Faite attention d'avoir lu celui de mercredi avant celui-ci ;)

Et une petite réponse à une review, juste pour clarifier: Severus étant le parrain de Draco est fanon et si c'était le cas dans Pandore, ce n'est pas le cas ici.

On fera le point sur mes trois théories préférées pour l'espion au prochain chapitre ;)

J'espère que vous aimerez celui-ci!

Enjoy & Review!


"Was aus Liebe getan wird, geschieht immer jenseits von Gut und Böse."
-Friedrich Nietzsche

"Ce qui est fait par amour se place toujours au-delà du bien et du mal."
Friedrich Nietzsche


Chapitre 53 : Aus Liebe


Nymphadora entraîna Grindelwald à travers les couloirs déserts à une allure trop soutenue pour lui, à en croire sa respiration sifflante. Elle garda une prise ferme sur son bras, empoignant sa baguette de sa main libre, tâchant d'ignorer les portraits paniqués qui passaient d'un cadre à l'autre ou les bruits de pas précipités dans son dos.

Son attention, si elle devait être honnête, était divisée entre la baguette que le mage noir avait en main et son environnement immédiat au cas où une attaque viendrait. Ce n'était pas si improbable, pas alors que trois aspirants Mangemorts s'en étaient pris à Draco et Severus, la veille. Un élève aurait très bien pu se cacher, attendre son heure pour frapper…

Et quelle idée ahurissante était venue à Dumbledore de donner une baguette à Grindelwald ? N'aurait-il pas pu la lui confier à elle pour qu'elle la lui passe au tout dernier moment ? Armer le mage noir qui avait fait plier l'Europe, était-ce vraiment une bonne idée ?

Ils parvinrent au pied de la tour d'astronomie sans encombres et, tirant sur le bras du vieux sorcier qui allait s'avancer directement dans l'escalier pour l'arrêter, elle se tourna vers Charlie et Anthony.

« Postez-vous ici. » ordonna-t-elle. « Restez vigilants. Et, si on en arrive là, n'oubliez pas qu'ils ne se battrons pas pour capturer mais pour tuer. Je sais que c'est difficile, mais ripostez de la même manière. Si vous n'êtes pas capables de lancer un sort de mort, rabattez-vous sur des sorts comme diffindo ou confringo. »

Anthony lui adressa un hochement de tête solennel mais Charlie, le visage n'exprimant soudain que détresse, se jeta presque sur elle pour l'étreindre. Surprise, elle en lâcha Grindelwald qui, par chance, n'en profita pas pour essayer de s'enfuir.

« Nymphadora… » murmura son meilleur ami à son oreille, la voix étranglée. « Nymphadora… »

« Quoi ? » demanda-t-elle, un peu alarmée par cet épanchement quelque peu excessif. Oui, la situation était grave mais ils n'étaient mourant ni l'un, ni l'autre… Une idée germa dans son esprit mais disparut avant qu'elle ait pu la saisir tout à fait. Elle ne s'en inquiéta pas, c'était le stress sans doute.

Son corps se raidit soudain et il la lâcha, reculant jusqu'à retourner se tenir aux côtés d'Anthony, l'air un peu gêné. « Sois prudente, c'est tout. Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. »

« C'est vous qui serez en bas. » remarqua-t-elle, cherchant à mettre un poil d'humour dans sa voix. « S'il m'arrive quoi que ce soit, vous aurez déjà des ennuis, vous aussi. »

« Tout se passera bien. » déclara calmement Anthony. « Il faut juste s'en tenir au plan. »

« Oui. » acquiesça-t-elle, se forçant à sourire de manière rassurante. « Et vite. »

Elle ne savait pas combien de temps encore tiendraient les protections de Poudlard.

Avec un dernier regard pour ses amis, elle encouragea Grindelwald à monter les marches d'une poussée dans le dos. Le mage noir grogna dès qu'il leva la tête et vu la distance à parcourir.

« Il y a beaucoup trop d'escaliers dans cette école. » marmonna-t-il.

« Montez et taisez-vous. » rétorqua-t-elle.

Ils auraient pu monter de front, les escaliers étaient larges mais elle resta derrière lui pour mieux le surveiller.

Selon son estimation, ils avaient monté environ un étage lorsqu'il reprit la parole, guettant son regard par-dessus son épaule. « Votre ami est-il aussi émotif d'ordinaire ? »

« Mêlez-vous de vos affaires. » cingla-t-elle.

Les yeux bleus pétillèrent alors qu'il laissait échapper un petit rire qui se transforma rapidement en toux grasse.

« Vous ne m'aimez pas beaucoup, n'est-ce pas ? » s'enquit-il, dans un sifflement essoufflé.

Ils montaient ces escaliers à l'allure de veracrasses et une part d'elle-même se demandait s'il le faisait exprès, s'il s'agissait d'un piège ou d'une manière de retarder d'autant le sortilège…

« Qu'y a-t-il à aimer ? » riposta-t-elle. « Vous êtes un despote qui a commis un génocide et qui aurait continué si Dumbledore ne vous avez pas arrêté. »

« C'est une version de l'Histoire. » lui accorda-t-il, en s'agrippant à la rampe pour mieux grimper les marches.

C'était la seule version de l'Histoire.

Tout en gardant un œil sur la baguette qu'il n'avait pas fait mine de ranger dans sa manche depuis qu'ils avaient quitté le bureau du Directeur, elle grimpa les deux marches qui les séparaient pour se mettre au même niveau que lui et l'aider à monter plus vite.

Malgré ses soupçons, elle ne pensait pas qu'il feignait ses difficultés. Il était à bout de souffle, sa poitrine semblait crépiter de manière audible à chaque inspiration…

« Qu'avez-vous sur Dumbledore ? » demanda-t-elle, pour le distraire. « Vous devez bien avoir un moyen de pression pour qu'il vous ait sorti de Nurmengard et fasse preuve d'autant de sollicitude envers vous. »

« Albus ? » répondit Grindelwald.

« Oui, Albus. » insista-t-elle, en le soutenant davantage encore. « On ne traite pas son ennemi comme ça, généralement. »

« Ah, mais nous étions amis avant d'être ennemis… » expliqua le mage noir. Elle faillit rater une marche et se serait probablement étalée dans l'escalier s'il ne l'avait pas rattrapée. Cela lui valut un autre petit rire amusé quoi que très essoufflé. « Vous êtes apparentée aux Black, n'est-ce pas ? Je connaissais bien la branche allemande, ils soutenaient ma candidature à la chancellerie magique… »

« Ça ne m'étonne pas. » commenta-t-elle froidement.

À nouveau, il sembla amusé mais persévéra pourtant dans la montée des marches, comme dans la conversation. « On reconnait un Black à ses yeux gris, son mauvais caractère et sa puissance magique… Vous êtes Métamorphomage, n'est-ce pas ? »

Elle lui jeta un coup d'œil suspicieux. « Dumbledore vous a parlé de moi. »

« Un peu. » admit-il. « J'ai observé le reste. J'avais moi-même quelques dons pour la Métamorphose physique à l'époque. Ce n'était pas naturel comme vous, bien entendu, mais cela remplissait son office. »

Il grimaça, s'appuya davantage sur son bras…

« Plus que quelques étages. » se sentit-elle obligée de lui dire.

« Votre ami, tout à l'heure… » reprit-il, changeant brusquement de sujet. « Avez-vous remarqué quelque chose d'étrange ? »

Oui.

« Non. »

Le mot passa ses lèvres, presque automatiquement.

Elle fronça les sourcils.

Mais cessa de s'en préoccuper dans la seconde, son esprit brusquement attiré vers un autre problème. « Cette baguette… Où Dumbledore l'a-t-il trouvée ? Vous êtes certain qu'elle va fonctionner correctement ? »

Les baguettes se faisaient rares depuis que le magasin d'Ollivanders avait été mis à sac. Elle n'aurait pas su où s'en procurer une alors elle était curieuse d'où Dumbledore avait bien pu commander celle-ci.

« Ja. » affirma Grindelwald, avec amusement. « C'est la mienne. »

Elle ouvrit la bouche, la referma.

« Dumbledore l'a gardée comme trophée ? » s'enquit-elle curieusement.

Elle en doutait, cependant.

Elle commençait à croire que les choses n'étaient pas aussi simples – ou aussi manichéennes – qu'elle l'avait cru.

« Un souvenir. » corrigea-t-il. « Ne paniquez pas mais il me faut jeter un sort. »

Avant qu'elle ait pu protester, il avait tracé une arabesque élégante dans l'air. Elle le lâcha et se tendit, sa propre baguette levée, deux sorts de boucliers différents déjà érigés autour d'elle… Une bulle d'oxygène vint encercler le bas du visage du mage noir qui la regarda avec ce même amusement qui ne l'avait pas quitté. Son corps se détendit, cependant.

Ils montèrent les dernières volées de marches en silence. Elle lui fit signe d'attendre sur le seuil lorsqu'ils parvinrent finalement en haut de la tour pour qu'elle puisse contrôler le périmètre et vérifier que personne ne s'y dissimulait.

L'antre de Sinistra était vide mais, de là haut, ils avaient une vue impeccable sur tout Poudlard et ses alentours. Elle fit signe au sorcier d'entrer et de démarrer les préparatifs mais garda un œil à l'extérieur.

Les éclairs zébraient un ciel rendu de plus en plus noir par les épais nuages sombres, éclairant de temps en temps les silhouettes fantomatiques des Détraqueurs qui s'agglutinaient contre le dôme rougeoyant qui encerclait Poudlard. Il y avait des Mangemorts sur des balais, aussi, qui survolaient le domaine aussi bas que les protections ne leur permettaient.

Mais il n'y avait pas assez de Mangemorts massés aux grilles.

Trempée par la pluie qui battait drue, elle s'appuya néanmoins au parapet pour tenter de mieux percer l'obscurité, de compter les silhouettes rassemblées devant Poudlard…

Une vingtaine peut-être ?

Pas de loups-garous sous forme animale qu'elle puisse distinguer.

Elle fit rapidement le calcul en revenant à l'intérieur, se séchant d'un coup de baguette…

Cela n'avait pas de sens. Il y avait trop peu de Mangemorts, même avec Voldemort à leur tête.

« Was ist los ? » demanda-t-il, en levant la tête vers elle.

Il avait fait disparaitre la bulle d'oxygène mais n'avait pas l'air d'avoir totalement récupéré de leur course à pieds dans l'escalier. Elle aurait peut-être dû plus le ménager.

Il dût comprendre que son allemand était perdu pour elle parce qu'il se reprit. « Qu'y a-t-il ? »

Elle ne lui faisait aucune confiance, n'était pas entièrement persuadée qu'il n'était pas en ligue avec Voldemort, mais dans le cas improbable où Dumbledore avait de bonnes raisons de l'avoir fait venir et de lui témoigner autant de confiance…

« Ça pue le traquenard. » déclara-t-elle. « Ils ne sont pas assez nombreux. Et pourquoi est-ce qu'ils ne pressent pas leur avantage ? Pourquoi est-ce qu'ils n'attaquent plus les protections ? Voldemort pourrait les détruire s'il le voulait vraiment. »

Elle aurait presque préféré que Grindelwald l'accuse de paranoïa. Au lieu de ça, il se contenta d'incliner la tête. « J'avoue me poser la même question, ma chère. Toutefois, je suis prêt. »

Elle hocha la tête et fit apparaître son patronus. Ce fût d'une facilité déconcertante malgré la situation. Il lui suffisait de penser à Severus. Des souvenirs heureux, elle en avait à foison dernièrement.

« Aux ancres : la clef de voûte est en place. » annonça-t-elle. « Nous sommes prêts à commencer. »

Le singe se multiplia avant de disparaître délivrer son message, avec une petite intention supplémentaire pour Severus.

Elle résista à l'envie de sortir le carnet qu'elle avait transvasé de la poche intérieure de son blouson à celle des nouvelles robes d'Auror qu'elle avait enfilées à la hâte avant de quitter le Ministère. Ils n'avaient pas le temps, elle ne pouvait pas le distraire.

Elle aurait aimé le voir avant que le cirque ne commence. Échanger une parole, un baiser…

Soudain, elle était soulagée de l'avoir embrassé la veille, à l'infirmerie, avant de partir. Elle avait hésité, sachant qu'il n'appréciait pas vraiment les démonstrations d'affection en public, mais… À présent, elle était heureuse de ne pas s'être laissée arrêter par la pudeur.

Ce fût à ce baiser qu'elle pensa lorsqu'elle observa Grindelwald s'agenouiller au centre de la tour, alors même qu'elle allait se poster contre l'une des arches qui menaient sur le large rempart circulaire encombré de télescopes et d'autres instruments. De son poste, elle pouvait voir l'escalier, Grindelwald et l'extérieur. C'était l'idéal.

Pendant de longues minutes, il ne se passa rien de notable et elle se demanda s'ils n'avaient pas tous surestimé ce dont le mage noir pouvait être capable après cinquante ans de prison. Le vieil homme avait une main plaquée au sol et psalmodiait inlassablement, des sons gutturaux qu'elle ne comprenait pas mais qu'elle avait elle-même appris par cœur, au cas où elle doive le relayer au pied levé. Chaque ancre avait un remplaçant, elle n'avait pas le pouvoir nécessaire pour tenir le rôle de clef de voûte plus de quelques instants mais Dumbledore avait promis que, le cas échéant, il serait là dans les minutes qui suivraient si ce n'était avant. Elle n'avait appris le sortilège que par précaution. Et curiosité. Et parce que Severus lui avait assuré qu'elle aurait pu servir d'ancre, elle aussi.

Elle connaissait donc la théorie du sortilège.

Et pourtant il ne se passait rien.

Du moins, jusqu'à ce que Grindelwald ne laisse soudain échapper un glapissement et ne rejette la tête en arrière. Une bulle bleutée l'entourait désormais. Il était nimbé de cette lumière douce qui semblait illuminer ses yeux. Il dressa un bras tremblant vers le ciel, comme s'il tentait de contrôler un flux indomptable…

Il souriait aussi.

Le sourire béat d'un enfant qui s'adonnait à son activité favorite.

Elle sentit l'instant précis où le sortilège se mit en place.

Pas simplement parce qu'elle le vit se déployer, vit la sphère de Troie recouvrir les protections de Poudlard, mais parce qu'elle était si près de la clef de voûte qu'il lui aurait été impossible de le rater. La magie était pure, puissante… Elle eut la chair de poule.

Elle était si fascinée de voir le sortilège en action qu'elle manqua presque rater l'arrivée des Aurors.

La sphère de Troie assourdissait les sons mais il régnait un tel silence à l'extérieur, en dehors du bruit de la pluie, que les craquements répétés d'un transplannage massif aurait été impossible à ignorer. Elle se détourna pour suivre le combat que Kingsley engagea immédiatement.

Le cœur au bord des lèvres, elle regarda le groupe en bleu attaquer le groupe en noir…

Voldemort ne se donna pas la peine de rentrer dans la danse.

Il y avait si peu de Mangemorts que le combat paraissait égalitaire, voire en leur faveur, mais un rapide compte des troupes confirma que Kingsley, certainement avec l'approbation de Scrimgeour, avait ramené tous ce qu'il restait d'Aurors au Ministère ou presque. C'était un pari risqué car s'ils perdaient…

Mais peut-être ne perdraient-ils pas aujourd'hui.

Car d'autres sorciers et sorcières arrivaient.

Elle vit le groupe qui chargeait depuis Pré-au-Lard, mené par le patron de la Tête de Sanglier. À lui seul, d'un coup de bâton, il envoya valser un groupe entier de Mangemorts.

Et il y en avait d'autres qui transplannaient et rejoignaient la bataille.

Les membres de l'Ordre qui ne faisaient pas partie du Conseil.

Les Mangemorts étaient acculés contre les grilles, leur nombre était inférieur… Les Mangemorts sur des balais cessèrent de patrouiller les limites des protections pour rejoindre les autres. Voler leur donnait un avantage considérable.

Mais le véritable danger venait des Détraqueurs.

Elle vit l'éclat de patronus sans parvenir à en deviner les formes, vit, surtout, plus d'un sorcier à robes bleues être happé par une de ces créatures, embrassé, et rejeté au sol comme une poupée de chiffon…

Un bruit de cavalcade dans l'escalier détourna son attention de la bataille et elle revint à l'intérieur, non sans jeter un regard d'avertissement à Grindelwald. Elle fléchit les jambes, raffermit sa prise sur sa baguette… Elle aurait préféré être plus reposée, avoir dormi davantage que quelques heures dans l'inconfort de son bureau, mais le philtre de force qu'elle avait avalé à la va-vite avant de quitter le Ministère avait fait son effet et elle ne manquait pas d'énergie. Elle se posta à l'entrée des escaliers, barrant le passage de son corps.

Ce n'était que Charlie, cependant, alors elle se détendit légèrement, baissa sa baguette. « Qu'est-ce qu'il se passe ? »

De grosses larmes coulaient sur les joues de son meilleur ami, son visage était rouge comme sous le coup de l'effort, et il paraissait lutter pour gravir les dernières marches et la rejoindre sur le seuil.

Alarmée, elle tendit la main vers lui. « Qu'est-ce qui se passe ? Où est Anthony ? »

Il se dirigea droit sur elle, ouvrant un bras comme pour l'enlacer, et, vu sa détresse évidente, elle se laissa faire sans se méfier. Sans comprendre. Elle l'attrapa elle aussi, se disant qu'elle allait le pousser derrière elle, affronter quiconque était à ses trousses. Le protéger.

Et puis elle eut soudain le souffle coupé.

Et elle ne comprit toujours pas.

« Je suis désolé… » murmura-t-il. « Je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé… »

Il murmurait toujours la même chose alors qu'il l'accompagnait tendrement jusqu'au sol.

Nymphadora ne comprenait pas.

Du moins pas jusqu'à ce qu'elle se retrouve sur le dos, à observer le plafond de la tour d'astronomie qui semblait si lointain d'un coup et qu'elle ne baisse le regard.

Les nouvelles robes des Aurors étaient renforcées pour dévier lames et sortilèges, conçues spécialement pour la guerre. Cela leur avait coûté un petit pactole et ils avaient dû batailler pour que le Magenmagot accepte de débourser la somme.

Cependant, elles ne pouvaient rien contre une frappe directe, à bout portant.

La main de Charlie tenait toujours le manche du couteau qui était planté jusqu'à la garde dans sa poitrine.

« Je suis désolé… Désolé… J'ai fait ce que j'ai pu… Je suis désolé… » marmonna-t-il, en lui caressant brièvement les cheveux de sa main libre. « Je t'aime… Je suis désolé… Je t'aime… »

Et puis il dégagea le couteau.

Et, , la douleur la heurta.

La lame était crantée.

Le sang…

Il y avait du sang partout…

Elle se vidait de son sang.

Vite.

Trop vite.

Elle lutta contre l'inconscience, lutta contre le noir qui voulait l'engloutir, pressa les mains contre la plaie pour endiguer l'hémorragie, ralentir l'inévitable…

« Avada… » sanglota Charlie. « Av… »

Tonks tourna la tête, capta le regard de Grindelwald qui n'avait pas cessé de psalmodier, ne rompait pas le sortilège pour se défendre…

Ses boucliers mentaux étaient en miettes, l'esprit du mage noir fusa dans le sien avec facilité pour se retirer presque aussitôt, la laissant d'autant plus désorientée.

Elle voulut parler, lui hurler de se défendre parce que s'il mourrait… Seul un gargouillis informe sortit de sa gorge.

« Avada Keda… » continuait Charlie, en sanglotant toujours. La main qui tenait le couteau avait retourné la lame contre lui, comme s'il luttait pour se poignarder lui-même, mais sa baguette était toujours pointée sur Grindelwald. « Avada… »

Imperium.

Charlie était sous Imperium.

L'espace d'une seconde, tout fit sens.

Un million de choses qu'elle avait ignorées sans bien savoir pourquoi – ou, plutôt, parce que quelqu'un avait fait en sorte qu'elle les ignore. Elle le sentait à présent : le sort dans sa tête. Si elle avait été en état de maîtriser l'Occlumencie, elle aurait pu…

Tout était si clair, à présent…

Tout fit sens et elle sut…

Elle aurait voulu hurler. À Charlie de continuer à lutter. À Gringelwald de se défendre parce que quelques minutes gagnées avec la sphère ne feraient pas grande différence s'ils perdaient la clef de voûte.

Le couteau heurta le sol et les épaules du dragonnier s'affaissèrent. Il était défait, vaincu.

Sa voix ne tremblait plus, les sanglots s'étaient taris. « Avada Kedavra. »

Il y eu un éclat vert puis plus rien.

Par une des ouvertures sur l'extérieur, elle vit la sphère perdre en tangibilité, s'évanouir petit à petit…

Les bottes de Charlie crissèrent lorsqu'il l'enjamba pour sortir, sans un seul regard en arrière.

Il laissa des empreintes rouges derrière lui.

Parce qu'il avait marché dans la flaque de sang qui se formait lentement autour d'elle.

Elle allait mourir.

Ce moment, elle l'avait déjà vécu.

Mais il n'y avait pas Kingsley pour lui tenir la main, rien pour adoucir ses derniers instants.

Juste les yeux vides de Gellert Grindelwald qui la fixait.

Elle n'avait pas mal.

C'était déjà ça.

Mais c'était un piège, elle le savait.

La douleur était preuve de vie.

L'engourdissement…

Elle allait mourir.

Elle allait…

Severus.

Elle aurait vraiment voulu savoir à quoi une vie à deux aurait pu ressembler.

Elle aurait dû lui dire qu'elle l'aimait.

Parce qu'elle l'aimait.

Bien sûr qu'elle l'aimait.

Charlie avait fait d'elle une menteuse.

Au final, elle allait l'abandonner comme tous les autres.

Et ce serait le plus gros regret qu'elle emporterait avec elle de l'autre côté du voile.

°O°O°O°O°

Harry devait lutter à chaque pas pour mettre un pas devant l'autre.

Burbage et Vector les menaient d'un bon pas, ils étaient déjà loin sous les cachots, mais un groupe de la taille de l'école pratiquement entière ne se déplaçait pas vite. Les rangs s'étaient défaits avec les minutes. Les premières et deuxièmes années s'agglutinaient toujours à l'avant mais les autres s'étaient mélangés.

Il n'était pas sûr de comment l'A.D. s'était regroupée au fond, autour de lui, mais ils étaient tous là, beaucoup marmonnant discrètement pour ne pas que Trelawney, qui fermait la marche, ne les entende. Beaucoup, Neville en tête, disaient qu'ils auraient dû rebrousser chemin, qu'ils auraient dû prêter main forte… Tous, pratiquement, quêtait son opinion.

Mais Harry restait de marbre.

Le visage lisse, l'esprit entouré d'un déluge de flammes, replié aussi loin du monde extérieur qu'il l'osait sans perdre tout contact…

Ils te suivront, Harry. Regarde les. Ils te suivront où que tu ailles. Alors mène les en sécurité.

C'était tout ce qu'il avait voulu, ces derniers temps, n'est-ce pas ? Ne plus avoir à se battre… Ne plus avoir à lutter à chaque instant… Laisser la guerre aux adultes et… et jouer à l'enfant tant que cela lui était permis, tant qu'il n'avait pas besoin de mourir pour la cause. Mourir pour délivrer la communauté magique était déjà beaucoup et il s'était dit que, peut-être, Severus avait raison, peut-être qu'il n'avait pas besoin d'endosser davantage de responsabilités, de…

Il n'était pas dupe des manigances de son père.

Severus savait très bien qu'il n'y avait rien qu'il ne prenait plus au sérieux que de protéger plus faibles que lui, particulièrement les enfants. Ce n'était pas une mission qu'il lui avait confié, c'était une excuse.

Une excuse qui lui laissait un sale goût en bouche.

« Harry ? Ça va ? » murmura Hermione, à sa gauche.

Son visage tremblotait dans l'éclat de son lumos.

Harry n'avait pas pris la peine d'illuminer le bout de sa baguette, suffisamment d'autres élèves l'avaient fait.

Ils étaient si loin sous l'école… Depuis quand marchaient-ils ? Il n'y avait plus de torches au mur et si le couloir étroit dans lequel ils ne pouvaient s'aventurer à plus de trois de front était humide, il s'agissait davantage de la fraicheur de la terre que de celle suintante du lac. Ils devaient être plus bas que les appartements de Severus, au même niveau que la Chambre des Secrets ou presque. Ses oreilles s'étaient bouchées, un peu plus tôt.

La claustrophobie le prit à la gorge alors qu'il entendait presque la porte de son placard claquer, le verrou tourner…

« Harry ? » s'inquiéta Ron, à sa droite.

Malfoy était juste devant avec Zabini et Greengrass, devant eux il y avait Ginny, Astoria et Neville. Puis les autres adolescents qui formaient le reste de leur groupe.

Ils étaient les derniers de la file, se rendit-il soudain compte.

Un coup d'œil en arrière révéla Trelawney, qui s'accrochait à son châle, son lumos trop peu stable pour qu'elle ne soit pas en train de trembler de peur.

Il aurait été facile, si facile, de lui échapper…

Partir en courant, remonter les couloirs…

Il avait senti un sortilège se mettre en place autour de l'école, ils l'avaient tous senti. La puissance du sortilège leur avait donné des frissons.

« Harry, réponds-nous, mon pote. » insista Ron. « Tu commences à m'effrayer. »

Ils avaient attiré l'attention du reste du groupe qui avait ralenti pour mieux les regarder, pour mieux essayer de déterminer ce qui se passait…

« Ne trainez pas ! » ordonna la voix nerveuse du Professeur d'Arithmancie, loin devant.

Il pouvait à peine deviner la silhouette de la sorcière derrière celles, en ombres chinoises, des plus jeunes élèves.

Harry n'aurait jamais dû les suivre.

Harry n'aurait jamais dû partir.

À quoi bon se cacher quand il abritait un bout de Voldemort dans son âme ?

À quoi bon…

S'il devait mourir aujourd'hui pour que Tom Jedusor périsse enfin… C'était un aussi bon jour qu'un autre. Il avait dit au revoir à son père et à son parrain. Il avait embrassé Ginny. Il…

Derrière eux, Trelawney poussa soudain une petite exclamation choquée. Ils s'arrêtèrent tous, ou, du moins, tout le bloc de l'A.D., pour se tourner vers elle, baguettes levées pour neutraliser la menace…

Mais il n'y avait pas de menace.

À la lumière du lumos d'Hermione, il vit les yeux de la sorcière rouler dans ses orbites, elle prit une inspiration et son souffle devint rauque.

Il devina ce qui se passait alors même que sa meilleure amie laissait échapper un bruit dégoûté. C'était comme en troisième année.

« Ce n'est vraiment pas le moment, Professeur. » cingla-t-elle. « Vous… »

Harry attrapa son bras, l'interrompant.

« C'est une transe ! » murmura Lavande avec révérence, quelque part derrière eux.

« C'est de la comédie. » rétorqua Hermione. « Elle… »

« Hermione. » siffla-t-il.

Juste à temps.

La voix de Trelawney, trop rauque, résonnait étrangement dans le couloir de pierre brute. Une voix d'outre tombe qui provoqua un frisson le long de son échine dorsale.

« Trois destins convergent ce jour. » déclara le Professeur de Divination. « Trois hommes de l'ombre entrent dans la lumière. Le premier trouvera sa vengeance. Le deuxième trouvera sa rédemption. Le troisième trouvera sa mort. »

Le temps sembla suspendu à son souffle puis elle s'affaissa. Lavande et Parvati se frayèrent un chemin jusqu'à elle pour la soutenir.

« Professeur ? Professeur, ça va ? » demandèrent-elles avec inquiétude.

« Oui, oui, juste un vertige. » marmonna Trelawney, qui ne semblait pas en mener large. « Un peu de claustrophobie, peut-être… Vous êtes gentilles, mes petites. »

Harry n'écoutait déjà plus.

Même l'Occlumencie n'aurait pas pu réguler sa panique.

Hermione dû lire dans ses pensées parce qu'elle dégagea le bras qu'il tenait toujours pour mieux lui agripper la main. « Harry, c'est n'importe quoi. C'est… »

« C'était une vraie prophétie. » coupa-t-il. « Je connais la différence. Severus est en danger. Je dois… »

Il fit un pas vers là d'où ils venaient mais n'alla pas plus loin.

Parce qu'ils le regardaient tous avec des expressions diverses mais, pour la plupart, déterminées.

Regarde les. Ils te suivront où que tu ailles.

« Attends, attends… » temporisa Ron. « Même si cette prophétie est vraie, rien ne dit qu'elle parlait de Snape. »

« Hommes de l'ombre. Ce sont des espions. » contra-t-il.

« Mais Snape n'est plus un espion. » commenta Malfoy, en passant un bras autour des épaules d'Hermione pour l'attirer contre lui – comme s'il avait peur qu'elle se sauve avec lui.

Ce qui était exactement ce qui allait se passer, réalisa Harry. S'il repartait vers le château, il ne repartirait pas seul.

Regarde les. Ils te suivront où que tu ailles.

Ils ne pourraient pas les arrêter ou les convaincre de continuer sans lui.

Alors mène les en sécurité.

« Vous devez tous continuer. » ordonna-t-il. « Je… »

« Si tu y retournes, on vient. » l'interrompit Neville.

« Parle pour toi. » cracha Malfoy. « Potter, c'est stupide. Cette vieille peau n'a jamais fait une seule véritable prophétie de sa vie entière. »

Trelawney protesta fortement le manque de respect mais, mis à part Lavande et Parvati, personne ne lui prêtait attention. Le conciliabule devait pourtant avoir attiré l'attention des Professeurs à l'avant parce que Burbage demanda, au loin, pourquoi ils s'étaient arrêtés.

Et Malfoy avait tort.

Il y avait une prophétie qui était véridique, celle qu'elle avait fait en troisième année. Et quant à celle que Severus avait interrompue et qui avait été la catalyse de tellement d'événements… Celle-là aussi paraissait vraie.

« Trois espions. » répéta-t-il, à voix basse. Comme pour lui-même. Il y avait Severus. Il y avait l'espion de l'Ordre. Et, personne ne l'avait dit mais vu les informations sur la baguette de Voldemort… Dumbledore avait bien dû remplacer Sev. Ça collait. Ça collait trop bien. Son père ne cherchait pas vengeance et il se pouvait tout à fait qu'il soit davantage concerné par la rédemption qu'il désirait si fort mais…

Le troisième trouvera sa mort.

Soudain, il se passa quelque chose.

Il ne parvint pas immédiatement à mettre le doigt sur ce qui l'avait perturbé parce qu'il ne se passa rien de visible.

Puis il réalisa.

Le sortilège de protection qu'ils avaient jeté sur Poudlard et qui les accompagnait comme une légère vibration dans l'air, presque indiscernable, depuis qu'il avait été lancé… Il venait de disparaître.

Regarde les. Ils te suivront où que tu ailles. Alors mène les en sécurité.

Il n'était pas fait pour mener les gens en sécurité.

Peut-être qu'il n'était pas fait pour être Médicomage non plus, au final.

Parce qu'à cet instant précis, à la croisée des chemins, il découvrit que ce n'était même pas un choix à faire. Il rencontra le regard de Ron qui s'endurcit, puis celui d'Hermione qui lui sourit courageusement. Ils n'avaient pas besoin de mots. Pas depuis qu'ils avaient affronté un Troll des montagnes.

Alors il partit en courant, ignorant les appels de Trelawney ou ceux des autres Professeurs, trop conscient des bruits de course qui le suivaient de près.

°O°O°O°O°

Potter allait s'enfuir, retourner droit vers le danger, Draco le lut dans ses yeux une demi-seconde avant qu'il ne le fasse.

Il resserra son étreinte sur Granger pile au moment où le Gryffondor se détournait et partait en courant, la retenant contre son grès.

« Non ! » lui interdit-il. « C'est… »

Elle se dégagea brutalement et se tourna pour lui faire face.

Autour d'eux, plusieurs de leurs amis partirent à la suite de Potter comme s'ils étaient poursuivis par des hippogriffes enragés. Comme s'ils étaient pressés d'aller se faire massacrer.

« Je dois y aller. » déclara Granger, avec cette expression entêtée qu'il détestait parce que c'était toujours la même chose, toujours la même histoire… Il fallait toujours qu'elle fonce tête la première vers le danger, en portant haut l'étendard de Saint Potter, et…

Non.

« Tu vas te faire tuer. » grinça-t-il, en attrapant ses bras.

Il savait qu'il serrait assez fort pour laisser des bleus mais il s'en moquait.

Tout pour la retenir.

Tout pour la sauver.

Tout pour…

« Draco… » Soudain, elle était contre lui, ses mains sur ses joues… Elle l'embrassa. Elle l'embrassa comme si c'était la dernière fois et cela lui donna envie de hurler, de… « Je t'aime. »

Les mots le choquèrent.

Suffisamment pour qu'elle échappe à sa poigne et fasse volteface.

Elle fût avalée par l'obscurité avant qu'il ait pu tenter à nouveau de la rattraper.

Elle ne lui demanda pas de venir avec elle.

Parce qu'elle savait qu'il voulait rester neutre, parce qu'il avait été clair sur le sujet un nombre incalculable de fois, parce qu'il était déjà mort une fois cette année, parce que…

Il aurait aimé qu'elle le lui demande, lui laisse l'opportunité de changer d'avis ou de lui prouver, une nouvelle fois, que ses sentiments surpassaient ses convictions.

Il aurait aimé qu'elle lui laisse le temps de répondre qu'il l'aimait aussi.

Il hésita à la suivre.

Il fit un pas, puis son attention fût détournée par Daphné qui criait sur sa sœur.

Avant qu'il ait compris ce qui se passait, elle avait poussé Astoria vers lui et il rattrapa la quatrième année par réflexe.

« Empêche la de nous suivre. » ordonna Daphné, avant de se détourner.

Blaise était déjà un peu plus loin dans le tunnel, comme si…

« Vous n'êtes pas sérieux ! » protesta-t-il.

« Garde un œil sur les autres. » demanda son meilleur ami, avant de partir en courant à la suite de Potter et des membres de l'A.D. qui avaient décidé que leur vie ne valait rien ou si peu.

Astoria se débattait contre lui mais il ne la lâcha pas.

Burbage et Vector les avaient finalement rejoints, remettaient de l'ordre…

Mais tous ceux qui voulaient retourner se battre étaient déjà partis.

Et lorsqu'il regarda autour de lui, Draco réalisa qu'il restait peu de membres de l'A.D. Astoria qui continuait à se débattre et s'était mise à pleurer, Jones… Cho Chang qui paressait avoir été stoppée par Trelawney avant d'avoir pu partir et exprimait clairement son mécontentement…

Il restait d'autres cinquièmes années autour d'eux, des Serdaigles, des Poufsouffles, la quasi-totalité des Serpentards…

Mais aucun Gryffondor.

°O°O°O°O°

Les hurlements de Sirius le déchiraient. Il ne parvenait pas à les occluder. Pas plus qu'il ne pouvait occluder la terreur sourde qui l'avait pris aux tripes.

Parce que, alors même qu'il prenait une décision stupide, il espérait que quelqu'un d'autre relaierait Grindelwald.

Nymphadora aurait dû prendre la relève, ne serait-ce que le temps qu'Albus rejoigne la tour d'astronomie. Elle aurait dû…

Mais les secondes s'égrenaient et il ne se passait rien.

S'était-elle attardée pour tenter de sauver le mage noir ? Était-elle en train de se battre ?

Les secondes passaient, le sort faiblissait et ne tarderait pas à se rompre…

Severus changea d'incantation.

Le pouvoir afflua vers lui.

La magie de Minerva, de Filius, d'Horace… Leur magie le heurta comme un torrent déchainé et il rejeta la tête en arrière, incapable, l'espace d'un instant, d'en juguler la force.

C'était pour ça qu'il fallait un sorcier extrêmement puissant pour jouer la clef de voûte.

Il aurait été trop facile de se laisser écraser par le sort.

Lentement, luttant contre la magie qui voulait l'engloutir, il leva la baguette… La magie fusa vers le plafond.

Et il sentit la sphère de Troie s'affirmer à nouveau.

Excepté que ce n'était plus une sphère.

La clef de voûte aurait dû être au milieu, entre les quatre points cardinaux représentés par les ancres… Il manquait une ancre désormais pour stabiliser le sort et il n'était pas au centre.

Ils avaient perdu une partie du parc.

Les protections de Poudlard tenaient toujours mais pour combien de temps ?

Que se passait-il là-dehors ?

Il n'eut pas le temps de se poser longtemps la question.

Tenir le sortilège était épuisant, éreintant, demandait toute sa concentration…

Les hurlements de Sirius se turent enfin, sans qu'il ne sache si c'était une bonne ou une mauvaise chose.

Au prix d'un effort, il tourna la tête vers son ami, le trouva allongé au sol, inconscient, le corps agité de tressautements, sa baguette à un bon mètre de sa main…

Vivant mais pour combien de temps ?

Il reporta son attention sur les bottes qui entrèrent dans son champ de vision, remonta les yeux le long du jean usé, du tee-shirt avec un accroc près du bord, passa sur le visage d'Anthony…

Et il n'était pas du tout surpris.

Pourquoi n'était-il pas du tout surpris ?

Diviser son attention entre le sort et l'espion qui venait de sortir de l'ombre lui donnait l'impression de passer son cerveau à la broyeuse.

Le dragonnier s'accroupit lentement devant lui, laissant suffisamment de distance pour que Severus ne puisse pas l'atteindre même s'il l'avait voulu.

« Tu es en train de te demander pourquoi tu n'es pas surpris. Je me trompe ? » demanda calmement Anthony.

Le Maître des Potions ne cessa pas de psalmodier, ne cessa pas d'alimenter le sortilège…

« Il existe un sort bien pratique qu'on utilise sur les dragons pour leur suggérer des choses, les garder calmes, détourner leur attention vers autre chose que la seringue qu'on utilise pour leur prélever du sang, par exemple. Un peu comme un vers planté dans leur esprit qui ferait son chemin, tu vois ? » continua le dragonnier, du même ton calme, détaché. « Déconseillé sur les humains, bien sûr, mais j'ai toujours été bon en Sortilèges. En l'adaptant un peu… Dès que vous commenciez à trop vous intéresser à moi, à me soupçonner, le sort se déclenchait automatiquement. Vous deveniez sereins, vous oubliez immédiatement pourquoi j'aurais pu vous intéresser… Je n'ai jamais été un danger dans votre esprit, à peine une curiosité. »

L'idée était suffisamment brillante pour que Severus en conçoive de la rancœur de ne pas y avoir pensé plus tôt – cela aurait été bien pratique durant ses propres années d'espionnage. Et de l'incrédulité. Parce que…

« C'est plus délicat sur des Occlumens. » confirma l'homme, comme s'il avait suivi son raisonnement. « Mais vous avez tous vos défauts. Dumbledore est arrogant et j'étais bien trop insignifiant pour lui, il ne s'est même pas méfié, n'a même pas pensé que je pouvais exceller en magie de l'esprit… Et toi… » Anthony laissa échapper un bruit amer. « Toi, c'était plus dur. Au lieu de te pousser à m'oublier, j'ai dû te pousser à t'intéresser à quelqu'un d'autre. Quelqu'un comme Nyssa. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu étais obsédé par l'idée qu'elle puisse être la taupe alors que tous les signes la disculpaient ? » Il haussa les épaules. « Sirius a des dons d'Occlumens mais ils ne sont pas très bons, c'était facile. Quant à Tonks… Elle commençait à lutter contre le sort sans même s'en rendre compte, des derniers temps. Je ne comprenais pas comment elle faisait jusqu'à ce que Charlie me dise que tu avais commencé à l'entraîner à l'Occlumencie. Elle a essayé de me mentir, en me disant qu'elle y avait à peine touché mais… Tu l'avais déjà contaminée. J'ai dû ajuster le sort. »

Severus n'osa pas détourner les yeux de l'espion, pas même lorsqu'il sentit, plus qu'il ne le vit, Sirius bouger.

Le regard d'Anthony voyagea jusqu'à l'Animagus et il pointa sa baguette sur lui. « Attends ton tour, tu veux. Je vais te tuer dans deux minutes mais d'abord je veux savourer. »

Savourer quoi ?

« Connard… » siffla Black, en toussotant.

Severus l'entendit distinctement cracher. Il espéra que ce n'était pas du sang. C'était un danger avec l'endoloris : se mordre la langue, arracher accidentellement un bon bout de sa propre joue en verrouillant les mâchoires par réflexe sous le coup de la douleur…

« Connard ? » répéta Anthony, de la haine pure, sourde, dans la voix. « Vous m'avez tout pris et c'est moi le connard ? Deux fois. Deux fois, vous avez tout détruit… » Il secoua la tête, une détresse véritable dans le regard. « Je m'étais reconstruit, putain. J'étais heureux. J'avais Charlie. Je… » Il s'interrompit brusquement. « Endoloris. »

Severus grimaça, non sans compassion ou inquiétude pour l'Animagus qui hurlait à nouveau. Il continua à psalmodier, inlassablement.

Anthony ne maintint pas longtemps l'Impardonnable.

Sirius était toujours conscient.

Il s'étouffait, crachait et toussait, ses mains raclaient le sol alors qu'il tentait d'aspirer de l'air à grosses goulées…

« Toi, je vais te tuer et je vais y prendre plaisir. » déclara Anthony, en s'adressant à l'Animagus. « Parce que tu es le plus hypocrite des deux. Le grand Sirius Black, accusé à tort, hein ? Tu n'es pas un meurtrier, hein, Sirius ? Réponds ! »

De manière mal avisée, peut-être, Sirius chercha à se repousser sur ses genoux, à foudroyer le dragonnier du regard.

« Je n'ai jamais tué que des gens qui le méritaient. » cracha Black. « Des gens comme toi. Des Mange… »

« Et ma mère elle le méritait ? » l'interrompit Anthony, dans un cri qui résonna dans le hall désert. Il se repoussa sur ses pieds, se mit à faire les cent pas. « Elle n'avait jamais fait de mal à personne, ma mère. C'était une musicienne, une artiste. Elle rendait le monde plus beau. Elle s'est juste trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment. » Sirius s'était brutalement tut et eut un mouvement de recul lorsque le dragonnier pointa un doigt accusateur sur eux deux. « Elle s'est retrouvée entre vous et vous étiez aveugle à tout ce qui n'était pas l'autre, hein ? Vous vous détestiez tellement… Et cette pute de Lily Potter a décidé d'enterrer la vérité ! Elle a dit que c'était des Mangemorts mais c'est faux ! C'est faux ! J'ai tout vu ! » Sa voix retomba à un volume plus normal, plus naturel. « J'ai tout vu et c'était toi. »

Sirius demeura au sol, interdit, choqué. « Non… Je… »

« J'ai tout vu, je te dis. Ne nie pas. » siffla le dragonnier, en pointant sa baguette vers Black. « Ils t'ont jeté à Azkaban et je me suis dit… Justice est faite. Lui… » Il désigna Severus d'un coup de tête. « Je ne savais pas qui c'était, il était masqué et je n'avais qu'un surnom. Lily Potter, cette nuit là, quand elle expliquait à son mari pourquoi il ne fallait rien dire, parce que ça te tuerait de savoir, Sirius, comme si mes parents à moi comptaient moins que ta putain de conscience, elle a dit Sev. Il visait Sev. »

Severus reçut cette information comme un coup au cœur.

C'était sans importance comparé au reste, bien entendu, mais… Que Lily ait toujours utilisé son surnom tant d'années après… Qu'elle ait toujours pensé à lui comme à son ancien meilleur ami et pas… Elle aurait pu mettre de la distance, l'appeler Snape ou même simplement Severus. Mais Sev

« Je ne suis pas allé à Poudlard, je n'en avais pas les moyens. Il a fallu attendre que Charlie me traine ici pour que je comprenne qui était Sev. » expliqua Anthony. « Severus Snape. L'homme qui a tué mon père simplement parce qu'il le pouvait. À peine un coup d'œil. À peine une pensée. Oublié dès le sort de mort jeté. Je me trompe ? »

Le Maître des Potions ne répondit pas, ne se détourna pas du sortilège.

Mais il ne chercha pas à nier non plus.

Il ne se souvenait pas.

Des nuits comme celles que le jeune homme décrivait, il y en avait eu des tas.

Mais cela ne paraissait pas improbable.

Il y avait eu une époque où il avait tué sans trop de regrets, de descriminations ou de remords.

Il n'avait jamais prétendu être meilleur qu'il n'était.

Tout ce qu'il pouvait faire était tenter de faire mieux, à présent.

Anthony haussa les épaules, la baguette qu'il pointait vers Sirius ne tremblait pas.

« J'ai attendu ma vengeance tellement longtemps. » murmura-t-il. « Toi, je vais te tuer. Mais, toi… » Tenant toujours l'Animagus en respect, le dragonnier revint s'accroupir devant Severus. « Toi, Lord Voldemort te veut. C'était le prix à payer et tu seras mort bientôt de toute manière, probablement dans d'atroces souffrances, mais pas de ma main. Alors il me fallait trouver autre chose pour me venger. »

Le nom fit flamber la Marque avec suffisamment de violence pour qu'il rate une syllabe. Le sort fluctua puis se stabilisa.

« Je te hais encore plus pour ce que tu m'as fait faire, tu sais. » cracha le dragonnier, le ton triste. « Le reste, Charlie aurait pu me le pardonner, même l'Impérium et les sorts de confusion, même les mensonges, mais ça… Ça je ne sais pas comment on va en revenir, comment je vais le convaincre de me pardonner. Il l'aime. Moi aussi je l'aime, je l'ai adorée dès qu'il me l'a présentée… C'est notre meilleure amie. Comment on va revenir de ça, hein ? Mais je n'avais pas le choix. Lorsque j'ai compris que tu l'aimais vraiment… Lorsque j'ai compris à quel point tu l'aimais… »

Non.

Non, non, non.

Quoi qu'il ait fait, quoi qu'il ait tenté…

Nymphadora le valait dix fois.

Il n'aurait jamais pu la vaincre.

Il n'aurait jamais pu…

Et comme pour lui donner raison, il sentit quelque chose au niveau du sort, une cinquième personne qui se liait progressivement à eux, qui cherchait à reprendre le contrôle… Il abandonna l'incantation de la clef de voûte pour revenir à celle des ancres avec soulagement, attendit de sentir la magie de Nymphadora embrasser la leur, attendit cette confirmation que…

« Il y a plus d'une manière d'arracher le cœur de quelqu'un. » lâcha le dragonnier.

Severus entendit à peine l'exclamation choquée de Sirius.

Il jeta sa magie vers la nouvelle venue, désespéré de la sentir, de…

Ce n'était pas la magie de Nymphadora qui rencontra la sienne mais une qu'il connaissait par cœur, ardente comme la flamme d'un phœnix. C'était celle d'Albus.

« J'ai demandé à Charlie de la poignarder en plein cœur. » murmura Anthony.

Celui de Severus manqua plusieurs battements à mesure que l'horreur l'envahissait. Le déni fût immédiat, le…

Mais elle ne se serait pas méfiée.

Elle ne se serait jamais méfiée de Charlie Weasley.

« C'est presque plus poétique comme vengeance, au final. » se moqua le traître. « Avant que Voldemort te tue, tu devras vivre avec ça : elle est morte à cause de toi. Parce que tu l'aimais et uniquement pour ça. »

Severus ne pouvait plus respirer.

Il déversa moins de pouvoir dans le sortilège, ne contrôlait plus sa magie…

Il ne pouvait plus respirer.

Nymphadora.

Nymphadora…

Avec un hurlement de rage pure, Sirius se jeta sur Anthony.

°O°O°O°O°

Albus quittait la tour où Minerva et Aurora étaient retranchées, après avoir vérifié que tout allait bien et s'être servi des hauteurs pour surveiller le combat qui s'était engagé aux grilles, lorsqu'il sentit la sphère de Troie flancher.

Moins d'une minute plus tard, le sort sembla se stabiliser à nouveau mais quelque chose n'allait pas. Il lui semblait bancal. Poudlard était plus vulnérable. Une des ancres avait dû prendre le relais en tant que clef de voûte, supposa-t-il.

Sans hésiter, sans même prendre la peine d'y réfléchir, il se mit à courir vers la tour d'astronomie.

Il n'était plus assez jeune pour que la chose soit aisée et il était déjà à bout de souffle, et avait perdu de précieuses minutes, lorsqu'il arriva en bas des marches.

Charlie et Anthony n'étaient plus à leur poste.

Mais au sol…

De minces traces de sang.

Un loup argenté apparut soudain, parlant avec la voix de Remus. « La sphère ne couvre plus le parc. Demande instructions. »

Il fit apparaître un patronus et le renvoya dans le même geste. « Tenez-vous prêt mais n'engagez pas à moins qu'ils ne passent les protections. »

Il s'élança dans l'escalier, baguette au poing et cœur battant, observant avec horreur les tâches de sang grandir jusqu'à former des empreintes nettes de bottes à mesure qu'il grimpait les étages. Il attendit et attendit que quelqu'un reprenne la place de la véritable clef de voûte, que le sort se stabilise, mais il ne se passa rien.

Pour cette raison, il savait ce qu'il allait trouver en arrivant au sommet.

Il savait et il s'y prépara.

Cependant, on n'était jamais prêt pour ce genre de choses.

Il se dit de ne pas regarder vers le centre de la tour, de rester aux aguets au cas où l'ennemi se dissimulerait toujours là haut, bien que les empreintes sanglantes semblent indiquer que quelqu'un était déjà parti…

La première chose qu'il vit lorsqu'il atteignit la pièce fût pourtant Gellert.

Sur le dos, les yeux vitreux, une main tombée négligemment au dessus de sa tête en une position qui aurait pu évoquer un sommeil agréable si sa baguette n'avait pas été à quelques centimètres de ses doigts, ses jambes étaient repliées sous son corps… Il avait dû être à genoux lorsqu'il était mort.

Une exécution.

Il ne pouvait pas détourner les yeux.

Que ce soit pour déterminer s'il y avait un danger ou prendre sa place, il ne pouvait pas détourner les yeux.

Gellert.

Gellert.

Gellert.

Puis il entendit le gargouillis.

Des années de réflexes prenant le pas sur son choc, il se tourna en direction du bruit, levant plus haut sa baguette…

Et il la vit.

Baignant dans son sang.

Vivante mais à peine.

Tonks était encore consciente mais cela semblait tenir du miracle.

Il s'agenouilla à côté d'elle, captant son regard paniqué…

Elle était si pâle…

Et il y avait tellement de sang sur elle, autour d'elle… Ses robes bleues en étaient imbibées…

Il jeta un sort de diagnostic, par acquis de conscience. La lame l'avait touchée à l'abdomen. À quelques centimètres, elle l'aurait prise en plein cœur et serait morte sur le coup. Était-ce une bonne chose, cependant, que la plaie soit plus basse ? Les dégâts étaient importants et il aurait pu les soigner s'il avait eu le temps de le faire.

Néanmoins, il y avait plus urgent.

Poudlard devait passer avant elle.

Combien de sang avait-elle perdu ? Combien de temps lui restait-il ? C'était l'hémorragie qui allait la tuer.

À regret, il sortit de sa poche les deux fioles de reconstituant sanguin qu'il avait sur lui et la força à les avaler. Deux était une forte dose, déconseillée, mais étant donné la quantité de sang perdu, il espérait que cela l'aiderait à en synthétiser davantage plus rapidement. Elle était perdue de toute manière sans soin immédiat, pourtant il voulait lui donner une chance. Il jeta un sort de compression sur la plaie, espérant que cela ralentirait l'hémorragie à défaut de l'arrêter…

Peut-être, si quelqu'un venait voir ce qui s'était passé avec la clef de voûte, un autre membre de l'Ordre, peut-être

« Je regrette, Tonks, je ne peux pas faire davantage. » offrit-il, en pressant la main poisseuse de sang de la jeune femme. « Ce sera à vous de faire le reste. »

Elle était très visiblement désorientée mais essaya d'ouvrir la bouche, sembla incapable d'émettre autre chose qu'un gargouillement qui tenait presque du sifflement… Un nom commençant par S, peut-être.

Il avait une bonne idée de ce qu'elle essayait de dire.

Il savait ce qu'il aurait voulu dire à Gellert s'il avait été moins idiot.

À l'orée de la mort, c'étaient généralement des paroles d'amour qui venaient.

« Je le lui dirai. » promit-il. Il serra sa main, tâchant de ne pas remarquer à quel point, déjà, elle était froide, et se redressa pour aller se tenir au centre de la tour.

Il ne laissa pas ses yeux dériver vers Gellert lorsqu'il s'agenouilla, ne se laissa pas attendrir par la vue de la jeune femme qui agonisait devant lui.

Il ne se laissa pas distraire.

Il plaça la main couverte du sang de la sorcière contre la pierre, ferma les paupières et entama l'incantation…

Il fût immédiatement happé par la communion des magies familières.

C'était Severus qui avait joué les clefs de voûte jusque là mais, à la seconde où il sentit la présence d'Albus, le Maître des Potions abandonna le rôle pour revenir se fondre avec les autres ancres…

Le sortilège était… grisant.

Et difficile à contrôler même pour lui.

Il ne fût donc pas surpris que Severus ne semble plus contribuer autant. Il sentait sa magie mais elle était ténue par rapport à celle des autres ancres.

Et puis, d'un coup, elle disparut.

Il accusa le choc, tout comme Filius, Horace et Minerva qui, après un moment de flottement, déversèrent davantage de pouvoir pour compenser la chose. Ils trouvèrent un nouveau point d'équilibre mais le sortilège fonctionnait moins bien, il devait compenser davantage…

Albus attendit, s'efforçant de juguler le flux de magie au mieux, persuadé que Sirius allait prendre le relais d'une seconde à l'autre, remplacer Severus qui avait dû s'épuiser à jouer les clefs de voûte…

Il attendit et attendit encore…

°O°O°O°O°

Sirius se jeta sur Anthony avec un hurlement de rage, la haine lui étreignant le cœur.

Tonks.

Tonks.

Chaque battement de son cœur semblait hurler son nom.

Tonks.

Il n'atteignit pas sa cible.

Le dragonnier se redressa avec agilité, cingla l'air de sa baguette et l'Animagus se retrouva propulsé en sens inverse avec violence.

Droit sur Severus qui, incapable de se défendre et de maintenir le sort en même temps, le prit de plein fouet.

Ils roulèrent au sol dans un enchevêtrement de jambes et de bras, mettant plusieurs secondes à se dégager…

Sirius vit sa baguette se précipita vers elle à quatre pattes, ne dût qu'aux réflexes de Severus qui le tira brusquement en arrière de ne pas prendre, en pleine tête, le sort de mort qui s'écrasa sur les pierres juste devant lui…

Anthony n'eut pas le temps d'en jeter un second.

Le Maître des Potions avait pris appui sur son épaule juste assez longtemps pour se remettre sur ses pieds. Son bras gauche était replié contre son abdomen, sa canne perdue, mais cela ne l'empêcha pas de se jeter corps et âme dans le duel contre le dragonnier.

Sirius en profita pour récupérer sa baguette, roulant sur ses pieds lui-aussi, cherchant l'ouverture…

Lui et Severus s'étaient entraînés ensemble suffisamment de fois – s'étaient battus l'un contre l'autre suffisamment de fois – pour être familier avec leur style de combat respectif. L'ancien Mangemort aurait dû lui laisser de la place, le laisser l'épauler, le laisser…

Il n'y avait aucune entrée possible dans ce combat.

« La sphère ! » ordonna sèchement le Professeur, sans même un regard pour lui. « Il est à moi ! »

Comprenant ce qu'il voulait, Sirius s'agenouilla à nouveau au sol, jetant un puissant bouclier autour de lui pour faire bonne mesure et plaça une main contre la pierre sans pourtant quitter des yeux le duel qui se jouait devant lui.

C'était…

Il avait vu Severus se battre à de multiples reprises, l'avait affronté plus souvent qu'à son tour, furieux ou humilié, et, pourtant, jamais il ne l'avait vu comme ça.

Le sorcier, même si cela lui faisait mal de l'admettre, était un excellent duelliste, peut-être l'un des meilleurs qu'il ait jamais affronté à l'exception de Bellatrix, mais sa force résidait dans sa capacité à garder la tête froide. Severus était calculateur en toutes circonstances mais jamais autant que lors d'une bataille. Il écoutait son instinct, oui, mais c'était toujours son cerveau qui contrôlait ses actes, pas ses tripes. Ce n'était pas une tête brûlée.

Excepté ce jour là, apparemment.

Sirius ne se décidait pas à prononcer la formule parce que…

Severus jetait sort sur sort – des sorts plus noirs et potentiellement plus douloureux qu'un Avada – sans s'embarrasser de s'entourer d'un bouclier ou de véritablement esquiver les maléfices d'Anthony. Il les déviait, les renvoyait mais… Il ne tenait pas sa garde, ne mesurait pas la puissance de ses sorts… Il se battait avec un désespoir, une rage qui…

Il allait se faire tuer.

Cet idiot allait se faire tuer.

Tonks.

Il verrouilla le chagrin, la douleur, dans un coin de sa tête. Ce n'était pas le moment. Ce n'était pas le lieu.

Si seulement Severus avait pu faire l'effort de s'en souvenir…

Avec un grognement de colère, il se remit sur ses pieds sans jeter la formule. Oui, la sphère aurait dû être la priorité mais ils pouvaient survivre avec trois ancres.

Harry lui avait fait promettre de protéger cet abruti.

Et il comptait bien tenir sa promesse.

Quoi qu'il en coûte.

°O°O°O°O°

Nymphadora agonisait.

Les potions de reconstituant sanguin avaient fait leur office et lui avait acheté un sursis mais, malgré le sortilège de compression que Dumbledore avait jeté sur la plaie, elle sentait le sang qui s'écoulait plus vite que son organisme ne le fabriquait, même avec deux doses.

Sa tête roula sur le côté et elle observa, quelques secondes, le vieux sorcier psalmodier, sa baguette levée droit vers le ciel approvisionnant le faisceau de magie qui formait la sphère…

Si Charlie avait laissé le couteau dans la plaie, elle aurait eu davantage de chances. La lame aurait efficacement comprimé la plaie. Elle serait probablement toujours en train de mourir mais…

Des et si ne la sauveraient pas.

Lentement, l'esprit embrouillé, elle tâcha de déterminer où exactement il l'avait touchée, ce qu'il aurait fallu réparer…

Elle n'était tellement pas douée pour ça, c'était tellement plus dur que de changer une partie de son corps…

Tous ces livres d'anatomie qu'elle avait avalés pendant sa quatrième année…

Mais si peu d'énergie…

Si peu…

Severus

Elle aurait voulu…

Severus

Je t'aime…

Elle ravala un sanglot.

Elle aurait voulu…

°O°O°O°O°

Pour la deuxième fois de sa vie, l'Occlumencie ne lui était d'aucun secours.

Ses boucliers mentaux avaient explosé et lui étaient entièrement inaccessibles.

Était-ce parce que Severus s'y était retrouvé coincé en soixante-quinze que le souvenir de cet Halloween à Godric's Hollow était si net dans son esprit ou bien avait-il toujours été là, attendant son heure pour mieux frapper ? Ce soir là non plus il n'avait pas été capable d'occluder, pas plus que les mois qui avaient suivis.

Le souvenir était si net.

Si net.

Le poids mort du corps de Lily dans ses bras.

Il était trop facile d'imaginer celui de Nymphadora à la place. Ses yeux gris ouverts mais vitreux. Ses lèvres entrouvertes sur une dernière expiration. Ses cheveux bruns autour de son visage. Son corps rendu trop lourd par l'absence de vie.

Il était trop facile de s'imaginer courir jusqu'à la tour d'astronomie, grimper l'escalier, comme il avait grimpé celui du cottage, pour y trouver… un cadavre.

Nymphadora.

Nymphadora qui était faite pour les rires et la vie, qui distribuait son affection sans compter et avait plus de courage dans son petit doigt que la majorité des sorciers qu'il avait rencontré au cours de toute son existence.

Nymphadora qui méritait le monde sur un plateau d'argent mais l'avait choisi, lui, encore et encore, en dépit de tout.

Nymphadora…

Nymphadora qui était morte parce qu'il l'avait aimée.

Une partie de lui refusait de le croire, refuserait de l'accepter tant qu'il n'aurait pas de preuve

Mais, au fond… Au fond, il avait toujours su que cela finirait comme ça. Les gens qu'il osait aimer le quittaient ou lui étaient arrachés, le plus souvent par sa faute. Il n'avait pas su protéger Eileen. Il avait causé la perte de Lily. Et, à présent…

Nymphadora.

Il avait vaguement conscience qu'il se battait comme un débutant, qu'il prenait trop de risques inutiles, que s'il y avait mis un minimum de méthode, il aurait pu vaincre Anthony en une poignée de minutes et sans une goutte de sueur…

Mais il voyait rouge.

C'était comme un hurlement sans fin dans sa tête.

La douleur.

La terreur, la terreur que ce soit vrai, que…

La douleur dans sa poitrine.

Il y a plus d'une manière d'arracher le cœur de quelqu'un.

Les sorts fusaient et il parait, les déviant ou les renvoyant selon leurs degrés de noirceur, répliquait avec cruauté… Des Sectumsempra, d'autres de ses créations les plus vicieuses…

Anthony paniquait mais refusait de reculer, ripostait avec tout autant de haine…

Un sort passa la garde de l'ancien Mangemort, laissant une large estafilade sur le côté de sa gorge.

Quelques centimètres plus à gauche et il aurait touché sa jugulaire.

Ça l'enragea d'autant plus.

« Avada… » siffla-t-il.

Le dragonnier le prit de vitesse avec un autre Diffindo. Ce n'était pas un Sectumsempra mais il fusait droit vers son torse et ferait des dégâts à l'impact.

Or il n'avait pas de bouclier.

L'espace d'une seconde, il hésita à poursuivre le sort de mort ou ériger un sort de protection à la place.

Ce fût une seconde de trop.

Une erreur qu'il n'aurait jamais commise en temps normal.

Le Diffindo s'écrasa pourtant sur un protego hâtif qui explosa sous le choc, l'obligeant à reculer de quelques pas.

Severus n'eut pas le temps de s'interroger.

Black avait profité de sa stupeur pour passer devant lui et engager Anthony.

« Rejoins les autres ancres ! » hurla l'Animagus, entre deux stupefix.

Il ne voulait pas rejoindre les autres ancres.

Il voulait tuer Anthony.

Il voulait le faire saigner.

Il voulait le faire souffrir.

Parce que Nymphadora

Nymphadora aurait protégé l'école coûte que coûte et aurait fait passer son devoir avant tout le reste.

Mais Nymphadora était une bonne personne et lui… ne l'était pas.

Mais se faire tuer ne la ramènerait pas, n'aiderait pas Harry et ne sauverait pas Poudlard.

Harry.

Harry était tout ce qu'il lui restait, à présent. Il ne pouvait pas l'abandonner.

À regret, le cœur lourd, il s'obligea à s'écarter du combat, à s'agenouiller à nouveau, à poser la main au sol…

Elle n'est peut-être pas morte. Il se raccrocha à cet espoir ténu comme un noyé à un radeau de fortune. Elle n'est peut-être pas morte. Anthony pouvait très bien avoir menti. Charlie pouvait avoir combattu le sort. Elle avait très bien pu l'immobiliser. Qu'elle n'ait pas pris la suite de Grindelwald ne voulait rien dire. Rien du tout. Peut-être Albus était-il arrivé à temps pour l'aider. Peut-être…

Il s'efforça de calmer sa respiration, de remettre en place les boucliers mentaux qui l'aideraient à se concentrer…

Il n'était tout simplement pas capable de jeter le sort, de faire de la magie à un niveau aussi élevé, dans l'état dans lequel il était.

Il avait la sensation qu'on lui avait broyé le cœur.

Ses yeux le brûlaient.

Le trou dans sa poitrine…

« Quand tu veux, Servilus ! » beugla Sirius, en roulant au sol pour esquiver un maléfice.

Étrangement ce fût ce surnom, qu'il haïssait mais avait cessé de protester depuis qu'il était prononcé avec plus d'affection que de mépris, qui lui permit de reprendre un peu ses esprits alors qu'un plan se dessinait dans sa tête. Il allait rejoindre les ancres, Black allait arrêter Anthony puis prendre sa place et, lui, pourrait rejoindre la tour d'astronomie pour voir ce qu'il en était réellement.

Oui…

Oui.

Il n'eut pourtant pas le temps de prononcer plus d'une syllabe.

La sphère de Troie implosa.

Et, une seconde plus tard, les protections de Poudlard suivirent.

°O°O°O°O°

Severus ne revenait pas dans le sortilège et Sirius ne prenait pas le relais.

Albus tentait de compenser au mieux, les trois autres ancres en faisaient de même, mais cela demandait davantage de puissance, davantage de concentration, davantage de…

Si personne ne prenait la place de la quatrième ancre, ils ne tiendraient pas longtemps.

Que s'était-il passé ?

La personne qui avait attaqué Tonks avait-elle frappé dans le hall ? Qu'en était-il de Charlie et d'Anthony ? L'un d'eux était-il le traitre ? Les deux ? Ou bien avaient-ils été les premières victimes ?

Et, plus préoccupant, qui serait la…

Une autre ancre disparut brutalement, trop brutalement, il tenta de compenser à nouveau avec l'aide des deux qui restaient mais…

Il perdit le contrôle.

La sphère de Troie implosa.

L'onde magique fût telle…

Elle heurta les protections qui entouraient Poudlard, les réduisant à néant.

Et Albus, qui en ressentit la disparition dans sa chair, trop intrinsèquement lié à l'école pour qu'il en soit autrement à ce moment là, s'écroula dans un hurlement de souffrance pure qui donna voix à ce que Poudlard éprouvait.

°O°O°O°O°

Bill n'avait aucune idée de ce qu'il se passait précisément mais, très clairement, quelque chose ne s'était pas déroulé comme prévu.

De la petite cours que leur avait assignée Snape, Bill ne pouvait pas voir grand-chose d'autre que le dôme bleuté au-dessus de leur tête qui les protégeait de la pluie. Flitwick était agenouillé au centre et le Briseur de Sort gardait un œil sur les différents points d'accès.

La sphère de Troie était en place.

Mais elle avait déjà faibli une fois avant de brusquement se déformer, ce qui lui avait fait dire qu'il était arrivé quelque chose à la clef de voûte et qu'une autre ancre, probablement Snape vu la direction qu'avait pris la sphère, avait pris le relais. Puis, après de longues minutes, le sortilège s'était à nouveau arrondi et avait repris l'aspect qu'il était censé avoir.

Et puis Flitwick avait commencé à grimacer comme si le sortilège lui demandait beaucoup plus qu'il n'avait à donner, comme s'il s'épuisait plus vite que prévu.

Bill se tenait prêt au cas où le Professeur de Sortilège éprouve le besoin de se faire relayer.

Il guettait le moindre signe d'affaiblissement, tout en surveillant du coin de l'œil les arches qui menaient à l'intérieur du château…

Il repéra le mouvement avant d'en identifier la source et pivota, jetant un sort de bouclier, un autre sort défensif déjà sur les lèvres…

… avant d'abaisser sa baguette en reconnaissant son frère.

« Charlie ? » s'inquiéta-t-il.

Sa chemise était tâchée de sang, beaucoup de sang, et il y avait des traces de larmes sur ses joues bien que son expression soit désormais neutre, presque trop détachée. Sa baguette pendait mollement le long de son bras…

En une seconde, Bill s'inventa une explication qui paraissait la plus sensée, étant donné les informations dont il disposait : quelqu'un les avait attaqués lui et Anthony pour atteindre la clef de voûte, Anthony était probablement blessé quelque part – pas mort parce que le sortilège qui les liait aurait également tué son frère si ça avait été le cas – et Charlie était venu chercher de l'aide…

Il ne réagit pas lorsque Charlie leva brusquement sa baguette.

Il ne comprit pas lorsque l'éclat vert fusa.

Il n'eut même pas le temps de retenir sa respiration, son cœur rata un battement, il attendit la mort, incrédule, puis se rendit compte, l'instant d'après que ce n'était pas lui que son frère avait visé.

Le sort de mort ne s'accompagnait pas d'une fanfare.

Lorsque Bill se retourna vers son ancien Professeur de Sortilèges, son Professeur favori, ce fût pour le trouver gisant au sol, les yeux clos, sa baguette toujours fermement serrée dans son poing comme si même la mort n'avait osé désarmer l'ancien champion de duel.

Au-dessus d'eux, le dôme bleuté implosa et ils furent balayés par l'onde de choc.

Sa tête heurta un muret et ce fût le trou noir.

°O°O°O°O°

Burbage et Vector les avaient menés beaucoup plus loin que ce qu'Harry l'avait cru au premier abord, ils avaient à peine atteint une partie plus familière des cachots – du moins familière pour lui, Zabini et Greengrass, les autres étaient perdus – lorsqu'ils sentirent l'onde de choc balayer le château vers le bas.

Plusieurs des filles poussèrent des petits cris effrayés et surpris.

Beaucoup d'entre eux s'accroupirent par réflexe, protégeant leurs têtes.

« Qu'est-ce que c'était ? » demanda Lavande.

Ils retinrent tous leur respiration, levant la tête vers le plafond comme s'ils s'attendaient à ce que l'école s'écroule…

Après quelques secondes, il fût évident qu'ils ne courraient pas de danger immédiat et ils se détendirent tous un peu.

« Les protections. » lâcha finalement Hermione, d'un ton qui laissait percevoir sa frayeur. « Je crois… Je crois que c'étaient les protections de l'école. Elles sont tombées. »

Ils s'entre-regardèrent tous, mesurant la portée de la chose.

Puis Harry s'élança à nouveau en direction du hall, plus terrifié que jamais pour son père.

°O°O°O°O°

Lunard ne savait pas ce qu'il se passait à l'intérieur et le besoin d'aller vérifier le démangeait.

Mais Albus avait été clair dans son patronus… Ils devaient tenir leurs positions…

Au loin, porté par le vent, il pouvait entendre le bruit de la bataille qui faisait rage devant l'école. En lui, le loup s'agitait de plus en plus, impatient de rejoindre les combats, de faire sa part…

Par trois fois déjà, il avait examiné la ligne de défense que formaient les recrues et les élèves sous ses ordres, avait conféré avec Hagrid, avait jeté un coup d'œil aux plantes de Chourave…

Malgré les instructions du Directeur, il était en train d'hésiter à aller jeter un coup d'œil dans le hall, juste pour voir si Sirius savait ce qu'il s'était passé avec la clef de voûte un peu plus tôt lorsque, soudain, sans crier gare, la sphère bleutée qui les entourait implosa, suivie de près par les protections de Poudlard.

Il n'eut pas le temps de crier un avertissement, encore moins celui de dresser un bouclier.

Soufflé par l'explosion, son corps s'envola comme un grain de poussière balayé par le vent pour retomber au sol quelques mètres plus loin. Le crachin avait rendu la terre meuble et, s'il eut la respiration coupée, il en serait quitte pour quelques bleus…

Sonné, toutefois, il resta couché là quelques secondes, la pluie ruisselant à nouveau sur eux maintenant que la sphère n'était plus là…

Et puis il l'entendit.

Le bruit des grilles qui explosaient.

La clameur.

Il doutait que ce soient les Aurors qui soient en train de crier victoire…

Quelques secondes plus tard, les premiers Mangemorts entraient dans son champ de vision.

°O°O°O°O°

Poudlard les protégea du plus gros de l'onde de choc mais Severus en ressentit tout de même l'impact jusque dans ses os.

Sirius et Anthony continuaient leur duel qui les emportait vers l'escalier, imperturbables.

Le Professeur se remit difficilement sur ses pieds, voulut les rejoindre…

Sa jambe se rappela à son mauvais souvenir à cet instant précis mais il renonça à ramasser la canne qui avait roulé dans un coin du hall. Sa main gauche… Il ne parviendrait pas à l'ouvrir, encore moins à tenir quoi que ce soit.

La Marque était en feu.

Et cela faisait pourtant moins mal que le chagrin qui lui enserrait la gorge.

Il aurait voulu se précipiter vers les étages, il n'en eut pas le temps.

De l'extérieur retentissait la clameur d'une armée qui chargeait.

Il fit volte-face et claudiqua vers les portes d'entrée, déterminé à ne pas laisser le Seigneur des Ténèbres prendre l'école.

Il eut à peine le temps de passer le seuil.

Il vit la fiole jetée par un Mangemort sur un balai, en suivit l'arc de cercle des yeux, eut à peine le temps de se jeter en avant…

Le mur explosa et il fût projeté en l'air, alors qu'une avalanche de briques bouchait l'accès au hall derrière lui.

°O°O°O°O°

Sirius sentit le souffle de l'explosion dans son dos mais il était suffisamment loin pour ne pas être touché.

Il ne détourna pas son attention d'Anthony qui était bien meilleur duelliste qu'il ne l'avait laissé paraître. Ou, peut-être, était-il juste très déterminé à le tuer.

Il ne voyait plus Severus, ne l'entendait plus…

Il risqua un coup d'œil, deux…

La poussière flottait dans l'air, le mur à moitié affaissé bouchait la lumière – et l'accès au parc…

« Avada Kedavra ! » hurla Anthony.

Sirius sauta sur le côté, se fondit dans sa forme Animagus pour mieux se jeter sur lui, se vit repoussé par un sortilège qui, il en était sûr, était généralement utilisé sur des dragons…

Il roula au sol quelques mètres plus loin, la patte arrière meurtrie ce qui se traduirait très certainement par une jolie entorse sous sa forme humaine… Il ne laissa pas ça l'arrêter pourtant. Il se retransforma, terminant son roulé-boulé accroupi pour mieux viser le dragonnier de sa baguette…

« Expelliarmus ! » hurla une voix familière. La baguette d'Anthony s'envola. « Stupefix ! »

L'espace d'une seconde, à travers les particules de poussière en suspension, Sirius aurait pu jurer que c'était James revenu d'entre les morts pour le sauver.

Puis son cœur se serra lorsqu'il comprit que ce n'était pas James mais Harry.

Et, comme si cela ne suffisait pas, la quasi-totalité de l'A.D. déboula des cachots à sa suite.

Alors que, au-dehors, il pouvait déjà entendre le choc de deux groupes s'affrontant.

La dernière chose dont il avait besoin était d'adolescents susceptibles de se faire tuer au milieu.

« Incarcerem. » lança Hermione calmement.

Anthony tomba lourdement au sol, proprement ligoté.

« Attends, c'est le fiancé de mon frère ! » protesta Ron, l'air éberlué. « Qu'est-ce qui se passe ici ? »

« Où est Severus ? » demanda Harry, l'air inquiet, en fouillant le hall du regard.

Sirius ouvrit la bouche – pour dire quoi ? Ça, il n'en était pas sûr, pour ce qu'il en savait Severus était mort sous les décombres… Mais il n'eut pas le temps de répondre, de toute manière.

Il y eut une détonation au niveau de la Grande Salle, il entendit un bruit de verre brisé qui n'augurait rien de bon pour les vitraux, et puis…

La Dame Grise passa à travers le mur à tout allure, un air alarmé sur le visage.

« Les Mangemorts sont dans l'école ! Courrez ! » ordonna-t-elle.

Sirius n'hésita pas une seconde.

« Fuyez ! » répéta-t-il, en faisant un pas vers eux, tentant de les aiguiller vers les étages. « Allez ! »

Certains élèves obéirent.

Pas tous.

Il n'eut pas le temps de faire le compte.

À peine celui de se retourner pour parer le maléfice qui fusait vers lui.

°O°O°O°O°

Draco avait gardé une prise ferme sur le bras d'Astoria durant les longues dernières minutes alors qu'il la forçait à avancer, à suivre le troupeau des élèves qui, eux-mêmes, suivaient les Professeurs d'Étude des Moldus et d'Arithmancie..

« Ce n'est pas juste. » se plaignit Astoria. « Ginny et Luna… »

« Vont probablement se faire tuer. » termina-t-il sèchement.

Et Granger avec.

Ce tunnel n'en finirait-il jamais ? Depuis combien de temps marchaient-ils ?

Soudain, comme en réponse à ses prières, le groupe pila net. Il y eut quelques marmonnements, quelques protestations alors que les élèves se bousculaient accidentellement, bien vite remplacés par les éclats de voix des Professeurs à l'avant et des premières années qui hurlaient de terreur…

Draco essaya de se frayer un chemin à travers les quelques cinquièmes années restants et les quatrième années qui lui bouchaient la vue, trainant Astoria avec lui…

Il joua des coudes juste à temps pour apercevoir deux éclats verts.

Vector et Burbage moururent avant d'avoir touché le sol.

L'espace d'un instant, tout le monde demeura figé, les élèves comme l'important groupe de Mangemorts.

Puis Fenrir Greyback, qui se tenait à l'avant, sourit, les mains caressant l'échine des deux énormes loups qui l'encadraient.

Un sourire carnassier, terrifiant.

« Venez à moi, petits enfants… » invita-t-il, d'un ton moqueur.

Et ce fût le chaos.