Écrit par HateWeasel

369. Une lettre et une excuse.

"Très cher Ciel,

J'ai essayé d'écrire cette lettre tant de fois, et ce ne sera sans doute pas la dernière. Mon cœur ne sera jamais apaisé, cependant, si tu restes dans l'ignorance du message que je vais tenter de te faire parvenir. Je suis une vieille femme maintenant, alors mes chances ont déjà commencé à me quitter.

J'ai vécu une longue et heureuse vie, même en ton absence. J'ai rencontré un homme merveilleux et je m'en suis éprise. Ensemble nous avons eu deux enfants dont tu as fait, l'un comme l'autre, la rencontre, j'en suis sûre. Je suis embarrassée de dire, toutefois, que j'ai peur de te revoir, je crains que mon cœur ne le supporte pas. Les photographies qu'Arthur m'a montrées de toi ont fait monter des larmes de joie en te voyant en vie et bien portant.

J'ai cru pendant si longtemps que tu étais mort, ton âme volée par ton majordome. Oui, je sais pour Sebastian, et cette vilaine vieille femme trouve cela amusant qu'au lieu de tomber dans ses ruses, tu l'as dompté. Toutefois, je suis chagrinée de ne pas te voir comme le gentil garçon que j'ai autrefois connu, mais comme l'une de ces créatures que j'ai cherché tout le reste de ma frêle existence humaine à éliminer. Mon cœur n'a cessé de souffrir lorsque Arthur m'a finalement fait découvrir la vérité sur ce qui t'étais arrivé durant ces deux longs mois, et pourquoi tu étais devenu ce que tu es. Je ne te blâme pas pour avoir choisi cette voie, mais je regrette de ne pas avoir pu te soutenir alors que tu t'y aventurais. J'ai l'impression que j'aurai pu faire quelque chose, mais en repensant à la faible fille que j'étais à l'époque, je doute que ce fusse vraiment le cas.

Dieu sait ce que tu as bien pu ressentir, et ce que tu ressens maintenant. C'est tout à fait compréhensible. Tout l'est. Je comprends maintenant pourquoi tu es devenu ainsi, et de ce qu'Arthur m'a dit de toi, pourquoi tu es comme tu es aujourd'hui. Ton secret est justifié, mais Dieu sait s'il aurait tenu si je t'avais épousé !

J'essaye de te dire que je te pardonne, Ciel. Je te pardonne pour les secrets. Je te pardonne pour les mensonges. Je te pardonne de m'avoir abandonné, moi et tes domestiques. Je te pardonne. Cela m'a pris du temps, mais je le fais véritablement et avec sincérité. Tu as toujours été bon, même lorsque tu étais froid avec nous, mais aucun d'entre nous ne voulait te faire te sentir coupable. Au vue des circonstances, qu'aurions-nous pu faire de plus ? Tu étais blessé et meurtri, la menace d'un démon planant au-dessus du toi, puis tu en es toi-même devenu un. Y avait-il d'autres alternatives ? C'est pour cette raison qu'il est, je suppose, quelque peu égoïste de me sentir ne serait-ce qu'un peu mécontente de ne pas avoir su.

Tu as une longue vie devant toi ; beaucoup plus longue que la mienne. Je désire sincèrement que tu ne la passe pas dans l'agonie. Tu n'as jamais été seul, alors je ne veux pas que cela arrive. Ta vengeance a été accomplie, alors je t'en prie ne t'enferme pas sur la haine, s'il te plaît. Même si tu es un démon, tu travailles avec les humains. De ce que j'ai entendu dire, tu n'es pas un monstre, alors reste ainsi, je t'en supplie.

Bien que cela puisse te paraître idiot, tu mérites d'être heureux, et j'espère de tout mon cœur que tu y parviennes. Ta vie est longue, et ton pouvoir est grand, alors ne t'en sers pas pour créer davantage de souffrance. Le monde en a déjà assez. Tu l'as vu de tes propres yeux. Utilise ta force pour trouver le bonheur ! C'est un droit fondamental pour tout être vivant.

Je ne suis pas celle que tu as aimé au bout du compte, mais puisses-tu trouver cette personne un jour. Lorsque cela arrivera, protège-la avec tout ce que tu as, et ne la laisse jamais partir. Sois heureux avec elle, et fait un pas hors de l'ombre pour une fois. A présent, tu dois déjà presque avoir tout vu là-bas, tandis que la lumière reste vierge ! Il se peut que tu te moques des radotages d'une vieille femme, mais c'est mon vœux le plus sincère.

J'ai demandé à Arthur de ne jamais te parler de notre lien. Je ne voulais surtout pas que tu essayes de me contacter, car j'en avais peur. J'avais peur d'éclater en sanglots en te voyant, et de me cacher en ayant honte de mon apparence. Pardonne-moi s'il te plaît.

Je t'embrasse, Lizzie."

La pénombre s'empara du ciel alors que le Phantomhive arriva à sa destination, l'air frais d'automne caressant ses joues tout en filant entre les ouvertures du portail en fer. Poussant un grand cri, il s'ouvrit, permettant au bleuté de pénétrer à l'intérieur. Une fois entré, il se précipita, essayant de trouver frénétiquement ce qu'il recherchait.

Pierres après pierres n'affichaient pas la bonne inscription, et les chemins ne semblaient le mener nulle part. Il n'y avait personne à appeler à l'aide puisqu'il était le seul ici. Il était le seul à bouger.

Le Cimetière Privée de Hellsing. Il avait été facile pour le bleuté d'y avoir accès, étant donné que son statut au sein de la base était celui d'une légende. Son rôle auprès de la Table Ronde lui permettait de faire ce que la plupart ne pouvait pas. Même ainsi, il avait tout de même du mal à trouver la tombe qu'il cherchait ! Ses sens ne servaient à rien dans cette situation, encore trop affaiblis par le romarin pour être utile. La seule chose sur laquelle il pouvait compter était sa capacité à voir dans le noir.

Cela lui parût comme une éternité, mais finalement, il la trouva. La pierre tombale était beaucoup mieux entretenue que celle de l'autre cimetière, sans doute cela était-il dû à l'emplacement, et à sa propriétaire. Ciel eut la gorge sèche, et son estomac se noua alors qu'il lut l'inscription sur le devant.

"Elizabeth Ethel-Cordelina Hellsing

1874-1952"

Un souffle frêle sortit des poumons du bleuté alors qu'il serra la lettre d'une main, et l'épée de la femme enterrée à ses pieds dans l'autre. Ciel déglutit en tentant de garder la face, mais son masque était en train de se briser. Il se sentait faible, mais il ne le voyait pas. Finalement, ses jambes le lâchèrent et il tomba à genoux, lisant les mots sur la tombe encore et encore en se rappelant du message d'Elizabeth.

Voilà ce que voulait dire vivre pour l'éternité. Ceux qui vous aiment sont voués à mourir. C'est un fait indéniable. Aussi vrai que cela soit, cependant, pourquoi était-ce donc aussi douloureux ? Il avait enfin été réuni avec son ancienne fiancée, mais il était bien plus que "trop tard".

Ce n'était pas réjouissant. Ce n'était pas joyeux. C'était douloureux, la poitrine du bleuté l'étouffait et sa gorge se serrait. Il y avait tant de choses qu'il aurait pu dire à Elizabeth, et tant de choses qu'il aurait du lui dire. Cette fille n'avait été que gentillesse avec lui depuis toujours, et même dans l'outre-tombe, sa gentillesse perçait son cœur.

Ciel déposa l'épée devant lui, remettant la lettre dans son champ de vision. Il resta assis là et la lut presque dix fois avant de la poser avec l'arme, son esprit entrant dans une profonde réflexion. Cette lettre était l'un des objets les plus importants qu'il ait pu posséder, mais il ne pourrait jamais y répondre. Elizabeth n'entendrait ni ne verrait jamais à quel point il était reconnaissant, à quel point il était heureux d'apprendre qu'elle s'en était bien sorti. Elle ne saurait jamais combien son pardon apaisait son esprit. Finalement, il prit une grande inspiration, et déglutit difficilement une nouvelle fois, se préparant à ce qu'il allait faire.

- Chère Lizzie... dit-il, ses mots doux et sa voix fatiguée. Tu ne sauras jamais combien j'avais besoin de ces paroles. J'ai vécu plus de cent ans avec un poids sur la conscience...

Ciel marqua une pause, essayant de trouver quoi dire d'autre. Il n'était vraiment pas doué pour ce genre de choses, et il se sentait quelque peu ridicule de le faire. Mais, il avait comme le besoin de s'exprimer, d'une certaine manière, même si personne n'était là pour entendre.

- Je suis si heureux que tu ais eu une vie remplie, et triste de ne pas y avoir assisté, reprit-il.

Il baissa le regard, serrant les poings.

- Et je suis désolé... ajouta Ciel.

Du sang commençait à couler depuis sa paume alors que ses ongles s'enfonçaient dans sa chair.

- Je suis vraiment, vraiment, désolée... Je regrette ce que j'ai fais. Je l'ai regretté chaque jour. Je suis désolé d'être mort, et de t'avoir abandonné et laisser découvrir la vérité toute seule ! Le chagrin que je t'ai causé est impardonnable, et j'ignore comment tu as pu ne serait-ce qu'y songer ! Tu es trop bonne. Je ne le mérite pas. Si tu avais honte de ton apparence dans l'éventualité où nous nous serions revus, alors laisse-moi te dire que je préférai de loin ramper à tes pieds plutôt que de te voir ici !

Sa voix craqua sur le dernier mot. Des gouttelettes rouges décoraient la terre alors que le bleuté sentit des picotements dans ses yeux. Ce n'était pas la douleur de ses mains, mais plutôt, celle de son cœur. Enfin, il avait retrouvé Elizabeth, mais c'était dans un cimetière. Le vieux démon pouvait à peine le supporter.

- Je ne mérite pas ton pardon, mais cela apaise mon esprit, savoir que tu l'aurais dit, dit-il, prenant une profonde inspiration afin de se calmer. Je ne mérite pas le bonheur, non plus, et pourtant je le poursuivrai jusqu'à la fin ; pas seulement pour toi, et certainement pas pour moi, mais pour la personne que j'aime. C'est risible, non ? Un démon amoureux ? ricana faiblement Ciel. Ce qui est d'autant plus risible est que ce vieux chien de garde autrefois noble est amoureux d'un autre homme, celui que j'ai juré de tuer par le passé. Tu l'as rencontré une fois, mais je doute fortement que tu t'en souviennes. Il est lui aussi un démon, et la personne qui en a fait un de moi. C'est scandaleux, mais quoi qu'il en soit, je suis le plus heureux des hommes lorsqu'il est à mes côtés. Tu n'as pas à t'inquiéter. Si mon cœur noirci peut se rendre compte de cela, alors peut-être qu'il a encore de l'espoir pour moi. Le passé ne changera jamais, mais peut-être... s'estompa-t-il, s'arrêtant, avant de reprendre :

- Peut-être que tu avais raison depuis le début, et qu'il y a toujours une chance d'avoir une fin heureuse pour cette vieille histoire.

Ciel se releva, prenant la lettre et l'épée. Il mit sa main libre derrière sa tête, défaisant le nœud qui retenait son cache-œil contre sa tête. Mollement, son bras retomba le long de son corps, révélant l'œil qu'Elizabeth n'avait jamais eu l'occasion de voir. Ciel venait de dévoiler son véritable visage, mais il était bien trop tard.

- J'ai agis comme un lâche, mais c'en est fini. Merci, Lizzie, d'avoir eu la force que je n'ai pas eu, et un cœur bon prêt à me donner pardon pour ma peur. J'espérais que tu serais prête à me pardonner mon ignorance absurde toutes ces années. Mon arrogance et mon orgueil auront eu raison de moi.

Le Phantomhive tendit le bras afin qu'il soit juste au-dessus de la tombe, avant de rouvrir les doigts et de relâcher sa prise sur le cache-œil.

- Je t'embrasse, Ciel.

Le garçon se retourna pour parcourir à nouveau le chemin en pierre, mais cette fois, la tête haute. Un poids énorme qu'il avait porté depuis plus de cent ans venait d'être retiré de ses épaules. Ce n'était pas un "adieu" parfait, mais cela devrait suffire. Elizabeth ne s'en serait pas importuné, et c'était tout ce qui comptait réellement. Enfin, Ciel sentait une forme de conclusion. Autrefois, il avait dit :

"La douleur a tendance à guérir avec le temps, mais personnellement, je ne veux pas que le temps guérisse mes plaies. On pourrait croire pouvoir échapper à la souffrance et l'oublier, mais ce n'est rien de plus que stagner. On ne peut pas aller de l'avant sans la douleur."

C'était en partie vrai, mais également de la simple ignorance. Ciel ne se remettrait jamais entièrement de blessures passées. Une profonde cicatrice resterait toujours. Il "n'oublierait" jamais la douleur et la souffrance qu'il avait connu, mais il ne s'y accrocherait pas tout en se plaignant. Le passé ne changerait jamais, et c'est précisément ainsi que le bleuté voulait garder les choses. Les épreuves qu'il avait surmontées l'avaient rendues plus fort, étant donné qu'il avait refusé d'être écrasé sous leur poids.

Par le passé, Ciel avait sincèrement pensé ne jamais passer à autre chose. Il s'obstinait à garder sa haine et à se servir de sa colère pour détruire. Il se complaisait dans sa souffrance comme un cochon dans sa propre crasse, mais ce n'était pas ainsi qu'il voyait la chose. A l'époque, c'était "noble". C'était "puissant". C'était la manière "correcte" de gagner du pouvoir et de prendre l'avantage sur une situation, de mener à leur perte tous ses opposants en faisant preuve de tromperies, tout en se servant des autres comme de simples pions.

Mais ce n'était plus sa façon de fonctionner aujourd'hui. Maintenant, précisément cent vingt-trois ans plus tard, il portait un nouveau message. Les blessures de guerres marqueraient la peau et l'esprit du Phantomhive pour toute l'éternité, façonnant la version de lui-même qui périrait. Il ne succomberait jamais au chagrin, et à la place, le piétinerait sous ses pieds en affrontant avec dignité conflit sur conflit, gagnant plus d'expérience, et peut-être plus de cicatrices, mais il ne tomberait jamais à cause d'elles.

Sa colère s'était consumée toute seule le jour de sa supposée "mort", ne lui laissant plus rien. Alors il devait prendre sur lui pour créer quelque chose de ses propres mains. Il ne souhaitait plus connaître la douleur, l'agonie, et l'humiliation de son passé, une haine pour un ennemi inconnu qui le rongeait jusqu'à l'os. Non, il désirait que son futur soit quelque chose auquel il n'avait jamais osé rêver en tant qu'humain. Ceux qui l'avaient aimé et qui n'étaient plus le lui souhaitaient également, tout autant que ceux qui étaient en vie aujourd'hui.

Oserait-il chercher le bonheur, le fruit qu'il s'interdisait au risque de briser en mille morceaux son fragile petit orgueil ? Si ce n'était pas pour lui, il oserait chercher le bonheur pour ceux dont il avait la responsabilité. Il aimait souvent se voir comme un roi, même dans sa jeunesse, mais maintenant, il voulait que son royaume prospère, plutôt qu'il périsse. Toutes les forces opposées qui osaient l'attaquer lui ou son peuple auraient affaire à une annihilation complète.

Enhardi par un sentiment d'appartenance, animé par le loyauté, et entouré d'amour, Ciel Phantomhive n'abandonnerait jamais sa douleur. Ses cicatrices ne disparaîtraient jamais, mais il ne rougirait jamais à cause d'elles. C'était ce qui avait fait de lui qui il était aujourd'hui. C'était le début de son héritage, et ce ne serait certainement pas la fin.

Le garçon s'éloigna de la tombe, se sentant plus hardi que jamais. Même alors qu'il approcha une silhouette familière sur le chemin en pierre, il ne détourna pas le regard une seule fois. Il ne fusilla pas non plus la femme du regard, pour une fois.

Sir Integra ne sembla absolument pas surprise de le voir, mais elle n'avait pas non plus l'air d'avoir très envie de parler. Elle fit un pas sur le côté afin de laisser l'autre garçon passer, gardant ses mains dans les poches de son manteau plus large que les épaules sur lesquelles il tenait. La Hellsing ressemblait beaucoup aux photographies de sa grand-mère, quand elle était une jeune femme, mais ce fut pas la raison pour laquelle Ciel ralentit. Non, il ralentit avec l'intention de régler quelque chose qui l'embêtait, même après sa visite.

Ils s'arrêtèrent tous les deux, se tenant exactement à côté l'un de l'autre. Ils se seraient tenus épaule contre épaule, s'il n'y avait pas eu une différence de taille. Le Phantomhive et la Hellsing faisait face à des directions opposées, ne jetant pas un seul regard à l'autre. Integra attendait patiemment tandis que le bleuté réfléchissait, cherchant ce qu'il comptait dire en regardant le sol. Le silence était assourdissant, mais l'anticipation était encore pire. Finalement, après un long moment, il se mit droit comme un I, ajusta sa posture et regarda droit devant lui avant de prendre la parole.

- Laissez-moi mettre une chose au clair une bonne fois pour toutes... commença-t-il, trouvant ses mots. Notre relation ne change absolument rien.

Integra acquiesça, faisant un pas en avant.

- Ceci dit, reprit Ciel, empêchant la femme de partir.

Elle se raidit, se retournant légèrement pour voir l'autre chef de maison.

- Nos missions sont identiques. Il est grand temps que nous mettions un terme à cette pathétique querelle. Je ne souhaite plus travailler avec vous en tant que rival, ou quelqu'un qui doit être surpassé...

Elle le vit se retourner pour également lui faire face.

- ... Mais plutôt, comme un allié, finit-il.

Il y avait de l'hésitation dans son mouvement, alors qu'il était à la fois quelque peu vexé de devoir ravaler sa fierté, et incertain de la pertinence du geste, mais quoi qu'il en soit, il tendit une main à la Hellsing.

L'œil d'Integra fixa la main brièvement avant de réciproquer fébrilement le geste du Phantomhive. Pour être franc, elle était choquée par la déclaration, et encore plus par l'action du bleuté. C'était la première fois que Ciel voyait la femme hésiter à faire quelque chose, mais au bout du compte, sa main gantée finit dans la sienne et elle sourit en la serrant. C'était toujours ce même sourire hautain, mais il y avait quelque chose d'autre cette fois. Le Phantomhive n'était pas tout à fait sûr de quoi, mais il semblait sincère.

- Cela me plairait, ricana Integra avant de relâcher le garçon et de remettre sa main dans sa poche. Dans ce cas, voudriez-vous connaître votre prochain ordre ?

- Beaucoup, répondit le bleuté, le coin de ses lèvres menaçant de se relever.

- Cherchez et détruisez, dit la femme, prononçant sa phrase signature par rapport à l'élimination de la vermine surnaturelle. La Black Annis est toujours là. Nous avons besoin de votre aide pour en trouver la source et l'éradiquer. Qu'en dites-vous ?

Là, le garçon sourit. Il se tourna pour faire parfaitement face à la femme, mettant sa main droite sur son cœur. Il se courba légèrement, et dit doucement :

- Oui, milady.

Il se remit droit, mit ses mains dans ses poches alors que la femme essayait clairement de ne pas rire. Pour une raison étrange, il ne s'en importunait pas. En fait, c'était... agréable de faire tomber le masque de la femme ainsi. C'était décidément plus facile que d'essayer de la rabaisser.

- Très bien, dit finalement Integra.

Elle se retourna afin de repartir une nouvelle fois.

- S'il n'y a plus rien à dire, alors je suppose que je vais partir. Il y a quelqu'un qui vous attends à l'entrée, d'ailleurs.

- Je vois... répondit Ciel, regardant en direction de la sortie.

Il se retourna ensuite vers la femme avant de pointer du doigt.

- Sa tombe est par là, au cas où vous vous demandiez.

- Merci, dit la femme en se retournant pour marcher.

Ciel en fit de même.

- "Nous sommes les envoyés de Dieu", cita-t-il.

Le garçon jura entendre un ricanement en disant la devise de l'autre famille.

- "Potentia Regere", répondit Integra, marquant la fin de la conversation.

Le même portail en fer grinçant de tout à l'heure tenait toujours debout, menant au reste de la propriété Hellsing. Des ombres menaçantes se fondaient dans le sol alors que la lumière des phares les transperçaient, le vrombissement d'un moteur se faisant de plus en plus entendre à mesure que Ciel approchait, mettant enfin fin au silence. Comme il s'y attendait, il y avait un garçon blond qui se tenait contre le véhicule et qui donnait de petits coup de pied dans le gravier, les mains dans les poches. Il ne semblait pas se préoccuper de la poussière qui avait sali son jean noir, mais Ciel savait que son majordome ne serait pas du même avis lorsqu'il rentrerait.

Alois ajusta sa veste, remontant le col afin de protéger son cou du souffle de l'automne. C'est alors qu'il entendit le bruit de gravier piétiné, non par lui, et releva les yeux pour tomber sur le Phantomhive devant lui. Un sourire se dessina instantanément sur le visage du blond alors qu'il en vit un légèrement plus petit sur celui du bleuté. Apparemment, le "petit voyage" de Ciel avait été plus bénéfique que prévu.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda le Phantomhive, fermant son "mauvais" œil afin de protéger son inhabituelle nudité au monde.

Son bien-aimé se contenta de hausser les épaules.

- 'Me suis dit que tu aurais besoin d'un taxi, répondit Alois, arrêtant de s'adosser. Oh, et pas besoin de dire "bonjour", ou quoi que ce soit, d'aill-EUURS ?!

Il fut pris de court par l'autre garçon qui se jeta sur lui pour l'enlacer, le soulevant par la taille. Alois se cramponna à lui alors qu'il tentait de comprendre pourquoi Diable le bleuté agissait aussi étrangement. "Déconcerté" était une bonne manière de décrire ce qu'il ressentait à cet instant alors que ses pieds touchèrent à nouveau le sol.

- Tu m'expliques ? Ciel, t'es encore défoncé ?! demanda-t-il, fronçant les sourcils, presque comme pour le gronder.

Le bleuté le regarda un moment jusqu'à ce qu'il se rappelle des événements plus tôt ce jour-là.

- Non. Je suis juste content de te voir, voilà tout, répondit Ciel. J'ai eu une dure journée.

- Ouais, ouais, rentre dans la voiture, Bob Marley, répondit son bien-aimé en se servant de l'agacement pour cacher son inquiétude.

Il ouvrit la portière du côté passager pour l'autre garçon et lui fit signe de rentrer.

- Plus d'aventure jusqu'à ce que tu sois sevré.

- Je le suis, Jim. Est-ce mal que je sois affectueux ? dit le bleuté, marchant vers l'autre garçon. Tu as dit toi-même que je ne le suis généralement pas à cause de mon orgueil, j'essaye juste autre chose.

- Ah ouais ? Alors prouve-moi que tu n'es pas déchiré là tout de suite, ordonna Alois. Si tu peux faire ça, alors je te croirai.

- Et comment suis-je censé faire ça ?

- Je ne sais pas. Si tu n'étais pas sous influence, tu serais capable de trouver quelque cho-

Alois fut interrompu alors que le seul chemin de ses mots fut bloqué. Il ne put s'empêcher de fermer les yeux et de mettre une main sur la joue du bleuté. Bien qu'il avait très honte de l'admettre, le blond fut quelque peu déçu lorsque le bleuté s'éloigna.

- Convaincu ? taquina Ciel, levant un sourcil tout en écartant une mèche de cheveux blond du visage de son amant.

- D'accord, grogna l'autre garçon en levant les yeux au ciel tout en essayant de rester stoïque. Monte maintenant.

Ricanant, le bleuté monta et boucla sa ceinture avant d'observer Alois faire le tour devant la voiture pour en faire de même. Il regarda le blond quelques instants, même alors que le garçon vérifiait son rétroviseur et s'installait. Finalement, Alois le remarqua, et lui fit savoir.

- Si tu t'attends à faire des cachotteries, alors tu vas devoir attendre que l'on soit rentrés, dit-il et le bleuté rougit.

Son bien-aimé fronça les sourcils, devant à son tour agir de manière indignée.

- Ce n'est absolument pas ce à quoi je pensais ! s'écria Ciel, et un sourire perfide apparut sur le visage de la menace à la place du conducteur.

- Menteur, accusa-t-il.

- Pas du tout ! protesta le Phantomhive.

Il croisa les bras, vexé.

- Mais qu'est-ce qui peut bien te faire croire aujourd'hui que je veux toujours le faire ?

Son rougissement empira lorsque le blond sortit sa langue et se lécha les lèvres.

- J'ai pu le goûter, dit le garçon et le bleuté frissonna.

Il rit de bon cœur tout en mettant la voiture en marche.

- Tu es horrible...

- Mais est-ce que tu as un truc pour les blonds ? demanda Alois. Elizabeth, moi... énuméra-t-il avant de marquer une pause, ... Integra.

- Je vais te botter le cul ! menaça Ciel en vain.

Le blond ne sourcilla même pas alors qu'il rentra sur la route.

- Non, merci, dit-il. Tu sais que je n'ai pas ce genre de fétiche. Je voudrais juste une galipette normale, s'il te plaît.

- Mais bon sang, Jim !

Oui, voilà le bonheur que Ciel avait trouvé. Il avait du mal à dissimuler son embarras en présence de ce garçon, et adorait pas très discrètement son rire. Il ne serait pas exagéré de dire que le Phantomhive n'échangerait cela pour rien au monde.