Chapitre 19
Charlie n'est pas là quand je rentre. Je pensais qu'il était en congé ou peut-être qu'il l'est mais qu'il est sorti faire les courses. Je l'entends rentrer au moment du dîner, je suis déjà en train de manger.
« Ton assiette est dans le micro-onde, lui signalé-je en pointant derrière moi sans me retourner.
Il ouvre le micro-onde puis le referme et le fait tourner une trentaine de secondes avant de récupérer son assiette puis il s'installe devant moi, complètement harassé. Il a des cernes sous les yeux, le teint terne.
« Tu es malade ?
« Non, je vais bien, ne t'inquiète pas.
Je réalise que je me suis méprise en voyant son regard qui évite le mien.
« Tu es triste.
Il me regarde puis son assiette puis il soupire tristement.
« Tu te souviens de Will ?
Je me fige.
« Ton adjoint ? Il va bien ?
« Il est mort.
Le bruit que fait ma fourchette en tombant sur l'assiette résonne dans la cuisine. Charlie tend la main et la pose autour de la mienne pour la serrer.
« De... de quoi ?
« Le légiste dit une attaque animale. Il était sur son bateau qui a suivi le courant de la rivière quand des promeneurs l'ont aperçu, on pense que l'attaque a eu lieu au port, cependant.
« C'est un animal, donc ?
« Je ne sais pas, il y a des traces de pas près du port. Une personne était là en même temps que lui, je pense que cette personne a tué Will et a fait passer ça pour une attaque animale.
« Qu'une seule personne ?
Il hoche la tête. Jacob a dit que je sentais la mort maintenant...
« L'affaire est classée pour l'instant, parce que nous n'avons pas de preuve que cette personne soit entrée dans le port, elle s'est arrêtée près du grillage puis a fait demi-tour.
Il reste un temps silencieux puis soupire.
« Je t'en parle uniquement pour que tu fasses attention, Bella. Si ce n'est pas un animal, il y a un tueur dans la nature.
« Mais... tu as dit qu'il ne se passait jamais rien ici.
« Il n'y a pas eu de meurtre à Forks depuis peut-être vingt ans. C'était un homme atteint de psychopathie qui a tué sa femme.
Eh bien, pensé-je, c'est peut-être mon père.
« Je n'ai pas faim, soupire Charlie en jetant sa fourchette sur la table. Je vais essayer de dormir un peu.
Je devrais flipper, paniquer et peut-être avoir des regrets ou des remords mais rien de tout ça m'atteint et ça m'inquiéterait si je pouvais être inquiétée. Parce que...
c'est peut-être bien moi qui aie tué Will.
J'ai décidé que c'était trop, je dois demander de l'aide parce que... parce que je ne veux pas tuer d'autres personnes. Si c'est moi qui aie tué Will, bien sûr. Et si ce n'est pas moi... je ne veux pas commencer, comme cet homme qui a tué sa femme. L'état dans lequel je suis est peut-être ce qui se rapproche le plus de la peur, j'imagine. Avant d'en parler à qui que ce soit, je décide d'en parler à la seule personne qui est au courant de tout, de ma psychopathie et de mes hallucinations. Et qui ne m'a jamais jugée pour ça.
Je frappe à la porte des Cullen, Edward m'ouvre la porte. Ça tombe bien que ce soit lui parce que je ne veux parler qu'à lui pour l'instant et voir ce que je peux faire pour m'empêcher d'être une mauvaise personne.
« On doit parler, lui annoncé-je.
Il hoche la tête et me fait entrer. Je le suis, nous montons deux escaliers puis il m'amène dans une pièce de lecture. Il y a tout un tas de livres et de CD sur des étagères sur le mur à droite, une baie vitrée remplace le mur à gauche et une double-porte fenêtre se trouve au fond. Un divan se trouve au milieu, tourné vers la forêt. Leur villa est parfaitement située, à l'abri des regards, la parfaite cachette pour un psychopathe. Enfin... j'imagine qu'un psychopathe vivrait plutôt dans une petite maison obscure avec une cabane dans l'arrière-court où il déchiquetterait ses victimes. Edward comprend que ça ne va pas alors il ne parle pas, il me tire vers le divan, s'installe et me fait m'asseoir sur ses genoux, face à lui, mes jambes pliées sur le siège autour de ses cuisses. Ses mains entoure mes hanches.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
« Tu crois aux vampires, aux hommes-loups et aux hommes-serpents ? Tu penses qu'ils existent ?
« Des hommes-serpents ? Répète-t-il incrédule.
Je le fixe et secoue la tête.
« Oui, c'est ridicule. Bien sûr que ça n'existe pas.
« Bella ?
« J'ai encore eu des hallucinations, samedi dernier mais y avait pas de miroir ou quoi que ce soit qui me reflète, cette fois.
« Raconte-moi.
« Je cherchais un endroit, pour nous, notre endroit d'amoureux.
Un léger sourire s'affiche sur le coin de sa bouche.
« C'est mignon, commente-t-il.
« Ouais mais je suis tombée sur le petit port de pêche, au nord de la ville. J'ai vu Will et... maintenant, il est mort.
« J'en ai entendu parlé, ils disent que c'est une attaque animale.
« Mais si ça ne l'était pas ? Fais-je.
« Qu'est-ce que tu crois que c'était ?
« Je crois que c'était moi. Je crois que j'ai tué Will.
Son visage se referme, il me scrute, espérant que je lui fasse une blague, sans doute.
« Un homme est apparu de nul part. Il n'était pas là puis il était là et une femme, aussi. Ils se sont jetés sur lui, ils l'ont mordu. Un troisième est arrivé derrière moi et...
Je soupire.
« Celui qui voulait boire mon sang s'est fait manger par un serpent et les autres se sont fait chasser par un loup.
La lèvre d'Edward se relâche, il me regarde interdit. Il ouvre la bouche pour parler mais se ravise. Il reste un moment silencieux, ses lèvres semblent trembler puis il semble furieux, maintenant et j'essaie de me ratatiner.
« Dis quelque-chose... l'intimé-je. Je pense que les hallucinations sont apparues parce que je refuse de voir ce que j'ai fait en face. Ils ont trouvé des traces de pas, un seul type de pas, les miens. Rien d'autre. C'est moi qui l'aie tué, je crois. Je vais le dire à Charlie, il faut que j'aille en prison, je ne veux pas tuer de gens, j'ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Je veux pas... je ne veux pas te tuer. Je veux pas te faire de mal non plus et je vais le faire, peut-être juste un peu mais je vais le faire parce que je vais t'abandonner, un jour, je vais le faire.
Ses mains serres mes hanches pour m'inciter à me redresser.
« Regarde-moi.
Je lève les yeux.
« Je ne pense pas que tu l'aies tué. Ne dis pas à Charlie que tu étais là-bas. Et je ne crois pas que tu veuilles me faire du mal.
« Pourquoi t'en es si sûr ? Je ressens rien, c'est facile pour moi de tourner les talons et de te laisser derrière. J'ai peut-être tué Will, même si tu ne le penses pas, je l'ai peut-être quand même fait.
« Je le sais parce que tu es là, parce que tu me montres vraiment qui tu es.
« Je sais pas, j'en sais rien, je sais juste que je veux continuer de te... garder.
Merde, j'ai bien failli faire une gaffe, là. Il me sourit et m'approche de lui pour m'embrasser.
« On ne peut pas te laisser livrée à toi-même, cependant.
« Tu veux que je vois un psy ? Il va m'enfermer.
« C'est ce que tu voulais, il y a deux minutes, non ? Commente-t-il en arquant un sourcil. Il y a une autre option pour s'assurer que tu ne feras de mal à personne, une option qui nous contentera tous les deux.
J'y réfléchis en fixant un bouton de sa chemise.
« Laquelle ?
« Épouse-moi.
Je remonte mon regard vers Edward. Il n'a pas l'air de blaguer, il est vraiment sérieux.
« T'es sérieux ?
Il hoche la tête.
« Je t'aime, Bella. Tu es la bonne pour moi et je sais que je suis fait pour toi.
Il retire sa main droite de ma hanche et la pose contre ma joue.
« Tu voulais d'un mariage intéressé, eh bien, c'est ce que je te propose. Tu ne veux pas avoir à travailler, tu n'en auras pas besoin. Il n'y a pas que mon père qui soit riche, je le suis aussi.
« Très riche ?
« Très riche, oui, sourit-il. Mais il y aura un contrat de mariage, évidemment. Je me dis qu'il vaut mieux assurer mes arrières. Je suis au courant pour ta maladie et il n'y a pas de raison que tu me caches quoi que ce soit parce que quoi qu'il se passe, quoi que tu fasses, je ne te jugerai pas, tu auras toujours mon amour. Si nous sommes mariés, tu emménageras avec moi et je pourrais m'assurer que tu ne fasses de mal à personne.
« Tu as dit que tu ne pensais pas que je l'avais tué.
« Mais toi, tu es persuadée que tu l'as fait et que tu peux le faire. La ligne m'a l'air assez fine pour que tu puisses la franchir.
« Quel intérêt de m'épouser pour toi ? Je ne t'apporte pas d'argent... enfin, j'ai 2000$, si tu veux mais... tout ce que ça t'apporte toi, c'est les privilèges de petit-ami et euh... me surveiller.
« Je suppose que l'amour n'est pas un intérêt suffisant pour toi ?
« Bah... c'est toi qui m'aime. Je ne pourrais pas... éprouver ça pour toi.
« Je sais et ce n'est pas grave. Je nous aime pour deux.
Honnêtement, je ne vois pas l'intérêt pour lui de m'épouser alors je cherche le piège.
« Ça te dépasse, hein ? Si je te dis qu'il y a deux autres intérêts dans ce mariage, pour moi, tu veux les entendre ?
Je hoche la tête. Il m'approche de lui pour m'embrasser puis me repousse.
« Pour le sexe ? Demandé-je.
« Je ne sais pas si t'en aurais vraiment envie, m'avoue-t-il. Alors non, pas le sexe.
« Ça ne me dérange pas.
« Non ?
« Pas si c'est avec toi, révélé-je honnêtement.
Je me demande si ça veut dire quelque-chose.
« Alors ? M'impatienté-je.
« Eh bien, je sais que ça va faire chier Jacob et une petite part de moi est ravie de cette idée.
Ma bouche prend d'elle-même la forme d'un sourire de connivence. Je ne suis pas la seule à aimer jouer un peu.
« Mais la principale raison c'est que j'aime assez l'idée que tu ne fasses de mal à personne puis je n'ai pas spécialement envie que tu te fasses enfermée non plus, donc c'est tout dans mon intérêt de t'en empêcher, plus que dans le tiens.
« Ok, je peux comprendre. Est-ce que... si j'accepte de t'épouser, dans ton propre intérêt... tu me seras redevable ?
« Je suppose que je le serai, oui.
Il me sourit, m'embrasse et m'attire pour que je me blottisse contre lui. Je le fais et profite qu'il ne me voit pas pour sourire machiavéliquement. Je n'ai jamais pensé à pousser jusqu'à un mariage... un contrat qui le lie à moi à jamais. Il est tellement foutu.
« Tu veux que je te ramène chez toi ? Me demande-t-il au bout d'un moment.
Je me redresse pour le regarder.
« Je peux pas passer la nuit avec toi ? Mon père s'en rendra même pas compte, il s'est couché tôt. Faudra juste que je rentre tôt, demain matin.
« Bien sûr, sourit-il.
Je me penche pour l'embrasser, il plonge ses mains dans mes cheveux pour me maintenir la tête, je mords sa lèvre inférieure, souris et l'embrasse à nouveau. Quand il semble que nous soyons repus de baisers tous les deux, nous nous levons et il me guide jusque sa chambre. La déco est simple et minimaliste, la fenêtre est une vitre d'un mètre de largeur mais elle prend tout la hauteur du mur. Un lit deux places trône au milieu de la pièce, entouré par deux tables de chevet. Une commode est posée contre le mur, près de la porte.
« Les draps sont propres, Alice les a changés, tout à l'heure, m'annonce Edward.
« Pourquoi c'est Alice qui fait ton lit ? Demandé-je.
« Ce n'est pas mon lit, m'apprend-il. C'est la chambre d'amis.
« Je ne dors pas avec toi ? M'étonnai-je.
« Si, je vais dormir ici, avec toi. Mon lit n'est pas fait pour deux.
« Pourquoi Alice a fait le lit d'amis ? Elle ne savait pas que je viendrais.
« Si, tu sais ? Elle voit certaines choses qui vont peut-être se passer, je ne savais pas pourquoi elle a décidé de changer les draps ici, jusqu'à ce que tu arrives. Son don pourra d'ailleurs nous aider pour... tu sais... toi.
« Pour ne pas que je tue des gens.
« Ouais, je ne voulais pas le dire vraiment, glisse-t-il en me prenant par les hanches. Je ne veux pas te heurter.
Je l'embrasse pour lui montrer que ça va.
« La salle de bain ? Demandé-je.
« Deuxième à gauche.
Je me dirige vers la salle de bain, je prends une douche rapide sans me laver les cheveux. Enfile ma culotte et mon t-shirt sans mon soutien-gorge puis je me faufile dans le couloir jusque la chambre. Il se tourne vers moi, admire ma tenue et me sourit.
« Tu as traversé le couloir dans cette tenue ? S'amuse-t-il. Imagine, si tu avais croisé mes frères... ou mon père.
Il arque un sourcil pendant que je m'empêche de rire en mordant ma lèvre puis hausse les épaules.
« Peut-être qu'ils seraient tous tombés amoureux de moi.
Il m'attrape et me cale devant lui, lui dans mon dos, ses mains se posent sur mes hanches. Par dessus mon t-shirt mais rapidement, il le fait glisser pour les poser dessous, à moitié sur les bords de ma culotte.
« Non, il y a que moi ici qui peut tomber amoureux de toi.
Il glisse des baisers dans mon cou en remontant vers mon oreille.
« Je passe à la salle de bain et j'arrive, me prévient-il.
Il se détache et je le regarde partir. En attendant, je me glisse sous la couette. Quand il revient, il est torse nu. Pas d'abdos ni de biceps proéminents mais je vois les lignes de sa fine musculature. Il me sourit fièrement quand il remarque que je le mate. Il retire son jean et s'installe sous les draps avec moi. Il se place sur le côté et je fais de même pour lui faire face.
« C'est la première fois que je dors avec un mec.
« Je n'ai jamais dormi avec une fille non plus, sourit-il.
« Au fait, commencé-je. Quand est-ce que tu voudrais qu'on se marie ?
« Tu n'as pas encore dit oui, me fait-il remarquer.
« Oui.
Eh bien, ça ne va pas contre mes plans, au contraire, ça ne fait qu'emprisonner Edward dans ma manipulation et il me sera enfin redevable. Il me sourit, ravi et s'empresse de m'embrasser.
« Assez vite, m'annonce-t-il. Le plus tôt sera le mieux.
« Mais on n'a que 17 ans, on est encore mineurs, on ne peut pas se marier.
« On peut si on a un accord parental. Mes parents ne s'opposeront pas, il faudra juste convaincre Charlie ou ta mère.
« Charlie n'est pas mon vrai père alors je sais pas si son accord compte.
« Selon la loi, si puisqu'il t'a reconnue.
« D'accord.
« Ça te dérange pas, que ce soit précipité ? Je pense que c'est la meilleure solution que nous avons.
« Ça va, maintenant ou plus tard, c'est pareil pour moi mais pas de cérémonie trop pompeuse, je ne veux pas que ça dure des heures.
Il sourit.
« Moi qui espérais quelque-chose d'un minimum romantique.
« Ça peut être rapide et romantique, riposté-je.
« D'accord, souffle-t-il. Rapide et romantique. Il faut trouver un moyen pour que ton père l'accepte sans le faire flipper.
« Laisse-moi faire, je sais comment m'y prendre avec lui.
« Très bien, quand il aura accepté, nous fixerons une date.
« D'accord. On peut coucher ensemble, maintenant ?
« Maintenant ? Demande-t-il.
« On va se marier, il faut bien... faire les choses dans l'ordre.
« Autrefois, c'était le mariage d'abord, réplique-t-il.
« Mais c'était autrefois, lui fais-je remarquer. Maintenant, c'est s'embrasser, coucher, se marier. Pas de façon si express que nous mais tu as raison, la situation exige que je sois surveillée... et tu m'aimes et je veux encore te... garder.
« Et j'ai de l'argent, ajoute-t-il.
« C'est un petit plus.
Je lui souris. Le jour où il comprendra que "garder" veut dire "manipuler", il tombera de haut. Il ne me répond pas mais me rapproche de lui pendant qu'il se rapproche aussi et il m'embrasse. Sa main glisse rapidement sous mon t-shirt, il caresse mon ventre puis empoigne ma poitrine, d'un côté et de l'autre. Rapidement, mon t-shirt vole dans la chambre et il commence à embrasser chaque parcelle de ma peau avant de s'arrêter.
« Avant que j'oublie, si tu changes d'avis, dis-le moi. Je ne t'en voudrais pas si tu découvres que finalement, tu n'es pas prête.
« Continue de m'embrasser, lui intimé-je.
Il sourit contre mon ventre et recommence ses baisers.
