Feels so good being bad (oh, oh, oh, oh, oh)
There's no way I'm turning back (oh, oh, oh, oh, oh)
Now the pain is for pleasure
'Cause nothing can measure (oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh)

Bruce ne sait pas contre qui il se sent le plus furieux : Ra's al Ghul pour avoir fait irruption sous son propre toit et se permettre de formuler des exigences, lui-même pour ne pas avoir amélioré les défenses du Manoir depuis le départ de Dick, ou Anastasia pour lui avoir fait croire qu'elle allait succomber à une crise d'épilepsie sur son tapis Art Nouveau.

Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'une crise d'épilepsie, seulement de sa fille décidant que la meilleure manière d'évacuer le stress causé par la confrontation avec la Tête du Démon consistait à se rouler par terre en se débattant. Oh, et apparemment, elle aurait crié aussi, mais il ne s'agirait pas de réveiller Damian – qui n'a pas ouvert un œil pendant l'altercation, Dieu merci.

« J'ai eu si peur ! » pleurniche-t-elle, la morve au nez, et Bruce essaie désespérément de se remémorer qu'il est en colère contre elle. « J'avais tellement peur que j'y voyais plus rien ! »

« Tu te foutrais pas de ma gueule ? » s'écrie Jason, et il faudra travailler sur son vocabulaire ou Alfred n'en finira jamais de faire les gros yeux à son employeur. « T'as menacé de zigouiller ton grand-père ! »

« Ben oui » renifle Anastasia, dédaignant la boîte de mouchoirs qui lui est tendue, « je n'allais tout de même pas lui permettre de voler Damian, non ? »

« Et la réponse appropriée à cela » parvient à articuler Bruce qui sent la migraine pulser entre ses sourcils, menaçant de lui ouvrir un troisième œil, « consiste à déclarer à l'un des terroristes les plus dangereux du globe ton intention de le tuer ? »

Jusqu'à aujourd'hui, le Chevalier Noir ignorait la sensation procurée par un arrêt cardiaque, et c'était un trou dans son éducation qu'il aurait été parfaitement heureux de ne jamais combler.

Sa fille cligne des yeux mouillés, larges et stupides comme ceux d'une vache dans son pré qui trébuche sur une cravate et se demande à quoi ça peut bien servir.

« Je suis la grande sœur de Damian » énonce-t-elle lentement, « et je dois veiller sur lui. Te-Tessa me l'a dit, les grandes sœurs s'occupent des plus petits. »

Le pire, c'est que c'est vrai, que ça part d'un bon sentiment que Bruce serait heureux d'encourager si ça n'incluait pas sa fille proférant des menaces de mort, et cela sans aucune hésitation à passer à l'acte.

Il sait quel est le principal gagne-pain de la Ligue des Ombres, il sait que l'entraînement démarre jeune, et néanmoins il espérait bêtement que ses enfants étaient restés à l'écart de ça. Étaient demeurés intouchés. Avaient été épargnés.

(il espérait naïvement que Talia chérirait assez leurs enfants pour ne pas les détruire de la sorte)

C'est toujours plus difficile quand l'affaire en cours n'est pas que pure méchanceté, mais intentions pures qui ont été perverties. Tactiques nécessaires pour survivre dans un environnement hostile, et qu'il faut abandonner pour s'épanouir en milieu paisible.

Bruce expire par la bouche.

« Tu veilles sur ton petit frère » confirme-t-il, « et ma tâche à moi, c'est de vous protéger tous les deux. De protéger Jason, aussi. Alors si l'un de vous trois est en danger, c'est à moi d'intervenir, d'accord ? »

Deux paires d'yeux le scrutent, une bleu givré et une vert doré, mais aussi méfiantes et dubitatives l'une que l'autre. Et comment pourrait-il en aller autrement ?

Jason est un gamin des rues, obligé de s'occuper de lui-même en l'absence de son père coincé en prison et de sa mère morte d'overdose et de maladie. Anastasia est une enfant élevée dans une secte de meurtriers, dont la mère ne s'est pas souciée de sauver. Aucun des deux n'a pu se raccrocher à une figure d'autorité stable, alors que leurs vies leur ont prouvé encore et encore que les adultes n'étaient pas dignes de leur confiance.

Bruce est une grande personne capable de fournir un toit à ces trois enfants, de les empêcher de mourir de faim et de froid, mais ils ne le pensent pas en mesure de les arracher à la violence qui a imprégné si longtemps leur quotidien. Ça fait mal et c'est justifié – il n'a pas encore fait ses preuves.

Il n'a pas encore démontré qu'il pouvait les garder en sécurité.

(et il ne veut pas penser à Dick, le jeune homme, le petit garçon qu'il n'a pas réussi à éloigner des rues de Gotham et leur brutalité, qu'il n'a pas réussi à convaincre de mener une vie normale, qu'il n'a pas réussi à retenir sous l'ombre de sa protection)

(il ne veut pas y penser mais le souvenir s'agite au fond de ses pensées et menace de se transformer en prophétie)

« Et si c'est à toi qu'il arrive un problème ? »

Anastasia le détaille, attendant de voir comment il réagira au piège qu'elle vient de refermer sur lui.

« Alors, je me débrouillerais. »

Il a conscience d'être un exemple épouvantable, lui qui prêche que ses enfants devraient demander de l'aide en cas de difficultés mais refuse lui-même de s'appuyer sur autrui lorsque la nécessité surgit. Mais son cas est différent : il est un adulte, il a plus de ressources à son actif, il est supposé se montrer autonome.

Les enfants devraient profiter du peu de temps qu'ils ont avant d'être forcés à l'indépendance.

« Et si tu peux pas ? » insiste Jason, le regard fuyant. « Genre… si tu tombes malade. »

Inutile de chercher très loin pour deviner d'où vient cette inquiétude particulière.

« En général, j'évite d'attraper du mal » essaie-t-il de détourner, mais le garçon ne se laisse pas duper.

« Tu peux pas contrôler ce genre de choses. »

« ...Non. Je ne peux pas. »

Bruce veut tellement leur promettre qu'il ne mourra jamais, les rassurer qu'il est indestructible. Mais c'est tellement loin de la vérité, de sa réalité d'être humain. Il n'est pas un alien surpuissant comme Clark et J'onn, il n'est pas un demi-dieu éternellement jeune comme Diana.

Il n'est que Bruce, avec toutes les fragilités et défaillances d'un être humain. Il ne peut garantir que la fatalité de l'échec.

Anastasia a le nez froncé, indiquant qu'elle réfléchit. C'est étrange le nombre de tics qu'elle a hérité de son père, de ses grand-parents paternels, en dépit de ne pas les avoir rencontrés pendant pratiquement sa vie entière.

« La Tête du Démon » articule-t-elle lentement, « connaît les secrets de la longévité. Peut-être même de la résurrection. »

« Ben voyons » ricane Jason, « et je suis Superman. Regarde ma cape rouge ! »

Elle ne réagit pas à la moquerie, trop concentrée sur son père qui ne peut retenir la grimace lui déformant la bouche.

« Les effets secondaires ne me tentent pas » assène-t-il, brutalement peut-être, mais son dégoût de l'idée ne lui laisse pas d'autre choix – comment ne pas éprouver de révulsion devant un traitement qui vous guérit physiquement à condition de pourrir votre moralité et votre psyché.

« Même si ça te permettait de rester avec nous ? » interroge Anastasia, sa voix à peine audible.

A cette question, il n'y a qu'une réponse et elle ne veut probablement pas l'entendre, mais c'est tout ce qu'il a à lui donner. Juste la vérité. Juste les faits.

« Est-ce que je serais encore capable de t'aimer si je le faisais ? Parce que je ne crois pas. »

Le Puits de Lazare vous pourrit la moralité, et il assèche le cœur. Peut-être que Ra's al Ghul a sincèrement chéri Talia il fut un temps, peut-être qu'il se rappelle encore comment traiter sa fille avec affection, mais Bruce ne pense pas qu'il l'aime davantage qu'un outil particulièrement efficace et fiable, maintenant. Il a de bonnes raisons pour ça.

Il ne veut pas mourir, pas alors que Gotham a encore besoin de Batman, que sa famille a besoin d'un patriarche, mais si pour survivre il doit sacrifier ses enfants, alors ce n'est pas un choix du tout.

Anastasia ne dit plus rien alors qu'elle se cache la figure dans la chemise de son père, ses doigts bruns agrippant le tissu crème, et Bruce ne dit rien non plus alors qu'il lui caresse les cheveux.

Jason ne les rejoint pas, se contentant d'observer avec des épaules tendues, et quelque chose ressemblant à de l'envie dans sa posture. C'est permis d'hésiter : s'il décide de les rejoindre plus tard, il peut.

Il a juste besoin d'un peu de temps pour se faire à l'idée.

'Cause I may be bad, but I'm perfectly good at it
Sex in the air, I don't care, I love the smell of it
Sticks and stones may break my bones
But chains and whips excite me

Pour ce chapitre, vous avez droit à S & M par Rihanna.