Chapitre 7

Angéla arrive à 14h tout pile. Je l'invite à entrer, la présente à mon père qui est ravi par la politesse dont elle fait preuve. Elle a même apporté des cookies qu'elle dit avoir faits ce matin. C'est une technique que je connais, j'ai déjà acheté des cookies au magasin, les ai déballés de leur paquet puis les ai amené aux anniversaires en disant que je les avais faits et ils oubliaient que je n'avais pas apporté de cadeau.

Angie et moi nous nous installons dans ma chambre, elle s'assoit sur le fauteuil de mon bureau tandis que je m'installe au pied de mon lit.

« Alors, maintenant que la semaine est passée, tu penses quoi de Forks ? Me demande-t-elle.

« Toujours un enfer.

Elle arque un sourcil et je souris.

« Et toi ?

« Toujours une jolie petite ville forestière, répond-elle.

« On est faites pour s'entendre, visiblement mais si tu te plais en enfer... ça en dit long sur toi.

« Je pense quand même que l'enfer est loin d'être... ça, fait-elle en faisant un geste dans le vide pour englober la ville.

« Il n'y a rien à faire, ici, répliqué-je. Il n'y a même pas de librairie, c'est dire.

Elle m'envoie un sourire mais ne répond pas. Son regard se balade dans ma chambre jusqu'à ce qu'il tombe sur ma pile de livres, près d'elle. Elle s'empare du dernier et le sort sans dérangée les autres au-dessus, en le faisant glisser entre le bureau et le livre supérieur. Elle le regarde puis me fait un signe avec.

« Tu l'as lu ?

« Pas encore, avoué-je. J'ai pas mal de lecture, comme tu vois.

Elle va pour poser le livre au-dessus de la pile mais s'arrête finalement pour lire le titre du livre qui se trouve au-dessus avant de jeter un regard sur le livre qui est sur ma table de chevet. Elle pose finalement son livre sur la pile et se tourne vers moi.

« Tu as deux "crime et châtiment" ?

« Deux fois plus de crimes, deux fois plus de châtiments, m'amusé-je. Non, en fait, on m'a offert celui-ci juste après mes achats... donc je l'ai en double.

« Ah, d'accord.

« Tu veux faire quoi ? Questionné-je.

« Je ne sais pas, dit-elle. Tu as déjà été à la plage ?

« Y a une plage, ici ?

Elle ricane.

« Oui, à la Push, la réserve Quileute. Tu n'y as jamais été ?

« Nope mais le meilleur ami de mon père est un Quileute et d'après Charlie, j'ai déjà fait des gâteaux de boue avec son fils.

« Tu les connais bien ?

« Pas trop, Billy est un peu... bizarre.

« Pourquoi ?

« Chaque fois que je l'ai croisé, il me regardait d'une étrange façon.

« T'as dû te faire des idées.

« Sûrement, vu ce que je pensais à l'époque.

« Tu pensais quoi ? S'intéresse-t-elle.

« Qu'il enlevait les petites filles, souris-je.

C'est la vérité, Billy me regardait de cette façon étrange et je me disais qu'il finirait par m'enlever, un jour.

« Je ne pense pas que le meilleur ami de ton père, qui est policier, enlève des petites filles. Ton père l'aurait forcément découvert si c'était le cas.

« Le monde est sombre, Angéla.

J'ai peut-être été un peu trop solennelle puisque Angie est prise d'un frisson. Je lui souris pour la rassurer.

« Allons à la plage, alors, décidé-je.

Elle me sourit et nous nous levons. Je préviens Charlie que nous allons à la Push. Il me demande d'être discrète et respectueuse. Je lui assure que je le serai et nous y allons avec mon monstre, ce qui me fait déjà mentir étant donné qu'il est loin d'être discret. Jacob sera peut-être content de le revoir si on le croise. Il n'y a qu'une grande route qui mène à la Push, qui se transforme en plus petite route vers la fin, avant l'entrée du village. Je traverse le petit centre du village puis continue sur un chemin goudronné jusqu'au parking de la plage.

Sur la pente qui mène au sable, nous croisons deux amérindiens, bruns aux cheveux courts, musclés et pas du tout habillé pour la saison. Les deux me regardent avec méfiance et je comprends pourquoi Charlie me voulait discrète et respectueuse. Ils n'aiment pas les étrangers. Je peux comprendre étant donné l'histoire de notre pays mais ils aiment bien mon père, non ? Je devrais avoir le privilège de la descendance.

« Dis, samedi prochain, je vais à Port Angeles, ça te dirait de venir ? S'enquiert Angie pendant que nous marchons au bord de la mer.

« T'y vas pour quoi ? Ça me fait penser que j'étais censée y aller aujourd'hui, pour les livres de cours.

« Je vais aider une association, pour servir des repas aux sans-abris. On pourrait aller acheter tes livres ensuite. Enfin, si ça peut attendre samedi prochain, bien sûr.

« Hum, il y a pas des gens déjà qui font ça ?

« Ils ont toujours besoin de bénévoles. Ça serait une bonne action, ça aiderait beaucoup de gens.

Je pourrais mentir, dire que je viens et trouver une excuse à la dernière minute pour ne pas venir mais je n'ai pas envie de laisser un mensonge traîner si longtemps.

« J'suis pas douée pour ça... aider les gens.

« Il suffit de commencer par un petit pas. Il ne s'agit que de servir des repas, tu n'es même pas obligée de t'intéresser à leur vie.

« Je fais à manger pour mon père tous les soirs et le grand ménage une fois par semaine, c'est le maximum de mon aide possible. Je ne suis pas à l'aise pour aider les autres... c'est, je sais pas... c'est pas moi.

« Ça ne te fait pas plaisir quand quelqu'un t'aide, toi ? Tu ne voudrais pas le faire pour les autres, une fois ? C'est très valorisant, tu sais ?

« C'est égoïste d'aider quelqu'un pour se valoriser, répliqué-je. Et personne ne m'aide, je me débrouille toute seule pour obtenir ce que je veux.

Personne ne m'aiderait si je ne les manipulais pas pour qu'il le fasse. Je me débrouille. Angéla se détourne et je vois un sourire poli se dessiner sur ses lèvres, je regarde dans la même direction qu'elle et voit Ben venir aux côtés d'un amérindien. Ben est au lycée et je crois qu'il a un petit crush sur Angie. L'amérindien semble un peu plus jeune que nous mais c'est peut-être à cause de ses pommettes qui lui donne l'air enfantin quand il sourit à pleines dents.

« Salut, Jake, c'est Angie et Bella, nous présente Ben. Les filles, c'est Jake.

« Je connais déjà Bella, sourit Jake. Jacob... Black, on faisait...

Ah, c'est donc lui qui a retapé le monstre au lieu de le mettre à la casse. Mon père avait raison, il est plus grand que moi mais franchement, pas de beaucoup. il a de longs cheveux noirs qui frisottent autour de son visage et le corps plutôt fin.

« Des gâteaux de boue, quand on était gosse, complété-je.

« Ouais, tu te rappelles ?

Non.

« Bien sûr, feins-je. Il paraît que tu viens voler ma bouffe, demain ?

« Ouais, sourit-il. Ce sera cool.

« J'espère que t'as l'estomac solide parce que je suis loin d'être un cordon bleu et c'est moi qui cuisine, le soir.

« Ça ira, je suis sûr que tu exagères.

« Tu verras mais il est toujours temps de convaincre ton père de venir manger le midi.

Jake rit.

« Je ne pense pas que mon avis compte, sourit-il. Le pick-up te plaît ? Il roule bien ?

« Je l'adore, merci de l'avoir retapé parce que oui, il roule bien même si je n'ose pas le faire rouler trop vite, il arrive un moment où ça devient... tremblant.

Il semble vraiment ravi qu'il me plaise et fier du fait que j'ai noté qu'il l'avait retapée. Je n'arrive pas à croire qu'il me croit parce que personne de sain d'esprit adorerait une épave.

« Ouais, pas plus que 90.

Ben et Jake restent avec nous pour le temps où nous nous baladons. Quand il est temps de rentrer, je vois l'humeur de Ben retomber ce qui m'amène à penser qu'Angie n'est pas qu'un simple petit crush pour lui.

« On va manger chez Bessie, annoncé-je. Vous voulez venir ?

Une décision que je viens de prendre et Angie ne m'aide pas en affichant sa surprise.

« Grave, accepte Ben.

« Je dois demander à mon père mais faudrait me ramener ensuite, je n'ai le droit de conduire que lorsque Billy est avec moi, vu que je n'ai que 15 ans.

« Tu es venu avec ta voiture, Ben, non ? Parce que je n'ai que trois places dans mon pick-up.

« Ouais, répond Ben puis il se tourne vers Jake. Je te ramènerai, si tu veux, mec.

« Ok, répond Jake.

Je vois un peu de déception sur son visage. Quelque-chose me dit qu'il aurait préféré que ce soit moi qui le ramène. Je me demande si je lui plais ? Je n'ai pas l'habitude de plaire aux gars alors c'est un peu étrange.

« Ben est garé chez moi alors je peux aller sur le plateau, le temps du trajet, nous dit Jake.

Je ne suis allée qu'une fois chez Billy et j'étais trop petite pour me souvenir du chemin alors Ben me guide. Devant la maison rouge des Black, Angie et moi attendons dans le monstre tandis que Ben est sorti pour attendre son ami accolé à la carrosserie du pick-up, près de la portière ouverte. Jake finit par ressortir, complètement déçu maintenant, il grimace et secoue la tête en arrivant.

« Mon père ne veut pas que je sorte, ce soir, parce que... j'ai des trucs à faire, euh, à la maison.

J'ai envie de dire qu'en tant que bonne menteuse, je sais reconnaître les vilains mensonges mais en fait, il est évident pour tout le monde que c'en est un, Jake ne sait pas mentir. Il ne peut pas venir mais il ne peut pas non plus nous dire pourquoi et comme c'est précisément moi qu'il regardait après son "parce que" et qu'il a ensuite baissé le regard, la vraie raison du refus de Billy me concerne.

« Une prochaine fois, assuré-je.

Il me sourit d'un sourire tordu et hoche la tête. Ben tape l'épaule de Jake et se met au volant de sa voiture. Je n'avais pas prévu de tenir la chandelle, ce soir mais il est temps de jouer les Cupidon. Chez Bessie, nous sommes installés à une table, je laisse les deux discuter ensemble, Angéla est timide, ses joues sont roses et ses réponses sont hésitantes et évasives la moitié du temps. Je ne sais pas si elle intimidée par Ben ou si ça la gêne de répondre à ses questions. Peut-être qu'elle n'est pas intéressée ? Je regarde par la fenêtre puis voit mon reflet, je ne me rendais pas compte d'arborer un regard si assassin. Je dévie mon regard vers l'extérieur et joue avec mon front pour effacer ce regard de tueuse. Je me tourne vers mes amis alors qu'un temps de silence dure un peu trop longtemps.

« Tu vas à la soirée de Mike ? Demandé-je à Ben.

« Ouais, vous aussi ?

« Ouep, ça va être amusant, souris-je.


Mike habite une maison avec un grand jardin ouvert sur la rue. La plupart des invités sont présents et... sont tous déguisés. En animaux de la ferme. Ben, Angie et moi sommes les seuls qui ne le sommes pas mais apparemment, Mike a gardé nos déguisements, comme Angie le lui a demandé. Je lance un regard d'incompréhension vers Angéla qui a visiblement fait foirer tout mon plan. Elle paraît être une fille gentille et innocente mais en fait, elle cache plutôt bien son jeu.

« Tu n'as pas ton déguisement ? Demande Angéla à Ben.

« J'ai fait comme vous, j'ai demandé à Mike de garder le mien. Je serai le taureau, si vous me cherchez.

Mike nous montre la chambre où Angie et moi pouvons nous changer, nos déguisements nous y attendent. Il guide Ben dans la chambre d'en face. Notre pudeur sera au moins intacte. Quand nous descendons, Angéla déguisée en poule et moi... en poussin jaune, nous tombons sur Lauren et Jess déguisée respectivement en lapine sexy et en canne, sexy aussi.

« Merci, Bella, me remercie Lauren.

C'est la première fois qu'elle m'appelle par mon vrai nom... mais pourquoi me remercier ?

« Angéla nous a dit que tu savais que nous nous trouvions aux toilettes, quand tu lui as dit que c'était une soirée déguisée. Tu voulais nous prévenir l'air de rien. Tu fais officiellement partie de notre bande, maintenant. Je prévois une petite vengeance pour ce cher Mike, histoire de lui apprendre à se foutre de moi.

« Soit subtile, alors, c'est mieux s'il ne sait pas de qui ça vient.

« T'as raison, sourit-elle. Je savais que t'étais pas idiote.

Lauren et Jess s'en vont, je me tourne vers Angéla, mécontente.

« Faut qu'on parle, la préviens-je en basculant mon regard sur son déguisement puis dans ses yeux. Maman.

Elle me suit dans le jardin, je me tourne vers elle.

« Tu as fait en sorte que la soirée devienne vraiment une soirée déguisée ?

« Oui, avoue-t-elle.

« Je ne pensais pas que tu serais capable de mentir, tu m'as bien eue.

« Je n'ai pas menti, m'assure-t-elle. Je ne mens jamais.

« Tu leur a fait croire que je les ai sauvée de la honte, expliqué-je en faisant un geste vers la maison.

« Non, j'ai simplement dit que tu savais qu'elles étaient là, elles en ont déduis que tu as voulu les aider.

« Ce n'est pas ce que j'ai fait.

« Mais elles le pensent, dit-elle en haussant les épaules. Tu as bien dû... apprendre quelque-chose, ce soir ?

« Ouais, ronchonné-je. La perfidie se cache là où on ne l'attend pas. Cette soirée est nulle maintenant et je suis déguisée en poussin jaune.

Je souffle.

« Allez viens, maman. On va boire pour oublier.

« Tu veux toujours être amie avec moi ? S'inquiète Angie en me suivant.

« Bah oui, pourquoi je ne voudrais plus ?

« Tu m'en veux, non ? Tu m'as donné l'impression que je t'ai mis un coup de couteau dans le dos en sauvant la mise.

Je me tourne juste avant d'entrer dans la maison.

« Je ne suis pas en colère contre toi, je ne t'en veux pas non plus. Et les couteaux dans le dos, c'est ce que font les amis, la différence, c'est que moi... j't'en voudrais jamais.

« C'est bien de pardonner, sourit-elle.

« Y a pas de pardon parce que je m'en fous donc y a rien à pardonner. La vie, c'est simple.

Son sourire s'efface et je la vois encore en train de se poser des questions.

« Tu réfléchis trop, Angie.

Je tape son épaule et la pousse pour qu'elle entre. La soirée ferme est nulle et mon plan n'a pas fonctionné mais Mike rattrape les choses en faisant mine de se prendre les pieds sur le tapis et verse le contenu rougeâtre de son verre sur la robe blanche de sexy lapine.