Thank you for being a friend
Traveled down a road and back again
Your heart is true, you're a pal and a confidant
I'm not ashamed to say
I hope it always will stay this way
Quand Bruce a annoncé qu'il emmenait tout le monde chez un de ses copains pour Thanksgiving, Jason s'attendait à visiter un autre manoir – parce que les gens tendent à rester entre eux, alors bien sûr qu'un millionnaire sera copain avec d'autres millionnaires. Et puis, il y a des rumeurs qui courent sur sa relation avec Oliver Queen de chez Starling, ils ont l'air de se détester mais les tabloïds prétendent que c'est juste un gros mensonge pour qu'on leur foute la paix pendant qu'ils se prélassent ensemble sur une plage privée.
Du coup, Jason est drôlement surpris quand lui, Nana et Damian doivent embarquer dans une caisse pas mal du tout en route pour le Texas, dans une ville qui est tellement paumée et riquiqui que ça s'appelle carrément Smallville, chez un type qui doit être un fermier vu qu'il habite dans une ferme et qu'il porte une salopette en jean sur une chemise à carreaux bleu et rouge.
Il a vraiment la gueule d'un type capable de soulever une vache sous chaque bras, Jason est prêt à jurer que les biceps de Clark Kent sont aussi épais que son corps à lui, et il aime pas du tout se sentir aussi petit et maigrichon à côté d'un colosse pareil, et celui-ci a beau sourire avec un air inoffensif, comme si c'était possible pour une armoire à glace de réussir un tour dans ce goût-là, le garçon continue à se méfier. Surtout parce que c'est toujours les gars qui se donnent l'air gentil qui finissent par prouver qu'ils sont les plus vicieux.
Et puis Clark Kent se présente comme Superman, et la tête de Jason manque exploser. Juste, il est à même pas trois mètre de Superman, le gars capable de plier un vaisseau alien en accordéon et traite régulièrement Lex Luthor de connard – bon, il est trop poli pour le dire à voix haute, mais quand vous le regardez bien à la télé, ça crève les yeux qu'il le pense très, très fort, et un mec aussi puissant et riche que Luthor, faut avoir des couilles bien accrochées qui prennent de la place dans le pantalon pour le détester ouvertement.
Superman n'est pas Wonder Woman, aucun homme ne peut être Wonder Woman et il dit ça dans le sens du genre et de l'espèce, mais il se défend rudement bien. Le Dernier Fils de Krypton, Santa Maria la nuestra Señora de la Asuncion, quand même.
De l'autre côté, Jason est à deux doigts de péter les plombs parce que Superman habite dans une ferme paumée du Texas, et il a même pas l'air de jouer la comédie façon agent secret sous protection du gouvernement, vu la façon dont il s'adresse à la dame aux yeux violets – il pense que c'est Lois Lane, elle est tellement fouille-merde et décidée à enquiquiner le monde en racontant précisément ce que les grosses entreprises et les terroristes essaient de garder planqué que même à Gotham on la respecte en dépit de parier sur la date où elle se fera enfin couper le kiki – laquelle porte un chiard de moins d'un an qui ressemble beaucoup trop à Superman et à elle pour ne pas être leur gamin.
Alors, Superman a une famille secrète et son rêve est apparemment d'élever des poules et de faire pousser du maïs. Jason se demande si c'est mieux ou pire que le plus grand nigaud de Gotham terrorisant les rues après avoir enfilé une cape et un masque.
Bon, au moins il avait raison de penser que Bruce les amenait chez quelqu'un qui partage sa façon de vivre, Superman n'est peut-être pas un millionnaire mais personne ne va l'accuser de ne pas être un super-héros avec les invasions aliens qu'il repousse chaque semaine (bon, c'est pas si fréquent que ça, mais ça reste souvent que les extra-terrestres viennent casser les pieds aux habitants de Métropolis, à force ils ont dû commencer à faire des exercices de sécurité sauf qu'au lieu d'un incendie ou d'une attaque à la bombe comme à Gotham, ils répètent comment éviter de se prendre une soucoupe volante en pleine poire).
Et puis, les parents de Superman sont sympas. Ils ont l'air aussi stéréotypés qu'Alfred, mais là où Alfred est un majordome anglais dans toute sa splendeur, les Kent sont les grand-parents typiques, le genre qui apparaît dans les films où le héros se pose des questions sur son passé et son identité et a besoin d'une perle de sagesse provenant de ses racines. M. Kent a même des lunettes à monture de corne, tandis que Mme Kent a des cheveux coupés courts un peu ondulés avec la teinte un peu jaunâtre du vieux linge oublié au fond de l'armoire après avoir servi et servi pendant une vie entière.
Ils sont autant inexplicables qu'Alfred, parce que juste après avoir vu une fusée atterrir dans leur champ de maïs, ils ont décidé que ce serait une idée fantastique d'adopter le bébé à l'intérieur. Sérieusement, qui va penser ça ? D'accord, c'est Superman que le bébé est devenu donc c'était bien une idée fantastique en y repensant, mais sur le coup, ils ne savaient pas ça.
Mme Kent – appelez-moi donc Martha, c'est une petite ville ici alors on n'a pas l'habitude de se donner du Monsieur Madame – sourit quand Jason remarque sur ça.
« Parfois, tu dois juste écouter ton cœur. Ce qu'il dit, ça peut sembler idiot ou même dangereux, mais ça peut te guider sur un chemin que tu ne regretteras jamais d'avoir suivi » elle déclare, alors qu'elle ouvre le four pour vérifier que la tarte à l'intérieur n'est pas en train de brûler, et une bouffée d'air parfumé à la pomme et au potiron cuits s'échappe dans la cuisine douillette.
« Vous avez lu L'Alchimiste de Paulo Coelho ou quoi ? » demande Jason, qui se rappelle vaguement du livre, et les yeux de la vieille dame se mettent à briller.
Oui, elle l'a lu, mais elle préfère nettement le Manuel du Guerrier de la Lumière, qui lui rappelle que la vie est un travail constant pour tracer son chemin à la façon d'une rivière, s'adaptant toujours au terrain mais ne laissant aucun obstacle l'empêcher de rejoindre la mer. Oui, elle est consciente que comparé à L'Alchimiste, le Manuel est nettement plus lourd et prêchi-prêcha, mais parfois rien n'entre dans le crâne à moins d'y aller à coups de marteau. Et l'auteur n'a pas perdu son style imagé et saisissant.
Elle est plus que sympa, Martha, elle est chouette, et Jason comprend un peu comment son fils a fini par devenir Superman. Avec une mère pareille, il pouvait pas vraiment devenir autre chose.
Elle lui rappelle un peu sa propre mère, avant… avant que tout parte en dégringolade. Les heures de plus en plus rares où ils discutaient de livres empruntés à la bibliothèque parce qu'ils n'avaient pas les sous pour acheter les leurs, la façon dont elle le laissait parler jusqu'au bout même s'il s'embrouillait dans les mots.
C'est stupide de penser à Catherine Todd maintenant, des années après sa mort, Jason croyait qu'il avait mis ça derrière lui, et pourtant elle lui manque sans prévenir dans cette cuisine chaude et odorante, elle lui manque si fort que tout d'un coup Jason n'y voit plus rien, ne peut plus respirer.
Ça dure à peine quelques secondes, mais Martha le regarde d'un air soucieux, fronçant les sourcils tandis qu'il bat des paupières pour chasser les dernières paillettes de noirceur recouvrant ses globes oculaires.
« Jason ? »
« Dites pas à Bruce que j'ai encore un peu le rhume » il s'empresse de mentir, « sinon, il va me lancer Alfred aux trousses et je pourrais plus bouger de mon lit jusqu'à Pâques, tellement il va m'enterrer sous les couettes. »
Elle sourit, mais ses sourcils restent froncés, elle ressemble à Leslie quand un patient lui raconte des craques si grosses qu'elle comprend illico que c'est une tentative de la mener en bateau. Ça doit être une technique cachée que les femmes apprennent au-dessus d'un certain âge.
Du moment qu'elle ne dit rien, Jason peut vivre avec.
And when we both get older
With walking canes and hair of gray
Have no fear, even though it's hard to hear
I will stand real close and say
Thank you for being a friend (I wanna thank you)
Thank you for being a friend (I wanna thank you)
Thank you for being a friend (I wanna thank you)
Thank you for being a friend (I wanna thank you)
Pour ce chapitre, vous avez droit à Thank you for Being a Friend par Andrew Gold.
