Un des plus longs chapitres de la fic! J'allais dire on reprend en douceur mais... Pas sûre que ce soit très doux ;) J'espère que ça vous a plus! N'hésitez pas à me le dire en commentaire!
Enjoy & Review!
« Here's the thing about broken trust: it doesn't matter what happens the next day, the next month, or even seven years later. Every little breach from the moment of the first break feels bigger than the last. It's a virus that lays dormant, waiting to flare up again. »
Talk Flirty To Me – Livy Hart
« Le truc, lorsque quelqu'un brise notre confiance, c'est que ça ne compte pas ce qu'il se passe le lendemain, le mois d'après ou même sept ans plus tard. Chaque petite fissure depuis le moment de rupture semble plus grosse que la précédente. C'est un virus qui reste endormi, attendant d'exploser à nouveau. »
Talk Flirty To Me – Livy Hart
Chapitre 73 : Broken Trust
« Vous fredonnez, mon garçon. » remarqua Slughorn, avec un amusement manifeste.
Severus n'en avait pas eu conscience et cessa immédiatement la chose, se concentrant à nouveau sur le chaudron en face de lui qui bouillonnait faiblement. La potion était parfaite ou, du moins, aussi parfaite qu'ils l'imaginaient. La consistance était bonne, la couleur adéquate…
« Vous semblez de bien bonne humeur ces derniers jours… » insista son ancien Professeur, incapable de s'empêcher d'aller à la pêche aux informations.
« Rassurez-vous, cela ne va pas durer. » marmonna-t-il. « Mettons-la en fioles. Le cobaye ne va plus tarder. Je vais m'occuper de la cage. »
« Allons, Severus. » le rabroua Horace.
Il choisit de l'ignorer pour aller vérifier, une nouvelle fois, que la cage qu'ils avaient installée dans un coin du laboratoire tiendrait bon même face à un loup-garou. Les barreaux ainsi que la porte, non content d'être en argent, avaient été renforcés par plusieurs sortilèges et étaient censés pouvoir résister à tout, Albus le lui avait assuré. Un paravent en tissu volé à l'infirmerie avait été placé sur le côté pour préserver la dignité du patient.
Même la perspective de se retrouver sous peu face à un loup-garou – en admettant que la potion fonctionne – ne parvint pas à entacher tout à fait sa bonne humeur. Était-ce ainsi que se sentaient en permanence les gens heureux ? Ce n'était pas si étonnant qu'ils préfèrent le rester. Severus se sentait même un petit peu optimiste.
Bill, Sirius, Albus et lui-même avaient eu, la veille au soir, une session de travail productive sur le rituel qui permettrait de déplacer l'horcruxe. Le Directeur avait fait des remarques pertinentes et Bill avait creusé plus loin sa réflexion sur les runes qu'ils avaient choisies… Le Briseur-de-Sorts continuait de penser que le sang était peut-être le problème, ce avec quoi Severus n'était pas loin d'être d'accord. Toutefois, il pensait aussi que son idée d'utiliser un objet ayant appartenu au Seigneur des Ténèbres pour le transfert était la bonne. Albus avait promis de lui en fournir un.
Nymphadora était toujours en train de rattraper leurs recherches et découvertes autant que son emploi du temps le lui permettait, mais, à sa demande, elle se focalisait davantage sur le passé du Seigneur des Ténèbres et sur les localisations possibles des horcruxes restants. Le rapport sur sa jeunesse qu'elle lui avait fourni n'était qu'un récapitulatif de ses recherches, organisé et ciblé. Elle avait gardé un carton chez elle avec tous les éléments qu'elle n'avait pas jugé pertinents ou qui ne rentraient pas forcément dans le cadre de ce que lui avait demandé Severus. Le carton était maintenant caché au fond du placard, derrière sa vieille malle, là où même Kreattur n'irait pas le chercher.
Severus avait la sensation d'enfin avancer un petit peu. Cesser de se cacher autant, d'Albus et d'elle, était déjà un bon pas en avant.
Et puis… S'il était de si bonne humeur, c'était peut-être, aussi, qu'il était impossible de ne pas se laisser contaminer par la vie qui animait désormais ses appartements. Leurs appartements. Il n'avait pas mesuré à quel point Nymphadora faisait des efforts pour minimiser l'impact de sa présence avant qu'elle ne s'installe pour de bon. À présent, il y avait de la musique plus souvent qu'à son tour, en sourdine ou à plein volume, du rock ou des mélodies plus douces. Son salon était envahi d'affaires qui n'étaient pas à lui. Elle s'était appropriée un des fauteuils en cuir usé près des étagères et avait improvisé une petite table de travail à côté, bien qu'il lui ait offert l'accès à son bureau. Harry avait calé ses propres livres au milieu des siens ce qui donnait un aspect original à ses étagères… Plus que cela, Nymphadora était d'un naturel joyeux qui faisait rire Harry et semblait le tirer de ses idées noires qui persistaient. Quant à lui, il appréciait les baisers volés dans le dos de l'adolescent et la certitude simple que, contre vents et marées, ils finiraient leurs vies ensemble.
Il lui arrivait encore de douter, parfois, de laisser ses angoisses l'étouffer, de regretter son refuge calme et tranquille, mais cela passait vite en général.
Un sourire de sa part et il se sentait fondre à l'intérieur.
Non pas qu'il allait en confier autant à qui que ce soit et surtout pas à Slughorn.
Il avait une réputation à préserver.
« La couleur est excellente. » décréta Horace, en levant une des fioles à la lumière des torches. La potion n'avait pas vraiment besoin d'être éclairée, elle luisait d'une lueur douce qui rappelait le clair de lune.
« Le Crève-Lupin devrait fonctionner. » confirma Severus. « Le problème sera surtout d'ajuster les dosages pour s'assurer que la transformation dure suffisamment dans le temps. »
Slughorn sursauta légèrement et abaissa la fiole pour lui jeter un regard réprobateur quoi que diverti. « Le Crève-Lupin ? »
« Il faut un nom à cette potion, Horace. » répondit-il, d'un ton tout à fait innocent. « Nous ne pouvons pas continuer à nous y référer comme à la version modifiée de la potion Révèle-Loup. Cela prête à confusion. »
« Certes, certes… » remarqua son ancien Directeur de Maison, en le dévisageant. « Cependant… Crève-Lupin, Severus ? Je vous ai connu plus subtil. »
« Lupin. Relatif au loup. » récita-t-il la définition, d'un ton neutre. « Tout autre coïncidence est fortuite. »
« Tout à fait, j'en suis certain. » acquiesça Horace, les yeux brillants. « Toutefois… Le but n'est pas de crever le loup, si vous me pardonnez ce langage, mais de le libérer. »
« Sauf si la quantité de belladone est trop forte… » se prit-il à rêver à voix haute.
Un accident était si vite arrivé…
« Severus. » gronda gentiment Horace, riant à moitié.
« Très bien, très bien. » grommela-t-il. « Avez-vous une meilleure idée de nom, dans ce cas ? »
« Je pensais à Éclat-de-Lune. » proposa l'autre Maître des Potions.
Severus émit un bruit dégoûté. « Est-ce une potion ou un parfum pour dames ? C'est bien trop… romantique pour l'usage que nous comptons en faire. »
« Il est certain que Crève-Lupin est bien plus imagé. » ironisa son ancien Professeur. « Puis-je m'enquérir de ce que ce pauvre Remus vous a fait ? Parce que, de mon point de vue, il a davantage de raisons de vous en vouloir que l'inverse. C'est vous que la demoiselle a choisi, après tout, me semble-t-il. »
L'ancien espion s'occupa en remettant un peu d'ordre dans le laboratoire mais s'autorisa un regard noir en direction de l'autre sorcier. « Vous ne savez pas de quoi vous parlez. »
Horace s'accouda au plan de travail pour mieux l'observer. « Je sais que lorsqu'elle était mourante et que Remus, complètement bouleversé, lui promettait qu'il était près d'elle et comptait y rester, c'est votre nom qu'elle a prononcé, ce qui était légèrement gênant. Du moins, pour nous. Ce pauvre garçon, lui, avait l'air complètement effondré. »
Il en éprouva plus de satisfaction que de compassion et refusa de s'en excuser.
« Et pourtant il a toujours du mal à comprendre. » grinça-t-il.
« Ah. » lâcha Horace, avec un intérêt manifeste. « Persiste-t-il à courtiser votre chère et tendre ? »
« Ma chère et… » voulut cingler Severus avant de se reprendre in extremis. Horace avait le don de vous pousser à en dire davantage que vous ne le désiriez, particulièrement après des heures passées à travailler. « Je ne crois pas que cela vous regarde. »
Se sachant battu, Slughorn haussa les épaules. « Je dis simplement que vous avez gagné, mon garçon. Est-il véritablement utile de l'accabler ? »
Il était loin de l'accabler.
Il aurait pu l'accabler bien davantage.
Il tapota la canne contre le sol, rêvant à ce qu'il aurait pu faire du poinçon à l'autre bout si on l'avait laissé faire.
Il ne pardonnerait jamais à Lupin.
Pas pour la manière dont Nymphadora s'était pressée contre lui avec terreur le jour où elle avait été grièvement blessée et que le loup avait refusé de les laisser quitter le Square Grimmaurd, et certainement pas pour le baiser qu'il avait tenté de lui voler. Et si, encore, ça n'avait été que ça. Mais il lui avait fait mal, il avait été agressif, il lui avait fait peur. Il l'avait rabaissée et avait appuyé là où ça faisait mal pour le simple plaisir de la faire réagir. Et tout ça, Severus refusait de l'accepter ou de le comprendre.
Les choses étaient très claires pour lui et le comportement de Lupin était plus qu'alarmant.
Seulement, ça, la plupart des gens ne s'en rendaient pas compte.
Certains avaient même tendance à le considérer comme un héros.
Lui-même se considérait comme un héros.
Et l'hypocrisie de la chose rendait Severus complètement fou de rage.
Quand il pensait au fait que cet abruti osait parler d'elle en des termes dégradants…
« Méfiez-vous de lui. » avertit-il. « Il cache bien son jeu. »
Il était évident qu'Horace croyait au discours d'un amoureux jaloux et ne prit pas la chose au sérieux.
Tant pis pour lui.
Severus l'aurait prévenu.
°O°O°O°O°
« Je ne trouve pas que ce soit une bonne idée. » insista Laura, alors qu'ils descendaient l'escalier qui menait aux cachots.
Remus lui jeta un regard affectueux. « C'est à moi de le faire. »
La jeune femme pinça les lèvres. « Tristan aurait fait un bon cobaye. Ou Vesper. »
Tristan et Vesper n'étaient pas des plus faciles à vivre, surtout dans un cottage où l'espace manquait et où ils se marchaient tous sur les pieds. Toutefois, outre le fait qu'il était l'Alpha et qu'il n'exposerait aucun membre de sa meute à une substance dont il n'était pas à cent pour cent certain, il préférait garder un voile de mystère sur l'équivalent de la potion des Mangemorts.
Il répondait de ses loups. Il avait appris à les connaître, ces derniers jours, les avait menés tour à tour ou en petit groupe dans des missions de reconnaissance et d'espionnage autour de la meute de Greyback. Il était raisonnablement certain qu'aucun d'eux n'essaierait de retourner vers l'autre Alpha.
Le seul qui serait susceptible de lui faire faux bond était Nicolas et c'était un pauvre Moldu qui s'était retrouvé parachuté au milieu d'un conflit qu'il ne comprenait pas. Pour lui, c'était un cauchemar qui n'en finissait pas et il voulait retourner chez lui retrouver sa famille. La seule chose qui le retenait était la certitude que, la pleine lune venue, il était susceptible de les massacrer.
« Tu as pu approcher les loups à l'infirmerie ? » demanda-t-il.
Les membres de l'Ordre qui avaient été mordus durant la dernière pleine lune ne l'avait toujours pas contacté.
Laura hésita. « Kalan vient d'une famille plutôt traditionnelle. Il a beaucoup de préjugés sur les loups-garous et ne le vit pas bien. Je pense qu'une approche en douceur s'impose. Quant à Edward, il est plus ouvert. Tu devrais aller lui parler avant de repartir. »
« Je le ferai. » promit-il. « Excellent travail, Laura. »
Ils arrivaient en vue d'une sentinelle Auror que la jeune femme n'aurait pas le droit de dépasser. Les geôles n'étaient pas loin et l'accès à cette partie des cachots était restreinte.
Elle passa une main le long de son bras. « Sois prudent, d'accord ? Tu ne cesses de me dire qu'on ne peut pas faire confiance à Snape… »
« Ce n'est pas Snape qui m'achèvera, ne t'inquiète pas. » la tranquillisa-t-il, avant de presser un baiser sur son front. « À tout à l'heure. »
Il la laissa là, espérant avoir l'air moins nerveux qu'il ne l'était en réalité.
Il ne craignait pas Snape mais boire une potion qu'il avait créée, étant donné leur passif, ne semblait pas extrêmement malin, Laura n'avait pas tort. Et ce n'était pas comme s'il avait beaucoup plus confiance en Slughorn. La seule chose qui l'avait poussé à accepter de jouer les cobayes, outre le fait qu'il était hors de question de risquer un de ses loups – et plusieurs avaient proposé – c'était la certitude que s'il mourrait aujourd'hui, Albus demanderait des comptes aux Maîtres des Potions. Même Snape n'était pas assez stupide pour l'assassiner ainsi. Sa position ne lui donnait pas toute impunité.
Il suivit les instructions qu'on lui avait données jusqu'au laboratoire personnel du Directeur de Serpentard – qui était à peu près au fin fond des cachots – et frappa à la porte.
Parce que Snape était Snape et aimait ses effets de manche, il dut patienter plusieurs minutes avant que la porte ne s'ouvre et plusieurs autres tandis que le sorcier en question faisait tout un spectacle de modifier les protections gargantuesques sur les lieux pour le laisser entrer.
Remus fit l'effort de le saluer d'un hochement de tête minime que l'ancien Mangemort ne lui rendit pas. Slughorn fut plus accueillant, le saluant avec un grand sourire et une tonne de questions apparemment innocentes sur sa meute qui cachaient mal sa curiosité maladive.
Toutefois, Remus se figea en avisant la cage dans le coin.
« Tu n'as pas dit que tu comptais m'enfermer. » siffla-t-il, en faisant volte face pour défier Snape du regard.
L'autre homme ferma la porte calmement, un sourcil levé. « Parce que cela coulait de source, Lupin. »
« Je pensais que vous aviez développé cette version avec la potion Révèle-Loup pour base. » insista-t-il. « Lunard se contrôle. Il ne sera un danger pour personne. »
Snape émit un bruit amèrement amusé. « Tu as maintes fois prouvé à quel point ce n'était pas vrai. » Avant que Remus n'ait pu répliquer, il leva la main pour le faire taire. « Et quand bien même. Nous devons être certain que la potion fonctionne correctement. S'il y a la moindre erreur, le loup pourrait être aux commandes. Et s'il n'y a pas d'erreur… Penses-tu sincèrement que je ferais confiance à Lunard pour ne pas me sauter à la gorge ? »
« Je te sauterais à la gorge immédiatement, si je le pouvais. » menaça-t-il.
« C'est bien ce que je dis. » ironisa le Maître des Potions. « Je te préfère dans ta cage, comme un bon petit loup. »
« Parce que tu as peur de nous. » se moqua Lunard. « Et tu fais bien. »
« Parce que tu n'es qu'un animal et que c'est là ta place. » rétorqua Snape.
« Severus. » gronda Slughorn, avant de soupirer. « Excusez-le, Remus. »
« Il y a bien trop de choses dont il devrait s'excuser. » commenta-t-il, en se détournant de l'ancien espion pour s'intéresser aux fioles alignées sur une des tables de travail. « C'est la potion ? »
Elle luisait d'un éclat argenté qui lui rappelait la lune.
Il se souvenait encore de l'effet que lui avait fait la potion volée aux loups de Greyback, l'attirance irrépressible qu'il avait éprouvée pour elle… Celle-ci ne lui faisait pas la même chose. Il ne ressentait pas le besoin impérieux de la boire. Mais elle le fascinait néanmoins.
La lune était bel et bien présente dans ce flacon et elle murmurait de douces promesses à son oreille…
« Nous avons plusieurs prototypes de la potion Crève-Lu… » commença Snape, uniquement pour être interrompu par une quinte de toux appuyée de Slughorn. Le sorcier soupira avec irritation puis se reprit. « Éclat-de-Lune. »
« C'est un bon nom pour la potion. » approuva Remus, dans un murmure, incapable de lâcher les fioles du regard.
En lui, le loup s'était dressé, aux aguets, sachant que bientôt il aurait le droit de sortir.
« Ah ! » triompha l'ancien Directeur de Serpentard, avec bonne humeur.
Snape leva les yeux au ciel et continua. « Le but de la séance d'aujourd'hui est déjà de vérifier que la transformation a bien lieu et que tu as toujours une certaine conscience humaine. »
« Hybride. » corrigea-t-il. « Une harmonie entre Remus et le loup. »
Les deux Maîtres des Potions échangèrent un regard, sans doute parce qu'il venait de parler de lui à la troisième personne. C'était pourtant la réalité des faits. Lunard était l'alliance d'eux deux.
« Soit. » concéda Snape. « Un hybride. C'est le but premier. Nous ne sommes pas certain de combien de temps la transformation durera pour l'instant. Nous avons différents prototypes. Dans un second temps, nous souhaiterions mesurer la durée de la transformation en fonction des différents dosages. Et, bien sûr, plus tard, il sera nécessaire de la tester sur d'autres loups. »
« Si tout se passe bien aujourd'hui et que je suis satisfait. » répondit Remus. « Je ne mettrais pas ma meute en danger. »
À nouveau, Snape leva les yeux au ciel.
Slughorn, pour sa part, se racla la gorge. « Nous savons que la transformation est douloureuse et il n'est pas dans notre intérêt de vous blesser, Remus. Le test de la durée de la transformation avec les différents prototypes peut attendre un autre jour. Si une seule transformation est tout ce que vous pouvez supporter aujourd'hui, nous pouvons tout à fait faire le reste plus tard. »
L'autre Maître des Potions n'était visiblement pas d'accord avec ça. Pourtant il ne commenta pas.
Il pénétra dans la cage mais ne s'embarrassa pas du paravent pour se déshabiller. Ils étaient entre hommes, après tout, et ils allaient vouloir observer la transformation de toute manière. Il y avait peu d'intérêt à la pudeur.
Ce fut Slughorn qui lui passa la fiole entre les barreaux.
Snape, fut-il heureux de constater, resta bien en retrait derrière la table de travail sous prétexte de prendre des notes avec sa dictaplume – hors de portée de patte.
Il leva la fiole de potion dans un toast ironique vers le Maître des Potions avant d'en avaler le contenu cul sec.
L'espace d'une seconde, il ne se passa rien.
Puis il sentit la douleur familière le cueillir.
La transformation n'était pas naturelle et, tout du long, son cerveau lui hurla que quelque chose n'allait pas, qu'il y avait un problème, qu'il allait en mourir… La douleur était une inquiétude secondaire face à cette certitude.
La lune n'était pas pleine.
La potion n'était qu'un substitut.
La transformation était trop longue.
Une agonie.
Mais, enfin, Lunard fut libre de hurler à la lune.
Il s'ébroua, à l'étroit dans cette cage dont les barreaux l'auraient brûlé, et observa les deux hommes qui le gardaient prisonniers par crainte. L'autre avait raison d'avoir peur de lui. Lunard n'était pas certain qu'il aurait résisté à l'envie de l'attaquer.
La réaction du loup était viscérale et à peine tempérée par ce que savait l'humain qui ne l'aimait déjà pas beaucoup.
Sous une forme ou une autre, il restait Lunard.
Il eut à peine le temps de s'étirer que la douleur revint, vive et encore plus profonde.
La transformation reprit dans l'autre sens.
°O°O°O°O°
Nymphadora fit un effort certain pour ne pas dire à Fleur le fond de sa pensée et laissa la jeune femme partir avant d'entrer dans la chambre de Charlie. Les Weasley avaient besoin de toutes les bonnes volontés, surtout depuis que Bill travaillait à plein temps pour Severus, que Molly avait été recrutée par Minerva pour la seconder et que les jumeaux suivaient les sessions d'entraînement de Sirius. Fleur, toutefois, n'était visiblement pas à son aise à jouer les garde-malades et l'Auror ne lui faisait pas tout à fait confiance pour le faire correctement.
De fait, elle trouva Charlie debout, ce qui était un développement récent et bienvenu, mais appuyé contre le chambranle de la fenêtre à regarder dehors d'un air lointain. Qu'il ne se confine plus à son lit était une bonne chose mais cela signifiait aussi qu'ils devaient tous être d'autant plus vigilants.
Il n'avait plus tenté de se faire du mal depuis cette unique et horrible fois mais cela ne voulait pas dire qu'il avait oublié cette idée. Il pouvait très bien ronger son frein en attendant une meilleure opportunité.
« Hey ! » lança-t-elle joyeusement.
Il tressaillit mais ne lui répondit pas, même lorsqu'elle vint s'appuyer de l'autre côté de la fenêtre. La vue partielle du parc n'était pas si fascinante que ça.
« Comment ça va, aujourd'hui ? » demanda-t-elle.
Certains jours, il refusait d'ouvrir la bouche. D'autres, elle arrivait à lui arracher quelques phrases.
Lentement, très lentement, les yeux bleus dérivèrent du paysage vers elle.
L'Occlumencie lui permit de ne rien trahir d'à quel point elle détestait le voir dans un tel état. Ses yeux étaient comme morts, son visage d'ordinaire si expressif était aussi lisse que s'il était devenu Maître Occlumens et le désespoir lui collait tellement à la peau que, plus d'une fois, elle avait secrètement pensé aux Détraqueurs et à leurs effets sur les gens. Pouvait-on avoir un Détraqueur imaginaire dans un coin de sa tête? Elle imaginait que c'était ce que Charlie ressentait.
« Est-ce que je vais aller à Azkaban avec lui, Tonks ? » murmura-t-il.
Pas de banalités d'usage aujourd'hui, donc. Pas de bonjour, pas de mensonges sur le fait que ça allait, pas de semi-conversation qui tournerait vite en rond.
C'était un de ces jours où il voulait parler des choses difficiles.
Sa mère disait que c'était positif, que cela prouvait qu'il voulait affronter ses démons… Nymphadora savait dans quel état ce genre de conversations le laissait et détestait les avoir. Une fois sur trois, il hurlait qu'il l'avait assassinée – faux, comme sa présence l'attestait mais il se perdait dans ses délires – et une fois sur deux, il finissait par la supplier de le pardonner. À chaque fois, il pleurait.
Ce qui lui donnait envie de pleurer à elle aussi.
Et ce n'était pas comme si elle pouvait se le permettre ce jour-là, pas avec Severus occupé avec Slughorn et Remus dans les cachots. Elle ne pouvait pas exactement l'interrompre pour lui demander un câlin réconfortant.
« Bien sûr que non. » répondit-elle doucement, en attrapant sa main pour la serrer.
« Je devrais. » contra-t-il. « J'ai tué des gens. »
« Contraint et forcé, Charlie. » lui rappela-t-elle.
« Quelle différence ? » Il haussa les épaules. « C'est pour ça qu'ils m'ont enfermé ici. »
Elle fronça les sourcils et serra sa main à nouveau. « Tu es ici parce qu'il faut que tu te remettes. Tu n'es pas prisonnier. »
Il ricana et, pour la première fois, elle vit l'ombre de l'ancien Charlie dans ses yeux. « Je n'ai pas le droit de sortir. Ce n'est pas la définition d'un prisonnier ? »
Elle faillit lui rappeler que c'était pour son bien puis laissa son regard parcourir la petite chambre d'infirmerie stérile et dénuée de toute décoration. Il fallait admettre que ce n'était pas exactement chaleureux.
« Tu voudrais sortir ? » hésita-t-elle. « Faire une promenade ? »
Il secoua la tête et appuya son front contre la vitre, résigné. « Je veux juste sentir le soleil… »
Le soleil était voilé par une bonne dose de nuages, ce jour-là, et le vent était frais mais elle comprenait l'intention. Cela faisait des semaines qu'il était enfermé ici et elle savait de source sûre que la fenêtre était enchantée pour rester fermée en toutes circonstances. Au cas où.
Elle n'hésita pas beaucoup plus longtemps. « Allons-y. »
Ça attira l'attention de son meilleur ami qui tourna la tête pour la dévisager à nouveau avec un mélange d'espoir et de méfiance. « Ta mère ne sera jamais d'accord. »
« Ma mère n'a pas besoin de le savoir. » décréta-t-elle. « Je peux tromper tous ses sorts d'alarme et je peux te faire sortir de l'infirmerie discrètement. » Elle laisserait un mot derrière elle pour que personne ne s'inquiète au cas où un Weasley découvrirait la chambre vide. « Mais, Charlie… Tu dois me promettre que tu ne feras rien… d'inconsidéré. Ou de dangereux. Parce que s'il t'arrive quelque chose, ce sera ma faute et je ne pourrais jamais vivre avec ça sur la conscience. Ne me fais pas un truc comme ça. »
Il savait très bien à quoi elle faisait allusion et il n'essaya pas de nier.
Au lieu de ça, il attrapa ses épaules, l'espoir l'emportant sur la méfiance sur son visage.
« Oui. » jura-t-il. « Oui, tout ce que tu veux. Juste… Sors-moi d'ici. Sors-moi d'ici, ma nymphe, s'il te plaît. »
Elle allait le regretter, sans doute.
Le sermon que lui passerait sa mère, entre autres, serait carabiné.
Mais cela en vaudrait la peine si la lueur qui s'était allumée dans les yeux de Charlie persistait.
« Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas fait le mur. » plaisanta-t-elle. « Ça nous rappellera le bon vieux temps. »
Le sourire de son meilleur ami était hésitant et elle n'était pas sûre qu'elle devait le croire tout à fait mais elle était incapable d'y résister.
« Oui… » murmura-t-il. « Le bon vieux temps. »
°O°O°O°O°
Narcissa accepta la tasse de tisane et remercia la jeune fille d'un sourire.
« Tu n'es pas obligée de me servir ainsi. » lui rappela-t-elle. « Nous avons des elfes de maison pour cela. »
Luna lui rendit un sourire rêveur mais haussa les épaules. « Monsieur Kreattur est si occupé… »
Monsieur Kreattur manquait faire une attaque à chaque fois que l'adolescente s'adressait à lui de cette façon mais semblait s'être fait une raison. Luna était spéciale et c'était ainsi.
L'influence de Narcissa était, pourtant, déjà manifeste. Les cheveux emmêlés avaient laissé place à une tresse en épis nette qui lui tombait sur l'épaule et, si elle avait perdu la bataille des bijoux excentriques taillés à même des légumes, elle l'avait tout de même convaincue de porter des robes propres et repassées.
Du fauteuil dans lequel elle était installée, à côté du lit, Molly Weasley observait la chose avec un amusement teinté de suspicion. Comme si elle tentait de déterminer quel tour Narcissa essayait de jouer en prenant la jeune fille sous son aile. Les habitudes avaient la vie dure et elles avaient beau avoir conclu une trêve, principalement parce que leurs enfants étaient liés et que Draco souhaitait vraiment conserver l'alliance tacite avec les Weasley, la confiance était lente à se mettre en place.
Toutefois, la présence de Molly n'était pas aussi difficile à supporter qu'elle ne l'aurait cru et elle ne devait pas faire appel à autant d'hypocrisie qu'elle ne l'avait craint.
Elle et l'autre sorcière n'avaient pratiquement rien en commun, si ce n'était leur amour total et sincère pour leurs enfants et, pourtant, cela suffisait à les avoir rapprochées. Ça et le fait qu'elles étaient désormais veuves de l'amour de leur vie et qu'il n'y avait grand monde qui pouvait comprendre ce que cela faisait à une femme.
« Ne souhaitais-tu pas rejoindre Draco et Hermione dehors ? » s'enquit-elle, observant la jeune fille qui hésita visiblement.
« Je peux rester au cas où. » suggéra la Serdaigle. « Vous avez eu d'autres contractions ce matin. »
Ce qu'elle n'avait pas partagé avec Luna…
Mais la petite avait un véritable don pour deviner les choses.
« De légères contractions dont tu ne parleras pas à Draco. » corrigea Narcissa, notant le froncement de sourcils de Molly. « Andromeda me surveille, Kreattur est dans les parages et Mrs Weasley va rester un moment. Je ne suis pas sur le point d'accoucher, Luna. Et quand bien même serais-je sur le point d'accoucher, tu ne pourrais pas y faire grand-chose. »
Elle fit la remarque sans hostilité mais avec sérieux parce que la jeune fille avait eu tendance, ces derniers jours, à se prendre pour son infirmière.
De fait, elle battit des paupières, ses yeux bleus un peu trop pénétrants se posant sur elle. « Je n'ai jamais vu un être humain venir au monde… »
« Eh bien, ça attendra encore quelques années, parce que je ne compte pas me donner en spectacle. » décréta-t-elle, avant de soupirer. « Mais tu pourras le voir juste après, si tu le désires. »
« J'aimerais beaucoup ça ! » déclara la jeune fille, avec un entrain retrouvé. « C'est important de s'assurer que les joncheruines ne peuvent pas rentrer dans le cerveau d'un bébé. Quelqu'un aurait dû le faire pour Harry… »
Elle disait parfois les choses les plus étranges…
Narcissa se doutait qu'il y avait un sens caché à ses paroles parce que, contrairement aux apparences, elle était loin d'être folle mais en deviner la teneur était une autre paire de manches…
« Je suis sûre que tout se passera bien. » intervint Molly. « Et j'ai une petite expérience avec la grossesse, Lady Malfoy est entre des mains expertes. Va donc rejoindre les autres… »
La plaisanterie fit sourire Narcissa mais Luna la prit pour argent comptant et adressa un sourire franc à la sorcière. « Vous êtes gentille. C'est rare les gens aussi gentils. »
Et, sur ces paroles, elle quitta la chambre en sautillant, fredonnant un air guilleret comme si elle n'avait aucun souci.
Narcissa attendit d'entendre la porte d'entrer s'ouvrir et se refermer avant de soupirer. « Ne vous y trompez pas, elle cache bien son jeu mais elle est terriblement inquiète. » Elle posa la tasse de tisane sur la table de nuit pour mieux se redresser dans le lit. « Excusez-moi de vous recevoir ainsi… On m'interdit même le salon, à présent. »
Molly agita immédiatement la main. « Vous plaisantez, j'espère ? Si l'on vous dit de garder le lit, c'est pour une bonne raison et je ne me suis jamais préoccupée des formalités. Comment vous sentez-vous ? »
« Bien. » mentit-elle, uniquement pour se retrouver l'objet d'un sourcil levé inquisiteur. Elle soupira, prit une gorgée de tisane pour se donner contenance, puis avoua. « Il semble peu probable que j'arrive à terme. Mais je suis dans le huitième mois et Andromeda m'affirme que le bébé ne devrait pas avoir de séquelles s'il naissait bientôt. »
« Les jumeaux sont nés près d'un mois et demi avant terme. » confirma l'autre sorcière avec sympathie. « Les sortilèges que les Médicomages utilisent sont un peu impressionnants mais les bébés sont en parfaite sécurité. Ginny aussi était un peu en avance. Arthur était tellement paniqué… On pourrait croire qu'il aurait eu l'habitude mais… Chaque fois, c'était la même histoire. Il courait partout sans savoir quoi faire… Un véritable poulet sans tête… Et puis au moment clef, il se reprenait et devenait mon roc. »
La matriarche des Weasley s'interrompit, les yeux un peu brillants, le sourire sur ses lèvres était triste et sonnait faux.
« Lucius était fou de bonheur lorsque Draco est né. » offrit Narcissa, en baissant le regard sur sa tisane. « Il est traditionnel pour le futur Lord Malfoy d'attendre dans la pièce à côté. Du moins, c'était ce que qu'Abraxas disait… Lucius a refusé de lâcher ma main tout du long. Et, pourtant, j'ai bien cru qu'il allait tourner de l'œil à un moment… »
C'étaient des souvenirs précieux.
Des souvenirs que…
Elle ferma brièvement les yeux, sentant sa gorge se serrer. C'étaient les hormones, juste les hormones. Elle n'aurait jamais trahi autant de faiblesse devant quelqu'un d'autre autrement.
« Je ne vais pas commettre la bêtise de vous demander si vous avez réfléchi à votre accouchement parce que je sais que personne ne pourrait jamais le remplacer. » hésita Molly. « Mais… avez-vous demandé à quelqu'un d'être présent avec vous ? Je ne crois pas que vous devriez être seule. »
« Il y aura Andy, bien sûr. » répondit-elle. Elle tenait à ce que ce soit sa sœur qui mette le bébé au monde. « Et… Je suppose que Sirius se dévouera bien, le moment venu. »
La sorcière eut l'air amusé. « Êtes-vous certaine qu'il pourra le supporter ? »
Narcissa se dérida un peu, imaginant sans mal son cousin devenir livide avant même que quoi que ce soit ne se passe. « Eh bien… »
« Si vous avez besoin… » hésita Molly. « Appelez-moi. Je sais que nous ne sommes pas amies depuis très longtemps mais… Une fois que Sirius aura fait un malaise, vous aurez besoin de quelqu'un capable de garder la tête froide avec vous. »
Elle émit un bruit amusé mais ne nia pas que c'était probablement ce qui se passerait. Peut-être que Nymphadora offrirait de prendre le relais. Elle n'osait pas proposer à Draco. Il y avait des choses qu'il était trop jeune pour affronter et elle ne voulait pas lui imposer de sortir davantage de son rôle de grand frère qu'il ne serait déjà forcé de le faire en tant que Chef de famille.
Elle était étrangement touchée par la proposition, toutefois, et la remercia sincèrement bien qu'avec une légère réserve.
Amies.
Narcissa n'avait pas d'amies ou très peu. Elle avait des relations. Des connaissances.
« Avez-vous des nouvelles du Terrier ? » s'enquit-elle, ensuite, car c'était principalement pour ça qu'elle avait demandé à Sachi d'inviter la sorcière.
Les informations de Sirius venaient droit de Severus mais elle devinait que les Weasley gardaient un œil plus acéré sur la situation à Loutry Saint Chaspoule que leur gouvernement de fortune. Après tout, les familles magiques qui habitaient le village avaient toutes évacué, à l'exception de Xenophilius Lovegood qui était à l'abri derrière son Fidelitas. La situation n'était donc pas prioritaire.
« Quelqu'un a tenté d'en franchir les protections mais Bill n'a pas lésiné sur les sortilèges et, à priori, ils n'ont pas réussi à entrer sur la propriété. » offrit Molly. « Nous supposons qu'ils s'intéressent davantage à Xenophilius. »
Narcissa poussa un soupir. « Avez-vous lu le Chicaneur ? »
La matriarche des Weasley fit la grimace. « Je crains qu'il ne reste plus une seule âme dans le pays qui n'ait pas lu le Chicaneur. Si tôt après les révélations de Severus à la radio… »
« Oui. » acquiesça-t-elle. « Severus est hors de portée, ici, mais cet idiot de Lovegood est en plein milieu d'un banc de requins. Il refuse d'entendre raison, qui plus est. Nous lui avons offert de l'accueillir au Manoir où il pourrait continuer de travailler en paix. Il refuse de quitter sa maison. »
« C'était très généreux à vous. » commenta Molly.
Narcissa agita la main et termina sa tasse de tisane qui refroidissait. « C'est Luna qui me préoccupe. Elle l'a supplié de venir à Poudlard ou, au moins, d'accepter la proposition de Draco, savez-vous ? Cet égoïste a refusé. Elle dit qu'il a besoin de ça pour travailler en paix mais… » Elle expira lentement, sentant le bébé qui s'agitait à mesure qu'elle s'énervait. « Ne devrait-il pas faire passer sa fille avant son journal ridicule ? Il a signé son arrêt de mort avec cet article. Et pourquoi ? La plupart des Mangemorts du premier cercle savent déjà que le Seigneur des Ténèbres n'est pas un Sang-Pur. La petite histoire semi-tragique de son idiote de génitrice ne sert qu'à renforcer ses politiques anti-Moldues. Il se revendique l'héritier des Gaunt et de Serpentard, pas Sang-Mêlé… »
Elle s'interrompit, consciente de s'être laissée emporter.
Molly ne parut pas lui en tenir rigueur. « Xenophilius est un père aimant mais, de ce que j'en ai vu au fil des années, la petite a été laissée livrée à elle-même, en grande partie. Elle prend plus soin de lui que lui d'elle. » La sorcière fit une légère grimace. « C'est à prendre avec un grain de sel, ce ne sont pas des voisins que nous avons croisés souvent. Ils restent chez eux, en général. »
« Eh bien, elle est sous ma protection désormais. » grommela Narcissa. « Et je trouverai un moyen de sauver ce crétin de lui-même. »
Ce qui ne serait pas aisé.
Sirius s'était renseigné pour elle. Dumbledore souhaitait garder une presse indépendante – ou semi-indépendante. La Gazette avait complètement disparu, ses journalistes ayant soit rejoint Poudlard pour s'enrôler dans l'armée de volontaires, soit fui. Le Chicaneur était tout ce qu'il restait au MInistre, mis à part la radio, et pour cela il était prêt à accéder aux caprices de Lovegood.
Le Fidelitas, apparemment, avait convaincu Dumbledore que le sorcier ne risquait rien.
Ce qui était sans doute vrai pour l'instant mais l'idiot tiendrait sans doute à enquêter pour son prochain numéro, ce qui impliquait de quitter son abri et…
« Narcissa. »
Elle sursauta un peu à l'appel de son prénom et leva les yeux vers Molly qui l'observait avec une légère inquiétude, comme si ce n'était pas première fois qu'elle l'appelait. « Pardonnez-moi. Vous disiez ? »
« Je disais que vous devriez vous concentrer sur vous. » conseilla l'autre sorcière. « Luna est en sécurité et il est évident qu'elle se sent bien chez vous. Xenophilius, pour l'instant, ne risque rien d'autre qu'un ennui profond. Des trois, vous êtes celle dont la situation est la plus préoccupante. »
Narcissa fit la moue et posa la main sur son ventre. « Ce n'est pas préoccupant. Je vais très bien. »
Molly lui jeta un regard lourd de sens et elle se demanda si elle avait parlé avec Andromeda ou bien si, comme Luna, elle devinait plus que ce que Narcissa n'était prête à avouer.
Dans tous les cas, elle refusait de s'inquiéter.
Elle pouvait mettre ce bébé au monde.
Sans Lucius.
Elle le pouvait.
°O°O°O°O°
Sirius raccompagna les derniers volontaires à la porte de la Salle sur Demande, dispensant encouragements et conseils, puis la referma sur eux. Il s'autorisa un gros soupir de soulagement avant de s'étirer avec suffisamment de force pour sentir quelque chose se pincer dans le bas de son dos. Ce groupe était le plus difficile de tous ceux qu'il avait pris en main et était composé principalement de jeunes qui lui faisaient sentir son âge – dans tous les sens du terme.
Raison pour laquelle il avait emmené du renfort ce jour-là.
« Alors ? Qu'est-ce que tu en as pensé ? » demanda-t-il, en se tournant vers le coin de la salle d'entraînement, où Harry était assis en tailleur à même le sol, en train de renouer les lacets de ses baskets flambant neuves – et à sa taille.
Lorsqu'il lui avait apporté des vêtements neufs, la veille, le garçon avait rougi jusqu'à la racine des cheveux et avait à nouveau offert de le rembourser, ce qui avait poussé à Severus à lui réexpliquer, une nouvelle fois, qu'il n'avait pas à payer pour quelque chose qui relevait de leur responsabilité. L'adolescent s'était donc répandu en remerciements qui avaient mis Sirius plus que mal à l'aise parce que ce n'était vraiment pas grand-chose.
Et le voir dans des vêtements qui n'étaient pas trois fois trop grands sans être une variante de son uniforme lui suffisait. Comme il l'avait répondu à Severus lorsqu'il avait, lui aussi, discrètement insisté pour le rembourser. Le Maître des Potions n'avait pas bien pris son refus et cela aurait peut-être dégénéré en chamaillerie si Tonks ne s'était pas immiscée dans la conversation pour faire remarquer à Severus, sur un ton beaucoup trop ironique pour qu'il n'y ait pas une histoire là-dessous, que puisque Sirius avait les revenus les plus importants et qu'il était investi dans l'éducation d'Harry, c'était normal qu'il assume une partie des frais et, vraiment, il n'y avait aucune raison d'en faire une affaire de fierté. Il n'aurait jamais pensé convaincre aussi vite son ancien rival mais l'homme avait soupiré et jeté à la jeune femme un regard agacé avant de capituler – et s'était vu récompensé d'un baiser que Sirius avait fait de son mieux pour ignorer.
Plus difficile à ignorer était le fait que les appartements de Severus avaient subi une révolution complète. Visiblement, Tonks avait emménagé. Il n'avait pas osé faire remarquer qu'il pensait que c'était fait depuis longtemps.
« Ils ne sont pas mauvais. » répondit Harry avec hésitation, en haussant les épaules, sans bouger de là où il était.
« Ils sont arrogants et trop sûrs d'eux-mêmes. » rétorqua-t-il, avec l'impression dérangeante d'entendre Severus. Et pour cause, au moins quatre des volontaires de ce groupe avaient fait partie de leur classe d'A.S.P.I.C.s. « C'est pour ça que je voulais que tu sois là. »
Et cela avait demandé un brin de persuasion. Il était pratiquement certain que l'adolescent n'avait accepté que parce que Sirius venait de lui fournir l'équivalent d'une garde-robe complète.
Toutefois, cela n'avait échappé ni à Severus, ni à lui qu'Harry avait tendance à rester reclus dans les cachots et que cela faisait des semaines qu'il ne s'était pas entraîné à se battre. La simple suggestion d'un duel le poussait à se retrancher dans sa chambre et il était difficile de le sortir de sa morosité, dans ces cas-là. Ça ne pouvait pas continuer, principalement parce que, injuste ou pas, il devait être capable de manier sa baguette en situation de combat.
L'enrôler pour le seconder avec son groupe de volontaires était un premier pas vers ça.
Surtout parce que Sirius avait promis à ces jeunes trop impatients et trop sûrs d'eux que ceux qui pourraient battre Harry en duel seraient intégrés immédiatement aux troupes de Kingsley.
Aucun d'eux n'y était parvenu.
Et pourtant Harry avait retenu ses coups et avait trop souvent campé sur la défense.
Mais, sur la fin, l'adolescent s'était finalement détendu et s'était un peu plus laissé aller – au grand détriment de George Weasley qui en avait subi les conséquences – retrouvant un peu d'amusement à la chose. C'était tout ce qui comptait pour Sirius.
« Ils n'ont vu qu'une bataille et c'était le chaos. » remarqua Harry. « Et encore, il y en a qui n'ont jamais vu le combat… »
« Je sais, oui. » soupira-t-il, en entreprenant de remettre un peu d'ordre dans la pièce avec sa baguette, alignant les mannequins d'entraînement, réparant les cibles et rangeant les obstacles…
Le garçon sembla hésiter à poursuivre puis haussa à nouveau les épaules. « On apprend aussi en regardant, tu sais. Peut-être que tu devrais les faire assister à l'entraînement des Aurors… »
C'était une excellente idée, à vrai dire, ce qu'il s'empressa de partager, avant de vérifier sa montre. « J'ai deux heures avant mon prochain groupe… Tu veux faire quelque chose ? On pourrait travailler ta forme Animagus. »
« Sans Nyssa ? » grimaça son filleul.
« Tu sais qu'elle a sa petite allergie au soleil. » plaisanta-t-il. « Tu ne me blesseras pas accidentellement, Harry, mais si tu veux qu'on emmène quelqu'un juste pour être sûrs… Remus est dans le coin, aujourd'hui. Peut-être que s'il a fini avec ton père et Slughorn… »
« Non. » trancha l'adolescent sèchement.
Sirius fronça les sourcils, délaissant complètement le rangement pour lui donner sa pleine attention. « Non, parce que tu ne crois pas que Remus pourrait nous aider ou, non, parce que tu es en colère après lui ? »
Le silence fut total.
Le garçon refusait de le regarder en face, même lorsqu'il se posta juste devant lui. Visiblement, ses nouvelles chaussures étaient fascinantes.
Il hésita un peu, ravala un soupir parce que Severus lui avait déconseillé d'insister tant que l'adolescent n'était pas prêt à en parler mais le Maître des Potions n'avait rien découvert de plus et…
« Harry, qu'est-ce qu'il s'est passé avec Remus ? » demanda-t-il doucement. « Est-ce que… Est-ce que c'est à cause de ce qu'il s'est passé lorsqu'il t'entraînait ? Et, c'est tout à fait compréhensible si c'est ça. On t'a promis que tu ne serais pas obligé de le revoir si tu ne le voulais pas et on n'a pas vraiment tenu cette promesse, j'en suis conscient. Tu avais l'air à l'aise avec lui, après la bataille, et je n'ai pas cherché plus loin… »
« Ce n'est pas ça. » grommela le garçon, en fixant toujours ses baskets comme si elles détenaient les réponses à toutes les questions de l'univers.
« Quoi alors ? » insista-t-il. « Il s'est passé autre chose ? »
Il aurait aimé donner à son meilleur ami le bénéfice du doute mais dernièrement… Il ne reconnaissait plus Remus et étant donné ce qu'il avait déjà osé balancer au visage du fils de James…
Harry restait muet.
Sirius s'accroupit lentement pour être à sa hauteur. « Ça m'inquiète de ne pas savoir et il n'y a pas de honte à nous le dire s'il a dépassé les bornes. » Il prit un risque et osa toucher le menton de son filleul pour le pousser à le regarder en face. « Severus et moi, on sera toujours de ton côté. Tu le sais, ça, hein ? Si tu as besoin qu'on remette des limites entre toi et lui… »
« Ce n'est pas quelqu'un de bien. » cracha l'adolescent.
Intérieurement, il grimaça un peu, sa loyauté viscérale tiraillée par deux sentiments contradictoires. « Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça. Mais c'est vrai que son comportement ne parle pas pour lui récemment. »
Harry lâcha un bruit moqueur et un petit peu écœuré. « Tu ne dirais pas ça si tu savais ce que… »
Le garçon se tut brutalement, la mâchoire serrée pour mieux ravaler ses paroles.
« Je ne peux pas savoir si tu ne me le dis pas. » remarqua-t-il patiemment, voulant l'encourager à s'ouvrir et pas à se renfermer sur lui-même. Il espérait juste que Remus n'avait pas été suffisamment stupide pour faire un commentaire sur Severus ou James pendant que l'ancien espion était aux portes de la mort.
Son filleul détourna la tête, irrité et plus qu'en détresse. « Je ne peux pas. »
Il était de plus en plus alarmé.
Si, en plus, Remus l'avait menacé pour le faire taire ou…
« Tu peux tout me dire. Toujours et pour le reste de ta vie. » contra-t-il fermement. « Surtout si quelqu'un s'en est pris à toi. »
Harry se mit à jouer avec le sceau des Prince à son doigt, preuve s'il en fallait une qu'il était nerveux. Et il continuait à fuir son regard avec détresse. « Ce n'est pas à moi qu'il s'en est pris. »
« Comment ça ? » pressa-t-il, en fronçant les sourcils.
Le garçon soupira. « Le jour où tu m'as forcé à aller au groupe de parole pour la première fois… »
« Ce que je n'aurais pas dû faire. » admit-il.
Son filleul balaya ses excuses d'un geste. « Après, je me promenais dans le parc sous ma forme de tigre… J'ai entendu des voix qui se disputaient alors je me suis approché en passant par les arbres, pour ne pas qu'on me voit. Juste… au cas où. »
Il avait peur de comprendre.
« Tu as vu Remus se disputer avec quelqu'un. » devina-t-il. Harry hocha la tête mais n'en dit pas davantage. Pourtant son ami ne se disputait pas régulièrement avec tant de personnes que ça donc… « Tonks ? »
Sous le coup de la surprise, le regard de l'adolescent plongea dans le sien, complètement ouvert. Suffisamment, en tout cas, pour que Sirius y lise colère, crainte et impuissance. La seconde suivante, les émotions avaient disparu, cadenassées derrière des flammes dont il pouvait presque apercevoir le reflet dans les yeux verts.
« J'en déduis que ce n'était pas joli, joli entre eux. » soupira-t-il. Le jour où il avait forcé Harry à aller au groupe de parole était aussi le jour où Tonks avait tenté de réveiller Severus… Elle avait été à bout ce jour-là. Si Remus était allé lui chercher des noises en prime… « Écoute, je sais que tu aimes beaucoup Tonks mais ce sont des histoires entre eux. Ça ne te concerne pas. Remus… »
« Remus est un salaud. » siffla Harry, avec une expression trahie. « Il a… Il a… »
L'adolescent bondit sur ses pieds et se mit à faire les cent pas, passant régulièrement la main dans ses cheveux avec indécision.
C'était une réaction beaucoup trop disproportionnée pour une simple dispute.
Sirius se releva lentement, avec un très mauvais pressentiment.
« Il a quoi ? » demanda-t-il. « Qu'est-ce qu'il a fait, Harry ? »
L'adolescent lui jeta un regard déchiré. « Je ne devrais pas… Je ne devrais pas le dire. Elle n'a rien dit. Je ne devrais pas le dire. »
Ce n'était plus un mauvais pressentiment, c'était une mauvaise certitude.
Et comme il ne pouvait pas croire que Tonks lui aurait sciemment demandé de garder un secret si gros qu'il lui pesait visiblement… Il devinait que quoi qu'il se soit passé, elle ne savait pas qu'il savait.
Il attrapa les épaules de son filleul, stoppant ses aller-retours angoissés. « Harry. Dis-moi ce qu'il a fait. » L'adolescent resta muet un long moment jusqu'à ce que Sirius le secoue gentiment. « S'il a fait quelque chose de mal et que tu le sais, tu dois en parler. Dis-moi. »
« Il a essayé de l'embrasser. » souffla Harry rapidement, comme s'il ne pouvait plus le garder pour lui plus longtemps.
Prêt comme il l'était à entendre le pire, l'Animagus se détendit légèrement. « Oh… » Ce n'était pas idéal, surtout vu la relation de Tonks et Severus, mais ce n'était pas non plus un crime. « Parfois quand le ton monte entre un homme et une femme… »
« Non, Sirius. » cracha le garçon, en secouant la tête. « Ce n'était pas… C'était violent. Il l'a attrapée. Par le bras et par les cheveux. Je suis sûr qu'il lui a fait mal. Et il allait… Elle ne voulait pas. Elle lui a mis un coup de genou et il est tombé par terre. Elle avait peur, ses mains tremblaient. Elle est partie sans se retourner alors elle n'a pas vu mais… Il allait la suivre ! Il allait la suivre et… Je ne sais pas ce qu'il lui aurait fait mais je ne pouvais pas le laisser lui faire du mal alors je me suis mis sur sa route et au lieu de s'excuser ou… Je ne sais pas ! Il s'est inventé des excuses et m'a ressorti le même discours d'Alpha à la con ! On se serait battus si Kreattur ne s'était pas interposé. »
La colère s'était allumée comme une graine et avait enflé d'autant avec chaque mot que son filleul ajoutait. « Tu es certain que… »
« Tu ne me crois pas ? » s'énerva Harry. « Il l'a agressée, je te dis ! Et… Et il savait très bien qu'elle n'avait pas envie ! »
Il aurait aimé avoir le luxe de ne pas croire son filleul ou même penser que l'adolescent dramatisait une situation qu'il n'avait pas tout à fait comprise… Pourtant, le comportement de Remus, ces derniers mois, associé au fait qu'Harry n'était pas porté sur le mensonge…
« Je te crois. » jura-t-il.
Il l'a attrapée. Par le bras et les cheveux.
Rarement auparavant avait-il éprouvé une telle fureur.
Il se détourna brusquement et partit au pas de charge, à peine conscient qu'Harry lui avait emboîté le pas, forcé de trottiner pour rester à son niveau.
« Où tu vas ? Tu ne peux pas en parler… » plaida le garçon. « Si elle avait voulu… »
Sirius pila net et lui fit face, posant une main sur son épaule. « Harry, dans la vie, il y a des choses qui sont inacceptables. Se taire n'est jamais une option, ça te rendrait complice. »
Il repartit sans un mot de plus, sa fureur enflant et enflant encore avec chaque nouveau pas. Son filleul le suivait toujours mais il n'essaya plus de le stopper, pas même lorsqu'ils atteignirent l'entrée des cachots.
Il n'était pas certain de ce qu'il allait dire ou faire.
Enfin…
C'était un mensonge.
Il savait très bien ce qu'il allait faire.
Foutre son poing dans la gueule de son ex-meilleur ami était un bon début. Il n'était juste pas certain d'où il allait s'arrêter.
La porte du laboratoire s'ouvrit sans difficulté et il fit une entrée fracassante pour rien. La cage dans le coin était vide. Severus et Slughorn étaient penchés sur leurs notes et levèrent tous les deux la tête avec alarme…
L'ancien Mangemort avait sa baguette pointée sur eux avant que Sirius n'ait seulement eu le temps de faire visuellement le tour de la pièce. Il l'abaissa lorsqu'il les reconnut Harry et lui mais fronça les sourcils. « Que se passe-t-il ? »
Que se passait-il ?
Soudain, l'Animagus se sentit mal.
Comment pouvait-il annoncer à Severus que la femme qu'il aimait avait été agressée ? Qui plus était par Remus ? L'homme dont il n'avait cessé de les mettre en garde, n'avait cessé de dire qu'il craignait exactement ce genre de scénario et…
Et Sirius avait juré et juré encore que l'ancien Maraudeur ne ferait jamais le moindre mal à Tonks.
C'était violent. Il l'a attrapée par le bras et par les cheveux.
Et puis, pour couronner le tout, leur gosse avait tout vu.
Comment pouvait-il dire ça à Severus ?
Tout ça était sa faute. S'il avait mieux veillé sur Harry, sur Tonks lorsque l'autre homme avait été dans le coma…
Tonks qui était comme sa petite sœur.
Tonks qu'il aurait dû beaucoup mieux protéger qu'il ne l'avait fait et depuis longtemps. Il avait laissé Remus prendre beaucoup trop de libertés, avait refusé de se mettre en eux pour ne pas le perdre mais… Si le loup-garou en était arrivé là alors il l'avait perdu depuis longtemps.
Incapable de répondre à la question pourtant légitime de son ancien rival, incapable d'avouer à quel point il avait merdé, Sirius tourna les talons et repartit à la recherche de Remus.
« Harry, que se passe-t-il ? » demanda Severus dans son dos.
Trop occupé à lui courir après, Harry n'offrit aucune réponse. Ce ne fut donc pas tout à fait étonnant que le Maître des Potions s'élance à leur suite tant bien que mal, en s'appuyant sur sa canne.
Ils le distancèrent vite.
Il ignora l'appel de son nom comme son filleul ignorait l'appel du sien.
°O°O°O°O°
La visite à l'infirmerie n'avait pas été aussi productive qu'il l'aurait souhaité mais, globalement, Remus pensait que ça avait été positif. Edward était pratiquement décidé à rejoindre le reste de la meute au cottage. Quant à Kalan, s'il était plus sensible à l'approche de Laura qu'à la sienne, il n'était pas aussi fermé qu'il ne l'avait craint.
Oui, songea-t-il, alors qu'il descendait la dernière volée de marches qui menaient au hall d'entrée qui semblait toujours perpétuellement bondé dernièrement, sa meute s'agrandirait bientôt et…
« Remus ! » tonna une voix familière, suffisamment fort pour que plusieurs autres personnes se retournent en même temps que lui.
S'il ressentit initialement un certain plaisir à apercevoir son meilleur ami, son sourire s'évanouit vite parce que cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Sirius aussi furieux. Alarmé, il fit un pas vers lui, sourcils froncés.
« Que se passe-t-il ? » demanda-t-il, prêt à entendre une nouvelle catastrophe.
Il ne repéra Harry que trop tard.
Le garçon paraissait déchiré entre colère et satisfaction…
Ah.
L'adolescent semblait déterminé à lui en vouloir pour des choses qu'il était trop jeune pour comprendre. S'il était allé inventer…
« Sirius. » soupira-t-il. « Quoi qu'Harry t'ait dit… »
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase.
Sous les exclamations choquées et les cris alarmés, Sirius lui balança son poing dans la figure.
Remus trébucha en arrière mais se rattrapa in extremis à une colonne. Il toucha sa lèvre supérieure, peu surpris de trouver ses doigts rouges et poisseux.
« Tu vas l'accuser de mentir peut-être ? » siffla Sirius. « Tu vas dire que ce n'est pas vrai ? »
Lunard leva la tête, ses yeux ambrés surveillant le membre un peu renégat de sa meute sans aucune patience. « Je ne sais pas ce qu'il t'a dit mais je peux deviner et il a mal compris. »
« Il a mal compris ? » répéta l'ancien Maraudeur, suffisamment fort pour que ça porte jusqu'à la Grande Salle d'où d'autres personnes sortirent, attirées par le bruit.
« Je n'ai pas mal compris ! » protesta l'adolescent, en pointant un doigt accusateur vers lui. « Je n'ai pas mal compris du tout ! »
Le garçon aurait peut-être essayé de l'attaquer lui aussi si Snape n'avait pas choisi ce moment pour émerger des cachots, un peu essoufflé, et s'il ne l'avait pas attrapé par l'épaule avant qu'il n'ait pu approcher. « Mais, enfin, que se passe-t-il ? »
Harry croisa le regard du Maître des Potions dans un échange beaucoup trop intense qui dura plusieurs secondes. Lorsque Snape cilla et reporta son regard vers Remus, il avait l'air aussi furieux que les deux autres mais il ne lâcha pas le bras du Gryffondor pour autant.
« Sirius. » grinça l'ancien Mangemort, ses yeux noirs étudiant la foule qui avait automatiquement formé un cercle autour d'eux. « Il n'en vaut pas la peine. »
L'adolescent émit des protestations virulentes.
« Tu ne dirais pas ça si tu savais ce qu'il a fait ! » s'énerva Sirius.
« Tu ne veux même pas écouter ma version ? » lança Remus, avec dégoût. « Tu les crois eux, inconditionnellement ? Je suis ton Alpha. Tu… »
Le mot Alpha mit visiblement le feu aux poudres.
Avec un hurlement de rage, Sirius se jeta sur lui.
Remus esquiva le poing qui fusait à nouveau vers son visage mais prit le deuxième au creux de l'estomac et se courba en deux.
La transformation provoquée par la potion était encore trop fraîche et son corps trop douloureux.
Lunard croisa le regard de son meilleur ami et retroussa les babines.
Il ne retint pas sa force lorsqu'il décocha un coup de pied dans le genou de Sirius, sachant que des blessures successives en faisaient un point faible. Et, de fait, l'Animagus manqua tomber par terre. Mais ce ne fut pas assez pour le décourager, non… Patmol était bien plus têtu que ça.
Il l'empoigna et le projeta contre le mur.
Remus encaissa le choc, voulut tirer sa baguette…
« Expelliarmus ! » hurla Harry, avant de voir sa baguette abaissée de force par Snape qui paraissait plus que contrarié par la scène. Il tenta de disperser la foule à grands coups de menaces et de regards noirs et mais ce n'était majoritairement pas ses étudiants qui se tenaient là et ce ne fut pas très efficace. Les gens étaient attirés par la perspective d'un scandale.
« Sirius ! » tenta à nouveau le Maître des Potions, en désespoir de cause. « Arrête. Règle-ça en privé, au moins. »
Mais Sirius n'était pas prêt d'arrêter et balança à nouveau son poing dans la figure du loup-garou.
« Elle est comme ma sœur ! » beugla l'Animagus. « Comment as-tu pu… »
« Oh, ça va ! » s'agaça-t-il. « Elle est loin d'être parfaite et innocente ! Elle est comme ta sœur ? Peut-être que tu devrais te préoccuper de ce qu'elle est en train de devenir ! »
« Ce qu'elle est en train de devenir ? » riposta Sirius. « Mais tu t'es vu ? Tu t'entends ? Comment peux-tu peut-être aussi con, Remus ? Tu l'as attaquée ! Tu… »
« J'ai mal interprété la situation ! » le coupa-t-il, à bout de patience. « Ou peut-être que je n'ai rien mal interprété du tout et qu'elle n'assume pas… »
Il se baissa pour éviter le poing qui fusait à nouveau vers son nez.
Il ne se sentit pas terriblement coupable lorsqu'il riposta en lui griffant le visage.
S'il avait eu de véritables griffes…
Il empoigna son meilleur ami avant qu'il ait pu tenter de le frapper à nouveau et ils luttèrent pendant plusieurs minutes, sous les exclamations de la foule qui refusait de se disperser malgré les tentatives de plus en plus énervées de Snape…
°O°O°O°O°
Bill relut le mot pour la troisième fois, sans savoir s'il était furieux ou inquiet.
Il avait trouvé la pièce vide, quelques phrases griffonnées à la hâte sur un parchemin pour les rassurer quant au fait que Charlie était avec Tonks et allait bien, qu'ils reviendraient dans une heure ou deux…
Tonks et Charlie avaient fait de nombreuses conneries dans leur jeunesse et, la plupart du temps, parce qu'il n'était pas la personne responsable d'eux, il avait trouvé ça hilarant mais là… Comment la jeune femme avait-elle pu être aussi irresponsable ?
Andromeda entra dans la pièce et se figea en le découvrant seul. Le regard de la Médicomage alla se poser sur la porte de la salle de bain qui était fermée – ce qu'elle n'aurait jamais dû être si Charlie avait été à l'intérieur.
« J'espère que votre fille sait ce qu'elle fait. » cracha-t-il, en lui tendant le parchemin.
Elle le parcourut rapidement, les lèvres pincées. « Je ne vais pas prétendre que je suis extrêmement surprise. Ce qui m'étonne, c'est qu'il ne l'ait pas convaincue avant. »
« Parce que vous pensez que c'est l'idée de Charlie ? » s'agaça-t-il. « Mon frère aligne à peine trois mots un bon jour, et… »
« Je ne pense pas qu'elle l'ait kidnappé contre son gré, non. » le coupa la Médicomage, un peu sèchement. « Ça pourrait être une bonne chose… »
« Ou un désastre. » cingla-t-il. « Vous ne le laissez même pas aller aux toilettes sans supervision et maintenant c'est une bonne chose qu'il soit quelque part dans le château où il pourrait lui arriver n'importe quoi ? Avez-vous oublié qu'il a essayé de… »
« Je n'ai rien oublié. » l'interrompit-elle. « Et il n'est pas sans supervision. Nymphadora ne laissera rien lui arriver. Mais partons donc à leur recherche, si cela te rassure. Ils ne sont sans doute pas allés bien loin. »
Bill serait parti à leur recherche de toute manière mais avoir une Médicomage avec lui semblait préférable et il s'empressa d'accepter son aide, ravalant son opinion peu aimable lorsqu'elle fit un commentaire sur les alarmes que Tonks avait apparemment désamorcées sans qu'elle s'en aperçoive.
« Elle n'a jamais été tellement douée avec les sorts de protections jusque ici. » remarqua Andromeda, alors qu'ils quittaient l'infirmerie pour explorer les quelques endroits alentours avec accès sur l'extérieur où Charlie et Tonks auraient pu aller. Ils étaient limités par la distance qui les séparait de la tourelle où Anthony était toujours sous haute surveillance mais cela laissait quand même un gros périmètre à fouiller.
« Severus est un expert en sorts de protection. » répondit-il distraitement, en jetant un œil dans les pièces vides qu'ils croisaient sur leur route, aux détours des couloirs. « Il a dû lui apprendre des choses. »
La Médicomage émit un bruit qui n'était pas tout à fait amusé. « Je suppose que c'est une manière de formuler la chose. »
Bill lui jeta un regard curieux, se sentant un peu mal à l'aise lorsqu'il se rendit compte qu'il venait d'amener la conversation vers un terrain qu'il ne voulait pas vraiment explorer. Il n'était pas fan de ragots et détestait parler des gens dans leur dos, encore plus lorsque les gens en question étaient importants pour lui. Or Severus, ces derniers mois, était devenu quelqu'un qu'il considérait comme un ami proche. C'était probablement la seule personne à qui il se sentait libre de se confier dernièrement. Même Fleur… Fleur avait été très compréhensive jusque là mais il avait conscience de l'attirer perpétuellement dans ses drames familiaux. Molly n'était pas des plus accueillante avec elle, d'ailleurs – alors qu'elle ne tarissait pas d'éloges sur Audrey et la traitait comme si elle faisait partie de la famille, ce qui rajoutait des tensions dont personne n'avait besoin.
En conséquence, il savait parfaitement à quel point il était désagréable de se retrouver en porte-à-faux entre sa mère et la personne qu'on aimait et il espérait sincèrement que Tonks n'était pas dans cette position là.
Mais, même dans le cas contraire, il aurait toujours été en colère après elle.
Faire sortir Charlie était stupide et dangereux et…
Et Bill ne s'en remettrait jamais s'il devait perdre un autre frère, surtout de sa propre main.
« Où est-ce qu'ils peuvent être ? » soupira-t-il, alors qu'ils parvenaient à l'extrémité d'un nouveau couloir.
« Je suis sûre que ton frère va bien. » insista Andromeda.
« Et comment ? » s'agaça-t-il. « Il aurait pu lui échapper ou… »
« Parce que Dora a tout désactivé sauf le sort d'alarme qui m'alerterait si son cœur s'arrêtait. » le coupa-t-elle. « Charlie va bien. Elle n'aurait pas accepté de le faire sortir si elle avait eu le moindre doute. »
Il lui jeta un regard irrité. « Pour ce qu'on en sait c'était son idée. »
Un sourire joua sur les lèvres de la sorcière. « Elle n'a jamais été à court d'inspiration pour les bêtises, je te l'accorde, mais Charlie jouait souvent les muses. » Elle secoua la tête. « Écoute, Bill, je sais que tu t'inquiètes mais ça peut vraiment être une bonne chose. Ça pourrait lui faire passer un cap. »
Peut-être…
Peut-être pas…
Ils croisèrent Aidan deux étages plus bas. Le Sang-Pur portaient les sur-robes bleues des Aurors, ouvertes sur une robe de sorcier blanche aux liserés lavande.
« Avez-vous vu Tonks ou Charlie ? » demanda Bill, sans même prendre le temps de le saluer.
Saisissant probablement l'urgence de la situation rien qu'à la tension dans sa voix, le Langue-de-Plomb secoua la tête. « Je regrette… Souhaitez-vous que je vous aide à les chercher ? »
Il allait accepter avec reconnaissance lorsqu'il entendit la clameur qui venait du bas de l'escalier. Ils se regardèrent tous les trois, interpellés, avant de se précipiter dans la direction du hall. Bill imaginait déjà les pires scénarios : Charlie aux prises avec des Aurors, Charlie qui aurait publiquement essayé de provoquer quelqu'un pour mieux se faire tuer, Charlie qui…
Mais ce n'était pas ce qui les attendait dans le hall d'entrée.
Du haut de l'escalier, ils avaient une vue imprenable sur l'intérieur du cercle qui s'était formé naturellement au sein d'une foule assez compacte.
Sirius et Remus se battaient, roulant par terre comme des Moldus pour mieux prendre le dessus sur l'autre. Aucune robe bleue dans le coin mais Severus se tenait en périphérie du cercle, Harry fermement retenu contre lui… L'adolescent paraissait se débattre de temps en temps, comme s'il voulait intervenir dans la bagarre.
« Par Merlin, qu'est-ce que c'est que cette folie… » murmura Andromeda.
D'un commun accord, après avoir échangé un regard, Aidan et Bill se précipitèrent, se frayant un chemin à coups de coude dans la foule. Ils parvinrent à atteindre Severus qui regardait la bagarre d'un air impassible quoi que légèrement contrarié. Harry, lui, paraissait prêt à se jeter dans le tas dès que son père adoptif commettrait l'erreur de relâcher sa prise.
« Pourquoi ne les séparez-vous pas ? » accusa Bill, sachant très bien à quel point le Maître des Potions exécrait Remus dernièrement.
Et à raison si ce qu'il avait insinué durant la réunion, l'autre jour, était vrai. Kingsley avait sommé Dumbledore d'expliquer ce qu'il avait entendu par forcer les attentions de Tonks,dès que Remus avait eu quitté la pièce mais le Ministre avait déclaré que l'affaire était déjà réglée et leur avait ordonné – ordonné, pas moins – de garder ça pour eux. Kingsley avait protesté mais avait fini par l'accepter lorsque Dumbledore avait affirmé que c'était ce que souhaitait sa partenaire, que, non, ils n'avaient pas juste balayé le problème sous le tapis et que, oui, il y avait eu des conséquences à un comportement inacceptable.
« Et que voulez-vous que je fasse exactement ? » grommela le Professeur, avec une mauvaise volonté affichée. « Si j'utilise ma baguette, je risque de blesser des gens. Sans, je risque de ne pas parvenir à maîtriser les deux. Sans parler de mon fils qui semble avoir perdu la raison. »
Harry se tortilla jusqu'à pouvoir lui jeter un regard mi-trahi, mi-incrédule. « Mais pourquoi tu ne fais rien ?! Je t'ai montré… Je… »
« Devrais-je me rouler par terre comme un Moldu pour le plaisir de frapper le loup ? » riposta Severus. « Crois-moi, je… »
Il n'eut pas le temps d'en dire davantage.
Andromeda fendit la foule et se précipita au centre du cercle avant qu'Aidan ou Bill n'ait le temps de le faire. D'un coup de baguette, elle fit apparaître une boule d'eau glacée qu'elle lâcha sur leurs têtes, ce qui eut le mérite de les surprendre assez pour qu'ils se séparent et se tournent vers elle, complètement trempés.
Bill jeta à Severus un regard lourd de sens que le Maître des Potions feignit de ne pas comprendre.
Ça, ça aurait été largement faisable avec ou sans baguette.
« Qu'est-ce qui vous prend ? » siffla Andromeda, en plantant les mains sur les hanches et en les fusillant du regard tour à tour. « Vous êtes devenus fous ? »
Sirius écarta ses cheveux longs et mouillés de son visage avec agacement. Il y avait une telle rage dans ses yeux… Bill ne pensait pas l'avoir déjà vu aussi furieux.
« Il a agressé ta fille ! » siffla Sirius, en se remettant debout.
Remus fit de même, un peu plus lentement et en se tenant les côtes. « Arrête de dire ça. Je n'ai agressé personne. Je… »
« Il a quoi ? » gronda Andromeda.
Severus marmonna quelque chose entre ses dents qui ressemblait fort à un juron et poussa Harry vers le Briseur de Sorts. « Empêchez-le de se mettre au milieu et tentez de me disperser cette foule, si vous le pouvez. Vous… » Les yeux noirs accrochèrent les robes bleues d'Aidan, avant de remonter vers son visage. « Abbot, trouvez Nymphadora. »
Avant d'avoir compris ce qu'il se passait, Bill retenait Harry qui avait clairement très envie de se mêler à la bagarre. Aidan hésita un instant puis murmura le sortilège qui pointerait sa baguette vers Tonks, ce à quoi le Briseur-de-Sorts aurait pu penser avant, et partit en courant.
Severus, quant à lui, avança d'un pas menaçant vers les deux sorciers et la sorcière qui se tenaient au centre de la foule.
« Vous vous donnez tous en spectacle et elle ne vous en remerciera pas. » asséna-t-il. « Cela suffit. Lupin… »
« Qu'est-ce que tu veux dire il a agressé ma fille ? » l'interrompit Andromeda, d'un ton menaçant.
« Il a essayé de l'embrasser de force ! » gronda Sirius, en se tournant vers son meilleur ami. Ex-meilleur-ami ? Bill n'aurait pas parié sur une réconciliation de si tôt. Avec empressement, il se tourna vers la masse de gens derrière lui mais il était difficile de maîtriser Harry et de convaincre la foule de partir. « Il l'a attaquée physiquement ! »
« Ce n'est pas vrai. » se défendit Remus.
« Ne mens pas. » l'avertit Severus froidement, mais il se désintéressa toutefois du loup-garou, au prix d'un effort manifeste pour faire face à la Médicomage qui serrait sa baguette si fort que ses phalanges avaient blanchi. « Andromeda… »
Le Maître des Potions eut à peine le temps de faire un pas précipité sur le côté avant que la baguette de la sorcière ne siffle dans les airs. Sirius essuya le sang qui coulait de son arcade sourcilière d'un air satisfait.
Remus, pour sa part, se retrouva suspendu au mur à plusieurs mètres du sol, les mains raclant inutilement sa gorge pour déloger le sort qui lui coupait la respiration. Son visage vira rapidement au rouge puis au violacé…
Severus asséna une bourrade moins qu'amicale à Sirius. « Tu es content de toi ? As-tu une seule idée… »
« Tu n'as pas entendu ce que j'ai dit ?! » s'exclama l'Animagus. « Il a voulu la forcer à… »
« Cesse de hurler, imbécile ! » le coupa le Maître des Potions. « La moitié du château est déjà au courant ! »
« Et alors ? » s'énerva Sirius. « Tu ne vas pas me dire que tu t'inquiètes de la réputation de Remus ! »
« De la sienne, non. » persiffla Severus, presque trop bas pour que ça porte jusqu'à eux. « Maîtrise ta cousine. »
« Si cet abruti a touché à mon bébé, il va en falloir plus que vous deux pour me maîtriser. » répondit Andromeda, d'un ton parfaitement calme. « À votre avis, je commence par quoi ? Je le castre avant ou après lui avoir arraché les yeux ? »
Sirius et Severus échangèrent un regard et l'Animagus fit la grimace.
Bill, quant à lui, espéra qu'Aidan revienne vite.
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L'escalier en pierre qui serpentait le long de la façade et formait un raccourci jusqu'aux serres avait échappé aux réparations du château et se terminait sur le vide quelques mètres plus bas avant de reprendre un peu plus loin.
Tonks et Charlie s'étaient allongés sur le palier juste avant le trou et contemplaient le ciel, la vue à peine bouchée par les tourelles, un bras replié sous leur tête en guise de coussin, leur autre main s'effleurant régulièrement pour se passer la cigarette.
Si l'escalier n'avait pas été brisé à sa droite, la scène aurait pu se passer dix ans plus tôt, entre un cours de Potions et un cours de Sortilèges.
Son meilleur ami n'avait pas dit grand-chose depuis qu'ils avaient quitté l'infirmerie mais il n'avait pas non plus l'air trop en détresse.
Pour la sixième fois, il lui passa la cigarette et ferma les yeux, avant de se masser le torse au niveau du cœur.
« Tout va bien ? » s'inquiéta-t-elle, en tirant sur la cigarette qu'elle lui repassa immédiatement.
Il la prit sans hésiter et la porta à ses lèvres mais ne répondit pas avant qu'elle soit de nouveau entre les mains de la jeune femme.
« On est loin et je peux le sentir. » lâcha-t-il.
Elle étouffa un juron et se redressa sur le coude, l'inspectant du regard. « On devrait remonter, alors. On… »
« Ce n'est pas critique. » la coupa Charlie. « C'est juste un peu douloureux. Comme un élastique trop tiré. Mais on n'est pas au point où il se briserait. » Il soupira, laissant son regard se perdre dans les nuages grisâtres qui s'accumulaient de plus en plus. Le vent avait forci aussi. Le temps tournait à l'orage. « J'aimerais qu'il se brise. »
« Tu sais très bien que ça vous tuerait tous les deux. » contra-t-elle, se reposant sur l'Occlumencie pour contrôler les larmes qui lui montaient aux yeux.
« Et après ? » murmura-t-il. « Ce serait… »
« Si tu dis que ce serait pour le mieux, Merlin m'en soit témoin, je te frappe ! » s'énerva-t-elle. « Comment est-ce que tu peux être aussi égoïste ? »
Ça interpella Charlie qui se redressa lui aussi sur son coude, son expression plus colérique qu'elle ne l'avait vue depuis des semaines. « Égoïste ? »
« Oui. » insista-t-elle. « Égoïste. Tu crois vraiment que ta famille s'en relèverait s'il t'arrivait quelque chose ? Après Arthur ? Après Percy ? Bill et Molly tiennent par un putain de fil. Les jumeaux sont l'ombre d'eux-mêmes. Ron et Ginny ont l'air d'avoir trente ans, pas quinze. Et moi, tu as pensé à moi ? Qu'est-ce que je ferais sans toi, hein ? »
Occlumencie ou pas, ses yeux se remplirent de larmes et elle s'assit, détournant la tête pour qu'il ne puisse pas lire la détresse sur son visage. La cigarette qu'elle porta à ses lèvres était une maigre consolation.
Quelques secondes plus tard, elle sentit Charlie s'asseoir lui-aussi. « Ce n'est pas comme si tu n'avais que moi. Tu as l'air bien heureuse avec Snape. »
« C'est différent, Charlie. » murmura-t-elle, en essuyant sa joue d'un revers de main.
« Tu sais que je pourrais dire que c'est sa faute, hein ? » continua son meilleur ami. « À lui et à Sirius. »
« Mais ce n'est pas leur faute et tu le sais très bien. » rétorqua-t-elle. « Il aurait pu nous en parler dès qu'il est arrivé. Il aurait pu en parler à Dumbledore. Il aurait pu t'en parler à toi. Au lieu de ça… »
Parler d'Anthony était douloureux.
Elle faisait de son mieux pour ne pas penser à lui, ligoté en haut d'une tour, à l'isolement, parce qu'une partie traître de son cœur persistait à penser à lui comme à un de ses meilleurs amis. Lorsque Severus avait émis l'idée d'aller l'interroger en personne – et plus agressivement qu'elle ne l'avait fait, ce qui signifiait déchirer son esprit avec la Legilimencie – elle l'avait convaincu d'y renoncer en arguant qu'ils ne tireraient rien d'autre de lui et que c'était une perte d'un temps qu'ils n'avaient pas. La vérité, c'était qu'elle savait pertinemment que Severus ne se retiendrait pas et ne se contrôlerait pas face à l'homme qui avait failli la tuer. Comme Nyssa ou Bill, il était mieux qu'il se tienne très loin de la cellule de l'espion.
Pour la sécurité de Charlie, au moins.
« Qu'est-ce qu'ils auraient fait ? » la défia-t-il. « S'il en avait parlé ? Ils ne l'auraient pas cru, lui, pas contre Sirius. Et tu sais très bien que Dumbledore a une confiance aveugle en Snape. »
C'était exagéré mais elle ne voulait pas rentrer là-dedans.
« Tu sais qu'ils n'ont pas nié une seule fois ? » lâcha-t-elle. « Ils ne se souviennent pas mais ils n'ont pas nié que c'était possible. On ne saura jamais ce qui aurait pu se passer parce qu'Anthony a choisi de faire ce qu'il a fait et qu'il n'y a aucune excuse. »
Charlie lui vola la cigarette avec agacement. « Je ne suis pas en train de lui trouver des excuses. »
« Tu es sûr de ça ? » soupira-t-elle, en tournant à nouveau la tête pour l'étudier.
Son meilleur ami fuma en silence, quelques instants, puis écrasa la cigarette contre la pierre. « Il n'était pas comme ça en Roumanie. Il a… vrillé à un moment, un peu après notre arrivée ici. Je l'ai vu venir, tu sais. Il était bizarre quand on était que tous les deux. Il était… » Il haussa les épaules. « Je ne pensais pas qu'il se retournerait contre moi. Je pensais… J'avais tort. Tu as une autre cigarette ? »
Sans un mot, elle sortit le paquet abîmé de sa poche et le lui jeta, peu surprise lorsqu'il claqua des doigts pour faire apparaître une flamme qui alluma sa deuxième cigarette au lieu de lui demander son briquet. Bill avait sa baguette mais ce sort faisait toujours son effet dans les bars lorsqu'ils draguaient et cela faisait longtemps qu'il le maîtrisait.
Il en prit deux taffes puis lui tendit la cigarette qu'elle refusa d'un geste. « J'essaye d'arrêter. »
Charlie émit un bruit amusé. « Tu essayes d'arrêter depuis des années. »
Elle leva les yeux au ciel parce que ce n'était pas vrai. Oui, il lui arrivait de fumer mais ce n'était jamais régulier, c'était souvent en soirée et souvent encouragée par lui. Encore que, ces dernières semaines, il fallait admettre qu'elle avait développé de très mauvaises habitudes.
Et ce serait un très mauvais exemple à donner à Harry s'il la surprenait.
« J'ai un adolescent impressionnable à la maison, maintenant. » insista-t-elle. « C'est une bonne raison. »
L'attention de son meilleur ami se reporta sur elle alors même qu'elle ramenait ses jambes vers son torse et les entourait de ses bras dans l'espoir de trouver une position plus confortable. La pierre était dure et ils n'avaient plus quinze ans.
« À la maison ? » releva-t-il. « Tu veux me dire quelque chose, ma nymphe ? »
C'était probablement la conversation la plus aboutie et lucide qu'ils avaient eue depuis la bataille de Poudlard et elle ne voulait pas tout gâcher. Elle ne savait pas ce que Charlie pensait vraiment de son histoire avec Severus. Avait-il déjà été sous Impérium quand il avait émis toutes ses réserves ? Était-ce la haine qu'Anthony vouait au Maître des Potions qui avait transparu dans les réactions de Charlie ou…
« Je me suis installée chez lui. » annonça-t-elle, en posant son menton sur ses genoux pour mieux faire semblant de scruter le parc qui s'étendait en contrebas.
Charlie laissa échapper un sifflement qui n'était pas tout à fait admiratif. « Tu ne perds pas de temps. Ce n'est pas un peu rapide ? »
Quand les journées s'étiraient jusqu'à donner l'impression de durer une semaine, le temps était relatif.
Est-ce que c'était rapide ? Est-ce que la guerre jouait un rôle dans tout ça ? Peut-être. Cela les avait certainement rapprochés.
Elle pensait ce qu'elle avait dit à Severus, pourtant. Elle l'aurait épousé dans la seconde s'il avait insisté pour qu'ils sautent le pas et sans la moindre hésitation encore. Elle savait ce qu'elle voulait. Elle savait ce qu'elle ressentait.
C'était peut-être ironique après avoir répété tant de fois à Remus que son histoire d'amour unique était ridicule mais elle avait la certitude que Severus serait la grande histoire de sa vie et elle était déterminée à ce que ça marche.
« Je l'aime. » répondit-elle finalement, un peu à regret parce qu'elle savait que ça allait ramener Charlie à Anthony, elle savait que ça allait lui faire de la peine.
« Et lui ? » hésita-t-il, après un moment. Sa cigarette était à moitié consumée.
Elle s'autorisa un sourire. « Lui aussi. »
Il eut un bruit semi-amusé. « Je ne vois pas Snape se répandre en déclarations d'amour… »
« Tu serais surpris. » déclara-t-elle.
Lorsqu'ils étaient seuls, il était devenu bien moins fermé qu'il ne l'avait été au début. Même ses gestes affectueux étaient devenus plus naturels, plus nombreux, et ce parfois devant Harry ou Sirius… Il ne serait jamais extrêmement démonstratif mais chaque preuve d'affection dispensée sans y penser ou devant témoin était comme une petite victoire qu'elle notait dans un coin de sa tête.
« Il m'en veut ? » hésita Charlie, après un long moment.
Elle fronça les sourcils. « T'en vouloir de quoi ? » Il lui jeta un regard explicite et elle secoua la tête. « Non, bien sûr que non… Il sait très bien que ce n'était pas toi. Il… Il aide Bill dans ses recherches pour rompre le lien entre Anthony et toi, tu sais. »
« Ce serait gênant s'il m'en voulait. » hésita-t-il. « Je ne voudrais pas que tu te retrouves obligée de choisir entre nous. »
« Il ne me ferait jamais ça. » insista-t-elle.
« Remus n'aimait pas qu'on soit si proches. » remarqua-t-il.
« Remus est un connard. » siffla-t-elle, avant de pouvoir s'en empêcher. Elle ferma les yeux, occluda la colère que le loup-garou faisait régulièrement naître chez elle… « Severus n'est pas comme ça. Il sait très bien à quel point tu es important pour moi. Et il sait très bien qu'il n'y a aucune raison d'être jaloux. Tu… Tu l'apprécieras quand tu le connaîtras mieux. Il a un sens de l'humour particulier mais je suis sûre que vous vous entendrez très bien. »
« Snape a un sens de l'humour ? » releva-t-il.
« Et il aime le rock. » renchérit-elle.
« Snape aime le rock ? »
Visiblement, c'était l'information de trop parce qu'il se mit à rire sans sembler pouvoir s'arrêter. Cela dura un long moment et il gloussait encore lorsqu'il écrasa finalement ce qui restait de la cigarette pour imiter sa position. Jambes repliées contre son torse, bras autour d'elles, menton sur les genoux, il s'abîma dans la contemplation du parc.
« Tu sais ce que ça fait de passer des mois sous Impérium ? » murmura-t-il.
« Je ne peux pas imaginer. » avoua-t-elle.
Elle avait eu quelques expériences avec cet Impardonnable, principalement parce que Maugrey pensait qu'on ne pouvait pas combattre ce qu'on ne connaissait pas intimement. Mais Fol'Œil n'avait jamais maintenu le sort plus de quelques minutes et ne lui avait jamais rien fait faire de si contraire à sa nature.
« Au bout d'un moment, je ne savais plus ce qui venait de moi et ce qui venait de lui. » admit-il. « Est-ce que je l'aime encore ? Ou est-ce que je crois que je l'aime encore parce que c'est ce dont il était persuadé ? » Il secoua la tête. « Il ne voulait pas te faire de mal, tu sais. Pas jusqu'à ce qu'il se rende compte que Snape était vraiment amoureux de toi. Là, il est devenu obsédé par l'idée de lui arracher ce à quoi il tenait le plus mais il ne voulait pas s'en prendre à Harry. Je sais que ça semble stupide mais il place la limite aux gosses. C'est pour ça qu'il ne voulait pas leur dire où et comment on allait les évacuer. Je sais que c'est peu par rapport à tout le reste mais… Mais ça veut bien dire qu'il n'est pas totalement mauvais, non ? »
Elle ne dit rien parce qu'elle ne savait pas quoi répondre.
Elle ne voulait pas l'accuser à nouveau de lui trouver des excuses.
« Quand j'ai compris qu'il voulait te tuer… » continua Charlie. « J'ai lutté tellement fort… Dans ta cuisine, le soir où il a inventé cette histoire de fiançailles… »
« J'aurais dû comprendre. » s'excusa-t-elle, des larmes brillant à nouveau dans ses yeux. « Je suis tellement désolée. J'aurais dû… »
« Comment est-ce que tu aurais pu ? » la coupa-t-il, dans un haussement d'épaules. « C'est un expert en magie de l'esprit. Sa seule erreur, c'est de ne pas avoir compris avant que tu étais devenue Occlumens… Tu avais commencé à avoir des soupçons, non ? »
« Oui. » confirma-t-elle. « Mais je ne voulais pas y croire et son sortilège a fait le reste. »
Il hocha lentement la tête. « Je ne sais pas comment… Je ne sais pas comment continuer, ma nymphe. Pas après ça. »
« Tu te lèves tous les matins et tu mets un pied devant l'autre. » répondit-elle. « Et à chaque fois que tu flanches, tu te souviens que tu as des gens qui t'aiment et que leurs vies seraient vraiment très tristes sans toi. » Elle se rapprocha jusqu'à poser la tête sur son épaule. « Et tu te souviens que moi j'ai vraiment, vraiment besoin de toi. »
« Plus tant que ça, d'après ce que tu dis. » marmonna-t-il. « Tu as Snape. Tu… »
« Je l'aime et je ne voudrais pas vivre sans lui. » le coupa-t-elle. « Mais ça ne veut pas dire que je n'ai plus besoin de toi. Tu… Tu sais très bien que tu es… Tu es mon double, Charlie. Tu es mon meilleur ami. Tu es mon frère. Tu… » À court de mots, elle poussa un long soupir. « Je t'aime aussi. Ce n'est pas le même genre d'amour mais ça ne veut pas dire que c'est moins important. Si je te perds, je perds une part de moi-même. »
Il renifla sans élégance puis passa un bras autour d'elle. Lorsqu'il parla sa voix était rauque de larmes contenues.
« Moi aussi je t'aime. » déclara-t-il. « Et toi aussi tu es une part de moi. »
« Alors, s'il te plaît, je t'en supplie, n'essaye plus jamais de te faire du mal. » murmura-t-elle. « Je ne le supporterais pas s'il t'arrivait quelque chose. »
Il pressa un baiser sur le haut de sa tête mais ne promit rien.
Ils restèrent comme ça un moment, du moins jusqu'à ce quelqu'un n'ouvre la porte qui donnait sur l'intérieur, une volée de marches plus haut. Aidan avait l'air perturbé et parut soulagé de les voir.
« Tonks, il faut que tu ailles dans le hall immédiatement. » déclara le Langue-de-Plomb. « Je crains que ta mère ne soit sur le point de faire des brochettes de loups-garous. »
« Quoi ? » s'exclama-t-elle, en se détachant de Charlie pour se remettre debout.
« Black et Lupin se battaient, visiblement à propos de toi, et ta mère s'en est mêlée lorsque ton cousin a dit que Lupin t'avait attaquée. » résuma-t-il. « Snape était en train de tenter de calmer le jeu lorsque je suis parti mais je doute que… »
Elle monta les marches quatre à quatre avant de s'immobiliser et de se tourner vers Charlie qui s'était remis debout plus lentement. Son meilleur ami leva les deux mains.
« Je ne vais pas en profiter pour me jeter dans le vide. » promit-il, avec un humour noir. Il ne tarda pourtant pas à froncer les sourcils. « Qu'est-ce que ça veut dire : Remus t'a attaquée ? »
Oh, elle pouvait deviner ce qu'ils entendaient par là…
Quant à qui avait vendu la mèche…
Elle allait tuer Severus.
Sans répondre, elle jeta un coup d'œil hésitant à Aidan. « Tu peux le raccompagner à l'infirmerie ? »
« Bien sûr. » accepta immédiatement le Langue-de-Plomb, avant de tourner vers Charlie un de ses sourires charmeurs. « Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais… »
« Poufsouffle. Deux ans de plus que Tonks. » répondit son meilleur ami, avec un sourire hésitant. « Toujours avec un livre à la main, je me souviens de toi. »
Aidan se détendit visiblement et enfonça les mains dans les poches, descendant les marches pour le rejoindre. « Je suis heureux de constater que tu vas mieux. »
Nymphadora hésita un peu plus puis décida que Charlie était en sécurité avec le Langue-de-Plomb et partit en courant, sprintant le long de couloirs et sautant pratiquement des volées de marches entières. Elle était essoufflée lorsqu'elle arriva dans le hall où l'attroupement lui laissa peu d'espoir quant à une résolution discrète. De fait, lorsqu'elle parvint à se frayer un chemin jusqu'au premier rang…
Severus se tenait là, à se pincer l'arrête du nez comme s'il avait la migraine.
Sirius avait les bras croisés, le visage tuméfié mais paraissait fier de lui.
Et sa mère tenait Remus au bout de sa baguette.
Remus qui pendait dans les airs, semblant à peine capable de respirer, et répondait aux menaces d'Andromeda par des insultes imagées.
Les cheveux virant brusquement au rouge, elle tira sa baguette et la pointa vers le plafond. Le bruit fut assourdissant et la plupart des gens se bouchèrent les oreilles. Elle croisa le regard de plusieurs d'entre eux et gronda. « Dispersez-vous ! Maintenant ! »
Était-ce l'autorité dans sa voix ?
La magie brute qu'elle laissa échapper dans une vague menaçante ?
Le fait que ses cheveux rouges formaient une auréole autour de sa tête ?
La foule se dépêcha de remonter dans les étages ou de se précipiter dans la Grande Salle sans demander son reste.
« Qu'est-ce qui se passe ici ? » tonna-t-elle, une fois qu'ils furent relativement seuls.
Bill était resté, les deux mains fermement plantées sur les épaules d'un Harry à l'air légèrement penaud.
« Il se passe que si cet homme t'a réellement agressée comme le prétend mon cousin, il va comprendre que Bellatrix n'est pas la seule spécialiste des sorts de découpe. » déclara Andromeda, tout à fait calmement.
Nymphadora se tourna vers Severus, plus furieuse après lui qu'elle ne l'avait été depuis des jours, mais avant qu'elle n'ait pu l'accuser de quoi que ce soit, il fit un geste vers son fils. « Il s'avère qu'Harry a surpris la scène, ce jour-là, et s'est confié à son parrain. Ce qu'il a vu l'a… perturbé. »
Cela lui coupa tout énervement.
Soudain, sa colère se transforma en lassitude.
« Je suis désolée que tu aies assisté à ça, mon chat. » offrit-elle. « Où étais-tu ? »
« Dans l'arbre. » Harry fit la grimace. « Et il allait te suivre ! Je lui ai sauté dessus. Il ne fait pas le poids face à mon tigre. »
« Et qu'est-ce que tu as vu exactement, Harry ? » s'enquit Andromeda. « Parce que selon la gravité de l'offense, je ne couperais peut-être qu'une des deux… »
« Relâche-le. » exigea-t-elle, en posant une main sur l'épaule de sa mère. « S'il te plaît, relâche-le. C'est humiliant pour moi, pas pour lui, maman. Je lui ai déjà réglé son compte. »
Andromeda fouilla son regard puis soupira avant de ranger sa baguette.
Remus tomba au sol comme un sac, crachant et toussotant, mais personne ne se précipita pour le relever.
« On ne peut pas le laisser s'en tirer comme ça ! » protesta Sirius. « Il faut… »
« Dumbledore est au courant. » s'agaça-t-elle. « Et je sais me défendre toute seule. Je n'ai pas besoin de vous pour… »
« Peut-être… » intervint Severus, de sa voix traînante. « … serait-il bon de terminer cette conversation dans un endroit plus privé. Nous avons suffisamment nourri les rumeurs comme ça. Bill, pourriez-vous raccompagner Lupin aux grilles ? »
Au lieu d'acquiescer, Bill tourna le regard vers elle. « Charlie ? »
« Il est avec Aidan. Il va bien. » promit-elle.
Le Briseur-de-Sorts n'avait pas l'air heureux. « On va avoir une dispute à ce sujet, plus tard, sache-le. »
Et, sur cet avertissement pas tout à fait sérieux, il lâcha Harry pour aider Remus à se relever sans trop de courtoisie. Il le traîna dehors plus qu'il ne le soutint.
« À la maison. » ordonna Andromeda, dans un sifflement qui ne tolérait pas de contradiction. « Tout de suite. »
Elle aurait aimé protester mais devinait que les curieux dans la Grande Salle avaient les oreilles qui traînaient. Avec un soupir, elle suivit lorsque Sirius et sa mère ouvrirent la voie vers les appartements des Tonks.
« Je suis désolé. » grimaça Harry, en venant se planter devant elle avec hésitation. « Je n'aurais pas dû le dire, je sais, mais… Mais il n'avait pas le droit. »
Il y avait une telle détresse dans le regard vert qu'elle ne se sentait pas capable d'en rajouter. Elle lui ébouriffa les cheveux, juste parce qu'elle savait que, s'il prétendait que ça l'agaçait, il appréciait secrètement le geste affectueux.
« Je ne suis pas fâchée après toi mais j'aurais préféré que tu m'en parles, à moi. » décréta-t-elle. « Ou à Severus. On aurait évité un esclandre. »
Harry baissa la tête. « Je ne voulais pas en parler du tout mais Sirius a raison, ce n'était pas bien de se taire. »
Elle poussa un long soupir. Elle ne pouvait pas exactement lui donner tort. « La prochaine fois, parles-en avec la personne concernée d'abord et avec quelqu'un d'un peu moins prompt à s'enflammer sans réfléchir ensuite. »
Le garçon chercha son regard, embêté. « Je suis désolé, Dora. »
Elle leva les yeux au ciel puis le poussa dans la direction qu'avait emprunté sa mère et son cousin. « Ce n'est pas toi qui as commencé, ce n'est pas à toi que j'en veux. »
Dès que l'adolescent se fut éloigné, elle sentit la main de Severus glisser dans le creux de ses reins. « J'ai vu la scène dans son esprit. C'était beaucoup plus violent que ce que tu m'as décrit. »
« Je ne sais plus. » admit-elle. « C'est allé trop vite. »
L'ancien espion émit un bruit dubitatif puis l'encouragea d'une légère poussée à se mettre à marcher. Il laissa sa main là où elle était jusqu'à ce qu'elle passe un bras autour de sa taille et se presse contre lui. Il monta le sien autour de ses épaules mais la relâcha vite.
« La rumeur aura fait le tour du château d'ici une heure. » déclara-t-il, à regret. « Il serait préférable… »
« … Que je donne l'image d'un général fort et pas d'une victime qui se réfugie dans les bras de l'homme qui partage sa vie. » termina-t-elle, avec dégoût. « Merci, Remus. »
« Je ne pense pas que ce sera véritablement un problème. » nuança-t-il. « Ta réputation est suffisamment établie mais il serait bon de ne pas alimenter les ragots des médisants. Ce n'est pas juste, je le sais. »
Avec un soupir, elle se détacha de lui et avança d'un pas assuré, ralentissant juste assez pour qu'il n'ait pas trop de mal à la rattraper avec sa canne.
Elle n'était pas certaine de comment sa mère avait fait mais, le temps qu'ils atteignent les appartements de ses parents, Ted les attendait, visiblement inquiet et furieux.
« Remus t'a agressée ? » demanda son père, sans même un regard pour les autres. Ses yeux se baladèrent sur elle à la recherche d'une blessure ou autre.
« C'était il y a longtemps. » expliqua-t-elle, avec agacement. Parce qu'elle n'aurait pas dû avoir à s'expliquer. Ça ne regardait qu'elle. « Severus était encore dans le coma. Et il ne m'a pas agressée… »
Severus émit un bruit de protestation.
« Si ! Je l'ai vu. » contra Harry. « Ce n'était pas… Il t'a attaquée ! Et il t'aurait suivie et je ne sais pas ce qu'il aurait fait ! Je… »
« Harry, je suis désolée que tu aies assisté à ça, encore plus désolée de ne pas t'avoir remarqué, mais je suis plus que capable de gérer Remus. » le coupa-t-elle, en désignant d'un geste impérieux le salon. Son père prit place dans un fauteuil avec réticence, sa mère et Sirius choisirent de rester debout, bras croisés dans un attitude hostile parfaitement similaire, l'adolescent finit par prendre place dans un autre fauteuil grâce à l'invitation murmurée de Ted, et Severus resta juste derrière elle. Sa main revint se poser au creux de ses reins, lui donnant le courage nécessaire pour poursuivre. « Il a simplement essayé de m'embrasser. Ce… »
« En t'attrapant par les cheveux ? » railla Sirius. « Je vais le buter, ce con. Je vais… »
« Tu ne vas rien faire du tout. » siffla-t-elle. « Je te l'ai dit. C'est réglé. »
« Comment est-ce que cela peut être réglé s'il a toujours le droit d'aller et venir comme il le souhaite ? » rétorqua Andromeda. « Comment cela peut-il être réglé s'il continue à nier ? Comment… »
« Techniquement parlant, il ne peut pas aller et venir comme il veut. » la coupa-t-elle. « Et j'ai la situation en main. »
« C'est exactement pour ça que je ne voulais pas que tu sortes avec lui ! » s'énerva Andromeda. « Les loups-garous peuvent devenir instables avec l'âge et… »
« Ne vous avisez pas d'insinuer que Nymphadora est à blâmer. » siffla Severus froidement, en faisant un léger pas en avant comme pour se placer entre elle et sa mère.
La jeune femme ne réagit pas immédiatement, accusant le coup.
« Je dis juste que si elle réfléchissait un peu avant de s'entêter à sortir avec des hommes qui ne sont pas pour elle… » rétorqua Andromeda avant de s'interrompre brusquement et de rougir, comprenant sans doute ce que la remarque avait de déplacée. « Je ne parle pas pour vous. »
« Non ? » ricana Severus. « J'aurais pu me méprendre. »
« Wow. » lâcha Nymphadora, en s'appuyant un peu plus contre lui. Ils n'étaient plus en public, il n'y avait plus d'apparences à sauver. « Dis que je l'ai cherché, pendant que tu y es. »
« Ce n'est pas ce que voulait dire ta mère. » intervint Ted, avec un rare regard courroucé pour sa femme. « Bien sûr que non. »
« Ce n'est pas du tout ce qu'on dit. » renchérit Sirius. « Mais je ne comprends pas pourquoi tu ne nous en a pas parlé. Il devrait… »
« Pourquoi je ne vous en ai pas parlé ? » railla-t-elle, en les désignant d'un geste large. « Mais pour éviter ça. Comme si je n'étais pas capable de gérer toute seule, comme si j'avais besoin de vous pour… »
« Clairement, tu allais garder le secret ! » rétorqua Andromeda. « Et pourquoi ? Pour le protéger ? C'est… »
« Parce que le choix de parler ou se taire lui appartenait à elle. » l'interrompit à nouveau Severus sèchement. « C'est elle la principale concernée et… »
« Oh, ta gueule, Servilus. Un gars que tu détestes agresse sexuellement ta femme et tu restes planté là à ne rien faire ? » rétorqua Sirius, visiblement hors de lui. « Tu me déçois. »
« Sirius ! » s'exclama Harry, choqué.
À la réflexion, peut-être que Nymphadora aurait dû lui dire d'aller rejoindre ses amis. Le niveau de maturité dans la pièce ne volait pas haut.
« Ma femme, comme tu dis, n'a pas besoin de moi pour pourfendre ses loups-garous, elle peut très bien s'en charger seule. » cingla Severus. « Et tu risques d'en avoir une démonstration très bientôt pour l'avoir appelée ainsi. »
Il fallait admettre que Nymphadora était tentée de lui jeter un maléfice.
Appelait-on Severus son homme ? Non.
« Il savait déjà. » lâcha Ted, dans le court silence qui suivit la menace. Son regard était rivé sur Severus. « Je me trompe ? »
Le Maître des Potions quêta la permission de la jeune femme du regard, elle hocha la tête. « Je savais. »
Sirius lui jeta un regard trahi. « Et tu ne m'as rien dit ? »
« Nymphadora craignait un lynchage public. » contra-t-il. « Elle n'avait pas tort de vouloir gérer les choses discrètement. Et, contrairement à ce que vous semblez tous penser, elles ont été gérées. »
« C'est pour ça que tu as envoyé Remus espionner les loups-garous. » comprit soudain Harry. « C'était une punition. »
« Un exil. » corrigea tranquillement Severus. « Approuvé par Albus, qui plus est, qui a été dûment mis au courant du comportement dérangeant de son loup en chef. »
« Et tu te contentes de ça ? » insista l'Animagus.
Un rictus joua sur les lèvres de l'ancien espion.
Nymphadora leva les yeux au ciel. « Bien sûr qu'il ne s'est pas contenté de ça, même si je le lui ai demandé. Il lui a botté les fesses mais, lui, a eu le bon goût de le faire derrière une porte close. »
« Tu lui as botté les fesses. » nia modestement Severus, en passant plus franchement le bras autour d'elle. « Je me suis contenté de l'embrocher. » D'une torsion du poignet, il fit jaillir la lame à l'extrémité de sa canne avant de la ranger comme si de rien n'était. « Je ne t'ai pas suffisamment remercié pour ce présent, Sirius. Elle fonctionne à la perfection. »
Harry avait l'air perturbé mais pas surpris.
Sirius et Andromeda le dévisageaient, la bouche entrouverte.
Ted eut simplement l'air satisfait.
« Je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne voulais pas en parler. » insista la Médicomage, quoi que plus calmement. « Il mérite que tout le monde le sache, que… »
« Ma priorité, c'était plutôt que personne nesache que le numéro deux du Département des Aurors avait été attaquée par son ex qui est, en plus, un loup-garou. » la coupa-t-elle. « Déjà, parce que je te laisse deviner qui de nous deux va prendre un coup à sa réputation. Après, parce que Remus est le représentant des loups. Ça pourrait dégénérer très, très vite. Mais ça, c'était sans doute demander un peu trop de réflexion de votre part, hein ? »
Sirius, Harry et Andy eurent le mérite de grimacer.
« Je suis désolé, Dora. » répéta l'adolescent, pour la deuxième fois.
C'était bien le seul qui avait pris la peine de s'excuser.
« Ça va, c'est rien. Tu ne pouvais pas savoir. » offrit-elle, même si elle n'en pensait pas moins. Le pouce de Severus traça une caresse discrète sur sa taille. Approbation ou gratitude ? « Mais, Sirius, franchement… »
« Je suis désolé si je t'ai compliqué la vie. » admit son cousin. « Mais je ne suis pas désolé de lui avoir cassé la gueule. »
Ses yeux gris dérivèrent vers Severus et il grimaça mais le Maître des Potions balaya ses excuses pour avoir insinué qu'il n'avait rien fait avant même que l'ancien fugitif n'ait pu les formuler.
Ted se leva de son fauteuil et avança jusqu'à elle, posant une main sur son bras pour l'observer avec inquiétude. « Ce n'était pas la première fois qu'il s'en prenait à toi comme ça, si ? »
Elle pinça les lèvres. « Maman dirait que j'aurais dû écouter ses mises en garde. »
« Ce n'est pas… » soupira Andy mais Ted l'attira à lui et la fin de sa phrase se perdit.
Elle se fondit dans l'étreinte réconfortante de son père, fermant les yeux pour mieux en profiter.
« Je comprends pourquoi tu voulais régler ça discrètement. » déclara le Botaniste. « Mais je ne peux pas te promettre que je ne lui mettrais pas mon poing dans la figure si je le croise. Même si tu es plus que capable de le faire toi-même. » Il la relâcha lentement, son regard trouvant celui de Severus. « S'il… » hésita son père.
« S'il tente à nouveau de la toucher, il est mort. » déclara tranquillement Severus, avec à peine un regard gêné pour son fils. « Ma patience, comme ma miséricorde, ont une limite. »
« Non. » grommela Nymphadora, en lui assénant une claque légère sur le torse. « Azkaban. Visite conjugale. »
« Encore faut-il qu'on trouve le corps et qu'on prouve que c'est moi. » rétorqua-t-il, plus amusé que sérieux.
« Kreattur est très doué pour faire disparaître les cadavres. » remarqua Sirius, avant de soupirer avec regret. « Mais je n'en suis pas encore à vouloir le tuer… »
Elle leva les yeux au ciel. « Bref. L'affaire est réglée. On passe à autre chose. » Elle jeta un coup d'œil à la montre qu'elle portait au poignet. « Je dois retourner au bureau avant qu'ils ne se demandent où je suis passée. »
« Moi de même. » déclara Severus, avec un empressement manifeste.
Sans doute voulait-il sortir d'ici autant qu'elle.
Andromeda tenta de la retenir, de la prendre à part… « Chérie, ce n'était pas du tout ce que je voulais dire. »
Nymphadora se força à sourire mais c'était froid et ça n'atteignit pas ses yeux. « Oh, tu as été très claire, maman. »
Ce n'était pas aussi satisfaisant de claquer la porte de l'appartement de ses parents derrière elle. Elle avait l'impression de s'être rapprochée de sa mère depuis la bataille et cette remarque avait tout gâché.
« Tout va bien ? » s'enquit Severus, une fois qu'ils se furent un peu éloignés.
Harry marchait avec eux, les mains dans les poches et le regard rivé au sol, elle ne voulait pas rajouter à sa détresse alors elle se contenta de hausser les épaules.
Franchement, qu'y avait-il d'autre à dire de toute manière ?
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« C'est moi ou Loufoca a l'air moins… loufoque ? » demanda Ron à Hermione, en aparté.
Le groupe qui s'était réuni sur la pelouse était moins joyeux qu'à l'ordinaire, parce que ça faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés comme ça, tous ensemble, et que les absents laissaient des trous qu'ils ne savaient pas comment combler. Un jeu improvisé s'était organisé autour d'un souaffle que se renvoyaient Dean, Seamus, Neville, Draco et Ginny, sans grand entrain. Hannah et Susan discutaient avec Lavande d'une manière qui ne semblait pas tout à fait naturelle, les deux Poufsouffles visiblement peu sûres de savoir comment traiter la jeune fille à présent qu'elle avait été mordue mais voulant faire un effort manifeste pour prétendre que tout était normal. Astoria et Luna étaient penchées sur un livre dont elles débattaient à voix basse…
« Ne l'appelle pas comme ça. » le gronda Hermione, sans y mettre trop de conviction, en lui assénant une légère bourrade. Ils s'étaient un peu écartés du groupe pour aller s'asseoir sous un des grands arbres où ils pourraient discuter tranquillement. « Draco est toujours furieux qu'on l'ait tous oubliée. »
Ron devait admettre que ce n'était pas glorieux de leur part. Aucun d'eux ne s'était soucié d'où Luna vivait ou d'avec qui, trop obnubilés par leurs propres problèmes qui étaient, il fallait l'admettre, conséquents. Mais, tout de même… Neville avait cerné le problème et aurait dû leur en parler.
« N'empêche qu'elle a l'air moins… Luna. » remarqua-t-il, bien que ce ne soit pas tout à fait exact. Elle avait toujours ce petit grain de folie mais son apparence était plus sage. Ses cheveux étaient peignés déjà, ses robes étaient élégantes et repassées… La baguette calée derrière l'oreille et les radis qui pendaient à ses oreilles n'atténuaient pas tout à fait l'effet général.
« Lady Malfoy pourrait civiliser n'importe qui. » plaisanta Hermione, en baissant la voix. Puis, elle grimaça, comme si elle se sentait un peu coupable. « Il faut reconnaître qu'elle semble l'avoir adoptée et que Luna le lui rend bien. Je n'aurais jamais pensé que Narcissa Malfoy puisse être si… maternelle. Elle est tellement froide, la plupart du temps… »
Il ne voulait pas spéculer sur ce que la mère de son ami était ou pas.
« Harry n'avait pas dit qu'il essaierait de nous rejoindre ? » changea-t-il le sujet, en fronçant les sourcils.
Comme d'habitude lorsqu'il s'aventurait à se laisser penser trop sérieusement à son meilleur ami, l'inquiétude forma une boule dans son estomac. Harry allait un peu mieux que lorsqu'il était venu les trouver, finalement humain à nouveau, mais ce n'était pas non plus une transformation miraculeuse. Il restait distrait, maussade, souvent en retrait, et triste… Tellement triste.
« Si. » confirma-t-elle, avec un léger soupir. « Mais il a peut-être changé d'avis. Il n'est peut-être pas prêt à revoir tout le monde. Il faut y aller petit à petit, je crois. »
Ron acquiesça.
Il n'imaginait pas ce que son ami avait traversé. Être forcé de tuer quelqu'un lui semblait déjà affreux, mais la manière dont cela s'était passé… Et c'était ajouté à tout le reste, en prime.
« Oh. » lâcha soudain Hermione, en s'humectant les lèvres.
Il avait été occupé à jouer avec un brin d'herbe et releva la tête, alarmé plus qu'intrigué par ce qui avait attiré son attention, mais il se détendit lorsqu'il vit ce qu'elle regardait avec autant d'insistance. Les garçons qui se lançaient le souaffle et couraient dans tous les sens avaient tombé le haut.
Sa sœur fit un commentaire qu'il ne comprit pas avec la distance – ce qui était sans doute pour le mieux – puis éclata de rire lorsque Dean rétorqua autre chose avant de soudain lui foncer dessus comme pour l'attraper. Ginny détala comme un lapin, en riant.
Ce fut bien la seule raison pour laquelle Ron resta sagement assis où il était : parce qu'elle riait et que c'était devenu rare.
Il ne fallait pas croire qu'il était aveugle.
Il voyait bien que Dean faisait à nouveau des travaux d'approche.
Il tourna la tête vers Hermione pour lui demander ce qu'elle en pensait mais dut lever les yeux au ciel face à son air rêveur – et légèrement affamé. Son regard était rivé sur Draco qui ne devait pas être aussi inconscient du fait qu'il ne le laissait paraître parce qu'un sourire en coin jouait sur ses lèvres.
Il préférait ne pas repenser à ce qu'Harry avait sous-entendu à propos de lui et d'Hermione.
Il y avait des choses qu'il ne voulait pas savoir.
Son regard dériva vers Lavande qui, comme Susan et Hannah, semblait soudain beaucoup plus intéressée par le jeu improvisé. Ron grommela un peu dans sa barbe et abandonna Hermione pour aller s'asseoir à côté de sa petite-amie et lui passer un bras possessif autour des épaules.
Il ne faisait même pas si chaud que ça, le temps se couvrait et ne tarderait pas à virer à l'orage.
Ses amis n'avaient retiré le haut que pour frimer.
Inutilement, dans le cas de Neville, semblait-il, parce que les coups d'œil qu'il jetait à Luna restaient vains, la jeune fille était entièrement perdue dans son livre.
Lavande tourna la tête et l'embrassa sans hésiter.
Il se laissa aller au baiser facile qui s'emballa sans qu'aucun d'eux ne le veuille vraiment. Ron se demandait vaguement s'il pourrait la convaincre de trouver un endroit tranquille pour rejouer ce qu'il s'était passé sur le terrain de Quidditch lorsqu'elle mit brutalement fin au baiser et leva la tête, le regard perçant et un peu trop sauvage rivé vers les portes du château au loin.
Aux aguets.
Il n'y avait aucun moyen d'ignorer que c'était exactement ce que ça lui évoquait : un animal aux aguets.
« Qu'est-ce qu'il… » commença-t-il à demander, uniquement pour se voir couper la parole lorsqu'elle détala comme une flèche.
« Qu'est-ce qu'elle a ? » s'exclama Susan, alarmée.
Ron partit en courant derrière elle, sans répondre. Si les autres s'interrompirent pour regarder ce qu'il se passait, personne ne les suivit.
Ce qui était sans doute pour le mieux, songea-t-il, lorsqu'il repéra les deux silhouettes vers lesquelles Lavande fonçait. Au début, il crut que Bill soutenait Remus. C'était un peu le cas… Mais il fut rapidement évident que son frère le traînait davantage qu'autre chose.
Pour quelqu'un qui n'était pas particulièrement sportif, la jeune fille filait comme le vent et Ron, qui était pourtant rapide, eut du mal à la rattraper. De fait, le temps qu'il le fasse, avec un point de côté qu'il refusait d'assumer, elle s'était déjà jetée sur Bill et l'avait poussé.
« Lâchez-le ! » ordonna-t-elle, dans un grondement qui n'avait pas grand-chose d'humain.
Surpris, son frère recula – sans lâcher Remus.
Elle l'aurait à nouveau poussé si Ron ne l'avait pas attrapée par la taille et tirée en arrière.
« Arrête ! Qu'est-ce qu'il te prend ? » s'exclama-t-il.
Sans lui répondre, Lavande se dégagea et tourna un regard presque désespéré vers Remus qui avait le visage tuméfié. Du sang coulait de son nez sur sa bouche et…
« Alpha ? » s'enquit-elle.
Alpha.
Ron fit de son mieux pour ne pas réagir mais ne manqua pas l'expression désapprobatrice de Bill.
« Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ? » osa demander Ron.
« Remus doit partir. » intervint Bill. « En urgence. »
Lavande n'était visiblement pas d'accord avec ça. Elle se planta sur leur chemin et dévisagea son frère d'un air mauvais. « Lâchez-le. »
Sa voix avait pris un ton bizarre, autoritaire et sauvage à la fois, un peu comme…
« Lavande. » murmura Remus, en cillant. Il ne semblait pas tout à fait lucide mais parut faire un effort pour se reprendre. Il se redressa un peu, s'appuya moins sur Bill… « Tout va bien, Lavande, ne t'inquiètes pas. »
Ron leva un peu les sourcils sans s'embarrasser de cacher qu'il était dubitatif. Ça n'avait pas l'air d'aller bien. Il était évident que quelqu'un avait confondu sa tête avec un cognard.
« Je peux aller chercher Laura. » offrit la jeune fille, en fusillant Bill du regard. « Et je peux l'obliger à vous lâcher. »
Lavande obligeant un homme de la taille de Bill à faire quoi que ce soit était risible.
Mais elle ne semblait pas voir le problème et Ron eut la soudaine certitude qu'elle se jetterait sur son frère, grifferait et mordrait jusqu'à obtenir ce qu'elle désirait.
Il se racla la gorge. « Euh… Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Son frère aîné hésita quelques secondes, son regard s'attardant sur Lavande avec ce qui s'apparentait à de la pitié. « Rien. Comme je le disais, Remus doit partir. »
« Oui, voilà. » confirma l'ancien Professeur. « Il y a eu un léger malentendu mais c'est réglé, à présent. Et je dois retourner voir le reste de la meute. »
Lavande n'avait pas l'air convaincu et jeta à Bill un regard mauvais. « Je vous raccompagne. »
Ron voulut lui prendre la main, la calmer…
Elle se dégagea d'un coup sec et le regarda avec colère, comme s'il était responsable de ce que faisait son frère.
« C'est une affaire de loups. » décréta-t-elle. « Retourne avec les autres. »
Elle se détourna avant qu'il n'ait pu s'offusquer de la manière injuste dont elle lui avait parlé. Bill lui fit une grimace avec compassion mais Ron resta planté là, un peu éberlué, sans trop savoir ce qui venait de se passer.
Lentement, il rebroussa chemin vers ses amis.
Le jeu avait repris, à l'exception de Draco qui avait pris sa place à côté d'Hermione et avait passé ses bras autour d'elle. Il n'était pas difficile de deviner qu'ils avaient été occupés à s'embrasser avant de repérer son approche.
Ron se laissa tomber à côté d'eux, le cœur un peu trop lourd.
« Tout va bien ? » hésita Hermione. « C'étaient Bill et Remus ? Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Il haussa les épaules en signe d'ignorance et ravala ses craintes à propos de Lavande et de la potion Révèle-Loup.
Il était indéniable qu'elle avait changé depuis la pleine lune.
Draco parut comprendre qu'il ne souhaitait pas en parler parce qu'il lui tapa le pied du bout de sa chaussure. « J'ai entendu dire que Gorgovitch avait pris contact avec Pré-au-Lard. »
Ron le fixa sans y croire. « Dragomir Gorgovitch ? Le Capitaine des Cannons de Chudley ? »
« C'est ce que dit la rumeur. » confirma le Serpentard. « Peut-être que l'équipe va suivre… »
Les Harpies avaient rejoint Poudlard dès le lendemain de la bataille, ainsi que les Tornades mais beaucoup d'équipes professionnelles, à l'exception d'un ou deux joueurs par ci par là, étaient passées à l'étranger ou se cachaient là où elles se pensaient en sécurité. Bill avait laissé échapper qu'ils envisageaient l'idée d'unités volantes et que les joueurs professionnels de Quidditch seraient sans doute des recrues de choix pour peu qu'ils sachent se battre – ou viser juste avec une potion incendiaire.
« Dragomir Gorgovitch… » répéta Ron avec admiration, sans prendre ombrage du sourire affectueusement moqueur qu'affichait Hermione.
Ce n'était pas suffisant pour lui rendre sa bonne humeur mais… C'était un début.
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Le silence dans le bureau de Severus était à couper au couteau.
Ou peut-être était-ce son imagination parce que si le Professeur lui jetait parfois quelques coups d'œil discrets, il n'avait pas l'air hostile ou en colère. Harry, pourtant, restait avachi dans un fauteuil à tourner et retourner le sceau des Prince autour de son doigt avec la sensation qu'il avait vraiment fait quelque chose de mal.
« Cesse de t'auto-flageller. » déclara Severus, au bout d'un long moment, dans un soupir. « Ce n'était pas ta faute. »
« Je n'aurais pas dû en parler. » souffla-t-il immédiatement, trop heureux de se libérer de ce poids qui pesait sur son torse.
« Tu aurais absolument dû en parler. » contra son père, en posant le stylo qu'il avait en main pour lui donner sa pleine attention. « Que tu l'aies dit à Sirius plutôt qu'à Nymphadora ou à moi n'est pas le problème, non plus. C'est ton parrain qui aurait dû utiliser ce qui lui sert de cervelle et comprendre qu'une confrontation publique ne serait pas du meilleur effet. »
Harry baissa à nouveau les yeux vers l'épaisse bague. « Dora m'en veut. »
Severus entrelaça ses doigts et l'observa attentivement. « Il me semble qu'elle t'a affirmé le contraire plusieurs fois. Tu t'es excusé, elle a accepté tes excuses… Elle n'est pas rancunière. »
« Elle devrait. » insista-t-il. « À cause de moi… »
« Harry. » le coupa fermement son père. « Je ne vais pas te mentir, j'aurais préféré que tu ne te retrouves pas impliqué dans la petite scène de tout à l'heure. Que Sirius soit incapable de voir plus loin que le bout de son nez lorsqu'il est en colère, passe encore, mais tu es plus intelligent que ça. Toutefois, tu n'es pas celui qui a agressé Nymphadora, en premier lieu. Tu n'es pas responsable de ce qu'il s'est passé. Et il est évident que tu avais besoin d'en discuter. »
L'adolescent refusa de croiser son regard.
Plus tôt, lorsque Severus avait rejoint le hall d'entrée et avait demandé ce qu'il se passait, il lui avait ouvert son esprit sans une hésitation, projetant à la surface le souvenir dérangeant de la dispute entre Dora et Remus – et la manière dont il l'avait retrouvée à l'infirmerie un peu après, assise par terre, des traces de larmes sur les joues, si complètement désespérée… Il n'avait pas compris pourquoi l'homme ne réagissait pas, n'avait pas compris qu'il savait déjà.
« J'ai cru qu'il allait lui faire du mal. » avoua Harry, à voix basse. « Pour de vrai. Je… Il en était capable. Il en est capable. »
« Je ne l'ignore pas. » répondit le Maître des Potions. « Mais je conçois que ce soit un choc pour toi. Je sais que tu le considérais comme un adulte de confiance jusqu'à cette année. »
« Il est tellement différent… » lâcha-t-il, avec désespoir. « C'est à cause de la potion ? On ne peut pas… On ne peut pas l'aider ? »
Severus hésita légèrement puis s'appuya un peu plus contre le dossier de son fauteuil. « Au risque d'être traité de bigot… Il y a des raisons pour lesquelles les loups-garous sont craints et pour lesquelles le Ministère assoit un tel contrôle sur eux. Les meutes sont devenues choses rares, de nos jours. On trouve davantage de solitaires ou, à la limite, des petites communautés de deux ou trois loups… Beaucoup sont ceux qui craignent la malédiction, la rejettent, comme Lupin le faisait jusque ici. » Le sorcier s'interrompit quelques secondes, sembla choisir ses mots avec précaution. « Il est documenté qu'arrive un certain moment dans la vie d'un tel loup-garou où il devient mentalement instable. La fracture entre ses deux natures devient trop importante. Je pense que Lupin en était à ce point. La potion l'a stabilisé en fusionnant ses deux natures. En acceptant son loup intérieur, il a cessé d'agrandir la fracture, si tu préfères cette image. »
« Mais ça l'a changé. » insista-t-il.
Le Maître des Potions pianota distraitement sur le bord du bureau. « Je ne suis pas certain que ce soit la potion qui l'ait changé mais son obsession à être l'Alpha d'une meute… À l'époque des Maraudeurs, ton père était le leader, la question ne se posait pas. Il est resté solitaire pendant des années puis a retrouvé Sirius qui n'était pas en état d'être l'Alpha dont il avait besoin. Ensuite, il s'est attaché à Nymphadora qui, je le crains, voulait voir au-delà de la malédiction mais ignorait dans quoi elle mettait véritablement les pieds. Il s'est retrouvé quasiment en charge de l'Ordre, également. Peut-être a-t-il pris goût au pouvoir après avoir trop longtemps été opprimé ou peut-être est-ce une caractéristique latente des loups dominants qui s'exprime… »
« D'accord mais… La manière dont il s'est comporté avec Tonks… » pressa-t-il.
« Est inacceptable. » confirma son père. « Mais son obsession pour elle est malsaine. Ma seule consolation est qu'il semble désormais la rejeter parce qu'elle refuse de se conformer à l'idée qu'il a d'elle… Cela pourrait être une bonne chose, insultes et commentaires dénigrants mis à part. »
« Je ne le laisserai pas lui faire du mal. » déclara-t-il, résistant à peine à l'envie de se transformer en tigre pour mieux pister Remus et le lui faire comprendre.
« Ce n'est pas à toi de la protéger. » contra Severus. « Déjà, parce que, comme elle l'a affirmé, elle est plus que capable de se défendre seule. Ensuite, parce que, devrait-elle avoir besoin d'aide, j'ai plus d'un compte à régler avec le loup. »
« C'est ma famille aussi. » protesta-t-il. « J'ai le droit de la défendre. »
Si l'homme sembla étrangement interpellé par le mot, il se reprit bien vite. « Il y a une différence entre défendre quelqu'un et ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Ça, c'est plus ma spécialité et je préfère que ça le reste. Nous comprenons-nous ? »
Face au lever de sourcil impérieux, Harry ne put que soupirer. « Oui, papa. »
Severus ouvrit la bouche mais la referma avec une grimace avant de sortir un carnet familier de sa poche. Son expression se rembrunit lorsqu'il lut les quelques lignes griffonnées à la hâte.
Harry résista à l'envie de lui dire qu'il voulait absolument apprendre ce sort qui avait l'air bien pratique. Ce n'était très visiblement pas le moment.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-il, alors que Severus reprenait son stylo.
« Loutry Saint Chaspoule est en flammes. Les Mangemorts sont passés à l'attaque. » répondit l'ancien espion, tout en couchant quelques mots sur le papier.
La seconde suivante, la porte s'ouvrait à la volée sur Bill Weasley. « Il y a une attaque à… »
« J'ai déjà autorisé le déploiement des Aurors. » le coupa Severus. « Prévenez Albus. » Mais avant qu'il ait pu en dire davantage, un hibou entra par la fenêtre ouverte et jeta un bout de parchemin sur son bureau. « Attaque simultanée dans le nord. » Le Professeur marmonna quelque chose de peu aimable entre ses dents et fit apparaître un Patronus. « Prenez les troupes qu'il vous faut, Kingsley. Je renforce la sécurité du périmètre. »
Comprenant qu'il était de trop, Harry se leva. « On se retrouve à la maison plus tard ? »
Son père acquiesça mais c'était distrait.
Déjà, lui et Bill déroulaient une carte de l'Angleterre sur le bureau…
°O°O°O°O°
La bataille durait depuis des heures.
Quand une journée était merdique, elle l'était vraiment jusqu'au bout, songea Nymphadora, en jetant un incendio à droite dont l'effet fut grandement atténué par la trombe d'eau qui se déversait du ciel. Le déluge avait eu le mérite d'éteindre les incendies mais cela avait également transformé le terrain en un mélange de boue et de cendres à mesure que les combats s'éloignaient du centre du village. Sans parler des Inféris que la pluie ralentissait à peine.
« Aidan ! » hurla-t-elle par-dessus le bruit des combats et les hurlements terrifiés des civils qui n'avaient pas été évacués à temps.
Le Langue-de-Plomb n'était pas bien loin, tentant, comme elle, de garder son unité en formation.
Les Mangemorts paraissaient déterminés à les disperser, à les isoler pour mieux les achever, et cela n'aidait pas que les cadavres ne cessent de se relever pour grossir leurs rangs.
« Il faut éliminer le Nécromancien ! » rétorqua Abbot, élevant la voix entre deux maléfices.
Plus facile à dire qu'à faire.
Elle avait beau scruter les environs, elle ne voyait aucun Mangemort à l'écart en train de maintenir la concentration nécessaire pour relever les morts à cette échelle.
Frustrée de ne pas pouvoir communiquer plus facilement avec la troisième unité qui était de l'autre côté du village dans une tentative mal pensée de prendre l'ennemi en tenaille, sachant qu'il n'y aurait pas de renforts parce que Kingsley avait pris une grosse partie des troupes de réserve pour répondre à une autre attaque dans le nord, elle hésita fortement à ordonner le repli.
Mais les Mangemorts étaient partout et il restait des Moldus en vie.
Des Moldus qu'ils pouvaient peut-être encore sauver…
« Prends le commandement ! » lança-t-elle, assez fort pour que ses troupes l'entendent.
Sans attendre, elle se glissa entre deux maisons calcinées qui fumaient encore, contourna discrètement un groupe de Mangemorts qui riaient comme s'ils étaient ivres – et peut-être l'étaient-ils, la magie noire avait des effets grisants – et découpa un Inféri en morceaux à l'aide d'un Sectumsempra.
Elle s'éloigna du gros de la bataille autant qu'elle l'osa, cherchant les endroits un peu plus à l'abri où le chef des troupes ennemies devait se cacher… Elle fouilla quelques maisons, osa s'éloigner un peu en direction de la colline à l'entrée du village qui offrait probablement une vue plus dégagée de…
L'Inféri sortit de nulle part.
D'un coup, le rideau de pluie sembla se déchirer et la petite était là. Le corps à moitié brûlé, les yeux vides et trop pâles, sa main abimée à laquelle il manquait des doigts agrippant encore un ours en peluche…
Occlumencie ou pas, blindée ou pas, Nymphadora sentit un poing se refermer sur son cœur et serrer jusqu'à lui donner l'impression d'exploser.
Elle savait que les Mangemorts ne respectaient rien.
Elle savait.
Mais l'enfant ne pouvait pas avoir plus de quatre ans.
L'Inféri inclina légèrement la tête sur le côté, ses longs cheveux blonds glissant de ses épaules, et elle ouvrit la bouche, découvrant une mâchoire béante qui ne manquerait pas de se refermer sur elle si elle ne réagissait pas.
Le cœur douloureux, Nymphadora ne put se résoudre à utiliser un incendio, pas alors que la pauvre gamine avait très visiblement péri dans un incendie. Elle savait que l'enfant ne pouvait plus rien ressentir, que son esprit n'était plus là, que son corps n'était plus qu'une marionnette... Mais elle ne pouvait se résoudre à rajouter à ses souffrances.
C'était tellement injuste. Tellement…
L'enfant, ce qu'il en restait, avançait vers elle, ses yeux vides brillants d'une faim impossible à apaiser.
« Franchement… » marmonna Nymphadora, en reculant d'autant de pas. « De toutes les journées de merde… »
Hésiter était stupide, potentiellement dangereux et très certainement une erreur.
Elle pouvait deviner sans mal ce qu'en aurait dit Fol'Œil.
Ou Severus, d'ailleurs.
Un coup d'œil alentour confirma qu'elle était seule. Les éclats de sorts, un peu plus loin, troublaient la faible luminosité engendrée par le mauvais temps, mais cette partie du village, déjà détruite, était tranquille.
Personne ne l'aurait su si elle s'était détournée et avait continué son chemin.
Personne ne l'aurait su si, pour une fois, elle avait fait le choix du lâche et avait refusé d'endosser la responsabilité de commettre un acte horrible pour le plus grand bien.
Elle aurait pu le faire.
« Sectumsempra. » souffla-t-elle, sans grande conviction. Le sort lui était toutefois devenu si naturel qu'il fonctionna exactement comme elle le souhaitait.
L'Inféri s'écroula.
Sans regarder ce qu'il restait de l'enfant, Nymphadora se força à jeter un Incendio. La méthode pouvait sembler plus cruelle mais les créatures se débattaient contre le feu. Les couper en morceaux d'abord était plus rapide et plus efficace. La pluie étouffa les flammes trop vite pour dissiper le maléfice de magie noire et la jeune femme s'apprêtait à relancer le sort lorsqu'elle entendit le rire.
Il commença comme un gloussement qui enfla jusqu'à devenir un caquètement malheureusement trop familier.
Nymphadora fit volte-face, scrutant la pénombre grisâtre… Par réflexe, elle rajusta sa prise sur sa baguette, heureuse d'avoir jeté un sort pour s'empêcher d'être trop trempée par la pluie. Il faisait trop sombre, le terrain était moins qu'idéal pour ce genre de confrontations, ses bottes s'enfonçaient dans la gadoue au sol et l'empêcheraient d'être aussi agile qu'elle le souhaiterait. Ses robes, protégées tant bien que mal par le sort d'imperméabilité, avaient tout de même pris un peu l'eau et lui collaient au corps, alourdies.
Elle aurait dû se douter que la coïncidence était trop grande.
Tomber sur une gamine Inféri ?
Ça sentait la torture psychologique à plein nez.
Lentement, elle tourna sur elle-même, inspectant chaque ombre, chaque recoin qui pourrait dissimuler son adversaire…
« Hello, bébé nièce. »
La voix venait de juste derrière elle.
Trop près.
Beaucoup trop près.
Se retourner était une erreur, elle aurait dû plonger en avant, mais le réflexe était instinctif et, parce qu'elle se tourna en direction de Bellatrix Lestrange, elle ne put éviter la lame qui la cueillit au ventre.
Les robes d'Auror, magiquement et doublement renforcées depuis la bataille de Poudlard, freinèrent un peu le poignard mais pas assez pour qu'elle n'en sente pas sa morsure. Grognant de douleur, Nymphadora répliqua d'un confringo que sa tante esquiva prestement et en riant, se rejetant en arrière, comme si cela l'amusait.
L'Auror arracha la dague qui dépassait trop pour que la plaie ne soit pas superficielle.
« J'en ai vraiment marre de me faire poignarder ! » s'agaça-t-elle, à haute voix, ce qui redoubla l'hilarité de Bellatrix.
Elle qui avait toujours un peu de mal avec le sort de mort, là, il lui échappa presque sans qu'elle ne le veuille. Cela eut le mérite de calmer un peu Bella qui répliqua de plusieurs sortilèges offensifs qui lui auraient très certainement arraché un membre ou deux si Nymphadora ne les avait pas bloqués ou déviés.
Elle se jeta dans le combat corps et âme, ralentie par la boue qui lui collait aux chaussures et qui ne semblait pas affecter sa tante tant que ça. Sa blessure au ventre l'élançait un peu mais ne l'handicapait pas autant qu'elle ne l'avait craint.
Peut-être aurait-elle dû se méfier mais, toute entière au duel qui demandait toute sa concentration, elle ne remarqua que trop tard à quel point ses jambes étaient engourdies.
« Tu sais… Pour une demie Sang-de-Bourbe, tu serais presque digne d'être une Black. » lança sa tante, entre deux ricanements. « Si tu as avais fait de meilleurs choix… C'est un compliment, bébé nièce. Prends-le. »
Nymphadora bloqua la batterie de maléfices qui accompagnait le dit compliment, campant sur ses jambes pour mieux encaisser le choc dans ses boucliers…
Lorsque son genou gauche se déroba sous elle, elle ne comprit pas ce qu'il se passait.
Pas plus que lorsque le sortilège de sa tante l'envoya voler dans les airs.
Elle heurta un mur qui, déjà abîmé par l'incendie qui avait ravagé le village avant que les Aurors n'arrivent, s'effondra sous le choc.
Allongée au sol, à moitié recouverte de gravats, Nymphadora fixa du regard les nuages noirs et menaçants qui dissimulaient le ciel, à travers un trou dans la toiture. Assommée, elle se demanda vaguement si le mur était porteur et si ce serait le coup de grâce pour la bâtisse, si elle allait se retrouver ensevelie sous les débris et si sa tante ranimerait son cadavre pour mieux s'en servir contre ses collègues.
Ou pire.
Elle voulut se relever mais son corps, en dessous de sa taille, ne répondait plus.
Elle eut une seconde de panique où elle repensa à tous ces livres de médecine qu'elle avait avalé, dans le temps, qui décrivaient des blessures à la moelle épinière puis se rendit compte, avec un temps de retard, que même ses bras qui répondaient pourtant bel et bien n'avaient plus de force et étaient de plus en plus engourdis. Elle remarqua aussi que son épaule droite pendait de manière alarmante sans qu'elle n'éprouve la douleur qui aurait dû aller avec ce genre de blessure.
Sa baguette était toujours au creux de sa paume mais l'aurait-elle voulu qu'elle n'aurait pas été capable de la lâcher ou de la lever.
Elle retomba au sol, la panique enflant davantage encore…
« Le poison n'est pas mortel. » déclara Bellatrix, en sautant à travers le trou dans le mur pour la rejoindre. « La paralysie finira par disparaître dans une heure ou deux. Le Seigneur des Ténèbres a interdit que quiconque te tue. Il se réserve ce plaisir. »
Et Bella en paraissait très déçue. Elle claqua la langue avec agacement et vint s'accroupir près d'elle. Nymphadora voulut s'éloigner. Ramper, rouler… Qu'importe. Mais elle ne pouvait plus bouger.
« Beaucoup de gens en ont après toi, tu sais. » soupira sa tante. « Et c'est très injuste. Tu m'appartiens à moi. J'ai beaucoup de projets pour nous. On va tellement s'amuser. » Elle claqua dans les mains comme une enfant à qui l'on venait de donner un jouet, uniquement pour s'assombrir dans la seconde suivante, sa bonne humeur momentanée envolée. « Mais ils ne me laisseront jamais jouer avec toi, pas comme je voudrais. Les hommes, n'ai-je pas raison ? »
La jeune femme avait une bonne idée du genre de jeux auxquels Bellatrix voulait jouer et elle sentit la bile lui remonter dans la gorge.
« Greyback veut te mordre. » annonça Bella. « Entre autres choses, si tu vois ce que je veux dire. » Elle lui fit un clin d'œil salace. « Mais ce sale loup ne mérite pas de poser les pattes sur toi. C'est un très, très vilain toutou. » La sorcière haussa les épaules, tournant et retournant sa baguette un peu courbée entre ses doigts. « Et Rodolphus aussi voudrait te capturer, évidemment. Personnellement, je suis plutôt contente que tu nous ais débarrassés de Rabastan. C'était un vrai rabat-joie. Mais Rodolphus adorait son frère et, c'est vrai, qu'il y a une question d'honneur là-dessous… » Elle fit la moue. « Ton oncle n'est pas des plus créatifs, cela dit. Il te torturerait un peu, puis te tuerait… Ce n'est pas drôle du tout. »
Nymphadora voulut parler mais aucun son ne sortit de sa gorge à part un râle peu élégant. Elle ne sentait plus du tout son corps.
« Chut, bébé nièce. Je réfléchis. » gronda Bellatrix, en lui jetant un Doloris informulé.
Ça, Nymphadora le sentit bien.
Ce fut comme si tous ses nerfs revenaient brutalement à la vie dans un déluge de feu.
Sa tante ne maintint pas le sort très longtemps mais cela suffit pour que son corps continue de tressauter une fois qu'elle l'eut levé, comme électrifié. Nymphadora aurait voulu hurler. Elle parvint à peine à gémir.
« Eh bien sûr, il y a le Seigneur des Ténèbres… » soupira-t-elle, d'un ton ennuyé bien que plein d'adoration. « Il n'a pas vraiment apprécié ton manque de respect, l'autre jour. Amatrice de sorts de découpe ? C'est de famille. Tiens, regarde… » Délicatement, presque tendrement, Bellatrix déplaça la tête de la jeune femme pour qu'elle soit appuyée sur une pierre comme sur un oreiller et ait une bonne vue sur son propre corps. « Diffindo. Diffindo. Diffindo. »
Elle chantonnait presque la formule.
Nymphadora ne sentait pas la douleur mais c'était presque pire.
Des bourgeons écarlates fleurissaient ci ou là, teignant ses robes bleues en rouge.
Des larmes lui montèrent aux yeux qu'elle fit de son mieux pour ravaler, incapable de déterminer si les plaies étaient profondes, si elle allait mourir dans quelques secondes ou dans quelques heures, si…
« Tu vois, le problème, c'est que je veux prendre mon temps avec toi… Tu vois comme on pourrait s'amuser ? » demanda Bella, en se lassant de son jeu. « Si je te ramènes au Seigneur des Ténèbres, il n'en laissera pas assez pour moi. » Boudeuse, sa tante tendit la main pour écarter du visage de la jeune femme les mèches brunes qui lui collaient aux joues. « Il est très, très en colère après toi. Et il y a l'histoire de Snape, aussi. » Bellatrix fit la grimace. « Tu aurais pu faire mieux que cette fiche-molle, tu sais. C'est mieux que le loup, c'est sûr, mais ce n'est quand même pas la panacée. Sans compter que cela fait des mois que tu galvaudes avec lui et pas une bague à ton doigt. » Elle claqua la langue avec désapprobation. « N'as-tu aucun souci de ta réputation ? Ta mère t'a mal élevée mais je ne suis pas surprise. L'influence de son Sang-de-Bourbe, sans doute. »
Semblant s'apercevoir tout à coup que Nymphadora était terrifiée, Bellatrix lui tapota l'épaule. « Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te tuer aujourd'hui. Ou te ramener au Seigneur des Ténèbres. Non, tu vas transmettre un message à mes sœurs et à mon cousin pour moi. Tu peux faire ça pour ta tante préférée, n'est-ce pas ? On s'est bien amusée toutes les deux et j'ai été très gentille avec toi, non ? »
La Mangemort avait dû se lasser de son manque de réponses parce qu'elle entortilla les doigts dans les cheveux de Tonks pour lui faire hocher la tête.
« Je sais, je sais… » soupira Bella, avec un grand sourire. « Je suis trop gentille. Alors, voilà… À Sirius, tu vas lui dire que je vais me faire un plaisir de lui arracher les entrailles. Personne ne veut me le voler, lui. Je pourrai m'amuser autant que je veux mais, pour lui, ça risque d'être rapide. Il a trop traîné le nom des Black dans la boue… » Elle gloussa d'anticipation. « Quant à ta mère… À ta mère, tu vas lui dire que je l'obligerai à regarder pendant que je saigne ton père comme un porc et que je m'amuse avec toi. Et quand j'aurais fini et que tu ne seras plus qu'une poupée disloquée, alors seulement je la tuerai. » Sa tante lui tapota la joue. « Et enfin, Cissy… Cissy m'a beaucoup, beaucoup déçue mais je sais être généreuse et elle a toujours été ma préférée. Je la tuerai vite. Je tuerai son fils aussi. Mais pas le bébé… Tu peux le lui dire, ça… On sait qu'elle va avoir un enfant et son bébé, je l'élèverai comme il faut. Ce sera le digne héritier des Maisons Lestrange, Black et Malfoy et, moi, je serais sa régente le temps que ça prendra pour qu'il soit prêt à prendre la place qui lui revient auprès du Seigneur des Ténèbres. C'est bon tu as tout compris ? »
À nouveau, la sorcière empoigna ses cheveux pour simuler un hochement de tête de la part de Nymphadora.
« C'est bien. » décréta Bellatrix, en lui plantant un baiser sur le front. « Et on gardera cette petite entrevue dans la famille, n'est-ce pas ? Le Seigneur des Ténèbres ne serait pas heureux s'il savait que je t'ai laissée partir. » La Mangemort se redressa, épousseta sa robe… « Enfin, partir, partir… Il faut encore qu'aucun Inféri ne te tombe dessus et ne décide de te croquer. À la prochaine, bébé nièce, j'ai un scribouillard à assassiner ! »
Nymphadora ne put que la regarder sautiller jusqu'au trou dans le mur et disparaître sous la pluie qui tombait sans discontinuer.
Le temps s'écoulait à la vitesse d'un veracrasse. Elle luttait contre ses membres engourdis, pleura presque de soulagement lorsqu'elle parvint à replier le doigt mais le soulagement fut de courte durée… Parce que la douleur commença à se manifester, en même temps.
Lorsque la silhouette menaçante apparut dans l'embrasure du mur, Nymphadora pouvait à peine tenir sa baguette. Fuir était impossible. Si l'Inféri…
« Tonks ! » s'écria l'homme. Il se décala juste assez pour qu'elle identifie son visage dans l'obscurité relative. Aidan se précipita vers elle, jetant une batterie de sorts de diagnostic, entrecoupés de sort de soin.
« Rapport. » exigea-t-elle entre ses dents serrées, faisant un effort pour faire fonctionner sa mâchoire récalcitrante.
« Ils sont partis. » annonça le Langue-de-Plomb. « Mais il ne reste pas grand-chose. On a récupéré trois Moldus en vie. On a brûlé tous les corps, comme on a pu. »
« Lovegood ? » demanda-t-elle, s'accrochant à la conscience comme une noyée à sa bouée. Elle sentait l'obscurité qui voulait se refermer sur elle, entendit le juron étouffé d'Aidan alors qu'il peinait à refermer toutes les plaies que Bellatrix avait ouvertes…
« Le Fidelitas a l'air d'avoir tenu mais il n'est pas sorti pour confirmer. » répondit Aidan. « Et la situation est trop dangereuse. S'ils reviennent, nous sommes morts. J'ai ordonné le repli. »
Elle approuva d'un minuscule hochement de tête. « Repli… »
Ce fut la dernière chose qu'elle parvint à dire avant de basculer vers l'obscurité qui lui tendait les bras.
« Tonks ? » s'inquiéta le Langue-de-Plomb. « Tonks ! »
°O°O°O°O°
Sirius fit tourner le whiskey dans le fond de son verre, observant les reflets mordorés de l'alcool sous la lumière blafarde du chandelier de la cuisine du Square Grimmaurd.
La maison était vide, il avait demandé à Kreattur de s'en assurer. Le Q.G. ne servait guère plus que de lieu de passage entre Londres et Poudlard désormais. Les réunions importantes se tenaient à l'école et le Conseil étant dissous, ils n'avaient plus besoin d'un endroit où se retrouver discrètement.
La porte d'entrée s'ouvrit et se referma dans le lointain, déclenchant les cris de sa mère qui ne tardèrent pas à être réduits au silence d'un sort agacé.
Les pas aussi étaient agacés.
Sirius dut se faire violence pour rester assis là où il était, en tête de table, sa baguette posée à côté de son verre. Son groupe avait accompagné celui de Kingsley dans le nord, plus tôt, et l'adrénaline courait toujours dans ses veines. Associé à la colère qui n'était pas retombée et à l'alcool, ce n'était pas un bon mélange.
L'idée même de cette rencontre, de toute manière, était mauvaise.
Surtout que l'attaque des Mangemorts s'était soldée par deux morts de leur côté et pas mal de blessés, dont un des gamins qu'il venait à peine d'autoriser à rejoindre le combat. Lee s'en remettrait mais la terreur qu'il avait lue dans ses yeux lorsqu'il s'était trouvé confronté à sa première véritable bataille… C'était très différent de ce qu'il s'était passé à Poudlard.
Il ne leva pas la tête lorsqu'il sentit la présence sur le seuil de la cuisine, préférant regarder son verre et le liquide qu'il y faisait toujours tourner. Ça avait été un des tics de son père. Faire tourner l'alcool dans le verre lorsqu'il s'apprêtait à avoir une conversation difficile. Du scotch généralement. Peut-être était-ce héréditaire ? Peut-être que tourner le dos à son passé ne suffisait pas toujours pour s'en détacher. Peut-être ne pouvait-on pas plus échapper aux petites manies passées de père en fils que l'on pouvait échapper à la folie qui planait sur de nombreuses branches de leur arbre généalogique.
« Tu comptes me tabasser à nouveau, Patmol ? » lança finalement son meilleur ami – ex meilleur ami – n'y tenant visiblement plus.
« Explique-moi, un truc, Lunard. » rétorqua-t-il, employant le surnom avec la même ironie que Remus y avait mis. « Comment est-ce qu'on en est arrivés là ? »
L'espace d'un instant, il crut que le loup-garou allait à nouveau lui débiter des conneries de meutes et d'Alpha. Au lieu de ça, Remus poussa un long soupir, alla prendre un verre dans le placard et vint s'asseoir à côté de lui. Parce que Sirius ne fit aucun geste pour le servir, il s'empara de la bouteille et le fit lui-même.
« Tu veux vraiment avoir cette conversation ? » demanda le loup. « Parce que ça ne va pas être joli et je ne suis pas sûr qu'on s'en relèvera. »
Sirius émit un bruit amer et porta son verre à ses lèvres, résistant à grand peine à l'envie de le boire cul sec. Pour la première fois, il leva les yeux vers Remus et détailla les hématomes et coupures sur son visage. Il ne ressentit pas une pointe de remord.
« Tu as franchi la ligne avec Tonks. » lâcha-t-il. « On ne va pas s'en relever quoi qu'il en soit. C'est la connerie de trop. »
« Oui, c'est sûr… » ironisa Remus. « À côté de la fois où tu as attiré Snape jusqu'à ma cachette, une nuit de pleine lune, et as failli me transformer en assassin et me faire abattre au passage, c'est la goutte d'eau. »
« Sérieusement ? » cracha-t-il. « Tu vas ressortir une histoire vieille de vingt ans pour justifier… »
« Je croyais que tu voulais parler des choses qui fâchent ? » le coupa le loup-garou, en avalant une bonne rasade de whiskey. Il grimaça. Pas au goût mais parce que sa lèvre fendue fraîchement réparée devait toujours être douloureuse.
« Tu sais à quel point je dois me retenir pour ne pas te foutre à nouveau mon poing dans la gueule ? » siffla-t-il, en posant sa main libre sur sa propre cuisse juste pour résister à la tentation d'attraper sa baguette.
« Parce que Snape t'a convaincu de… » rétorqua Remus.
« Non. » l'interrompit-il sèchement. « Non, ce n'était pas Severus. Harry m'a tout raconté. »
« Harry est empoisonné par l'influence de Snape, tout comme Tonks. » décréta le loup-garou. « Tu ne m'as même pas laissé le bénéfice du doute. »
« Parce que tu n'as rien fait pour mériter le bénéfice du doute dernièrement, Remus. » s'énerva-t-il. « Tu n'as même pas l'air de te rendre compte que tu agis comme le dernier des connards. Pourtant, après ce qu'il s'est passé avec Harry… »
« J'ai eu tort de lui parler comme ça. » admit l'autre Maraudeur. « Et c'est quelque chose que je regrette. Mais je suis bien certain que Snape le monte contre moi. »
« Il n'a pas besoin qu'on le monte contre toi. » grinça-t-il froidement, en terminant son verre d'une traite pour se resservir. « Il t'a vu agresser la femme de son père. Je pense qu'on peut établir qu'il ne te pardonnera jamais et qu'il n'a pas tort de t'en vouloir. »
Remus termina lui aussi son verre et le lui tendit.
Après une seconde à lutter contre l'envie de l'assommer avec la bouteille, Sirius le resservit.
« Agresser. » répéta le loup-garou, avec agacement. « J'ai mal interprété ce qu'il s'est passé sur le moment. Mais ce n'est pas moi qui ai attaqué l'autre. »
« Donc Harry se trompe et tu ne lui as attrapé ni le bras, ni les cheveux ? » railla-t-il. « Tu n'as pas essayé de l'embrasser en sachant pertinemment qu'elle ne veut plus rien à voir avec toi ? Tu n'as pas essayé de la suivre après qu'elle t'a balancé un coup dans les parties ? Qu'est-ce que tu aurais fait si tu l'avais rattrapée, Lunard ? »
Il avait employé le surnom à dessein, parce que les yeux qui l'observaient étaient plus ambrés qu'humain. Sauvages mais trop intelligents pour n'appartenir qu'au loup. Non… C'était à l'Alpha qu'il parlait.
« Rien. » décréta son ancien ami. « Elle ne nous intéresse plus. Elle est… avilie par la souillure de l'Autre. »
Sirius frissonna de dégoût.
« Si quelqu'un l'a avilie ou a essayé de la souiller, ce n'est pas Severus. » cracha-t-il. « Je ne veux plus que tu t'approches d'elle, tu m'entends ? Si notre amitié a jamais compté pour toi, tu vas la laisser tranquille. Et ça vaut aussi pour Harry. »
« Harry fait partie de la meute. » siffla Remus.
« Non. » gronda-t-il, en plantant son regard dans celui trop sauvage de l'Alpha. « Non. Et Tonks et moi, non plus. Je t'avais averti, Remus. Tu veux ta meute de loups ? Tu l'as. Mais tes amis, eux, tu les as perdus en route. »
L'autre Maraudeur inclina un peu la tête dans une posture plus animale qu'humaine. « Tu n'aurais jamais défié James ainsi. »
« Parce que James ne m'aurait jamais mis dans la position de devoir protéger mon gosse et ma cousine de lui. » cingla-t-il. « Parce que James nous valait dix fois tous les deux. »
« Oh, oui… James était un tel saint qu'il a douté de son meilleur ami le loup-garou et a causé la mort de sa femme et pratiquement celle de son fils. » ricana Remus. « Ça aussi, tu trouves que c'est trop vieux pour en parler ? »
Accusant le coup de cette affirmation injuste, Sirius crispa les doigts sur son verre. « C'était mon idée de changer de Gardien du Secret. Tu crois que je ne m'en veux pas ? »
« Tu t'en veux parce qu'ils sont morts. » se moqua le loup-garou. « Tu ne t'en veux pas d'avoir douté de moi. »
« Toi aussi tu as douté de moi ! » rugit-il, perdant le peu de calme qu'il lui restait. « Douze ans. Douze ans à Azkaban. Est-ce que tu as essayé de me contacter une seule fois ? Est-ce que tu t'es demandé si… »
« Tu avais tué Peter. Tu avais trahi James et Lily. » le coupa Remus, sur le même ton. « Ou, du moins, c'est ce que je croyais. Il y avait des témoins. J'avais davantage de raisons de douter que toi. J'avais des preuves. Toi, tu avais quoi pour me soupçonner, à l'époque, Sirius ? Tu avais quoi ? » Le loup-garou secoua la tête. « Ne viens pas me parler de choses inexcusables, parce que… »
« Ça n'a rien à voir avec ton comportement. » s'agaça-t-il. « Tu veux m'entendre dire que je regrette ? Bien sûr que je regrette. Mais ça ne justifie pas que tu te comportes comme un abruti. »
Remus eut un geste irrité. « Et comment suis-je censé me comporter quand je perds ma compagne, mon second et… »
« Non. » le coupa-t-il, à nouveau. « Déjà, tu n'as pas perdu Tonks. Ce n'est pas comme si tu l'avais égarée, Remus. Tu as rompu avec elle et comme un connard, qui plus est. Tu as refusé de lui adresser la parole pendant des semaines. Tu l'as ignorée, tu l'as rabaissée, tu as remis ses décisions en question à chaque fois que tu en as eu l'occasion… » Sirius découvrit un peu les dents, comme Patmol aurait montré ses crocs. « Severus ne t'a rien volé. C'est toi qui t'es mis dans cette situation là tout seul. Et tu veux que je te dise ? Je pense que c'était pour le mieux. Je pense que quand tu as rompu avec elle, tu étais encore toi et c'était un sursaut de lucidité. Parce que ce que tu es devenu, Lunard, je ne le reconnais pas et je n'ai pas envie de le connaître. »
L'autre Maraudeur plissa les lèvres, porta le verre à sa bouche et en avala une longue gorgée. « Je suis venu ici, ce soir, en espérant te convaincre de rester mon second. Mais je crois que nos chemins ont divergé, il y a longtemps, et que je refusais simplement de l'admettre. »
Sirius sentit une boule se former dans sa gorge.
C'était une impression qu'il avait eue plusieurs fois.
Par beaucoup de côtés, Remus était le dernier lien qui le rattachait à son passé, aux Maraudeurs… S'en détacher, c'était refermer une porte qu'il s'était plu à laisser entrouverte.
« Probablement. » acquiesça-t-il, sans aucun plaisir et avec une émotion qu'il peina à contenir. Il prit une profonde inspiration. « Écoute-moi bien. Tu t'en prends à un Black, tu t'en prends à la Maison entière et à nos alliés. Meute ou pas meute, Maraudeur ou pas Maraudeur, la prochaine attaque aura ses conséquences, que ce soit un malentendu ou non. »
Le rire de Remus était désabusé, presque empreint de pitié. « Ton père serait fier, Lord Black. »
Ce titre qu'il avait rejeté toute sa vie l'avait toujours rempli de haine.
Mais les choses étaient différentes désormais.
Il releva la tête, l'attitude de Sang-Pur arrogant ressortant malgré lui et des années passées à gommer ce tic d'éducation. Il était le Chef de famille des Black. La nouvelle génération des Black. Draco avait eu mille fois raison. C'était à lui de changer ce qui lui déplaisait dans la Maison. À lui de la laisser en meilleur état à son héritier qu'elle ne l'avait été lorsqu'il avait acquis le titre. À lui de faire en sorte que ses membres soient en sécurité. Il n'était plus seul désormais. Il y avait Harry, Nyssa, Cissy et le bébé, Draco, Andy et son mari, Tonks, Severus, Kreattur, Luna… Il y avait une tonne de gens sous sa protection. La Maison Black avait manqué s'éteindre mais elle avait rejailli de ses cendres. Différente. Meilleure.
« Je suis Lord Black. » confirma-t-il, d'un ton froid. « Et Harry Potter, Nymphadora Tonks et Severus Snape font partie de ma Maison. Une dernière fois : s'attaquer à eux, c'est s'attaquer aux Black dans leur ensemble et à leurs alliés. »
« Leurs alliés… » répéta le loup-garou, un sourire moqueur aux lèvres. « Des Malfoy. »
« Entre autres. » confirma-t-il.
Soudain, Remus avait l'air plus triste qu'énervé. « La boucle est bouclée, on dirait. Peut-être qu'on ne peut jamais échapper à son destin. Je craignais la malédiction et me voilà en passe de mener les loups-garous à leur indépendance. Tu as toujours refusé de te plier aux codes Sang-Purs et te voilà à jouer les grands lords… »
« Je ne joue pas les grands lords et je me contrefous de ces conneries de Sang-Purs. » corrigea Sirius, d'un ton mortellement sérieux. « En revanche, je protège ma famille. »
« Comme je protège ma meute. » riposta Remus, en levant son verre à moitié vide dans un toast. Il le reposa sur la table et se leva. « Fut un temps où les deux signifiaient la même chose. »
« C'est vrai. » reconnut-il, en terminant calmement son verre. « Mais si les Black sont doués pour une seule chose, c'est couper les branches pourries avant qu'elles n'infectent tout l'arbre. »
Lunard haussa les épaules. « Le bien de la meute passe avant l'individu, alors je comprends très bien cette position. »
Sirius le regarda partir sans tressaillir ou marquer le moindre signe d'hésitation. Pourtant, il dut admettre que lorsque l'ancien Maraudeur s'arrêta sur le seuil, il ne put empêcher son cœur de s'emballer légèrement.
Si Remus se reprenait, s'il lui demandait pardon et admettait qu'il était dépassé, qu'il avait perdu la tête…
« J'espère que tu ne regretteras pas de l'avoir choisi lui plutôt que moi. » déclara Remus.
Comme si c'était vraiment ça le problème.
Resté seul, Sirius termina son verre.
Et, lorsqu'il ne resta plus une seule goutte de whiskey dedans, il le balança contre le mur.
Ça aussi, ça avait été une habitude de son père.
Il ferma les yeux et tâcha de contrôler sa respiration soudain anarchique, ignorant le craquement discret dans un coin de la pièce.
« Maître Sirius. » croassa Kreattur, avec un claquement de langue désapprobateur. Un autre claquement, de doigts ce coup-ci, et les débris de verre disparurent.
Sirius laissa tomber son visage dans ses mains. « Est-ce que je ressemble à mon père ? »
L'elfe de maison était en train de faire il ne savait quoi autour de lui. Il refusait d'ouvrir les yeux pour regarder. Que Kreattur l'assassine s'il le voulait.
« La Maîtresse de Kreattur a toujours dit non. » répondit l'elfe. « Kreattur ne pense pas non plus. Kreattur pense que ce n'est pas grave. Maître Sirius va emmener la noble et ancienne nouvelle génération des Black dans une nouvelle ère glorieuse. »
Quelque chose fut déposé devant lui, quelque chose qui sentait bon.
Sirius laissa tomber ses mains et ouvrit les yeux, pas tout à fait surpris de trouver une tasse de chocolat fumante avec des marshmallows et de la crème fouetté devant lui.
« Maître Sirius est un bon Maître. » décréta Kreattur, en lui tapotant la cuisse d'une manière qu'il parvint à rendre condescendante malgré le ton tout à fait respectueux.
Malgré lui, Sirius lâcha un bruit amusé.
« Et tu es un bon elfe. » répondit-il, plus sincèrement qu'il ne se serait jamais plu à le penser.
°O°O°O°O°
C'était le chaos à l'infirmerie.
Le groupe de Kingsley était revenu avant le leur et, visiblement, il y avait des blessés.
Appuyée sur Aidan qui soutenait la majorité de son poids, Nymphadora faisait de son mieux pour demeurer droite et ne pas s'avachir sur lui. Le poison paralysant s'était dissipé mais ses membres restaient engourdis, elle avait perdu beaucoup de sang et les réparations de fortune faites sur le terrain ne tiendraient pas longtemps. Son bras droit était retenu en écharpe et chaque nouveau pas secouant son épaule lui donnait envie de hurler. Un des Aurors plus spécialisés dans le soin avait tenté de la remettre en place mais elle avait gonflé et il avait abandonné, décrétant qu'il valait mieux voir un Médicomage confirmé.
Les Médicomages confirmés, elle en chassa deux qui se précipitaient sur elle, d'un geste de la main.
« Ça va, ça va… Occupez-vous des autres d'abord. » ordonna-t-elle.
À côté d'elle, Aidan ne tenta même pas de se cacher lorsqu'il leva les yeux au ciel.
« J'admire le stoïcisme et la légère pointe de masochisme, crois-moi. » déclara l'autre Poufsouffle. « Toutefois, est-il utile de préciser que, non, cela ne va pas ? »
« Tonks ! » s'exclama Kingsley, en claudiquant vers elle. Ses robes bleues étaient un peu déchirées mais, mis à part ça et le léger boitement, il paraissait en un seul morceau. « Rapport. »
« Pas de pertes de notre côté mais plusieurs blessés. Le village est détruit. » soupira-t-elle. « On a déguisé ça en incendie accidentel. Trois rescapés, mémoire modifiée et laissés en sécurité plus loin sur la route… À priori, Lovegood est en sécurité. Les protections sont toujours en place. Aucun contact pour confirmer. Et toi ? »
« Victoire. » répondit le Chef du Département des Aurors avec fatigue, en soulevant le cache-œil qui lui barrait le visage pour mieux se le frotter. « Deux morts pour nous. Multiples blessés. Je vais faire mon rapport à Albus. Abbot, vous êtes en état de le faire à la place de Tonks ? »
Aidan accepta d'un hochement de tête. « Dès que je me serais assuré qu'elle verra bien un Médicomage… »
Il n'eut pas le temps de mettre sa menace à exécution. De l'autre bout de l'infirmerie, sa mère venait de la repérer et fonçait vers elle.
Se préparant à l'avalanche d'inquiétude, Nymphadora fit un effort pour se tenir seule sur ses deux pieds et manqua s'effondrer. Il fallut qu'Aidan et Kingsley la rattrapent, ce qui n'était pas glorieux vu que la plupart des Aurors blessés avaient tourné les yeux vers eux.
« Ça va. » répéta-t-elle, avec mauvaise humeur.
« Oh, oui, c'est évident. » rétorqua Andromeda, en les rejoignant.
D'autorité, elle s'empara du bras valide de sa fille et le passa autour de ses propres épaules, la forçant à avancer vers un des lits. Un coup de baguette en ferma le rideau, les isolant du chaos ambiant.
La jeune femme se laissa aller sur le matelas sans trop de résistance et ferma les yeux, grimaçant un peu lorsque une inspiration trop profonde étira une des plaies sur son abdomen.
Elle entendit les multiples sorts de diagnostic que jeta sa mère mais ne fit pas l'effort de rouvrir les yeux, pas même lorsque la respiration d'Andromeda se fit plus rauque. Les traces du Doloris sans doute.
« Ce coup-ci, peut-être que je l'ai un peu cherché. » marmonna-t-elle, non sans ironie.
Elle était toujours déçue et furieuse de ce qu'il s'était passé plus tôt et elle avait beaucoup de mal à digérer les paroles de sa mère.
« Ce n'est pas ce que je voulais dire, Nymphadora. » cingla Andy, avec une telle émotion dans la voix que la jeune femme rouvrit les yeux. Ceux de sa mère étaient pleins de larmes mais la Médicomage fit un réel effort pour se maîtriser. Elle se racla la gorge et agita à nouveau sa baguette. « Combien de temps as-tu été soumise au Doloris ? »
« Une minute. » répondit-elle. « Deux, peut-être. »
Pas assez longtemps pour laisser des séquelles.
Andromeda hocha la tête avec soulagement. « Tu prendras quand même une dose de la potion de Severus. »
« Encore un homme auquel je ne devrais pas m'intéresser, selon toi. » commenta-t-elle sèchement.
Andromeda leva les yeux au ciel. « Tu es l'enfant la plus irritante du monde, parfois. »
« Peut-être parce que je ne suis plus une enfant. » suggéra-t-elle, pince-sans-rire.
« Non… » soupira sa mère. « Non, tu n'es plus une enfant. Et moi, je dis n'importe quoi quand je suis inquiète. »
Tendrement, elle écarta les mèches brunes qui lui collaient aux joues.
Nymphadora ne put s'empêcher de tressaillir. Pas parce qu'elle était en colère mais parce que le geste lui rappelait celui de Bellatrix et…
Andromeda se méprit visiblement sur les raisons de sa réaction.
« Je suis désolée, ma chérie. » offrit sa mère, avec une sincérité évidente. « Je suis vraiment désolée. Je n'ai jamais voulu sous-entendre que c'était ta faute. Évidemment que ce n'est pas ta faute. Et Severus… Ce n'est peut-être pas qui j'aurais choisi pour toi mais on ne peut nier qu'il t'aime et qu'il t'est loyal et, ça, c'est précieux. Si tu l'aimes et que tu es heureuse avec lui, cela me suffit. »
L'Auror soutint son regard un long moment avant d'accepter les excuses d'un soupir. « Peut-être qu'on est trop différentes pour ne pas se disputer fréquemment. »
« Ou peut-être qu'on se ressemble trop, au contraire. » riposta Andy, en faisant disparaître les robes bleues qui lui collaient à la peau. Le tee-shirt qu'elle portait en-dessous, en revanche, elle le décolla à la main, grimaçant en même temps qu'elle parce que le sang l'avait plaqué aux plaies. Un sort de découpe eut raison du reste et elle se retrouva en soutien-gorge à contempler les marques rougeâtres sur son abdomen. Andromeda inspecta chacune d'entre elles. « Celui qui les a refermées a fait du bon travail mais c'est du provisoire. Aucune d'elle n'a rien touché de vital. Le Mangemort qui t'a fait ça est soit très calé en anatomie soit peu chanceux… »
« C'était ma chère tante Bella alors je parierais pour calée. » soupira Nymphadora.
Le visage de sa mère se ferma d'un coup. « Je vois. » Elle toucha l'endroit où le poignard s'était enfoncé dans son ventre. « Du poison sur la lame ? »
« Paralysant. » confirma-t-elle. « Elle n'a pas dit ce que c'était, juste que ça se dissiperait. Je peux bouger mais je me sens faible et j'ai des fourmis dans les doigts. »
« On va remettre l'épaule en place, d'abord. » décréta Andromeda. « Pour le moment, c'est le plus sérieux et ça ne va pas être une partie de plaisir. Je vais te donner une potion pour faire dégonfler le… »
Le rideau s'ouvrit brusquement, sans avertissement.
Severus se tint là quelques secondes, figé, l'air terrifié et légèrement à bout de souffle comme s'il avait couru jusqu'à l'infirmerie. Vu la manière dont il s'appuya lourdement sur sa canne lorsqu'il fit quelques pas vers le lit, cela ne semblait pas improbable. Ses yeux noirs parcoururent plusieurs fois son corps, s'arrêtant sur les plaies et sur son épaule gonflée…
« Je vais bien. » déclara-t-elle, de manière préemptive.
« C'est l'évidence même. » cracha-t-il, refermant le rideau derrière lui d'une torsion du poignet. Il ne prêta aucune attention à sa mère. Il sortit sa baguette et, après avoir pris une profonde inspiration pour mieux concentrer sa magie toujours un peu erratique, lança un sort de diagnostic, puis un autre et encore un autre…
« Tu as conscience qu'il y a une Médicomage juste là ? » remarqua-t-elle, amusée malgré la fatigue. « Et qu'elle a des raisons personnelles de vouloir me garder en vie ? »
Severus, cependant, était soit toujours agacé par ce qu'il s'était passé chez ses parents, soit trop inquiet pour se préoccuper de mettre des gants.
« Il y a un corps étranger dans ton organisme. » contra-t-il, en jetant un autre sort. Ses yeux tombèrent sur la plaie qu'avait laissée le poignard et il l'effleura, comme s'il espérait récupérer un peu du poison. « Tu n'as pas conservé la lame ? »
Elle secoua la tête. « Je n'y ai pas pensé. »
« Eh bien, c'était stupide de ta part et es plus intelligente que ça. » décréta-t-il. « Comment puis-je déterminer de quel poison il s'agit si… »
« Hé. » intervint Andromeda avec contrariété. « N'insultez pas ma fille. »
Le regard de Severus glissa à peine sur elle, avant de revenir se poser sur la plaie. « Qui était-ce ? »
« Bellatrix. » soupira-t-elle. « Severus, c'était juste un paralysant. Je vais bien. Ce… »
« Certains poisons paralysant entraînent parfois la mort des heures après qu'ils se soient supposément dissipés. » la coupa-t-il sèchement. « Bellatrix… Bellatrix… Larmes de cobra. Elle aime en enduire ses lames lors de ses sessions de torture. J'ai un antidote dans ma réserve. Ne bouge pas. »
Il partit aussi vite qu'il était venu, avant que Nymphadora n'ait pu ironiser sur le fait qu'elle n'était pas vraiment en état d'aller où que ce soit.
Andromeda leva un sourcil qui en disait long.
« Il est inquiet. » expliqua la jeune femme. « Il peut être infect lorsqu'il est inquiet mais ce n'est pas contre toi ou moi, c'est juste… » Elle haussa son épaule valide, ce qu'elle regretta immédiatement parce que cela secoua un peu l'autre et lui donna la nausée. « Il est terrifié à l'idée de perdre les gens qu'il aime et il ne se contrôle pas très bien dans ces cas-là. »
« Il est très protecteur envers toi. » remarqua Andy.
« Oui. » admit-elle. « Mais jamais à m'étouffer. » Elle hésita une seconde puis ajouta : « Ce n'est pas le genre à me mettre dans une cage dorée pour mon bien mais c'est le genre à se tenir à côté de moi tout du long pendant que je règle mes problèmes et à se précipiter si j'ai besoin d'aide ou de réconfort. »
Sa mère émit un bruit approbateur et la laissa juste assez longtemps pour aller chercher quelques potions. Elle était en train d'avaler celle contre les effets du Doloris lorsque Severus revint, une minuscule fiole à la main. Il s'assura qu'elle n'avait rien pris de contre-indiqué avec l'antidote avant de le lui tendre.
Là et seulement là, une fois que la fiole fut vide, il parut se détendre.
Ses épaules s'affaissèrent un peu et, pour la première fois, il croisa son regard. Sa peau était trop blême, ses yeux trop hantés. « N'avions-nous pas établi que nous éviterions ce genre de frayeurs pendant un moment ? »
Elle lui tendit sa main valide, peu étonnée lorsqu'il s'en empara immédiatement mais légèrement surprise lorsqu'il la porta à ses lèvres pour en embrasser le dos. Andromeda était juste là, après tout, en train de refermer plus définitivement les plaies sur son abdomen en attendant que la potion fasse effet et que son épaule dégonfle assez pour être remise en place.
« Je vais bien. » répéta-t-elle. Il lui jeta un regard lourd de sens auquel elle répondit par un sourire forcé. « Regarde, j'ai tous mes membres, je suis consciente, maîtresse de moi-même et je ne garderai aucune séquelle à long terme. »
« Si ce sont là nos critères pour définir aller bien, nous sommes tombés bien bas. » commenta-t-il, en serrant ses doigts. Pour la première fois, il se tourna vers Andromeda. « Êtes-vous certaine qu'il n'y aura aucune séquelle à long terme ? Le Doloris… »
« Aucune dégradation des nerfs. Les plaies sont relativement bénignes, même si elles doivent faire un mal de chien. » l'interrompit la Médicomage. « L'épaule m'inquiète davantage. Assistez-moi, puisque vous êtes là. Dora, ça va faire très mal mais j'ai besoin que tu restes aussi détendue que possible. »
« Super. » répondit-elle, feignant un ton enjoué.
Les minutes qui suivirent furent effectivement très déplaisantes, malgré les bras de Severus autour d'elle pour la maintenir en place et l'empêcher de bouger. Une fois remise en place, la douleur dans son épaule irradia jusqu'au bout de ses doigts et, ce, malgré la potion antidouleur que sa mère lui fit immédiatement avaler.
Un peu dans le cirage, elle fit tout de même la grimace lorsqu'elle vit Andromeda sortir un des pyjamas rayés de l'infirmerie.
« Je veux rentrer à la maison. » refusa-t-elle, s'appuyant plus fort contre Severus. Elle lui jeta un regard suppliant.
« Il faut que tu restes en observation. » contra sa mère. « Severus n'a pas tort sur le poison paralysant. Le risque est minime mais il faut un contrôle toutes les deux heures… »
« Toutes les heures. » intervint-t-il, presque froidement. « Nous n'allons pas prendre de risques inutiles. »
« Et, à la maison, je serai avec un Maître des Potions surprotecteur… » insista la jeune femme. « Je serai parfaitement en sécurité et je veux dormir dans mon lit. »
Andromeda l'observa longtemps puis soupira, quêtant du regard l'avis de Severus qui prit immédiatement son expression la plus bornée. « Qu'elle reste ou qu'elle rentre, je ne la quitte pas. »
La Médicomage leva les yeux au ciel. « Merlin me préserve, vous aurez les enfants les plus entêtés qui soient et ce ne sera que justice. J'en ris d'avance. Très bien. Vous pouvez la ramener, Severus. Un contrôle toutes les deux heures… Toutes les heures, si vous insistez. Appelez-moi au moindre doute ou signe alarmant. » Elle planta les mains sur les hanches et dévisagea sa fille. « Pour n'importe qui d'autre, j'insisterais pour une semaine entière de repos… »
Nymphadora secoua immédiatement la tête mais grimaça lorsque la douleur remonta le long de son cou. « Pas de terrain, mais je retourne au bureau demain. »
« Pas avant trois jours. » contra Andromeda. « Pas même au bureau. Et pas de terrain ou d'entraînement avant une semaine, il faut ménager ton épaule. »
Elle ouvrit la bouche pour protester mais se retrouva gentiment bâillonnée par la main de Severus.
« Il s'agit de ton bras dominant. » déclara-t-il, en laissant glisser sa main de sa bouche à sa joue dans une caresse inquiète. « Ce n'est pas le genre de blessures avec lesquelles tu veux prendre des risques, crois-moi. Trois jours de repos complet. S'il te plaît. »
Le s'il te plaît était presque un murmure.
Elle fit la moue. « Tu triches. Tu sais que je ne dis jamais non quand tu dis s'il te plaît. »
« S'il te plaît, mon amour. » insista-t-il, baissant encore la voix pour avoir un semblant d'intimité.
L'espace autour du lit était réduit et Andromeda avait forcément entendu mais elle feignait de remplir un dossier et Nymphadora se retrouva à soupirer. « D'accord, d'accord… Trois jours de repos complet. »
Satisfait, Severus se pencha pour déposer un baiser sur son front. « Tu veux peut-être réviser ton jugement sur le pyjama, cependant… Je crains que nous ne déclenchions une émeute si tu te balades ainsi en public. »
Elle baissa les yeux sur le soutien-gorge rose bonbon qui ne cachait pas grand-chose. Un soutien-gorge qu'il affectionnait particulièrement en temps normal et qui était également un de ses préférés parce qu'il allait esthétique et maintien. « Tu crois ? Je ne sais pas… Ça pourrait booster le moral des troupes… »
Le Maître des Potions émit un bruit pensif. « Certes, mais je devrais tous les tuer ensuite pour avoir posé les yeux sur toi et ne serait-ce pas contre-productif à l'effort de guerre si j'assassine tous nos soldats dans un crime passionnel ? »
« Ah, oui… Je suppose que si on voit ça sous cet angle là… » plaisanta-t-elle, sans retenir son sourire.
Andromeda aussi souriait. Et si cela agaça un peu Nymphadora qu'elle tende le parchemin avec ses instructions et les doses de potions à prendre à Severus plutôt qu'à elle, la jeune femme tint sa langue.
« Kreattur. » appela sa mère. L'elfe apparut dans un craquement et l'Auror eut le réflexe idiot de vouloir cacher sa poitrine bien que la créature ne se soucie de sa demi-nudité comme d'une guigne. « Peux-tu ramener Nymphadora chez Se… chez elle ? »
« Kreattur peut, Maîtresse Andy. » confirma l'elfe. Avant d'avoir compris ce qu'il se passait, Nymphadora était dans leur chambre, avec Severus et l'elfe de maison qui s'inclina bien bas. « Kreattur peut faire autre chose pour Maîtresse et Monsieur Severus ? »
« Non, ce sera tout, Kreattur. » le congédia Severus, en se frottant le visage.
Elle eut à peine le temps de s'asseoir sur le bout du lit que des coups hésitants étaient frappés à la porte de la chambre. « Papa ? »
Severus lui jeta un regard, comme pour vérifier qu'elle allait bien, puis se glissa par la porte entrouverte pour aller parler à Harry.
Renonçant à s'habiller, le bras retenu en écharpe, elle s'allongea comme elle put pour trouver une position confortable.
Là, et là seulement, elle s'autorisa à relâcher ses boucliers mentaux, à ressentir pleinement la morsure de la terreur, le contrecoup de l'adrénaline et, surtout, le soulagement écrasant d'avoir survécu.
°O°O°O°O°
La cuisine avait toujours été le cœur de la maison.
Ici ou au Terrier, cela ne changeait pas.
Celle des appartements mis à leur disposition était ridiculement petite comparée à celle du Terrier. Bill avait déjà vécu dans des endroits plus exigus depuis qu'il avait quitté la maison, des appartements qui tenaient de la boîte à chaussure ou du placard à balais, mais il était seul, dans ces cas là. Lorsque toute la famille était rassemblée sous le même toit…
Il aurait été plus confortable de s'installer au salon plutôt que de regarder sa mère, les jumeaux et Ron s'entasser autour de la petite table. Ginny s'était perchée sur le comptoir pour avoir plus de place. Bill, quant à lui, demeura droit sur ses pieds, conscient des regards anxieux tournés vers lui, conscient aussi des trois grands absents qui manquaient à l'appel.
« Les protections ont tenu. » annonça-t-il, déclenchant un soupir de soulagement général. « Mais elles ont été tellement malmenées qu'il serait plus prudent d'aller les renforcer. »
« Sur place ? » s'alarma immédiatement Molly. « C'est trop dangereux. Minerva dit que les Mangemorts n'abandonneront pas la partie si facilement. Ils veulent Xenophilius. »
« C'est dangereux. » admit Bill. « Mais si je ne le fais pas, nous risquons de perdre la maison s'ils réattaquent. »
Sa mère balaya l'argument d'un geste. « Ce n'est qu'une maison. Nous reconstruirons. »
« C'est la maison ! » protesta Ginny, avec une douleur rentrée, avant d'avoir pu s'en empêcher. Se retrouvant la cible des regards, la jeune fille rougit un peu et baissa la tête. « Je veux dire… Oui, ce n'est qu'une maison, je sais, mais… »
« Il y a toutes les affaires de papa, là-bas. » termina Ron pour elle, à voix basse.
« Et la chambre de Percy. » ajouta leur sœur.
Les jumeaux ne dirent rien pendant un moment puis échangèrent un regard. Ce fut George qui se racla la gorge et Fred qui prit la parole. « On peut venir avec toi. Ce sera plus sûr que tout seul. »
« Non. » refusa catégoriquement leur mère. « C'est… »
« D'accord. » accepta Bill, parlant par-dessus elle, ce qui lui valut un coup d'œil furieux. Il soupira. « Maman, ils sont grands. Je ne les emmène pas sur le champ de bataille, je les emmène au Terrier pour surveiller mes arrières. Si tout se passe bien, nous n'aurons même pas à quitter l'abri de la maison. »
« Pourquoi on ne le met pas sous Fidelitas, comme tout le monde ? » s'enquit Ron, avec hésitation. « C'est ce qu'ont fait Draco et le père de Luna et peut-être même la grand-mère de Neville… »
« Un Fidelitas n'est pas toujours la solution miracle à tout. » répondit sa mère. « Narcissa elle-même en convient. Ils ont caché le domaine mais cela ne signifie pas que les Mangemorts ont oublié dans quelle zone il se trouve. Ce serait pareil pour le Terrier. Ils ne pourraient pas le voir mais ils sauraient qu'il est là et ça attirerait plus leur attention que des protections. »
« Draco a une exploitation à préserver. » confirma Bill. « Nous… Si on jette soudainement un Fidelitas, ils pourraient penser qu'on essaye de cacher quelque chose ou quelqu'un et, là, ils s'intéresseraient à nous. Pour le moment, ils essayent de passer les protections mais ils ne s'acharnent pas. Ils savent qu'on est ici et ce serait beaucoup d'énergie simplement pour mettre le feu à une bâtisse vide. » Son frère hocha la tête comme s'il avait compris alors Bill tourna le regard vers les jumeaux. « On partira avant l'aube. »
« Bill… » insista sa mère.
« Maman, on ne peut pas rester sans rien faire. » s'agaça George.
« On a autant le droit que les autres d'aller se battre. » renchérit Fred, n'y tenant visiblement plus.
« Et on sait très bien… » continua George.
« Pourquoi Sirius ne nous a pas encore affectés à une unité. » termina Fred, d'un ton accusateur.
Molly faisait visiblement un effort pour contenir ses émotions mais les larmes brillaient dans ses yeux.
Ce n'était pas elle qui avait demandé à Sirius de ne pas les affecter au front ou, si elle l'avait fait, elle ne lui en avait pas parlé. Bill, en revanche… Il savait que c'était injuste et que s'il avait été à leur place, il aurait été furieux. Mais ils avaient perdu Arthur et Percy et cela faisait peut-être de lui un tyran surprotecteur mais il refusait de perdre un autre frère, même s'ils manquaient de bon combattants et que les jumeaux étaient plus que compétents.
Peut-être que lorsque l'unité volante serait mise en place, songea-t-il… Peut-être que cela serait moins dangereux pour eux que les deux pieds dans la boue.
« Charlie allait mieux, aujourd'hui. » intervint Ginny, avec une pointe de bonne humeur extrêmement feinte. « Il m'a demandé ce que je faisais de mes journées. Il… Il avait l'air de s'intéresser. Et il est resté… Il était lucide jusqu'au bout. »
« C'est vrai ? » demanda Molly, avec espoir, en levant les yeux vers la pendule dans le coin. « Je devrais probablement aller relever Hermione… »
« Tonks l'a emmené se promener. » avoua Bill. « On dirait que ça lui a fait du bien. »
« N'était-ce pas un peu risqué ? » s'inquiéta sa mère. « Si… »
« Andromeda semblait penser que c'était un progrès. » la coupa-t-il, en forçant un sourire. « Et je suis passé dans sa chambre, un peu après… Je dois admettre qu'il avait l'air d'être davantage lui-même. »
« Je vous l'avais dit qu'il allait s'en remettre. » triompha Ron. « Je vous l'avais dit ! »
Bill n'osa pas doucher leur joie, leur dire que ce n'était pas parce que Charlie semblait aller mieux que tout était réglé, que leur frère était plus que susceptible de rechuter…
Au lieu de cela, il s'éclipsa dès qu'il le put pour aller se replonger dans ses recherches.
Il trouverait comment rompre le lien entre Charlie et Anthony.
Il trouverait.
Ce fut ainsi que le trouva Fleur, plusieurs heures plus tard, penché sur les mêmes parchemins, à relire les mêmes grimoires et à prendre les mêmes notes. Elle se glissa derrière lui et l'entoura de ses bras, appuyant son menton sur son épaule. Il effleura sa main mais ne se déconcentra pas.
« Ça vire à l'obsession, Bill. » murmura-t-elle, d'un ton las, son accent à couper au couteau.
Il refusa de l'entendre.
°O°O°O°O°
Severus referma lentement la porte de la chambre, attentif à ne pas faire le moindre bruit qui aurait pu déranger la jeune femme. Peine perdue, semblait-il, vu la manière dont son corps était tendu sous les draps, la manière dont ses membres tressautaient parfois et les bruits qui s'échappaient de sa gorge…
Ravalant un soupir parce qu'il venait à peine de calmer un des cauchemars d'Harry, il revint se glisser dans le lit et effleura sa taille, trop conscient du bras retenu contre son torse par l'attelle.
« Nymphadora… » murmura-t-il, passant la main sous le tee-shirt pour établir un contact avec sa peau.
Plus tôt, lorsqu'il était revenu dans la chambre après avoir expliqué la situation à son fils, il l'avait trouvée presque catatonique. Que ce soit le contrecoup ou la fatigue, elle n'avait pas été en état de faire plus que de rester allongée là, comme une poupée de chiffon, pendant qu'il lui ôtait ses lourdes bottes crottées de boue et de Merlin savait quoi et échangeait ses vêtements pour le tee-shirt et le short qu'elle utilisait pour dormir. Il lui avait proposé de l'aider à prendre une douche mais elle avait refusé d'une secousse de la tête, préférant marmonner un sort de nettoyage.
Elle n'avait pas dit un mot depuis et s'était endormie comme une masse.
« Nymphadora. » appela-t-il, un peu plus fort, lorsqu'elle se mit à se débattre.
Était-ce la caresse de son pouce sur sa taille ou le son de sa voix ? Elle se redressa légèrement, tout d'un coup, dans une aspiration rauque… Elle tremblait et sa peau, lorsqu'il s'aventura à passer la main sur son visage, était moite.
« Ce n'était qu'un cauchemar. » promit-il, tout en attrapant sa baguette pour jeter un sort de diagnostic qui lui demanda beaucoup trop de concentration. Il parvenait de plus en plus à utiliser sa baguette pour les sorts du quotidien mais tout ce qui était plus complexe demandait beaucoup plus de travail s'il ne voulait pas obtenir des résultats disproportionnés. « Rien qu'un cauchemar. Tu es en sécurité. »
« Severus ? » souffla-t-elle, en s'asseyant davantage.
« Je suis là. » répondit-il, plaçant la main dans son dos.
Son tee-shirt était trempé de sueur.
Le sort ne révéla rien d'alarmant. Son rythme cardiaque était beaucoup trop élevé mais cela n'avait rien de bien étonnant, étant donné la terreur nocturne dont elle venait d'être sujette. Tout le reste était dans la norme.
Abandonnant sa baguette, il sécha ses vêtements d'un geste, craignant qu'elle ne prenne froid, et l'enlaça sans se faire prier lorsqu'elle chercha à se rapprocher de lui. Le sifflement de douleur, en revanche, le fit se tendre.
« Ton épaule ? » devina-t-il. Un rapide calcul révéla qu'il était encore un peu tôt pour une nouvelle dose de potion antidouleur. A une demi-heure près ce ne serait pas très risqué mais étant donné le nombre d'autres potions qu'elle avait prises plus tôt, il préférerait rester dans les clous. « Donne-moi une estimation sur une échelle de un à dix. »
« Sept. » répondit-elle. « Ça va. C'est juste… Ça va, je survivrai. »
Sept.
Vu qu'elle n'était pas douillette, il remonta la chose à un huit et demi chez un patient normal et émit un bruit hésitant. « Peux-tu occluder la douleur pendant un moment ? Dans trente minutes, tu pourras reprendre une potion. »
Il sentit son front se caler contre le côté de son cou alors qu'elle se tournait pour mieux se blottir contre lui. Elle laissa échapper plusieurs sifflements de douleur frustrés. « Je peux dormir de ton côté ? Je veux m'allonger contre toi mais… »
Mais ce n'était pas sa bonne épaule.
Sans un mot, il se décala sur son côté du lit, laissant le sien libre. Il ne se souvenait plus d'un temps où le lit n'avait pas eu cette démarcation, leurs côtés respectifs, et c'était aussi bien ainsi. Il se rallongea, ouvrant le bras pour qu'elle puisse se pelotonner contre son torse comme elle aimait à le faire. Il lui fallut un moment pour se caler de manière confortable mais, bientôt, elle avait la tête au creux de son épaule, une jambe passée par-dessus sa hanche, le mollet prisonnier de ses cuisses, et il sentit enfin son corps se détendre un peu.
Lentement, il replia le bras sur elle et, parce qu'il ne voulait pas risquer de toucher son épaule, entreprit de lui caresser les cheveux.
« Tu ne m'as pas demandé ce qu'il s'était passé. » remarqua-t-elle.
« Tu me le diras lorsque tu seras prête. » répondit-il calmement. Il pouvait deviner, de toute manière. Bellatrix sortait son poison paralysant lorsqu'elle voulait s'amuser sans résistance. Il avait vu les résultats du sort de diagnostic plus tôt. Rien que les traces du Doloris prouvait qu'il y avait eu torture, sous une forme ou une autre, et…
Il occluda prestement la fureur, la douleur que cette pensée faisait naître en lui.
Elle n'avait besoin ni de son sentiment d'impuissance, ni de sa colère, ni de savoir à quel point l'idée qu'elle souffre lui faisait mal…
S'il avait pu, il aurait subi tout ça à sa place et sans une hésitation ou un seul battement de cil.
Il sentit le baiser au travers de son haut de pyjama, sourit malgré lui…
« Il y avait une Inféri. » murmura-t-elle. « Une petite fille. J'ai dû… » Elle s'interrompit, la voix chargée de chagrin et de regret. « Je sais que, objectivement, le reste, c'était pire mais ça… »
« Les Inféris sont une des pires abominations jamais inventées. » murmura-t-il.
Il ne craignait pas ces créatures plus qu'une autre mais il devait admettre que la profanation profonde des êtres humains qu'ils avaient été le dégoûtait.
Elle se décala juste assez pour pouvoir capter son regard. « Tu peux… Je n'ai pas la force de raconter le reste. »
« Es-tu sûre ? » demanda-t-il, attendant sa confirmation muette pour souffler la formule. « Legilimens. »
Ses boucliers s'effacèrent autour de lui pour mieux le laisser passer et il se retrouva aspiré dans le souvenir qu'elle souhaitait lui montrer, revivant avec elle la bataille difficile, la rencontre avec l'Inféri puis avec Bella… Avec une rage et une haine grandissantes, il assista, impuissant, à la séance de torture entrecoupée de menaces…
Il était passé à un cheveu de la perdre.
Si Bella n'avait pas été aussi possessive du droit de tuer les membres de sa famille elle-même… Si cette folle n'avait pas eu envie de prendre son temps et de jouer la torture psychologique au lieu de la torture physique…
Lorsqu'il ressortit de son esprit, il était tellement terrifié qu'il avait la nausée. C'était presque pire que lorsque Kingsley et Abbot avaient pénétré dans le bureau de Dumbledore, plus tôt. Il avait vu le Langue-de-Plomb là où aurait dû se tenir Nymphadora et il avait paniqué. Il s'était précipité à l'infirmerie sans même attendre d'entendre leurs rapports…
Il savait qu'à chaque fois qu'il l'envoyait à l'extérieur, il risquait de ne jamais la revoir.
Mais être passé aussi près de…
« Severus. »
Ses lèvres sur son cou le ramenèrent à la réalité et, lentement, il reprit ses caresses sur ses cheveux. Il laissa tomber sa tête vers la sienne pour respirer son odeur à plein nez, pour se rassurer sur le fait qu'elle était là, vivante et relativement indemne.
« Que voulait-elle dire à propos du Seigneur des Ténèbres et de sorts de découpe? » s'enquit-il.
« Oh, ça… » souffla-t-elle. « À Privet Drive, je lui ai jeté un sectumsempra. Il ne l'a pas paré à temps et je crois qu'il ne l'a toujours pas digéré. »
Un sectumsempra…
Effectivement, il imaginait sans mal que le mage noir avait du mal à avaler la chose.
Il ne savait pas s'il devait la traiter de folle ou l'embrasser pour son courage.
« Est-ce que je dois leur répéter ce qu'elle a dit ? » demanda-t-elle.
Il lui fallut une seconde pour comprendre ce dont elle parlait. Il n'avait écouté le monologue de Bella que d'une oreille, plus perturbé par la torture qu'elle faisait subir à la femme qu'il aimait.
« Non. » répondit-il. « À quoi bon ? Ils savent aussi bien que nous qu'elle est complètement folle. »
Narcissa n'avait pas besoin de connaître les projets d'avenir que Bellatrix avait pour son enfant à naître et il doutait qu'Andromeda ne sache pas exactement ce que sa sœur souhaitait faire à sa famille. Quant à Sirius, il était très conscient que Bella le haïssait lui plus encore que les autres.
« J'ai eu mon compte d'expériences de mort imminente pour l'année, tu sais. » soupira Nymphadora. « Et le pire c'est que je sais qu'il y en aura d'autres. »
« Pas avant un moment. » supplia-t-il, sans s'embarrasser de cacher l'émotion dans sa voix. « Tu sais ce que Poppy pense de ma tension et tes expériences de mort imminente sont très mauvaises pour ma tension. »
Elle lâcha un bruit amusé qui n'était pas tout à fait un rire et était plus amer qu'autre chose.
Il pressa un baiser sur le haut de sa tête.
« C'était vraiment une journée de merde. » souffla-t-elle.
« Un événement positif qui t'est arrivé aujourd'hui ? » demanda-t-il, parce que c'était un jeu auquel ils jouaient parfois, généralement à son initiative à elle, lorsqu'ils étaient vraiment d'humeur très morose.
« J'ai eu une vraie conversation avec Charlie. » répondit-elle, au bout de plusieurs secondes. « Et ça m'a donné espoir qu'il s'en sorte. »
« Plus que positif, donc. » commenta-t-il, en déposant un autre baiser sur son crâne, sachant à quel point son meilleur ami lui manquait.
« Oui, mais ça n'efface pas le reste. » contra-t-elle, en poussant un soupir fatigué. « L'histoire avec Remus… »
Elle laissa sa phrase en suspens.
« Harry s'en veut beaucoup. » offrit-il.
« Ce n'était pas vraiment sa faute. » admit-elle. « J'aurais dû remarquer qu'il était là et… Je suppose que c'était aussi perturbant à voir qu'à vivre. Ce n'est pas étonnant qu'il ait craqué et ait eu besoin d'en parler, même si j'aurais préféré qu'il me parle à moi. Ou à toi. »
« Ce qu'il a très bien compris. » déclara-t-il. Il hésita un moment puis soupira lui aussi. « Il va un peu mieux mais il ne va toujours pas bien. »
« Je sais. » admit-elle, avec la même inquiétude qu'il ressentait.
Harry était toujours trop prompt à s'enfermer dans les cachots s'il pouvait éviter de sortir, il avait des périodes où il se perdait dans ses propres pensées qui n'avaient rien de gaies, et, malgré tous ses efforts, il était toujours persuadé qu'il allait mourir. Quant aux cauchemars, ils ne diminuaient pas. Son fils continuait de se réveiller en sursaut, plusieurs fois par nuit, hanté par les fantômes des gens qu'il était persuadé avoir tué.
Et Severus ne savait pas comment l'aider.
« Tu l'as entendu mentir ? » s'agaça-t-elle, tout d'un coup. « Remus ? Quel con, vraiment. Je ne sais pas comment j'ai… » Elle s'interrompit et se pressa un peu plus contre lui. « Et Sirius et maman… » Il n'avait pas besoin de voir son visage pour savoir qu'elle levait les yeux au ciel. « Franchement. »
« Je dois admettre que si les choses avaient été moins… publiques, j'aurais été tenté de rejoindre le pugilat. » offrit-il. « Le… »
Un cri perçant lui coupa la parole.
Cela faisait-il de lui un mauvais père que son premier réflexe ne soit plus de bondir hors du lit pour se précipiter dans la chambre d'Harry mais de fermer les yeux avec lassitude ? Nymphadora s'était déjà déplacée lorsqu'il s'extirpa des draps.
« Essaye de te rendormir. » lui conseilla-t-il.
C'était un vœu pieu, il le savait, et il ne fut pas surpris, lorsqu'il revint se coucher, une vingtaine de minutes plus tard, de la trouver toujours réveillée, toutes les bougies rallumées. Un de ses romans de science-fiction était à côté d'elle sur l'oreiller, posé ouvert pour ne pas perdre la page, mais le livre avait été abandonné depuis un moment vu le regard perdu qu'elle jetait au mur.
Il le prit sans un mot, y plaça un marque-page qui traînait sur sa table de nuit et le posa au sol, sans qu'elle ne proteste.
« J'ai conscience que, de ma part, cela relève fortement de l'hypocrisie… » hésita-t-il, en se recouchant auprès d'elle, la laissant se blottir contre son flanc. « Cependant, mettre des mots sur ce genre d'expériences peut aider. Si tu souhaites en parler. »
L'espace d'un instant, il crut qu'elle allait saisir la branche qu'il lui tendait.
Au lieu de ça, elle se recroquevilla un peu plus. « Quel genre de maison tu veux ? »
Il savait reconnaître une diversion lorsqu'il en voyait une mais si c'était ce dont elle avait besoin…
« Je ne sais pas… » admit-il. « Rien de trop moderne. Ces maisons n'ont aucune âme. »
« Il faut au moins quatre chambres. » décréta-t-elle.
Il leva les sourcils, le commentaire d'Andromeda sur leur potentielle progéniture flashant brièvement dans son esprit. « Quatre ? »
« Une pour nous, une pour Harry et deux qu'on pourra transformer en bureaux. » répondit-elle, pensivement. « Tu voudras ton espace pour tes recherches et j'aimerais bien un endroit pour pouvoir travailler à la maison… »
Ça ne semblait pas déraisonnable. Ça semblait même très sage qu'ils puissent chacun avoir leur espace.
« Je veux un jardin. » déclara-t-il.
« À Londres ? » se moqua-t-elle, un peu. « Rappelle-moi quel budget on a ? »
« Il n'a pas besoin d'être gigantesque, juste assez pour faire pousser quelques ingrédients et avoir l'impression de ne pas être enfermé en pleine capitale. » contra-t-il. « Et le budget est négociable. Nous avons de la marge. » Elle émit un bruit dubitatif qui lui fit lever les yeux au ciel avec plus d'affection que d'irritation. « Tes quatre chambres coûteront plus cher que mon jardin. »
« Pas sûr. » contra-t-elle.
« Très bien. » capitula-t-il. « Dans ce cas, je peux abandonner mon bureau pourvu que le sous-sol soit suffisamment grand pour le partager entre un coin laboratoire et un coin recherches. »
« Oui, mais on aura quand même besoin de la pièce pour en faire une bibliothèque, vu ta collection grandissante de livres. » plaisanta-t-elle.
« Une bibliothèque… » murmura-t-il. « Une excellente idée. Il nous faut une bibliothèque. Et, je suppose, que je préférerais une cuisine assez grande pour ne que nous nous marchions dessus. »
« Maintenant que j'y pense… Une chambre d'amis ne serait pas de trop, non plus. » remarqua-t-elle. « Tu sais que Sirius va passer du temps chez nous. Et mes parents, peut-être… Ou Charlie. »
« Cinq pièces en plus du salon, donc. » résuma-t-il. « Avec jardin et sous-sol. Une grande cuisine. D'autres spécificités ? »
« Minimum deux salles de bain. » décréta-t-elle. « Préférablement trois. »
Ça semblait raisonnable. Une pour eux, une pour Harry et une pour d'éventuels invités.
« Une grande pour nous. » décida-t-il. « Attenante à la chambre, dans l'idéal. »
« Douche ou baignoire ? » demanda-t-elle.
Severus y réfléchit un moment puis décida que c'était un fantasme pour l'instant et qu'il n'y avait pas besoin de se limiter dans un fantasme. Sans compter que la magie pouvait beaucoup. « Les deux. »
Elle étouffa un rire dans son épaule. « Donc, on veut un manoir. Ça rentre dans le budget, ça ? »
« Peut-être pas à Londres. » admit-il. « J'aurais dû garder celui des Prince au lieu de le vendre. »
« Qu'est-ce qu'il est devenu ? » s'enquit-elle, curieuse.
Severus avait mis un point d'honneur à ne jamais s'y intéresser. « Aucune idée. C'était lugubre, de toute manière. » Plus confortable que Spinner's End mais pas si différent du Square Grimmaurd. Ce n'était certainement pas un endroit où il voudrait finir sa vie. « C'est la première fois que je… Je n'ai jamais véritablement eu à chercher un endroit où vivre. »
De Spinner's End, il était passé à Poudlard, puis chez les Prince, puis il avait vécu dans une chambre minuscule durant son apprentissage, avant de réintégrer Spinner's End et enfin Poudlard.
Il n'avait jamais cherché à se créer un foyer autre que dans les appartements qu'il occupait à l'école. Et ceux-ci lui avaient été fournis. Il avait apporté sa touche à la décoration mais ils étaient déjà pratiquement installés lorsqu'il en avait pris possession. Poudlard savait ce que ses enseignants voulaient.
« Eh bien… On peut rêver. » offrit Nymphadora, avec amusement. « Mais si on veut vraiment une maison aussi grande, je ne suis pas sûre qu'on puisse trouver à Londres. Pas sans se ruiner. » Elle hésita. « Est-ce que ça vaut seulement le coup de prendre un truc aussi grand et cher si on n'y passe que les vacances scolaires ? Tu as dit que les Professeurs vivaient à l'école la majorité de l'année… »
« Je m'arrangerai différemment. » décida-t-il. « En semaine, je devrais être ici la nuit mais le week-end… »
« Donc, on vivrait sur deux endroits en même temps ? » clarifia-t-elle. « Parce que si Harry et toi êtes ici, moi aussi. Je ne vais pas vivre toute seule la moitié du temps. »
La logistique paraissait compliquée. Ce n'était probablement pas une coïncidence si la totalité des Professeurs actuellement étaient célibataires.
« Avec la cheminette… Ce serait presque comme changer de pièce. » avança-t-il. « Et tu n'auras plus à te lever aussi tôt pour marcher jusqu'aux grilles et transplaner vers le Ministère… »
Elle feignit un glapissement choqué. « Quoi ? Nous ne mettrions pas de pare-feu devant chaque cheminée ? »
Le rire, comme souvent, le prit par surprise.
« Poudlard est très réfractaire à mes tentatives pour bloquer ou limiter l'accès à ma cheminée, d'où la débrouillardise. » expliqua-t-il. « Chez nous, je pourrais protéger nos cheminées comme je l'entends. »
Elle frotta son nez contre son cou. « Chez nous… J'aime ça. »
« Moi aussi. » avoua-t-il, en la serrant légèrement plus fort.
Il n'ajouta rien de plus mais, à son silence, il devinait qu'elle aussi pensait à combien cet avenir qu'ils dessinaient était fragile. Les chances de survivre à cette guerre, de gagner, de…
« On devrait peindre la façade en jaune. » décida-t-elle, d'un ton taquin. « Un joli jaune Poufsouffle. »
« Bien entendu. » approuva-t-il. « Et nous pourrions également commencer un élevage de boursouflets, devenir hippies et gagner nos vies en vendant les breloques que nous fabriquerions à la main. »
Son rire résonna dans la pièce, clair et sincère. « C'est mignon les boursouflets. »
Il émit un bruit approbateur. « Très utiles dans certaines potions, bien que le Ministère rechigne un peu à les voir dépecer vifs par dizaines. Je vois énormément d'avantages à en faire l'élevage. »
« Severus ! » protesta-t-elle, soudain moins amusée qu'horrifiée. « Tu n'es pas sérieux. »
« Crois-tu ? » la défia-t-il, dessinant des formes vagues sur sa taille.
Elle se redressa juste assez pour pouvoir le regarder en face et fouilla son regard quelques secondes. Il tint autant qu'il le put mais ses lèvres ne tardèrent pas à tressauter et elle leva les yeux au ciel, avant de reposer la tête au creux de son épaule.
« Tu te crois drôle mais tu ne l'es pas du tout. » grommela-t-elle.
« Et pourtant tu m'aimes quand même. » remarqua-t-il, sans parvenir à dissimuler tout à fait l'émerveillement que cela lui inspirait toujours.
Il imaginait sans mal que, dans une cinquantaine d'années, dans cette maison parfaite qu'il était décidé à trouver pour elle, que ce soit à Londres ou ailleurs, qu'il doive l'acheter ou la faire bâtir, il ressentirait toujours le même émerveillement.
« Oui, mais, ça, c'est inconditionnel, mon cœur. » rétorqua-t-elle. « Rien à voir avec ton humour. »
Il savait qu'elle utilisait le surnom de manière un peu sarcastique mais il était toujours enrobé de tellement d'affection qu'il sentit sa poitrine se serrer en réponse.
Ils ne parlèrent pas de Bellatrix, cette nuit là, même si sa présence flottait dans la chambre, comme un terrible non dit.
Le passé les hantait, le présent était trop angoissant mais le futur…
Le futur s'ouvrait grand.
Du moins, en admettant qu'ils parviennent à survivre suffisamment longtemps pour en avoir un.
