Liam savait Stiles surprenant, mais il n'aurait jamais cru que celui-ci puisse le surprendre encore. En fait, il avait naïvement cru en avoir suffisamment appris sur lui depuis le début de cette histoire pour prétendre bien le connaître : force était de constater qu'il était encore loin du compte.
Parce qu'il découvrait en ce début de repas de famille à quel point Stiles excellait dans l'art de la comédie. Ses sourires on ne peut plus factices faisaient illusion avec une efficacité folle. C'était tel que les parents Dunbar n'hésitaient pas à discuter avec lui de choses et d'autres sans sembler gênés outre mesure. S'ils étaient toutefois au courant de la raison de sa présence ici et, par extension, de ce qui avait poussé leur fils à sécher, ils se laissaient complètement piéger par la façon dont Stiles maniait les mots. Ainsi, il contrôlait la conversation et éloignait les sujets qui le dérangeaient, dont la raison précise de sa présence. Liam comprit de cette façon un peu mieux pourquoi Stiles disait souvent que la parole était une arme, la seule qu'il possédait. S'il ne l'avait pas vu à bout, s'il n'avait pas été témoin de la façon dont il avait craqué dans ses bras… Le louveteau aurait pu se laisser tromper.
Et l'illusion de Stiles lui fit se poser bon nombre de questions. Liam arrivait généralement à déceler dans son attitude de ridicules petits indices qui pouvaient le faire douter de son humeur souvent égale. En cette soirée, son jeu lui paraissait sans faille. Lui était-il déjà arrivé d'exceller à ce point devant la meute ? Son instinct lui souffla une réponse simple tendant vers le « oui ». Et ça, c'était très triste.
Au moins, lui, il savait et pouvait ce soir-là démêler le vrai du faux. Dans un sens, il savait que Stiles ressentait le besoin de faire bonne figure, tout comme il faisait toujours au mieux pour se montrer sous meilleur jour. Son truc à lui, c'était de minimiser ses soucis dans le but qu'on ne s'y intéresse pas. Il s'agissait en quelque sorte d'une espèce de sécurité pour lui, d'une façon de se protéger. Honnêtement, Liam comprenait la démarche mais n'était pas d'accord avec elle pour autant. Il y avait bien mieux que le secret pour apaiser les cœurs, d'autant plus que le silence n'avait aucun autre effet pervers que d'empoisonner le cerveau et d'y faire gangréner nombre de pensées problématiques qui, par leur grandeur, finiraient par le bousiller de l'intérieur.
Et Liam ne comptait pas le laisser se détruire de la sorte. Bien sûr, Stiles n'en serait peut-être pas là si Scott ne l'avait pas précipité vers de telles abysses. Le fait est que s'il sourit également pour faire bonne figure, le louveteau garda à l'esprit l'idée de lui parler quand ils seraient seuls, après le repas. En attendant, les manières et le bagout de Stiles semblèrent plaire à ses parents qui, lorsqu'ils n'aimaient pas quelqu'un, le faisait savoir sans détour. Il s'agissait de gens d'une franchise incroyable à qui les convenances ne faisaient rien. S'ils avaient quelque chose à dire, ils n'hésitaient pas à le faire, que cela plaise ou non.
Ainsi vint le moment de débarrasser et de retourner vaquer à ses occupations. Une aubaine, que ce soit pour Stiles ou pour Liam. Le premier était diablement heureux de ce fait car ainsi, il n'aurait plus à faire tant d'efforts et pourrait relâcher un peu la bride. Quant au second, il était soulagé de n'avoir pas à attendre plus longtemps de se retrouver seul avec son ami, dont il devinait aisément la fatigue mentale pour avoir déjà été témoin de ses effets.
- Je suis effaré de voir à quel point mes parents t'aiment déjà, fit Liam une fois qu'ils eurent regagné sa chambre.
- N'exagère pas, rit légèrement Stiles en s'asseyant au bord du lit.
- Je suis sérieux, répliqua le louveteau. Tu ne les as jamais vus lorsqu'ils n'apprécient pas quelqu'un. C'est tellement flagrant qu'il m'est déjà arrivé d'avoir de la peine pour ces pauvres gens.
Le sourire qu'esquissa Stiles par la suite ne lui plut qu'à moitié. Il y voyait de la sincérité, oui… Parsemée d'une gêne dont il ne connaissait pas encore l'origine. Liam ne voulait rien, sinon qu'il se sente à l'aise et… En sécurité, dans un sens. Son objectif principal ? Lui faire oublier Scott et, par extension, l'aider à surmonter ce qui le rongeait déjà. Pour le reste, il n'espérait rien – le contraire serait indécent. Dans ce genre de moments, c'était l'amitié qui primait et les sentiments qu'il lui portait timidement lui servaient à cela. Car l'amour en tant que tel tendait à la réalisation du bonheur de l'être aimé. Liam désirait l'aider et rien n'était plus pur que ses intentions. Stiles était un ami, il se devait d'être là pour lui. Le reste pouvait être mis de côté sans aucun problème.
Ainsi il s'attela à lui parler, encore, dans l'unique but – toujours le même – de lui changer les idées. Lui faire penser à autre chose que Scott en était l'extension naturelle. Il le poussa à s'ouvrir sur des sujets divers et variés, légers dans leur essence, mais qui pouvaient donner matière à débat – et par conséquent, davantage à discuter. Liam savait Stiles intelligent et il se doutait bien qu'il avait compris son petit stratagème : mais même si c'était le cas – il n'irait pas le lui demander –, l'hyperactif n'en montra rien. En fait, ce fut comme s'il plongeait la tête la première dans son idée. Un peu comme quelqu'un de naïf ou… Quelqu'un qui accordait une certaine confiance à son vis-à-vis. Quoique concernant Stiles, les deux restaient envisageables tant son état mental était désastreux. Liam ne serait pas surpris s'il s'avérait que Stiles avait tout donné pour sauver les apparences devant ses parents et qu'il se laissait porter pour le reste… Comme s'il n'avait pas suffisamment d'énergie pour tout et qu'il s'accordait le droit de souffler un peu… Ou que son esprit ne lui laissait pas le choix. C'était notamment pour cette raison que Liam était heureux que Stiles soit venu chez lui et non ailleurs. Parce que de son côté, il n'irait jamais rien faire qui puisse lui nuire – profiter de lui, encore moins. Et si Scott, qu'il admirait encore quelques temps plus tôt, avait été capable de le briser… Liam pouvait raisonnablement cesser d'accorder une confiance aveugle aux autres par défaut, seulement parce qu'ils faisaient partie de la même meute.
Lorsque vint l'heure du coucher, Liam distingua à nouveau cette gêne qui, plusieurs fois dans la soirée, avait semblé quitter Stiles. Sauf que cette fois-ci, elle se fit un peu plus forte, un peu plus… Insistante. Au départ, il crut même qu'il allait devoir lui demander la raison de sa présence, puis insister : finalement, Stiles lui coupa l'herbe sous le pied.
- Et ce soir, je… On n'en a pas parlé, mais… Je dors où ?
La question, de par sa nature et son fond, détendit instantanément Liam qui, il fallait l'avouer, avait eu un peu peur de ce qui avait provoqué chez Stiles cette gêne aussi soudaine qu'étonnante. Elle s'expliquait – très bien, même.
- Ici, fit Liam en tapotant le bord de son lit.
Et pour éviter toute confusion de la situation, il ajouta :
- Je prendrai le canapé du salon.
- Je refuse de te voler ta chambre, rétorqua Stiles, l'air soucieux. Je prends le canapé.
Liam savait parfaitement à quoi il pensait – à force, il le connaissait – mais il s'agissait de la solution qu'il considérait comme… La plus logique et la plus simple.
- Tu es l'invité, tu gardes la place de choix, fit le louveteau en haussant les épaules.
- Techniquement, l'invité à tous les droits, répliqua l'hyperactif, donc je peux refuser… Ou te proposer autre chose.
Liam haussa un sourcil.
- Au pire, on prend tous les deux le lit, on dort… Côte à côte. En tout bien tout honneur, précisa Stiles en le regardant dans les yeux.
Il ne voulait pas se défiler ni lui laisser à penser quoi que ce soit d'étrange ou lui donner l'impression… Qu'il pensait à autre chose, car ce n'était pas le cas. Et c'était là sa peur. Simplement, l'hyperactif savait qu'il ne pourrait pas dormir tranquillement s'il savait piquer à Liam tout son confort – ici, sa chambre. Certes, dormir sur le canapé ne lui ferait pas de mal, mais… Non. Stiles n'était pas comme ça, à prendre le meilleur pour laisser aux autres ce qui était un peu moins bien. Puis dormir ensemble… Ils l'avaient déjà fait cette nuit, non ? De toute façon, deux amis partageant un même lit pour une période courte… Ça n'avait rien d'anormal, puisqu'ils n'avaient aucune intention derrière.
Et Liam dut sans doute se faire la même réflexion puisqu'il hocha la tête après avoir lâché un léger rire.
- En tout bien tout honneur, répéta-t-il en lui tendant la main, amusé.
Stiles la saisit et presque aussitôt, il se détendit – un peu.
Peut-être aussi que l'idée de savoir Liam près de lui pour quelques heures de plus le rassurait quant à la nuit qui s'annonçait. Mais ça, ce n'était pas quelque chose qu'il se sentait de lui avouer à vive voix.
