Harry attendait la prochaine venue de Narcissa avec impatience, puisqu'ils avaient convenu de ne pas la contacter et d'attendre une de ses visites. La mère de Drago passait selon ses envies, de façon totalement imprévisible. Harry soupçonnait qu'elle profitait de l'absence de son mari pour avoir une totale liberté de mouvements.
Drago évitait avec soin le sujet en se plongeant dans ses potions, mais Harry pouvait voir au pli sur son front qu'il était soucieux. Il faisait de son mieux pour le distraire et pour lui montrer qu'il était à ses côtés quoi qu'il arrive, mais pour l'instant, tant qu'ils étaient dans cette période d'attente insoutenable, il était difficile d'être positif. C'était impossible d'ignorer l'épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes, prête à bouleverser leur monde.
Voldemort pouvait les appeler à n'importe quel moment et Drago aurait à s'y présenter et à espérer ne pas être torturé. Pas trop en tout cas.
Pour sa tranquillité d'esprit, Harry avait proposé à Drago de prendre une potion contre la douleur avant de quitter son appartement, afin de moins souffrir.
Drago avait semblé presque surpris que Harry se soucie à ce point de lui, et son expression éperdument reconnaissante avait tordu le cœur de Harry.
La confiance qu'ils pouvaient avoir en Narcissa n'était pas le seul sujet qu'ils évitaient avec soin. Ils faisaient également en sorte de ne pas parler de leur relation, même s'ils se tournaient autour.
Quoi qu'ils fassent, ils étaient attirés l'un vers l'autre, incapables de se croiser sans se toucher. Parfois, Harry pensait qu'ils pourraient passer leur temps à s'embrasser, en oubliant tout ce qui n'était pas eux… mais ils n'avaient pas le luxe de céder à leurs envies.
Chaque nuit, Harry passait des heures à fixer le plafond du salon, installé dans le canapé, brûlant de rejoindre Drago dans la chambre, mais craignant que Drago le repousse.
Ils n'avaient partagé un lit que le premier soir, le soir même où Drago avait été appelé et torturé à la place de son père. Ensuite, les baisers qu'ils avaient échangés avaient changé les choses entre eux.
Ils n'avaient pas abordé le sujet, mais la nuit suivante, Harry s'était installé dans le canapé sans un mot et Drago n'avait pas protesté. Ils se retrouvaient le matin avec joie et passaient la journée ensemble, ignorant les non-dits entre eux et profitant de l'accalmie qui leur était offerte.
Cependant, l'idée que Drago pourrait être appelé à tout moment désormais ne quittait pas l'esprit de Harry et il lui était difficile d'ignorer que leur temps ensemble était peut-être compté.
La nervosité croissante de Harry rejaillissait sur Drago et l'air était électrique. La potion sensée améliorer le physique du mage noir était prête, celle devant assourdir ses pouvoirs également. Ils avaient décidé d'un commun accord de les mélanger au dernier moment, juste avant de rejoindre l'antre de Voldemort.
Une semaine entière était passée depuis la dernière convocation de Drago, celle où il avait dû subir la punition destinée à son père. L'instinct de Harry lui hurlait que ce n'était plus qu'une question d'heures avant que tout ne bascule, avant qu'il doive une fois de plus risquer sa vie — et celle de Drago…
Lorsqu'il commença à tourner en rond dans le salon, Drago le fixa d'un regard noir, le livre qu'il essayait de lire ouvert sur ses genoux. Finalement, il se leva et se plaça sur son chemin avec une grimace agacée, le regard orageux.
Harry cligna des yeux en s'arrêtant devant lui et il s'inquiéta immédiatement.
— Il appelle ?
Drago roula des yeux.
— Toujours pas. Mais tu es… irritant.
Harry soupira et il se passa la main dans les cheveux, avec une expression désolée.
— Je déteste ce moment d'attente avant… que tout ne s'accélère. Ça me laisse trop de temps pour imaginer ce qui pourrait mal tourner, les conséquences que notre intervention pourraient avoir et…
Drago lui posa la main sur la bouche pour le faire taire, l'air furieux.
— Ne fais pas ça ! Il suffit de suivre le plan, à la lettre. Tu me suis discrètement, tu observes tout ce que tu veux observer, je lui donne la potion. Je prends un doloris ou deux, parce qu'il n'est jamais satisfait, probablement une cicatrice de plus sur le visage et… il me renvoie chez moi. Tu me suis toujours aussi discrètement, nous transplanons ensemble et nous rentrons sain et sauf.
Harry hocha lentement la tête, fixant Drago comme s'il craignait de ne plus jamais le voir ensuite. Il leva la main pour caresser sa joue mutilée alors que Drago libérait sa bouche et il murmura, amer.
— Je voudrais l'empêcher de te blesser encore, Drago.
Drago secoua lentement la tête avec une expression têtue.
— C'est impossible. Tu le sais. Disons que c'est ma pénitence pour mes péchés, d'accord ? Quelques cicatrices ne vont pas me tuer, quelques doloris non plus. Si ça peut t'aider, pense que ce sera probablement la dernière fois. Tu auras repéré les lieux et nous pourrons… nous y rendre dès que nous serons prêts. Ensemble.
Harry ferma les yeux, la gorge obstruée par une boule douloureuse. Il hocha lentement la tête avant d'attirer Drago un peu plus près pour l'embrasser. Lorsque leurs lèvres se séparèrent, il murmura, dans un souffle incertain.
— Ne te fais pas tuer, s'il te plaît. Je ne pourrais pas… continuer sans toi.
Drago lui sourit d'un air bravache, mais ses yeux étaient emplis de détresse.
— On va le faire. Ensemble. Et tu ne seras jamais seul, Harry. S'il devait m'arriver quelque chose, tu as tes amis. Pense au bébé de Granger… je suis certain qu'elle a prévu de faire de toi le parrain ou un truc comme ça. Ce gosse aura besoin de quelqu'un pour le décoller des livres, tu imagines ?
Harry sourit tristement et il secoua la tête, lentement.
— Ils iront bien même sans moi. Ils ont leur vie, ils ont un avenir.
Drago ne répondit pas, il se contenta de serrer Harry dans ses bras, le gardant dans une étreinte ferme, le visage plongé dans son cou. Harry s'agrippa à lui, presque avec désespoir, un mauvais pressentiment lui tordant les entrailles.
Il avait presque l'impression qu'ils se disaient adieu et c'était sa plus grande peur.
