Liam ne savait pas comment il était censé se sentir. En tout cas, il n'avait pas l'impression que son monde s'écroulait, que son cœur était transpercé de peine… Tout simplement parce qu'il ne l'était pas. En fait, le louveteau considérait absurde l'information qui venait de lui être révélée. Il ne pouvait croire à une stupidité pareille. Stiles, mort ? Il était l'humain le plus solide qu'il connaissait. Celui qui se retrouvait toujours au milieu des pires situation et qui, chaque fois, s'en sortait presque indemne. Son instinct de survie laissait parfois à désirer, mais… Il trouvait toujours le moyen de se préserver, parce qu'il connaissait les limites de sa condition humaine. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, ça marchait à chaque fois.

Alors non, il ne pouvait pas être mort. A la tête que fit son père, Liam eut un doute, mais ne le laissa pas grandir suffisamment pour l'empoisonner. Peut-être parce que s'il le faisait, les conséquences seraient terribles. Il laisserait aussitôt tomber et demanderait à un autre loup de la meute d'intervenir pour chercher un corps… Pour chercher Stiles. Idem, Liam n'était pas capable de penser à lui comme à quelqu'un qui n'existait plus.

Melissa et le docteur Dunbar se regardèrent, inquiet, avant de reporter leur attention sur Liam dont la pureté était inégalable.

- Je vais le chercher, dit-il d'une voix qui se voulait assurée.

Parce que même s'il ne croyait pas vraiment à cette hypothétique mort qu'on lui présentait, il n'était pas à l'aise ici, au milieu d'une morgue. Malgré son déni évident, il voyait l'état de Melissa et les rides d'inquiétude barrant le front de son paternel.

Alors oui, il avait la boule au ventre.

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D'après les deux adultes, le corps de Stiles ne devait pas être loin. Sans doute encore à l'intérieur de l'hôpital. Melissa avait vérifié : aucun de ses collègues n'avait vu quelque individu que ce soit sortir de l'enceinte du bâtiment avec « un jeune évanoui » dans les bras. De par son statut dans l'hôpital, le père de Liam avait également pu se débrouiller pour avoir accès aux vidéos de surveillance de chaque entrée et sortie de l'endroit – le type qui gérait ça était un ami. Pour le reste des caméras, ce n'était pas possible. Alors Liam faisait avec ce qu'il avait – c'est-à-dire pas grand-chose. Déjà un quart d'heure qu'il sillonnait les couloirs de l'hôpital. Pas besoin d'aller vérifier dans chaque salle et chaque chambre, ce qui serait compliqué dans tous les cas. Disons que le louveteau pouvait gagner du temps grâce à son odorat qui, pour le moment… Ne détectait rien qui puisse l'intéresser.

Et puis plus il avançait, plus son esprit était habité par une certaine confusion. Pourquoi Stiles était-il réellement ici ? Qui l'aurait enlevé ? Et pour quelle raison ? D'autant plus que s'il était réellement mort – Liam était incapable d'y songer sérieusement –, pourquoi revenir le chercher… A la morgue ? Le louveteau laissa traîner son regard partout en se mordant la lèvre inférieure. On lui lança quelques regards étranges, mais il n'en fit pas cas. Pour lui, rien dans cette histoire n'avait de sens. Rien. Pas l'ombre d'un détail. Et même si son instinct lui soufflait qu'il y avait du vrai dans ce qu'il se refusait à croire, Liam ne voulait pas le savoir. Il allait retrouver Stiles vivant et bien portant, peut-être un peu apeuré, ou au contraire débordant de sarcasme et… Tout irait bien.

Pourquoi avait-il l'impression de demander l'impossible ? Les relents et images de la morgue le hantaient, tant et si bien qu'il avait réellement du mal à passer outre et à se concentrer uniquement sur ses recherches. Il laissait traîner son nez partout, certes, mais ne se concentrait pas assez. Alors, il se ressaisit autant que possible et mit les bouchées doubles, un sentiment d'urgence le guidant. Par chance, l'hôpital n'était pas très rempli en cette heure matinale et Liam tombait même parfois sur des couloirs complètement vides. C'était bizarre mais dans un sens, ça l'arrangeait pour ses recherches. Le déni traçait sa route, mais ce n'était pas grave. Liam en avait besoin. Sans ça, il s'effondrerait, peut-être plus vite qu'on pourrait le penser. Dans sa tête, il ne pouvait juste pas imaginer Stiles perdre la vie. Ce n'était pas possible car si tel était le cas, beaucoup de choses perdraient leur sens et la meute, son unité. Et ça, ce n'était pas envisageable. Liam se rendait-il compte qu'il tremblait à cette idée ? Non, pas vraiment. Sa tête fourmillait de questions auxquelles il cherchait désespérément à répondre, ce qui impactait la qualité de ses recherches.

Ainsi, il dut s'y reprendre à plusieurs fois pour enfin trouver un niveau de concentration minimal et son nez commença à le titiller. Pas parce qu'il sentait l'odeur de Stiles, non. C'était quelque chose qu'il ne connaissait pas et qui lui inspirait une impression… D'humidité. Liam fronça les sourcils. Ça ne sentait pas le chien mouillé, mais… Ce n'était pas loin. L'odeur s'accentua et le louveteau décida de la suivre, comme s'il s'agissait d'une piste. Lui-même ne voyait ni comment ni pourquoi c'en serait une, cependant… Il n'avait rien. Pas une information, à part celle de savoir son ami sans doute encore dans l'hôpital. Liam continua de marcher. Cette odeur humide, mouillée, elle n'était pas normale. Trop insistante. Trop présente. Elle titillait ses sens et le perturbait énormément. Néanmoins, il se recentra… Un peu tard, sans doute, puisqu'il arriva à un point où elle était vraiment forte. Et même s'il était troublé, Liam se promit de continuer de chercher son ami tout de suite après. Puis peut-être qu'il trouverait là un indice le concernant car s'il y avait bien une chose que le blond avait appris au contact de la meute, c'est que des éléments incongrus n'ayant a priori aucun rapport pouvaient être liés. La situation et la disparition de Stiles étaient étranges, tout autant que la présence de cette odeur humide trop entêtante pour n'être rien.

Ainsi, Liam suivit la piste de cette fichue odeur jusqu'à arriver devant un sas menant à une cage d'escalier. Sans hésiter, il pénétra à l'intérieur.

L'odeur se fit à ce moment-là bien plus forte encore et Liam sut qu'il était au bon endroit. De toute façon, une fragrance de ce type – et aussi entêtante – n'était pas normale dans un hôpital et cela signifiait qu'il y avait un problème. Un problème peut-être lié à cette histoire de kidnapping. Alors, il descendit les escaliers en essayant de faire le moins de bruit possible, ce qui fonctionna. Pour cela, il avait eu le meilleur des mentors : Derek Hale, connu dans la meute pour se déplacer avec une discrétion inégalable. Liam se souvint brièvement de quelque chose à ce sujet. Fut un jour où Stiles avait demandé à Derek, devant tout le monde et sérieux comme jamais, si celui-ci avait été élevé par des ninjas. La réponse de l'ancien alpha ? Un haussement de sourcils et un silence absolu. Aucun démenti, aucune confirmation non plus, tout simplement parce que Derek détestait répondre aux questions qu'il jugeait idiotes. Et les questions de Stiles l'étaient souvent.

En bas des escaliers, une double porte, permettant de rejoindre un des nombreux couloirs de l'hôpital. Non, se dit le jeune homme. Il tourna la tête vers une autre porte, un peu plus petite et proche des escaliers avec un panneau aux écritures à moitié effacées – peut-être une sorte de local, un endroit où devait être entreposé du matériel de ménage. Jusque-là, rien d'anormal, si ce n'est le fait… Que Liam percevait les battements irréguliers et effrénés d'un cœur battant à tout rompre. Et l'odeur ? Elle lui piquait carrément le nez, cette fois. Mais Liam fronça les sourcils. Qu'est-ce que foutrait une personne là-dedans ? Surtout qu'elle transpirait la peur. Le blond n'était pas encore un expert pour décoder les émotions, mais… Celle-ci était facile à voir.

Le geste était peut-être un peu idiot mais, n'y tenant plus, Liam ouvrit la porte sans avoir à l'arracher de ses gonds puisqu'elle n'était pas fermée à clé.

Fut-il surpris ? Non, choqué conviendrait mieux. Parce que s'il avait pensé que la disparition de Stiles et l'odeur mouillée auraient peut-être une espèce de lien, il ne pensait pas que celui-ci serait aussi direct. Et en fait, il ne voyait même pas pourquoi il l'était. Le fait était qu'il resta immobile, tétanisé face à un hyperactif recroquevillé sur lui-même dans un coin du local et tremblant de tous ses membres. Avait-on besoin de préciser qu'il était nu, à moitié enroulé dans une espèce de drap mouillé ?

Mais surtout… Était-il normal que Stiles ne sente absolument pas Stiles ?