J'espère que vous avez aimé ce chapitre! Juste un petit mot pour dire qu'il va y avoir une petite pause publication parce que j'ai pris des vacances d'écriture LDS avec un autre projet haha. Du coup je pense qu'il y aura une ou deux ou trois semaines sans publication (surtout que je pars en vacances bientôt).
Enjoy & Review
« When you're given an opportunity to change your life, be ready to do whatever it takes to make it happen. The world doesn't give things, you take things. If you learn one thing from me, it should probably be that. »
The Seven Husbands of Evelyn Hugo – Taylor Jenkins Reid
« Lorsque vous avez l'opportunité de changer votre vie, soyez prêt à faire tout ce qui est nécessaire pour que ça marche. Le monde ne vous donne rien, vous devez prendre. Si vous n'apprenez qu'une seule chose de moi, ça devrait probablement être ça. »
The Seven Husbands of Evelyn Hugo – Taylor Jenkins Reid
Chapitre 72 : Change Your Life
C'était fou tout ce qu'on pouvait emmagasiner comme détritus dans une malle en une année. Et c'était sans parler du fait qu'Harry avait manqué la moitié de ladite année…
À genoux devant sa malle, il se laissa tomber sur les fesses, soudain découragé par l'ampleur de la tâche qu'il avait clairement sous-estimée. Il était réveillé depuis des heures mais était resté dans sa chambre pour ne pas déranger Severus qui, pour une fois, n'avait pas bougé. Soit il était trop profondément endormi pour l'entendre cauchemarder, soit Harry n'avait pas fait tant de bruit que ça. Toujours est-il qu'après avoir relu trois fois la même page de son roman sans en retenir quoi que ce soit, il avait décidé de faire quelque chose de productif : comme faire du tri dans ses affaires de classe et y remettre de l'ordre. La distraction avait si bien fonctionné qu'il avait continué sur sa lancée et avait entrepris de vider sa malle pour la nettoyer.
Ce n'était pas tant les chaussettes sales qui semblaient avoir perdu leur paire, roulées en boules dans le fond, que la masse de bouts de parchemins déchirés et jetés là au lieu d'à la poubelle qui posait problème. Et c'était sans parler des emballages vides de sucreries ou des plumes cassées… À croire qu'on prenait sa malle pour une poubelle parce qu'il était certain que tout ce bazar ne pouvait pas être uniquement de son fait. Ron y avait sans doute contribué et Dean, Seamus et Neville aussi.
Un coup d'œil à la petite pendule sur le bureau lui confirma que l'heure était suffisamment correcte pour qu'il s'aventure dans la cuisine sans déranger qui que ce soit, Tonks et Severus devaient déjà être levés et en train de se préparer.
Ils n'avaient pas fait grand-chose la veille… Après la nuit passée à se battre, Dora était restée travailler à la maison pratiquement toute la journée. Severus avait fait un saut à son bureau dans l'après-midi mais était rentré relativement tôt.
Harry avait perçu une tension entre eux mais il n'avait réussi à déterminer ce qui n'allait pas. Peut-être était-ce la nouvelle que le Maître des Potions avait rapportée, à savoir que Remus avait apparemment agrandi sa meute et voulait un rendez-vous officiel avec Dumbledore pour discuter de l'avenir des loups-garous. Le débat que cela avait suscité entre le Professeur et l'Auror avait été houleux.
Severus avait avancé que Remus faisait passer ses lubies avant la guerre, Dora avait répliqué que ce n'était pas parce qu'ils avaient leurs problèmes avec lui qu'il avait tort sur toute la ligne et qu'il fallait admettre que les loups-garous étaient traités comme des créatures et pas des humains. La réponse de l'homme avait été cinglante. Celle de la jeune femme n'en avait été que plus mordante.
Ils avaient décidé d'un commun accord de mettre un terme à la conversation et d'attendre de voir.
Harry n'avait pas d'avis sur la question mais il détestait l'idée que Remus puisse les diviser autant, même sur un débat de société.
Il n'était pas trop inquiet pour eux, toutefois. Ils ne l'avaient pas vu mais il avait surpris un baiser fugace dans la cuisine et si Dora paraissait un peu prompte à prendre la mouche, elle faisait également des efforts visibles pour garder son calme.
Ce fut donc confiant de les retrouver en train de se taquiner ou pire – parce qu'ils avaient une fâcheuse tendance à avoir un comportement absolument et ridiculement adolescent quand ils étaient seuls – qu'il quitta sa chambre pour se diriger vers la cuisine.
Il n'eut pas le temps d'atteindre la moitié du couloir avant d'entendre une porte claquer dans l'appartement – logiquement, celle de la salle de bain de Severus. Les éclats de voix étaient étouffés mais ne tardèrent pas à l'atteindre lorsque la jeune femme ouvrit la celle de la chambre à la volée.
« Tu me fais chier ! » s'exclama-t-elle, clairement très énervée. Ses sur-robes d'Auror étaient jetées par-dessus son bras et elle luttait avec le fermoir d'une boucle d'oreille…
Severus était juste derrière elle, une expression orageuse sur le visage. « Tu m'en vois navré ! Je t'ai simplement demandé de ne pas tout laisser traîner. Tes affaires envahissent mon lavabo comme du chiendent ! Je… »
« Ce n'est pas ma faute s'il n'y a pas davantage de rangements ! » le coupa-t-elle. « Ce n'est pas la peine de me prendre la tête de bon matin avec… »
Elle s'interrompit tout net en apercevant Harry et pila. Severus lui rentra dedans, s'apprêtait visiblement à lui en faire le reproche lorsqu'il avisa lui aussi l'adolescent et se composa un visage plus calme.
« Déjà debout ? » lança-t-elle joyeusement, comme s'ils n'avaient pas été en train de se disputer la seconde précédente. Elle le dépassa sans se départir de son sourire faux, ralentit juste assez longtemps pour lui ébouriffer les cheveux et se dirigea vers la porte d'entrée… « À ce soir, mon chat. »
« Tu ne prends pas le petit-déjeuner avec nous ? » lança-t-il dans son dos, un peu incertain.
« J'ai un entraînement avec Kingsley et je suis déjà en retard. On dînera ensemble, promis. » répondit-elle, avant de s'éclipser sans qu'il puisse déterminer si c'était la vérité ou un mensonge jeté à la va-vite.
Il se tourna vers Severus et croisa les bras pour mieux le toiser. « Qu'est-ce qui se passe ? »
Le Maître des Potions imita sa posture, croisant lui aussi les bras de manière beaucoup plus défensive. Il était toujours en pyjama, lui. « Tu l'as entendue. Elle avait un rendez-vous. »
« Sev. » grinça-t-il.
Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas appelé autre chose que papa et ils froncèrent les sourcils tous les deux à cet accident.
Sans commenter, Severus soupira, décroisa les bras puis se dirigea vers la cuisine. « Rien de bien grave. »
« Tu es sûr ? » insista-t-il, en trottinant pour le rattraper, ignorant le regard désapprobateur qu'il jeta à ses pieds nus. « Parce que c'était déjà bizarre, hier. »
Les yeux noirs se firent un peu plus scrutateurs et vaguement amusés. « Une petite-amie à ton actif et te voilà un expert en relation amoureuse… »
Harry refusa de se laisser entraîner sur ce terrain-là par crainte de devoir subir une nouvelle conversation traumatisante. Il ne s'était toujours pas remis des 'conseils' de Sirius.
« Sérieusement… » hésita-t-il, en attrapant une poêle dans le placard par réflexe. « Tout va bien entre vous, hein ? »
Severus lui arracha pratiquement la poêle des mains et le redirigea gentiment mais fermement vers la table. Le garçon soupira mais ne protesta pas, se contentant de mettre la table à la place.
« Ce n'était qu'un désaccord mineur, inutile de t'inquiéter. » répondit le Maître des Potions.
Pourtant, il détecta une touche d'appréhension dans la voix du Professeur qui fit naître une légère angoisse dans sa poitrine. Parce que si Severus et Tonks se séparaient…
Il s'était habitué à la présence de la jeune femme, à l'énergie qu'elle mettait dans leurs appartements surtout, et elle lui manquerait si elle devait partir. Mais au-delà de ça… Dora faisait tellement de bien à Severus… Si elle le quittait, l'homme serait à nouveau seul. Et lorsque Harry mourrait…
« Un désaccord sur quoi ? » demanda-t-il.
Son père lui jeta un regard un peu agacé. « Je ne suis pas certain que ça te regarde. »
« Ça me regarde si tu la fais fuir. » rétorqua-t-il, avant de bien y réfléchir. Il grimaça immédiatement. Peut-être qu'ils n'avaient pas tort, tous, il était un peu suicidaire… « Désolé. »
Severus ne répondit pas immédiatement. Il avait la mâchoire contractée et se concentrait sur les œufs qu'il battait avec un peu trop d'énergie.
« Si elle est toujours là malgré mes défauts manifestes, je doute qu'elle fuie parce que j'ai osé lui demander d'ôter ses affaires de mon lavabo afin que je puisse poser ma brosse à dents. » grommela l'homme au bout d'un moment.
« Oh… » lâcha Harry, en remplissant la bouilloire. « C'est vraiment tout ? »
« Eh bien, si tu veux tout savoir, elle colonise aussi le dessus de ma commode et une de mes tables de nuit. » commenta Severus, pince-sans-rire. « Je tremble à l'idée d'à quoi ressemblerait le sol de ma chambre sans Kreattur pour ramasser les vêtements sales qu'elle a une fâcheuse tendance à semer partout derrière elle. »
Un peu amusé malgré tout, Harry sourit tout en faisant bouillir l'eau d'un coup de baguette.
« Tu sais… » hésita-t-il. « Hermione est la fille la moins… fille que je connaisse. Elle ne met jamais de maquillage, elle ne passe pas trois heures à se préparer… » Ce qui n'était pas toujours le cas de Ginny, par exemple. « Mais même elle, quand on est au Terrier ou l'été dernier au Square Grimmaurd, elle s'étale dans la salle de bain. C'est un truc de filles d'avoir trois cent cinquante produits qui ne servent à rien… »
Severus émit un bruit amusé. « Je te déconseille fortement de faire remarquer à une femme que ses produits de beauté ne servent à rien. »
« Pas sûr que ce soit mieux de lui dire qu'elle prend trop de place. » se moqua-t-il, en préparant le thé. Il posa la théière sur la table et s'assit en attendant que ça infuse – et que Severus ait terminé de passer sa mauvaise humeur sur les œufs.
« Elle a plus d'affaires dans cette salle de bain que moi. » protesta le Professeur, avant de vider le bol avec les œufs dans la poêle chaude.
« D'accord, mais c'est le seul endroit... » Harry s'arrêta, peu sûr de comment formuler le reste sans le vexer. Il l'observa couper avec application quelques champignons et tomates avant de les jeter dans la poêle avec le reste et d'assaisonner. Ça sentait bon l'omelette. « Tu sais… Ici, c'est quand même beaucoup chez toi. »
Severus tourna la tête vers lui, sourcils froncés. « Chez nous. »
Le garçon avait l'impression d'avoir mis les pieds dans des sables mouvants. Un faux mouvement et il allait s'enliser. Il reporta donc son attention sur la théière, vérifiant avec un peu d'exagération si le thé était suffisamment infusé…
« Harry. » pressa son père. « Tu es chez toi, ici. »
« Je sais. » soupira-t-il, en faisant un effort pour croiser son regard. « C'est en train de brûler. »
Le Maître des Potions sursauta et reporta son attention sur la poêle, remuant le contenu avant que ça ne s'accroche. Il ne prononça pas un mot de plus avant d'avoir partagé l'omelette en deux parts à peu près égales, la plus grosse allant à l'adolescent. Harry servit le thé et se concentra sur son assiette mais il savait que la conversation n'était pas terminée et, de fait, Severus ne tarda pas à se racler la gorge.
Il prit donc les devants.
« Je suis bien ici. » déclara-t-il, en plongeant son regard dans celui de son père, espérant qu'il y lirait toute sa gratitude. « Mais j'ai ma chambre à moi et je n'avais rien eu d'autre que ma malle… Dora… Elle devait avoir ses meubles et ses affaires, sa décoration, tout un chez elle… » Il haussa les épaules et baissa les yeux vers son assiette un peu gêné. « Tu dis qu'elle envahit ta salle de bain mais… Ce n'est pas comme si tu lui avais fait beaucoup de place ailleurs. »
Il sentait le regard de Severus braqué sur lui mais, lorsqu'il osa lever brièvement les yeux vers lui, il devint évident que le Professeur ne le regardait pas vraiment. Son expression était un peu vacante, signe évident qu'il était en train de se servir de l'Occlumencie et pas tant pour se détacher de la situation que pour mettre de l'ordre dans ses pensées.
« C'est bon. » offrit-il, en prenant une autre fourchetée d'omelette.
Son compliment fut ignoré, tout comme le petit-déjeuner qui attendait le Maître des Potions.
« Nymphadora ne vit pas ici, Harry. » déclara son père, au bout de quelques secondes, d'un ton assuré.
Il leva les sourcils, le dévisageant avec incrédulité. « Euh… si ? »
« Bien sûr que non. » contra Severus. « Je n'aurais jamais pris une décision aussi importante sans te consulter d'abord. »
Il reposa sa fourchette pour mieux observer l'homme, sentant confusément qu'il y avait un malentendu quelque part. « C'est moi qui l'ai laissée s'installer ici quand tu étais dans le coma. »
« De manière provisoire. Pour qu'elle puisse s'occuper de toi. » approuva le Professeur, en attrapant ses couverts pour couper son omelette.
Harry le regarda manger quelques instants, interdit. « C'était peut-être censé être provisoire mais elle n'est jamais partie. »
« Elle vit avec ses parents. » contra le Maître des Potions, avec un aplomb ahurissant.
Il commençait à croire qu'il y croyait vraiment.
« Tu plaisantes, hein ? » s'enquit-il, un peu hésitant. Parce qu'il était impossible qu'il ne se soit pas rendu compte que… Mais Severus n'avait pas l'air de plaisanter du tout. « Papa, quand est-ce qu'elle a dormi ailleurs pour la dernière fois ? »
L'ancien Mangemort ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit, la referma…
Harry but la moitié de sa tasse de thé et réprima l'envie de fuir cette conversation gênante. C'était presque pire que lorsque Sirius avait enfin compris ce qui se tramait entre son ancien rival et sa petite cousine.
« Elle vit avec ses parents. » insista le Professeur. « Elle y a une chambre. » Il parut se rendre compte de quelque chose, fronça les sourcils, puis se frotta le visage. « Quoi que j'admets que la situation prête à confusion. »
Il termina son omelette en quelques coups de fourchettes, gardant les yeux résolument baissés. « Ça me paraît plutôt clair, à moi. »
« Je n'aurais jamais invité quelqu'un à vivre sous notre toit sans ton consentement. » insista son père. « Je lui parlerai. Je mettrai les choses au clair. »
Alarmé, Harry releva la tête. « Pour lui dire qu'elle peut étaler ses affaires là où elle veut, pas qu'elle doit déménager, hein ? »
Severus se pinçait l'arrête du nez, ce qui était généralement annonciateur d'une migraine. « Pour déménager, encore faudrait-il qu'elle vive officiellement ici. »
« Eh bien, demande lui officiellement et le problème est réglé. » suggéra-t-il rapidement.
Le Professeur soupira. « Ce n'est pas aussi simple. »
« Pourquoi ? » contra-t-il. « Tu es heureux quand elle est là, non ? Je ne vois pas où est le problème… Si ta salle de bain est trop petite… Poudlard fait apparaître des pièces tout le temps pour les réfugiés ! Tu peux sûrement l'agrandir ! Elle n'a pas besoin de partir ! C'est… »
« Harry. » le coupa fermement Severus, avec un peu d'alarme. « Calme-toi. »
Il fit un effort pour maîtriser sa respiration un peu trop rapide et hachée, fit un effort pour ignorer la nausée qui lui tordait l'estomac et qui rendait écœurante… l'odeur d'omelette dans l'air Il se replia derrière le mur de flammes dans son esprit, trouva un peu de distance face à la panique…
« Qu'est-ce que tu vas faire ? » demanda-t-il, incapable de tout à fait dissimuler son anxiété.
Severus l'étudiait, indéchiffrable, replié derrière ses propres boucliers sans doute. « Avoir une conversation avec elle sur le sujet serait un bon début. Si je ne me suis pas rendu compte qu'elle vivait principalement ici, il y a des chances qu'elle n'en ait pas conscience non plus. »
Harry n'y croyait pas trois secondes. « Ou peut-être qu'elle avait peur de ta réaction alors elle n'a rien dit. »
« Pourquoi aurait-elle peur de ma réaction ? » s'offusqua le Professeur, sourcils froncés.
« Pourquoi est-ce que tu veux qu'elle s'en aille alors que tu es très visiblement amoureux d'elle ? » rétorqua-t-il.
Le sorcier plissa légèrement des yeux sous l'effet de l'agacement. « Je te conseillerais de maîtriser ton ton si tu ne veux pas passer ta journée à récurer des chaudrons. »
Il se mordit la langue pour ne pas répliquer mais croisa les bras avec une expression boudeuse.
« Si j'émets des réserves, c'est parce que… » expliqua le Maître des Potions, au bout de quelques secondes. « Harry, nous n'avons jamais eu de conversation à ce sujet. J'ai bien compris que tu n'avais aucune objection à sa présence mais nous n'avons jamais parlé de ce que cela pourrait signifier sur le long terme, de ce que tu… souhaiterais. »
Il ne comprenait rien à ce que racontait l'homme. « De ce que je souhaiterais à propos de quoi ? »
Severus s'humecta nerveusement les lèvres et prit une gorgée de thé. « Ce n'est pas à l'ordre du jour, mais imaginons que je l'épouse… »
« Tu vas la demander en mariage ? » demanda-t-il, perdant son air boudeur pour se pencher en avant.
« Ne viens-je pas de dire que ce n'était pas à l'ordre du jour ? » grinça son père. « Imaginons que je l'épouse, si nous sommes mariés et que je t'adopte, légalement parlant vous serez aussi liés et… »
« Elle ne l'a pas corrigé. » le coupa Harry.
Le Professeur fronça les sourcils. « Qui n'a pas corrigé qui et à propos de quoi ? Et quel rapport avec la conversation importante que j'essaye d'avoir avec toi ? »
« Le Médicomage qui s'occupait de toi après que je t'ai sauvé… » expliqua-t-il, embarrassé. Il préféra se lever, feindre de fouiller un placard à la recherche d'un verre, prendre son temps pour se servir un peu de lait… « Il croyait que vous étiez mariés, il croyait que… Il a dit votre fils et elle ne l'a pas corrigé. » Severus était dans son dos, il ne pouvait pas voir sa réaction, mais son silence l'encouragea à poursuivre. « Tante Pétunia aurait corrigé dans la seconde. Elle ne l'a pas fait. C'était… différent, après ça. Elle est restée. Et elle était aussi inquiète pour toi que moi. » Le lait accentua sa nausée mais il se força à finir le verre, à le reposer sur le comptoir. « Et après… Après Privet Drive, elle était là pour moi. »
Il n'osa pas se retourner.
Severus ne prononça pas un mot avant de longues minutes. « Elle t'aime énormément, elle me l'a dit. »
Il rougit jusqu'à la racine des cheveux mais il ne put nier que la chaleur que cette déclaration fit naître en lui était agréable. Comme lorsque Severus le lui avait dit.
« Elle m'a aussi dit qu'elle comptait rester dans ta vie, indépendamment de ce qui se passerait entre elle et moi. » continua le Professeur. « Et nous savons tous les deux qu'elle tient ses promesses, tu n'as donc pas besoin de craindre que… »
Il prit son courage à deux mains et se retourna pour croiser son regard. « Tu es sûr que tout va bien entre vous ? »
Le sourire de Severus était un peu triste. « Je suis certain d'être un idiot, si tu veux tout savoir. »
Ce qui n'expliquait rien.
Il hésita. « Est-ce que c'est à cause de Remus ? »
L'ancien espion se tendit immédiatement. « Remus ? »
Le ton était doucereux, la question pourtant incisive…
Lui avait-elle confié ce qu'avait fait Remus pendant qu'il était dans le coma ? Harry détestait le lui cacher. Mais ce n'était pas à lui de le lui dire et…
« Hier, vous vous disputiez à cause des loups-garous. » botta-t-il en touche.
« Oh, ça… » L'homme balaya l'air de la main. « Non, simple divergence d'opinions. »
« Pourquoi est-ce que tu ne veux pas qu'elle vive ici avec nous, alors ? » osa-t-il demander.
« Ce n'est pas… » soupira Severus, avant de s'interrompre. « C'est une conversation que je dois avoir avec elle, pas avec toi. Admettons que je le lui propose… Tu n'y verrais vraiment aucune objection ? Réfléchis bien. Tu n'es pas obligé de répondre tout de suite… »
« Je maintiens qu'elle vit déjà ici. » plaisanta-t-il, tentant de remettre un peu de gaité dans cette discussion. « Et c'est moi qui l'ai invitée. » Ce n'était pas tout à fait vrai. Elle s'était invitée toute seule. Mais Harry avait dit oui. Et c'était lui qui avait dit à Sirius que Tonks pouvait vivre avec lui dans les cachots le temps que Severus se réveille. Il se racla la gorge. « Et, au cas où… Je n'ai pas d'objections si tu veux la demander en mariage, non plus. »
Le Maître des Potions émit un bruit amusé. « Tu as conscience qu'à la seconde où cela devient officiel, cela signifie qu'elle aura une responsabilité envers toi… Toi qui ne voulais pas d'adultes dans ta vie… »
« Il y a pire que d'avoir deux parents. » remarqua-t-il, sans croiser son regard. Puis il rougit. « Enfin, elle n'a pas besoin d'être… Je veux dire, je ne veux pas la forcer à… »
« Elle m'a bien fait comprendre qu'elle comptait s'impliquer. Qu'elle était déjà impliquée. » le coupa Severus. « Toutefois, c'est à vous deux de déterminer le type de relation que vous voulez avoir. »
« Ça marche très bien comme ça… » hésita Harry. « On est obligé de mettre des mots dessus ? »
« Non. » le rassura le Professeur. « Comme elle se plaît à me le rappeler régulièrement, je réfléchis trop. »
Le garçon ne pouvait pas vraiment la contredire sur ce point.
« J'aime bien notre famille. » lâcha-t-il. « J'aimais bien quand on était deux mais… J'aime encore plus maintenant. »
« Je suppose qu'il y a pire qu'être trois. » acquiesça Severus, reprenant sciemment sa formulation.
« Quatre. » le corrigea-t-il. « Tu oublies Sirius. »
« Si seulement je le pouvais… » feignit de soupirer le Maître des Potions, ce qui lui arracha un rire et contribua à mettre un terme à cette conversation un peu gênante.
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Remus était plus nerveux qu'il ne pouvait le laisser paraître devant les nouveaux membres de sa meute. Il avait laissé trois d'entre eux à la gare de Pré-au-Lard sous la surveillance des Aurors et n'avait pris que Tristan avec lui sur le chemin qui menait à Poudlard. Le loup brun avait laissé la place à un homme naturellement costaud, bien qu'à l'aspect maladif de la plupart des loups-garous, et au tempérament bien trempé.
Il avait pris une journée entière pour les laisser se remettre de la pleine lune et être certain que les liens de la Meute les liaient désormais, qu'il n'y aurait aucune tentative de retourner vers Greyback.
Dans l'ensemble, ses recrues ne semblaient pas malheureuses d'avoir été libérées du joug de l'autre Alpha qui, de l'avis général, était devenu encore plus fou qu'il ne l'était déjà avant de perdre sa compagne et de prendre la potion que lui avait donnée Voldemort.
Tristan était le plus véhément parce que, contrairement aux autres, il avait choisi de rejoindre Greyback volontairement, attiré par les discours promettant de rendre aux loups-garous leur dignité. Toutefois, de son admission même, il n'avait jamais signé pour le genre de massacres qu'ils commettaient depuis des mois ou pour attaquer des enfants sans défense. Seulement, une fois qu'on faisait partie de la meute de Greyback, il n'y avait pas d'échappatoire.
Les deux autres louves qu'il avait libérées avaient un parcours différent. Olivia, comme Laura, s'était vue forcée la main et n'était pas assez dominante ou suffisamment douée avec une baguette pour refuser la proposition sans signer son arrêt de mort. Elle avait pleuré en redevenant humaine et l'avait remerciée.
Vesper, la louve qui était restée en périphérie de toute l'attaque et, d'après ses observations, se mêlait rarement aux autres, avait été transformée dans son enfance. Sa famille l'avait rejetée et elle n'avait pas eu d'autre choix que de rejoindre ceux qui l'avaient mordue. Greyback l'avait élevée en tueuse mais elle n'avait jamais oublié qui était responsable de sa condition. Elle avait soif de vengeance, ce qui servait Remus.
Quant à sa dernière recrue : Nicolas, il s'agissait d'un Moldu qui avait été mordu dans une des attaques récentes et était visiblement dépassé par ce qui lui était arrivé.
Quatre loups, ce n'était pas beaucoup mais c'était suffisant pour un petit commando. Et puis, il y avait les deux membres de l'Ordre qui avaient été mordus et qu'il n'avait pas encore eu l'occasion d'approcher.
C'était suffisant, pour ce qu'il avait en tête.
« Tu es sûr que c'est une bonne idée, Alpha ? » insista Tristan, alors qu'ils approchaient des grilles de l'école à un pas mesuré. L'homme était très attentif à leur environnement, autant parce qu'il n'avait jamais dû mettre les pieds à Poudlard que parce que c'était dans sa nature que d'assurer la sécurité de son chef de meute.
« Dumbledore peut être raisonnable pour peu que personne ne murmure trop fort dans son oreille. » déclara-t-il. « Et il a besoin de nous. Je peux obtenir ce que je veux. »
Il allait sauver le futur des loups-garous et il n'allait pas renoncer avant d'avoir obtenu gain de cause.
« Fenrir aussi pensait ça. » remarqua l'autre loup, prudemment.
Remus n'aimait pas la comparaison. Il posa la main sur la grille, attendant qu'elle se déverrouille à son contact…
Il ne passa rien.
Le privilège lui avait été retiré.
Il pouvait très facilement deviner par qui. Albus n'aurait pas été aussi mesquin.
« Il y a un problème ? » demanda Tristan, très visiblement nerveux.
Ses loups n'avaient pas été très partants pour aller à Poudlard et il leur avait promis qu'ils seraient bien accueillis, que ce serait différent de Greyback et des Mangemorts. Ce qui les avait convaincus, au final, c'était de savoir qu'une partie de leur nouvelle meute, Laura et les enfants, était toujours à l'école. Les liens de la meute étaient en place et le besoin de protéger les plus vulnérables aussi.
Cela ne signifiait pas que leur loyauté était acquise ou absolue; cela, Remus devrait le gagner. Mais, pour l'instant, à moins qu'ils ne le défient ou qu'ils ne choisissent de se soumettre à un autre Alpha, ils étaient avec lui.
Si la situation avait été moins catastrophique, il leur aurait donné le choix de rester ou de partir mais il ne pouvait pas se permettre ce luxe. Et le loup en lui y rechignait de toute manière.
« Non. » mentit-il, ravalant l'humiliation de se voir forcer de quémander l'entrée comme un chien errant. Il n'eut pas le temps d'activer le sort qui préviendrait McGonagall ou Rusard de son arrivée, une silhouette approchait déjà.
Remus se tendit bien avant de l'identifier.
La manière dont elle bougeait, l'odeur que portait la brise… L'instinct qui, en lui, avait fait se dresser le loup, aux aguets…
C'était apparemment une coïncidence parce qu'elle grimaça très visiblement en l'apercevant mais, au moins, ne fit pas demi-tour comme il le craignait un peu. Elle continua d'approcher avec une réticence évidente, ses traits figés dans une expression distante, presque froide.
Il était clair pour lui que Dora aurait préféré réglé la rencontre avec un minimum d'échanges mais elle ne déverrouilla pas la grille, s'immobilisant au contraire, son attention focalisée sur Tristan.
Tristan n'avait jamais goûté à la potion Révèle-Loup de Snape et, en conséquence, ne connaissait pas la pleine harmonie avec son loup toutefois, il avait vécu avec Greyback et sa meute suffisamment longtemps pour y être sensible.
Et, très visiblement, la manière dont elle l'observait, la manière dont elle croisa franchement son regard, fut interprétée comme un défi de dominance que le loup-garou ne vécut pas très bien. Il se crispa, se redressant de toute sa hauteur comme pour mieux l'intimider…
C'était mal connaître la jeune femme qui contracta la mâchoire et fit discrètement tomber sa baguette dans sa main.
En temps normal, Remus aurait laissé la chose suivre son cours parce qu'il était important pour une meute de trouver une hiérarchie naturelle.
Néanmoins, Nymphadora avait établi de manière répétée qu'elle ne voulait pas appartenir à sa meute. Et, présentement, il n'était pas vraiment enclin à lui accorder ce privilège, de toute manière.
Il était fâché après elle.
Fâché de ses décisions, de ses choix…
Fâché qu'elle ait autant changé.
« Peux-tu nous ouvrir, Dora ? » demanda-t-il, aussi aimablement qu'il le pouvait mais sans parvenir à effacer tout à fait l'autorité de l'Alpha de sa voix.
L'attention de la jeune se déplaça lentement vers lui.
Elle ne portait pas ses robes d'Auror, seulement un jean, un débardeur noir et son blouson en cuir. Ses cheveux bruns, presque aussi foncés que ceux de sa mère, lui tombaient au menton.
« Tu vas à Londres ? » devina-t-il. Elle portait toujours son uniforme lorsqu'elle se déplaçait sur le domaine, dans le cas contraire. « Seule ? N'est-ce pas imprudent ? »
Elle ignora la question pour désigner l'autre sorcier d'un coup de tête. « Qui est-ce ? »
Remus refusa de ciller. « Un membre de ma meute. »
« Un membre de la meute de Greyback, tu veux dire. » décréta-t-elle. « Il ne rentre pas. »
« Je réponds de lui. » contra-t-il.
« Ça m'est bien égal. » rétorqua-t-elle. « Il ne rentre pas. »
Il haussa les épaules. « Dans ce cas, tu expliqueras à Dumbledore pourquoi il n'a plus de loups-garous. Les enjeux ont changé, Nymphadora, je ne suis plus le laquais de personne. »
« Tu es cinglé, voilà ce que tu es. » cracha-t-elle, sans sembler pouvoir se retenir. Elle se reprit et croisa les bras devant elle. « En admettant qu'il soit de bonne foi, tu n'es pas idiot, Remus, tu sais très bien qu'on ne peut pas laisser entrer un sorcier qu'on vient à peine de retourner. »
Il n'avait pas besoin de ce genre de problèmes, surtout alors qu'il essayait de convaincre les nouveaux membres de sa meute qu'ils pouvaient construire un meilleur futur pour les loups-garous. Son autorité devait être absolue ou il ne donnait pas cher de leur loyauté.
Sans se donner la peine de lui répondre, il fit apparaître un Patronus. « Je suis aux grilles avec un membre de ma meute où l'on me refuse l'entrée. Soit vous nous recevez, soit je m'en vais définitivement et j'emmène ma meute avec moi. »
Le loup argenté fila jusqu'à disparaître.
Elle secoua la tête. « Ça ne changera rien. C'est moi qui suis en charge de la sécurité et c'est un trop gros risque. »
Remus ne répondit pas, ne bougea pas, jusqu'à ce que le phœnix argenté n'apparaisse et ne s'arrête devant Tonks. « Laissez-les passer. »
Il ne dut pas parvenir tout à fait à masquer sa satisfaction parce qu'elle le foudroya du regard. Mais au lieu d'obéir à l'ordre de Dumbledore et d'ouvrir les grilles, elle sortit un carnet de la poche intérieure de son blouson et chercha dans ses poches jusqu'à en tirer un stylo Moldu.
La vue du carnet – neuf mais identique en tout point à celui qu'il avait lu – lui fit mal parce que c'était la preuve qu'il l'avait définitivement perdue. Il y eut visiblement plusieurs échanges puis elle émit un bruit amusé et rangea carnet et stylo, avant de se tourner vers lui avec un grand sourire.
« Au temps pour moi. » lâcha-t-elle, en déverrouillant les grilles. « Et bon courage. »
Elle partit vers le village sans attendre de réponse et Remus fit de son mieux pour ne pas répliquer. Il mena Tristan sur le chemin qui menait au château…
« Alpha ? » hésita l'homme. « Est-ce que je peux poser une question pertinente à la meute ? »
« C'était ma compagne ou du moins, c'est ce que je croyais. » soupira-t-il. Il commençait à douter de lui-même. Lunard, lui aussi, n'était plus aussi convaincu qu'elle était l'amour de leur vie. Elle était beaucoup trop différente de celle dont ils étaient tombés amoureux. « Ce n'est plus d'actualité. »
Et il comprit pourquoi elle avait eu l'air si amusé lorsqu'ils arrivèrent en vue du château.
Bill Weasley et un contingent d'Aurors l'attendaient de pied ferme devant les Grandes Portes. Il aurait pu prendre la mouche si le nombre d'Aurors n'avait pas pratiquement été un compliment. Et puis, de toute manière, il était plus intéressé par…
« Remus ! » s'écria Laura avec une joie évidente.
Elle courut vers lui et il ouvrit les bras, heureux de pouvoir la serrer contre lui… Les nouveaux loups étaient peut-être devenus des membres de sa meute mais pas comme elle. Elle était là depuis plus longtemps, leur lien était plus solide, et sa présence apaisa immédiatement Lunard. Lorsqu'il la lâcha, ce fut pour étreindre chacun des louveteaux qui attendaient leur tour. Même Graham avait l'air un peu moins revêche. Et dans les yeux de chacun d'entre eux, il voyait briller leur loup…
« Tout va bien ? » demanda-t-il, dirigeant sa question vers Laura.
Il lui avait envoyé un Patronus pour la rassurer après la pleine lune et lui dire qu'il revenait mais échanger des hiboux aurait été trop dangereux et il n'avait pas pu demander comment s'était passée la première transformation des enfants.
Encore que la différence entre eux et les quatre loups qui n'avaient pas pris la potion Révèle-Loup était évidente. La transformation était douloureuse quoi qu'il en soit mais ne pas devoir lutter contre sa partie animale… Cela faisait toute la différence sur l'organisme. Remus ne souffrait plus autant. Il était moins faible avant et après la pleine lune. Au contraire, la lune l'appelait et dansait en lui… C'était indescriptible.
« C'était… unique. » répondit Lavande Brown, avant qu'elle n'ait pu le faire.
Remus croisa son regard et sourit, un peu surpris de reconnaître en elle non seulement une dominante mais la graine d'une Alpha en devenir. Une héritière potentielle.
« La potion Révèle-Loup change tout. » confirma Laura, son regard se déplaçant vers l'homme qui l'accompagnait et qui était resté en retrait. « Tristan. »
Il y avait une touche d'incertitude dans la voix de Laura, de crainte.
« Il est à nous. » la tranquillisa Remus, en passant une main sur son bras.
« Olivia est là aussi. » ajouta Tristan.
Le regard de Laura s'éclaira un peu et elle prit la main de Remus. « Alpha, je peux la voir ? »
« Elle est à Pré-au-Lard. » déclara-t-il. « Mais les enfants restent ici. »
Laura s'empressa d'acquiescer, visiblement heureuse de pouvoir revoir son amie.
Remus se tourna vers Bill qui avait patiemment attendu sur le côté jusque là et le salua d'un hochement de tête. « Je suis flatté par l'accueil. »
Le Briseur-de-Sorts fit une légère grimace mais ne s'excusa pas. « Ce n'est pas toi le problème, Remus. »
« Je ne parierais pas là-dessus. » se moqua-t-il, en ouvrant la voie, laissant les Aurors le suivre comme une escorte d'honneur plutôt que comme un prisonnier.
Bill le rattrapa vite, pourtant. « Ne le prends pas personnellement. Tu ne peux pas emmener un agent de Greyback dans le château et… »
« Ancien agent. » corrigea-t-il. « Il m'appartient désormais. D'où vient l'ordre ? Dumbledore ou Snape ? »
Il était inutile de demander à qui allait la loyauté de Bill Weasley, cependant, parce que l'homme eut l'air contrarié. « C'est la même chose. »
« Oh pas tout à fait… » ricana amèrement Remus.
Dumbledore, Snape et Kingsley les attendaient dans la salle de briefing des Aurors. Bill pénétra dans la pièce avec Tristan et lui mais ne prit pas de siège. Il resta planté devant la porte pour mieux garder la sortie.
Remus sentit le poids de sortilèges anti-intrusion se refermer sur la salle alors même qu'il croisait le regard d'Albus. Les trois sorciers étaient installés d'un côté de la table, Remus se dirigea donc vers l'autre côté, peu surpris lorsque Tristan déclina le siège pour se tenir dans son dos, prêt à le défendre de tout danger.
Humain ou loup, c'était dans sa nature de protéger son Alpha.
Si Greyback avait été un peu plus intelligent, il en aurait fait un de ses lieutenants, si ce n'était son second. Remus ne ferait pas la même erreur.
« Je ne pensais pas qu'un grand Alpha aussi courageux que toi aurait besoin d'un garde du corps. » railla Snape, au bout de quelques secondes de silence.
« Severus. » le rabroua Albus, sans trop de sévérité, cependant. « Remus, je suis heureux que votre mission se soit bien passé. Je pensais néanmoins qu'il était acquis que vous continueriez à surveiller la meute de Greyback après la pleine lune… »
« Et je pensais qu'il était acquis que je ne ferais plus rien avant d'avoir des garanties. » rétorqua-t-il.
« Des garanties de quoi ? » cracha Snape. « Tu nous fais perdre un temps précieux avec tes caprices et… »
« Des garanties que ma meute sera traitée en alliée. » le coupa-t-il sèchement. « Des garanties que les loups-garous ne seront plus les paillassons des sorciers après cette guerre. »
« Nous n'accueillerons pas les loups-garous qui ont déserté Greyback au château. » décréta Kingsley. « C'est non négociable. On peut te trouver un endroit sûr… »
« Nous irons au cottage. » l'interrompit-il. « Ce que nous ferons par la suite ne dépend que de vous et de ce que vous êtes prêt à promettre. »
« Que voulez-vous, Remus ? » soupira Albus, en entrelaçant les doigts. « Et gardez à l'esprit que je ne peux pas tout promettre. »
« Il n'y a plus de Magenmagot à qui rendre des comptes. » contra-t-il. « Et quitte à être en dictature, autant que vous fassiez quelque chose de bien. Les loups-garous seront reconnus comme un peuple indépendant au même titre que les centaures ou les êtres de l'eau. »
Ce n'était pas idéal, ça allait avec son lot de problèmes, mais c'était toujours mieux que le statut de créatures contrôlées par le Ministère.
« Ça ne peut pas fonctionner. » décréta Snape. « Les centaures et les êtres de l'eau forment des communautés organisées avec leurs territoires, leurs coutumes, leurs… »
« Je veux des terres. » le coupa-t-il, comme s'il n'avait rien dit. « Préférablement isolées mais sur la lande et je veux la garantie du Ministère que la souveraineté de notre territoire sera respecté. »
Albus l'observait sans rien dire. Kingsley semblait réfléchir. Snape, évidemment, ne parvint pas à tenir sa langue.
« Tu veux extorquer le droit de devenir le roi des loups, en somme. » l'accusa l'ancien Mangemort.
Remus fixa son regard ambré sur lui, laissant toute son autorité irradier de lui, laissant Lunard gronder dans sa voix… « Je suis Alpha. Et ce que je veux c'est un refuge pour tous les loups. Ce que je veux c'est la certitude qu'ils auront un endroit où aller, une communauté vers qui se tourner. Du travail, la possibilité d'avoir une famille qui les comprendra, pas de sorciers pour les prendre de haut… Ce que je veux c'est un endroit où les enfants touchés par la malédiction pourront grandir sans craindre leur loup. Une école qui les acceptera, les formera… » Il inclina la tête avec la lenteur d'un prédateur et défia le sorcier du regard. « Tu as un problème avec ça ? »
« J'ai un problème avec toi aux commandes. » rétorqua le Maître des Potions.
Derrière lui, Tristan lâcha un bruit qui tenait plus du grondement qu'autre chose.
Snape lui jeta à peine un regard peu impressionné. Un rictus lent et menaçant étira ses lèvres. « J'insiste par ailleurs pour débriefer personnellement tes nouveaux loups… »
« Non. » trancha Remus. « Je réponds d'eux. Personne ne fouillera dans leur tête. »
« Tu réponds d'eux… » répéta le Professeur, ouvertement méprisant. « Et quelle preuve as-tu de leur bonne foi ? »
« Ils m'appartiennent. » gronda-t-il. « Ils font partie de ma meute. On ne peut pas feindre ce genre de liens. »
Snape leva ouvertement les yeux au ciel.
Lunard était encore gonflé du rush de la pleine lune et n'avait pas oublié l'humiliation que l'homme lui avait infligée par traîtrise. « Témoigne-moi un peu plus de respect ou je t'arrache la gorge. »
L'ancien Mangemort ricana. « S'il te plaît… Essaye. »
« Cela suffit. » cingla Albus, sans élever la voix.
Ce fut suffisant pour que Snape cède, pas Remus. Il ne reconnaissait plus l'autorité du Directeur.
Et c'était en ça qu'il était supérieur à Snape.
« Combien de loups avez-vous, Remus ? » demanda le vieux sorcier.
« Cinq en comptant Laura. Sept si les membres de l'Ordre qui ont été mordus nous rejoignent. » répondit-il.
Albus pianotait distraitement sur la table. « Avez-vous d'autres demandes ? »
« Je veux la formule de la potion Révèle-Loup et votre promesse que tous les loups y auront accès gratuitement tous les mois. » ajouta-t-il sans hésiter. « Je veux aussi la version de la potion qui permet la transformation hors pleine lune. »
« Non. » décréta Snape tout net. Le vieux sorcier lui jeta un coup d'œil mais le Maître des Potions croisa les bras, sourcils levés. « Non. Je refuse de leur donner accès à leur forme loup-garou sans aucune raison ou supervision ou certitude de son utilisation. Non. »
« Une objection à la diffusion de la Potion Révèle-Loup ? » s'enquit Albus.
« Gratuitement ? » grommela le Maître des Potions. « Laissez-moi au moins déposer le brevet. Le Ministère peut décider de payer par la suite, peu m'importe. »
« Au moins, on sait où vont tes priorités. » le dénigra Remus.
Les yeux noirs étaient railleurs. « Certes, tu m'as démasqué. Je veux m'assurer que ma compagne et mon fils ne manqueront de rien. Tu ne pourrais pas comprendre, il te faudrait une famille pour cela. »
L'insulte était évidente et Tristan y répondit par un nouveau grondement qui lui valut l'attention renforcée de Kingsley. L'Auror avait sa baguette en main sous la table, Remus le savait.
Et il en avait aussi fini avec ces enfantillages.
« Garde-la, ta compagne. » cracha-t-il, avec dégoût. « Je te l'ai dit, je n'en veux plus. Elle est souillée par ton influence. »
Snape se leva d'un bond, livide, ce qui mit le feu aux poudres.
Remus ne bougea pas, sachant que Tristan le protégerait – et, peut-être était-ce la démonstration qui les convaincrait finalement que ses loups ne servaient plus à Greyback. Un bouclier scintilla autour de lui tandis que Kingsley se dépêchait d'en jeter un sur Albus.
Bill, quant à lui, quitta son poste à la porte pour venir se tenir à côté de Snape, sa baguette pointée sur les loups-garous mais une main restrictive sur l'épaule du Professeur. « Severus. »
« Severus, allez prendre l'air. » ordonna Albus.
Le regard furibond du Maître des Potions se déplaça vers le vieux sorcier. « J'ai besoin d'au moins deux cobayes. Négociez-ça avant de lui livrer ce qu'il veut sur un plateau. Et je refuse de lui donner l'équivalent de la potion du Seigneur des Ténèbres. Ne me provoquez pas, Albus, je détruirais mes recherches et effacerais la mémoire d'Horace avant de la lui céder. C'est une arme et elle ne devrait pas être entre toutes les mains. »
« C'est une arme, oui. » rétorqua Remus. « Une arme qui nous utilise, nous. Et nous ne sommes pas des chiens d'attaque. Nous voulons l'autonomie en tout. Question de confiance. »
« Quelle confiance ? » gronda Snape. « Étant donné ton comportement dernièrement… »
« Pour quelqu'un qui est si certain qu'elle ne veut plus de moi, je te trouve bien jaloux. » commenta-t-il, non sans plaisir.
« Jaloux ? » siffla l'ancien Mangemort. « Jaloux de quoi ? Des attentions que tu tentes de lui soutirer par la force ? »
Kingsley et Bill sursautèrent, échangèrent un regard, puis se tournèrent vers lui dans le même élan hostile.
« Qu'as-tu tenté de faire, exactement ? » demanda le Chef des Aurors.
« La question est réglée et ne regarde que les parties concernées. » décréta Albus, en jetant un regard lourd de sens à Snape. « Allez prendre l'air avant de dire quelque chose qui vous vaudra des ennuis avec votre moitié, mon garçon. »
Le Maître des Potions grinça des dents mais pointa le doigt vers Albus. « Ne la lui donnez pas, je suis sérieux. »
Il quitta la pièce dans un claquement de capes absolument ridicule.
Remus s'installa plus confortablement sur son siège, savourant la victoire.
« C'était bas et déplacé. » commenta Albus. Ses yeux bleus étaient froids. « De plus, je pensais avoir été clair sur le sujet. »
Il refusa de baisser le regard. « Ce n'est pas moi qui ait commencé, il me semble. »
« Une réponse très mature qui me pousse vraiment à vous accorder tout ce que vous demandez. » remarqua le vieux sorcier, avec un sarcasme dont il faisait rarement preuve. « Vous aurez vos terres et votre statut indépendant ainsi qu'un accès à la potion Révèle-Loup après la guerre si vous collaborez aux recherches de Severus et si vous mettez votre meute à notre disposition, cela inclut l'espionnage et le combat. »
C'était déjà plus qu'il ne l'espérait sans davantage de négociations.
Toutefois…
« Je veux la potion. » insista-t-il.
« Non. » répondit calmement Albus.
Le calme n'était pas ce qui caractérisait Remus à cet instant précis. « Qui commande, à la fin ? Vous ou lui ? »
« Moi, Remus. » lâcha le vieux sorcier, son pouvoir gonflant dans la pièce jusqu'à ce que tous les sorciers présents ne puissent s'empêcher de gigoter. « Ce que vous semblez avoir oublié. »
Le loup-garou le foudroya du regard. « Je veux cette potion. »
« Et je veux la paix dans le monde. » riposta Albus. « Parfois, il faut accepter que nous n'obtiendrons pas ce que nous désirons. » Le sorcier le dévisagea longtemps. « Toutefois, je veux bien m'engager à ce que le sujet soit revisité une fois la guerre terminée et le Magenmagot réinstauré. »
« Vous savez très bien que le Magenmagot n'approuvera pas une telle demande. » cingla-t-il.
« À prendre ou à laisser mais la potion est non négociable pour l'instant. Elle restera sous notre contrôle. Si nous parvenons à la développer. » décréta le Directeur.
Remus savait qu'il se heurtait à un mur.
Et il savait aussi qu'il valait mieux s'arrêter tant qu'on avait l'avantage.
« Je veux un contrat magique en bonne et due forme, ratifié par un gobelin. » lâcha-t-il. « Je veux être certain que le Ministère tiendra ses promesses. »
Albus hocha la tête. « Accordé. »
Derrière Remus, Tristan expira lentement comme si son souffle s'était bloqué dans sa gorge.
Il y avait une raison à ça.
Ce qui venait de se passer était historique.
Et, si Remus parvenait à mener le projet à bien, s'il tuait Greyback et s'emparait de sa meute, s'ils vainquaient Voldemort…
Alors il pourrait mener les loups-garous vers la liberté.
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Severus bouillait de colère et les rares élèves qu'il croisa sur son chemin, ne s'y trompant pas, fuirent avant qu'il n'ait pu se servir d'eux pour passer ses nerfs. Ses anciens élèves, de même, avaient l'intelligence de faire un détour. Mais d'autres sorciers, qui ne le connaissaient pas aussi bien, tentaient de lui parler, de l'informer de leurs petits problèmes comme s'il en avait quelque chose à faire ou comme si c'était son rôle de les régler.
Ils ne commettraient sans doute plus cette erreur de si tôt, songea-t-il alors qu'il quittait le château pour le parc, battant le chemin de terre du bout de sa canne.
Le culot de Lupin…
Le culot.
Emmener un ennemi au sein du château, faire des exigences ridicules, parler de Nymphadora de la sorte…
Il résista à l'envie de sortir le carnet pour lui résumer l'entretien, pas tout à fait sûr de sur quel pied danser avec elle. L'échange qu'il avait eu précédemment avait été relativement professionnel. Elle ne voulait pas laisser entrer le loup-garou fraîchement retourné et Severus lui avait donné raison et promis une escorte que Lupin n'apprécierait pas. Elle n'avait pas cherché à poursuivre la conversation plus loin.
Il n'aurait pas dû perdre son calme ce matin-là, surtout après la dispute de l'avant-veille. Ils s'étaient réconciliés après la bataille mais une certaine tension subsistait entre eux. Il l'avait mise sur le compte de la situation pas tout à fait résolue avec Harry mais, à présent, il se demandait si ça n'avait pas davantage à voir avec ce qu'il avait réussi à rater avant que le garçon ne lui ouvre les yeux.
Nymphadora vivait chez lui.
En était-elle seulement consciente ? Elle avait plusieurs fois mentionné la chambre chez ses parents comme si elle l'occupait, qu'elle n'y ait pas dormi une fois depuis qu'il était sorti du coma ne l'avait pas alarmé, il ne l'avait même pas remarqué. S'il était franc, il lui avait demandé de revenir passer la nuit plus d'une fois et s'il ne le demandait pas, elle revenait d'elle-même, ce qui lui convenait très bien.
Il n'aimait plus dormir sans elle.
Il n'aimait pas la sensation du lit vide lorsqu'elle rentrait tard, il n'aimait pas rester éveillé pendant des heures en s'inquiétant de si elle était en sécurité, il n'aimait pas ne pas sentir la chaleur de son corps près du sien…
La quantité des affaires qui avaient envahi sa chambre et la salle de bain faisait sens, à présent qu'il s'était rendu compte qu'elle n'avait pas dormi une seule fois ailleurs. Évidemment qu'elle avait besoin de davantage de choses puisqu'elle campait chez lui depuis plus d'une semaine – depuis plus longtemps, semblait-il – mais cet entre-deux ne pouvait pas continuer.
La question était… Que faire ?
Ralentir ? Lui faire la remarque ? Et puis quoi ? La regarder retourner passer la nuit dans la chambre minuscule et remplie de cartons chez ses parents simplement pour prouver qu'ils ne vivaient pas ensemble ? Les laisser tous les deux malheureux et seuls dans leur lit respectif ?
L'inviter à rester officiellement ? L'idée le terrifiait, s'il était honnête.
Ce n'était pas tant les affaires diverses qui s'entassaient sur son lavabo qui avaient mis le feu au poudre, ce matin-là, que la boîte de produits féminin mal rangée dans un coin qui l'avait tout d'un coup heurté comme un coup à l'estomac parce qu'elle dénotait d'une vie domestique à laquelle il n'avait pas été tout à fait prêt à être confronté. Évidemment, s'il avait été moins choqué, il aurait réfléchi en serpent au lieu de l'attaquer pour une broutille, et ce serait rendu compte que la présence même de ladite boîte signifiait que ce n'était peut-être pas le meilleur moment du mois pour titiller le dragon.
Ce n'était pas comme s'ils s'étaient mis ensemble la veille, il savait très bien qu'il y avait des périodes où il valait mieux ne pas trop chercher les ennuis et s'assurer que ses placards contenaient du chocolat.
Avait-elle déjà terminé à Downing Street ? Elle allait probablement passer la journée à Londres, il le savait, et ce n'était pas alarmant de ne pas avoir de nouvelles… Elle devait voir le Premier Ministre Moldu, passer à Sainte Mangouste, se rendre sur le Chemin de Traverse et dans l'Allée des Embrumes où il restait des gens qui refusaient d'évacuer or elle était la personne idéale pour les infiltrer sans se faire remarquer…
Il ne voulait pas la distraire en lui envoyant un message.
Mais il détestait la manière dont ils s'étaient quittés, il détestait la tension nouvelle entre eux et il détestait l'idée qu'il en soit la cause.
Parce qu'il en était la cause.
Lui et sa jalousie idiote et ses trop nombreuses insécurités.
De quoi avait-il peur à la fin ? Elle n'allait pas lui voler son fils. Et, très visiblement, Harry appréciait sa présence dans sa vie. Si une chose avait été éclaircie, ce matin-là, c'était celle-ci.
Il a dit votre fils et elle ne l'a pas corrigé.
Connaissant Harry, ça avait été le point décisif où il avait décidé qu'elle faisait désormais partie de sa vie pour toujours. Sur certains points, il était très prévisible.
Mais était-ce un mal ?
Si la perspective de cette vie de famille à trois l'effrayait, c'était davantage à cause de son passé que parce qu'il craignait de ne pas supporter la présence incessante de Nymphadora avec eux. Au contraire, c'était l'idée qu'elle pouvait cesser d'être là aussi souvent qui…
« Severus ! Quelle bonne surprise ! »
Le Maître des Potions pivota vers l'homme qui s'essuyait les mains sales sur un torchon, une pipe fumante coincée entre les dents et l'air débraillé de celui qui avait passé des heures à jardiner.
Ce n'était pas exactement le Tonks qu'il voulait voir mais il s'obligea à se composer une expression polie et à incliner la tête en guise de bonjour.
Il était arrivé aux serres, sans s'en rendre compte. « Ted. Auriez-vous vu Pomona ? »
« Vous venez de la manquer. » répondit le Botaniste, en jetant le torchon par terre, là où attendaient déjà une paire de gants épais. « Elle est allée au village. Nous allons rajouter une serre et planter un potager. Je pense que nous pouvons accélérer raisonnablement la croissance de certains légumes. Ils seront moins nutritifs mais cela pourrait soulager les réserves de nourriture. »
Il avait vu le memo de Minerva passer brièvement sur son bureau à ce sujet.
« Une excellente idée. » approuva-t-il.
« Vous aviez besoin de plantes ? » demanda Ted. « Pomona a fait parvenir ce qui était prêt au Professeur Slughorn, la semaine dernière… »
Il agita la main en signe de dénégation. « Rien qu'elle n'aurait dans les serres mais je suis à la recherche de large quantité de feuilles de spathiphyllum, récoltées à la pleine lune de préférence. »
Il lui en restait un stock raisonnable mais si Horace et lui perfectionnaient la potion, ce qu'il avait ne suffirait pas. L'apothicaire qui les lui avait fournies, en premier lieu, ne répondait pas à ses courriers – que ce soit à cause du nom d'emprunt ou parce que l'homme avait quitté le pays – et il était devenu difficile de trouver quoi que ce soit en dehors de Poudlard ou de Pré-au-Lard or l'autre Maître des Potions s'était déjà renseigné auprès de l'apothicaire et du pépiniériste du village.
« Du spathiphyllum… » répéta le Botaniste pensivement. « Vous ne trouverez pas ça facilement. J'en ai un pied à la maison mais cela ne vous fournira pas de larges quantités. » Le sorcier leva les yeux au ciel avec amusement. « Et Merlin sait dans quel état est ma serre… Andy n'aime pas que je fasse l'aller-retour, même avec le Fidelitas… Il y a des enchantements, bien sûr, mais ce n'est pas la même chose… »
Des enchantements ne couvriraient que les bases.
Severus pouvait comprendre sa frustration, étant lui-même incapable de pratiquer sa passion.
« Pourrions-nous faire des boutures ? » s'enquit-il, pourtant. « C'est important. »
Du moins, cela le serait tant qu'Albus ne cédait pas et ne promettait pas un accès total à Lupin. Dans le cas contraire, il mettrait ses menaces à exécution et détruirait tout. Et il convaincrait Horace de ne rien divulguer de leurs recherches ou lui effacerait la mémoire s'il le devait.
Il refusait qu'une potion aussi dangereuse circule librement.
Et il n'avait aucune confiance en Lupin pour en réguler correctement l'usage au sein de sa communauté utopique qui se casserait probablement la figure dès sa création.
« Nous pouvons essayer mais le temps qu'elles prennent et poussent correctement… » hésita Ted. « Je peux déjà récolter mes feuilles à la prochaine pleine lune, ce ne sera pas énorme mais si cela peut vous dépanner… Et j'ai un collègue en Irlande qui en a peut-être davantage… »
Severus fronça les sourcils. « Il ne fait pas partie des réfugiés ? »
L'autre sorcier émit un bruit amusé et tira sur sa pipe, faisant s'envoler des ronds de fumée parfaits dans l'air. « Un Botaniste n'abandonne pas ses plantes. » Il leva un sourcil interrogateur et Ted leva les yeux au ciel, avec un amusement manifeste. « Sauf s'il a une femme et une fille particulièrement têtues qui refusent de comprendre que ses plantes sont plus importantes que sa vie. »
Malgré lui, il se prit à soupirer. « Têtue ne semble pas un mot assez fort pour décrire Nymphadora. »
Le Botaniste s'adossa au mur de la serre, l'étudiant avec attention. « Que vous a-t-elle fait ? Cependant, je dois être honnête, je suis son père, je suis obligé de lui donner raison. »
La plaisanterie était manifeste et ne le vexa pas.
« Disons qu'elle n'avait pas tort. » admit-il.
Ted rit de bon cœur et lui tapota l'épaule, ce que Severus subit avec réticence, le corps raide et résistant à peine au besoin de tirer sa baguette pour se protéger d'une violence qui ne viendrait pas.
« Eh bien voilà… Vous avez déjà la clef d'une vie de couple tranquille. » se moqua gentiment l'autre sorcier. « Tant que vous vous souvenez que votre femme a toujours raison, vous survivrez. »
Étant donné le dilemme qui l'animait déjà, ce n'était peut-être pas le bon moment pour ce genre de plaisanteries. « Elle n'est pas ma femme. » Ted cessa bien vite de rire à sa virulence et, conscient d'avoir mis les pieds dans le plat, il grimaça légèrement. « Nous ne sommes pas mariés. »
« Oui… Andy aimerait probablement avoir une conversation avec vous à ce sujet, d'ailleurs. » remarqua le Botaniste.
Severus avait toujours été très doué pour dire ce qu'il ne fallait pas lorsqu'il ne le fallait pas avec les personnes qui comptaient.
Il occluda immédiatement la panique qui lui aurait fait rétorquer quelque chose de trop sec ou de trop brutal. Cela ne lui avait pas réussi ce matin-là et se mettre ses parents à dos ne l'aiderait pas à réparer ses bêtises avec Nymphadora.
« Ne devrait-elle pas plutôt l'avoir avec votre fille ? » botta-t-il en touche.
« Préfèreriez-vous l'avoir avec moi ? » répondit Ted.
Il était dur de déterminer s'il plaisantait ou s'il était ironique.
Dans le doute, Severus choisit l'honnêteté. « Probablement. Votre épouse me terrifie. »
Loin de s'offenser, l'homme rit à nouveau. « Elle fait cet effet à beaucoup de gens mais elle est incroyablement généreuse et loyale. Et il n'y a rien qu'elle ne ferait pas pour sa famille. » Ted l'observa un moment. « Dont vous faites désormais partie. Nymphadora nous a clairement fait comprendre que la chose n'était pas négociable. »
« Auriez-vous souhaité négocier ? » s'enquit-il avec détachement, se repliant davantage derrière ses boucliers.
Il n'avait pas besoin de l'approbation de Ted Tonks mais il savait à quel point son père comptait pour Nymphadora. Il savait que l'avenir serait plus simple avec que sans.
Le sorcier ôta sa pipe de sa bouche et la tourna plusieurs fois entre les mains distraitement, un peu comme Nymphadora jouait avec sa baguette lorsqu'elle était agacée ou nerveuse.
« En toute honnêteté ? » soupira le Botaniste. « Ni Andromeda, ni moi n'étions enchantés au début. Le fait est que vous étiez son Professeur et… » Severus ouvrit la bouche pour jurer qu'il n'y avait jamais rien eu d'inconvenant pendant ses années à Poudlard, quitte à prononcer un Serment Inviolable, mais l'homme leva la main pour lui intimer le silence. « Je sais qu'il ne s'est rien passé lorsqu'elle était votre élève. Je connais ma fille, ce n'est pas le problème. »
Il détourna la tête. « J'ai conscience que la différence d'âge… »
« Ce n'est pas tant la différence d'âge. » contra Ted, sans hostilité. « Au demeurant, elle n'est pas si grande. Si vous m'aviez demandé, il y a un an, je vous aurais certainement répondu qu'une histoire entre elle et un homme de votre âge n'aurait jamais pu marcher mais elle a tellement grandi dernièrement… » Le sorcier secoua la tête. « Il m'arrive d'à peine la reconnaître. »
La remarque lui rappelait un peu trop celles de Lupin.
Elle est souillée par ton influence.
« Elle est forte, intelligente, et elle sait comment survivre. Ce ne sont pas de mauvaises choses. » la défendit-il. « Ne croyez pas que les décisions difficiles qu'elle doit prendre tous les jours ne l'affectent pas. Ne croyez pas qu'elle n'en souffre pas. Elle a peut-être changé mais la guerre nous change tous et ce qu'elle est devenue, vous pouvez en être fier. »
Ted le regardait avec un amusement manifeste et une émotion qu'il ne sut pas identifier. « Je n'ai jamais dit que je n'étais pas fier d'elle. Bien sûr que je suis fier d'elle. »
Severus se détendit légèrement. Tout le monde n'était pas aussi stupide que Lupin, c'était déjà quelque chose. « Je n'ai pas pour projet de la transformer en mage noir. Ce serait une crainte fondée pour n'importe qui, étant donné mon passé, mais… »
« Vous me demandiez si j'aurais souhaité négocier votre présence dans sa vie, la réponse est non. » le coupa le sorcier. « Vous l'aimez, cela crève les yeux de qui sait regarder. Aimez-la totalement, inconditionnellement, comme elle le mérite et vous et moi n'aurons jamais aucun problème. Tout ce que je souhaite, Severus, c'est son bonheur. »
Il soutint le regard du Botaniste un long moment, à la limite de la Legilimencie, sentant une boule se former dans sa gorge. « Je n'ai rien du gendre idéal. »
« Non. » confirma Ted. « Mais je suis plus rassuré de la savoir avec vous que je ne l'aurais été de la savoir avec quelqu'un qui n'a pas votre passé, justement. Vous saurez la protéger, même d'elle-même. » Le sorcier fronça légèrement les sourcils. « Cessez de penser que vous désapprouvons, ce n'est pas le cas. » Il ralluma sa pipe et la porta à ses lèvres plusieurs fois. « Si je perdais Andromeda… Je perdrais une part de moi. La nuit de la bataille, lorsqu'on vous pensait mort… J'ai vu la même chose chez Dora. J'ai vu son cœur se briser. Sa mère et moi avons une certaine expérience du grand amour contrarié… Nous ne lui ferions jamais ça. »
Les mots étaient gros et un peu gênants pour lui qui n'avait pas l'habitude d'étaler ses sentiments, particulièrement en public. Il se força pourtant.
« Mis à part mon fils, elle est la personne la plus importante de ma vie. » avoua-t-il. « Et, moi aussi, je ne veux que son bonheur. »
Ted lui sourit. « Vous voyez, c'est tout ce qui m'importe. » Il attendit que Severus se détende davantage encore et ne se laisse aller à un sourire hésitant pour enfoncer le clou. « Ça et la paix de mon ménage, ce qui veut dire que je dois vous demander votre opinion sur le mariage. »
« Je ne l'avais jamais considéré avant elle. » admit-il ouvertement.
« Mais vous le considérez désormais ? » insista le père de la femme qu'il aimait.
« Je sais qu'il est traditionnel de demander la bénédiction du père de la jeune femme en question, mais, de une, si je m'avisais de le faire, elle me briserait les genoux et, de deux, c'est une conversation que nous devons avoir tous les deux, en temps et en heure. » répondit-il, tout à fait sérieusement.
Cela sembla amuser beaucoup le Botaniste qui ne lui donna pas tort sur la question. « Eh bien, pour ce que ça vaut, vous avez la bénédiction que vous n'avez pas demandée. »
« Severus ! Quelle bonne surprise ! » s'exclama Pomona, plus loin sur le chemin, en l'apercevant. Elle les rejoignit, les joues rougies par l'exercice, et un peu à bout de souffle, son sourire s'effaçant légèrement lorsque son regard se déplaça de l'un à l'autre des deux hommes. « Je vous dérange peut-être ? »
« Du tout. » nia-t-il fermement. « C'est vous que je venais voir. »
« Voilà qui me fait plaisir, mon garçon, je ne vous vois plus. » déclara sa collègue, en l'entraînant vers la serre qui lui servait souvent de bureau. « Venez donc prendre une tasse de thé, vous pouvez m'expliquer laquelle de mes plantes vous voulez plumer ce coup-ci… »
Il n'avait pas vraiment le temps de prendre le thé mais il fallait admettre qu'il n'avait guère eu de temps à consacrer à ses collègues ces derniers temps et avec la perte de Filius…
Il se laissa entraîner.
°O°O°O°O°
Assis sur un muret de pierres qui bordait la périphérie de Pré-au-Lard, Remus et Laura contemplaient le parchemin que la jeune femme tenait entre ses mains tremblantes. Ce n'était qu'une copie, l'original avait été emporté par le gobelin et était désormais à l'abri à Gringotts. Pourtant, la copie suffisait à les émerveiller. Les termes de l'accord était clairs, noir sur blanc, les signatures tout ce qu'il y avait de plus officielles…
« C'est énorme. » lâcha-t-elle, finalement, sans parvenir à détacher les yeux du texte qu'elle avait lu et relu plusieurs fois.
Remus comprenait, il avait l'impression de rêver lui aussi depuis qu'Albus avait mandé un gobelin en urgence.
« Je n'ai pas réussi à obtenir la potion de transformation. » soupira-t-il, pourtant.
Laura posa le parchemin sur ses genoux et se tourna légèrement pour l'étudier. « Je ne suis pas sûre que ce soit une mauvaise chose. »
Son regard dériva vers la gare où ils avaient laissé les quatre nouveaux loups de leur meute sous la garde des Aurors. Les membres de l'Ordre avaient décliné l'invitation à le suivre et il ne voulait pas leur forcer la main tout de suite. Ils étaient toujours sous le choc. Il ressayerait dans quelques jours, les convaincrait que ce serait pour le mieux…
« Tant qu'ils ont cette potion, nous ne sommes que leurs armes. » remarqua Remus. « Nous ne contrôlons pas vraiment nos destins. »
La louve hésita. « Remus, cette potion… Elle est dangereuse. »
« La version Mangemort de la potion l'est. » corrigea-t-il. « Celle de Snape devrait agir comme la Révèle-Loup. Nous serions en harmonie avec nos loups, nous nous contrôlerions. »
La potion Révèle-Loup dont ils possédaient maintenant le brevet, ce que le Maître des Potions n'allait pas apprécier. Le Ministère le leur avait cédé – ou, du moins, le leur céderait dès qu'ils pourraient payer le sorcier une somme qu'il devinait astronomique pour en acquérir les droits d'exploitation.
« Ça ne la rend pas moins dangereuse. » insista-t-elle. « Tous les loups ne sont pas comme toi ou moi… »
À nouveau, son regard dériva vers là où était restée la moitié de leur meute.
« Ils n'ont pas encore goûté à l'harmonie. » lui rappela-t-il. « Une fois qu'ils auront passé une pleine lune avec la potion Révèle-Loup, une fois que leurs deux natures seront mêlées… »
« Greyback n'a jamais eu besoin de potion pour fusionner ses deux natures. » le coupa-t-elle, d'un ton gardé. « Tous les loups-garous ne sont pas comme nous, Remus. Tous les loups-garous n'ont pas passé des années à craindre la lune. Certains aiment la nature sauvage de l'animal et leur part humaine n'est peut-être pas bien meilleure. »
Il l'observa attentivement. « Tu n'aimes pas Tristan. »
Laura baissa le regard sur le précieux parchemin et le lui rendit avec précaution. Il le rangea dans sa poche intérieure, près de son cœur. C'était désormais son bien le plus précieux.
« Je me suis tenue très loin de lui dès que Greyback m'a forcée à les rejoindre, alors je ne peux pas vraiment juger. Mais il faisait partie des loups qui étaient volontaires et très vocaux sur la suprématie loup-garou. » déclara-t-elle. « Je ne pense pas que c'était ce qu'il avait en tête quand il l'a rejoint, cela dit. Sous forme humaine, les massacres avaient l'air de l'horrifier. » Elle grimaça. « C'est plus Vesper, dont je me méfierais. Elle hait Greyback tout autant que toi. Mais, Alpha… Loba lui a appris à vénérer sa louve. Elle n'a pas besoin de ta potion pour être en accord avec elle et elle est plus dominante qu'elle ne le laisse paraître. »
Il hocha la tête, prenant ces renseignements pour argent comptant.
Il faisait confiance à Laura.
Pas tant à ses nouveaux loups.
« Et Olivia ? » s'enquit-il.
« Olivia était ce que j'avais de plus proche d'une amie dans la meute. » admit-elle. « Elle n'aime pas se battre mais elle le fera si tu le lui demande. Moi… »
« Je ne te le demanderai jamais, Laura. » la rassura-t-il. Il dégagea les mèches qui lui tombaient sur le visage, les passa derrière son épaule, savourant le contact d'un membre de sa meute, le sourire facile qu'elle lui fit en retour. « Tu es en sécurité. »
Il fit taire la voix qui murmurait que ça aurait dû être ainsi avec Dora.
Même Lunard s'était rangé à son point de vue sur la question.
« C'est contre ma nature. » murmura-t-elle, d'un ton d'excuse.
« Je sais. » lui promit-il. C'était une des choses qu'il aimait chez elle : à quel point elle détestait la violence et refusait de se compromettre. Il ne lui demanda pas ce qu'elle pensait de Nicolas parce que, vu les dates, elle ne devait pas avoir connu le Moldu. À nouveau, il toucha ses cheveux juste pour le plaisir que cela lui conférait. Être aussi proche d'un membre de la meute, un contact innocent, apaisait son loup. « La question, c'est qu'est-ce qu'on fait avec les petits ? »
Laura fronça les sourcils. « Tu veux les emmener au cottage ? »
« Je n'aime pas l'idée de scinder la meute en deux et j'aime encore moins l'idée de vous laisser tous les quatre. » soupira-t-il. « Mais… »
Il laissa sa phrase en suspens.
« Ils n'ont pas fait leurs preuves. » termina Laura. « Et protéger les petits est plus important que de garder la meute en un seul endroit, pour l'instant. »
Remus acquiesça. Il s'en serait remis à sa décision quoi qu'il en soit. Si elle avait souhaité le suivre au cottage avec les louveteaux, il aurait approuvé, mais si elle préférait rester à Poudlard, il comprenait. En ce qui le concernait, elle était la louve maternelle la plus haut placée dans la hiérarchie, elle était en charge des plus vulnérables.
« Puisque tu restes ici, tu pourras en profiter pour tenter de lier un lien avec les membres de l'Ordre qui sont à l'infirmerie. » ordonna-t-il. « Tâche de les convaincre que leur place est avec nous. »
Elle acquiesça, sereine.
Remus l'était beaucoup moins. Il n'aimait pas l'idée de l'abandonner seule ici avec les petits.
« Ils ne s'en prendront pas aux enfants et je ne pense pas qu'ils s'en prendraient à toi… » hésita-t-il. « Mais méfie-toi, tout de même. Snape n'est pas notre ennemi mais il n'est pas notre allié non plus, il nous trahira à la moindre occasion. Et il a l'oreille d'Albus. Sirius est facilement manipulable et il est plus à Snape qu'à moi désormais. Pareil pour Nymphadora et Harry. Tu auras peu d'alliés seule ici. »
Laura inclina la tête, sa louve brillant dans son regard. « Je ne suis pas sans ressources, j'ai mes propres alliés. Poppy m'apprend beaucoup de choses et Minerva est toujours gentille avec moi. Et, Remus… Ce n'est pas parce que je n'aime pas me battre que je ne les déchiquèterais pas tous jusqu'au dernier s'ils essayent de s'en prendre à mes louveteaux… Les enfants sont loin d'être sans défense, d'ailleurs… »
Il lui sourit, le sourire d'un prédateur qui en reconnaissait un autre, et se pencha jusqu'à ce que leurs fronts se touchent.
« Je devrais sans doute aller récupérer nos loups avant que les Aurors ne fassent quelque chose d'inconsidéré. » remarqua-t-il. « Sois prudente. Envoie-moi un hibou au cottage si tu as besoin de moi. Je reviendrai aussi souvent que je le pourrais. »
Mais Albus et Snape ne rendraient sans doute pas la chose aisée et il s'était engagé à surveiller la meute de Greyback. Ce n'était pas une tâche qu'il pouvait déléguer sans supervision pour l'instant. Pas tant que les nouveaux loups n'auraient pas fait leurs preuves.
« Ne fais rien d'inconsidéré. » le supplia-t-elle. « Tu es notre Alpha et nous avons besoin de toi. »
Il pressa ses lèvres contre son front puis contre sa bouche en un baiser chaste.
La bénédiction d'un Alpha.
Excepté que leurs bouches s'attardèrent un peu trop pour que ce soit tout à fait innocent et…
Elle recula précipitamment. « Ta compagne. »
« Je n'ai plus de compagne. » répondit-il, légèrement hésitant. « Ce n'était pas ma compagne. C'était… une erreur. »
Ça devait l'être.
Parce que s'il devait être honnête, il ne ressentait plus rien pour elle qu'une vague possessivité qui venait de Lunard. Les sentiments qu'il avait pour elle, l'amour qu'il éprouvait, allait à celle qu'elle avait été avant qu'elle ne se transforme en la femme qu'elle était désormais.
Par certains côtés, c'était comme si elle était morte.
Le loup la pleurait.
L'humain regrettait le gâchis de ce qu'elle était devenue.
Lunard refusait de continuer à gémir après elle comme un louveteau durant sa première saison des amours. Elle avait choisi de faire de lui le monstre de l'histoire après lui avoir juré pendant des mois qu'elle ne le verrait jamais comme ça. Il refusait de jouer le Grand Méchant Loup, simplement pour que Snape ait le beau rôle. Qu'il la garde. Au fond, elle n'en valait pas la peine.
Elle n'aurait jamais pu être la compagne d'un Alpha, elle n'était pas une louve, elle n'aurait jamais pu le comprendre.
« Mais tu l'aimes encore. » remarqua Laura, avec un peu trop de perspicacité.
« À peine. » nuança-t-il.
Elle plaça une main sur sa joue et sourit mais ça n'atteignit pas ses yeux. « Reparlons-en quand ce ne sera plus du tout, dans ce cas. »
Il fallait du courage pour éconduire son Alpha, décida-t-il, et c'était une preuve de confiance qu'elle le fasse. Parce que, contrairement à Dora, elle savait, elle, qu'il n'était pas du genre à agresser les gens.
Il déposa un autre baiser sur son front et se leva, non sans sourire.
Il sifflotait lorsqu'il rejoignit ses loups qui l'attendaient.
Finalement, c'était une belle journée.
°O°O°O°O°
C'était une journée de merde où rien n'allait et Nymphadora s'étonnait qu'un Mangemort ne lui soit pas encore tombé dessus pour parachever ce désastre.
Ce n'était pas tant la dispute avec Severus – qu'elle avait ruminée tout son entraînement avec Kingsley, ce qui l'avait poussé à l'accuser de passer ses nerfs sur lui, ce qui n'était pas faux – qui la rongeait que sa visite à Charlie.
Elle n'arrêtait pas d'y penser alors qu'elle aurait dû être focalisée sur son environnement et elle le savait. L'allée des Embrumes était loin d'être aussi fréquentée que par le passé. Les échoppes lugubres étaient majoritairement barricadées, portes et fenêtres bouchées par d'épaisses planches de bois, et la faune louche qui rôdait habituellement dans les rues s'était largement amoindrie.
Son déguisement de vieux sorcier voûté au visage buriné et aux vêtements en lambeaux se fondait dans le décor mais, malgré cela, les gens lui jetaient des regards suspicieux. Étant donné l'exode, ce n'était pas étonnant. Elle décida d'aller au bout de l'Allée et de s'éclipser vers le Chemin de Traverse.
Il n'y avait rien à voir de toute manière.
La maison close aux lanternes rouges ne connaissait visiblement pas la crise, il y avait encore des transactions sous cape dans les coins sombres, le marché noir devait fleurir… Mais c'était la routine de l'Allée des Embrumes et le bureau des Aurors était loin de se préoccuper de ce genre de petits crimes.
Si elle était là, c'était uniquement pour faire un tour d'horizon et parce que personne ne pouvait se fondre dans la masse comme elle.
Et parce que Dumbledore s'inquiétait de l'absence prolongée de Fletcher.
Certes, il n'était pas très étrange qu'il ait été aux abonnés absents lors de la bataille et n'ait pas répondu à l'appel aux armes, mais qu'il ne se soit pas encore réfugié au château comme le lâche qu'il était… C'était préoccupant.
Et ils auraient pu bénéficier de sa connaissance du marché noir et de ses relations avec la face sombre de la communauté magique. Elle était persuadée que Voldemort, lui, ne se privait pas d'y faire appel.
Elle resta sur le qui-vive jusqu'à ce qu'elle émerge dans une rue transversale à l'axe principal du Chemin de Traverse. La zone était morte. Il n'y avait guère que Gringotts d'encore ouvert. Et, à l'autre bout, fidèle à son poste, Tom tenait le Chaudron Baveur ouvert contre vent et marées. Ça impliquait de laisser d'occasionnel Mangemorts transiter par son pub au risque de se voir menacé ou pire, mais c'était également une source de renseignements pour eux.
Elle resta dans les allées plutôt que de s'aventurer sur le Chemin lui-même et se faufila discrètement jusqu'au pub où Tom lui jeta immédiatement un regard soupçonneux et quelque peu hostile. Elle le salua d'un geste de la tête mais ne se démasqua pas. Elle traversa la salle, prit la porte qui menait vers le côté Moldu et s'éloigna suffisamment pour s'assurer qu'elle n'était pas suivie avant de trouver une allée étroite et piétonne où il n'y avait guère des amoncellements d'ordure et un chat de gouttière pour la voir redevenir une femme. Elle retransforma ses vêtements, soupira et sortit finalement le carnet qui brûlait dans sa poche depuis plus d'une demi-heure.
L'écriture de Severus était appliquée comme s'il avait tracé chaque lettre soigneusement. Probablement parce qu'il avait hésité avant de lui envoyer le message.
Tout va bien ?
Elle sentit son irritation diminuer d'un cran.
Principalement parce qu'elle savait qu'il n'avait pas tout à fait tort. Elle avait la mauvaise habitude de semer ses affaires derrière elle et, s'il était beaucoup moins maniaque qu'elle ne l'avait craint au premier abord, il était tout de même bien plus ordonné qu'elle. Elle était souvent trop fatiguée pour se soucier d'où elle laissait les choses le soir et il fallait admettre que depuis sa sortie du coma, davantage encore de ses affaires avait migré chez lui sans sa permission.
Après la dispute de l'avant-veille…
Elle comprenait ses réticences à la laisser s'installer dans la vie d'Harry mais elle avait du mal à passer l'éponge sur le fait qu'il puisse encore penser qu'elle les abandonnerait à la moindre difficulté. Elle savait d'où ça lui venait, elle savait qu'il faisait des efforts, elle savait qu'elle ne devait pas forcément le prendre pour elle… Et il fallait admettre qu'il avait tenté d'obtenir son pardon. La petite attention romantique du massage de la veille n'avait pas déplu à son corps fourbu.
Mais elle se serait passé du réveil hostile étant donné l'heure déjà trop matinale.
Certes, elle avait ses parts de responsabilités mais…
Elle sortit un stylo de sa poche et griffonna sa réponse, écrivant aussi lisiblement qu'elle le pouvait sans support.
Presque fini. Reste SM. Loups ?
Elle remit le carnet dans sa poche et sortit de la ruelle pour se mêler à la foule de piétons qui semblait perpétuellement saturer les trottoirs de Londres, prenant la direction de Sainte Mangouste. Le Directeur avait refusé de la mettre dans le secret du Fidelitas mais devait la rencontrer dans un café Moldu au coin de la rue.
Elle était un peu en avance mais cela lui donnerait l'occasion de flâner un peu.
Vivre ici lui manquait. L'ambiance, les gens, la vie… Elle ne se sentait jamais autant étouffée que dans le château surpeuplé.
Elle s'était arrêtée devant la vitrine d'une boutique de vêtements et se demandait à quel point il serait immoral et déplacé de s'acheter la robe en dentelle noire sur le mannequin étant donné le contexte lorsqu'elle sentit la chaleur dans sa poche.
Je n'étais plus le bienvenu donc je n'ai pas pu assister à la chose mais Albus lui a tout donné sauf la version modifiée de la potion Révèle-Loup.
Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu'il parlait de celle qui permettait la transformation.
Il faut un nouveau nom pour cette potion.
Elle était sur un axe passant et il y avait beaucoup de passants qui la bousculaient. Les mots étaient à peine lisibles.
La réponse de Severus fut presque immédiate.
Crève-Lupin serait sans doute de mauvais goût.
Elle n'aurait pas dû en sourire. Déjà parce que c'était de mauvais goût, ensuite parce qu'il ne valait mieux pas l'encourager dans ce genre de choses.
Pourquoi est-ce que tu n'étais plus le bienvenu ?
Elle attendit plusieurs minutes mais aucune réponse n'apparut. Son attention retourna à la robe qui l'appelait de derrière la vitrine.
Vraiment, ce n'était pas un achat nécessaire.
Et c'était stupide d'acheter une robe qu'elle n'aurait pas l'occasion de porter dans l'immédiat – ou tout court s'ils se faisaient tuer par Voldemort.
Et elle aurait dû penser à autre chose.
Comme à Charlie qui souffrait tellement que ça en était presque insupportable de lui rendre visible. Il lui avait à peine décoché trois mots, ce matin-là.
Le carnet brûla entre ses doigts.
J'ai perdu mon calme. Comme ce matin.
Ce n'était pas vraiment des excuses.
Lui devait-il des excuses ?
Il s'était énervé très vite et sans véritable signe avant-coureur, ce qui l'avait elle-même fait monter dans les tours mais au fond elle savait qu'elle était en tort aussi.
Je dois y aller.
Ce n'était pas tout à fait un mensonge. Elle s'arracha à la contemplation de la robe et rangea le carnet, pour reprendre le chemin de Sainte Mangouste.
En rentrant, elle rassemblerait autant de ses affaires non-essentielles qu'elle le pouvait et les ramènerait chez ses parents. Elle y passerait aussi la nuit, décida-t-elle. Après tout, c'était là qu'elle était censée vivre.
La résolution aurait dû la faire se sentir mieux, lui donner un cap à suivre, au lieu de ça, ça ne fit qu'assombrir son humeur. Et l'entrevue furtive et beaucoup trop courte avec le Directeur de Sainte Mangouste ne l'améliora pas.
Severus avait espéré obtenir au moins la promesse de l'aide des Médicomages en cas de besoin, voire un assouplissement du repli total de l'hôpital derrière un Fidelitas… Il consentit à peine à confirmer que patients, Médicomages et leurs familles allaient bien et qu'ils avaient assez de vivres.
Elle soupçonnait qu'ils avaient leurs arrangements quelque part sur l'Allée des Embrumes.
Ce fut tout juste s'il resta cinq minutes avant de se dépêcher de rejoindre l'hôpital magique.
Tonks resta assise dans le café Moldu, devant son verre de soda trop sucré, dépitée.
Elle était censée faire le tour du quartier du Square Grimmaurd, vérifier qu'il n'y avait pas de Mangemorts en embuscade aux alentours… Mais il était encore tôt, il faisait beau et, malgré tous les évènements des derniers mois, il régnait sur la ville une ambiance estivale…
Sur un coup de tête, ses pas la ramenèrent vers la robe dans la vitrine.
Après tout, avec une journée aussi pourrie, autant se faire plaisir.
°O°O°O°O°
Techniquement, ce n'était pas interdit d'aller jusqu'au stade de Quidditch mais la plupart des parents n'aimaient pas qu'ils s'éloignent autant du château.
Molly Weasley les avait tous mis en garde.
Mais Ron n'avait pas demandé la permission et Lavande avait finalement obtenu gain de cause et sa mère était retournée chez elles pour protéger son père. Laura paraissait avoir convaincu Mrs Brown là où Remus avait échoué ou bien peut-être était-ce la réalité de la pleine lune qui l'avait finalement frappée…
Assis à l'ombre des gradins, à même la pelouse quelque peu brûlée par le soleil, ils s'embrassaient depuis plusieurs minutes mais, pour une fois, Ron n'avait pas tout à fait la tête à la chose. Elle et les autres étaient revenus tard la veille, escortés par un Sirius à l'air épuisé, et il n'avait pas eu l'occasion de lui parler. Et là…
Il n'avait absolument rien contre les baisers mais…
« Tu es sûre que tu vas bien ? » insista-t-il, en reculant légèrement pour mieux l'observer.
Il y avait quelque chose de changé chez elle mais il n'arrivait pas à mettre le doigt sur quoi. Pourtant, il l'avait ressenti dès qu'elle était venue frapper à sa porte un peu plus tôt. Il y avait quelque chose de plus assuré dans sa démarche, quelque chose de plus…
« En pleine forme. » répondit-elle, avec un sourire qui avait perdu en douceur. « J'ai des courbatures mais Laura a dit que c'était normal. »
Il fronça les sourcils et caressa tendrement les boucles blondes qui tombaient sur ses épaules. « C'était très douloureux ? »
Elle hésita un peu, son expression se rembrunit légèrement et elle s'écarta pour mieux s'asseoir, laissant son regard se perdre vers les anneaux loin au-dessus d'eux.
« C'était une agonie. Je voulais mourir. » admit-elle, dans un souffle. « Mais une fois que c'était fini… » Elle ferma les yeux, inclina la tête en arrière, offrant son visage à la très légère brise qui rendait supportable le soleil de plomb. « J'étais libre. »
Tout dans cette déclaration effrayait le garçon.
Qu'elle ait eu aussi mal, la ferveur avec laquelle elle parlait de la transformation…
« Laura dit que la potion Révèle-Loup change tout, que lorsqu'on lutte contre le loup, la douleur est dix fois pire. » continua-t-elle. « Même la potion Tue-Loup ne protège pas de ça. »
« Mais avec la potion Tue-Loup, tu restes humaine. » remarqua-t-il.
Ça lui valut un regard acéré et un peu trop…
Il fit de son mieux pour ne rien laisser paraître mais il fut choqué par ce qui brillait dans ses yeux.
Depuis la bataille, c'était la première fois qu'il voyait quelque chose d'étranger dans son regard. La même présence que l'on percevait parfois derrière les yeux de Remus ou de Laura. Une présence sauvage.
« Je ne suis plus humaine. » répondit-elle. « Je suis les deux. » Elle ferma à nouveau les paupières et ré-inclina la tête en arrière. Le sourire qui étira ses lèvres était heureux. « Nous sommes en harmonie. »
« Nous ? » répéta-t-il.
« Moi et ma louve. » soupira-t-elle. « Tu ne peux pas comprendre, c'est… C'est indescriptible. »
« Mais… Tu es humaine. » insista-t-il. « Tu as juste un petit problème de fourrure une fois par mois. »
Laura lui avait expliqué que ce qu'ils apprenaient sur les loups-garous à l'école et dans les manuels était la face émergée d'un énorme iceberg mais il n'avait pas tout à fait mesuré à quel point c'était vrai. Remus lui avait toujours semblé normal pour un loup-garou. Ce n'était que dernièrement que…
Elle secoua la tête, le dévisageant avec tristesse. « Tu ne peux pas comprendre. »
Il sentit, à cet instant, quelque chose se briser. Un fossé s'étendait désormais entre eux et il n'était pas certain de comment le franchir.
« La potion Révèle-Loup… » hésita-t-il. « Snape a ses doutes. »
« Snape n'est pas exactement un allié de la meute. » rétorqua-t-elle. « Remus ne l'aime pas. »
Ron sentait qu'il était en terrain glissant. Depuis qu'il l'avait sauvée, elle avait leur ancien professeur en adoration. Toutefois…
« Harry dit que Remus est bizarre, ces derniers temps. » lâcha-t-il.
Il n'avait rien vu d'alarmant lui-même, à part le fait qu'il était beaucoup plus prompt à assumer publiquement sa nature, mais si son meilleur ami affirmait que quelque chose clochait, il le croyait sur parole. Même Hermione avait l'air convaincue et Hermione avait toujours eu de l'affection et du respect pour Remus.
« Il n'est pas bizarre. » contra-t-elle, sur un ton défensif qui n'invitait pas à poursuivre cette conversation. « Il veut simplement le meilleur pour les loups-garous en général et pour notre meute en particulier. »
« Juste… » Il effleura sa main et se sentit un peu rassuré lorsqu'elle entrelaça leurs doigts au lieu de le repousser comme il l'avait craint. « Promets-moi d'être prudente quand même ? »
« C'est notre Alpha. » répondit-elle. « Il ne nous ferait jamais de mal. »
Il secoua la tête. « S'il te plaît ? »
Elle le dévisagea quelques secondes puis l'attira vers elle pour l'embrasser.
« Je t'aime. » murmura-t-elle contre sa bouche.
Il l'embrassa plus violemment encore, tentant d'avaler la tristesse qu'il sentait derrière ces mots.
« Je t'aime. » répondit-il, entre deux baisers qui se faisaient de plus en plus agressifs.
Ils roulèrent au sol et il se dit qu'il devrait peut-être calmer les choses, s'assurer qu'elle…
Son visage remplit son champ de vision, ses boucles blondes formaient une auréole autour de sa tête, ébloui par le soleil comme il l'était, et il oublia tout à fait pourquoi cela aurait été une bonne idée.
Ses mains glissèrent sous ses vêtements sans qu'elle ne l'arrête et, le cœur battant, sous le soleil, ils goûtèrent à un autre genre de liberté.
°O°O°O°O°
« J'ai dit non. » gronda Nyssa, à la limite du feulement.
Assis dans le fauteuil des minuscules appartements de la vampire, Sirius se frotta le visage.
Il commençait à accuser le coup des dernières soixante-douze heures. Passer la nuit à courir avec des jeunes loups et Laura, tout en s'assurant qu'ils ne quittent pas le périmètre de sécurité et qu'aucun Mangemort n'allait les attaquer et ce juste après avoir manqué mourir avait peut-être été un peu optimiste de sa part et il avait eu du mal à s'en remettre. L'un dans l'autre, passer la journée qui avait suivi la pleine lune dans leur campement à attendre la nuit pour pouvoir ramener Nyssa à Poudlard avait été reposant – aussi reposant qu'une journée entourée de trois de ses élèves bourrés d'adrénaline pouvait l'être. Mais il était toujours fatigué et Narcissa, qui ne vivait pas très bien d'être clouée au lit, le harcelait pour qu'il leur présente la femme qu'il aimait en bonne et due forme.
Visiblement, elles s'étaient croisées lorsqu'il avait été à l'infirmerie et cela s'était mal passé.
« Nyssa… C'est ma famille. » soupira-t-il. « Je sais que tu ne veux pas t'impliquer mais des présentations, ce n'est pas… »
« Tes cousines veulent me rencontrer parce qu'elles veulent une Lady Black. » le coupa-t-elle. « Et je ne serai jamais Lady Black. »
Il ne pouvait pas lui donner tort.
Toutefois…
« Je t'aime et je veux être avec toi. » lâcha-t-il. « Je n'ai pas changé d'avis, ça m'est égal la forme que ça prend. Je n'ai pas besoin d'une Lady Black ou de ce genre de trucs. Mais depuis qu'on… Tu as dit que tu voulais qu'on s'engage mais j'ai l'impression que tu me tiens à distance. »
Elle s'arrêta de faire les cent pas au milieu du petit salon pour se tourner vers lui et croiser les bras devant sa poitrine, plus vulnérable qu'elle ne le laissait souvent paraître.
Il se leva et avança jusqu'à elle, soulagé lorsqu'elle ne se déroba pas, soulagé qu'elle le laisse l'attirer contre lui…
Lorsqu'il s'était réveillé à l'infirmerie, ça avait été avec son prénom sur les lèvres. Et elle avait été si furieuse… Contre lui, contre le monde, contre Voldemort… Sa colère avait été proportionnelle à la peur de le perdre.
« Nyssa, parle-moi. » murmura-t-il.
La vampire soupira. « Tu es si fragile… »
Ça lui arracha un rire. « Ce n'est pas vraiment comme ça qu'on me qualifie d'habitude. »
« Mais tu l'es. » insista-t-elle. « Fragile et mortel. » Elle appuya le front contre son épaule, ses mains s'accrochant à ses vêtements. « Et si je te perds… »
« Tu ne me perdras pas. » promit-il.
« Ne fais pas de serments que tu ne pourras pas tenir. » siffla-t-elle. « Tu es toujours en train de chercher le danger. »
Au lieu du danger, ce fut sa bouche qu'il chercha.
Elle ne fut pas difficile à convaincre et bientôt, les vêtements volaient et il la portait jusqu'à la chambre…
Rien n'était résolu, ou, du moins, cela lui faisait cet effet.
Il avait pensé que déclarer ses intentions était la partie difficile mais peut-être que Severus n'avait pas tort. Peut-être qu'ils vivaient dans deux mondes trop séparés. Pourtant, il refusait de croire que son ami avait raison et que leur histoire était vouée à l'échec.
Il lui suffisait juste de trouver comment construire un pont entre leurs mondes.
°O°O°O°O°
Le tigre était étalé devant la cheminée et observait les flammes d'un air morose.
Harry savait que Severus n'aurait pas exactement approuvé sa manière de passer le temps ce jour-là mais ce n'était pas vraiment un bon jour et il manquait de distraction. Kreattur était occupé chez Sirius à veiller sur Narcissa, son roman ne le passionnait pas et il avait fait tout ce qu'il pouvait en matière de ménage dans l'appartement sans devoir envahir la chambre de Severus – où il ne se risquerait pas étant donné la dispute de ce matin avec Dora.
Il n'arrêtait pas de penser à MacNair.
Devenir un tigre n'avait pas été une décision consciente, plutôt une échappatoire, et s'il avait vaguement envisagé d'aller faire un tour dans le parc sous cette forme, peut-être courir un peu pour évacuer la tristesse qui lui collait à la peau, il n'avait pas trouvé l'énergie de bouger du tapis moelleux sur lequel il était avachi. Masque l'avait d'ailleurs imité mais s'était approprié le canapé.
Les coups à la porte étaient hésitants mais eurent le mérite de le tirer de sa léthargie. Il se remit debout et s'ébroua, hésitant un peu sur la conduite à tenir. Severus semblait toujours savoir qui leur rendait visite mais Harry ne savait pas utiliser les protections comme ça et ouvrir sans savoir qui était derrière la porte…
Toutefois, tant qu'il restait bien à l'abri à l'intérieur de l'appartement, même un visiteur hostile ne pourrait pas le toucher.
Le temps qu'il parvienne dans le couloir – sur ses deux pieds – d'autres coups tout aussi hésitants que les premiers avaient à nouveau résonné. Il entrouvrit prudemment la porte, juste assez pour jeter un coup d'œil dehors, et se détendit immédiatement en voyant Ron. Son meilleur ami avait l'air un peu débrayé et ne semblait pas savoir s'il voulait sourire ou froncer les sourcils, ce qui était assez déstabilisant à voir.
« Qu'est-ce qui t'arrive ? » s'inquiéta Harry, en s'écartant automatiquement pour lui céder le passage.
Les yeux bleus fouillèrent l'espace par-dessus son épaule. « Euh… Tu es seul ? »
« Oui. » confirma-t-il. « Severus ne rentre que pour dîner. »
Son ami sembla soulagé. « Et… J'ai le droit d'être là, hein ? »
Ce fut au tour d'Harry d'hésiter. S'il faisait entrer Ron sans permission… Mais Severus avait dit qu'il pouvait recevoir des amis sans le lui demander au préalable et Severus ne changeait pas les règles sans le prévenir.
« Entre. » décida-t-il, en faisant taire la boule d'angoisse dans son ventre. Manipuler les protections pour lui permettre un accès temporaire fut l'affaire de quelques secondes. Il le guida jusqu'au salon, se sentant toujours un peu déplacé dans le rôle de l'hôte. « Tu veux boire quelque chose ? »
Mais Ron s'était déjà affalé, à moitié allongé, sur le canapé, loin de Masque, et continuait son drôle de manège entre sourire béat et expression inquiète.
« Tu as bu un philtre d'allégresse mal préparé ? » s'enquit Harry, sans savoir s'il devait être amusé ou pas.
Ron tourna la tête vers lui, le dévisagea longtemps puis poussa un long soupir. « Je vais te dire un truc que tu ne peux dire à personne et surtout pas à Hermione. »
Il se percha sur l'accoudoir d'un des fauteuils et soutint le regard de son meilleur ami, prêt à tout entendre et surtout le pire. « D'accord. »
« Je suis sérieux, hein ? » insista Ron, en se redressant pour s'asseoir un peu plus correctement. « Pas un mot à Hermione ? »
Véritablement intrigué à présent, Harry hocha la tête. « Promis. Je ne dirais rien. J'ai un peu d'expérience avec les secrets importants, tu sais. »
Et probablement autrement plus capitaux que celui que Ron s'apprêtait à lui confier mais ça n'aurait pas été très gentil de le dire.
L'autre garçon eut un autre de ces sourires béats qu'il ne lui avait pas souvent vu. « Lavande et moi, on a… Enfin, tu vois. »
Son esprit était tellement à des lieux de ce genre de préoccupations qu'il lui fallut plusieurs minutes pour voir, justement.
« Oh ! » lâcha-t-il, lorsqu'il eut compris. Preuve que la conversation avec Severus et Sirius l'avait traumatisé, son premier réflexe fut presque de lui demander s'il avait bien utilisé un sortilège contraceptif. « Oh. Et… Euh… alors ? »
Il était à la fois gêné et un peu curieux, il fallait l'admettre.
Et peut-être un peu envieux mais il n'allait certainement pas penser à la fille qui hantait ses pensées alors que son frère était dans la même pièce que lui.
« Alors… Ouais. » Le rire de Ron était un peu embarrassé mais surtout fier.
Harry se retrouva à ricaner bêtement, lui aussi, sans trop savoir pourquoi.
Mais la joie de son meilleur ami se teinta à nouveau de cette drôle d'inquiétude. « Le truc, c'est que… J'ai l'impression qu'elle va me laisser tomber. »
Il s'arrêta de rire pour froncer les sourcils. « Ça s'est… mal passé ? »
« Non ! Non, non… C'était… » protesta Ron, avant de s'interrompre dans un nouveau sourire heureux qu'il perdit vite. « Non, ça n'a rien à voir. La potion Révèle-Loup… Snape a dit qu'elle était moins indiquée pour des loups dominants… » Il fit la grimace. « Je crois que c'est le cas de Lavande. »
« Lavande ? » répéta Harry, incrédule. « Lavande Brown est une louve dominante ? »
L'autre Gryffondor haussa les épaules avec désarroi. « Je ne sais pas, elle… C'est comme si quelque chose avait changé chez elle. Et… » Il s'interrompit quelques secondes avant de croiser son regard. « Je sais que ça va sembler dingue et que tu vas probablement penser que ce sont mes préjugés qui parlent mais… Je suis sûr que j'ai vu le loup dans ses yeux. »
« Non, ce ne sont pas tes préjugés. » confirma-t-il sobrement. « Je l'ai déjà vu dans ceux de Remus. Et… Je l'ai senti sous ma forme de tigre. »
Ron le prit pour argent comptant et hocha la tête. « Je ne sais pas… Je ne sais pas quoi faire. Depuis qu'elle a été mordue, elle ne jure plus que par Remus et là… J'ai l'impression que c'est pire. Elle m'a parlé d'indépendance des loups-garous, de meute… J'ai essayé de la mettre en garde mais elle ne veut rien entendre. »
Harry ne savait pas trop quoi dire pour l'aider.
« Je ne fais plus confiance à Remus mais je ne suis peut-être pas très objectif. » offrit-il, pour le consoler.
« Elle dit qu'il a retourné d'autres loups-garous. » lui annonça Ron.
« Oui, je sais. » admit-il. « Mon père a ses réserves mais Dumbledore voulait davantage de combattants… »
Son meilleur ami soupira et se laissa aller un peu plus dans le canapé. « Je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit mais elle dit que je ne peux pas comprendre. »
Parce qu'il ne savait pas comment le réconforter, il fit un geste vers le plateau d'échecs abandonné au même endroit depuis sa dernière visite. « Tu veux m'écraser aux échecs ? »
Ron eut un bruit amusé mais ne refusa pas la proposition et, bientôt, ils étaient assis de part et d'autres de la table basse, à écouter les pièces d'Harry l'abreuver d'injures.
« Tu sais… » déclara le Survivant au bout d'un moment. « Je comprends pourquoi tu ne veux pas en parler à Hermione et mes lèvres sont scellées mais… Je ne pense pas qu'elle puisse vraiment te juger. »
Ron écarquilla les yeux. « Hermione ? Non… Impossible que Draco ait gardé ça pour lui. »
« J'ai vu des choses, Ron. » soupira-t-il, en portant la main à son front dans un geste théâtral. « Des choses terribles. »
« Comme ? » demanda son ami.
« Comme Hermione sans chemisier. » répondit-il, sans préciser que c'était un souvenir qu'il avait accidentellement volé dans son esprit.
« Non ! » s'écria Ron, riant à moitié, avant de faire la grimace. « J'ai la vague envie d'aller casser la gueule à Draco. Hermione, c'est comme ma sœur. Si un garçon faisait ça avec Ginny… »
Harry se découvrit soudain une passion pour les échecs et préféra changer le sujet en lui demandant conseil sur une manœuvre en particulier.
°O°O°O°O°
Severus rentra chez lui fourbu et avec une pile de dossiers calés sous le bras droit qui demandaient soit disant son attention urgente – étant donné qu'Albus avait été parfaitement heureux de se passer de gouvernement avant qu'il ne mette son nez crochu dans sa gestion du pays et qu'il savait pertinemment que le vieux sorcier ne se tracassait guère des finances, il en avait déduit qu'il s'agissait d'une punition à son encontre pour ce qui s'était passé ce matin là durant la réunion avec Lupin.
Il fut accueilli par des rires et le bruit familier mais irritant de deux adolescents en train de chahuter.
La journée avait été longue et il devait admettre qu'il n'était pas tout à fait heureux de découvrir que Weasley – qu'il avait senti passer les protections plus tôt dans l'après-midi – était toujours là. Il fit aussi bonne figure que possible, principalement parce qu'Harry paraissait moins sombre que ce matin-là et que l'autre Gryffondor y était sans doute pour beaucoup. C'était une bonne chose qu'il voit ses amis et une très bonne chose qu'il se sente suffisamment chez lui pour les y inviter sans lui en parler d'abord.
Il n'avait pas oublié la remarque de ce matin : ici, c'est quand même beaucoup chez toi.
Et, à présent qu'il considérait la chose sous un œil neuf, il mesurait à quel point c'était vrai. Mis à part pour un léger désordre tout à fait naturel, Harry n'avait pas laissé sa marque dans le salon. La seule chose qui lui appartenait dans cette pièce était la couverture qui traînait sur le dos du canapé. Severus ne savait pas trop quoi faire pour remédier à la chose, parce qu'il était vrai que l'adolescent n'avait pas grand-chose à lui, mais il était décidé à trouver quelque chose pour l'encourager à s'approprier davantage les parties communes.
« Mr Weasley. » salua-t-il son élève, tâchant de maîtriser au mieux l'irritation qui allait de paire avec la fatigue.
« Professeur Snape. » répondit Weasley avec une hésitation un peu méfiante. Il y avait pourtant un réel effort pour être plus respectueux qu'à l'ordinaire – pour Harry, supposait-il. « Harry ne savait pas que je venais et je ne comptais pas rester longtemps mais… »
« Harry est libre d'inviter qui il le souhaite. » le coupa-t-il.
Il laissa tomber les dossiers sur sa table de travail dans le coin avec un grimace douloureuse, puis plia et déplia le bras droit dans l'espoir d'en atténuer les tremblements. Il aurait dû jeter un sort de lévitation mais se servir de sa baguette était toujours un peu hasardeux et il était trop éreinté pour s'en passer.
« Souhaitez-vous rester pour dîner ? » s'enquit-il, en espérant de tout son cœur que le garçon comprendrait qu'il s'agissait simplement d'une invitation de politesse et prendrait les jambes à son cou comme il mourrait visiblement d'envie de le faire.
Heureusement pour lui, Weasley n'était pas décidé à pousser l'effort d'amabilité jusqu'à partager sa table. Il regarda Harry puis la pendule et fit la grimace. « Je devrais y aller, Maman va s'inquiéter. »
Severus laissa les adolescents se dire au revoir, prêtant à peine l'oreille à ce qu'ils se disaient, mais ôta ses sur-robes et se laissa aller dans son fauteuil favori dès qu'Harry eut raccompagné son ami à la porte. Masque sauta sur ses genoux, ronronnant comme une turbine, et Severus entreprit de le caresser de sa main tremblante, tout en desserrant sa cravate de la main gauche.
« Nymphadora n'est pas encore rentrée ? » demanda-t-il, lorsqu'Harry revint.
« Tu veux dire la personne qui n'habite pas ici ? » se moqua l'adolescent.
Refusant de mordre à l'hameçon, il resta de marbre. « Celle-là même. »
Harry eut un petit sourire amusé mais s'assit sur le canapé. « Non, je n'ai pas de nouvelles. Mais elle a dit qu'elle rentrerait dîner, ce matin. »
Il prit garde de ne trahir aucun signe d'inquiétude mais il s'était passé du temps depuis qu'elle lui avait assuré en avoir bientôt terminé avec sa visite londonienne. Elle n'avait pas vraiment répondu à sa tentative de discuter de ce qu'il s'était passé ce matin, cela dit, et il était possible qu'elle soit toujours contrariée.
Sûrement pas au point de décevoir Harry après lui avoir dit qu'ils passeraient du temps ensemble ce soir-là, cependant.
« Kreattur est occupé avec Narcissa. » annonça son fils. « Tu veux que je cuisine ? »
Il ne s'était pas exactement arrêté pour manger à midi et il mourrait de faim. Trop pour attendre que le garçon leur prépare quelque chose – et il tentait, de toute manière, de lui faire perdre cette manie de toujours vouloir les servir. Un seul coup d'œil à la pièce lui dit qu'Harry avait passé une bonne partie de la journée à faire le ménage.
Il s'apprêtait à lui demander de contacter les cuisines pour obtenir leurs rations lorsque le feu dans la cheminée vira au vert émeraude. Nymphadora était visiblement accroupie devant l'autre âtre.
« J'aimerais bien ne pas me prendre les pieds dans le pare-feu ! » lança-t-elle. Harry le déplaça d'un coup de baguette et elle disparut de leur vue. « Merci ! »
Une poignée de secondes plus tard, elle avait traversé, les bras chargés de sacs plastiques, ce qui fit froncer les sourcils de Severus, du moins jusqu'à ce que l'odeur appétissante ne lui monte au nez.
« J'avais envie de chinois. » déclara-t-elle, sans le regarder, en posant trois sacs sur la table basse.
Deux autres, qui n'avaient pas l'air d'être de la nourriture, furent jetés près de la cheminée.
Le regard d'Harry passa de l'un à l'autre quelques secondes, un peu hésitant. « Je peux vous laisser si vous voulez manger en tête en tête… »
« Qu'est-ce que tu racontes ? J'en ai pris assez pour nourrir une armée. » protesta-t-elle, en sortant du premier sac des contenants en carton, des serviettes en papier et des sauces en sachet qu'elle posa pêle-mêle au milieu du reste. « Je ne savais pas ce que tu aimais alors j'ai pris un peu de tout. »
Elle ne plaisantait pas quand elle disait en avoir pris assez pour une armée. Il y aurait des restes pour trois jours – ce qui n'était pas forcément une mauvaise chose.
« Tu sais que nous avons des elfes de maison qui peuvent cuisiner ce que nous voulons. » voulut-il plaisanter.
Le regard de la jeune femme n'était pas tout à fait noir, mais il était clairement gardé, et elle le détourna rapidement pour attaquer le deuxième sac dans lequel il y avait davantage encore de cartons pleins de nourriture. « Si tu préfères aller manger dans la Grande Salle, libre à toi. »
Il grimaça sous la sécheresse du ton.
Harry leva les sourcils et s'abstint sagement de tout commentaire.
Sentant l' irritation pointer à nouveau le bout de son nez, il agita la main. « Dans la Grande Salle, peut-être pas, mais tu sais qu'il y a une table dans la cuisine ? »
« Quand on prend à emporter, ce n'est pas pour manger à table. » rétorqua-t-elle, sans le regarder, en s'asseyant à même le sol, en tailleur. « Dis-lui, Harry. »
Harry semblait hésiter un peu et vu la tension qui grandissait dans la pièce, Severus ne pouvait pas le lui reprocher.
« Je ne sais pas… » admit l'adolescent. « Je n'ai jamais mangé chinois. Oncle Vernon n'aimait pas ça. Il disait que ce n'était pas de la nourriture pour les vrais Anglais. »
« Quel charmant personnage. » commenta Severus, ce qui lui valut un bruit amusé mais approbateur de la part de la jeune femme.
« Eh bien… C'est soirée découverte, alors, mon chat. » décréta-t-elle, en terminant de vider le dernier sac.
Parce qu'Harry venait de s'asseoir par terre à sa droite et Severus n'avait pas envie de mener une bataille perdue d'avance, il se leva pour aller chercher des verres et des couverts – il connaissait suffisamment son fils pour savoir qu'il y aurait une tentative déterminée d'utiliser les baguettes mais qu'il abandonnerait avant la fin du repas, quant à lui, ses mains lui interdisaient ce genre d'exercices. S'il en profita pour tenter d'ouvrir un des sacs qu'elle avait mis à l'écart du bout de sa canne…
« Tu permets ? » râla-t-elle, lorsqu'elle repéra son manège.
« As-tu été forcée de te fondre dans la masse d'une virée shopping pour échapper à des Mangemorts ? » demanda-t-il, pince-sans-rire, en avisant un bout de tissu dans le sac.
Elle rougit et détourna la tête rapidement mais pas assez vite pour qu'il ne lise pas la honte et l'embarras dans ses yeux.
Il s'en voulut immédiatement de sa mesquinerie. « Nymphadora… »
« Tu n'as qu'à faire un rapport à Dumbledore si tu trouves quelque chose à redire à mon travail. » rétorqua-t-elle.
« Je ne trouve rien à redire à ton travail. » soupira-t-il. « Je regrette. C'était une tentative maladroite de plaisanterie mais c'était petit et déplacé. »
Harry étudiait avec beaucoup trop d'attention le ticket de caisse qui était tombé d'un des sacs.
Nymphadora refit sa queue de cheval, toujours sans le regarder. « Je sais que c'était stupide. J'étais frustrée par ma journée. J'avais juste envie de… » Elle laissa sa phrase en suspens puis haussa les épaules, avant de déchirer un des sachets qui contenaient des baguettes. « Tiens, Harry, regarde… Je vais t'apprendre à t'en servir. »
Mal à l'aise et fatigué de sa propre bêtise, Severus poursuivit son chemin jusqu'à la cuisine. Le temps qu'il revienne avec des assiettes, des verres et des couverts, plusieurs cartons étaient déjà ouverts et Nymphadora en détaillait le contenu pour l'adolescent.
Le Maître des Potions jeta un regard plein de regrets à son fauteuil puis fit de son mieux pour s'asseoir par terre avec eux. Elle jeta un coup d'œil coupable à sa jambe et, sans un mot, fit apparaître un coussin moelleux sous ses fesses.
Sa fierté voulait qu'il en prenne ombrage.
Sa raison lui dit qu'il avait suffisamment dit d'idioties comme ça.
Ce genre de repas était très clairement inédit pour lui. Il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait mangé par terre, sur le pouce. Pas depuis son adolescence, sans doute.
Si une certaine tension persistait entre Nymphadora et lui, ils faisaient tous les deux des efforts pour l'atténuer et Harry semblait déterminé à mener une conversation légère loin de tout sujet sérieux. L'ambiance se détendit peu à peu jusqu'à ce que Severus parvienne à la faire sourire à une ou deux plaisanteries. Elle picorait dans son assiette bien qu'il y en ait assez pour tout le monde dans les contenants en carton, ce qu'il interpréta comme une preuve qu'elle n'était plus fâchée.
« Oh, il y a du poulet dans celui-ci. » avertit-elle soudain, alors qu'Harry attrapait un des cartons.
L'adolescent avait goûté un peu à tout, jusque là et se figea, le carton dans la main. Il sembla hésiter quelques secondes puis, lentement, s'en servit une minuscule quantité.
Il croisa brièvement le regard de Nymphadora et, d'un accord tacite, reprirent leur conversation comme si de rien n'était.
Harry passa énormément de temps à fixer du regard la nourriture avant de la ramasser avec sa fourchette. Il prit une profonde inspiration puis la porta à sa bouche et l'avala rapidement, avant de changer d'avis.
Severus soutenait la discussion avec la jeune femme mais toute son attention était sur son fils et il était certain qu'il en était de même pour elle.
L'espace d'un instant, il crut qu'Harry allait se sentir mal mais le garçon parut se détendre légèrement.
« Cuisiné, avec la sauce, ça va. » lâcha-t-il, un peu faiblement. « J'avais peur que… »
Il ne termina pas sa phrase mais il n'en avait pas besoin. L'ancien espion ne pouvait même pas imaginer avaler accidentellement un bout d'être humain. Il ne l'aurait pas blâmé s'il avait voulu s'en tenir à un régime végétarien mais il était évident qu'Harry était tenté par le bacon et autres. Ce n'était pas un choix de vie, pour lui, mais la crainte de revivre un souvenir traumatisant.
« Nous pouvons essayer de réintroduire petite à petit la viande dans notre alimentation, si tu le souhaites. » suggéra Severus.
Harry haussa les épaules mais, après un moment d'hésitation, se resservit davantage.
Il y eut un silence qui n'avait rien de naturel pendant quelques minutes puis Nymphadora se racla la gorge. « Bill m'a dit qu'il y avait du mouvement vers Loutry Saint Chaspoule ? »
« Au Terrier ? » s'alarma le garçon, en levant les yeux vers Severus. « Ron n'a rien dit… »
« Il n'y a pas que le Terrier dans la région. Le village est semi-magique. » expliqua le Maître des Potions, en continuant son repas. « Et le Terrier devrait être à l'abri, Bill y a posé toutes les protections possibles. Non… Il y a bien des Mangemorts dans la région mais ils en ont très certainement après Lovegood. »
« Ce numéro spécial du Chicaneur, ce n'était pas une bonne idée. » soupira l'Auror.
« Quel numéro spécial du Chicaneur ? » demanda l'adolescent. « Le père de Luna est en danger ? »
Le magazine n'avait pas encore largement circulé mais le Seigneur des Ténèbres avait dû en avoir vent – et ne devait pas être ravi de voir sa vie étalée en première page. Il résuma la situation à Harry mais ne tarda pas à changer le sujet parce que son fils se rembrunissait à vue d'œil.
Globalement, le repas fut agréable et leur fit, à tous les trois, le plus grand bien. Le temps qu'ils s'estiment tous plus que repus, les tensions s'étaient apaisées et Severus ne rechigna pas à casser le biscuit chinois que Nymphadora lui tendit avec un air de défi, une étincelle amusée dansant dans ses yeux gris.
« Un cynique n'est qu'un optimiste frustré. » lut-il à voix haute.
La jeune femme et l'adolescent échangèrent un regard et éclatèrent de rire.
Apparemment, c'était tellement hilarant qu'Harry dut se tenir le ventre et que quelques larmes échappèrent à Nymphadora. Elle se laissa aller en arrière jusqu'à s'appuyer contre le bas du fauteuil, secouée de gloussements.
Severus fit de son mieux pour ne pas sourire, plus heureux de les voir ainsi que vexé.
Ce qui ne l'empêcha pas de lui tendre un biscuit avec un sourcil levé. Son propre défi.
Elle le cassa sans une hésitation et sans détourner son regard du sien, son irritation apparemment envolée.
Il mourrait d'envie de l'embrasser pour faire disparaître cet air mutin de son visage. Et vu son sourire, elle devait parfaitement le savoir.
Elle se racla la gorge puis baissa les yeux pour lire le petit bout de papier. « Vous êtes la nouille croustillante dans la salade végétarienne de la vie. »
Severus émit un bruit amusé. « Eh bien, si Sybil choisit de démissionner, nous savons par quoi la remplacer… Ces biscuits me semblent plus doués qu'elle. »
Nymphadora inclina légèrement la tête, les yeux brillants d'amusement. « Tu es en train de dire que je suis vraiment une nouille ? »
« Une nouille croustillante dans la salade de ma vie. » corrigea-t-il, provoquant un grognement à moitié moqueur, à moitié gêné de la part de son fils.
L'Auror secoua la tête et fit un petit geste dans sa direction, en se tournant vers Harry. « Et c'est pour ça que tu ne dois jamais lui demander comment séduire une fille. »
Harry fit la grimace. « Estime-toi juste contente qu'il ne fasse de métaphores bizarres avec le Quidditch. »
« Quoi ? » demanda-t-elle, riant à moitié. « Qu'est-ce que j'ai raté encore ? »
« Sirius m'a gâché le Quidditch. » soupira le garçon. « Ruiné. Pour toujours. »
Nymphadora quêta le regard du Maître des Potions qui poussa un léger soupir. « Je te raconterai plus tard. »
« Très bien, faites des mystères. » plaisanta-t-elle, en poussant le dernier biscuit vers Harry qui le prit avec une légère appréhension. Sans doute parce que les prédictions, ridicules ou non, n'étaient jamais en sa faveur.
Severus eut l'envie subite de le lui arracher des mains juste au cas où…
Les lèvres du garçon tressautèrent. « Si une tortue n'a pas de carapace, est-elle nue ou sans-abri ? »
« Une intéressante question. » murmura-t-il, d'un ton faussement fasciné qui valait bien l'hilarité des deux autres.
Et, juste comme ça, à cet instant, à les regarder rire comme des idiots sur un bout de papier ridicule, il sut ce qu'il devait faire. C'était l'évidence.
Une évidence qui se solidifia alors qu'ils débarrassaient, débattant de la question avec des arguments beaucoup trop sérieux pour un sujet aussi ridicule.
Severus attendit de se retrouver seul dans la cuisine avec la jeune femme. Il l'observa ranger ce qu'il restait dans le placard sous sort de stase, conscient qu'elle lui jetait des coups d'œil curieux et un peu nerveux. Lorsqu'elle eut terminé de stocker les restes, il effleura son épaule et se détendit légèrement lorsqu'elle se coula contre lui.
Il referma les bras sur elle, déposa un baiser sur le haut de sa tête et respira un peu plus facilement.
« Je regrette de m'être emporté ce matin… » hésita-t-il. « J'aurais pu être plus diplomate. »
« J'aurais pu m'étaler un peu moins. » soupira-t-elle, en reculant juste assez la tête pour lui voler un baiser auquel il s'abandonna volontiers. Pourtant, lorsque leurs lèvres se séparèrent, son regard était gardé. « Écoute, je suis désolée. Je vais ramener mes affaires chez moi. Je vais rentrer, ce soir, de toute manière. »
Il resserra automatiquement son étreinte, le cœur battant trop fort.
« Harry pense que tu devrais emménager ici. » lâcha-t-il.
Visiblement, ce n'était pas la chose à dire parce qu'elle lui jeta un regard incrédule et posa une main sur son torse pour le repousser. « Si Harry pense que je devrais emménager, alors… »
Il refusa de lui rendre sa liberté, grimaçant à sa propre maladresse. « À vrai dire, Harry pense que tu vis déjà ici. »
Elle se figea, renonçant visiblement à lui échapper. Elle garda également le regard rivé à sa chemise. « Ce n'est pas tout à fait vrai. »
« Mais ce n'est pas tout à fait faux non plus, n'est-ce pas ? » ironisa-t-il.
Elle poussa un long soupir. « Je n'aurais jamais emménagé chez toi sans t'en parler. Techniquement, j'ai ma chambre chez mes parents et… »
« Y as-tu seulement déjà passé une seule nuit ? » demanda-t-il, un peu moqueur.
Elle se pressa à nouveau contre lui, nichant son visage dans son cou. « J'en ai assez de me disputer avec toi… Je n'ai vraiment pas envie de recommencer. »
« Moi non plus. » décréta-t-il, en lui caressant le dos. « C'est pourquoi je suggère que nous cessions de nous disputer et que tu emmènes toutes tes affaires ici. »
Ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait, très visiblement.
« Quoi ? » Elle s'écarta à nouveau mais, cette fois, il la laissa faire.
Il l'observa un moment, la bouche un peu sèche, nerveux et avec une bonne raison de l'être. Ces derniers jours, ils s'étaient plus disputés qu'en des mois de relation. « J'ai parlé à Harry. Il pense que je suis un idiot aveugle qui réfléchit trop, bien qu'il ne l'ait pas exprimé en autant de mots. »
Elle émit un bruit amusé. « Il est très perspicace, ce gamin. » Elle croisa les bras devant elle avec vulnérabilité et jeta un coup d'œil à la porte de la cuisine, baissant un peu la voix pour ne pas qu'elle porte jusqu'au salon. « Ça ne veut pas dire qu'il faut que j'emménage, Severus. »
« Tu vis déjà ici. » répondit-il.
Elle détourna légèrement la tête. « Un peu par concours de circonstances, pas parce que tu en avais envie. Peut-être que si on se dispute autant, c'est parce qu'on met le carrosse avant les sombrals. »
« Ou peut-être que si nous nous disputons autant c'est plutôt parce que la situation n'est pas claire. » contra-t-il. « À présent, elle le sera. Harry… Harry désire que tu fasses partie de sa vie. » Elle ouvrit la bouche mais il la prit de vitesse. « Et je suis d'accord avec ça. » Elle croisa son regard mais resta silencieuse et il se racla la gorge, avant de poursuivre. « Je ferai de mon mieux pour ne plus laisser mon passé colorer notre présent. »
« On peut y aller plus doucement si tu as besoin de temps. » insista-t-elle. « Ce qu'il y a entre nous… C'est trop précieux pour tout gâcher parce qu'on veut aller trop vite. Et puis… J'avoue que j'ai passé l'âge de vivre chez mes parents mais je peux peut-être aller m'installer dans un dortoir vide ou… »
« Je ne dors pas quand tu n'es pas là. » la coupa-t-il, en baissant les yeux. « Je suis incapable de fermer l'œil tant que je ne suis pas certain que tu es en sécurité près de moi. Tu es la dernière personne à qui j'ai envie de parler le soir et la première que je veux voir le matin. Je…. Ce serait vide sans toi. Je n'ai pas besoin de temps, Nymphadora. »
Elle tendit la main vers lui et il la prit, entrelaçant ses doigts tremblants aux siens.
« Je suis bordélique. » le prévint-elle.
Il leva les yeux au ciel, un fin sourire aux lèvres. « Vraiment ? Je n'avais pas remarqué. »
Cela lui valut une bourrade affectueuse de sa main libre qui lui permit de l'attirer à nouveau contre lui. Elle ne protesta pas beaucoup et passa ses bras autour de son cou, fouillant ses yeux noirs à la recherche de la moindre hésitation.
« Tu me manquerais trop, si je ne pouvais pas te voir tous les soirs et tous les matins. » avoua-t-elle. « Mais ce n'est pas vraiment le problème, si ? Harry… »
« Harry a besoin de toi différemment de la manière dont il a besoin de moi, ce qu'il faut que j'accepte. » l'interrompit-il, à voix trop basse pour qu'elle porte hors de la cuisine. « Et il m'a très clairement fait comprendre que je serais un crétin de te laisser partir. » Il hésita puis haussa légèrement les épaules. « Il aime ce que nous construisons tous les trois. Et je dois admettre que… moi aussi. »
Cela ne l'empêchait pas d'être terrifié.
La perspective de partager officiellement ses appartements avec une femme…
Mais cela le terrifiait davantage encore de ne plus pouvoir s'endormir avec elle ou de ne plus se réveiller dans ses bras. Cela le terrifiait de ne plus avoir de conversations un peu absurdes et ensommeillées au milieu de la nuit. Cela le terrifiait de ne plus l'entendre rire à un de ses commentaires sarcastiques ou le taquiner sans merci sur une de ses petites manies. Cela le terrifiait de perdre tous ces petits moments anodins du quotidien volés à la guerre qui faisait rage.
« Il faut qu'on soit sûrs. » pressa-t-elle.
« Je suis sûr. » déclara-t-il, très sérieusement. « Et toi ? »
Un sourire se dessina lentement sur ses lèvres. « J'ai des conditions. »
Il rit, il ne put s'en empêcher.
« Je suis sérieuse. » Mais elle ne devait pas l'être tant que ça parce que son sourire était taquin et ses yeux brillaient d'amusement. « Je veux davantage de rangements dans la salle de bain. Ton système spartiate, là, ce n'est pas pour moi. »
« Tu es meilleure en métamorphose que moi. Transforme ce que tu veux. » lui accorda-t-il.
« La décoration est à revoir. » continua-t-elle. « Je sais, je sais… Les peintures sont des nids à espions. Mais est-ce que ça s'étend aux affiches ou aux posters ? »
« Non, Nymphadora, tu n'accrocheras pas un poster des Bizarr' Sisters au-dessus de mon lit. » lâcha-t-il.
« Notre lit. » corrigea-t-elle, ce qui lui arracha un sourire et le poussa à se pencher pour l'embrasser. Elle esquiva avec un petit rire. « C'est un non définitif ? Parce que je suis sûre que… »
Il étouffa le reste de sa bouche et si elle rit un petit peu, elle ne tarda pas à lui rendre son baiser avec fougue.
« Autre chose ? » s'enquit-il, un peu à bout de souffle.
« Eh bien, un peu de variété de couleur au niveau des draps ne serait pas mal. » répondit-elle, très sérieusement. « Le blanc, c'est très bien de temps en temps, mais j'ai une parure Poufsouffle qui… »
Il l'embrassa à nouveau, juste pour la faire taire.
Elle aurait sans doute pu continuer ce petit jeu un moment si un grognement ne les avait pas interrompus. Severus s'écarta, les joues un peu rouge, et se racla la gorge sans parvenir à croiser le regard de son fils.
Harry, pour sa part, semblait partagé entre amusement et gêne.
« Nymphadora va emménager avec nous. » déclara le Professeur.
Le garçon leva les sourcils.
« Emménager. » répéta-t-il, avec une ironie mordante, en cherchant le regard de la jeune femme. « Quelle surprise ! Je suis sous le choc ! C'est si inattendu… Mais qui aurait pu s'attendre à une telle nouvelle… »
« C'est ça, c'est ça… Moque-toi de nous. » rétorqua-t-elle.
Harry leva les yeux au ciel mais il souriait. « Ce n'est pas ma faute si vous rendez ça très facile. »
« Tu es sûr que ça ne te pose pas de problème, mon chat ? » demanda-t-elle, un peu plus sérieusement.
L'adolescent émit un bruit amusé. « Je suis sûr que tu vis déjà ici depuis des semaines mais apparemment j'ai tort, alors… »
« Mon fils est un comique qui s'ignore. » offrit Severus à Nymphadora. « Mais il s'avère qu'il a aussi des muscles, il va donc t'aider à aller chercher tes cartons. »
Elle jeta un coup d'œil à la pendule. « Maintenant ? » Il n'était pas si tard, ils pouvaient très certainement ramener le gros de ses affaires. « Je peux me contenter de mes vêtements, tu sais… Je ne suis pas sûre qu'il y a assez de place pour… »
« Nous allons faire de la place. » déclara-t-il. « Ramène tout ce que tu veux. »
Il espérait simplement qu'il n'aurait pas à regretter cette permission tacite, surtout lorsqu'ils revinrent un quart d'heure plus tard, accompagnés de Ted et les poches chargées de cartons miniatures qu'Harry qualifia de trop lourds. Une fois qu'ils eurent retrouvé leur taille normale, le salon et une bonne partie du couloir étaient encombrés et Severus commençait à regretter leur manque de méthode.
« Je vois que notre petite conversation a porté ses fruits. » murmura le Botaniste en aparté.
Il ne s'attarda que le temps de jeter un regard semi-amusé à Severus puis décréta qu'il allait les laisser tranquille. En termes de beau-père, ce n'était sans doute pas le pire, décida le Maître des Potions.
Nymphadora avait une tonne de disques, Moldus ou sorciers, et un tourne-disque magique qui, comme elle s'empressa de le leur préciser, était son objet le plus précieux. Résigné, Severus entreprit de réorganiser rapidement ses étagères de livres pour lui faire de la place. Elle avait également des albums photos, des cadres, des livres, du linge de maison, tout un tas de bric à brac…
Au bout d'un moment, il abandonna Harry et la jeune femme au salon, le garçon inspectait les disques et les livres, ce qui semblait ravir Nymphadora qui ne manquait pas d'anecdotes ou d'informations pertinentes, pour aller faire de la place dans la chambre. Il avait dans l'idée qu'ils pouvaient continuer à partager la commode et s'il souhaitait garder l'armoire pour lui, il y avait toujours le placard dans le coin qu'il n'utilisait jamais et qu'il ne servait principalement qu'à stocker des choses dont il n'avait plus l'usage. Il ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'il l'avait ouvert.
De fait, il en tira deux douzaine de livres qu'il décida d'apporter à Madame Pince puisqu'ils serviraient davantage à la bibliothèque, d'anciennes robes noires qu'il ne portait plus depuis une dizaine d'années, tout un tas de choses que ses collègues avaient cru bon de lui offrir pour un anniversaire ou un Noël et qui avaient atterries là parce qu'il n'en avait aucun usage… Il empila le tout dans un coin, décidant de laisser Harry prendre ce qui l'intéressait et de jeter le reste…
Il y avait deux malles tout au fond du placard et il se figea en les apercevant parce qu'il avait oublié qu'elles étaient là.
Il y eut un crépitement caractéristique avant que la musique ne résonne dans l'appartement. Le son fut rapidement baissé mais pas assez pour qu'il n'entende pas le chanteur des Bizzar' Sisters se demander si on pouvait danser comme un hippogriffe.
Il secoua la tête, esquissant un sourire, le cœur gonflé par une vague d'affection qui le fit marmonner à propos de Poufsouffle. Cela lui donna le courage nécessaire pour s'asseoir par terre et tirer la première malle vers lui. Elle était légère, plus que dans son souvenir. Il lutta brièvement contre les attaches un peu rouillées puis fit basculer le couvercle.
Le parfum le heurta immédiatement et il ferma les yeux.
Lorsqu'il avait emménagé à Poudlard, il avait tout emporté avec lui. Ses visites à Spinner's End avaient toujours été sporadiques, surtout à cette époque-là, et il n'y gardait rien de précieux. Tout ce qui comptait pour lui ou tout ce qu'il avait eu en sa possession à ce moment-là, il l'avait pris avec lui.
La malle n'était qu'au quart remplie et n'était pas des plus ordonnée. Il avait un vague souvenir d'avoir tout jeté là-dedans en sixième année parce que c'était trop douloureux de…
Il prit une profonde inspiration mais il n'éprouva pas la même souffrance que par le passé à la vue de cette partie de sa vie. Il fit un inventaire rapide, simplement pour s'assurer qu'il n'y avait rien de trop gênant, puis se racla la gorge.
« Harry ! »
Le garçon arriva dans la minute, l'air curieux, et, sur son invitation approcha pour s'accroupir à côté de la malle. L'adolescent se figea immédiatement en sentant le parfum.
« C'est… » hésita son fils.
« Tout ce que j'ai conservé de Lily. » confirma-t-il. La plus grosse partie, du moins. Il devait bien rester quelques lettres et traces d'elle dans son ancienne chambre à Spinner's End.
Il était très conscient que Nymphadora s'était appuyée contre le chambranle de la porte et les observait.
Après avoir quêté sa permission du regard, Harry fouilla dans la malle, déplaçant chaque objet avec révérence. Il y avait de tout là-dedans. Des lettres qu'elle lui avait envoyées, des mots passés en classe, des romans qu'elle lui avait prêtés et qu'il ne lui avait jamais rendus, une toute petite peluche en forme de lion qu'elle lui avait donnée comme une plaisanterie à la fin de leur première année, des dessins dont un de ses carnets qu'il lui avait subtilisé en troisième année, des photos qu'il n'avait pas regardées depuis sa mort… Des années de souvenirs.
« Prends la malle, si tu veux. » offrit-il.
Harry leva la tête et le dévisagea, avide de tout ce qui avait appartenu à sa mère – la vraie et pas le double de soixante-quinze – mais un peu hésitant. « Mais… C'est à toi. »
« Je n'en ai plus besoin. » répondit-il.
Et c'était la stricte vérité.
Il porterait toujours le souvenir de Lily en lui mais il ne ressentait plus le besoin de s'accrocher au passé.
« Tu es sûr ? » insista son fils.
« Certain. » confirma-t-il. « Et tant que nous sommes à ré-emménager la maison… Tu peux mettre tes livres dans la bibliothèque du salon, si tu veux. Ou ce que tu souhaites sur les étagères. »
Harry lui sourit mais son attention était toute entière sur la malle qu'il emmena hors de la chambre, sans doute pour aller en inspecter religieusement le contenu.
Il était en train de tirer la deuxième malle à l'extérieur du placard lorsque Nymphadora se laissa tomber à côté de lui et passa un bras autour de sa taille pour déposer un baiser sur sa joue.
« Tu n'es pas obligé de faire ça, tu sais. » hésita-t-elle. « Elle fait partie de ta vie et… »
« Il en a plus besoin que moi. » l'interrompit-il, en tournant la tête pour capturer brièvement ses lèvres. « Et tu as davantage besoin du placard que les souvenirs de Lily. »
Elle évalua la taille de la penderie d'un coup d'œil et haussa les épaules. « Je ne dis pas non. Il y a quoi dans celle-ci ? »
« Je ne suis pas certain… Cela fait des années que je ne l'ai pas ouverte. » admit-il, en bataillant pour soulever le couvercle. Celle malle-ci était bien plus pleine que l'autre et probablement agrandie par un charme ou un autre – mais pas mieux rangée.
« Severus Snape ! » s'exclama-t-elle, en riant à moitié. Elle attrapa un des vêtements jetés sans considération et qui formaient la couche supérieure. Elle le déplia d'un geste sec et lui jeta un regard taquin. « Un jean. »
Malgré lui, il se sentit s'empourprer un petit peu. C'était donc là qu'étaient passés ses vêtements Moldus…
« Je vivais dans une ville Moldue. » grommela-t-il. Son regard gris passa du jean noir déplié devant elle à ses jambes, particulièrement à celle qu'il avait étalé parce qu'être assis par terre n'était plus de son âge et n'était pas au goût de sa jambe raide. « N'y pense même pas. Je ne dois plus y rentrer. »
« Serré, c'est bien aussi. » commenta-t-elle, avec un clin d'œil. Mais elle inspecta le jean avec une tout autre idée en tête. « Je dois y rentrer, moi. »
Et sans plus de tergiversations, après avoir jeté un coup d'œil pour s'être assuré qu'Harry n'allait pas revenir sans prévenir, elle se leva et échangea son propre jean pour celui qui avait dormi dans une malle pendant près de vingt ans et était extrêmement raidi par les années. Il lui était un peu large mais elle gigota un peu et s'estima satisfaite.
« C'est vrai que tu manques de vêtements. » remarqua-t-il, pince-sans-rire. « N'oublie pas de ranger tes derniers achats… »
Le regard noir qu'elle lui jeta manquait singulièrement d'hostilité.
« Pour ta gouverne, j'ai acheté une robe et deux ou trois petits trucs qui te plairaient probablement beaucoup. » lâcha-t-elle. « Mais continue comme ça et tu n'en verras jamais la couleur. »
Il se tut sagement parce qu'il savait parfois ce qui était bon pour lui.
Elle se rassit pour inspecter les autres vêtements, apparemment fascinée par cette partie de sa vie qui était loin derrière lui. Il était amusé de la voir mettre systématiquement de côté tout tee-shirt – usé ou non – avec un logo d'un groupe de rock quelconque – visiblement, c'était vintage et il ne savait pas s'il devait mal le prendre ou pas.
« Je n'arrive pas à t'imaginer avec ces vêtements sur le dos. » admit-elle. « Tu es trop… »
« Austère ? » suggéra-t-il, lorsque sa phrase resta en suspens.
« Classe. » corrigea-t-elle. « Tu… » Mais elle s'interrompit parce qu'elle venait d'atteindre la dernière couche de vêtements et ce qu'il y avait dessous la fit glapir avec un mélange d'excitation et d'indignation. « Oh, non, non, non… Ça, c'est un crime ! C'est un motif de rupture ! »
Elle sortit les quelques trente-trois tours et les quarante-cinq tours qui avaient vécu des jours meilleurs avec la même délicatesse avec laquelle Hagrid aurait touché un animal blessé. Certains avaient glissé de leurs pochettes et étaient probablement rayés. Il toucha celle d'Angie et se rappela brusquement pourquoi il avait tout rangé là sans plus jamais les regarder.
La plupart de ces albums, il avait passé des heures à les écouter avec Lily, sur le tourne-disque du salon des Evans. Certains d'entre eux devaient être à elle. Parfois ils réunissaient l'argent qu'ils se débrouillaient pour trouver pour en acheter un autre… Pas souvent, quand il parvenait à économiser ou gagner trois sous, il préférait généralement acheter des livres mais il avait aussi eu un goût certain pour la musique, particulièrement l'été.
Il avait oublié.
Ces dernières années, s'il écoutait de la musique, c'était plutôt lors de ses rares visites à Spinner's End et à la radio.
« Bonne nouvelle. » déclara Nymphadora, sans sembler s'être aperçue de son trouble. « On a tellement de doubles qu'on est sûrement fait l'un pour l'autre. »
Severus l'observa étudier les disques, absolument fascinée par sa tâche, et il se prit à sourire. Il aimait cette facette d'elle qu'il n'avait pas eu l'occasion de voir souvent. Ils avaient eu suffisamment de conversations passionnées sur le sujet pour qu'il sache parfaitement à quel point elle aimait le rock mais il avait rarement eu l'occasion de le voir. Ses cheveux étaient roses et un sourire distrait étirait ses lèvres.
« Quel soulagement. » se moqua-t-il gentiment.
Elle tourna la tête juste assez longtemps pour une grimace espiègle puis retourna à son inspection.
Severus, lui, se pencha sur ce qu'il restait dans la malle, fouillant dans le désordre de papiers et de choses inutiles qu'il aurait vraiment dû jeter à l'époque, sans trop savoir ce qu'il cherchait…
Puis il mit accidentellement la main sur une boîte de papier à cigarettes cabossée et dont le métal avait rouillé. Il y avait eu un dessin dessus autrefois mais la peinture avait fané.
« Dora ? » appela Harry du salon. « Je peux mettre un autre disque ? »
« Bien sûr ! » répondit-elle, en élevant la voix pour qu'il l'entende.
Une musique plus familière, plus classique envahit les appartements. Ce fut au son de Queen qu'il ouvrit la boîte, ce qui était un peu étrange, comme un retour dans le passé. L'alliance était ternie et à peu près aussi cabossée que la boîte dans laquelle il l'avait rangée à l'époque, comme une métaphore parfaite de ce qu'avait été le mariage de ses parents.
Tobias avait vendu la sienne bien avant qu'Eileen ne meure.
Elle avait toujours refusé de se séparer de sa bague.
Il se souvenait de disputes terribles où son père la lui arrachait parfois de force pour mieux la mettre en gage. Elle se débrouillait toujours pour la récupérer.
Severus n'avait jamais compris pourquoi.
Si ça avait été lui…
« Ça va ? » demanda doucement Nymphadora, délaissant les disques pour poser une main sur sa cuisse avec un air soucieux.
C'était si loin derrière lui, tout ça. Et pourtant, plus il contemplait cette vieille alliance sans grande valeur, plus sa gorge se nouait.
Pour la première fois, il se laissa aller à se demander ce qu'Eileen aurait pensé de sa vie actuelle, de la famille qu'il s'était construite. Aurait-elle était fière ? Heureuse pour lui ? Inquiète qu'il marche un jour sur les traces de Tobias ?
D'un pouce tremblant, il caressa le métal terni. « Je ne veux jamais de ce genre de mariage. »
La jeune femme se tourna complètement vers lui, assise en tailleur, et lui prit gentiment l'alliance des mains pour l'inspecter. Elle ne pouvait pas y voir ce que lui y voyait. Elle ne pouvait pas lire les coups dans chaque déformation du métal, le malheur dans chaque égratignure…
« Tu n'es pas ton père. » déclara-t-elle finalement, en la lui rendant. « Tu ne seras jamais ton père. »
« Je sais. » murmura-t-il. Et, pour la première fois peut-être, il en était entièrement convaincu.
Il était peut-être de nature colérique, il pouvait sans doute être trop violent, mais il ne lèverait jamais la main sur les gens qu'il aimait. Il était trop obnubilé par le besoin de les protéger.
Les yeux gris l'étudiaient et il les soutint sans hésitation, regrettant ces derniers jours de tension qui étaient largement de son fait. Elle était très patiente avec lui, peut-être même trop.
Mais une chose qu'il appréciait était que, au-delà des disputes ou chamailleries, elle lui fasse toujours comprendre qu'elle ne comptait pas partir, qu'elle était décidée à rester et à se battre pour eux, à trouver des solutions si nécessaire là où Severus avait tendance à se paralyser de terreur.
Il n'avait pas la sensation de lui donner autant qu'il en recevait.
Il lui caressa la joue et un de ces sourires tendres étira les lèvres de la jeune femme, un de ceux qu'elle ne réservait qu'à lui, un de ceux qui faisaient battre son cœur plus vite et plus fort comme s'il avait vingt ans de moins.
« Nymphadora… » hésita-t-il, avec l'impression de se tenir tout au bord du parapet de la tour d'Astronomie, sur la pointe des pieds. « Voudrais-tu… Voudrais-tu… »
Il se racla la gorge.
Heureusement pour lui, elle était toujours très douée pour comprendre ce qu'il ne parvenait pas à dire à haute voix.
« Entre deux loups-garous et trois Inféris ? » plaisanta-t-elle. « Demande-moi après la guerre, Severus. Qu'on gagne ou qu'on perde, ma réponse sera oui. Mais pas maintenant, pas ici, pas à la va-vite parce qu'on a peur de ne pas vivre assez longtemps pour le faire plus tard. »
Il repensa à la conversation qu'ils avaient eue sur un possible lieu où vivre, sur son besoin d'avoir des projets qui lui donnent envie de se battre…
« Je t'aime. » offrit-il. Les mots devenaient plus faciles à chaque fois qu'il les prononçait, même s'il ressentait toujours la même gêne pudique.
« Moi aussi, je t'aime. » répondit-elle, avec un grand sourire. Elle passa à genoux pour mieux se rapprocher de lui, pour passer les bras autour de son cou. « Et c'est parce que je t'aime que je veux faire les choses pour les bonnes raisons. » Elle haussa les épaules. « Je le ferai tout de suite, si tu y tiens vraiment. Parce que je suis sûre que je veux passer ma vie avec toi. Mais… »
« Mais tu veux un vrai mariage. » comprit-il. « Pas une cérémonie rapide en uniforme d'Auror. »
Elle grimaça, un peu embarrassée. « C'est bête ? Parce que j'ai conscience que ça a l'air très superficiel… »
« Non. » promit-il.
« C'est juste que… » hésita-t-elle. « Si je me marie, Charlie doit être mon témoin ou, au moins, être en état d'être là. Et j'avoue que j'aimerais bien une robe. Et j'aimerais être sûre de ne pas devoir aller me battre cinq minutes après ou d'être interrompue en plein milieu. Je veux une petite fête avec nos amis et nos familles, rien de gigantesque mais quelque chose de sympa. Et je veux danser avec toi. Et mon père. Je veux que ce soit une vraie célébration, pas un moment volé entre deux batailles. »
Et ils ne pouvaient avoir qu'un quart de tout ça, présentement.
« Dans ce cas, c'est ce que nous ferons. » décréta-t-il, en la serrant contre lui.
« Tu es sûr ? » insista-t-elle. « Parce que je ne dis pas non. Si c'est important pour toi… »
« C'est toi qui est importante pour moi. » la coupa-t-il. « Et c'est une autre bonne raison de gagner cette guerre. » Il déposa un baiser léger sur ses lèvres. « Je n'ai pas besoin d'une alliance pour savoir ce que tu représentes pour moi ou à quel point je tiens à toi. »
« Exactement. » murmura-t-elle contre sa bouche. « Ça peut attendre. D'abord, on sauve Harry. Ensuite, on tue V… Tu-sais-qui. Après, on part en vacances. Et quand on revient… »
« Nous achetons une maison. » intervint-il.
« Nous achetons une maison dans un quartier pas trop huppé. » approuva-t-elle, avec un regard amusé. « Et puis on se marie. Si Harry veut bien me donner ta main. »
« Pour ce que cela vaut, ton père m'a donné la tienne. » répondit-il.
Il ne fut pas très surpris qu'elle lève les yeux au ciel. « On ne va pas leur dire tout de suite parce que si ma mère ou Tante Cissy apprennent qu'on est plus ou moins fiancés, on en entendra parler jusqu'à ce qu'on soit vraiment mariés et ça va devenir pénible très, très vite. »
« Adjugé. » acquiesça-t-il très sérieusement. Il n'avait guère envie de subir les manigances de Narcissa et il n'y avait rien qu'elle n'aimait autant que d'organiser un grand événement mondain – ce que son mariage ne serait pas. « À quel moment remettons-nous le Ministère sur pied pour nous assurer que le pays restera une démocratie ? »
Elle émit un bruit amusé à sa plaisanterie qui n'en était pas tout à fait une. « Tu sais quoi ? Les autres peuvent faire quelque chose, pour une fois. On passera notre tour. »
Elle n'y croyait pas cinq minutes et lui non plus.
Néanmoins, cela ne l'empêcha pas d'hocher très sérieusement la tête.
Et de lui rendre son baiser lorsqu'elle se pencha pour l'embrasser.
Ses lèvres avaient le goût du bonheur.
