à toi le commandement. »
Le faon se multiplia puis détala jusqu'à disparaître.
Il en fit immédiatement apparaître un autre. « Hagrid, fouillez le domaine, assurez-vous qu'il ne reste aucun élève à l'extérieur du château. »
Il se tourna vers Harry, pressa son épaule. « Rejoins les autres. »
L'adolescent paraissait vouloir protester mais finit par obéir, laissant Severus libre de quitter la Grande Salle… Charity Burbage arriva en courant alors qu'il atteignait à peine les portes. Il la salua d'un hochement de tête.
« Tu es la première. » l'informa-t-il.
« Septima arrive. » répondit-elle. « Elle fait le tour de la bibliothèque avec Irma. »
Il acquiesça et s'éloigna dans le hall, juste à temps pour voir débarquer Black qui descendait les marches deux par deux, poussant pratiquement dans le dos un groupe de quatrièmes années dont Ginny Weasley et Astoria Greengrass.
« Qu'est-ce que je peux faire ? » demanda immédiatement son ancien rival, après avoir dirigé les adolescents vers la Grande Salle.
Un autre coup de semonce fit trembler à nouveau l'école.
Un changement brutal de luminosité l'alarma. Il se tourna vers les Grandes Portes qui étaient restées ouvertes et, à travers le crachin qui tombait dru, il vit les protections qui entouraient Poudlard apparaître. Un dôme rougeoyant qui semblait se craqueler…
Ils étaient à court de temps.
« Transforme-toi et fais un aller-retour discret jusqu'aux grilles. » exigea-t-il. « Je veux savoir si c'est une attaque en règle ou simplement une tentative d'intimidation. Je veux une estimation de leur nombre. »
Il en faudrait beaucoup pour faire tomber les protections de Poudlard.
Mais le Seigneur des Ténèbres avait en sa possession une baguette aux pouvoirs incommensurables.
Et Severus pressentait qu'elles ne résisteraient pas beaucoup plus longtemps.
°O°O°O°O°
Albus vécut l'attaque sur les protections de Poudlard comme un uppercut soudain au plexus qui lui coupa la respiration.
Il se rattrapa à l'aveugle au dossier d'un fauteuil, essuyant le coup. Le miroir qu'il avait dans la main lui échappa et se brisa au sol avant qu'il ait pu répondre à Lucius, sa silhouette encapuchonnée explosée en fragments avant que l'homme ait pu dire un mot. L'avertissement que son espion avait sans doute voulu risquer semblait, de toute manière, bien inutile.
« Albus ! » s'exclama Gellert, alarmé. Malgré sa propre faiblesse, il bondit de son siège pour venir lui attraper le bras, quêtant son regard. Mais les yeux bleus du mage noir ne tardèrent pas à dériver vers la fenêtre et son expression se durcit. « Tu as des invités. »
« Des invités bien inopportuns. » murmura Albus, toussant pour reprendre sa respiration.
Après s'être assuré que le Directeur ne s'écroulerait pas et avoir réparé le miroir d'un geste négligeant de la main, Gellert s'avança vers la fenêtre. « Je pense qu'il est temps que tu me donnes une baguette, Liebling. Cela va demander plus de précision que des simples tours de passe-passe. »
Il n'avait pas besoin de regarder par la fenêtre, les protections l'informaient de tout à la seconde près, mais il le fit quand même, venant se tenir juste à côté du mage noir.
De là, il ne pouvait pas voir les Mangemorts qui se massaient aux grilles de l'école. Ceux qui chevauchaient des balais et traçaient des cercles menaçants au-dessus de leurs têtes comme des vautours, en revanche… Et les Détraqueurs étaient impossibles à rater. Il y en avait un nombre suffisant pour que le froid insidieux s'infiltre au travers des protections…
Sa main frôla celle de Gellert, pas si accidentellement, n'osant imaginer l'effet qu'un Détraqueur aurait sur lui après toutes ces années d'emprisonnement… Nurmengard n'était pas Azkaban, mais…
L'autre sorcier fût moins hésitant lorsqu'il entrelaça le bout de leurs doigts. Une prise lâche qui aurait pu facilement être brisée si Albus l'avait voulu…
« TOUS LES ELEVES DOIVENT REJOINDRE LA GRANDE SALLE IMMEDIATEMENT. TOUS LES PROFESSEURS A LEUR POSTE. CECI N'EST PAS UN EXERCICE. » résonna la voix amplifiée de Minerva dans tout Poudlard.
Le ciel était gris, chargé de nuages noirs, des éclairs troublaient de temps en temps la faible luminosité, le crachin tombait fort, douchant la vitre…
Il était pourtant impossible d'ignorer la Marque des Ténèbres qui brillait net au dessus du domaine, baignant le parc d'une lueur verdâtre.
« Tom est là. » offrit-il, pour Gellert.
Avec une baguette qui ne tarderait pas à causer leur perte.
Une brume argentée se manifesta entre eux, ne tardant pas à prendre la forme désormais familière d'un faon. La voix de Severus emplit l'espace. « À tous les membres de l'Ordre, Poudlard est assiégé. Rejoignez-nous immédiatement via le Q.G. Lupin, à toi le commandement. »
Bien, songea Albus, bien… Severus avait visiblement pris les choses en main, cela lui laissait assez de temps pour…
La seconde attaque contre les protections fût encore plus brutale et provoqua leur apparition, un dôme rougeoyant qui entourait le domaine… Un dôme qui se craquelait.
Albus ravala un gémissement face à ce qui s'apparentait à une attaque physique sur sa personne et déversa à l'école autant de puissance qu'il l'osa, s'autorisant à s'appuyer un peu plus sur le mage noir. À l'instant, lui et Poudlard étaient si intrinsèquement liés qu'ils ne formaient presque qu'une seule entité… Tel était le devoir du Directeur : protéger l'école.
Les fêlures disparurent peu à peu.
Mais ce n'était pas terminé.
Il avait la sensation que Voldemort jouait avec eux comme un chat avec des souris.
Avec sa baguette, s'il l'avait voulu, il aurait pu déjà avoir brisé leurs défenses…
Sans tergiverser plus avant, il fit apparaître son propre patronus pour l'envoyer à son frère, la voix rauque d'appréhension.
« Fais évacuer Pré-au-Lard. » ordonna-t-il et, parce qu'il connaissait Abelforth, Rosmerta et certains des habitants, parce qu'il savait que les Aurors ne seraient pas les seuls à venir à leur secours… « Soyez prudent. Abel… » Il ravala l'expression de ses sentiments, sachant que son frère n'apprécierait pas de grande déclaration. Il n'aurait pas non plus apprécié de savoir qu'il tenait la main de l'homme qu'il haïssait le plus au monde alors même qu'il composait son message mais c'était peut-être quelque chose qu'Abelforth n'avait pas besoin de savoir. « Sois prudent. »
Un deuxième patronus et un autre message : aux membres de l'Ordre qui ne siégeaient pas au Conseil. Il battit le rappel des troupes, les encourageant à se mettre en lien avec Shacklebolt…
Le phœnix argenté fondit vers la fenêtre avant de disparaître.
Fumseck, quant à lui, s'agitait sur son perchoir.
Lui aussi, sans doute, sentait la proximité de la bataille dans l'air.
°O°O°O°O°
Remus observa Laura alors qu'elle lui présentait fièrement sa dernière tentative en date, notant le sourire sur son visage et l'amusement qui pétillait dans ses yeux.
Laura lui était reconnaissante de l'avoir mise à l'abri dans ce cottage, sous Fidelitas, parce qu'elle n'était pas une combattante, mais elle s'ennuyait. Ce qui se traduisait par des essais répétés en pâtisserie. Elle n'était pas beaucoup plus douée en pâtisserie qu'en duel, comme le prouvait la tarte qui était maintenant posée entre eux sur la table.
« Tu es sûre que c'est comestible, cette fois ? » plaisanta-t-il.
Laura fronça les sourcils avec une gentille réprobation qui le fit se sentir un peu coupable. Cela le fit aussi sourire. Elle n'était peut-être pas une combattante aguerrie que ce soit sous forme humaine ou sous forme de loup, mais elle avait un don certain pour l'apaiser. Lunard se calmait toujours à son contact, et pas seulement parce qu'elle faisait partie de sa Meute. Laura était comme ça. C'était sa louve qui réveillait cet instinct en lui.
S'ils avaient eu une meute fonctionnelle, elle aurait fait partie des éléments à protéger, des membres les plus faibles physiquement. Pourtant, elle aurait aussi fait partie des loups qui auraient formé le cœur de leur meute. Ceux qui auraient élevé les enfants, ceux qui auraient eu pour mission d'apaiser les dominants par leur simple présence, ceux qui garantissaient le bien-être du groupe…
Que Greyback l'ait obligée à combattre était une hérésie.
« Je suis sûr que c'est délicieux. » ajouta-t-il.
« Au moins je ne l'ai pas brûlée, cette fois, Alpha. » répondit-elle, non sans humour.
« Tu peux m'appeler Remus, je te l'ai déjà dit. » offrit-il, bien qu'il ne pouvait nier que le loup en lui se complaisait à entendre ce titre. C'était bien. Cela lui était dû. C'était ainsi que marchait une meute. Le respect de la hiérarchie. Mais Remus avait pris des résolutions et voulait s'y tenir. Il ne voulait pas se perdre dans son rôle. « Ou Lunard, si tu préfères. »
La louve ouvrit la bouche – sans aucun doute pour décliner – mais n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit.
Un faon argenté apparut, s'exprimant avec la voix de Severus. « À tous les membres de l'Ordre, Poudlard est assiégé. Rejoignez-nous immédiatement via le Q.G. Lupin, à toi le commandement. »
La dernière partie l'agaça suffisamment pour que le loup se mette à hurler en lui.
Ce n'était pas à Snape de lui donner le commandement. Ce n'était pas dans ses attributions.
Remus commandait l'Ordre pour Dumbledore.
Remus était l'Alpha.
Puis la gravité du message le heurta et il se précipita vers la porte, arrêté dans son élan par la main que Laura posa sur son bras.
« Sois prudent. » exigea-t-elle. Puis, avec hésitation… « Remus. »
Il glissa la main sur sa joue, l'attira vers lui et pressa un baiser chaste sur son front.
L'affection d'un Alpha pour un membre de sa meute.
Pas un au revoir mais un à bientôt.
°O°O°O°O°
« À tous les membres de l'Ordre, Poudlard est assiégé. Rejoignez-nous immédiatement via le Q.G. Lupin, à toi le commandement. »
Les deux faons argentés s'effacèrent en même temps, laissant derrière eux la même impression d'horreur dans la salle de réunion devenue soudain totalement silencieuse.
Tonks retenait sa respiration comme si cela allait changer la donne, comme si cela pouvait arrêter le cours du temps…
Scrimgeour était assis en tête de table, interdit.
Percy laissa échappé un bruit alarmé et, à son expression, il n'était pas dur de déterminer qu'il pensait à ses frères et à sa sœur.
Le visage des Aurors autour de la table, des Aurors qui avaient été à la retraite jusqu'à peu, étaient fermés, graves…
Quant à Kingsley…
Il se racla la gorge.
« Tonks, va au Q.G. » ordonna-t-il. « Tu connais tes ordres. À toi Poudlard. Dis à Dumbledore que nous prendrons les Mangemorts à revers. Nous arrivons dès que j'ai organisé les troupes. »
Ça avait toujours été le plan.
Le plan n'avait pas changé.
Mais l'idée qu'elle allait être bien en sécurité à l'intérieur du château alors que ses collègues seraient à l'extérieur… Et c'était sans parler des recrues qu'elle allait devoir mettre à contribution…
« Tonks. » ajouta Scrimgeour, captant son regard. « Nous ne nous battrons pas en civil, aujourd'hui. C'est l'occasion rêvée de tester les nouveaux uniformes. »
La gorge nouée, elle hocha la tête. Ils avaient déjà discuté de l'éventualité d'une bataille de cette ampleur – parce qu'une attaque à Poudlard ne serait pas la même chose qu'une attaque sur le Chemin de Traverse – et de la nécessité de s'identifier plus aisément. Elle se leva mais n'esquissa aucun geste vers la porte.
Nous.
Elle pointa un doigt accusateur vers le Ministre de la Magie, s'efforça de mettre un peu d'humour dans sa voix. « Je ne veux pas vous voir là-bas, c'est compris ? On ne peut pas se permettre de vous perdre. Percy, si Monsieur le Ministre fait seulement mine de vouloir jouer les Aurors réservistes, je t'ordonne de lui jeter un stupefix. »
Cela déclencha quelques rires qui sonnèrent faux.
Percy gonfla courageusement le torse, comme si elle venait de lui confier une véritable mission. « C'est promis. »
Scrimgeour leva les yeux au ciel mais un sourire joua sur ses lèvres. Cela n'empêcha pas l'amertume dans sa voix. « Ne vous inquiétez pas, je resterai sagement ici. »
Elle échangea un regard avec Kingsley, un regard lourd de sens, et elle fût rassurée lorsqu'elle quitta cette pièce de savoir qu'il insisterait pour que le Ministre demeure là où il était le plus en sécurité.
Scrimgeour ferait la chose sage, décida-t-elle, parce qu'il savait qu'il aurait été une trop grosse distraction sur le terrain. Il serait une cible pour tous les Mangemorts et tous les Aurors s'empresseraient donc de le protéger au détriment du reste. Cela n'aurait pas été une bonne décision tactique.
Elle fit un crochet rapide dans son bureau, songeant qu'elle n'aurait pas aimé être à la place du Ministre. Elle serait peut-être en sécurité au château pendant que ses collègues risqueraient leur vie mais elle serait, au moins, plus près de l'action que lui, resté derrière au Ministère.
Elle ne s'autorisa pas à flancher le long des couloirs jusqu'à la zone de transplannage, ne s'autorisa pas à avoir peur ou à laisser s'égarer ses pensées.
C'était un de ces jours où elle était heureuse de connaître l'Occlumencie.
°O°O°O°O°
Le flot des élèves qui se déversaient dans la Grande Salle s'était tari.
Black n'était pas encore revenu.
Lorsque Hagrid fit entrer en courant les derniers trainards qui avaient été dans le parc, Severus les suivit à l'intérieur de la Grande Salle, remontant rapidement l'allée entre les rangs jusqu'à la table surélevée des Professeurs, comptant silencieusement les secondes. Il n'avait pas cessé de compter depuis la deuxième attaque sur les protections, comme on compte entre le flash d'un éclair et le grondement du tonnerre. Il attendait, le corps raidi d'appréhension, mais l'attaque suivante ne venait pas.
Certains élèves pleuraient silencieusement ou s'accrochaient à un camarade. Les visages étaient pâles, graves ou encore terrifiés…
Les Professeurs qui avaient opté pour escorter les élèves étaient tous là, les fantômes étaient alignés devant les vitraux, Rusard se tenait à côté de l'entrée des enseignants, les bras croisés, sa chatte à ses pieds… Argus, comme Hagrid, ne quitterait l'école que les pieds devant, même s'il y avait peu qu'il puisse faire dans les faits.
Severus aurait préféré qu'Albus se charge de cette partie mais Albus n'avait pas encore donné signe de vie et Minerva, si elle avait suivi le plan, avait déjà dû rejoindre la tour nord avec Aurora.
Lorsqu'il arriva à l'estrade, il s'adressa aux fantômes, gardant le dos tourné vers la masse des élèves qui le fixaient tous du regard comme s'il avait détenu les clefs de l'univers.
« L'école est attaquée, faites votre devoir envers Poudlard. » exigea-t-il des spectres.
Il y eu des murmures, un bruissement, plusieurs hochements de tête respectueux, puis les fantômes s'élevèrent dans les airs et traversèrent le plafond, les murs… Si le plan échouait, ils se joindraient aux combats. Peeves qui, pour une raison ou un autre, avait une casserole sur la tête comme un casque, lui fit un salut tout militaire avant de disparaître, espérant sans doute trouver un ou deux Mangemorts à torturer.
Les fantômes dispersés, à l'abris des regards, il s'autorisa une seconde pour fermer les paupières, prendre une profonde inspiration, raviver encore les boucliers mentaux qui le laissaient déjà à la limite de l'apathie, puis il se tourna et laissa ses yeux noirs balayer la masse d'enfants et d'adolescents rassemblés devant lui avec un mauvais pressentiment au creux de ventre. Plus perturbants que ceux dont la détresse était palpable étaient les visages qui n'exprimaient que de la détermination, l'envie d'en découdre. Parmi eux, celui de son fils.
Il évita de regarder vers Harry.
Il ne voulait pas voir l'expression trahie qui ne manquerait pas de déformer ses traits lorsqu'il annoncerait l'évacuation. Ils n'avaient jamais exactement expliqué aux élèves ce qui se passerait une fois rassemblés dans la Grande Salle, en cas d'attaque, par crainte que le plan ne fuite.
« Il a été décidé que les élèves majeurs qui souhaitaient se battre… » commença-t-il, uniquement pour être interrompu par une marée de mains qui se levaient haut dans les airs.
Gryffondor, des septièmes aux quatrièmes années. Au grand complet. Quelques troisièmes, deuxièmes et premières années, par ailleurs.
La quasi-totalité des septièmes à cinquièmes années de Poufsouffle, plus quelques uns chez les plus jeunes.
De nombreux Serdaigles.
Et plusieurs Serpentards.
Il se servit de l'Occlumencie pour garder un visage neutre, lisse, dénué de l'émotion qui lui serrait la gorge. Ça avait été son idée d'autoriser certains élèves à se battre, parce qu'il savait qu'ils auraient besoin du nombre, mais…
« J'ai dit majeurs, il me semble. » cingla-t-il.
Les mains de certains élèves mineurs restèrent en l'air, de manière extrêmement têtue. Il les ignora, appelant les noms des élèves qualifiés et leur demandant d'aller l'attendre dans le hall.
Tous les septièmes années de Gryffondor et deux sixièmes années. Cinq septièmes années de Poufsouffle et un sixième année. Six septièmes années de Serdaigle, aucun sixième année. Et à Serpentard… Une fois les élèves mineurs éliminés, il restait les jumeaux Sywent qui venaient d'avoir dix-sept ans une semaine auparavant et Marie Gobswater. Les Sywent, il n'hésita pas à envoyer dans le hall mais Gobswater ne faisait pas partie de l'A.D. et c'était également une sixième année. Il hésita.
C'était une Sang-Pure mais la famille Gobswater n'était pas particulièrement puriste ou proéminente dans la communauté magique, il y avait eu des mariages avec des Nés-Moldus ainsi que des Moldus… De plus, depuis la Trêve instiguée par Draco et Granger, il l'avait vue plus souvent en compagnie de membres d'autres Maisons que de la sienne. Sur un coup de tête, il l'envoya aussi dans le hall.
« Professeur Snape ? » appela un des rares Serdaigles de septième année qui restaient. Ahmed n'était pas dans sa classe d'A.S.P. de Défense mais il l'avait admis avec plaisir dans sa classe de Potions après ses B.U.S.E.s. C'était un élèves sérieux, calme et appliqué. Le genre qu'il appréciait. « Je ne sais pas me battre mais je veux bien rester et aider à l'infirmerie. C'est possible ? »
Il n'avait pas pensé à ça.
Même en admettant qu'ils arrivent à demander de l'aide à Sainte-Mangouste… Poppy aurait besoin d'aide s'ils ne parvenaient pas à maintenir la sphère ou si le Seigneur des Ténèbres parvenait, avec sa baguette, à la briser, nul doute là-dessus.
« Oui. » décréta-t-il. « Oui, c'est une option. »
Plusieurs autres mains se levèrent. Il envoya ces volontaires là à l'infirmerie, en espérant que Poppy saurait quoi en faire, puis se tourna vers ceux qui restaient.
« Vous allez évacuer l'école. » annonça-t-il, déclenchant une vague de chuchotements et d'exclamations choquées ou outragées. Il y eut des protestations, aussi. Beaucoup.
Ils avaient plusieurs fois entraîné les élèves à se rassembler rapidement dans la Grande Salle au cas où ils seraient attaqués, ils ne leurs avaient jamais dit qu'ils devraient partir.
C'était peut-être contradictoire de se préparer à un siège, de vouloir tenir le château à tout prix, et d'envoyer les enfants ailleurs, mais il y avait trop de chances qu'ils perdent le contrôle de la situation. Et, si tel était le cas, personne ne voulait d'enfants pris entre deux feux.
« Silence ! Les Professeurs vont vous escorter jusqu'à un endroit sûr. » expliqua-t-il. « Vous allez les suivre, dans le calme et en ordre. Préfets, votre responsabilité va aux plus jeunes. »
Il quitta le hall rapidement, laissant Burbage et Vector organiser les choses, sachant que Trelawney serait inutile. Il ignora l'appel de son prénom, il ignora les tentatives de son fils pour attirer son attention, il ignora…
Il avait toujours su qu'Harry n'accepterait pas de partir facilement mais c'était la meilleure solution pour garantir sa sécurité.
C'était la seule solution.
°O°O°O°O°
Albus appréhendait une nouvelle tentative de briser les protections qui tardait à se manifester.
Tom jouait avec ses nerfs.
Ou bien il attendait quelque chose… Mais quoi ?
Sur la pelouse, en contrebas, un énorme chien noir fila ventre à terre vers le château. Sirius. Parti en reconnaissance, supposait-il, et revenu faire son rapport à Severus…
Il devait rejoindre son ancien espion, le relayer. C'était à lui de diriger ce siège, pas à Severus. Severus devait jouer son rôle d'ancre.
Ils tardaient trop déjà, à lancer le sortilège.
« Il est temps, Albus. » insista doucement Gellert, comme s'il avait lu dans ses pensées.
Il était temps, oui.
Temps qu'Albus cesse de fixer du regard le dôme rougeoyant qui entourait le domaine pour armer Gellert, pour l'envoyer vers la tour d'astronomie, et…
« Peut-être serait-il plus sage que je serve de clef de voûte. » déclara-t-il, en se tournant vers lui. « Tu es affaibli. Peut-être serais-tu plus utile… »
« Albus. » l'interrompit Gellert dans un demi-sourire.
« Tu as plus d'expérience lorsqu'il est question de combattre une armée. » insista-t-il. « Tu… »
« Tes partisans ne me suivront pas. » le coupa une nouvelle fois le sorcier. « Et je te rappelle que j'ai perdu ma guerre, ja ? Tout ira bien, Liebling. Je peux tisser ton sortilège et le tenir aussi longtemps que nécessaire. Mais ce serait plus simple avec une baguette. »
Il aurait pu faire sans mais moins facilement.
À regret, à contrecœur, avec un mauvais pressentiment, Albus hocha lentement la tête.
D'un pas lourd, il se dirigea vers le placard où il gardait la pensine, la déplaça pour pouvoir tirer le lourd coffret de bois sombre caché tout au fond. Celui qu'il s'interdisait généralement d'ouvrir et ne sortait que les nuits où, vraiment, la mélancolie était impossible à repousser. Il le posa sur son bureau, conscient que Gellert se tenait désormais très près de lui et l'observait avec curiosité, conscient aussi que lorsqu'il basculerait le couvercle…
Il le fit, pourtant, quel autre choix avait-il ?
Il y avait bien sa propre baguette, celle qui avait été la sienne avant la baguette de sureau, et qui, il le savait, fonctionnerait correctement pour Gellert, mais…
Il entendit son ancien amant inspirer brusquement lorsqu'il se rendit compte de ce qu'il y avait à l'intérieur du coffret. Dans la précipitation, Albus fit tomber quelques lettres sur le bureau. Des lettres à l'encre presque effacée d'avoir été trop lues. Il y avait d'autres choses à l'intérieur : des babioles sans grand intérêt autre que sentimental, une mèche de cheveux blonds retenus par un ruban…
« Du hast mich nitch vergessen… » murmura Gellert.
Tu ne m'as pas oublié…
Comment l'aurait-il pu ?
« Mein Herz in einem Sarg. » répondit-il dans un Allemand bancal qui ne lui venait plus aussi facilement qu'autrefois.
Mon cœur dans un cercueil.
Il trouva ce qu'il cherchait tout au fond du coffret, bien dissimulée. Si bien dissimulée, à vrai dire, qu'il était presque parvenu à oublier qu'elle était là, au fil des années, la seule chose de véritable valeur pour quelqu'un d'autre que lui. Il sortit la baguette, presque aussi familière que la sienne, presque aussi familière que l'était devenue la baguette de sureau, et la lui tendit.
Gellert, interdit, contempla le bois sinueux, ouvragé, sans le toucher. « Was… »
« Je l'ai trouvée avant les autorités, après Darmstadt. » expliqua Albus. « Je l'ai cherchée avant les autorités. Je ne supportais pas l'idée de la voir brisée en deux. »
C'était l'idée de Gellert brisé qu'il n'avait pas supportée, mais sauver sa baguette, celle qu'il avait utilisée jusqu'à ce qu'il mette la main sur la Relique, lui avait semblé être un bon substitut à faire quelque chose de plus inconsidéré comme attaquer les Aurors pour le libérer. Il avait fouillé deux des lieux que le mage noir utilisait comme quartiers généraux avant de la trouver, coincée dans un livre de Métamorphose à côté de son lit, marquant une page sur laquelle son propre nom figurait, signant un article qui avait par la suite été qualifié de révolutionnaire.
Cela lui avait fait la sensation d'un coup de poignard, à l'époque, de trouver cette baguette gardant son propre nom. Ou peut-être était-ce l'inverse ? Peut-être la baguette avait-elle été laissée à la garde de son nom…
Gellert se souvenait-il d'où il l'avait laissée ?
Avait-ce été à dessein ? Au cas improbable où Albus serait venu la chercher ? Ou bien, ce qui était pire, avait-ce été la preuve que l'homme avait brûlé, lui aussi, de ce même amour qui le consumait toujours ?
Ignorant la baguette, le mage noir enroula ses doigts autour de son poignet, serrant aussi fort que ses muscles affaiblit l'y autorisaient.
« Ich liebe dich. » déclara Gellert, sans plus s'embarrasser de dire à demi-mots ce qu'ils savaient tous les deux.
Les mots planèrent un moment dans le bureau, si lourds d'avoir été si longtemps attendus.
Albus se tourna vers lui, les yeux humides de larmes qu'il ne se décidait pas à verser, trop conscient que le temps passait et que la situation était urgente, trop conscient qu'il n'y avait plus de temps à perdre, que…
Mais les mots ne venaient pas.
Les mots étaient prisonniers de sa gorge.
Les mots buttaient sur le souvenir du petit corps d'Arianna tombé au sol comme une poupée de chiffon.
Un éclat de déception passa dans le regard de Gellert avant d'être remplacé par de la détermination.
La seconde suivante, le mage noir avait attrapé l'avant de ses robes, barbe incluse, et l'attirait vers lui. Le baiser était maladroit, tremblant, rouillé…
Depuis quand n'avait-il pas embrassé quelqu'un ?
Plus de trente ans peut-être.
Mais c'était Gellert et il lui rendit son baiser comme il l'aurait fait lorsqu'il était encore jeune, avec abandon.
Une tranche de paradis.
Un sursaut impossible dans le passé.
Une parenthèse dans le temps.
Mais l'horloge ne cesse jamais de tourner pour personne et les flammes qui se ravivèrent brusquement dans la cheminée refermèrent la parenthèse.
Il s'éloigna de Gellert juste à temps pour accueillir les nouveaux venus et dispenser ses ordres.
°O°O°O°O°
Remus faisait les cents pas à côté de la cheminée, attendant que le reste des troupes arrive.
Anthony et Charlie étaient déjà là, les mains entrelacées, l'air grave. Molly se tenait près d'eux, les yeux fermés, anxieuse. Fleur fût la suivante, elle débarqua par la porte d'entrée, essoufflée, échevelée, mais déterminée à en découdre. Puis Bill arriva, plus serein que les autres mais pas moins sérieux, moins enclin à la panique sans doute.
Lunard les étudia les uns après les autres, sachant que les chances qu'ils survivent tous étaient…
Il repéra Nyssa, qui se tenait dans l'ombre du couloir et ne pouvait pas avancer dans le salon, pas tant que les rideaux étaient ouverts… Il la rejoignit sous le silence de plomb qui régnait sur la pièce. Un silence tendu. Il aurait dit un silence de mort mais ce n'était pas le silence lourd et triste qui suivait la mort, plutôt celui anxieux et effrayé des instants qui la précédaient.
« Tu ne peux pas venir. » lui rappela-t-il, en s'efforçant d'adoucir sa voix. Il y avait un éclat sauvage dans les yeux de la jeune femme, un éclat un peu fou qu'il connaissait bien : celui du prédateur coincé dans un piège trop étroit, celui d'un dominant voulant rejoindre le reste de sa meute. « Il fait encore jour. »
La vampire laissa échapper un feulement mécontent qui ne trahissait rien d'autre que sa détresse. « Dis lui que je viendrai au crépuscule. Dis lui… Je serai là à la seconde où le soleil se couchera. Dis lui que s'il se fait tuer entretemps je serais très, très en colère. Dis lui… »
Sa voix baissa jusqu'au murmure mais elle ne termina pas sa phrase, comme si elle ne savait pas trop elle-même comment elle voulait la finir. Il n'était pas dur de le deviner, pourtant. La réponse était dans les yeux verts qui brillaient un peu trop, dans la crainte gravée sur chacun de ses traits…
Sirius et lui ne parlaient plus ou presque pas et rarement de sujets personnels, ces derniers temps. Il ne savait pas à quel point leur relation était sérieuse mais il fût évident pour lui, à cette seconde, que Nyssa, au moins, avait des sentiments pour lui.
Et être forcée de rester au Q.G. en sachant que l'homme qu'elle aimait serait en danger… Il comprenait trop bien ce qu'elle ressentait, même s'il se doutait que Sirius serait soulagé de ne pas la voir prendre part aux combats, ce jour là.
« Si tout se passe comme prévu, si le plan fonctionne, personne n'aura à se battre aujourd'hui. » chercha-t-il à la consoler. C'était la vérité, après tout. Ils ne partaient pas vers une bataille rangée mais vers un siège à tenir le plus longtemps possible, assez longtemps pour évacuer les enfants vers un endroit sûr, assez longtemps pour que les secours arrivent…
« Quand est-ce que quoi que ce soit s'est jamais passé comme prévu ? » siffla-t-elle, en baissant la voix. « Surtout avec cette taupe qu'on n'a pas encore dénichée… Remus, Sirius est persuadé que ce n'est pas Snape… »
« Ce n'est pas Severus. » l'interrompit-il, tout aussi bas.
Si bas que personne n'aurait pu les entendre, encore moins les comprendre. C'était l'avantage de leur nature respective, leur ouïe était extrêmement fine.
Prendre la défense du Maître des Potions ne lui faisait aucun plaisir mais, sur ce point, il était certain. Il aurait été envisageable que Severus ait joué une comédie digne des plus grands pour mieux les trahir, blessures incluses, mais quiconque l'avait vu avec Harry… Non, Severus n'était pas leur traître. Ses sentiments personnels l'avaient aveuglé sur beaucoup de points mais pas sur celui là. Cela ne lui plaisait peut-être pas vraiment mais Severus considérait le garçon comme son fils, il ne jouait pas là-dessus. Et c'était sans parler de Nymphadora.
« Alastor… » insista-t-elle, pourtant un peu hésitante.
« Alastor était pleins de préjugés. Tu es bien placée pour le savoir. » contra-t-il. « Kreattur est très bizarre, ces temps-ci. Je mise toujours sur lui. »
Elle inclina la tête mais son expression était pleine de doute. « Ce serait le moment rêvé pour un sabotage. S'il s'agit d'un membre de l'Ordre… »
Son regard dériva vers le salon où Bill parlait doucement au reste de sa famille, le bras passé autour des épaules de Fleur.
Cela le heurta, brusquement, qu'il n'y avait que des Weasley dans cette pièce – ou des Weasley en devenir. Cela semblait injuste qu'une seule famille paye un tel prix. Ils avaient déjà trop perdu.
La porte d'entrée claqua soudain, réveillant le portrait de Walburga qui s'époumona dans l'indifférence générale.
Tonks se dirigea droit vers Nyssandra et lui, ses cheveux bruns, presque noirs, retenus en une queue de cheval haute visiblement attachée à la va-vite, ses bottes en cuir de dragon heurtant lourdement le sol à chaque pas, les lacets nouées avec une précision presque militaire, laissant apparaître la garde d'au moins deux dagues à l'intérieur de ses chevilles… Et, fait notable, elle portait d'épaisses robes bleues, fermées à la taille par un ceinturon auquel pendait un autre poignard, marquées aux épaules par le cigle des deux M ministériel. Ce n'était pas souvent qu'elle s'embarrassait de mettre quoi que ce soit qui l'identifiait comme une Auror, encore moins les robes officielles que peu d'Aurors portaient tous les jours.
Il résista à l'envie de lui demander si elle était sûre de pouvoir se battre avec. S'était-elle entraînée ? Serait-elle gênée par le lourd tissu ? Était-elle certaine de ne pas se laisser distraire ? S'il posait ces question, il était certain de se voir accuser de la rabaisser encore et cela ne la dissuaderait pas de les porter.
De plus…
À la voir se diriger vers eux d'un pas confiant, son expression lisse, sa baguette déjà à la main… Elle paraissait plus âgée, plus mûre, plus… Les robes rajoutaient sans doute à cet effet. Elle avait l'air d'une véritable guerrière et…
Lunard se tint plus droit, le loup en lui appréciant à sa juste valeur la puissance qui se dégageait de sa compagne. Il était fier, se rendit-il compte, fier que sa compagne soit si forte…
Elle ralentit assez pour presser la main de Nyssa avant d'entrer dans le salon mais eut à peine un regard pour lui.
Il n'y avait aucune émotion sur son visage, rien ne perçait, ce qu'il détestait. Elle n'avait jamais été aussi prompte à dissimuler ce qu'elle ressentait avant… Snape.
Elle avança jusqu'à se tenir devant la cheminée, commandant l'attention de la pièce, puis observa les autres membres de l'Ordre tour à tour. Remus les rejoignit dans le salon, venant sans y penser s'aligner avec les autres, ne réalisant qu'au tout dernier moment qu'en agissant ainsi, il lui laissait la position d'autorité devant eux… Pourtant, il attendit qu'elle fasse une plaisanterie, qu'elle allège l'atmosphère, se disant qu'il s'avancerait à ce moment là pour reprendre le contrôle…
« Si le plan échoue, si l'on doit se battre, ce sera dangereux. Ce sera pour sauver nos vies et celles de ceux qui se battront à côté de nous. » lâcha-t-elle. Sa voix n'était pas froide ou dénuée de compassion mais elle était atrocement sérieuse. Tous les regards étaient sur elle mais le sien s'attarda sur Molly et Fleur, sans jugement mais avec gravité. « Il n'y a pas de honte à rester derrière ou à préférer prendre soin des blessés. Si vous venez, chacun d'entre vous doit être certain d'être capable de se battre correctement et jusqu'au bout. Parce que ce ne sera pas seulement votre vie en jeu. Ce sera aussi celle de la personne qui essayera de vous sauver si vous flanchez. »
Remus ouvrit la bouche pour la rabrouer, lui dire que ce n'était pas vraiment une bonne manière de galvaniser les troupes, que…
« Je suis prête. » déclara Fleur, en levant le menton avec agacement. « J'ai survécu à un Tournois des Trois Sorciers, je n'ai pas peur d'une bataille. »
« Moi aussi. » offrit Bill, en posant une main sur l'épaule de sa petite-amie.
« Nous aussi. » renchérit Charlie, sa main toujours fermement serrée dans celle d'Anthony. Ce dernier n'offrit rien d'autre qu'un hochement de tête impatient.
Les regards se tournèrent vers Molly qui leur adressa un sourire un peu tremblant mais déterminé. « Je me battais déjà avant que vous soyez tous nés, mis à part peut-être Remus et Nyssa. Je suis prête. »
Tonks l'étudia quelques secondes supplémentaires puis se tourna vers lui.
Elle ne lui fit pas l'affront de lui demander s'il était sûr, c'était déjà ça. Lunard n'aurait pas supporté cette humiliation.
« Mondingus ? » l'interrogea-t-elle à la place.
« Pas de nouvelles. » répondit-il, dans un haussement d'épaules. « Mais je ne m'attends pas à le voir. Les batailles, ce n'est pas son truc. »
Elle marqua son accord d'un hochement de tête. « Kingsley emmène les Aurors. Le plan est de prendre les Mangemorts en tenaille et, pour ça, on doit s'assurer que les protections de Poudlard tiennent. Charlie, Anthony, vous êtes avec moi. »
Lunard s'agaça. « Tu es consciente que c'est moi qui commande ? »
Il résista de peu à l'envie de lui rappeler que son précieux Severus le leur avait rappelé par Patronus, comme s'il en avait l'autorité.
Les yeux gris qu'elle tourna vers lui étaient glacials. « J'ai mes ordres et mes ordres sont de tenir la tour d'astronomie quoi qu'il en coûte. Je serai en haut avec Grindelwald, j'ai besoin de deux personnes pour garder la base de la tour. Je prends Charlie et Anthony. Les autres sont sous ton commandement. »
Bill se racla la gorge. « Je dois rejoindre Flitwick. »
Ce qui lui laissait Molly et Fleur.
Il ne voulait faire de peine à personne mais…
« On perd du temps. » trancha Tonks, avant qu'il ait pu essayer de mettre en mots ses doutes. « Allons-y. »
En lui, le loup hurla à la lune à cet irrespect chronique.
Pourtant, il y avait suffisamment d'autorité dans sa voix pour qu'il obéisse, tâchant de se convaincre qu'elle était sa compagne et que, puisqu'il était un Alpha, ce n'était pas si étonnant qu'elle s'avère aussi… autoritaire. Ils se complémentaient.
Même si elle n'avait jamais agi comme ça par le passé, lorsqu'ils étaient ensemble.
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Le chien noir revint à toute allure au château, dérapa sur les dalles de pierre du hall et se transforma en un homme qui manqua s'étaler de tout son long et l'aurait probablement fait si Severus ne l'avait pas rattrapé, serrant les dents parce que la douleur dans son bras gauche était telle qu'il en aurait hurlé si l'Occlumencie ne lui avait pas permis de s'en détacher.
« Il y a des Détraqueurs. » annonça bien inutilement Black, en frissonnant de la tête au pied. Il était impossible d'ignorer leur présence oppressante.
Et ils n'avaient jamais pris le temps de s'assurer qu'il puisse à nouveau lancer un patronus, se souvint Severus, ce qui signifiait que l'Animagus serait particulièrement vulnérable à leurs attaques.
« Combien ? Quoi d'autre ? Sois précis. » exigea-t-il.
Le compte rendu de l'Animagus était succin mais suffisant. Une douzaine de Détraqueurs, une dizaine de Mangemorts sur des balais, une vingtaine environ au sol et le Seigneur des Ténèbres juste devant les grilles.
Les calculs n'avaient aucun sens.
« Le Seigneur des Ténèbres et une trentaine de Mangemorts en tout ? » insista Severus. « Tu es certain ? »
« Certain. » assura Sirius. « Je suis passé trois fois devant et j'ai fait le tour par la Forêt pour m'assurer qu'il n'y avait personne cachés à la lisière. »
Ça n'avait aucun sens.
D'après les rapports du Ministère, d'après ses propres estimations, le Seigneur des Ténèbres avait le triple voire le quadruple de ce nombre… Probablement plus. Et c'était sans compter les loups-garous que Sirius n'avait pas aperçus. Pourquoi aurait-il attaqué avec une poignée alors que…
Il fût distrait de sa conversation par Charity et Sybil qui menaient les élèves hors de la Grande Salle et vers les cachots, premières années en tête. Il ne fallut pas dix secondes avant qu'Harry émerge du groupe, l'air furieux.
« Retourne dans le rang. » ordonna-t-il, avant que le garçon ait pu seulement ouvrir la bouche. Les mots sonnèrent si froids, si agressifs à ses propres oreilles qu'il grimaça et, malgré la douleur, relâcha quelque peu la prise sur ses boucliers mentaux. « Harry… »
« Tu n'as jamais dit que je devrais partir ! » cracha le garçon. « Tu n'as jamais dit… »
« Parce qu'on savait comment tu réagirais. » intervint Sirius, le ton grave. « Harry… »
« Je ne pars pas ! » protesta l'adolescent. « Je reste. Je suis entraîné et… »
La scène avait attiré l'attention de tout le reste de l'école. Severus voyait les autres membres de son petit groupe marmonner entre eux, planifier leur propre rébellion, se convaincre qu'ils étaient capables d'aider…
Il posa les mains sur les épaules de son fils et le força à le regarder en face, mettant un terme à son plaidoyer. « Ton rôle, aujourd'hui, n'est pas de rester ici et de te battre avec nous. Ton rôle est de t'assurer que tous ces enfants arrivent à bon port. » Le garçon ouvrit la bouche, probablement pour protester davantage, mais Severus le prit de vitesse. « Ils te suivront, Harry. Regarde les. Ils te suivront où que tu ailles. Alors mène-les en sécurité. Tu veux une mission, la voilà. Je n'ai pas besoin d'un combattant supplémentaire, j'ai besoin que quelqu'un s'assure qu'il n'arrive rien aux autres élèves. »
L'adolescent flancha.
Sirius ne dit rien mais leva un sourcil impressionné dans le dos du Gryffondor. Severus ne voyait pas pourquoi il était si étonné. Il avait toujours été bon manipulateur or protéger les innocents était la corde sensible de l'adolescent.
Et il avait besoin qu'Harry s'en aille.
Il avait besoin d'avoir l'esprit libre, d'avoir la certitude que son fils était en sécurité pour se battre sans inquiétude.
« Je ne veux pas te laisser. » insista Harry, la panique brillant brièvement dans ses yeux verts avant d'être avalée par des flammes. Il devait occluder à haut niveau parce que le Maître des Potions pouvait presque voir le reflet du brasier derrière ses pupilles. Son regard dériva vers son parrain. « Vous laisser. » se corrigea-t-il.
« Hé, tout va très bien se passer. » promit Sirius, avec suffisamment de légèreté pour que même Severus y croit. « On va lancer le sort de Severus et de Flitwick, et les Mangemorts ne pourront pas rentrer. Avec un peu de chance, au bout d'un moment, ils en auront marre et s'en iront. »
Harry leva les yeux au ciel. « C'est ça. »
« Les Aurors vont arriver, les autres membres de l'Ordre aussi. » contra Severus. « Et ils seront pris en étau. » Il posa la main sur sa tête, s'humecta les lèvres. « Fais ce que je te dis, s'il te plait. Suis les Professeurs. Je viendrai te chercher bientôt. Dès que je le peux. »
Harry ne le croyait pas.
Il n'était pas sûr d'y croire lui-même.
Il était préparé au boulet de canon qui le heurta et l'étreignit à l'étouffer. Il le serra dans ses bras tout aussi fort, s'exhortant à rester calme, même quand Harry le lâcha finalement pour se tourner vers son parrain qui subit le même sort et enlaça le garçon avec autant d'affection que Severus l'avait fait.
« Ne meurs pas. » lui ordonna Harry, presque sèchement. « Bats-toi jusqu'au bout. Tu m'as promis. »
« J'ai promis. » acquiesça-t-il, sans discuter. Il aurait été vain de lui rappeler que, face à une armée déterminée à le tuer, il avait peu de chances, qu'importait combien il défendait sa vie. À n'importe quel prix, avait exigé Harry par le passé et il s'était exécuté. Cela lui avait coûté ses mains et sa passion. Il donnerait tout le reste pour ne pas décevoir son fils.
« Protège-le ? » demanda le garçon à son parrain.
Severus leva les yeux au ciel. « Il y a davantage de chances que ce soit l'inverse. »
« Promis. » répondit pourtant très sérieusement l'Animagus.
« Ne meurs pas non plus. » ajouta l'adolescent pour son parrain, avec une panique visible.
Harry étreignit à nouveau le Maître des Potions, comme s'il ne pouvait pas s'en empêcher, puis rejoignit ses amis d'un pas lent, trainant, visiblement à contrecœur.
Sirius et lui regardèrent le défilé d'élèves jusqu'à ce qu'ils soient certain qu'Harry ait descendu les marches qui menaient au cachot.
Severus eut l'impression terrible que c'était la dernière image qu'il garderait de son fils. Un regard déchirant jeté par-dessus son épaule, puis son corps qui disparaissait dans la pénombre de l'escalier.
« L'un de nous doit survivre. » murmura-t-il. « Quoi qu'il en coûte, l'un de nous doit survivre. Il ne s'en remettra pas autrement. »
Black acquiesça lentement, l'expression grave.
« Si je meurs… » insista Severus.
« Arrête tout de suite. » l'interrompit Sirius. « Personne ne va mourir. C'est tout le but de ce sortilège, non ? On tient jusqu'à ce que les Aurors et les autres les repoussent. »
C'était le but mais personne ne serait en mesure d'arrêter le Seigneur des Ténèbres.
Pas avec la baguette.
Pas avec les horcruxes.
« Si je meurs, tu t'occuperas de lui. » exigea-t-il. « Pas comme un parrain, Sirius. Ce n'est pas d'un parrain qu'il a besoin. Tu t'occuperas de lui comme un père. Comme Potter l'aurait fait. Comme moi je… » Sa voix mourut et il raviva ses boucliers, se retrancha derrière la détresse qu'il éprouvait, trop vive. « Promets moi. »
« Sur ma vie. » jura Black, en lui pressant l'épaule, lui arrachant une grimace parce que son bras gauche… « Mais tu ne vas pas mourir. Et moi non plus. Je surveille tes arrières, tu surveilles les miennes, et tout se passera bien. »
L'élan de gratitude pour cette amitié qu'il n'avait ni désirée, ni recherchée le prit brusquement au cœur.
Il l'occluda.
Ce genre de sentiments n'aiderait pas durant la bataille.
« Professeur ? » appela un des jumeaux Weasley. Ils se tenaient à l'avant du groupe d'élèves majeurs qui s'étaient attroupés près de l'escalier. « Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? »
Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait réparti les élèves à des points clefs du château, mais ce serait Lupin et Albus qui géreraient la répartition des troupes au sol. Toutefois… Il aurait été stupide de se passer d'éléments naturellement perturbateurs ou de gaspiller leurs ressources.
« Auriez-vous quelques tours dans votre sac, messieurs ? » demanda-t-il calmement.
À voir le sourire qu'échangèrent les jumeaux, ils n'avaient attendu que cette question là.
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Le bureau d'Albus était en ébullition mais il demeurait un peu en retrais, tendu, attendant la troisième attaque sur les protections qui tardait à venir. Que faisait Tom là-dehors ? Pourquoi n'attaquait-il plus ? Pourquoi ne cherchait-il pas à presser son avantage ?
Le vieux sorcier avait déjà libéré Fumseck, le laissant s'éclipser dans la grisaille, sachant que son phœnix saurait où se trouver, au bon moment…
Il mit un terme à sa conversation avec Remus pour se glisser jusqu'à Gellert qui semblait subir avec amusement le discours menaçant de Tonks. La jeune femme était en train de lui rappeler qu'il était toujours un prisonnier et qu'à la moindre incartade, au moindre coup fourré, elle n'hésiterait pas à le mettre hors d'état de nuire. Elle ne cessait de jeter des regards agacés à la baguette que le sorcier tournait distraitement entre ses doigts. Nul doute qu'elle aurait préféré qu'Albus lui confie la baguette à elle jusqu'au tout dernier moment.
Il attrapa le bras du mage noir pour attirer son attention, interrompant la sorcière en plein monologue.
« Sois prudent. » exigea-t-il, ignorant le regard interloqué de l'Auror autant que ceux, curieux, des autres membres de l'Ordre.
« C'est à toi qu'il faut le dire. » rétorqua Gellert. « Moi, je serai en haut d'une tour étroitement gardée, sous la protection de cette charmante jeune femme. » Son regard se fit dur. « Si tu dois te battre contre lui, quoi qu'il se passe, ne le laisse pas te désarmer, Albus. »
La nouvelle baguette de Tom était déjà catastrophique, s'il mettait la main sur la baguette de sureau, en prime…
Il força un sourire espiègle qui n'atteignit probablement pas ses yeux. « Allons, allons, Gellert… Fais-moi un peu confiance. »
« Pour ne pas te mettre en danger en faisant la chose noble ? » se moqua son ancien amant. « Jamais. »
Il concéda l'argument, trop conscient des regards curieux, trop conscient de l'attention soutenue, trop conscient…
« Peut-être, lorsque tout ceci sera-t-il fini, pourrions-nous reparler de ma demande. » suggéra calmement Gellert, son regard perçant braqué dans le sien. « Das Leben ist kurz. »
La vie était courte et rien ne le remettait davantage en perspective que des moments comme celui-ci.
Il aurait voulu…
Il n'osa pas.
Et puis il fût trop tard.
Tonks entraina Gellert avec elle, empoignant fermement son bras, et Albus resta là, à le regarder partir, ce mauvais pressentiment enflant dans sa poitrine…
Gellert tourna la tête juste avant d'être avalé par l'escalier, lui fit un clin d'œil…
Il n'utilisait pas l'Occlumencie à loisir comme Severus le faisait mais, à cet instant là, il enferma Gellert et tout ce qui y touchait derrière des boucliers très épais, et s'efforça de se concentrer sur la situation.
Et sur les recrues trop nerveuses que Tonks venait de mettre sous ses ordres.
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Remus et Albus se dirigèrent vers le hall d'entrée d'un pas rapide qui tenait presque de la course, suivis par Molly, Fleur et le petit groupe de recrues que Tonks leur avait assignés – non sans avoir averti le loup-garou, en aparté, qu'ils n'étaient pas suffisamment compétents pour les laisser sans supervision sur un champ de bataille ou leur donner la responsabilité d'une portion du château.
Qu'était-il censé faire avec ça ?
Albus ne paraissait pas plus certain que lui.
Ils arrivèrent à temps pour voir les derniers élèves de la file disparaître dans les cachots.
« Severus ! » appela le Directeur.
Remus hésita à ordonner à Molly d'accompagner les enfants, même si, en théorie, ils n'auraient pas dû avoir besoin d'une escorte. Le plan était simple : eux tenaient l'école, les Aurors attaquaient par derrière et rabattaient les Mangemorts contre les protections, les enfants évacuaient par un tunnel jusqu'à émerger dans la lande où les attendaient plusieurs portoloins qui les transporteraient en divers lieux sûrs.
Severus et Sirius se détournèrent du groupe d'élèves majeurs à qui ils étaient en train de parler.
« Albus. » répondit sobrement le Maître des Potions. Son regard glissa impatiemment sur chaque visage qui se tenait derrière le vieux sorcier, cherchant…
« Tonks a emmené Grindelwald à la tour d'astronomie. » déclara-t-il, en le prenant en pitié, même si le loup en lui se réjouissait d'avoir gagné une petite guerre de territoire : lui, au moins, avait pu dire à la jeune femme d'être prudente, avait pu lui dire au revoir. Au cas où l'un d'eux…
Severus n'aurait pas cette opportunité.
Le Professeur ne laissa rien paraître, n'indiqua même pas qu'il avait entendu, il se tourna vers Albus et relaya une estimation des troupes ennemies qui leur fit, à tous, froncer les sourcils.
« Ça n'a aucun sens… » commenta Molly. « Et s'ils sont si peu… A-t-on vraiment besoin des enfants ? » Elle désigna d'un geste les élèves majeurs qui attendaient leurs instructions et suivaient leur conversation d'un peu trop près. Puis une expression soupçonneuse déforma ses traits. « Où sont mes fils ? Ne me dites pas qu'ils sont partis avec les autres, je ne vous croirais pas. »
« Mr et Mr Weasley sont retournés à leur dortoir chercher des munitions. » expliqua Severus. « Ils ont apparemment quelques explosifs et autres farces et attrapes en réserve. Parlant d'explosifs… »
« Deux groupes en haut des tours sud et ouest. » décida Dumbledore, terminant pour lui. « Il y a un stock de potions incendiaires dans un coffre en haut de chaque tour. Le mot de passe est Fumseck. Il nous faut aussi un groupe plus large à l'extérieur. Pomona a réveillé ses plantes, Hagrid se tient près, mais il faut une première ligne humaine de défense. Il serait sage de partager équitablement élèves et recrues sous la supervision d'un membre de l'Ordre. »
Les apprentis Aurors se rebiffèrent à cette nouvelle mais un regard venimeux de Snape les fit taire.
« Pourquoi est-ce qu'ils attendent ? Cela fait bien vingt minutes qu'ils n'ont pas essayé de détruire les protections. » demanda Sirius, posant tout haut la question que tout le monde se demandait tout bas. « Volde… »
« Sirius. » siffla Severus.
Un avertissement.
Un avertissement un peu craintif.
Son bras gauche semblait déjà bien raide, ses doigts crispés sur sa canne qui tremblait comme s'il était incapable de la garder stable…
Le regard de l'Animagus dériva jusqu'à son avant-bras gauche et il lui adressa une grimace d'excuse.
« Quoi qu'ils attendent, cela n'est sans doute pas bon pour nous. » déclara Dumbledore. « Raison de plus pour agir vite. Remus ? »
Obéissant à l'ordre tacite, il entreprit de répartir les recrues entre lui-même, Molly et Fleur, Albus souhaitant pouvoir rester mobile et aller où ils auraient le plus besoin de lui. Sirius l'aida à trier les élèves selon leurs compétences.
Molly et Fleur prendrait chacun un groupe et une tour.
Fred et George n'étaient pas réapparus mais Remus leur faisait confiance pour opérer seuls.
« Visez les Détraqueurs et les Mangemorts sur les balais. » leur ordonna le loup-garou. Les meilleurs élèves de Défense, il les garda pour lui, ainsi que les recrues qui lui avait fait la meilleur impression. « Nous serons dehors. »
« Très bien. » acquiesça Albus. « Dans ce cas… »
Un singe argenté apparut, familier bien qu'il ne l'ait plus vu depuis des mois. Cela lui fit un coup au cœur. Le patronus de Dora avait été un loup, il n'y avait pas encore si longtemps. Qu'il soit redevenu un singe…
Ce que cela voulait dire ne lui échappait pas.
Il supposait qu'il pouvait simplement s'estimer heureux qu'il n'ait pas, à présent, la forme d'une chauve-souris – ou, plus logiquement, d'un sombral.
« Aux ancres : la clef de voute est en position. » annonça-t-elle. « Nous sommes prêts à commencer. »
Au lieu de disparaître, le singe argenté se dirigea droit sur Severus et frotta sa tête contre sa main. Le Maître des Potions ferma brièvement les yeux et s'humecta les lèvres.
Personne ne commenta.
« À vos positions. Et bonne chance. » ordonna Albus, brisant le moment, avant de disparaître dans les étages, à priori pour aller vérifier que toutes les autres ancres étaient là où elles devaient l'être.
Molly et Fleur prirent la tête de leurs groupes et entrainèrent les plus jeunes à leur suite.
Remus en fit de même mais pas sans s'arrêter auprès de Sirius, pas sans serrer l'épaule de son meilleur ami avec émotion.
« Pas de conneries, Lunard. » l'avertit Patmol, en pressant son bras avec la même affection. « Ne joue pas les héros. »
« Toi non plus. » répondit-t-il.
« Oh, pas de risques. » plaisanta Sirius. « Je suis juste là pour jouer les gardes du corps et le réservoir de magie de remplacement. »
« J'ai besoin de concentration. » marmonna Snape.
Remus l'ignora. « Nyssa sera là dès la tombée de la nuit. Elle m'a aussi demandé de te dire que tu étais prié de rester en vie si tu ne voulais pas qu'elle te le fasse regretter. »
Le rire de son ami était contagieux.
Ce fût le son qu'il emmena avec lui lorsqu'il guida son groupe à l'extérieur, jetant un sort pour que le crachin qui tombait dru glisse sur lui sans le toucher, et leur ordonna de se mettre en position. Il voulait une ligne de défense, loin derrière les diverses plantes à l'aspect peu engageant qui peuplaient désormais le parc… Hagrid ne tarda pas à les rejoindre, suivi par un bon groupe de créatures plus ou moins sympathiques, hippogriffes en tête.
Il aurait dû emmener Buck, se dit Remus.
La visibilité serait atroce s'ils devaient se battre, pensa-t-il ensuite.
Puis il prit une profonde inspiration, laissa le loup en lui prendre davantage de place, faisant plus confiance en son instinct qu'au sien.
Lunard huma l'odeur de la terre mouillée et un sourire carnassier étira ses lèvres.
Il était prêt.
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Tout en se préparant à jeter le sort, Severus se répéta que c'était mieux ainsi.
Ils n'avaient pas de temps à perdre avec les au revoir ou les sois prudent qui ne seraient, de toute manière, qu'une distraction inutile.
Se séparer d'Harry avait déjà été difficile et Harry partait pour un endroit sûr. Nymphadora était dans le même bateau qu'eux. Il ne lui avait pas fait de cadeau en lui confiant la protection de Grindelwald. Si l'ennemi parvenait à franchir les protections d'une manière ou d'une autre… La clef de voute serait la cible à abattre. Et la tour d'astronomie était difficile à manquer. Elle serait exposée, en danger.
Non… Il n'aurait pas su quoi dire, comment la laisser aller affronter le danger dignement.
Au moins avait-il reçu son message.
Pas celui énoncé à voix haute mais celui qu'elle lui avait transmis lorsque le singe avait frotté sa tête contre le dos de sa main. Les Patronus n'étaient pas vecteurs d'émotions à proprement parler mais il avait senti, pourtant, qu'elle s'était servie de souvenirs d'eux pour créer celui-ci. La joie, le contentement, l'affection, l'autre mot qu'il ne se décidait pas à prononcer, pas même dans sa tête… Tous ces sentiments, il les avait perçus à travers le sortilège. Comme un rappel ou un aveu, comme un remerciement ou une supplique…
Il aurait aimé pouvoir y répondre par un patronus ou un message sur le carnet…
Reviens-moi, aurait-il exigé s'il en avait eu le temps. Des mots qu'il avait pris l'habitude de prononcer lorsqu'elle partait en urgence ou en mission.
Mais ils n'avaient plus de temps pour ce genre de choses.
Il s'agenouilla dans le hall d'entrée sous le regard de Sirius, sentit que les autres avaient déjà commencé à tisser le sort et qu'il était le dernier, qu'ils l'attendaient pour fermer la boucle… Il plaqua sa main gauche contre les dalles, serra sa baguette de l'autre…
Le sortilège était complexe.
Peut-être l'un des plus complexes qu'il ait jamais jeté, à l'exception de celui qui les avait ramenés dans le présent, Harry et lui.
Il psalmodia les sons d'une langue morte, encore et encore, laissa sa magie s'écouler dans le sol jusqu'à ce qu'il sente le cercle se former autour de lui…
« Putain… » murmura Black, avec ce qui aurait pu s'apparenter à de l'émerveillement.
Severus rouvrit les yeux, vit la bulle bleutée qui l'entourait, continua à psalmodier…
Il sentit le moment précis où sa magie rencontra celle des autres ancres, la communion de ce moment était… indescriptible. La magie de Minerva était un torrent au cours violent, celle de Filius était vive comme un pinçon, celle d'Horace sinuait, indolente mais puissante… Il se demanda, brièvement, comment ils auraient décrit la sienne.
Et puis, sans crier gare, leur magie fût aspirée, redirigée, multipliée…
La magie de Grindelwald était un ouragan et l'ouragan les emporta, donna corps à leur sortilège…
L'intervention de la clef de voûte lui faisait l'impression d'une cascade à l'envers.
Et Severus savait que le sortilège fonctionnait, que la sphère était en place, que Poudlard était imprenable pour la bonne et simple raison que rien n'aurait pu briser cette communion parfaite entre eux cinq.
Il était vaguement conscient que Black s'éloignait vers les Grandes Portes, jetait un coup d'œil à l'extérieur…
« Ça marche ! » jubila l'Animagus. « Je peux voir le bouclier ! »
Severus continua à psalmodier, continua à déverser un flot de magie régulier dans le sol… Il devait se ménager, se contrôler… Il était tentant d'injecter davantage de pouvoir, de vouloir renforcer la sphère de Troie… Le sort serait épuisant à tenir sur le long terme, cependant, et s'il donnait trop immédiatement, Black devrait prendre sa place. Toute la difficulté était de parvenir à doser, de trouver un juste milieu avec les autres…
Pendant plusieurs minutes, tout se déroula parfaitement.
C'était de la belle magie.
Pure comme il avait rarement eu l'occasion d'en pratiquer.
Le genre de magie à laquelle on ne participerait qu'une seule fois dans sa vie.
Et puis, bien évidemment, parce que tel était le lot de Severus dans la vie, tout dérapa.
Sirius était revenu se poster à côté de lui, attentif mais tourné vers l'extérieur, surveillant les Grandes Portes parce que si attaque il devait y avoir, c'était de là qu'elle viendrait le plus probablement.
Une seconde, l'Animagus se tenait là, à plaisanter que ça allait être bien ennuyeux d'attendre comme ça indéfiniment la seconde, il était au sol et hurlait sous le coup d'un endoloris.
Severus ne pouvait pas cesser de psalmodier, ne pouvait pas se lever, ne pouvait pas les défendre… Il fouilla le hall du regard, chercha désespérément leur assaillant qui finit par sortir de l'ombre…
Il aurait dû le savoir.
Il n'était même pas surpris.
À un certain niveau de conscience, il l'avait toujours su.
Sirius hurlait et hurlait, réveillant en lui des souvenirs qu'il préférait occulter.
Et, comme si cela ne suffisait pas, comme si la situation n'était pas suffisamment critique…
Il y eut un déchirement.
Il n'y avait pas d'autre manière de le décrire.
Le sortilège se fractura, leur communion éclata, leur magie…
Severus accusa le choc qui s'avéra presque physiquement douloureux. C'était comme une chute soudaine et l'atterrissage fût brutal. Sonné, il fit mentalement l'inventaire, à tâtons, des magies toujours liées à la sienne… Il sentait Minerva, il sentait Horace, il sentait Filius… Mais Grindelwald n'était plus connecté à eux. Ils n'avaient plus de clef de voûte.
Le sortilège s'affaiblit, vacilla…
Ils pouvaient se passer d'une ancre, le cas échéant.
Pas d'une clef de voûte.
Que s'était-il passé ?
Qu'était-il arrivé à Grindelwald ?
Sa maladie l'avait-elle rattrapé ou…
Nymphadora.
Pourquoi Nymphadora ne reprenait-elle pas le sortilège à la place du mage noir ?
Le temps n'était pas aux questions.
Pas alors que Black convulsait à quelques centimètres de lui, juste à l'extérieur de la bulle bleutée qui l'entourait. Une protection qui faisait écho à la sphère de Troie mais qui ne serait pas d'un réel secours face à un sorcier déterminé à l'assassiner.
Severus pouvait choisir de briser le sortilège pour venir en aide à son ami, sachant que cela signifierait la fin du siège le plus court de l'Histoire de la Magie, ou…
Ou il pouvait faire quelque chose de fou qui le tuerait probablement.
Au fond, il n'y avait pas vraiment de choix à faire.
