Le voilàààà !
Enfin, le dernier chapitre de Bienvenue à l'Oeillet
Ce n'est évidemment pas la fin de l'histoire, la suite arrivera sous peu dans le tome 2, mais je suis quand même super contente de conclure cette partie de l'histoire d'Otsu. Elle en aura vue de belles, et j'ai envie de dire que c'est fini, mais ce serait un gros mensonge
Mais dans ce chapitre, Otsu a quand même droit à un peu de positif, je crois ^^'
Bonne lecture !
LillieMoonlightchild : comme d'habitude merci pour tes reviews ! Tu vas retrouver un échange entre Otsu et Livaï dans ce chapitre, et j'espère bien qu'il te plaira !
Chapitre 33
Ils quittèrent l'auberge au matin, discrètement, dans la même voiture qui avait emmené Otsu loin de Stohess. Le cocher ne desserra ni la bouche ni la mâchoire, ne leur offrant qu'un bref hochement de tête en guise de salut. Le trajet se fit en silence. L'un savait ce qu'il y aurait à découvrir dans le district, l'autre ne pouvait que l'imaginer, entremêlant ses souvenirs au présent, sachant que cette fois ce serait pire. Cette fois, elle avait vraiment quelque chose à perdre. A leur arrivée, la jeune femme n'attendit pas que la voiture s'arrête complètement, et elle descendit sans un regard en arrière, entendant à peine Livaï dans son dos, qui lui disait de s'approcher du trou, dans le mur, si elle avait besoin d'aide. Sur le moment, elle ne comprit pas de quoi il parlait. Sur le moment, elle ne se posa même pas la question.
Otsu traversa des rues bien connues, maintes fois arpentées que la catin ne reconnût pas. D'autres avaient été épargnée par le combat des deux titans, et seuls quelques silhouettes hagardes y erraient. Mais Otsu y prêta peu d'attention, elle continua à courir, à trébucher sur les pavés, à contourner les blocs de maison et les corps sans vie. La courtisane passa devant cette église où, un jour, elle avait croisé Arbeit. Et elle ne lui accorda qu'un bref regard de côté, parce que l'église avait été écrasée, et que ses murs et son toit baignaient dans de la chaire et du sang. Elle continua à courir, toujours plus vite, sans se soucier de la douleur dans sa poitrine et dans ses pieds qui parfois ne sautaient pas assez haut par dessus les ruines. Un seul instant, Otsu s'arrêta. Quand elle arriva au bout de sa rue. Elle déglutit, refusa de regarder les lambeaux de maison, refusa d'écouter les pleurs et les cris, et repartit. C'était là bas. Juste là. Juste un peu plus loin. Ses chaussures battaient violemment le pavé. Ses yeux étaient fixés sur l'horizon. Moins que l'horizon. Juste là bas. Juste un peu plus loin.
Ses yeux humides et grands ouverts.
Fixés sur le mur de l'Oeillet. Sur la façade extérieure où battait encore le panneau de bois. Sur le trou béant qui en défigurait tout le côté gauche. Sur les poutres du toit. Sur le lit qui pendait à moitié dans le vide. Sur les ombres qui erraient, si petites devant les murs effondrés. A un moment, Otsu avait arrêté de courir pour marcher, si lentement qu'elle aurait pu avancer à reculons. Et puis elle s'était arrêtée. Les poings serrés. Les lèvres serrés.
Le cœur serré. Ses yeux voyaient. Mais Otsu croyait qu'ils lui mentaient. Elle ne comprenait pas ce qu'ils lui montraient.
Il y avait des voix autour d'elle, des cris et des murmures, des sanglots et du silence dans la poussière qui retombait lentement tout autour d'elle et étouffait ses propres pensées. Il y avait une femme assise sur empilement de décombres. Elle bougeait les lèvres mais Otsu n'entendait rien. Il y en avait une autre derrière, qui lui tenait les épaules. Ou se tenait à ses épaules. Otsu détourna la tête et inspira une grande bouffée d'air. Depuis quand avait-elle arrêté de respirer ? Longtemps, peut-être. La jeune femme se mit aussitôt à tousser et à cracher. La poussière.
L'odeur du sang.
Otsu s'essuya la bouche et avança un peu plus dans les décombres. Elle n'osa pas avancer très loin. Le salon de thé, l'officiel, était complètement détruit. Le cors d'une petite femme aux cheveux clairs gisait dans un coin, à moitié recouvert d'un drap. Plus loin, la catin discerna l'escalier. Et dans cet escalier, quelque chose pendait, coincé entre deux barres de la rampe. Quelque chose de pâle pendait dans le vide. Malgré elle, Otsu se trouva à l'intérieur des décombres. Ses pieds quittaient à peine le sol, doucement.
Quelque chose pendait. C'était blanc. C'était un peu court. Il y avait du rouge aussi.
Ses pieds continuaient à avancer. Avec respect.
Quelque chose pendait.
Ses pieds s'arrêtèrent. Avec révérence.
C'était un bras.
Là, il y avait un bras, court et pâle, qui pendait. En remontant le bras, elle vit que tout le reste disparaissait sous ce qui avait été une alcôve de l'Etage Privé. Du bois d'une armoire aussi, d'où dépassait du tissus couvert de poussière. Et puis des briques du toit. Leur toit.
Otsu recula, sans parvenir à quitter le bras des yeux. Quand elle ressortit dans la lumière blafarde qui suintait à travers les particules de l'Oeillet, la catin cligna des paupières, aveuglée, une main sur la poitrine.
« Otsu ? »
Une voix. Une voix aimée. Chérie même, autrefois.
« Kei... Keiko ! »
Des bras l'entourèrent et l'écrasèrent, des larmes se répandirent sur ses joues, sur ses épaules, et de qui elles provenaient, personne n'aurait su le dire. Puis Keiko s'écarta brusquement, les mains toujours agrippées à ses épaules et la contempla, les yeux brillants et les joues rouge, échevelée, sa bouche s'ouvrit à plusieurs reprises, cherchant ses mots.
« Mais où étais-tu ?! Finit-elle par laisser sortir.
- Je... Je ne suis pas sûre de le savoir...
- Peu importe. Peu importe. Tu n'as rien, tu n'as rien n'est-ce pas ? »
La courtisane l'observa de haut en bas à plusieurs reprises, semblant se rassurer de ne voir aucune trace de sang ni de blessure.
« Ca va. Keiko, où sont les autres ? »
Keiko la dévisagea, puis baissa la tête et vint la poser contre sa poitrine. Otsu serra les mains autour d'elle et l'enlaça, fort, presque au point de lui faire mal, mais ç'aurait été une douleur agréable, une douleur qui dit « Je suis en vie. »
« Fuyu est là bas. » murmura la petite voix au milieu de sa poitrine, et la main de Keiko trouva assez de force pour indiquer l'intérieur de l'Oeillet. L'escalier. Le bras qui pendait. Otsu serra plus fort. Trop. Keiko s'écarta et manqua s'écrouler, se cramponnant au poignet de sa sœur.
« Et... Otsu déglutit. Et Emi ? »
La silhouette assise un peu plus loin releva la tête à ce moment et sauta sur ses pieds pour se précipiter vers elle.
« Emi ? Emi ? Emi ? » bleuglait Dame Yukari. Ses yeux étaient injectés de sang, ses joues creusées, et un filet de bave rougeâtre s'écoulait sur son menton, de ses lèvres que ses dents avaient trop meurtries.
Keiko disparût des bras d'Otsu pour rattraper la vieille femme et la ramener sur son fauteuil improvisé.
« Nous ne savons toujours pas où elle est. Là, venez avec moi, vous devez vous reposer Dame Yukari. Monsieur va la retrouver, ne vous inquiétez pas. Elle était dehors, elle s'est forcément mise à l'abri, ne vous inquiétez pas. Chhhh. Emi va bien. »
La scène devant ses yeux finit de faire vaciller le monde sur son axe. Otsu recula, jusqu'à rencontrer un mur, et s'y laissa tomber. Dame Yukari se tenait au bras de Keiko, comme s'il était tout ce qui l'empêchait de tomber dans un abîme sans fond. Des larmes dévalaient son visage gris et ses yeux n'arrivaient pas à se poser quelque part, cherchant sans fin le visage d'Emi. De la dernière fille qu'il lui restait. La catin coula un regard vers les entrailles de l'Oeillet. Vers le bras de Fuyu. Elle s'apprêtait à se lever, à retourner à l'intérieur pour adresser une parole, une caresse, quelque chose, quelque chose d'incertain et d'inutile à cette sœur qui n'était plus, quand des bruits de roues et de sabots perturbèrent le silence des morts et les pleurs des vivants.
Une voiture s'arrêta à leur niveau, et Monsieur en descendit. Il s'approcha sans hésiter de sa dame et la fit doucement monter dans l'habitacle, avant de se tourner vers les deux courtisanes. Il poussa un profond soupir en voyant Otsu.
« Tu es revenue toi. Tu ne pouvais pas mieux tomber. Venez les filles, je ramène Savie chez elle. Il y a assez de chambres pour tout le monde, et vous y serez mieux qu'ici, n'est-ce pas ? »
Il tendit la main vers Keiko, qui la saisit sans hésiter. Otsu suivit alors, n'ayant pas d'autres idées, ni même d'autres pensées. Monsieur reprit la parole quand la voiture fit demi-tour.
« La maison de Savie est totalement à l'opposée, très excentrée. Son quartier est indemne. Je ne peux pas en dire autant du mien. Mon hôtel particulier a été totalement rasé par ces monstres... Ca fait longtemps qu'elle n'est pas retourné chez elle... J'espère que ça lui fera un peu de bien. »
Savie. Le vrai nom de Dame Yukari. Otsu n'avait jamais voulut le connaître, et ne s'attendait pas à l'apprendre un jour.
Il y a de meilleures conditions pour être présentées.
La ferme.
Il fallut longtemps à la voiture pour trouver son chemin parmi les décombres et les déambulations hagardes des survivants. Ils se trouvèrent plusieurs fois obligés à suivre de près les voitures des médecins.
Surgir dans le quartier de Dame Yukari, c'était passer brutalement de la nuit au jour. Les titans n'étaient pas venus ici. Les jardins étaient bien verts, les toits des maisons reposaient sur quatre murs entiers, à peine effleurés par des nuages de poussière que le vent charriait timidement jusque là. La voiture s'arrêta devant une petite maison, entourée d'un petit jardin que défiguraient des statues et des fontaines. Peut-être, s'il y en avait eu moins, si l'ensemble n'avait pas été mélangé sans réflexion, peut-être que cela aurait été joli. Mais ça ressemblait juste à un foutu désordre. Dame Yukari donnait l'impression d'être une collectionneuse de décorations extérieures.
Et si ce n'était que l'extérieur...
La catin avait trouvé le jardin chargé, mais ce n'était qu'un avant goût de ce qui l'attendait dans le manoir de la maquerelle. Les murs étaient tous recouverts de tableaux et de tentures. Les meubles luxueux s'agglutinaient les uns aux autres, recouverts d'autres statues plus petites, en bois, en or, en marbre. Il y avait des vases en cristal, des fleurs et des bougies. Des moulures dorées, des lustres, des fauteuils capitonnés, partout. Ca ne ressemblait en rien à ce qu'Otsu avait vu depuis qu'elle vivait à Stohess. Les maisons où Monsieur l'avaient emmenés, un jour, puait le luxe aussi, mais le luxe de bon goût. Ici, c'était simplement trop. Dame Yukari semblait avoir voulut posséder tout ce qui prouvait qu'elle déambulait parmi les plus privilégiés, qu'elle n'avait rien à voir avec ses petites putains que la vieille femme avait pourtant prise sous son aile.
Monsieur avait emmené la maquerelle se reposer dans sa chambre, et Keiko et Otsu attendait dans le salon, n'osant pas s'asseoir sur les fauteuils, ne sachant pas où poser les yeux, se regardant parfois, un peu hagardes, un peu étonnées, un peu écœurées. Et épuisées. Tout autant que Monsieur, qui se servit un verre de vin quand il reparût enfin.
« Vous en voulez un mesdames ? »
Ni Otsu ni Keiko ne hochèrent la tête. L'alcool, c'était bon pour les soirs de travail. Monsieur se laissa tomber dans un épais fauteuil. Tellement épais qu'il mit plusieurs secondes à s'y enfoncer, et cela amusa Otsu. Mais lui ne fit que soupirer. Le luxe, aussi grotesque soit-il, Monsieur y était habitué. Et puis, Monsieur parla.
Et Otsu regretta tellement d'être revenu qu'elle espéra qu'un titan allait surgir, ici, maintenant, pour en finir avec tout ça. Alors elle se servit un verre à son tour. Et puis un autre, et encore un, suffisamment pour être certaine de trouver le sommeil dans l'heure.
Aux premières lueurs de l'aube, Otsu quitta la maison de Savie. Elle aurait voulut persuader Keiko, mais Keiko ne quitterait jamais l'Oeillet, même s'il n'en restait rien. Keiko était l'Oeillet. C'était le seul endroit où elle avait découvert le sentiment de sécurité. Une sécurité étrange, illusoire, qui la privait de liberté. Mais Keiko avait trop peur du monde au dehors. Elle avait trop peur de la liberté. Elle ne quitterait jamais ceux qui l'avait sortit de ses propres ténèbres. Alors Otsu partit seule.
Otsu se rendit jusqu'au mur, et le suivit, longtemps, jusqu'à enfin apercevoir un étrange assemblage de tissus, qui ne pouvait que cacher un trou béant. Et puis, plus haut, une main en visière sur les yeux, Otsu aperçut des silhouettes. Certaines, une surtout, qu'elle ne connaissait que trop. Il avait attendu.
Otsu allait pouvoir lui dire en face que c''était fini, toute cette mascarade, cette foutu histoire d'espionnage qui ne lui avait attiré que des emmerdes. Malgré la hauteur, et parce qu'il l'avait attendu, un sifflement brisa le silence matinal, et il apparût bientôt à côté d'elle, la saisit par la taille sans un mot, puis les hissa tous les deux. Otsu planta les yeux vers le sol pour le voir s'éloigner de plus en vite. Son cœur lui remonta dans la gorge, mais c'était grisant, c'était fou, et c'était génial. Et trop court. Trop vite à son goût, Livaï la lâcha et ses pieds retrouvèrent le sol. Enfin, plutôt, le sommet du mur. Otsu n'était jamais allé là haut. Et ce que c'était beau ! Immense, infini, jusqu'à ce que la terre effleure le ciel et que le vert se fonde dans des nuances de bleus. La catin aurait presque pu adresser une prière aux murs, à Sina, à Maria, à Rose, parce que se percher en haut des trois reines était une expérience unique. D'un côté, Otsu voyait le district royal, le château, les grandes demeures des plus nobles parmi les nobles. De l'autre, c'était Stohess, ce qu'il en restait, qui s'étendait, abîmé sous ses yeux. Et plus loin... L'horizon, l'infini. Ici, Otsu pouvait presque croire qu'il n'y avait pas d'autres murs, que le monde s'étendait à leurs yeux, leur ouvrait grands les bras. Et peut-être après, peut-être qu'elle allait trouver le courage d'aller plus loin que le Centre maintenant. Que connaissait-elle d'autre, à part la caserne militaire ? Et la cité industrielle, mais ça, Otsu n'avait pas le droit de le dire, et encore moins d'y retourner. Mais il y avait un ailleurs. Il y avait des ailleurs.
Pour la première fois, perchée tout en haut d'un mur, Otsu découvrit le goût de la Liberté. Il lui effleura la langue, et elle comprit qu'elle en voulait plus.
Alors elle se retourna vers Livaï, qui n'avait pas cessé de l'observer.
« Je quitte l'Oeillet, lança-t-elle. Trouvez-vous une autre espionne. »
Il l'observa sans rien dire. Puis trancha.
« Non.
- Je ne vous demande pas votre avis, petit caporal-chef. Je quitte l'Oeillet.
- Tu as oublié notre contrat ?
- Il tient plus, le contrat. L'Oeillet n'existe plus.
- Alors pourquoi ressens-tu le besoin de le quitter ? »
Otsu grogna.
« Parce que les patrons, eux, sont toujours debout. Et Monsieur a eut une brillante idée pour éponger les pertes immenses que vos deux titans ont provoqués. Bravo, belle réussite. C'était quoi, une expérience ? Un jeu ?
- Qu'elle est l'idée brillante de ton patron ?
- Ils veulent nous louer, Keiko et moi, soupira Otsu. Comme au tout début, avant qu'ils ouvrent leur Etage Privé il paraît. Ils louaient les filles, elles allaient directement chez les clients. Je refuse de faire ça. J'ai assez donné. Trouvez quelqu'un d'autre.
- Il n'y a personne d'autre Otsu. » Répondit la voix bienveillante du Major.
Merde. La catin ne l'avait même pas vu arriver. Elle n'avait pas vu qu'il était là.
« Nous avons besoin de vous. Plus que jamais. Surtout si vous êtes envoyés chez ceux là même qui luttent contre nous. Il y a eu une lutte contre un titan, c'est exact. Une jeune femme qui, comme Eren Jagger, possède le pouvoir de se transformer. Et nous savons avec certitude qu'elle n'est pas la seule. Il y en a d'autres, mais ce combat que nous menons n'est pas le seul. Le pouvoir en place se bat pour nous faire disparaître. Otsu, si le bataillon d'exploration n'existe plus, c'en est finit des murs. Ce qu'il s'est passé à Shiganshina, à Trost, ici, ça ne s'arrêtera pas. Vous rapprocher du centre ne vous a pas protégé comme vous l'espériez. Il n'y a qu'en vous battant avec nous que vous pourrez trouver cette paix et cette protection que vous recherchez tant.
- Et de toute façon, tu n'as pas le choix. La loi est toujours la loi. Nous pouvons toujours te faire emprisonner. »
Il te connaît bien.
Oui, il la connaissait bien, ce petit caporal. Il savait qu'Otsu resterait insensible au discours de Smith. Alors il agitait les menaces, tranquillement. La catin recula, et se retourna, portant le regard sur l'horizon. Une violente bourrasque de vent venait de balayer son trop léger sentiment de liberté.
Evidemment, ça ne pouvait pas durer.
Mais non. Otsu refusait, elle refusait de reprendre sa place de putain. Elle ne voulait plus rien sentir entre ses jambes. C'était au dessus de ses forces.
Il y a pire qu'ici et maintenant, non ?
Oh si, il y avait pire. Survivre à Shiganshina, survivre à Arbeit, à la fosse, tout n'avait servi qu'à la conduire ici, maintenant, où elle pouvait choisir. Où ce serait mieux. Où elle pourrait profiter du ciel, du soleil et du vert sans fin. Elle ne retournerait pas à l'Oeillet. Tranquillement, Otsu s'approcha du bord du mur, tournée vers ce qui aurait pu être la liberté et s'assit au bord, là où ses jambes pendant dans un vide hypnotique. Sans s'en apercevoir, ses doigts trouvèrent les lettres d'Hono, toujours pliées dans l'intérieur de sa veste. Elle les prit et les contempla. Ces mots pleins de douleur qu'Otsu avait pensé, il y avait seulement deux jours, ramener aux parents de la petite putain. Des parents qui ignoraient tout de la souffrance de leur fille. Otsu déchira alors les lettres, puis les balança dans le vent. Ensuite, avec une simple poussée des pieds et des paumes, Otsu les suivit.
Il y eut un cri.
Est-ce qu'il venait de derrière ? Ou d'elle même ? Otsu ne pourrait jamais le savoir. Son corps déchira le ciel. Le vent la fouetta, pénétra violemment sa gorge et lui coupa le souffle. Le soleil continuait sa course lente, mais ses rayons avaient à peine le temps de l'atteindre. Elle dévalait face au mur. Un sifflement retentit. Otsu tourna la tête pour voir une ombre plonger vers elle, et la catin murmura quelques prières.
Qu'il n'arrive pas à temps
Qu'il me laisse m'écraser
Le sol s'approchait, mais pas assez vite. Le mur était immense. Pourquoi était-il si immense ? Une violente douleur heurta sa poitrine, ses côtes, et mit fin au cri qui jaillissait en miette de ses lèvres bleuies. Elle hurla plus fort et reposa, brisée en deux, contre le bras qui la maintenait. Si Otsu avait eu l'estomac plein, elle aurait vomi. Mais elle ne put que cracher de la bile. Et puis elle leva la tête vers les yeux gris.
Il l'avait sauvé. Evidemment.
Même ça, il lui interdisait. Ses yeux gris n'avaient jamais si proches. Jamais été si... Intenses ? Il n'y eut aucun mot. Otsu, soudainement, attrapa le caporal par sa lavallière et plaqua ses lèvres sur les siennes. Mais elle ne sentit pas le goût du caporal. Seulement celui de ses propres larmes.
Quand la catin s'éloigna, elle détourna le regard en cherchant à repousser le torse qui la maintenait. Livaï, lui, n'avait jamais détourné le sien. Ni même fermé les yeux. Doucement, il la ramena à terre. Quand elle retrouva le moelleux de l'herbe humide, Otsu s'y laissa tomber. Elle aurait voulut le frapper.
Et en fait, elle se releva, et le fit. Il ne dit rien face au premier coup, mais lui saisit le poignet pour l'empêcher d'en asséner un deuxième.
« Ca suffit, ordonna-t-il. D'une voix douce néanmoins. Ca suffit, répéta-t-il.
Otsu resta là, figée, la haine aux yeux et les larmes aux poings. Doucement, elle se sentit tirée en avant, percuta le corps solide du héros et sentit les doigts du caporal se glisser sur sa nuque, entre ses mèches ébouriffées. Elle sentit la pression et ne lutta pas, laissant ses lèvres revenir heurter celles de Livaï.
C'était plus timide, plus doux. Ses jambes la lâchèrent, mais la poigne du caporal la maintenait debout. Et quand elle s'éloigna pour reprendre son souffle et s'effondrer, il la suivit dans sa chute sans jamais la lâcher.
Otsu posa le front sur l'épaule du héros et laissa ses dernières larmes se tarirent. Elle ferma les yeux, espérant tout effacer. Les dernières heures, les dernières nuits, et tant pis si elle devait renoncer à cette étreinte.
Mais quand ses paupières se rouvrirent, elle était toujours dans l'herbe et les bras du caporal. Elle était toujours une catin, et bientôt, elle ne serait plus rien.
Ni Otsu, ni un être humain.
Juste un corps vendu aux enchères. Comme un vieux livre interdit, un tableau, une putain de tasse en porcelaine. Un pot de chambre.
Juste un objet.
L'Oeillet lui avait tout prit.
Et c'est terminé !
Alors, que dire de cette conclusion du premier tome ? J'ai très hâte de voir ce que ça va donner dans la suite ^^
Alors à très bientôt pour le tome 2 !
