Hello les gens!
Un grand merci à Ellie qui m'a aidé à corriger ce chapitre une nouvelle fois!
Alors, on a aussi un discord pour LDS maintenant si vous voulez être au courant des news, papotez avec d'autres gens et perdre le sommeil etc etc. Le lien passera pas sur ff mais il est dans ma bio twitter ou sur le chapitre version AO3 donc n'hésitez pas! C'est fun! (et si vous ne connaissez pas discord, ne vous inquiétez pas nous non plus on apprend sur le tas)
Enjoy & Review!
"Most people are good and occasionally do something they know is bad. Some people are bad and struggle every day to keep it under control. Others are corrupt to the core and don't give a damn, as long as they don't get caught. But evil is a completely different creature, Mac. Evil is bad that believes it's good."
― Karen Marie Moning, Shadowfever
« La plupart des gens sont bons et, de temps en temps, font quelque chose qu'ils savent être mauvais. Il y a des gens qui sont mauvais et se battent tous les jours pour le garder sous contrôle. D'autres sont pourris jusqu'à la moelle et s'en foutent tant qu'ils ne se font pas prendre. Mais le pur mal c'est une créature complètement différente, Mac. Le pur mal c'est le mauvais qui se prend pour le bien.
- Karen Marie Moning, Shadowfever
Chapitre 61 : A Completely Different Creature
Harry essayait de rester calme et de ne pas trahir de signes d'impatience mais c'était de plus en plus dur à mesure que la pendule égrenait les secondes. Severus avait raison. Le manque de ponctualité était le pire des fléaux. Tâchant de garder son irritation croissante sous contrôle, il observa la bataille de regards acharnée à laquelle se livraient Dora et Andromeda.
Tonks avait à peine fait deux pas dans la chambre de Severus, ce matin là, que sa mère l'avait faite asseoir d'autorité et avait entrepris de la bombarder de sorts de diagnostic.
« Je vais beaucoup mieux. » grinça la jeune femme, pour la dixième fois. « Tiens, regarde. »
D'un sortilège informulé, elle fit léviter un des objets à l'aspect étrange posés sur un plateau près du lit de Severus.
Avec un soupir, Andromeda capitula. « Tu vas mieux mais tu ne vas pas bien. Évite d'utiliser ta magie encore un peu et repose-toi autant que tu le pourras. » La sorcière pivota vers Harry qui avorta un mouvement de recul instinctif. Elle ressemblait tellement à Bellatrix qu'il était parfois difficile de convaincre son cerveau que ce n'était pas elle. « À toi. »
Le garçon tiqua et croisa les bras devant lui, mi-butté, mi-défensif. « Je n'ai rien, moi. »
Tonks s'empressa de se lever et de lui laisser la place sur le lit d'appoint. « Inutile de lutter, mon chat. Quand elle a une idée dans la tête… »
Rougissant légèrement à l'emploi de ce surnom devant quelqu'un d'autre, il traîna ses baskets usées jusqu'au lit et s'assit. Andromeda jeta plusieurs sorts, lui demanda de suivre des yeux un léger lumos qui dansait au bout de sa baguette…
Au final, elle pinça les lèvres mais son expression s'était adoucie. « Tu es légèrement en sous-poids et un peu anémié. Tu sautes souvent des repas ? »
Gêné, Harry évita son regard et haussa les épaules. « Je n'ai pas l'habitude de manger beaucoup. »
« Oui, eh bien… » soupira-t-elle. « Severus et moi allons avoir une conversation à ce sujet. À ce niveau, je comprends pourquoi lui ou Poppy ne t'ont pas donné de potions mais ne pas te nourrir correctement n'est pas une bonne habitude à avoir. »
« Severus insiste pour que je mange plus. » rétorqua-t-il, un peu sur la défensive. « Il s'occupe bien de moi. »
« Personne n'a dit le contraire. » répondit la Médicomage, en fronçant légèrement les sourcils. « Ce n'était pas une critique, Harry. Je voulais juste… »
Comme à court de mots, elle appela Tonks à l'aide d'un regard.
La jeune femme se racla la gorge. « À part ça, il va bien ? »
« Il reste des traces de l'Endoloris mais elles sont suffisamment faibles pour que ce ne soit pas inquiétant. » déclara Andromeda. « Je préfèrerais quand même que tu reprennes une dose de la potion de régénération des nerfs, pour plus de prudence. »
Il hocha la tête et sauta du lit pour aller se tenir à côté de celui de Severus. Dora s'était postée de l'autre côté et avait pris la main du sorcier dont l'immobilité était toujours aussi perturbante.
La veille au soir, après que la jeune femme l'eut convaincu de retourner dans les cachots en laissant Severus à la garde de son père, il avait demandé à Kreattur de lui trouver des livres sur les comas magiques à la bibliothèque. Ce qu'il avait lu était préoccupant. Physiquement, les sorciers avaient des moyens pour garder le corps actif et de limiter les séquelles qu'aurait subi un Moldu dans le même cas de figure mais sur le long terme, les répercussions pouvaient être importantes.
La porte s'ouvrit sur Pomfresh qui leur fit immédiatement une grimace d'excuse. « Pardonnez mon retard, j'avais un autre patient à voir. »
L'infirmière partit immédiatement dans un conciliabule avec Andromeda dont il semblait être l'objet davantage que Severus. Pomfresh voulait apparemment savoir s'il avait été examiné et s'il était en état de faire de la magie aussi complexe – comme s'il n'avait pas déjà fait pire dans des circonstances moins idéales.
« Où est-ce qu'il est ? » s'agaça-t-il finalement, en jetant un nouveau coup d'œil à la pendule.
Dora lâcha Severus pour faire le tour du lit et placer une main réconfortante sur son bras. « Il est Ministre, maintenant, Harry. Le poste va avec beaucoup d'imprévus. » Elle lui sourit, même si c'était un peu forcé. « Ça va bien se passer. »
Il admirait son optimisme.
Harry avait perdu le sien quelque part entre le moment où il avait attrapé le trophée l'année précédente et le moment où il avait appris qu'il abritait un bout de l'âme de Voldemort dans la sienne.
« Je veux juste qu'il se réveille. » admit-il. « Je veux juste… »
Il laissa sa phrase en suspens et soupira.
« Je sais. » promit-elle, son sourire devenant un peu plus sincère. Elle lui ébouriffa les cheveux. « Je sais, mon chat. »
Il protesta son geste pour la forme, tentant de remettre de l'ordre dans sa coiffure – un combat perdu d'avance – tout en baissant la tête pour cacher son propre sourire.
La porte se rouvrit à la volée et Sirius entra en courant à moitié, boitant de manière prononcée, une tasse dans la main. « Je suis en retard, je sais ! Je ne me suis pas réveillé ! Qu'est-ce que j'ai raté ? » Il s'immobilisa, jeta un regard à la ronde, puis souffla avec soulagement. « Oh, vous n'avez pas encore commencé ? »
Harry ravala à grand peine un grognement frustré. « Dumbledore est en retard. »
« Ah. » lâcha Sirius, en échangeant un regard avec Tonks. D'un geste circulaire du doigt au-dessus de sa tasse, il sembla dégeler le liquide à l'intérieur puis en prit une gorgée. « Ça bien se passer, Harry. »
Le Gryffondor leva les yeux au ciel. « Vous vous êtes donnés le mot, ou quoi ? »
« C'est tout à fait normal d'être nerveux, Potter. » intervint Pomfresh, en rejoignant la conversation. « Et il n'y a aucune honte à renoncer, vous m'entendez ? Ce que vous vous apprêtez à tenter serait compliqué pour un sorcier diplômé et expérimenté. »
« Je ne suis pas nerveux ! » protesta-t-il, avec un peu trop de véhémence. « Si Dumbledore voulait bien sortir de son lit et… »
« Ah, Harry, je te prie de m'excuser pour mon retard mais, malheureusement, je n'ai guère eu la chance de faire la grasse matinée. » l'interrompit l'homme en question.
Il était rentré dans la chambre si discrètement que le garçon ne l'avait pas remarqué tout de suite.
Malgré l'étincelle amusée dans le regard bleu, Harry éprouva une certaine honte et baissa les yeux.
« Désolé. » marmonna-t-il.
« Tu es tout excusé. Je suis en retard, c'est la vérité. » répondit le vieux sorcier, en balayant l'incident d'un geste.
Tonks, elle, n'avait pas l'air ravi et elle se pencha pour mieux étudier le couloir par la porte restée entrouverte. « Où est votre escorte ? »
« Mieux employée ailleurs. » répondit Dumbledore, d'un ton plaisant qui cachait mal un tranchant d'acier.
Il en fallait plus pour intimider Dora qui croisa les bras devant elle et le toisa avec le même agacement que les adultes mettaient généralement à gronder un enfant désobéissant. « N'avons-nous pas eu cette conversation trois fois, hier, Monsieur le Ministre ? »
« Je suis parfaitement capable d'assurer ma propre sécurité au sein du château. » contra le Directeur devenu Ministre. « Et vous manquez d'Aurors. »
Elle secoua la tête puis se tourna vers Sirius. « Tu es prêt à reprendre du service ? » L'Animagus lui fit un petit salut, légèrement ironique. « Très bien, alors voilà ta première mission : ne pas lâcher le Professeur Dumbledore d'une semelle, même s'il te l'ordonne, et tâcher de l'empêcher de se faire assassiner. »
« Laissez-moi jeter un coup d'œil à cette cheville d'abord. » intervint Pomfresh.
Sirius devait avoir mal parce que, au lieu de protester, il se boitilla jusqu'au lit d'appoint et laissa l'infirmière s'occuper de son pied.
« Ce n'est pas nécessaire. » insista Dumbledore.
« C'est tout à fait nécessaire. » contra Tonks. « Et j'apprécierais que vous cessiez de donner des ordres contraires à mes Aurors. Vous les mettez dans une position délicate envers Kingsley et moi. »
Le vieux sorcier lui jeta un regard où patience et irritation se mêlaient. « J'aurais pu jurer que la loi martiale signifiait que j'avais les pleins pouvoirs et que, en conséquence, j'avais le dernier mot sur tout. »
« Vous avez le dernier mot sur tout sauf sur votre sécurité. » rétorqua Dora, sans se démonter. « C'est une leçon que tous les Ministres finissent par apprendre à un moment ou à un autre. »
Aussi fascinante que soit leur petite bataille de volontés, Harry se racla la gorge et les regarda tour à tour un long moment avant de reporter son attention sur Severus.
Ils semblèrent enfin se souvenir de pourquoi ils étaient tous là – et en retard.
« Es-tu certain d'être prêt, Harry ? » demanda Dumbledore, abandonnant le sujet de sa sécurité. « Me permettrais-tu de tester tes boucliers avant que nous commencions ? »
« Vous êtes certain que c'est sans danger pour lui ? » lança Sirius, du lit d'appoint. Pomfresh était en train de lui étaler un onguent odorant sur la cheville.
« Rien n'est sans danger. » rétorqua le garçon. « Mais je suis prêt. »
Ça ne pouvait pas être pire que de revoir en boucle Godric's Hollow.
« Harry ? » insista le vieux sorcier.
Un peu à contrecœur, il croisa le regard bleu. L'attaque était subtile, presque assez pour qu'il ne la remarque pas immédiatement. Son brasier de flammes était bien en place, pourtant, et l'alerta de la tentative d'intrusion. Il feignit de lutter contre Dumbledore, le laissa pénétrer ses boucliers juste assez pour refermer le piège de flammes sur lui et l'y garda un instant juste pour lui montrer qu'il le pouvait. Lorsqu'il fut certain que le message était passé, il relâcha le Directeur qui se retira de son esprit.
Le vieux sorcier inclina la tête avec un sourire fier. « Excellent, Harry. »
Il ne pourrait pas se reposer sur ses défenses, une fois dans l'esprit de Severus, mais il devinait pourquoi Dumbledore voulait être certain de sa maîtrise de l'Occlumencie. S'il avait été incapable de contrôler son propre esprit, il n'aurait eu aucune chance dans celui de son père.
Ils s'approchèrent du lit. Tonks recula légèrement pour lui laisser la place mais garda une main posée sur l'épaule du Maître des Potions. Elle attrapa la main d'Harry de l'autre et lui lança un sourire encourageant. Andromeda et Pomfresh se postèrent aux pieds de leur patient, prêtes à intervenir si quelque chose se passait mal. Dumbledore prit place de l'autre côté du lit, de sorte à pouvoir garder Harry et Severus dans son champ de vision. Sirius s'était débarrassé de sa tasse de café et se tenait un peu en retrait, les bras croisés, campé sur ses jambes écartées.
D'un murmure, Dumbledore força les paupières de Severus à se soulever.
Ses yeux noirs étaient brumeux, perdus dans le vague, ses pupilles étaient entièrement dilatées et ne réagirent pas à la lumière…
Il savait que ça pouvait arriver, il l'avait lu dans un des livres que lui avait apportés Kreattur, mais ça ne l'empêcha pas de placer sa main libre sur son torse, juste pour le sentir s'élever et s'abaisser, juste pour être certain qu'il respirait. Tonks avait, elle aussi, contracté les doigts sur l'épaule de l'ancien Mangemort et il était indéniable qu'elle était tendue.
« Harry, je veux que tu sois prudent. » ordonna Dumbledore. « Nous pouvons faire autant d'essais que nécessaire et je peux prendre le relai s'il le faut. Ne te précipite pas, n'hésite pas à te replier si tu es en difficulté. La dernière chose que souhaiterait Severus c'est qu'il t'arrive quelque chose par sa faute. »
« Approche Serpentard, pas Gryffondor. Tu as l'habitude, maintenant. » renchérit Sirius, non sans une pointe d'amertume sous l'humour. Il n'avait apparemment toujours pas digéré le tour qu'Harry lui avait joué.
« Ne prends pas de risques inutiles. » murmura Dora, en serrant sa main.
Il lui rendit le geste mais ne répondit pas à voix haute. Au lieu de ça, il prit une profonde inspiration, s'approcha jusqu'à pouvoir plonger le regard dans celui, vide, de Severus, puis expira. « Legilimens. »
Ce ne fut qu'à moitié formule qu'il songea qu'il aurait dû utiliser sa baguette parce que cela aurait renforcé le sort.
C'était déjà trop tard, il était à l'intérieur de l'esprit de Severus et c'était probablement une bonne chose qu'il n'ait pas utilisé sa pleine puissance pour se projeter dans sa tête parce que…
C'était le chaos le plus total.
Il était en périphérie de son esprit, en temps normal, il aurait toujours été à l'extérieur de ses boucliers, loin de sa conscience, mais ça n'empêcha pas le souvenir de le heurter de plein fouet.
Un éclat doré dans l'air. Un vif d'Or. Les dortoirs. Deuxième année. Lestrange qui poussait McNair pour mieux tenter de l'attraper au vol et écrasait presque Severus dans sa course. Des éclats de rire. Pas les siens.
Harry ressortit instinctivement de son esprit avec un sursaut.
« Harry ? » s'inquiéta Dora.
« Ça va. » promit-il. « C'est juste que… » Il leva les yeux vers Dumbledore. « C'est difficile à décrire mais il n'y a plus aucun… sens sans sa tête. C'est le chaos. »
« Tu as parlé d'un labyrinthe… » lui fit remarquer le vieux sorcier.
« Oui, mais je pensais… » hésita-t-il. Quand Severus avait parlé d'un labyrinthe, il s'était imaginé des chemins ou, du moins, une certaine organisation. Là, les souvenirs semblaient dériver comme des feuilles emportées par le courant d'une rivière, sans rien de prédéterminé. « Je vais réessayer. »
« Sois prudent. » insista Dumbledore.
« Legilimens. » murmura-t-il.
Ce coup-ci, il était préparé à ce qui l'attendait et il esquiva prestement un souvenir pour tenter de s'enfoncer plus loin dans son esprit. Le coffre était tout au fond. Il devait…
Lily tournait sur elle-même et riait. Neuf ans. Insouciante. Elle s'interrompit juste assez longtemps pour tendre les mains vers lui. Il les attrapa, la laissa le tirer sur ses pieds, se mit à tourner lui aussi comme un fou. Le bonheur enfla dans sa poitrine comme une bulle sur le point d'éclater.
Désorienté par le souvenir qui l'avait heurté sans qu'il ne s'en rende compte, il tenta de progresser…
Aux hurlements de douleur, il se recroquevilla davantage dans le placard sous l'évier, la respiration hachée. Il se mordit la main pour ne pas faire de bruit. Rester caché. Rester caché. Maman avait dit de rester caché. Mais il entendait le bruit des coups qui pleuvaient. Il entendait ses gémissements de douleur. Severus voulait sortir et pousser son père mais il avait cinq ans et il savait que sa colère se tournerait vers lui s'il le voyait. Il savait.
Harry n'eut pas le temps de se remettre avant qu'une succession d'autres flashs ne le bombardent en cascade.
Potter parlait sans discontinuer, comme s'il n'avait pas besoin de respirer, assis sur un tabouret dans un coin du laboratoire, sans sembler se soucier de si Severus l'écoutait ou non. En l'occurrence, il n'écoutait que d'une oreille, peu intéressé par les frasques des Maraudeurs ou de ce que le gamin en pensait. La potion n'avait pas la bonne couleur et s'ils voulaient rentrer chez eux, il devait…
Le visage dans le miroir était vieux. Il n'avait jamais été vain, n'avait jamais eu aucune raison de l'être. Mais il voyait les rides au coin des yeux, les cernes, le teint maladif de sa peau… Il avait trente-cinq ans. Il était trop jeune pour avoir l'air aussi vieux.
Albus monologuait à la tête de la longue table de la salle de réunion. Les Professeurs murmuraient entre eux avec agacement. Severus n'écoutait pas. Severus s'en moquait. Le monde continuait de tourner mais Lily était morte. Lui aussi, il aurait voulu être mort.
Le garçon émergea de ce dernier souvenir pourtant court avec l'impression qu'un gouffre s'était ouvert dans sa poitrine. Il voulut se replier vers son propre corps mais même ça était difficile. Il esquiva un souvenir uniquement pour s'écraser dans un second.
Celui-ci était différent, il le vit tout de suite. Plus net. Plus…
« Non. » s'agaça-t-il. « Tu dois tourner le poignet sur la dernière syllabe. »
Sans trop y réfléchir, il approcha la jeune femme par derrière et glissa la main jusqu'à son poignet dans un geste plus mécanique que sensuel. Ce ne fut que lorsqu'il eut l'articulation délicate au creux de la paume de sa main, qu'une fois qu'il fut plus ou moins plaqué contre son dos, qu'il réalisa ce qu'il avait fait. Il aurait reculé si elle ne s'était pas appuyée un peu plus contre lui comme si c'était parfaitement naturel.
Ce n'était pas naturel.
Toutefois…
« Ut… » murmura-t-il, en guidant sa main vers le haut uniquement pour la faire redescendre durant les deux syllabes suivantes. « Angus… » Il fit pivoter son poignet d'un geste sec, prenant garde à ne pas lui faire mal. « Tos. »
Au lieu de répéter le geste, Nymphadora tourna la tête.
Il sentit son souffle rouler sur sa mâchoire.
« Concentre-toi. » exigea-t-il, se repliant derrière ses boucliers pour ne pas rougir.
Il rougissait beaucoup trop autour d'elle.
« Oh, mais je suis concentrée. » protesta-t-elle, avec un sourire de prédateur.
Et si elle était le prédateur, il était la proie.
Son instinct voulait qu'il s'échappe, son corps se tendit par réflexe alors qu'elle se penchait vers lui, anticipant la douleur plutôt que le plaisir parce que c'était généralement ce qui se passait lorsque quelqu'un le touchait.
C'était si nouveau, si étrange de se dire qu'il y aurait une fois suivante et probablement une autre après ça.
S'habituerait-il jamais à…
Ses lèvres frôlèrent les siennes. Il…
Non.
Non, non, non.
Harry s'éjecta du souvenir avec panique et se dépêcha de quitter son esprit.
Il y avait des choses qu'il ne voulait ni voir, ni savoir, et auxquelles il ne voulait surtout pas penser.
Il était presque sorti lorsque le souvenir suivant l'envoya voler dans la direction opposée.
La fanfare était trop forte. Le labyrinthe trop obscur pour vraiment suivre quoi que ce soit, même du haut des gradins. Malgré le mauvais pressentiment qui lui rongeait le ventre, Severus s'ennuyait.
Et puis, la Marque.
La brûlure comme il ne l'avait plus sentie depuis des années.
Il se mordit la langue pour ne pas hurler mais trop tard pour ravaler le court glapissement qui l'avait pris par surprise.
Minerva tourna la tête vers lui, sourcils froncés dans une expression inquiète. « Severus ? »
Il maudit Severus et ses défenses trop élaborées mais parvint à esquiver le souvenir suivant et à finalement sortir de sa tête.
Il revint dans son propre corps un peu trop brutalement.
Quelque chose n'allait pas, il le vit immédiatement.
Son corps était trop crispé et lui faisait un peu mal, ses jambes étaient trop raides et, sans les mains secourables qui le rattrapèrent, il se serait probablement assis lourdement par terre. Et puis, tout le monde avait bougé.
Tonks était derrière la tête de Severus, désormais. C'était Sirius qui l'avait rattrapé. Pomfresh était partie. Andromeda agitait déjà sa baguette autour de lui pour vérifier qu'il allait bien. Dumbledore…
« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda-t-il, en direction du vieux sorcier.
Le Professeur paraissait inquiet. « Tu es resté dans son esprit presque vingt minutes, Harry. Nous avons tenté de te dire de revenir mais tu ne semblais pas nous entendre. »
« Ah… » grimaça-t-il. « Non, je n'entendais rien. »
Mais il n'était pas étonné d'avoir pris si longtemps. Le temps passait très différemment sur un plan plus psychique.
Dumbledore secoua la tête, l'air un peu coupable. « Il est impératif de garder conscience de ton corps lorsque tu utilises la Legilimencie, Harry. Si tu n'ancres pas un bout de ton esprit, tu risques de te perdre. J'aurais dû m'assurer que tu maîtrisais mieux la technique. »
« C'était la dernière tentative pour le moment. Tu es déshydraté et ton corps a besoin de repos. » décréta Andromeda, en tournant sa baguette vers Severus. « Aucun changement… »
S'il fut irrité par la sentence, il était aussi assez lucide pour savoir que, même s'il réessayait, il avait peu de chances d'atteindre le coffre. Et la migraine qui lui vrillait les tempes n'allait pas aider.
« Mon tour, dans ce cas. » décréta Dumbledore, avec un léger sourire rassurant.
« Attendez ! » s'exclama Harry, en échappant aux mains secourables de Sirius. Son corps était toujours un peu crispé, ce qui n'était pas étonnant s'il était resté vingt minutes dans la tête de son père, mais il n'était plus sur le point de tomber. « Ce n'est pas un labyrinthe. C'est plus… C'est plus comme un champ de mines. Sauf que les mines bougent et que leurs trajectoires sont imprévisibles. Je n'ai pas pu aller très loin. C'est comme si ses souvenirs étaient… attirés par moi. »
« C'est cohérent s'il s'agit d'un mécanisme de défense. » marmonna le vieux sorcier pensivement.
« Certains sont à peine plus que des flashs et d'autres sont beaucoup plus… Euh… Nets. » continua-t-il, en s'empourprant. Il risqua un regard vers Dora qui sembla comprendre et écarquilla les yeux, avant de rougir elle aussi. « Je n'ai rien vu. Je suis sorti. »
« Vu quoi ? » demanda Sirius. Son regard voyagea entre eux puis il sembla faire ses propres déductions parce qu'il grimaça. « Ah. »
« S'il est réellement replié dans son coffre, il n'y a sans doute aucun ordre dans sa tête. » élabora Dumbledore. « Nous emmagasinons toutes nos expériences, à différents niveaux de mémoire… Certains moments seront plus précis parce que plus importants ou parce qu'ils l'auront davantage marqués que d'autres dont il n'aura qu'un vague souvenir. As-tu remarqué une logique à l'enchaînement des souvenirs ? Te concernaient-ils, par exemple ? Ou bien y avait-il un fil conducteur entre eux ? »
Il réfléchit quelques secondes puis secoua la tête. « Non, pas que je puisse deviner. Mais… C'est… C'est intime. »
Et Severus allait détester l'idée qu'il en ait vu autant. Pas juste la scène, somme toute relativement innocente, avec Tonks mais tout le reste. Ses doutes, ses peurs…
« Je ne prends aucun plaisir à fouiller dans sa tête, Harry. » remarqua le Directeur, avant de se racler la chose. « Y a-t-il autre chose que tu pourrais me dire ? »
Il secoua la tête.
Le vieux sorcier lui adressa un sourire rassurant. « Très bien, dans ce cas, je vais tenter ma chance. Severus sera peut-être moins enclin à me répondre qu'à toi mais j'ai davantage d'expérience en magie de l'esprit. »
C'était vrai.
Et puis, il supposait – espérait – que toute information que Dumbledore n'aurait pas dû voir était dans le coffre avec Severus. Son père n'aurait jamais laissé échapper quoi que ce soit sur les horcruxes devant Voldemort donc…
Et puis, même si le Directeur découvrait le pot aux roses… Harry s'en moquait du moment qu'il pouvait récupérer le Maître des Potions. Ce n'était pas comme si Dumbledore ignorait ce qu'il était. Il ignorait juste que Severus et Sirius savaient mais, connaissant le vieil homme, il devait l'avoir deviné depuis longtemps.
Il hocha la tête en guise de permission et accepta le verre d'eau que lui tendait Andromeda, reculant légèrement pour laisser plus de place à Dumbledore.
Seulement, le vieux sorcier n'eut pas le temps de lever sa baguette.
Tonks couvrit soudain sa main, écartant le bout de bois, avant de s'humecter les lèvres, l'air déchiré.
« Ce n'est pas une bonne idée. »
°O°O°O°O°
Albus se figea, conscient de l'expression trahie d'Harry, de l'étonnement d'Andromeda et du visage fermé de Sirius qui, visiblement, avait suivi le raisonnement de sa cousine.
Lui aussi l'avait suivi, s'il devait être honnête.
Il l'avait même anticipé lorsqu'il était devenu évident qu'Harry mettait trop de temps à revenir.
« Tonks. » lâcha-t-il, sans intonation particulière.
La jeune femme faisait très visiblement un énorme effort pour rester calme, pour contrôler les larmes qui brillaient dans ses yeux.
« C'est trop dangereux. » décréta-t-elle. « Je n'avais pas mesuré à quel point c'était dangereux. C'est trop dangereux pour Harry et c'est beaucoup trop dangereux pour le Ministre de la Magie. »
Le Survivant protesta vivement mais Sirius posa les mains sur ses épaules et le garçon finit par se taire – encore que, vu son expression buttée, pas par se calmer.
« Peu de gens sont aussi doués en magie de l'esprit que moi, Tonks. » contra-t-il. « Je risque moins qu'Harry. »
« Mais c'est tout de même un risque. » insista-t-elle, en fermant les yeux. Elle s'avachit légèrement, dans une posture de défaite. « Si je vous laissais faire… »
« À cet instant précis, vous n'êtes pas le second du Département des Aurors, Nymphadora. » commenta-t-il. « Vous êtes la compagne d'un homme que je veux moi-même voir revenir parmi nous. »
Elle secoua la tête. « Je suis les deux. » Elle prit une profonde inspiration et se redressa. « Je suis les deux… » répéta-t-elle. « Et vous êtes plus important que lui. Si on vous perd, la guerre est finie. »
Et ça la tuait visiblement de le dire.
Albus gardait un œil discret sur Harry qui fulminait dans son coin.
« Vous ne me perdrez pas. » la tranquillisa-t-il. « Et je compte essayer quoi qu'il en soit. Tentez de m'en empêcher et je me verrais contraint de vous neutraliser. »
L'espace d'une seconde, il crut qu'elle allait insister mais le cœur l'emporta sur le devoir et elle acquiesça avec soulagement. Puis, elle sembla se rendre compte que l'adolescent la fusillait du regard et grimaça.
« Harry… » murmura-t-elle.
« Tu vois, la différence, c'est qu'il l'aurait sacrifié pour toi. » cracha le garçon, peut-être un peu méchamment. « Il n'aurait même pas hésité. »
Tonks tressaillit, comme si elle avait encaissé un coup.
« C'est faux. » intervint Sirius, avec un regard sévère pour son filleul. « En dernier recours, peut-être, mais on n'en est pas là tant qu'on n'a pas tout essayé. Et je sais que tu veux retrouver Severus, je comprends, mais ça ne justifie pas de dire n'importe quoi. C'est son job de protéger le Ministre. Tu crois que ça lui fait plaisir de dire ça ? Tu crois qu'elle ne ferait pas n'importe quoi pour récupérer Severus ? »
« C'est bon, Sirius… » souffla la jeune femme.
« Non, ce n'est pas bon ! » s'énerva l'Animagus. « Arrête de penser que tu es le seul qui tient à Severus, Harry, putain ! »
L'air coupable, Harry détourna la tête. Au bout de quelques secondes, pourtant, il marmonna. « Désolé, Dora. »
« C'est rien. » répondit la sorcière.
Andromeda se racla la gorge et poussa le verre que le garçon tenait toujours du bout des doigts. « Bois ton eau. »
Albus profita du fait qu'ils étaient tous distraits pour planter son regard dans celui de Severus. « Legilimens. »
S'il était encore vaguement conscient de ce qu'il se passait sur le plan physique, son esprit s'enfonça dans celui de son ancien espion comme dans du beurre et il fut momentanément choqué de ce qu'il y trouva. Les descriptions d'Harry ne rendaient pas justice au chaos ambiant.
Il allait devoir…
Black le plaqua violemment contre le mur. Le goût du sang dans sa bouche. Le rire de Potter plus loin dans le couloir, là où sa baguette avait roulé. Le rictus cruel du connard qui le tenait par le col de sa robe. La certitude qu'il allait avoir mal d'ici très peu de temps. La détermination à ne pas être le seul à saigner à la fin de cette altercation.
Albus se retrouva désorienté par le souvenir qui l'avait attaqué sans qu'il ne le voie venir. Il pirouetta pour en éviter un autre, chercha comment se frayer un passage dans…
Severus résuma la réunion des Mangemorts d'un ton monotone, attentif à ne rien trahir. Il ne voulait pas mentir à Albus. Il ne voulait pas mentir à Albus mais il ne voulait pas lui dire toute la vérité, non plus. Il ne voulait pas lui dire qu'il avait été forcé de participer lorsque le Seigneur des Ténèbres avait ordonné la torture de ces Moldus. Il ne voulait pas lui dire tout le dégoût qu'il éprouvait. Il ne voulait pas voir la pitié dans le regard de son mentor. Ou pire. Ou pire. Il ne le supporterait pas. Mais peut-être, songea-t-il, alors qu'Albus le congédiait avec un sourire et lui ordonnait de prendre du repos, peut-être était-ce pire de ne rien y lire du tout.
Albus revint dans son propre corps, le cœur battant, plus perturbé qu'il n'aurait voulu l'admettre.
« Professeur ? » s'inquiéta Tonks, un appel que tous les autres reprirent lorsqu'il resta silencieux trop longtemps.
« Je vais bien. » leur promit-il, avec un sourire. Il reporta son attention sur Harry. « J'ai sous-estimé l'ampleur du problème. Je retire ce que j'ai dit, pour un novice, c'est impressionnant que tu t'en sois sorti avec tellement de brio. »
Le souvenir l'avait secoué.
Il datait de l'été précédent, Albus s'en souvenait très bien parce que tout le long du rapport que lui avait fait son espion, il avait pensé que quelque chose clochait. Il faisait trop confiance à Severus pour le soupçonner de traîtrise… Il avait, en vérité, déduit qu'il s'agissait de quelque chose dans ce genre là mais le dégoût de lui-même qu'avait éprouvé son Maître des Potions, la terreur de le décevoir…
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demanda Sirius. « Vous pouvez atteindre le coffre ou… »
La question resta en suspens.
« Je vais réessayer. » déclara-t-il. « Mais il va peut-être falloir envisager une autre approche. » Parce qu'il n'était pas allé bien loin avant de devoir faire demi-tour. « Legilimens. »
Son esprit se jeta pratiquement dans un nouveau souvenir alors même qu'il tentait de faire machine arrière pour l'esquiver.
« C'est le troisième jour consécutif que je ne vous vois pas dans la Grande Salle lors des repas. » le gronda McGonagall, du seuil de cette salle de classe qu'il peinait encore à considérer comme la sienne. Comme s'il était encore un de ses élèves et pas un de ses collègues.
Aucun des Professeurs ne le traitait comme un collègue.
Il avait à peine quitté Poudlard que le revoilà, une Marque des Ténèbres dont tout le monde connaissait l'existence sur l'avant-bras en prime.
Aucun d'entre eux ne voulait de lui comme collègue.
Aucun d'entre eux ne voulait de lui tout court.
Personne n'avait jamais voulu de lui à part Lily et Lily…
La douleur le cueillit au creux de l'estomac. Toujours aussi vive même après tous ces mois. Toujours suffisamment brutale pour lui couper la respiration.
Il continua à empiler proprement les copies qui ne contenaient probablement que des inepties et ignora la sorcière. Elle finirait par partir.
« La présence des enseignants lors des repas n'est pas optionnelle, Professeur Snape. »
Elle cracha le titre presque comme une insulte.
Il n'avait pas la force de réagir.
Il n'en avait même pas envie.
Qu'elle l'insulte, qu'elle le maudisse…
C'était tout ce qu'il méritait.
Lily était…
« M'écoutez-vous seulement ? » s'énerva-t-elle.
« Je serai dans la Grande Salle pour les repas. » confirma-t-il, sans aucun mordant.
Il voulut aller vérifier que les élèves n'avaient pas mis trop de désordre dans la réserve, perdit l'équilibre à moitié chemin et se rattrapa de justesse au mur sur lequel il resta appuyé un long moment, étourdi et suffisamment affaibli pour que la sous-directrice approche sans qu'il ne s'en rende compte. Il se dégagea brutalement, par réflexe, lorsqu'elle lui attrapa le bras, anticipant un coup qui ne vint pas.
Elle recula, les deux mains levées, l'observant avec un mélange de crainte et de curiosité.
« Êtes-vous souffrant ? » demanda-t-elle, sans une once de compassion. Puis elle sembla comprendre. « Vous n'avez pas mangé dans la Grande Salle, ces trois derniers jours, mais vous vous êtes tout de même nourri, n'est-ce pas ? »
Quelle différence ?
Lily était morte et quelques jours sans manger ne le tuerait malheureusement pas. Il n'avait pas d'appétit. S'il avait pu s'allonger, fermer les yeux et se laisser mourir, n'en déplaise à Dumbledore, il l'aurait fait.
« Mêlez-vous de vos affaires. » cingla-t-il sèchement.
Un éclat de colère passa dans les yeux de la sorcière, vite remplacé par de la pitié. « Severus. »
De mémoire, c'était la première fois qu'elle utilisait son prénom. Il ne lui en avait pas donné la permission.
« Allez-vous en. » exigea-t-il. « Et si vous n'êtes pas satisfaite de mon travail, faites-en part à Dumbledore ou renvoyez-moi. »
Il aurait souhaité qu'ils le fassent. Qu'ils le renvoient, le laissent partir… Mais Dumbledore ne lui faisait pas suffisamment confiance pour lui rendre sa liberté.
La sous-directrice n'insista pas et le laissa seul, toujours avachi contre le mur.
Mais, quelques minutes plus tard, un plateau chargé de sandwichs et d'une théière fumante apparut sur son bureau.
Albus s'extirpa du souvenir, en esquiva un second, se demanda brièvement si la solution n'était pas juste de… foncer tout droit, quitte à se retrouver pris dans une avalanche de scènes de ce genre.
C'était comme lutter contre un tsunami…
Il craignait un peu de se laisser entraîner trop loin parce que…
Severus observa la marque sur son cou, dans le miroir. Sa tolérance à la douleur était trop grande pour que la légère décharge, à chaque fois qu'il la touchait, ne le dérange vraiment. Il avait l'habitude de voir des hématomes sur son corps mais, un suçon, c'était une première. La nuit dernière avait été une erreur. Accepter de la revoir était une erreur. Dangereux. Dangereux. Une noisette de baume suffit à faire disparaître la marque dans la minute. Il était beaucoup plus difficile d'effacer le souvenir de Nymphadora. Dangereux. Il était trop intelligent pour faire ce genre d'erreurs, trop rationnel. Et pourtant… Et pourtant, il la désirait trop pour se retenir de la revoir.
La ceinture claqua dans l'air, le bruit comme un coup de tonnerre. Il se raidit instinctivement, en sachant que c'était une erreur, que ça n'en serait que plus douloureux, que…
« Deux noises que Sybil prédit la mort de quelqu'un avant même le début de la réunion. » plaisanta Minerva, en se glissant près de lui alors que les autres enseignants s'étaient éparpillés en petits groupes, heureux de se retrouver après les vacances d'été. Severus leva les yeux au ciel mais ne chercha pas à ravaler son amusement. « Deux noises qu'Albus tente de nous faire avaler un bonbon quelconque avant qu'elle ne prédise la mort de quelqu'un. » contra-t-il. Minerva étouffa un petit ricanement. « Tenu. »
Albus ne pouvait même pas sentir la présence de ce fameux coffre. Il y avait des souvenirs partout mais Severus, lui, était entièrement absent… Il ne sentait pas sa présence. Il…
Il repéra immédiatement Potter au milieu de la masse des premières années. Un mini-James Potter ou presque. Il avait les yeux de Lily. Les yeux de Lily…
Albus renversa son roi, concédant sa défaite, au grand dam de ses pièces qui protestèrent la reddition. Severus savoura le moment, sans s'embarrasser de cacher sa satisfaction, et entreprit de remettre ses propres pièces en position. Ce n'était pas tous les jours qu'il battait son mentor aux échecs.
La classe de troisième année était agitée, les élèves aussi distraits que d'habitude et Severus s'ennuyait. Il venait de clore son dernier sujet de recherche, il n'avait aucun puzzle sur lequel concentrer son esprit, avec lequel se distraire pendant ces longues sessions d'enseignement qui le laissaient plus aigri et plus amer chaque jour. Ces enfants étaient stupides. Le monde était stupide. Le…
Le vieux sorcier s'arracha au souvenir et, avec un pincement au cœur, concéda à nouveau la défaite.
Le premier regard qu'il croisa lorsqu'il revint à lui fut celui d'Harry et le garçon semblait déjà savoir ce qu'il allait dire. Il avait l'air résigné.
« Il nous faut une nouvelle approche. » déclara-t-il.
Tonks encaissa le coup avec dignité mais une inquiétude palpable. « Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement ? »
Il secoua la tête. « Laissez-moi y réfléchir. Je réessayerai, tout à l'heure, après la cérémonie. » Peut-être aurait-il eu une idée de génie d'ici là. Pour l'instant… Il jeta un coup d'œil à la pendule. « Nous devrions probablement y aller, Sirius, si vous êtes réellement condamné à me tenir compagnie toute la journée. Harry, je te verrai à la cérémonie. »
« Je ne viens pas. » répondit l'adolescent, d'un air têtu. « Et on ne peut pas juste… »
« Nous n'abandons pas. » l'interrompit-il, anticipant ses protestations. « Il me faut simplement réfléchir à comment aborder le problème. Et nous acharner à nous donner la migraine ne solutionnera rien. » Il fronça légèrement les sourcils. « Ceci mis à part, il serait bon que tu sois présent à la cérémonie, Harry. Tu veux certainement rendre hommage à ceux de tes camarades qui n'ont pas survécu. »
« Je ne veux pas venir. » s'entêta le garçon.
« Harry… » grinça-t-il, sa propre patience mise à rude épreuve par trop peu de sommeil et beaucoup trop de responsabilités. Sans compter qu'il était sincèrement contrarié de ne pas avoir réussi à réveiller Severus du premier coup.
« Je ne veux pas venir. » répéta le Gryffondor, en quêtant le regard de Sirius puis celui de Dora. « Je ne suis pas obligé, si ? »
La jeune femme était visiblement déçue et inquiète par leur échec mais elle secoua la tête. « Non, tu n'es pas obligé. »
« Harry. » intervint-il, à nouveau, avant que Sirius ait pu avoir l'idée saugrenue d'acquiescer. « Je sais que ce n'est pas un exercice que tu affectionnes, mais tu dois te rendre compte que beaucoup de gens seraient heureux de te voir. Tes amis, bien sûr, mais des anonymes également. Voir le Garçon-qui-a-survécu pourrait leur rendre espoir, comprends-tu ? »
« Mon filleul n'est pas un outil politique. » cingla Sirius. « Et vous n'allez pas vous servir de lui comme ça. »
« Harry est beaucoup plus qu'un outil politique. » rétorqua-t-il. « Toutefois, il n'empêche que nous sommes dans une situation délicate et que sa présence à mes côtés pourrait être bénéfique pour tout le monde. »
« Pour tout le monde ou pour vous ? » répliqua Tonks. Au temps pour sa détermination à remplir ses devoirs d'Auror…
« Croyez-vous que cela m'amuse ? » s'agaça-t-il, croisant leur regard, tour à tour. Andromeda, au moins, semblait déterminée à ne pas se mêler de la conversation. Elle examinait Severus et prétendait ne pas entendre le reste. « Croyez-vous que j'y prends du plaisir ? Que cela vous plaise ou non, les apparences sont importantes, à ce stade. Si nous donnons l'impression de ne pas être unis, Voldemort a déjà gagné. Et vous le savez pertinemment, Tonks. » Il soutint le regard de l'adolescent un peu plus longtemps. « Les derniers jours ont été difficiles et particulièrement longs, je ne l'ignore pas. Tu es inquiet pour Severus, je le sais. Pourtant, Harry, je te demande de venir à cette cérémonie et de te tenir non loin de moi. »
Il n'alla pas jusqu'à lui faire remarquer qu'il avait fait beaucoup pour le garçon et qu'un retour de manivelle serait le bienvenu mais c'était sous-entendu, de toute manière.
« Tu n'es pas obligé. » insista Sirius.
« Les Weasley ont perdu un fils. Draco a perdu un père. Les Serdaigles ont perdu le Professeur Flitwick. Pas une seule des Maisons de Poudlard n'en est sortie indemne. » lista Albus, avec à peine un brin de remords. Il savait sur quels boutons appuyer.
Et, de fait, tout entêtement disparut du visage d'Harry au profit d'une culpabilité vivace.
« Hey. » protesta Tonks, en se plaçant devant l'adolescent, comme pour mieux le protéger de ses paroles. « Rien de tout ça n'est de la faute d'Harry. »
« Je n'ai pas dit que c'était sa faute. » contra calmement Albus. « Bien évidemment qu'il n'est responsable de rien. Toutefois, faire preuve d'un peu de respect envers ses camarades défunts ou le chagrin de ses amis… »
« Mais, allez-vous faire foutre ! » cracha Sirius, en allant se tenir à côté de sa cousine. « Vous les respectez, vous ? En les transformant en plateforme politique ? Harry n'est pas un animal de foire. Point. »
Andromeda avait cessé de prétendre ne pas être là et le regardait désormais, elle aussi, avec désapprobation. « Il est libre de gérer ses émotions comme il l'entend, Albus. Cela ne fait pas de lui une mauvaise personne parce qu'il ne veut pas aller se donner en spectacle devant une foule en deuil. »
« Arrêtez de vous disputer. » souffla Harry, la voix serrée. « C'est bon. J'irai. Mais je ne veux pas monter sur un podium ou faire de discours ou quoi que ce soit… »
« Non, bien sûr. » approuva immédiatement Albus. « Tonks, assurez-vous qu'il ait une escorte discrète. »
La jeune femme avait l'air furieuse et, après l'avoir fusillé du regard, se tourna pour attraper les épaules du garçon. « Tu n'es vraiment pas forcé d'y aller. Tu peux rester ici avec Severus. »
« Mais pas de conneries. » nuança Sirius. « Tu n'essayes pas de le réveiller tout seul. »
La porte de la chambre s'ouvrit sur cet ordre et Poppy s'immobilisa sur le seuil en remarquant la tension dans la pièce. « Qu'ai-je raté ? »
Albus laissa Andromeda lui expliquer le problème.
Il s'en alla vers son bureau, un Sirius furieux contraint de lui emboîter le pas.
Il allait devoir parler à Kingsley.
Il n'avait pas besoin d'escorte et, si escorte il devait avoir, l'Animagus n'était pas le meilleur choix.
Il y avait plus de risques que Sirius essaye de le tuer qu'un Mangemort infiltré ne le fasse.
°O°O°O°O°
Le parc était noir de monde.
L'estrade, montée à la va-vite devant le lac, et le bûcher funéraire qui abritait déjà tous les corps enrubannés de linceuls étaient proéminents, impossible à rater. Tout le monde pourrait les voir, même du fond du parc.
Minerva comprenait la nécessité de la chose mais trouvait le procédé impersonnel.
Elle avait l'impression de se débarrasser de quelque chose de gênant, sans y accorder le respect et la solennité auxquels ces gens auraient dû avoir droit.
Elle s'était personnellement occupée de Filius, Charity et Septima avec l'aide de Pomona. Elle savait qu'Albus s'était levé bien avant l'aube pour préparer les corps de son frère et de Grindelwald – et ils avaient eu une dispute à ce sujet qu'elle regrettait un peu, à présent. Elle aurait préféré que le mage noir ne soit pas sur ce bûcher, qu'il soit brûlé à part, avec les corps des Mangemorts, loin des regards et de la douleur des personnes en deuil.
Elle prit la place qui serait la sienne, à l'opposé de l'estrade, de l'autre côté du bûcher. Albus serait celui à l'allumer mais elle voulait se tenir prête à contrôler les flammes le cas échéant, voire à les renforcer afin que le bûcher se consume plus vite.
Des Aurors et des membres de l'Ordre – ceux qui n'avaient perdu personne de proche – s'étaient déployés autour de la zone… Kingsley était au pied de l'estrade, l'air concentré, sérieux malgré le bandeau qui lui ceignait le visage…
Elle ne tarda pas à repérer Tonks qui faisait le tour du périmètre, s'arrêtait pour donner des instructions de dernière minute…
Elle la héla lorsqu'elle passa à proximité.
« Severus ? » demanda-t-elle, avec espoir.
Elle n'avait pas encore eu l'occasion d'aller le voir mais, pourtant, elle avait souvent pensé à lui, ces dernières heures. Elle n'avait pas eu l'occasion, non plus, de dire le fond de sa pensée à Potter – encore qu'elle supposait que d'autres avaient déjà dû s'en charger.
« Ça n'a pas marché. » lâcha la jeune femme, la gorge serrée.
Le chagrin la frappa un peu par surprise. Elle était si triste depuis la fin de la bataille qu'elle n'avait pas pensé pouvoir l'être davantage. Il était indéniable, pourtant, que l'inquiétude qu'elle éprouvait pour Severus l'avait rongée alors même qu'elle peinait à réorganiser Poudlard pour transformer l'école en refuge. Et la détresse palpable que l'Auror tentait vaillamment de garder sous contrôle la touchait plus que de raison.
Peut-être parce qu'elle la partageait.
« Allons, allons… » Elle lui serra le bras dans un geste de réconfort trop vain. « Il est solide, Tonks. Tout va s'arranger. »
Elle devait y croire.
Perdre Filius avait été un coup rude. Tous ces élèves…
Mais perdre Severus…
À son corps défendant - et à celui de son collègue - elle s'était attachée au jeune homme, il y avait déjà bien longtemps. Elle était restée proche de plusieurs de ses anciens élèves mais Severus, c'était différent. Par beaucoup de côtés, il était l'enfant qu'elle n'avait jamais eu.
Tonks se força à sourire mais cela n'atteignit pas ses yeux et il était clair qu'elle cherchait à se persuader autant qu'elle. « Ça pourrait être bien pire, je sais. Il est vivant. Il est stable. On va trouver comment le sortir de ce coma. »
Son regard dériva vers le bûcher quelques mètres derrière la sous-directrice, le sous-entendu évident.
Ça aurait pu être pire.
Il aurait pu être parmi les corps dans leur linceul ou sur la liste des victimes qui n'avaient plus de dépouille à brûler.
Toutefois, cela ne les consolait pas.
Et elle imaginait sans mal qu'elles n'étaient pas les seules bouleversées par la situation.
« Comment va Potter ? » s'enquit-elle, en se promettant que la première chose qu'elle ferait lorsque cette cérémonie serait terminée serait de vérifier que tous ses élèves allaient bien. Elle en avait croisés certains la veille, avait échangé avec plusieurs familles, mais elle avait l'impression de les avoir abandonnés au profit de l'intendance et ça…
« Il est en colère. » soupira Tonks. « Inquiet. »
Elle n'en était pas étonnée.
Et, si elle connaissait son lion, cela perdurerait tant que Severus ne serait pas de retour parmi eux.
°O°O°O°O°
Bill n'était pas certain de ce qu'il s'était imaginé mais ce n'était pas ça.
Le parc grouillait de monde.
Ils avaient commis l'erreur de s'avancer autant qu'ils l'avaient pu et la présence de la foule qui s'était refermée sur eux, comme pour mieux les avaler, lui donnait une impression dérangeante de claustrophobie. Il regrettait de ne pas avoir insisté pour rester à l'infirmerie avec Charlie à la place de sa mère.
Les jumeaux étaient anormalement silencieux, trop sombres. Il avait tenté de discuter avec eux, de les encourager à exprimer leurs émotions, mais il n'en avait pas tiré grand-chose. Il ne pouvait pas les blâmer, lui-même n'avait pas très envie de s'épancher.
Ron et Ginny se tenaient épaule contre épaule. Leur sœur s'était mise sur la pointe des pieds un long moment pour tenter de voir par-dessus les rangées qui s'étendaient devant eux puis avait renoncé. Il n'y avait pas grand-chose à voir, de toute manière, que l'énorme bûcher qui dominait le parc et l'estrade encore vide.
Autour d'eux, les gens discutaient des derniers évènements à voix plus ou moins mesurées. Certains avaient peur. Certains étaient impatients de casser du Mangemort. Certains hésitaient à plier bagage.
Bill comprenait ces derniers davantage qu'il n'aurait été prêt à l'avouer à voix haute. Si Charlie avait été en état d'avoir une conversation rationnelle… Il avait hésité à aborder le sujet avec leur mère. Muriel leur avait fait savoir qu'elle comptait quitter momentanément le pays, le temps que cela se calme – elle était trop vieille pour se battre et n'avait qu'une confiance toute relative en Dumbledore. Il se demandait s'il n'aurait pas été plus raisonnable de lui confier au moins Ginny et Ron. Ils protesteraient, bien sûr, et il y avait l'aspect financier à prendre en compte également, pourtant… Muriel les emmènerait, il le savait.
S'il était honnête, il hésitait à suivre Muriel, tout court. Le plus gros problème était Charlie et sa connexion à Anthony mais… Il avait repéré plusieurs ouvrages dans la bibliothèque des Malfoy qui pourraient éventuellement lui donner des pistes sur le sujet – il en avait également notés quelques-uns qui leur seraient utiles au sujet des horcruxes. Il n'était pas suffisamment idiot pour approcher Draco alors qu'il venait juste de perdre son père mais le jeune homme lui semblait de bonne composition et il espérait un peu qu'il lui permettrait de visiter à nouveau sa bibliothèque familiale.
« Comment va Katie ? » demanda soudain Ginny à George, comme si elle n'en pouvait plus, elle non plus, du silence qui planait entre eux tous.
George tourna un regard légèrement hanté vers leur sœur. « Ils l'ont transférée à Sainte Mangouste, ce matin. »
« Il n'y a rien à faire. » continua Fred, du même ton las.
« Il n'y a pas de remède au Baiser d'un Détraqueur. » conclut George.
Cette discussion s'arrêta là.
Bill serra les poings et les enfouit dans sa poche.
Il aurait aimé que Fleur soit là pour lui prendre la main, pour l'ancrer au moment présent… Mais Kingsley avait réquisitionné la jeune femme pour aider les Aurors à sécuriser la zone.
Et il était seul.
Seul avec les jumeaux, Ginny et Ron qui paraissaient tous aussi mal à l'aise que lui dans cette foule d'anonymes.
°O°O°O°O°
« Êtes-vous certaine que vous voulez rester, Mère ? » insista Draco.
Narcissa se retint de justesse de lui répéter, une énième fois, qu'être enceinte ne faisait pas d'elle une poupée de porcelaine. Elle n'avait pas protesté lorsqu'il avait insisté pour qu'ils restent en périphérie de la foule parce qu'elle voyait l'intelligence de la chose. Ainsi, on pouvait les voir plus facilement et, en cas de mouvement précipité, les dangers d'être bousculés étaient réduits. Toutefois, elle avait refusé le siège qu'il avait proposé d'aller lui chercher ainsi que toutes ses tentatives pour la convaincre de retourner dans les appartements de Sirius.
Elle ne pouvait pas rester enfermée une minute de plus.
Elle avait passé des mois à tourner en rond chez Andy.
Et, au-delà de ça… Rester assise à ressasser ne lui valait rien.
Dès qu'elle était seule, dès qu'elle s'autorisait à s'asseoir, elle pensait à Lucius.
Or penser à Lucius lui donnait envie de hurler.
« Draco, je suis sûre que si ta mère se sent mal, elle nous le dira. » remarqua Miss Granger, avec une exaspération que Narcissa se maîtrisait trop pour exprimer.
Elle aurait pu accuser la jeune fille de tenter de se mettre dans ses petits papiers si elle n'avait été aussi catégoriquement franche à propos de tout le reste. Elle avait eu avec elle, un peu plus tôt, une discussion édifiante sur les elfes de maison et leur traitement. Kreattur avait eu l'air horrifié, le pauvre. Narcissa l'avait été tout autant.
« Granger, avec toute mon affection, c'est ma mère et mon frère alors mêle-toi de tes affaires. » rétorqua Draco, avec la même mauvaise humeur qu'il traînait depuis le réveil.
Narcissa n'avait pas trouvé le courage de la lui reprocher, pas au vu des circonstances, mais sa petit-amie semblait en faire les frais depuis qu'elle avait frappé au portrait qui gardait l'entrée des appartements de Sirius.
« Ce n'est pas une manière de parler à une jeune fille, Draco. » le reprit-elle sèchement. « A fortiori, une jeune fille dont tu prétends être épris. »
« Je ne prétends rien. » grommela-t-il.
« Ce n'est pas grave. » offrit Granger, avec un sourire un peu hésitant.
La lionne ne semblait pas savoir si elle la craignait, la détestait ou voulait s'en faire une alliée.
Pour une future Lady Malfoy, elle manquait singulièrement de subtilité. On lisait en elle comme dans un livre ouvert et ce malgré ses piètres excuses de boucliers mentaux. La tentative d'Occlumencie l'intriguait, elle devait l'admettre. C'était incongru chez quelqu'un d'aussi jeune et dont les origines étaient Moldues…
Draco les dévisagea tour à tour puis se renfrogna. « Je dis juste que ce serait plus prudent de… »
« Draco. » l'interrompit-elle, n'y tenant plus.
Visiblement, ça en était trop pour lui, il s'éloigna de quelques pas.
Granger hésita à le suivre puis décida de lui laisser un peu d'espace. Elle croisa les bras et soupira lentement.
« Je m'inquiète pour lui. » avoua la jeune fille.
Narcissa n'avait pas vraiment envie de discuter de ce qu'elle estimait être des affaires de famille, même si son fils semblait considérer comme acquis que la lionne en ferait partie un jour prochain. Néanmoins, elle ne pouvait nier que l'inquiétude de la cinquième année était sincère.
« Il adulait Lucius. » murmura-t-elle.
Granger lui jeta un regard qui cachait mal une certaine incertitude. « Plus vraiment, ces derniers temps. Je crois qu'il se sent coupable, à cause de ça. » Elle grimaça. « Et il n'y a pas que ça. Ce qui s'est passé pendant la bataille… Ça le hante. »
La Sang-Pure pinça légèrement les lèvres, suivant son fils du regard.
Ils n'avaient pas parlé de la bataille.
Ils n'avaient pas parlé de grand-chose mis à part des funérailles.
Et cela ne lui avait pas échappé qu'il semblait se confier à Granger plus volontiers qu'à elle.
Le bébé donna un coup un peu trop brutal et elle posa distraitement la main sur son ventre.
Oh, Lucius… Comment suis-je censée gérer tout ceci seule ?, songea-t-elle.
°O°O°O°O°
Harry détestait sentir le poids des regards sur lui.
Il avait essayé de faire une entrée discrète mais c'était peine perdue. Quelqu'un l'avait repéré, le murmure s'était répandu dans la foule comme une traînée de poudre, et, comme si cela ne suffisait pas, un homme aux robes d'Auror lui avait ouvert le chemin comme s'il était une célébrité qui avait besoin d'une garde rapprochée.
Ce n'était pas la faute de Dora.
Il en était certain parce qu'il avait croisé son regard, là où elle était postée, quelques mètres plus loin, et elle avait eu l'air furieuse. Pour remplir le rôle de l'escorte exigée par Dumbledore, elle avait envoyé son père, ce qui avait très bien convenu à Harry.
Il aimait bien Ted, en grande partie parce qu'il ne le traitait pas différemment de quelqu'un d'autre. Il n'avait pas demandé à voir la cicatrice en forme d'éclair, ne l'avait pas remercié pour quelque chose dont il ne se souvenait même pas, ne lui avait posé aucune question indiscrète… Ce n'était pas toujours le cas lorsqu'il rencontrait de nouvelles personnes.
« Ignore-les. » lui conseilla l'homme, en posant une main sur son épaule pour mieux le guider jusqu'au premier rang – et se placer entre lui et la masse de sorciers et sorcières dans leur dos. Harry lui en fut reconnaissant. Il n'était pas tranquille. Il avait l'impression distincte que s'il venait l'idée à une seule personne de l'approcher, tous les autres tenteraient d'en faire de même et…
Si Severus avait été là, il les aurait terrifiés d'un seul regard.
Ted n'avait pas le même charisme effrayant mais, visiblement, son air sévère dissuadait tout aussi efficacement les curieux. Ou peut-être que c'était l'Auror que Kingsley envoya vers eux d'un mouvement impérieux du menton.
« Je déteste ça. » marmonna-t-il, à l'attention de l'homme qui lui tenait toujours l'épaule.
« Je comprends. Ça n'a pas l'air très drôle. » compatit Ted. « Nous ne sommes pas obligés de rester, tu sais. Dora a été très claire. »
Il n'en doutait pas.
Mais Dumbledore aussi avait été très clair, même à demi-mots. Le vieux sorcier voulait qu'Harry assiste à la cérémonie et, vu qu'il était celui qui était le plus susceptible de réveiller Severus, le Survivant ne pouvait pas se permettre de se le mettre à dos.
« Vous croyez que ça va durer longtemps ? » demanda-t-il, avec une légère hésitation.
Il ne voulait pas paraître irrespectueux ou donner l'impression qu'il se moquait des victimes mais il n'aimait pas l'idée d'avoir laissé Severus seul, non plus. Andromeda était restée à l'infirmerie et il avait demandé à Kreattur de demeurer dans les parages, pourtant, il n'était pas tranquille.
« Un petit moment, probablement. » répondit Ted, sans chercher à mentir.
Harry soupira.
Heureusement, le bruit fut couvert par les murmures de la foule alors que Dumbledore faisait son entrée. L'air sombre, une tenue aux couleurs plus sobres que d'ordinaire, immédiatement rejoint par Kingsley…
Il avait tout du Ministre qu'il était censé incarner.
°O°O°O°O°
Remus n'écoutait le discours de Dumbledore que d'une oreille distraite. C'étaient de jolies paroles qui rendaient hommage aux morts tout en encourageant les vivants à continuer le combat, mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser que c'était également du vent.
Il avait du mal à digérer la manière dont il avait été remplacé à la tête de l'Ordre, sans aucune délicatesse d'aucune sorte. Il avait tout géré pendant des mois. Et, certes, il pouvait admettre que Severus avait un esprit plus tactique et il aurait probablement été prêt à travailler avec lui plus étroitement pour le bien de l'Ordre si Albus le lui avait demandé. Mais le remplacer sans autre forme de procès ? Dissoudre le Conseil pour en faire une milice sous le commandement d'un homme qui avait paru déterminé à prendre son indépendance, ces derniers mois ?
Dumbledore avait les pleins pouvoirs, désormais.
Ils l'avaient supplié de prendre les pleins pouvoirs.
Et, depuis la veille, il se demandait s'ils n'avaient pas commis une erreur.
Perché sur un rocher, derrière le gros de la foule, il surveillait attentivement la zone. C'était ce que Kingsley lui avait demandé de faire, à lui et à quelques autres membres de l'Ordre, pour aider les Aurors. Fleur n'était pas très loin, à quelques mètres sur sa droite, mais, contrairement à lui, elle semblait fascinée par le discours de Dumbledore. Elle pleurait en silence.
Elle n'était pas la seule.
Il laissa son regard dériver vers là où se tenait Laura, entourée des trois adolescents qui étaient désormais leur responsabilité. La mère de Lavande n'était pas très loin de sa fille mais ne semblait toujours pas savoir comment se comporter. C'était toujours mieux que les parents de Bowen qui avaient quitté Poudlard – et probablement le pays – en l'abandonnant. Son père refusait de prendre un loup-garou en charge et avait collé une bourse pleine d'argent dans les mains de Remus comme si cela avait pu compenser leur lâcheté.
Il avait cru que Laura allait le frapper.
Il ne l'aurait pas retenue.
C'était sans doute pour le mieux, au fond. Il valait mieux pour le troisième année qu'il reste avec eux plutôt que de se retrouver enfermé dans une cage d'argent parce que ses parents avaient peur de lui. C'était arrivé à d'autres.
Et puis, bien sûr, il y avait Graham dont les parents ne s'étaient toujours pas manifestés. C'étaient des Mangemorts avérés et recherchés par le Ministère – du moins, avant sa destruction – les chances qu'ils se présentent étaient donc faibles. Le Serpentard refusait toujours d'admettre avoir été mordu, pourtant il continuait à graviter autour de Laura et lui, bien que Pomfresh lui ait rendu sa liberté.
Les trois adolescents gravitaient autour d'eux, à vrai dire.
Lunard n'avait pas assez d'expérience en la matière mais Laura lui avait confié que c'était naturel, que les jeunes, dans une meute, tendaient à rester près des loups plus matures. Et il n'y avait aucun doute qu'ils étaient une meute. Remus le sentait au creux du ventre, comme un tout nouvel instinct : les jeunes loups lui appartenaient et il arracherait la gorge de quiconque les menacerait sans leur laisser le temps de s'expliquer.
Sur l'estrade, Albus demanda une minute de silence.
Ce n'était pas vraiment silencieux.
Certains pleuraient, d'autres reniflaient, les Aurors patrouillaient…
Il était excessivement conscient du chemin qu'empruntait la ronde de Tonks, même s'il faisait de son mieux pour ne pas tourner les yeux vers elle. Cela faisait déjà trois fois qu'elle faisait le tour du périmètre.
La minute s'étira et Remus tenta de se recueillir avec les autres, de penser à ceux qu'ils avaient perdus, d'honorer leur mémoire… Il n'y parvenait pas vraiment. Lavande pleurait. Bowen faisait de son mieux pour ne pas l'imiter. Graham était renfermé et s'en était presque alarmant. Laura croisa son regard… Ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre : comme lui, elle aurait préféré être ailleurs et, surtout, ils auraient préféré que leurs louveteaux soient ailleurs.
La cérémonie aurait été le moment idéal pour une attaque et ils étaient tous beaucoup trop exposés.
En lui, Lunard était aux aguets, prêt à rejoindre sa meute et à la défendre au moindre problème…
Finalement, la minute s'écoula et Albus, après avoir discrètement indiqué à Minerva de se reculer, sortit sa baguette et se tourna vers le bûcher. Au lieu de jeter un incendio ou une variante, il se lança dans des mouvements complexes et…
Il y eut plusieurs cris alarmés lorsque le feydemon prit corps. Le phoenix de feu s'éleva dans les airs avant de fondre sur le bûcher qui s'embrasa tout d'un coup. Remus en sentit la chaleur de là où il se tenait, il n'imaginait pas ce que devaient ressentir les premiers rangs. Il y eut quelques applaudissements polis, comme si c'était un spectacle et pas des funérailles.
Il comprenait néanmoins le choix du feydemon. Au-delà de l'étalage de puissance, cela permettrait aux corps de se consumer plus vite qu'ils ne l'auraient fait avec un feu normal. Au bout de quelques minutes, il ne resterait plus rien.
Kingsley s'avança et prit la place d'Albus, au centre de l'estrade, puis il commença à lire la liste des noms que Remus avait lui-même rassemblés. Il se prêtait bien à l'exercice, mieux que ne l'aurait fait le Directeur. Son timbre grave, son calme naturel rendait toute sa solennité à l'instant.
Le loup-garou se força à se concentrer à nouveau sur la foule, simplement pour se distraire de l'odeur qui le prenait à la gorge. Sans surprise, il vit Laura être forcée de rabattre les trois adolescents vers le château. Elle-même paraissait un peu nauséeuse.
Un des nombreux aléas d'un odorat surnaturellement développé. Avec autant de gens au château, dans un espace réduit, il devinait qu'ils n'allaient pas tarder à en faire l'amère expérience.
La liste était alphabétique et le temps que Kingsley arrive enfin au nom de Percy Weasley, le bûcher avait pratiquement terminé de se consumer. Albus l'éteignit discrètement d'un mouvement maîtrisé de sa baguette puis il resta là, à fixer les cendres du regard avec tristesse, comme s'il avait complètement oublié que tout le monde pouvait le voir…
Il n'y eut pas vraiment de conclusion à la cérémonie.
La foule se dispersa en petits groupes, beaucoup s'attardèrent pour échanger quelques mots, se prendre dans les bras ou se consoler mutuellement…
Les Aurors continuaient à patrouiller mais Fleur avait quitté son poste pour se diriger vers le groupe de rouquins qu'il était impossible de manquer alors il se sentit libre de disposer, lui aussi. Il espérait un peu parvenir à trouver Sirius, avec qui il n'avait pas encore eu l'occasion de vraiment discuter depuis la bataille…
« Remus ! »
Il s'immobilisa par réflexe au son de la voix intimement familière. En lui, le loup leva immédiatement la tête, heureux de…
Non, se morigéna-t-il, c'était fini tout ça. Fini.
Il se tourna en direction de la jeune femme, attendant que Tonks le rejoigne et tâchant de garder une expression neutre, de ne pas trahir la douleur qu'il éprouvait à savoir qu'il l'avait perdue pour de bon.
Elle n'avait pas l'air en grande forme mais semblait plus vive que la veille. Il n'était pas compliqué, toutefois, de percevoir son hésitation lorsqu'elle approcha, sa méfiance. Ou peut-être était-ce de la gêne.
« Comment vas-tu ? » demanda-t-il, lorsqu'elle fut à portée de voix.
« Mieux, merci. » répondit-elle, un peu machinalement. « Kingsley m'a dit que Greyback avait fait des victimes chez les enfants… » Il acquiesça en silence et elle se frotta le visage. « Et… Comment ont réagi leurs parents ? »
« Plus ou moins bien. » soupira-t-il. « Il faut que j'en parle avec Minerva et Albus. Deux d'entre eux, au moins, vont sans doute devoir emménager avec Laura et moi. »
Elle eut l'air surpris. « Oh, je ne savais pas que… »
« Non, non… » s'empressa-t-il de grimacer, en comprenant la méprise. « Nous ne sommes pas… C'est mieux de garder la meute au même endroit. »
Elle eut l'air beaucoup moins surprise – ou ravie – par cette précision.
« Dis-moi si tu as besoin d'aide. » offrit-elle. « Le Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques a été décimé et il y a très peu de survivants dans celui de la Justice Magique… Mais si tu as besoin d'Aurors pour une raison ou pour une autre… »
C'était une offre de paix, comprit-il.
« Merci. Je n'hésiterai pas. » répondit-il. Puis il se racla la gorge et se força à poser la question qu'il ne voulait pas poser, par pure politesse. « Comment va Severus ? Minerva m'a dit que vous deviez tenter de le réveiller, ce matin ? »
Elle se rembrunit immédiatement. Ce n'était pas de la colère qui brillait dans ses yeux, pourtant, mais de la douleur.
« Ça n'a pas marché. » lâcha-t-elle.
« Je suis désolé. » Ce n'était qu'un demi-mensonge. Le loup en lui était plutôt satisfait par cette tournure mais l'humain, celui qui savait à quel point elle l'aimait, détestait la voir souffrir. « Au fait… J'ai oublié de te donner ça hier. »
Il sortit le carnet abîmé de sa poche intérieure et le lui tendit. Elle le regarda sans comprendre pendant quelques secondes puis le lui arracha des mains pour mieux le serrer contre son cœur, avec un air accusateur.
« Je l'ai trouvé près de sa baguette. » expliqua-t-il, avant qu'elle ait pu lui reprocher quoi que ce soit. « Je ne voulais pas le confier à Harry et j'ai pensé que tu voudrais le récupérer. »
Elle fouilla son regard un long moment. « Tu l'as lu ? »
« Juste assez pour comprendre de quoi il s'agissait et à qui il appartenait. » mentit-il.
Elle n'apprécierait pas la vérité.
Et il n'était pas prêt à en discuter.
Avait-elle deviné qu'il avait menti ? Son regard s'attarda un peu plus longtemps que strictement nécessaire avant de finalement se détourner. Le carnet disparut à l'intérieur de ses robes.
« Écoute… Je vais être franche, d'accord ? » soupira-t-elle. « Je sais qu'on a nos différents mais la manière dont t'a traité Dumbledore, après tout ce que tu as fait pour l'Ordre… Ce n'était pas très correct. »
« Je n'ai jamais fait ça pour la reconnaissance. » répondit-il, dans un haussement d'épaules.
« Oui, mais tout de même. » insista-t-elle. « Et… Il y a beaucoup trop à faire. Tu connais tout le monde, tu es habitué à gérer les missions… Je ne sais pas comment voudra s'organiser Severus mais, en attendant qu'il prenne le relais… J'ai besoin que tu coordonnes les membres de l'Ordre pour nous. »
Ce fut son tour de l'observer plus longtemps que nécessaire.
Y avait-il un message caché sous cette invitation ? Tentait-elle de lui faire comprendre qu'elle avait changé d'avis ? Qu'il y avait un espoir que…
« Tu es sûre que tu veux travailler avec moi ? » plaisanta-t-il. « Parce que ce serait une collaboration étroite… »
Son visage se durcit à ce sous-entendu. « Je suis tout à fait capable d'être professionnelle. La question c'est : est-ce que, toi, tu peux l'être ? » Elle sembla hésiter puis se décider dans la même seconde. Si elle grimaça, son ton était ferme. « Parce qu'il n'y a que ça qui m'intéresse venant de toi, Remus. »
Ça faisait mal.
Bien sûr que ça faisait mal.
Mais il refusait de le lui montrer.
« J'ai bien compris. » lâcha-t-il. « Et, oui, je suis capable de travailler avec toi. Évite simplement de me traiter comme un sous-fifre. »
« Tant qu'on est d'accord sur le fait que je donne les ordres. » contra-t-elle, dans un haussement d'épaules. « Il me faut un roulement de membres de l'Ordre pour garder Dumbledore. Habiles au combat et pas des gens qu'il pourrait convaincre d'abandonner leur poste, de préférence. »
« Sirius, Bill, Minerva et moi, donc. » conclut-il, refusant de relever la pique sur qui était aux commandes. Lunard ne recevait d'ordres de personne. Il était Alpha de sa meute et il ne courberait pas l'échine facilement. Surtout devant quelqu'un qui n'avait ni son expérience, ni son âge.
« Voilà. » approuva-t-elle. « Je te laisse organiser ça. Fais-moi passer un emploi du temps dès que tu peux. » Elle hésita puis lui offrit un sourire un peu tendu. « Merci pour le carnet. »
Il ne tenta pas de la retenir lorsqu'elle s'éloigna.
Il en était arrivé à la conclusion qu'il valait mieux qu'ils restent loin l'un de l'autre.
Le loup en lui souffrait de sa froideur, de la distance entre eux, mais l'humain savait que c'était pour le mieux.
°O°O°O°O°
Est-ce que c'était à ça que se résumait une vie ? Un nom égrené d'un ton monocorde à la suite d'une longue liste ?
Percival Weasley.
Personne ne l'appelait jamais comme ça. Même lorsque leur mère était furieuse, Ron ne l'avait jamais entendue utiliser ce prénom. Même les jumeaux ne s'en servaient pas pour se moquer de lui.
Percy était Percy, de toute éternité et à jamais.
« C'est fini ? » demanda-t-il, un peu bêtement, lorsque les gens commencèrent à se disperser.
Les jumeaux le regardèrent mais ne répondirent pas. Ginny avait le même air abattu qui ne l'avait pas quitté depuis la bataille…
Bill posa brièvement une main sur son épaule mais fut distrait par l'arrivée de Fleur qui se coula dans ses bras avec naturel. Soudain, ce fut comme si son frère ne voyait plus qu'elle. Il la serra contre lui, enfouit son visage dans son cou…
Ron ne chercha pas à surprendre les mots qu'ils échangeaient à voix basse. Il regarda autour de lui, parmi les petits groupes qui s'étaient formés… Il repéra plusieurs de ses amis mais pas Lavande.
« Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » demanda Ginny.
L'attention de Ron revint vers elle mais il ignorait quoi lui dire.
Qu'allaient-ils faire maintenant ?
Il n'y aurait rien de plus pour Percy. Il n'y avait pas de corps, il n'y avait pas de pierre tombale à poser…
Qu'allaient-ils faire ?
Il semblait évident que les Weasley resteraient à Poudlard pour aider l'effort de guerre. Et pour Charlie.
Mais Ginny et lui n'auraient sans doute le droit de ne rien faire et…
L'odeur de fumée était âcre, celle des corps brûlés plus désagréable encore. Tout d'un coup, il voulait sortir de là. Il était vital qu'il sorte de là.
« Les cuisines. » lâcha-t-il.
Il avait attiré l'attention des jumeaux. « Les cuisines ? »
Prenant confiance, il hocha la tête. « On va aller manger une glace. En mémoire de Percy. »
C'était une des seules sucreries que leur frère adorait et mangeait sans réserve.
Le visage de Fred s'éclaira un peu. « C'est une excellente idée. »
« Allons manger une glace. » renchérit George, en passant un bras autour des épaules de Ginny. « Oh, les amoureux… »
Fred décocha un léger coup de pied dans le mollet de Bill pour attirer son attention. « Une glace, en mémoire de Percy. »
Bill fronça les sourcils, un peu confus, puis haussa finalement les épaules et leur fit signe d'ouvrir la voie.
Ils étaient presque au château lorsqu'une jeune femme leur coupa soudain la route. Jeune, jolie, trop sophistiquée pour eux – encore qu'à côté de Fleur, c'était difficile de rivaliser. Ron s'apprêtait à lui demander ce qu'elle voulait lorsqu'elle fondit en larmes.
« Bill… » lâcha-t-elle.
L'espace d'une seconde, alors que lui et le reste de ses frères et sœur échangeaient des coups d'œil confus, Ron se dit que Bill avait trompé sa petite-amie ou quelque chose du genre.
Pourtant, ce fut Fleur qui fit un pas en avant et ouvrit les bras pour étreindre la brune. « Audrey. »
C'était étrange, se dit Ron, une fois que les présentations furent faites, de se dire qu'on partageait un chagrin aussi immense avec quelqu'un qu'on n'avait jamais rencontré.
°O°O°O°O°
Jamais Harry n'oublierait cette odeur. Elle l'écœurait.
Lorsque Kingsley eut terminé de lire la liste de noms et que la foule commença à se disperser, il fut un des premiers à s'éloigner. Au lieu de suivre le gros de la masse, il évita la zone où Dumbledore encourageait les gens à venir lui parler – au grand dam de son Chef du Département des Aurors – de peur que le Directeur ne cherche à l'attirer dans la conversation comme Fudge aurait pu le faire.
« Deux jours en tant que Ministre et on jurerait qu'il a fait ça toute sa vie. » remarqua Ted, sans que cela ne sonne comme une accusation. C'était un simple constat.
Harry haussa les épaules, sans trop savoir quoi répondre. Dumbledore était quelqu'un de complexe qui essayait d'agir pour le mieux mais il n'avait plus aucune illusion quant à sa morale. Il serait le premier à nier que la fin justifiait les moyens mais, pourtant, ça ne l'avait pas empêché de chercher à le convaincre de venir à cette cérémonie en appuyant là où ça faisait mal.
Il repéra les Weasley sans trop de mal, hésita à les rejoindre, croisa le regard de Ginny et…
Lâchement, il détourna la tête et continua à marcher droit devant lui, sans bien savoir où il allait, ignorant les inconnus qui murmuraient sur son passage. Il ne savait pas quoi dire à sa petite-amie. Il ne savait pas quoi dire à Ron non plus.
« Faisons le tour jusqu'aux serres. » proposa Ted. « Le temps qu'on revienne, le gros de la foule devrait s'être dispersé et on pourra retourner à l'infirmerie sans être dérangés. »
Harry s'empressa d'accepter cette idée mais ils n'allèrent pas bien loin avant de tomber sur les Malfoy. Ils étaient impossibles à manquer parce que tout le monde semblait les éviter. Un large cercle s'était formé autour d'eux, comme s'ils étaient des pestiférés.
Il n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que le nom de Lucius n'avait pas été sur la liste des morts que Kingsley avait égrenée.
La mère de Draco était très visiblement enceinte.
Si quelqu'un le lui avait dit, l'information lui avait échappé au milieu du reste. Il ne savait pas que… La vue de son ventre rebondi le cueillit au plexus. Cet enfant ne connaîtrait jamais son père. Comme lui, il allait grandir sans père. Comme lui, il allait…
Et c'était sa faute.
Il avança vers eux sans savoir pourquoi, à moitié convaincu que c'était la pire idée qu'il aurait pu avoir…
Ted le dépassa, effleurant brièvement son épaule, pour aller parler à Mrs Malfoy. C'était un peu étrange de les voir tous les deux côte à côte, l'homme portant un jean et une chemise tout ce qu'il y avait de plus Moldus et Narcissa ayant tout de la Sang-Pure dans ses robes à la dernière mode sorcière… Pourtant, ils semblaient en bons termes.
Trop vite, Harry se retrouva devant Draco et fut forcé de déglutir difficilement autour de la boule de culpabilité qui lui obstruait la gorge. « Je suis… »
« Potter, si tu dis que tu es désolé, je te colle mon poing dans la figure. » le prévint Malfoy, dans un sifflement. « Je ne veux pas l'entendre. »
Il baissa la tête. « C'est… »
« Et si tu dis que c'est ta faute, je te jette dans le lac. » l'interrompit à nouveau le Serpentard. « C'est moi qui t'ai donné le sceau. C'est moi qui t'ai dit de… » Le blond se tut d'un coup puis secoua la tête. « Je ne veux pas l'entendre. »
Il s'éloigna à grandes enjambées pour se perdre dans la foule, le bousculant un peu au passage d'un coup d'épaule.
Hermione le regarda partir avec un air inquiet puis rejoignit Harry. Ils s'étreignirent sans un mot puis, lorsqu'elle s'éloigna, il se retrouva face à Narcissa qui l'observait avec une expression indéchiffrable. Il n'eut qu'à croiser son regard une fraction de seconde pour déterminer qu'elle était Occlumens – et, vu la manière dont ses boucliers réagirent automatiquement, au moins un petit peu Legilimens. Ce n'était pas si étonnant. En soixante-quinze, Lucius avait déjà maîtrisé les deux disciplines. Il paraissait logique que quelqu'un comme Narcissa en profite pour les apprendre.
La Sang-Pure ne laissa rien paraître de cet échange silencieux alors Harry ne commenta pas non plus.
« Lady Malfoy. » la salua-t-il, en s'inclinant légèrement.
Elle parut plaisamment surprise par ses manières, à défaut du reste. Ted aussi avait l'air surpris. Hermione avait juste l'air éreinté.
« Lord Potter. » répondit-elle froidement, avec un très bref signe de la tête.
« Lord Potter ? » releva sa meilleure amie, en fronçant les sourcils.
Il l'ignora momentanément parce que… Parce que Narcissa continuait de le fixer du regard sans rien laisser paraître alors qu'il devinait qu'elle devait le haïr. C'était sa faute si Lucius était mort, après tout. Doublement.
Il ouvrit la bouche pour lui présenter ses condoléances, la referma sans avoir trouvé les mots. Nerveusement, il se mit à jouer avec le sceau des Prince à son doigt. Cela aurait été plus simple s'il avait pu se retrancher derrière ses boucliers, utiliser l'Occlumencie pour se donner la distance nécessaire, choisir les bonnes paroles, y mettre les formes…
Il ne voulait pas abuser de ses boucliers parce qu'il comptait bien réessayer de réveiller Severus dans la journée.
« La Maison Potter a une dette envers la Maison Malfoy. » lâcha-t-il finalement, avec maladresse.
« Harry, ce n'est pas… » intervint Ted, avec une légère inquiétude. « Ce n'est pas le genre de choses qui s'offrent à la légère. »
« La Maison Malfoy accepte la dette. » répondit la Sang-Pure.
Il sentit la légère décharge qui signifiait que leurs magies s'étaient liées.
« Narcissa. » siffla le père de Tonks, avec mécontentement. « C'est un gamin. Tu… »
« Je sais ce que ça implique. » le coupa Harry. C'était le même genre de dette qui le liait à Pettigrow. Il devait sa vie à Lucius Malfoy. Sa magie ne le laisserait pas l'oublier.
Hermione semblait nerveuse mais Narcissa, au contraire, paraissait plus détendue.
« Je ne vous blâme pas. » offrit la Sang-Pure. « Lucius a toujours pris ses décisions en toute âme et conscience. Quel que soit le rôle que vous y ayez joué… Il a fait ce qu'il pensait être le mieux. »
Cela ne changeait pas le fait qu'un enfant allait naître sans père.
Et qu'il en était responsable.
« C'est la première fois que Dora te confie à moi et je vais devoir lui expliquer que tu as contracté une dette magique. » grommela Ted, en jetant un regard agacé à Narcissa. « Sirius ne va pas apprécier, non plus, Cissy. »
La Sang-Pure leva les yeux au ciel mais attrapa le bras de son beau-frère d'autorité pour l'entraîner vers le château. « Inutile de dramatiser. Je ne compte pas exiger de lui son premier né. »
Harry et Hermione les suivirent à une distance raisonnable.
« Tu n'aurais pas dû faire ça. » le gronda le jeune fille. « C'est sérieux, ce genre de dettes. Draco n'en abusera pas mais elle… Je n'arrive pas à la cerner. »
« C'est une Legilimens. » l'avertit-il. « Évite de la regarder dans les yeux, tu veux ? »
Hermione laissa échapper un grognement. « Il faut qu'on reprenne l'entraînement. »
Même avec de l'entraînement, il n'était pas sûr qu'elle parviendrait à garder Narcissa hors de son esprit si la Sang-Pure était déterminée à y pénétrer. Il espérait qu'elle était véritablement de leur côté. Sirius semblait lui faire confiance mais Harry ne savait pas trop quoi en penser.
Narcissa était le genre de personnes qui retournait sa veste au premier coup de vent.
« Comment va Snape ? » demanda-t-elle avec un brin d'incertitude.
« Stable. » répondit-il. « Mais ça va être plus compliqué que prévu de le sortir du coma. »
« Je suis désolée. » offrit-elle.
Draco avait raison, songea-t-il. Il n'en pouvait plus d'entendre ces mots.
« Tu as vu Ron ? » s'enquit-il, changeant le sujet. « Tu as des nouvelles de Charlie ? »
Son expression devint triste. « Charlie… C'est compliqué. L'un d'eux reste avec lui en permanence. » Elle lui jeta plusieurs coups d'œil furtifs. « Ce ne sont pas mes affaires mais… Tu devrais parler à Ginny. »
Il n'eut même pas la force de nier qu'il se passait quelque chose entre eux.
« Je sais. » admit-il. « Mais je ne sais pas… Je ne sais pas quoi lui dire. »
Elle soupira. « Je ne sais pas quoi dire à Draco non plus et la plupart du temps j'ai l'impression de l'agacer. Mais il dit que ça l'aide que je sois avec lui. » Elle lui donna un gentil coup d'épaule. « Sois là pour elle, c'est tout. »
Ce n'était pas aussi simple.
Ce n'était pas aussi simple du tout.
À chaque fois qu'il s'aventurait à penser à elle… Il savait que rien ne l'avait rendu plus heureux, dernièrement, que les instants volés ensemble Pourtant, il avait l'impression que cela s'était passé des années et pas quelques jours auparavant. Il n'arrivait plus à se souvenir de ce qu'il avait ressenti, plus vraiment.
C'était comme si un nuage noir flottait en permanence au-dessus de sa tête.
Comme s'il avait son propre Détraqueur qui le suivait partout.
Il avait peur d'empirer les choses s'il allait voir Ginny, de l'obliger à le consoler alors que c'était elle qui avait besoin de lui.
°O°O°O°O°
Draco marchait sans trop savoir où il allait, conscient des regards qui le suivaient. Certains étaient hostiles. D'autres reconnaissants. Il ne ralentissait jamais assez pour laisser quelqu'un le héler. Il ne voulait ni leurs accusations pour les choix qu'avaient faits son père, ni leurs remerciements pour la débâcle qu'avait été l'attaque du tunnel.
Il était furieux.
Il était au-delà de la fureur.
Il n'était pas entièrement certain de pourquoi. Il s'était réveillé en colère et épuisé malgré une nuit complète de sommeil. Tout l'irritait. La manière dont sa mère refusait de faire davantage attention à elle, la présence constante de Granger… Pourtant, lorsqu'elle avait décidé de lui laisser un peu d'air, son absence avait été pire et il avait été contrarié qu'elle l'ait abandonné.
Et le fait que le nom de son père n'ait pas été inclus dans la liste…
N'était-il pas mort pour leur précieux Survivant ?
N'était-il pas mort pour leur Ordre du Phoenix ?
Ne méritait-il pas un dernier hommage public après tout ce qu'il avait fait pour la communauté magique au fil des années ?
Ils jetaient tout le bon avec le mauvais et… Lucius avait fait des choses louables aussi. Qu'en était-il des charités auxquelles il donnait régulièrement ? N'avait-il pas financé la restauration de la moitié de Sainte Mangouste ? Oui, c'était davantage par prestige que par philanthropie mais il n'empêchait que ses parents avaient mené de nombreuses collectes de fonds et…
C'était injuste.
C'était tellement, tellement injuste.
Il ne vit pas la jeune fille avant qu'elle ne lui attrape le bras et il pivota beaucoup trop violemment, le cœur battant si fort qu'il sembla lui remonter dans la gorge, la baguette levée et prête à l'emploi…
Astoria le lâcha immédiatement et leva les deux mains, en signe de paix.
Il lui fallut plusieurs secondes pour accepter que c'était la sœur de son amie et pas un Mangemort. Il lui fallut plusieurs secondes de plus pour se souvenir que Daphné était morte.
Lentement, il baissa sa baguette, soutenant le regard d'Astoria et comprenant un peu mieux l'hésitation de Potter, quelques minutes plus tôt, parce qu'il ne savait pas quoi dire.
Il n'avait jamais remarqué à quel point elle ressemblait à Daphné.
À quelques mètres derrière elle, ses parents, leur fille aînée et leur gendre patientaient. Rien qu'à voir la manière dont ils le regardaient, Draco savait qu'ils voulaient lui parler et avaient envoyé Astoria en éclaireur. Il les connaissait. Il n'aurait pas pu décemment les éviter même s'il l'avait voulu.
Il ne pouvait plus se permettre ce genre de faux pas désormais.
Il était Lord Malfoy.
« Est-ce qu'elle a souffert ? » demanda Astoria, dans un murmure.
« Non. » répondit-il, avec conviction. « Non, elle était déjà morte quand le tunnel… » Ce n'était pas le tunnel. Ce n'était pas le tunnel. Mais Blaise levait la tête et le tunnel explosait… Il se reprit dans un raclement de gorge. « Le couloir. Elle était déjà morte quand le couloir s'est écroulé. Je pense qu'elle a été touchée par un sort de mort. Elle n'a rien senti. »
Contrairement à Blaise qui avait été bien vivant.
Et ça le torturait de se demander…
Était-il mort sur le coup ? Aurait-il pu le sauver s'il avait été plus rapide à déblayer les gravats ?
Astoria hocha lentement la tête, les yeux pleins de larmes qu'elle ne laissa pas couler. « Tu veux bien le dire à mes parents, s'il te plait ? »
« Bien sûr. » répondit-il mécaniquement.
Lord Malfoy, se répéta-t-il, comme un mantra. Lord Malfoy.
°O°O°O°O°
Narcissa observait son visage dans le miroir de la coiffeuse qu'elle avait demandée à Kreattur d'installer dans un coin de la chambre, tout en retirant le collier de diamants d'autour de son cou. Elle le reposa avec précaution sur le velours de sa boîte à bijoux et s'apprêtait à la verrouiller d'un maléfice qui ferait regretter ses choix à un potentiel voleur lorsque la porte de la chambre s'ouvrit à la volée.
Elle sursauta et pivota par réflexe sur le tabouret, cherchant à tâtons la baguette qu'elle avait posée sur le bois verni de la coiffeuse…
Sa panique reflua lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était que Sirius.
« Avons-nous à nouveau dix ans ? » grinça-t-elle. « Apprends à frapper, Sirius. »
Combien de fois l'avait-elle grondé, lui ou Reg ou Bella, dans leur enfance pour cette transgression en particulier ? Andromeda, elle aussi, avait eu tendance à perdre patience très vite lorsque les autres la dérangeaient sans prévenir…
Son cousin ne releva pas. Il semblait furieux. « À quoi tu joues, Narcissa ? »
L'espace d'un instant, elle fut confuse, ne comprenant pas ce qu'il lui reprochait… Puis, elle leva les yeux au ciel. « Ted est rapide. »
« Et Tonks est hors d'elle. » rétorqua-t-il. « Tu as de la chance que je l'ai convaincue de ne pas venir t'arracher les yeux. »
« Parce que tu es si calme… » commenta-t-elle. « Lord Black dans toute sa splendeur. » Ce n'était pas la chose à dire et elle le savait. L'allusion à son père, même voilée, ne fit qu'attiser les flammes de sa contrariété. Elle soupira avant qu'il n'ait pu rajouter quoi que ce soit. « Inutile d'en faire un drame… Ce n'est pas si… »
« Inutile d'en faire un drame ? » répéta-t-il, avec incrédulité. « Narcissa, je t'ai accueillie chez moi, nous avons pris soin de ton fils pendant des mois, et, à la première occasion, tu nous poignardes dans le dos ? »
Il ne semblait pas plus étonné que ça, au demeurant.
Elle pinça les lèvres. « Je n'ai poignardé personne dans le dos. »
« Harry ne te doit aucune dette et tu le sais très bien. » cracha-t-il.
« Il doit penser le contraire ou sa magie n'aurait pas validé la dette. » rétorqua-t-elle.
C'était un genre de magie particulièrement volatile. Parfois, ce genre de choses s'activaient en dépit de la volonté du porteur. Parfois, si la personne était persuadée qu'elle devait sa vie à quelqu'un d'autre, elle pouvait… forcer la situation.
« Narcissa. » siffla-t-il.
« Oh, s'il te plait ! » s'agaça-t-elle, en se levant – avec moins de grâce et de fluidité qu'elle ne l'aurait souhaité. « Que voulais-tu que je fasse ? Harry Potter ayant une dette envers notre Maison est une opportunité que je ne pouvais pas laisser passer. Il viendra un temps où Draco pourrait en avoir besoin. Où ce bébé pourrait en avoir besoin. »
« Et tu as demandé à Draco ce qu'il en pense ? » grinça-t-il.
Elle devinait ce qu'en aurait pensé son fils, sans grand mal.
Au contact de tous ces Gryffondors, il avait développé un sens de la morale un peu trop… manichéen.
« Je ne vais pas m'excuser de chercher à protéger mes enfants par tous les moyens. » cingla-t-elle.
« Tes enfants. Mais le mien, ça ne te dérange pas de le jeter sous le Poudlard Express. » contra-t-il. « Harry est mineur et sous ma responsabilité. Transfère la dette à la Maison Black. »
Elle fronça les sourcils. « N'est-il pas sous la responsabilité de Severus ? Aux dernières nouvelles, il voulait l'adopter et le considérait comme son fils. »
« Son fils. Celui de James. » Il agita la main, balayant l'argument comme si ça n'avait pas d'importance. « C'est mon filleul, mon héritier. C'est mon gosse. Transfère la dette. »
La dette de la Maison Potter était un tel avantage potentiel qu'elle hésita quelques instants. Toutefois, elle réalisa qu'elle avait fait une erreur. Elle n'aurait pas exigé quoi que ce soit d'extravagant en réparation – peut-être un contrat de mariage entre leurs enfants, en temps voulu – mais, ça, ni Sirius, ni Nymphadora ne pouvaient le savoir. Et ils étaient enclins à s'attendre au pire.
Elle avait fait preuve de précipitation – et de panique – et cela lui ressemblait peu.
Dans un soupir, elle capitula. « La Maison Malfoy accepte la dette de la Maison Black en lieu et place de la Maison Potter. » Elle sentit la légère décharge de magie confirmer l'échange. « La Maison Malfoy libère la Maison Black de sa dette. »
À nouveau, le titillement de sa magie.
Sirius avait l'air surpris.
« Oh, n'aies pas l'air si choqué. » grommela-t-elle. « Si l'un de nous a une dette envers l'autre, ce n'est pas toi. » Elle tapota les doigts le long de la hampe de sa baguette, pensivement. « Je savais que tu prenais tes devoirs de parrain au sérieux mais si tu le considères comme tien, ça change la donne. »
Son cousin secoua la tête avec un mélange de tendresse et de reproche. Il était toujours en colère, devinait-elle. « Toujours obsédée par la famille… D'accord, très bien, c'est pratiquement un Black par adoption. »
Ce qui contrariait sérieusement ses plans de voir son enfant à naître hériter du titre des Black.
« Il faut choisir, Cissy. » insista Sirius. « Sois tu es avec nous, complètement avec nous, sois tu déménages. Draco est le bienvenu et je ne tournerai pas le dos à ton bébé, mais je ne peux pas passer ma vie à me méfier de toi. Et ne crois pas que je n'en ferais pas autant que toi pour protéger mon gamin. Manigance autant que tu veux mais la famille, c'est sacré. Et ça inclut Severus et Remus. »
Inclure un loup-garou était beaucoup lui demander. Severus, cela lui coûtait moins.
Elle ne se serait pas retournée contre Andy ou sa famille, de toute manière. Elle désirait sincèrement apprendre à connaître Nymphadora. C'était sa nièce, après tout, et elle avait déjà presque tout raté de sa vie. Elle ne se serait pas retournée contre Sirius non plus, plus maintenant.
« Tu as laissé Severus l'adopter au lieu de le faire toi-même. Je n'avais pas conscience que tu le considérais tout de même comme tien. » répéta-t-elle, plus calmement. « C'est différent, évidemment. » Elle leva les yeux au ciel. « Et je ne comptais pas lui faire de mal, quoi qu'il en soit, Sirius. »
« J'ai besoin d'être certain de ta loyauté, Cissy. » réitéra-t-il.
« Je ne vais pas te jurer un Serment Inviolable. » s'agaça-t-elle. « Ma première loyauté va à ma Maison et ma Maison est celle des Malfoy. Néanmoins, je reste une Black et à présent que nous voilà tous réunis… Je ne veux pas vous perdre à nouveau. Nos Maisons sont alliées. » Comme elles auraient dû le rester. « Et si tu considères Potter comme ton fils, dans ce cas, il est sous ma protection. Bien évidemment. » Elle inclina légèrement la tête et lui jeta un coup d'œil irrité. « Comment étais-je censée le savoir si tu ne m'en informes pas, Sirius. Vraiment. »
Il la dévisagea longtemps mais semblait s'être calmé. « Je ne veux pas te perdre non plus. »
« Nymphadora m'en veut, je présume ? » soupira-t-elle.
« À toi, à Ted pour ne pas avoir empêché Harry de le faire, à Harry pour avoir été aussi stupide… » Il secoua la tête. « Franchement, on n'avait pas besoin de ça aujourd'hui. »
Elle l'étudia un moment puis fit la déduction qui s'imposait. « Severus n'est pas sorti du coma. »
« Non. » confirma-t-il, en venant s'asseoir sur le bout du lit, sans y être invité. « Écoute, Cissy… Harry est quelqu'un de bien mais, sur certains plans, il est facilement manipulable. Et il est particulièrement vulnérable en ce moment, alors… »
« Ne viens-je pas de te dire qu'il était désormais sous ma protection ? » rétorqua-t-elle, en se rasseyant sur le tabouret, devant la coiffeuse. Distraitement, elle caressa son ventre. « Il n'est pas si vulnérable que cela, tu sais. Pour quelqu'un d'aussi jeune, sa maîtrise de l'Occlumencie est remarquable. L'œuvre de Severus, je présume ? »
Sirius lui jeta un regard surpris – et impressionné. « Tu… Mais… »
« Lucius était beaucoup plus ouvert que Père ou Oncle Orion. » rétorqua-t-elle. « Et il a toujours souhaité que j'ai toutes les armes possibles à mon arsenal. »
Parler de Lucius lui faisait mal.
Il lui manquait.
Il lui avait manqué pendant des mois et elle ne s'était jamais habituée à son absence.
Elle ne pouvait se résoudre à penser qu'elle s'y habituerait jamais.
« Tu es aussi Legilimens ? » demanda son cousin.
« À mes heures perdues. » répondit-elle modestement. « Mais ne crains rien, tes boucliers sont suffisamment solides pour me repousser. »
Elle avait été un peu étonnée qu'il en ait. Dans ses souvenirs, Sirius n'avait jamais été intéressé par ce que son père souhaitait lui apprendre. Pas comme Regulus.
« Il faut qu'on parle à Dumbledore. » décréta-t-il, en se levant d'un bon et en lui tendant la main. « Viens. »
Parler à Dumbledore ne lui avait jamais rien apporté de bon et elle n'était pas certaine d'aimer ce soudain engouement pour ses capacités de Legilimens mais elle faisait suffisamment confiance à Sirius pour le suivre sans trop poser de questions.
°O°O°O°O°
« C'est hors de question. » cingla Nymphadora. Elle se campa devant le lit de Severus, les bras croisés, et fusilla du regard toutes les personnes présentes dans la pièce.
Elle n'avait toujours pas décoléré depuis que son père lui avait dit qu'Harry avait contracté une dette magique envers les Malfoy – et elle avait dit sa façon de penser au garçon mais, après les tensions de ce matin là, ils étaient à présent dans une drôle de dynamique qu'elle ne savait pas trop comment gérer.
C'était une bonne chose que Sirius ait convaincu Narcissa d'annuler la dette mais qu'elle l'ait acceptée en premier lieu…
Et voilà qu'il la ramenait dans la chambre de Severus, avec une proposition absolument ridicule et…
Harry ne semblait pas vendu, au moins. Et Dumbledore paraissait également dubitatif. Quant à Andromeda… Sa mère n'avait pas été plus ravie qu'elle par l'attitude de sa sœur.
« Vous étiez coincés. » insista Sirius, en se tournant vers Dumbledore. « L'avis d'un autre Legilimens ne peut pas faire de mal. Laissez-la essayer. Qu'est-ce qu'on risque ? »
« C'est une vraie question ? » s'énerva Tonks, en jetant un regard noir à sa tante qui n'avait toujours pas ouvert la bouche.
« Tu ne comprends pas. » intervint Harry, en secouant la tête. « Dans sa tête, c'est comme si… C'est un livre ouvert, Sirius. Il ne peut pas se défendre. »
Et c'était déjà suffisamment gênant qu'Harry y ait accès. Elle savait que Severus aurait détesté ça et il faisait confiance à Harry. Qu'ils soient obligés de laisser Dumbledore se balader également dans sa tête… C'était peut-être un mal nécessaire.
Mais Nymphadora n'allait pas laisser Narcissa Malfoy entrerdans son esprit et avoir accès à ses souvenirs. Certainement pas.
« C'est hors de question. » répéta-t-elle.
« Peut-être que si vous m'expliquiez de quoi il retourne précisément… » lâcha finalement Narcissa, comme s'ils l'ennuyaient.
« De quoi il retourne ? » siffla-t-elle, en faisant un pas menaçant vers sa tante. « Vous avez tenté de profiter d'Harry. Voilà de quoi il retourne. »
« C'était mon idée, Dora. » insista le garçon, en lui attrapant le bras, craignant peut-être un peu qu'elle sorte sa baguette.
« Eh bien c'était une idée stupide ! » riposta-t-elle.
Et Severus allait la tuer.
Certes, la situation était réglée, à présent, et sans trop de casse, mais Severus allait quand même la tuer.
Il allait tuer Sirius d'abord et elle ensuite.
Elle ne savait pas trop s'ils étaient tous les deux incapables de s'occuper correctement d'un adolescent ou si Harry était particulièrement difficile mais cela ne changeait rien au fait qu'ils étaient responsables du gamin et qu'ils enchaînaient l'un et l'autre les erreurs depuis le début.
« Je suis désolé. » répéta le Gryffondor, pour ce qui devait être la dixième fois. « Mais je maintiens que… »
« Ne maintiens rien avant que je ne m'énerve encore. » le coupa Sirius, avec un coup d'œil agacé.
Harry se tut mais il était renfrogné.
Nymphadora se frotta le visage.
Merde mais cette journée s'avérait tout aussi pourrie que celle de la veille et de l'avant-veille…
Elle avait espéré…
« Je dois dire que je suis assez d'accord avec Tonks, Sirius. » décida finalement Albus, en tournant son regard bleu vers Narcissa. « De plus, étant donné l'état délicat de votre cousine… »
Narcissa ne laissa rien paraître mais un tic agacé secoua le coin de sa bouche. « Je suis enceinte, Professeur Dumbledore, pas en sucre. »
Elle échangea un coup d'œil avec Andromeda qui, malgré sa contrariété évidente, leva les yeux au ciel face à cette remarque typiquement masculine. Tonks n'était pas loin d'approuver. État délicat. Non, mais sérieusement…
Toute sympathie qu'elle aurait pu éprouver pour sa tante disparut pourtant lorsque Harry changea de position à côté d'elle, se rappelant à son bon souvenir. Jurer une dette magique aux Malfoy… C'était…
Il était temps que Severus se réveille.
« Certes. » acquiesça le vieux sorcier, avec un geste d'excuse. « Toutefois, au-delà du souci de protéger la vie privée de Severus, le risque me semble trop élevé. Harry et moi sommes restés tous deux coincés un certain temps dans son esprit sans même nous en rendre compte. »
Narcissa les observa tour à tour, les uns après les autres, puis son regard s'arrêta sur Tonks qui n'avait ni décroisé les bras, ni décoléré.
« Je regrette sincèrement le malentendu de tout à l'heure. » déclara sa tante, comme si cela lui arrachait la langue d'en admettre autant. « Je n'avais pas saisi qu'il était un Black honoraire. J'insiste sur le fait que je ne lui aurais rien demandé d'outrageant ou de dangereux, quoi qu'il en soit. La dette est annulée. Ne pouvons-nous pas repartir sur de nouvelles bases, Nymphadora ? »
Harry tiqua très visiblement à cette appellation.
Elle-même se tendit un peu.
Black honoraire impliquait qu'elle l'adopte, ce qui était un peu précipité. Et puis elle était une Tonks, pas une Black, et si sa mère voulait bien s'en souvenir et remettre sa sœur à sa place… Mais Andy restait silencieuse.
Ce ne fut qu'en croisant le regard de Sirius qu'elle se rendit compte que c'était lui qui faisait d'Harry un Black honoraire et pas elle. Évidemment.
Il était vraiment temps que Severus se réveille, elle débloquait complètement.
« C'est drôle. Je pensais que les nouvelles bases avaient été posées quand on vous a recueillie après des années passées dans le camp adverse. » rétorqua-t-elle. « Combien de nouvelles bases il vous faut ? »
« Dora. » la gronda Andy, sans trop d'hostilité. Elle soupira. « Vraiment, Cissy, tu ne pouvais pas te tenir tranquille… »
« Elle s'est excusée. C'est réglé. » insista Sirius. « Écoutez, on devrait mettre toutes les chances de notre côté pour Severus. Vous avez d'autres Legilimens sous la main ? »
Dans le silence qui suivit, Harry soupira. « Il y a Slughorn. Mais je préfère encore Narcissa. »
« Merci. » grinça cette dernière, pince-sans-rire, avant de l'observer, un sourcil levé. « Je ne me souviens pas avoir proposé que nous oublions les formalités, Lord Potter. »
Sirius soupira. « Cissy. »
Elle lui jeta un regard lourd de sens. « Les manières sont importantes surtout pour l'héritier d'une ancienne Maison. Davantage encore s'il est en passe d'hériter de deux. »
« Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre des manières ? » explosa Nymphadora, n'y tenant plus.
Elle se foutait complètement de leurs coutumes de Sang-Purs. Elle se foutait complètement de si Harry appelait tous les adultes présents dans Poudlard par leur prénom. Elle se foutait de tout sauf du fait que Severus n'était toujours pas réveillé et qu'ils n'avaient aucune piste concrète pour y remédier et…
Les larmes lui montèrent aux yeux sans prévenir et elle se détourna, marchant jusqu'à la fenêtre pour mieux les leur cacher. Elle avait fait de son mieux pour se maîtriser toute la journée. Elle avait fait de son mieux pour prendre sur elle. Elle…
La conversation, après un bref silence choqué, reprit sans elle. Dumbledore avait apparemment décidé d'expliquer le problème à Narcissa mais refusait de la laisser constater les dégâts par elle-même. Sirius mettait son grain de sel dans une discussion à laquelle il ne comprenait visiblement rien. Harry essayait d'être aussi précis que possible parce qu'il était le seul à véritablement connaître l'aspect technique de ce qu'avait fait Severus.
Tonks se concentrait sur le parc en contrebas, leur tournant le dos, tentant de réguler sa respiration anarchique. Des larmes lui échappèrent et elle les essuya d'un revers de manche agacé.
Elle ne fut pas autrement surprise lorsqu'elle sentit sa mère se glisser auprès d'elle et poser une main sur son dos. De l'autre, elle lui tendit une fiole à l'aspect un peu trop familier.
« Je n'ai pas besoin de potion calmante. » protesta-t-elle.
« Tu es à deux doigts de faire une crise de nerfs. » contra Andromeda gentiment. « Nymphadora… Tu as failli mourir, il y a deux jours. Tu n'es pas remise. Tu es fatiguée, tu es inquiète, je parierais sur le fait que tu as mal même si tu refuses de le dire, et tu as les nerfs à vif. »
« Je ne lui fais pas confiance. » rétorqua-t-elle. Pourtant, elle prit la potion et l'avala d'un trait.
« Elle ne t'a pas vraiment donné de raison de le faire. » soupira Andy. « Mais… Elle ne fera jamais rien contre l'un de nous. »
Contre un Black, voulait-elle dire.
Comme si c'était suffisant.
Comme si…
« Ce n'est pas Cissy le problème. » insista sa mère, en baissant encore la voix. « Son état est toujours stable, ma chérie. Je sais que ce n'est pas ce que tu veux entendre mais… Au moins, ce n'est pas une course contre la montre. Nous avons le temps de trouver une solution. C'est positif. »
Et il fallait s'accrocher au positif, elle le savait.
Mais le positif ne suffisait pas.
« Je ne peux pas le perdre. » murmura-t-elle.
La main qu'Andromeda avait posée dans son dos se mit à faire des cercles réconfortants.
« Tu ne vas pas le perdre. » promit sa mère. « Ça va aller. Ça prendra peut-être un peu plus de temps que prévu, mais on va trouver comment le sortir de là. » La Médicomage lui fit un sourire qui se voulait amusé mais avait l'air un peu trop forcé pour être sincère. « Et ensuite tu lui feras jurer de ne plus jamais recommencer. C'était peut-être une excellente idée, en théorie, mais ce coffre est beaucoup trop dangereux s'il ne se rend pas compte qu'il est en sécurité et peut en sortir. »
Elle secoua la tête. « Le coffre n'est pas là pour le protéger, maman. Il est là pour s'assurer que personne ne puisse accéder aux informations importantes qu'il a en sa possession. Qu'il lui permette de ne pas souffrir est un bonus. »
Andy eut la même expression pincée que Narcissa quelques secondes plus tôt. « Eh bien, il va falloir lui apprendre à se protéger davantage. »
Elle laissa échapper un bruit vaguement amusé.
Convaincre Severus de faire passer sa propre sécurité avant celle des gens qu'il aimait ou des secrets qui pourraient vaincre Voldemort était mission impossible.
« Il va m'en vouloir. » avoua-t-elle, en jetant un coup d'œil derrière elle pour s'assurer que personne ne cherchait à surprendre leur conversation. « Je fais tout de travers avec Harry et… »
« Nymphadora. » la coupa Andy. « Harry a seize ans. C'est déjà suffisamment difficile de s'occuper d'un adolescent quand on le prend du berceau alors pour quelqu'un qui s'est retrouvée avec un gamin sur les bras du jour au lendemain, je trouve que tu t'en sors très bien. Qui plus est, techniquement, c'est Sirius qui est responsable de lui, pas toi. Tu fais de ton mieux. Si Severus t'en veut pour ça, alors il va falloir le remettre en place. »
Cela lui fit du bien de l'entendre.
Elle prit une profonde inspiration, la relâcha doucement… Elle fit ça plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle soit certaine d'être capable de se maîtriser. Puis elle se tourna et rejoignit la conversation.
Tout le monde eut le tact de prétendre qu'elle n'avait pas manqué faire une crise d'hystérie quelques minutes plus tôt.
°O°O°O°O°
Narcissa – Lady Malfoy – avait de bonnes idées.
Harry se sentait doublement coupable vis-à-vis d'elle parce qu'il n'avait pas réfléchi au fait que Sirius ou Dora se mettraient en colère en apprenant ce qu'il avait fait. Or ce n'était pas la faute de la Sang-Pure s'il avait offert de payer une dette qui, ne leur en déplaise, existait réellement. Il en parlerait avec Draco plus tard, décida-t-il, quand les choses se seraient un peu apaisées.
Et que Tonks, à qui il ne cessait de jeter des coups d'œil furtifs, n'aurait plus l'air d'être sur le point d'exploser.
Elle ne contribuait pas beaucoup à la discussion, pas plus qu'Andromeda. Mais les interventions de Sirius n'étaient pas exactement pertinentes alors c'était probablement pour le mieux qu'elles n'essayent pas de donner leur avis quand elles ne visualisaient pas le problème.
Narcissa avait suggéré qu'il fallait un moyen de se protéger des souvenirs qui attaquaient en rafale.
« C'est une hypothèse intéressante. » admit Dumbledore, en se caressant pensivement la barbe. « Toutefois… Mes propres boucliers sont similaires à ceux de Severus. Ils sont constitués de mes souvenirs ou de mes émotions… »
« Moi aussi. » offrit Sirius.
« Pareil. » déclara Dora, en haussant les épaules.
« C'est une affinité venant de la lignée Black. » répondit Narcissa. « J'utilise la même technique. »
« Moi pas. » intervint Harry. « J'utilise l'Occlumencie élémentaire. »
Dumbledore l'observa sans paraître le voir, réfléchissant visiblement.
« Je pourrais tenter de ramener mes boucliers à leur plus simple fonction… » marmonna-t-il. « Mais, au demeurant, ils resteraient faits de mes propres expériences or emmener une part aussi intime de son psyché dans l'esprit de quelqu'un d'autre… » Son regard se fit un peu plus présent, un peu plus pesant sur le Gryffondor. « Si nous souhaitons mettre cette théorie à l'épreuve, ce sera à toi de le faire, Harry. Des boucliers comme les miens ou ceux de Narcissa pourraient mettre Severus en danger. »
Il accepta d'un hochement de tête impatient et se rapprocha du lit. « Qu'est-ce que je dois faire ? »
« Puis-je ? » s'enquit le Directeur, en croisant son regard.
Harry acquiesça et, la seconde suivante, sentit l'intrusion dans son esprit. L'attaque était légère. Il lui semblait que le vieux sorcier étudiait ses boucliers. Très vite, la pression sur son esprit disparut.
« Peux-tu me laisser voir l'entièreté de tes défenses ? » demanda Dumbledore.
Le garçon hésita, un peu plus réticent.
Si le Directeur avait l'opportunité d'étudier ses boucliers en entier, il était très probable qu'il n'aurait aucun mal à les briser à l'avenir et…
Mais pour Severus, il aurait fait n'importe quoi. « D'accord, mais n'allez pas plus loin que les marécages. »
« Bien entendu. » promit Dumbledore.
C'était très étrange de laisser quelqu'un d'autre que Severus dans sa tête. C'était dérangeant. Et…
Fidèle à sa parole, le vieux sorcier le libéra sans tenter de fouiller dans son esprit.
« Les flammes et l'eau sont indépendantes, l'une de l'autre, n'est-ce pas ? » remarqua Dumbledore, d'un ton pensif. « Et tu maîtrises davantage les flammes… Pourrais-tu te créer ce qui s'apparenterait à un mini bouclier ? Entourer ton esprit d'une fine couche de flammes et la maintenir lorsque tu utiliseras la Legilimencie ? »
Ça semblait plutôt compliqué.
« Je peux essayer. » déclara-t-il.
« Je ne suis pas certain que ce soit réalisable, Harry. » l'avertit Dumbledore. « À ma connaissance, cela n'a jamais été fait. »
« Le bouclier doit être aussi ténu que possible. » intervint Narcissa. « Le maintenir dans l'esprit de quelqu'un d'autre demandera énormément de concentration. »
Il ferma les yeux et tenta d'isoler les flammes mais… Il était beaucoup trop conscient que tout le monde le fixait du regard et… Rouvrant les paupières, un peu gêné, il se racla la gorge. « Je ne peux pas me concentrer si vous me regardez tous comme ça. »
Dumbledore suggéra que les autres les laissent seuls. Il y eut quelques protestations et Tonks semblait particulièrement déchirée mais elle suivit finalement Sirius lorsqu'il passa un bras autour de ses épaules pour l'entraîner à l'extérieur.
« De quoi as-tu besoin ? » demanda ensuite le Directeur, une fois qu'ils furent seuls.
« Juste de calme. » lâcha-t-il. « Latundo. »
Il était un peu embarrassé de se servir d'un sortilège pour enfants devant Dumbledore mais le sorcier ne fit aucun commentaire, pas même lorsqu'il régla la luminosité sur des tons rougeoyants. Il lui fallut plusieurs minutes pour parvenir à se détendre assez pour manipuler ses boucliers, même si le vieux sorcier faisait de son mieux pour se faire oublier.
Au bout d'un quart d'heure, pourtant, il rouvrit les yeux, attentif à ne pas relâcher sa concentration mais satisfait de la fine couche de flammes qui entourait son esprit. Il ne parviendrait pas à la maintenir éternellement, alors il fit signe à Dumbledore d'ouvrir les paupières de Severus et plongea immédiatement dans l'esprit de son père.
La différence parut évidente dès les premiers instants.
Il était beaucoup plus conscient de lui-même, du lien qui le reliait à son propre corps… Le premier souvenir fonça vers lui et il se prépara à l'assaut mais aucune image ne s'imposa à lui. Son bouclier fit barrage.
Il s'avança un peu plus profondément dans l'esprit de Severus, et le second souvenir qui le heurta fut stoppé par son bouclier. Avec soulagement, Harry détermina que la théorie de Narcissa fonctionnait.
Il avança encore, pirouettant lorsqu'il le pouvait pour éviter les attaques de souvenirs…
Un troisième s'écrasa contre son bouclier sans qu'il ne voit quoi que ce soit…
Ce ne fut qu'au quatrième qu'il remarqua le problème.
Les souvenirs ne rebondissaient pas comme il l'avait cru de premier abord. Ils disparaissaient. Les flammes les consumaient.
Horrifié, il fit demi-tour et ressortit aussi vite qu'il le put mais pas sans qu'un cinquième et un sixième souvenirs ne se fassent avaler par ses défenses.
Il revint à lui avec un sursaut et tourna son regard épouvanté vers Dumbledore. « J'ai détruit ses souvenirs. Au moins six. »
Le vieux sorcier parut comprendre immédiatement le problème. Il se frotta le front. « As-tu vu ce qui a été perdu ? »
Il secoua la tête. « On peut peut-être les récupérer ? On peut… »
Mais il n'y croyait pas lui-même et il laissa sa phrase en suspens. Il avait vu ce qui s'était passé avec le quatrième souvenir. Les flammes l'avaient avalé. Il n'existait plus. Et il n'avait aucun moyen de savoir s'il s'agissait de quelque d'anodin ou de quelque chose de plus précieux et…
« Tu as dit que le coffre servait à protéger les souvenirs importants. » lui rappela le Directeur, en ajustant ses lunettes en demi-lune.
« Oui, mais on sait tous les deux ce qu'il y aura mis en priorité. » lâcha-t-il faiblement.
Tout ce qu'il savait sur les horcruxes. Tout ce qu'il savait des plans de l'Ordre. Probablement les moments clefs de sa vie, des moments qui comptaient pour lui. Mais il était impossible de tout y mettre. Et c'était en supposant seulement qu'il avait eu le temps de s'y prendre correctement et qu'il n'avait pas agi dans l'urgence.
« Ce n'est pas ta faute, Harry. » offrit Dumbledore. « Severus… Severus est un homme brillant mais il serait parfois souhaitable, pour son propre bien, qu'il soit un peu moins méticuleux dans ses inventions. » Il soupira. « Nous n'avons aucune véritable idée de ce que nous sommes en train de faire et il était sans doute inévitable que nous fassions une erreur de ce genre. »
« Qu'est-ce qu'on va faire ? » demanda-t-il, sans parvenir à cacher sa détresse. L'idée de Narcissa avait semblé bonne. Mieux que ça, c'était la seule idée qu'ils avaient eue.
« Peut-être faut-il simplement… persévérer ? » suggéra le Directeur.
« Mais c'est un raz-de-marée. » contra Harry, en levant les bras avec impuissance. « Vous l'avez vu. On ne passera pas en force. Pas sans se faire emporter par ses souvenirs. »
Et il ne voulait pas empiéter sur son intimité davantage qu'il ne l'avait déjà fait.
« Certes. » admit Dumbledore.
Il y avait de la défaite dans sa voix.
Et cela ne s'arrangea pas une fois qu'ils durent expliquer aux autres ce qui s'était passé. Andromeda et Narcissa étaient parties mais Sirius et Dora avaient l'air grave et, dans le cas de la jeune femme, un peu défait.
Harry regrettait sincèrement de l'avoir accusée, plus tôt ce matin-là, de ne pas tenir à Severus autant qu'il tenait à elle parce que… C'était tellement évident à ce moment là que c'était faux, qu'elle ne tenait plus que par un fil, que…
« Est-ce qu'on est obligés d'atteindre le coffre pour communiquer avec lui ? » demanda-t-elle, soudain. « Est-ce qu'on ne pourrait pas juste… Envoyer un message sans aller trop loin dans son esprit ? »
« Il est coupé du reste de son esprit. » répondit Dumbledore. « Et la Legilimencie n'est pas de la télépathie, Miss Tonks… »
« Mais il pourrait peut-être le sentir. » contra Harry. « Ça ne coûte rien d'essayer. »
Le vieil homme les observa lui et Tonks tour à tour puis capitula d'un geste. « C'est tout à fait vrai. »
Le garçon devinait qu'il cherchait à les consoler et qu'il n'y croyait pas vraiment.
Ça n'empêcha pas Harry de replonger dans l'esprit de Severus mais au lieu de chercher à avancer, il se concentra pour… L'espace d'une seconde, il fut tenté d'employer la même méthode qu'il avait utilisée pour le convaincre de briser la boucle de son pire souvenir, dans le passé : lui faire croire qu'il avait besoin d'aide, qu'il était en train de mourir, que… Il ne put s'y résoudre. C'était trop cruel.
C'est fini. Tu es en sécurité. Reviens. Reviens, papa.
Il pensa les mots encore et encore jusqu'à ce qu'un souvenir ne l'emporte, comme attiré par sa présence.
Dans le renfoncement d'une fenêtre de l'une des tours, Severus observait, en contrebas, les quelques élèves restés à Poudlard pour les vacances de Noël s'adonner à une bataille de boules de neige. Son regard suivait un première année en particulier. Il ressemblait trop à James. Arrogant. Bruyant. Mais il avait le sourire de sa mère et ça…
Harry quitta son esprit et secoua la tête pour s'éclaircir les idées. Il avait de nouveau la migraine.
Ils restèrent tous plantés là de longues minutes à fixer le lit du regard comme s'ils espéraient un miracle…
Dumbledore fut le premier à partir, en promettant de repasser plus tard.
Sirius suivit après quelques minutes.
Dora s'attarda le plus longtemps.
« Je suis désolé. » murmura-t-il finalement.
Il aurait dû parvenir à le réveiller.
Il aurait dû…
« Ce n'est pas ta faute. » déclara-t-elle. Il ne devait pas avoir l'air particulièrement convaincu parce qu'elle fronça les sourcils. « Ce n'est pas ta faute, mon chat. »
Il aurait aimé pouvoir la croire.
°O°O°O°O°
Journée de merde.
Sirius suivit les indications que lui avait données Dumbledore jusqu'à arriver à la porte surplombée par un serpent ouvragé.
Il y avait beaucoup trop de décorations en forme de serpents dans les cachots, en règle générale, et il s'était perdu trois fois en chemin. Cela aurait été plus simple avec la Carte des Maraudeurs mais Harry l'avait apparemment détruite.
Et il aurait menti s'il avait prétendu que cela ne lui faisait rien.
La Carte était la dernière chose qu'il restait des Maraudeurs et…
Il fit le choix d'arrêter d'y penser avant de se remettre en colère.
Se mettre en colère n'y changerait rien et Harry n'était pas en état de comprendre pourquoi il s'énervait autant après lui de toute manière. L'état de son filleul l'inquiétait, à vrai dire. Il était trop abattu, trop prompt à faire des conneries – comme aller jurer une dette magique aux Malfoy – et, surtout, il y avait un éclat trop placidement désespéré dans ses yeux. Il avait le regard des gens qui savaient qu'ils allaient mourir sous peu et, ça, Sirius ne pouvait pas l'accepter ou l'affronter calmement.
Il frappa à la porte.
Ses paumes de mains étaient moites, son rythme cardiaque un peu trop élevé et il était beaucoup plus nerveux qu'il n'aurait été prêt à l'avouer. Bien entendu, il n'y avait aucun moyen de cacher ce genre de choses à une vampire, même s'il l'aurait préféré.
Nyssa savait dans quel état il était avant même d'ouvrir la porte.
C'était probablement bon signe qu'elle la lui ouvre quand même et qu'elle s'efface légèrement pour le laisser entrer.
Les appartements qu'ils lui avaient trouvés n'étaient pas très spacieux. Le salon était petit avec un minuscule coin cuisine et deux portes menant à la chambre et à la salle de bain. S'il avait dû deviner, il aurait dit que les elfes de Poudlard avaient converti une pièce inutilisée à la va-vite. Le seul point d'intérêt était la large fenêtre qui donnait sous le lac et jetait des ombres changeantes sur les murs que les chandelles allumées aux quatre coins de la pièce ne parvenaient pas à bannir.
Il fit quelques pas dans le salon puis pivota vers elle, la regardant fermer lentement la porte – trop lentement, comme si elle cherchait à retarder le moment où il leur faudrait parler.
Il se racla gorge. « Je t'aime. »
« Sirius… » soupira-t-elle.
Il leva la main pour l'interrompre, avec un léger sourire. « J'ai tout un discours et c'est un excellent discours. »
En dépit de son appréhension évidente, elle émit un bruit amusé et cessa de se tenir près de la porte comme si elle envisageait de s'enfuir pour venir se percher sur l'accoudoir d'un fauteuil. « C'est une bonne entrée en matière. »
« Ce n'est pas une entrée en matière, c'est le résumé. » contra-t-il, très sérieusement mais non sans humour. À nouveau, il se racla la gorge. « Je t'aime. Et, oui, la famille c'est important pour moi. Du moins, celle que j'ai choisie. » Merlin savait qu'il n'aurait probablement pas dû pardonner à Narcissa aussi vite mais il refusait de la perdre à nouveau. Pas en sachant que Regulus était en train de pourrir au fond d'un lac avec une légion d'Inféris. « Et je ferais à peu près n'importe quoi pour eux. Et oui, j'ai apparemment un don pour collectionner les gosses qui ne sont pas à moi mais dont je finis par être responsable. »
Elle leva les sourcils avec amusement, ce qu'il interpréta comme un autre bon signe.
« Mais, Nyssa, il faut que tu comprennes… » continua-t-il. « J'aime ma famille mais je n'ai jamais voulu de la vie de Lord Black et de ce que ça impliquait. Je n'ai pas besoin d'une épouse qui m'attende à la maison ou des héritiers obligatoires ou de ce genre de trucs… Tout le temps où Lily était enceinte, j'étais excité d'être le parrain mais, dans ma tête, je me disais que James était dingue de vouloir un truc pareil. Je n'ai jamais voulu être le père de qui que ce soit. » Et si ces deux derniers jours lui avaient appris quoi que ce soit, c'était qu'il avait eu raison de laisser Severus remplir ce rôle là. « Être l'oncle préféré, ça me suffit. »
« Pour le moment. » intervint-elle. « Mais… »
« Non, pas pour le moment. » coupa-t-il. « Pour de bon. Je sais ce que je veux et ce que je ne veux pas, Nyssandra. » Il fut un peu plus sec qu'il ne l'aurait souhaité mais il avait toujours détesté qu'on lui impose des choses ou qu'on lui prête des intentions qu'il n'avait pas. « Je ferais un père atroce et je le sais. Ça ne m'intéresse pas. » Il haussa les épaules. « Et je n'ai pas besoin que tu m'épouses ou que tu me fasses des enfants pour qu'on soit une famille. Je n'ai même pas besoin qu'on vive ensemble à plein temps. Je n'ai jamais été très branché conventionnel, tu sais. »
Il prit une profonde inspiration. « Alors… Voilà ce que je propose : si tu dois partir rejoindre ton essaim après la guerre… Eh bien, soit tu peux venir me rendre visite aussi souvent que tu peux ou veux, ou… Ou je peux acheter une maison près de là où vous vivez. Ou en faire construire une. » Il croisa son regard, le soutint avec intensité parce qu'il avait besoin qu'elle comprenne… « Je n'ai pas besoin de cocher des cases… On peut juste être ensemble. Ça m'est égal la forme que ça prend. Je sais ce que je veux, Nyssa. Je te veux, toi. »
Elle resta silencieuse un long moment puis baissa la tête. « C'était vraiment un excellent discours. »
« Si j'avais eu le temps et qu'on n'avait pas été en pleine guerre, j'aurais probablement ajouté des bougies et des fleurs. » plaisanta-t-il. « Peut-être un bijou ou deux. »
Elle leva les yeux vers lui. Ils brillaient mais, à moins qu'il ne se trompe complètement, ce n'était pas des larmes de chagrin mais de soulagement. Et d'amour. Du moins, il l'espérait.
« Je t'aime aussi. » murmura-t-elle. « Et moi aussi je te veux, toi. »
Il sourit à en avoir mal aux lèvres et lui ouvrit les bras. « Tu vois ? Ce n'était pas si compliqué comme conversation. »
Elle ne bougea pas du fauteuil, pourtant. « J'ai peur que tu regrettes. J'ai peur que tu te réveilles dans quelques années et que tu réalises que tu as gaspillé tout ce temps avec une morte. »
La fureur fut immédiate et tenace mais il se força à la ravaler. « Je ne suis pas Fol'Œil. »
Et Fol'Œil aurait mérité de prendre son poing dans la gueule. Plusieurs fois.
« Je sais. » répondit-elle. « Je sais mais… »
« Je sais ce que je veux, Nyssa. » répéta-t-il. « Et je ne change jamais d'avis une fois que j'ai décidé que j'aimais quelqu'un. Il y a une raison si ma forme Animagus est un chien. »
Il approcha lentement et lui tendit la main. « Ça n'a pas à être compliqué. On n'a pas besoin d'être comme tout le monde. On peut être heureux à notre manière. »
Lentement, avec hésitation, elle lui prit la main et le laissa la tirer sur ses pieds.
Il se pencha mais ce fut elle qui l'embrassa la première. Leurs baisers étaient toujours passionnés, brûlants… Mais celui-ci… Celui-ci était tendre. Vulnérable.
Il caressa sa joue pour mieux incliner sa tête, pour mieux approfondir le baiser, y mettant tous les sentiments qu'il éprouvait pour elle.
« La vie est trop courte pour se poser trop de questions. » murmura-t-il contre sa bouche. « On pourrait mourir demain. Je veux aujourd'hui. Je veux tous les aujourd'hui qu'on peut avoir. »
On lui avait volé douze ans de sa vie.
Il comptait vivre les années qui lui restaient comme il l'entendait.
Et sans regret.
°O°O°O°O°
Harry se força à avaler ce qu'il restait de son sandwich même s'il n'avait pas faim.
Andromeda avait demandé à Kreattur de lui apporter de quoi manger et s'était tenue là, à le dévisager avec un regard lourd de sens jusqu'à ce qu'il croque dans le pain et en avale plusieurs bouchées. Il avait été soulagé lorsqu'elle s'était excusée pour aller vérifier comment allait Charlie. Il commençait à comprendre que les manières un peu brusques et envahissantes de la Médicomage étaient, en réalité, de l'inquiétude. Il supposait, qu'un peu comme Ted, à cause de Tonks, elle se sentait responsable de lui.
Ce qui était bizarre sur de nombreux plans mais il était trop fatigué pour y réfléchir ou s'en préoccuper.
Comme toujours lorsque des adultes essayaient de s'occuper de lui, il était partagé entre une certaine reconnaissance émerveillée – l'enfant en lui qui ne sortirait jamais du placard, sans doute – et une méfiance instinctive - l'enfant en lui qui ne sortirait jamais du placard et avait appris que c'était peut-être mieux ainsi.
La porte de la chambre de Severus s'ouvrit et se referma silencieusement sur Dumbledore qui vint se tenir à côté de lui. Harry ne bougea pas de la chaise sur laquelle il était assis mais se frotta les mains pour se débarrasser des miettes. Elles tombèrent au sol comme des flocons. Il les fit disparaître d'un coup de baguette.
« Vous avez encore échappé à votre escorte ? » demanda-t-il. Il avait voulu prendre le ton de la plaisanterie mais sa voix sonnait creuse, éreintée. « Tonks ne va pas être contente. »
« Mon escorte étant le Professeur McGonagall, je crains de subir doublement des remontrances. » répondit le Directeur, non sans humour. Il fit apparaître un fauteuil à l'aspect bien plus confortable que sa chaise et s'installa, étudiant le profil endormi de Severus. « Aucun changement ? »
Il secoua la tête, ne se faisant pas suffisamment confiance pour parler. Sa voix se serait brisée.
Il se recroquevilla sur sa chaise, calant les pieds sur le bord et entourant ses jambes de ses bras.
« Où sont Tonks et Sirius ? » s'enquit le vieux sorcier.
Il attendit une seconde avant de répondre, simplement pour être certain d'être maître des émotions qui lui déchiraient la poitrine. « Tonks est au poste de commandement des Aurors. » Bien qu'il n'ait aucune idée d'où cela se situait dans le château. « Sirius voulait parler à Nyssa, je crois. »
Le Directeur hocha lentement la tête, sans le regarder en face.
C'était son premier indice qu'il n'allait pas aimer la teneur de la conversation qui allait suivre.
Le second fut le raclement de gorge un peu trop appuyé.
« Harry… »
« Si vous vous apprêtez à dire que vous voulez arrêter d'essayer, je ne veux pas l'entendre. » le coupa-t-il.
Dumbledore lui jeta un regard surpris et, peut-être, un peu blessé. « Évidemment que je ne compte pas cesser d'essayer, Harry. Au-delà de mes sentiments personnels, nous avons besoin de lui pour gagner cette guerre. » Les yeux bleus l'étudièrent un moment, tristes. « Et mes sentiments personnels, s'il faut le clarifier, n'ont rien d'hostile. Je n'ignore pas que nous avons eu nos désaccords, ces derniers temps, mais je suis très attaché à Severus. »
Le Gryffondor détourna la tête, vaguement honteux. Il ne savait pas pourquoi il semblait incapable de dire ce qu'il fallait aujourd'hui. À chaque fois qu'il avait ouvert la bouche, il avait peiné quelqu'un. Tonks, lorsqu'il avait insinué qu'elle tenait plus à son devoir qu'à Severus. Ted, lorsqu'il avait offert la dette magique à Narcissa. Draco, en essayant de lui présenter ses condoléances. Dumbledore, à l'instant.
N'en déplaise à Hermione, il était probablement mieux qu'il se tienne loin de Ginny pour le moment.
« Je vais continuer de réfléchir au problème. » jura le Directeur. « Et je vais continuer d'essayer de pénétrer son esprit. Je n'abandonnerai pas. »
Harry contracta la mâchoire jusqu'à en avoir mal et appuya la joue sur son genou, de sorte que le sorcier ne puisse pas voir son visage ou les larmes qui lui brûlaient les yeux. Certaines roulèrent sur ses joues.
Il en avait assez de pleurer.
Ses boucliers étaient de nouveau mis à mal, cependant, et il avait mal à la tête depuis sa dernière tentative pour atteindre le coffre, ce qui n'aidait pas. Peut-être qu'il aurait dû le mentionner à Andromeda. Peut-être qu'il aurait dû accepter la potion qu'elle n'aurait pas manqué de vouloir lui donner.
« Harry. » répéta Dumbledore, un peu plus fermement. « J'aurais préféré avoir cette conversation une fois que Severus aurait été si ce n'est remis, tout du moins en bonne voie de l'être. Toutefois… »
Il ferma les yeux.
Ah, oui… La conversation qu'il ne voulait pas avoir.
« Vous voulez que je retourne chez les Dursley. » devina-t-il.
Il ne fallait pas être Sherlock Holmes ou Garet Flinsh pour en arriver à cette conclusion. Les cours étaient terminés, le château allait être une cible évidente et il avait toujours été question qu'il retourne à Privet Drive à un moment donné. Comme l'été précédent, le Directeur allait l'envoyer se mettre au vert et Harry serait tenu à l'écart de tout, ne saurait rien de ce qu'il se passait et deviendrait fou à imaginer le pire dans sa chambre ou caché sous les buissons devant la fenêtre du salon pour pouvoir écouter les informations sans se faire crier dessus par Oncle Vernon.
« Peux-tu me regarder, s'il te plait, Harry ? » demanda gentiment le Directeur.
Harry aurait voulu le faire. Il aurait voulu pouvoir affronter la situation comme le jeune homme qu'il était censé être : mature, presque majeur, assuré… Mais comme à chaque fois qu'il était question des Dursley… Il resta recroquevillé sur la chaise, garda la tête tournée à l'opposé de là où le vieux sorcier était assis. Bêtement, il avait encore plus envie de pleurer.
Il entendit la profonde inspiration que prit Dumbledore. Un peu lasse, un peu désolée…
« Je sais que tu n'es pas heureux chez eux. » soupira l'homme. « Je sais que je t'en demande beaucoup, surtout étant donné l'état dans lequel est Severus. Néanmoins… Je dois insister. Pour ta propre sécurité. »
Il avait toujours su qu'il retournerait chez les Dursley, se morigéna-t-il, et ça avait été stupide d'espérer autrement. Il avait affirmé à Severus qu'il pouvait parfaitement gérer un séjour chez eux. Que c'était la routine. Que ce ne serait pas agréable mais qu'il survivrait. Que ça ne lui ferait rien.
Et, se rendit-il compte un peu trop tard, il avait menti.
Ne t'avise pas de me dire que ce n'est pas si terrible ou si grave, le gronda Severus, dans sa tête.
Parce que, à présent, il savait ce que cela faisait d'avoir un parent, d'avoir quelqu'un qui se préoccupait de lui… Il savait ce que c'était d'avoir quelqu'un qui désirait sa présence dans sa maison, qui appréciait de passer du temps avec lui… Il savait ce que c'était de ne pas avoir peur de se faire pousser dans un placard ou enfermé dans sa chambre ou même simplement jeté dehors sans autre forme de procès…
« Donnez-moi une bonne raison. » le supplia-t-il.
Dumbledore savait que les Dursley ne l'aimaient pas, qu'il n'était pas heureux là-bas. Severus lui avait dit qu'ils le traitaient mal. Il lui avait dit…
Le garçon savait que ça ne plaisait pas au Directeur de l'y renvoyer, qu'il ne le faisait pas de gaieté de cœur, mais il savait aussi que rien ne détournerait le vieux sorcier du chemin qu'il avait tracé.
« Il est essentiel de renouveler la protection de ta mère. » expliqua Dumbledore, sans surprise. « Une quinzaine de jours devraient amplement suffire. »
« Pourquoi c'est si important ? » insista-t-il. « Il peut me toucher, maintenant. Il peut… Elle ne semble plus aussi efficace, cette protection. »
« Il peut te toucher, c'est vrai. » acquiesça le Professeur. « Mais j'ai de bonnes raisons de penser que le sacrifice de ta mère l'empêche de faire bien pire. Ou… Du moins… Empêche une partie de lui de faire bien pire. »
La référence à l'horcruxe était voilée, indirecte.
Harry était si fatigué de ces faux-semblants, de ces secrets…
« Vous voulez dire qu'il ne peut pas me posséder. » lâcha-t-il.
C'était sa plus grande hantise.
Quand il repensait à Halloween… Quand il repensait…
« J'ignore ce qu'il pourrait faire, pour être franc. » répondit Dumbledore. « Je n'ai que des théories. Je suis pourtant convaincu que la protection que t'a conférée Lily est un atout trop précieux pour être rejeté par simple inconfort. Je n'ignore pas que je te demande un sacrifice en retournant chez ton oncle et ta tante mais si je le fais c'est parce que j'estime qu'il est à la hauteur des enjeux. »
Si cela pouvait le protéger contre la noirceur de l'horcruxe…
Harry soupira. « Sirius ne va pas vouloir. »
« Sirius n'est pas ton tuteur légal. » contra le Directeur. « Il n'aura pas le dernier mot sur ce sujet. »
« Je sais. » commenta-t-il, en se redressant un petit peu. Il ne tourna toujours pas la tête vers le vieux sorcier mais cala son menton sur ses genoux pour pouvoir observer Severus – Severus qui allait être furieux contre lui pour de nombreuses raisons. « Mais il vaudrait mieux le mettre devant le fait accompli. »
Il sentit l'étonnement de Dumbledore, le vit du coin de l'œil hausser les sourcils. « Devrais-je m'inquiéter de ces nouvelles tendances Serpentard, Harry ? »
Il ignora le ton badin, ignora la taquinerie.
Ce n'était pas parce qu'il voyait la nécessité de faire ce que le nouveau Ministre de la Magie désirait qu'il devait lui pardonner aussi rapidement de toujours faire passer le plus grand bien par-dessus son bonheur.
« Je vous suivrai chez les Dursley sans faire de vagues et j'y resterai quinze jours. » décréta-t-il. « Mais, vous, en échange, vous allez faire tout ce que vous pouvez pour sortir Severus du coma. Je sais que ce ne sera pas votre priorité, je comprends, mais tout votre temps personnel… Vous allez le passer à essayer de le sortir de là. »
« Ce n'est pas un marché qui me coûte beaucoup. » l'avertit Dumbledore. « Car c'était déjà mon intention. »
Il soupesa ces mots quelques secondes puis décida que le sorcier était sincère.
« Même en sachant qu'il va vous passer un savon carabiné en se réveillant ? » tenta-t-il de plaisanter.
« Même en sachant cela, oui. » répondit sérieusement le Directeur.
Harry hocha lentement la tête.
Au fond, sous l'appréhension et la fatigue, il éprouvait un drôle de calme.
Les Dursley avaient toujours été comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête… D'une certaine manière, c'était presque un soulagement de la voir tomber comme un couperet.
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Kreattur disparut silencieusement, en prenant garde de ne pas trahir sa position.
Kreattur était un bon elfe.
Kreattur n'allait certainement pas céder à ses pulsions comme un mauvais elfe l'aurait fait.
Kreattur était patient et rusé.
Kreattur allait détruire les ennemis de sa famille et Kreattur prendrait un plaisir indescriptible à écouter leurs cris de souffrance.
