Chapitre 18
Charlie n'est pas rentré du travail, sa voiture n'est pas là quand Jake et moi arrivons, lui sur son scoot', moi dans mon monstre. Pour ne pas risquer d'être interrompus, je l'emmène dans ma chambre et m'assois de travers sur mon lit. Jake reste debout, il regarde ma chambre puis mon bureau. Il tend la main pour récupérer le livre dans le coin, celui que j'ai balancé au hasard sur le meuble l'autre jour, je le vois sourire.
« Tu ne dois pas être si affreuse que mon père le pense, commente-t-il.
Il repose le livre sur la pile puis souffle avant d'enfin poser son cul sur mon matelas, me faisant face, la jambe pliée devant lui.
« Alors, tu es malade ? Est-ce que c'est grave ?
« Je ne vais pas mourir, si c'est la question. Je ne pense pas que ce soit grave mais ce n'est pas bénin non plus. Ce n'est probablement pas sans conséquence, j'imagine.
« Tu veux bien me dire ?
« Je sais pas, soufflé-je. Déjà, qu'est-ce que tu penses que je suis, au juste ? Ou ton père ?
« Je ne sais pas et mon père ne sait pas non plus. Il m'a dit qu'il a vu un truc bizarre chez toi, quand tu étais petite. Ça plus le mauvais présage à ta naissance... il s'est monté la tête. Et tu sens un peu... différemment.
« Différemment ? Tu es en train de gentiment me dire que je pue ?
« Oui et non, dit-il avec un sourire d'excuse. Ce n'est pas quelque-chose que j'ai senti avant mais maintenant, je le sens.
« Et je sens quoi ?
Il soupire, cherche ses mots.
« Tu sens un peu comme...
J'arque un sourcil impatient.
« Un peu comme la mort, termine-t-il.
« Super, soufflé-je. C'est récent, je suppose puisque tu ne me sentais pas comme ça avant.
« Euh... ouais.
« Ça veut dire quoi ? Je pourris de l'intérieur ?
« Non, non, bien sûr que non. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire.
Il regarde ailleurs un moment puis il se tourne vers moi.
« Depuis quand tu sors avec le décoiffé ?
« Edward, depuis le bal, vendredi.
« Et tu traînes avec lui depuis... ?
Je hausse les épaules.
« Un p'tit moment.
Il hoche la tête comme si tout s'éclairait pour lui, maintenant.
« Tu ne devrais pas sortir avec lui, ni même le fréquenter.
« Pourquoi ?
« Il n'est pas... quelqu'un de bien. Aucun Cullen ne l'est.
Je hausse les épaules. Qu'Edward soit bien ou pas n'est pas important.
« Pourquoi lui ? Parmi tous les mecs, pourquoi lui ?
« Je sais pas, c'est comme ça.
J'ai l'impression que ma réponse ne le satisfait pas.
« C'est lui qui m'a draguée. » je mens.
« Tu aurais pu avoir quelqu'un d'autre, quelqu'un de mieux.
« Comme qui ? Je lui plais à lui pas aux autres.
« Tu me plais, à moi, rétorque-t-il.
« Ah. J'ai pensé à un moment que je te plaisais, c'est vrai, avoué-je. Mais comme on ne s'est pas revu depuis la dernière fois...
Je n'y ai pas repensé depuis cette fois-là. Je n'ai même pas pensé à le manipuler, lui, à vrai dire mais j'avais déjà décidé que ce serait Edward avant de rencontrer Jacob.
« Tu l'aimes ? Me demande-t-il.
« Pas vraiment, réponds-je honnêtement.
Un demi-sourire apparaît sur ses lèvres.
« Il le sait, ajouté-je avant qu'il ne lui vienne l'idée de saboter mon plan.
« Ça ne le dérange pas ? Et pourquoi tu sors avec lui si tu ne l'aimes pas ?
« Parce que j'ai décidé que c'était une bonne chose, je sais pas, éludé-je. Et pour ce qui est de l'aimer ou pas, de toute façon, je ne peux pas, avoué-je. C'est ma maladie. Une maladie mentale. Psychopathie, en tout cas, c'est le diagnostique du médecin que j'ai vu. Je ne ressens pas d'émotion.
« Tu ne ressens pas d'émotion ?
« Nan, aucune. Pas de joie, pas de tristesse, pas de peur... pas d'amour. Je pense que c'est pour ça que ton père a peur de moi, il doit l'avoir vu ou senti.
« C'est peut-être pour ça oui mais peut-être que tu peux mais que tu n'es pas avec la bonne personne. Peut-être...
Je lui envoie un sourire sans joie apparente. Il se déplace, se rapprochant un peu plus de moi.
« Peut-être que...
Il se penche en avant.
« Je peux essayer quelque-chose ? Demande-t-il à voix basse.
J'hésite, mon regard voyage de son regard à ses lèvres et retour, j'hésite encore et finalement j'acquiesce sans bruit. Il se penche davantage et pose ses lèvres chaudes sur les miennes. Il se redresse finalement, son regard se fait scrutateur à la recherche du moindre signe. Signe de quoi ?
« Alors ? Demande-t-il.
« Rien du tout. » je réponds.
« Rien du tout ? Répète-t-il.
« Pas d'émotion, aucune.
« Il n'y a pas un traitement ?
« L'hôpital psychiatrique, je suppose. Garde ça pour toi, Jake. Charlie ne veut pas que j'en parle autour de moi, j'étais pas censée te le dire mais... comme tu m'as dit pour Billy et ce qu'il pensait de moi, je te fais une fleur.
Ça devrait le convaincre de ne rien dire s'il pense que c'est mon père qui ne veut pas que j'en parle. Et au moins, il ne lui en parlera pas non plus.
« Une confidence pour une confidence, expliqué-je.
Il hoche la tête.
« Si tu n'aimes pas Edward et que tu n'as pas d'émotion et tout ça. Le mec avec qui tu sors t'importe peu, si ?
« Où tu veux en venir ?
« Tu pourrais rompre avec lui et sortir avec moi ?
« Tu veux sortir avec une fille qui est incapable de t'aimer ?
« Ça n'empêche pas que tu me plaises, fait-il en haussant les épaules. Je te trouve... très jolie.
Je lui souris.
« Je suis une meilleure personne que lui... donc tu y gagnerais au change.
« Pourquoi ne pas vouloir une fille qui t'aime ?
« C'est toi qui me plais, contre-t-il. Pourquoi ça te dérange pour moi ? Pourquoi Cullen, non ?
« Tu ne l'aimes pas ?
« Non. Je ne l'aime pas, sa famille non plus. Ils ne sont rien d'autres que des parasites, si tu veux mon avis.
« Edward est gentil.
« Bella, souffle-t-il. Edward n'est pas celui que tu penses qu'il est. Tu n'as pas les idées claires avec lui. Les Cullen... ils ont un truc qui attire les autres et Edward a... une sorte de pouvoir.
« Tu le sais ? M'étonné-je.
« Comment ça ? Qu'est-ce que tu sais toi ? Renvoie-t-il.
Je ferme la bouche. Il est possible que nous parlons du même pouvoir mais il est possible que ce ne soit pas du tout la même chose et si je balance le don d'Edward à Jacob, je pourrais révéler un secret que Jake ignore.
« Toi, qu'est-ce que tu sais ?
« Je ne peux pas te le dire, je suis lié au secret.
« Moi aussi, alors ça ne nous avance pas.
Il s'agite, frottant son front puis ses mains ensemble, il semble frustré.
« Oh et puis merde, ce traité c'est de la merde de toute façon, marmonne-t-il.
Je tente de lui demander ce qu'est ce traité mais il me devance :
« Edward arrive à lire dans les pensées.
Je suis étonnée qu'il le sache, c'est censé être un secret.
« Ah, eh bien, je le sais, oui.
« Et ?
« Quoi ?
« C'est tout ? Bella, réfléchis deux minutes, s'il te plaît. Edward est télépathe.
« Oui, tu l'as déjà dit et j'ai dit que je le savais, fais-je avec évidence.
« Tu ne penses pas qu'il sait exactement quoi te dire pour que tu l'aimes bien... ou au moins que tu acceptes de sortir avec lui puisque tu ne peux pas...
« Tu as peur qu'il me manipule, c'est ça ?
« Ouais, c'est exactement ce qu'il fait. Je veux dire, pourquoi il sortirait avec toi, de toute façon ?
« Parce que je lui plais ?
« Pardon, je voulais pas dire...
« Je suis pas vexée, le coupé-je. Il ne me manipule pas.
La situation a quelque-chose de comique, Jacob qui accuse Edward de me manipuler alors que...
« Il ne me manipule pas, Jake. Il ne peut pas lire mes pensées.
« Ah bon ?
Je secoue la tête.
« Mais toi, tu essayes, souris-je.
« Quoi... non ! Proteste-t-il.
« Je reconnais la manipulation quand j'en vois. Peu importe que tu penses qu'Edward n'est pas un mec bien, je m'en fiche à vrai dire, qu'il le soit ou non. Il ne me manipule pas, Jake. C'est moi qui le manipule.
L'expression de Jake change du tout au tout.
« Tu le manipules ?
« Oui. Et ne va pas lui dire, hein, parce que je ferais en sorte de retourner les choses contre toi.
« Bella, soupire-t-il. Outre le fait que manipuler les autres, ce n'est pas bien, tu ne peux pas le manipuler lui. Tu ne sais pas avec qui tu joues, là.
« Jacob.
« Oui ?
« Je suis une psychopathe.
Ça semble le calmer.
« Ok je ne tue pas les gens, je ne les torture pas non plus et je ne fais de mal à personne mais dis-moi ce qui peut être plus flippant qu'une psychopathe ?
Il ouvre la bouche, bloque et soupire de frustration.
« Tu es tellement...
« Quoi ?
« Frustrante, déclame-t-il.
« Je te dirai bien que je suis désolée... mais j'le suis pas.
« Peut-être que l'hôpital psychiatrique ne serait pas une mauvaise chose, annonce-t-il. Pour ta propre sécurité.
« Je n'ai jamais détesté qui que ce soit, tu veux être le premier ?
Il souffle dans un sourire.
« Non, je n'veux pas que tu m'détestes.
Je hoche la tête.
« Bien, lance-t-il, donne-moi ton téléphone comme ça, si tu as un problème, tu pourras m'appeler. Pour n'importe quel genre de problème. Surtout si c'en est un avec les Cullen, en fait.
Je récupère mon téléphone et le lui tends. Il s'ajoute, fait sonner son tel pour avoir mon numéro et me le rends.
« Je ne vais pas dévoiler à ce Cullen que tu essayes de le manipuler, parce qu'en vrai, je dois avouer que ça m'amuse assez qu'une fille comme toi manipule un type comme lui.
Je lui souris avec complicité.
« Faudra pas que t'y penses quand tu le croiseras, le préviens-je. Parce qu'il n'y a que moi qu'il ne peut pas lire.
« Ouais, tu dois avoir une barrière psychique ou une connerie du genre. Je suis pas très au point avec les pouvoirs bizarres.
« Moi non plus.
« Bon, je dois y aller, annonce-t-il. J'suis content... qu'on ai parlé.
Nous nous levons tous les deux, il se dirige vers la porte mais s'arrête et me fait face.
« Quand tu auras fini de jouer avec Cullen. Est-ce que j'aurais une petite chance, avec toi ?
Je lève une épaule parce que je ne sais pas. Je me demande pourquoi il voudrait de moi alors que je viens de lui apprendre que je manipule un autre gars. N'a-t-il pas peur que je le manipule à son tour ? Je descends avec lui pour le raccompagner. Je me demande ce que fait Charlie, il n'est toujours pas rentré. Jake fait demi-tour avant que je ne ferme la porte.
« Fais attention à toi, quand même, avec Cullen. Je ne sais pas comment il réagira quand il comprendra ce que tu fais.
« T'inquiète, soufflé-je avant de lui sourire. Et puis, tu m'as dit de t'appeler si j'avais des problèmes.
« Ouais, confirme-t-il. Fais-le.
Je hoche la tête en lui souriant puis ferme la porte. Je remonte pour faire mes devoirs mais mon regard est sans cesse attiré par le livre de la bonté que Jake a replacé en haut de la petite pile. Quand j'ai fini, je prends le livre, descends avec, sors de chez moi, rejoins la première maison voisine qui se trouve à une vingtaine de mètres et mets le livre dans la poubelle extérieure de Mme Garvis.
Je dîne seule et place l'assiette de Charlie dans le micro-onde. Quand il est clair que Charlie ne rentrera peut-être pas si tôt, je déplace l'assiette pour la filmer et la mettre dans le frigo. Quand la fatigue se fait trop pesante, je monte me coucher sans nouvelle de mon père.
Le lendemain, la maison est silencieuse mais ce n'est pas inhabituel, la moitié du temps, Charlie part au travail avant mon réveil. Je prends mon petit-déjeuner puis pars vers le lycée. Je suis surprise de trouver la voiture de police garée dans l'allée. Charlie a dû rentrer très tard et il doit être en congé aujourd'hui.
Lorsque je descends de mon monstre sur le parking du lycée, je suis alpaguée par Angéla. Je l'ai dit qu'elle ne choisirait pas de camp.
« Comment tu vas ? Me demande-t-elle
« Ça va.
« Tu vis bien ton éviction, on dirait, remarque-t-elle.
Je hausse les épaules.
« Ça ne me dérange pas. Tu n'as pas peur d'être éjectée à ton tour en me parlant ?
« Non, je n'ai pas l'habitude de suivre les gamineries.
« Tu es plus intelligente que la moyenne, commenté-je.
« Au fait, tu as déjà assisté à une messe ?
« Hum, non, jamais.
« Ça te dirait de venir à la prochaine ? C'est tous les dimanches matins.
Non mais comme elle a l'air d'avoir envie que je dise oui, je lui donne l'excuse toute trouvée puisqu'elle est quand même un peu vraie.
« Je peux pas ce week-end, ma mère vient mais peut-être le suivant.
« Ok, c'est génial.
« Est-ce qu'il faut payer ? Demandé-je.
« Non, c'est gratuit mais tu peux faire un don, si tu as envie.
« D'accord, j'y penserai.
Si j'y vais mais je doute que j'irai parce que je ne vois pas pourquoi j'irai m'ennuyer pendant une heure ou deux, assise sur un banc à écouter le pasteur nous faire la morale ou nous dire... quoi que ce soit. J'emmène Angie vers Edward qui vient d'arriver avec ses frères et sœurs.
« Salut Bella, sourit joyeusement Emmett. Et Angéla.
« Bonjour, salue Angéla.
Emmett m'envoie un sourire malicieux.
« Alors, comme ça, tu sors avec mon frère ?
« On dirait bien, souris-je.
C'est la première fois qu'il m'adresse la parole. Peut-être bien que c'est le premier des Cullen en dehors d'Edward à le faire. Je n'ai pas souvenir que Jasper se soit adressé à moi quand il est venu me sauver avec Edward, à part peut-être pour me répondre, une ou deux fois après m'avoir sauvée. Je fronce les sourcils en me demandant si je lui suis, du coup, redevable aussi. J'ai déjà épongé ma dette envers Edward en le sauvant pour le bal donc c'est déjà ça en moins. Et merde... ça veut dire qu'Edward ne m'est toujours pas redevable puisque son sauvetage règle ma dette pour le mien. Fait chier.
« Ça faisait longtemps qu'il rêvait d'avoir une copine, se moque Emmett.
Rosalie le frappe sur le bras en levant les yeux au ciel, me lance un regard frigorifique et s'éloigne de nous comme si j'avais la peste.
« Ne t'en fais pas pour Rosalie, me dit Alice. Elle a du mal à faire confiance.
« Pas de soucis.
« Les gens ont l'habitude de ne pas être tout à fait honnête avec nous, m'informe Edward en me prenant par la taille. Il lui faudra du temps pour voir que tu n'es pas comme les autres.
Il dépose un baiser sur ma tempe pendant que je souris gentiment, m'empêchant de le faire sournoisement.
Au déjeuner, je découvre qu'Edward ne se trouve pas avec sa fratrie, je balaie la salle et le découvre sur une petite table, à l'autre bout. Il me regarde et me pointe la chaise face à lui pendant qu'il me sourit. Je récupère ma bouffe puis le rejoins, posant mon plateau devant lui. Il semble qu'il aie déjà commencé puisque son assiette n'est qu'à moitié remplie.
« On mange en couple tout le temps, maintenant ? Demandé-je.
« Mon privilège de petit-ami, acquiesce-t-il.
Je lui souris parce que j'ai aussi ce privilège, du coup.
« J'ai bien envie d'utiliser un autre de mes privilèges de petit-ami, d'ailleurs.
« Qui est ?
« Te demander ce que te voulait Jacob Black ?
J'arrête la fourchette alors qu'elle est dans ma bouche puis la glisse doucement au dehors. Je mâche et avale pendant qu'Edward me regarde comme fasciné par ma bouche.
« Tu ne l'aimes pas ?
« Non.
« Il ne t'aime pas non plus, révélé-je.
Je ne sais pas si c'est une grande nouvelle pour lui.
« Je sais, oui.
« Il a... euh... son père a senti qu'il y avait un truc qui déconnait dans mon cerveau et Jake a fini par le croire.
« Donc il s'est permis de venir te trouver au lycée pour t'accuser de ne pas être normale ?
« Bah... euh... ouais.
Les lèvres d'Edward se plissent. Nous restons un moment silencieux, j'en profite pour manger. Dans la liste des choses à faire pour qu'une personne tombe amoureuse de moi, il y a "attiser la jalousie". Et comme Edward n'aime pas Jacob, ça va sûrement fonctionner.
« Il m'a embrassée, avoué-je.
Edward penche la tête, je n'arrive pas à savoir si ça le contrarie, s'il est jaloux ou autre chose.
« Par surprise ? Demande-t-il.
« Non, il voulait savoir s'il allait déclenché une émotion chez moi. Il a dit que je lui plaisais et il ne comprend pas pourquoi je t'ai choisi toi.
« Et ?
« Et bah rien. Il a laissé tomber du coup et il a arrêté de me dire que tu n'étais pas un mec bien, tout ça-tout ça pour me faire changer d'avis. Il ne comprend pas pourquoi je t'ai choisi toi mais c'est comme ça, c'est toi que je veux. Je crois qu'il ne désespère pas qu'une rupture aie lieu, cependant.
« Et bien, il peut toujours espérer, sourit Edward.
