La bonne humeur était, selon Stiles, un concept éphémère. Quelque chose de très agréable qui pouvait s'en aller en un claquement de doigts. Liam avait orné son visage d'un sourire : la perspective de retrouver Scott le lui avait retiré. Les choses ne devraient pourtant pas se dérouler de cette façon. En toute logique, l'hyperactif devrait trépigner de joie à l'idée de revoir son petit-ami, d'autant plus qu'ils avaient la chance de se trouver dans la même classe et d'avoir beaucoup de temps pour se voir. Oui mais voilà, Stiles n'était pas amnésique et les souvenirs de la veille ne disparaîtraient pas du jour au lendemain juste parce qu'il en émettrait le souhait. Si le lycée n'avertissait pas les parents en cas d'absence, Stiles serait sans doute resté chez lui, juste pour ne pas avoir à risquer – fortement – de croiser Scott. Sincèrement, il n'avait pas envie de le voir après ce qu'il lui avait fait. La discussion qu'il avait eue avec Lydia et Liam avait confirmé ses doutes : même s'il s'était laissé faire, tout n'était pas de sa faute. Dans un sens, le latino qui lui servait de petit-ami n'avait pas écouté ses besoins, se concentrant sur les siens. Il avait pris sans donner, et surtout sans demander son avis à l'hyperactif. Ce dernier n'aimait pas la manière dont il se sentait… Sale. Comme s'il avait participé, mais sans vraiment le vouloir… Ce qui était un peu le cas, en soi.
Sur le chemin vers sa salle de classe, Stiles sortit son téléphone pour s'occuper un peu en marchant… Et découvrit qu'il avait un nouveau message. Il se crispa et s'arrêta un instant. Avait-il réellement envie d'ouvrir le texto de Scott ? Non. Sa curiosité dépassait-elle son besoin de ne pas s'intéresser à ce que lui voulait son petit-ami ? Oui. Alors avant même qu'il ait eu le temps de réfléchir, son doigt avait appuyé sur l'icône du message.
Grossière erreur.
Avait-on déjà dit que Stiles avait si peu confiance en lui qu'il préférait être naïf au sujet de ses proches plutôt que de faire face à une vérité qui le dépassait ? Et puis… C'était Scott. Irréprochable au sujet de son rôle d'alpha, mais… Un peu trop dominateur et égoïste dans le privé. Qui le savait ? Qui était au courant de cela ? Lydia et Liam n'en avaient eu qu'un aperçu avec son récit, mais Stiles lui-même ne pouvait s'imaginer jusqu'où son petit-ami était capable d'aller.
Et, naïvement, il accepta de lui donner une seconde chance parce que le texto qu'il avait reçu… Merde, c'était la première fois de sa vie que Scott s'excusait pour quelque chose ! Jamais, même lorsqu'ils n'étaient rien de plus qu'amis, l'alpha s'était excusé pour quoi que ce soit, encore moins pour le mal qu'il lui avait si souvent fait. Oh, il se faisait pardonner, oui, mais sans jamais prononcer les mots adéquats.
Cette fois était différente.
« Stiles, mon cœur, je suis désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Hier, j'étais de mauvaise humeur et… Je ne t'ai pas demandé ton avis. C'était stupide, je le sais. J'ai merdé. J'ai merdé, et je te jure que je me ferai pardonner. A midi, attends-moi, on va manger ensemble. »
Stiles écrivit une réponse courte, mais signifiant qu'il acceptait de lui laisser l'opportunité de se rattraper, sans savoir qu'il commettait là une grande erreur. Il se disait… Que ça irait. Que si Scott lui avait envoyé ce message, c'était parce qu'il avait pris conscience de son comportement plus que mauvais et qu'il comptait bien changer les choses pour le garder. Que dans un sens, il se battait pour lui, pour ne pas le laisser s'en aller. C'était bien peu pourtant, parce que le message du latino était petit, léger. Mais Stiles voulait bien y voir là une tentative de se rattraper, de ne pas le laisser tomber aussi soudainement.
Il fut alors d'une humeur un peu plus légère. Fragile, certes, mais légère. Ainsi, il réussit à aller en cours sans que le poids qui l'écrasait ne l'empêche de se concentrer sur les paroles du professeur. A un moment, il croisa le regard de Scott, assis à l'autre bout de la classe. L'alpha lui adressa un sourire timide, que Stiles lui rendit faiblement.
Il lui donnait une seconde chance, oui, mais son cœur continuait de se serrer.
Tout le reste de la journée, Scott avait été parfait de bout en bout. Le midi, ils avaient mangé ensemble, à l'écart des autres, et passé tout ce temps à discuter. A mettre les choses au point. A la fin, Stiles avait eu droit à un baiser doux, langoureux, de ceux que Scott ne lui offrait jamais d'ordinaire. Et puis, ils s'étaient isolés. Stiles avait eu droit à des étreintes emplies de patience couplées à des démonstrations d'affection plus que langoureuses. Mais parce qu'ils devaient retourner en cours, les choses n'étaient pas allées plus loin.
Le soir, Stiles arriva au hangar le sourire aux lèvres et l'odeur bien plus légère que durant la matinée. Avec Scott, tout n'était pas réglé : il y avait encore des zones d'ombres que l'hyperactif comptait bien éclaircir avec lui. Il avait obtenu des excuses et pour l'instant… C'était tout ce dont il avait besoin. Ensuite, viendrait une plus grande mise au point avec des décisions qui affecteraient leur vie de couple sur le long terme, parce que Scott lui avait bien fait entendre qu'il n'était pas une simple amourette à ses yeux. En y repensant, Stiles se sentit rougir jusqu'aux oreilles.
Il se sentait sur un petit nuage, au paradis, sans savoir qu'il était doucement en train de rejoindre les enfers.
Stiles salua chaleureusement Liam qui s'étonna de le voir en bien meilleur état que durant la matinée : l'hyperactif lui expliqua l'histoire dans les grandes lignes. S'il vit effectivement le louveteau froncer les sourcils, il n'y accorda pas grande importance et décida de passer à l'objet de leur présence ici, autrement dit, l'entraînement de Liam.
Et comme toujours, il le géra d'une main de maître. Parce qu'il était ferme. Compréhensif. Il avait l'habitude des loups-garous malgré sa nature humaine qu'il ne changerait pour rien au monde. Même la sauvagerie des instincts d'un animal ne lui faisait pas peur. Stiles avait le surnaturel dans le sang, sans même réellement faire partie de ce monde. Plusieurs fois, Liam s'arrêta pour lui demander s'il était sûr de vouloir continuer et Stiles, complètement à l'aise, lui assura chaque fois que tout allait bien. Sans mentir.
- Comment tu fais pour ne pas avoir peur que je dérape ? Fit à nouveau Liam, une fois redevenu humain, lorsqu'ils firent une pause.
- Je te fais confiance, répondit tout simplement l'hyperactif en grignotant quelques biscuits dont il gardait toujours une boîte dans le sac.
Liam eut un temps mort.
- Juste… Juste ça ? S'étonna-t-il.
Stiles hocha la tête en croquant dans un nouveau biscuit. Une fois qu'il l'eut bien mâché et avalé, il reprit :
- Je commence à te connaître. Je sais à quel moment tu peux être dangereux, et quand tu ne l'es pas. Souvent, tu as l'impression de perdre le contrôle alors que ce n'est pas le cas. Entre nous deux, c'est toi qui as peur, parce que tu ne fais pas encore confiance à ton loup, tu n'es pas… Habitué à lui. Pas complètement. Et pourtant, vous êtes tous les deux sur la même longueur d'ondes.
Il fit une courte pause.
- Vous savez tous les deux que vous ne voulez pas me faire de mal et que vous devez chacun donner du vôtre pour éviter de me blesser. Sur ce point, vous êtes d'accord. Lorsque le loup et l'humain sont d'accord, l'ensemble fait des miracles. C'est pour ça que je sais qu'il ne m'arrivera rien avec toi : toi et ton loup, vous vous contrôlez mutuellement.
Liam hocha la tête, digérant petit à petit les paroles étonnamment claires de l'hyperactif. Elles l'étaient toujours, cependant… Disons qu'il arrivait, pour une fois, à suivre le rythme. Son admiration pour lui ressurgit. Les explications du châtain étaient claires et son cœur… Battait calmement, régulièrement, sans aucun accroc ni aucune accélération. Stiles était d'un calme olympien. Enfin calme… Dans la mesure de son hyperactivité. Son odeur, bien que plus légère, n'était pas complètement débarrassée de la négativité qui l'avait écrasé ce matin-là. Il en restait des bribes, des résidus qui mettraient du temps à partir.
- Je ne le comprends pas, lâcha-t-il à voix haute.
A l'expression qu'arbora l'hyperactif, Liam sut qu'il ne voyait absolument pas de quoi il parlait.
- Scott, précisa-t-il.
Il n'était pas du genre à donner son avis, mais quelques détails le chiffonnaient. Il y avait ces excuses, oui, cette… Manière un peu rapide qu'il avait eu de chercher à se faire pardonner. C'était bien, oui, mais Liam… Trouvait cela tout de même étrange. Scott se comportait comme un pleutre des jours durant, et là, d'un coup, il trouvait le moyen de se remettre en question alors que Stiles s'était mis à envisager de mettre fin à leur relation s'il continuait ainsi ? Liam ne lui fit pas part de ses doutes parce que Stiles… C'était idiot, mais il souriait. Il avait retrouvé cette étincelle dans les yeux et même si elle était encore faible, elle faisait vivre. Et puis dans un sens… Il ne savait pas si Stiles prendrait ses paroles au sérieux. Alors, il parla d'autre chose, autre chose qui le turlupinait tout autant à ce sujet :
- Je ne comprends pas comment il peut… Comment dire ça…
- Dis les choses telles qu'elles te viennent, l'encouragea l'hyperactif.
- Je sais pas, à sa place… Je me sentirais pas à l'aise à l'idée de laisser mon petit-ami humain s'occuper de gérer seul l'entraînement d'un loup, avoua Liam.
- Il sait que je me débrouille bien et puis… Je t'ai expliqué pourquoi je n'ai pas peur. Tu ne devrais pas te faire de mouron à ce sujet, lui conseilla le châtain, bienveillant.
- Je sais mais… Il pourrait au moins être là. Pas intervenir dans l'entraînement en lui-même, juste regarder… Au cas-où.
Stiles lui ébouriffa gentiment les cheveux, un rictus amusé sur les lèvres. L'inquiétude du louveteau à son égard était adorable et pour être honnête, elle lui réchauffait le cœur. Ainsi, il poussa le plus jeune à reprendre l'entraînement malgré ses préoccupations, qu'il s'efforça de faire disparaître en se donnant un air encore plus assuré qu'il ne l'était au départ.
Mais malgré cela, ses paroles, couplées à cette inquiétude pure, continuèrent de lui trotter dans la tête jusqu'à ce qu'ils se disent au revoir et que Stiles monte dans sa Jeep pour rentrer chez lui. Il allait mieux, c'était clair, mais tout n'était pas parfait et pour être honnête, il vit un certain sens dans les préoccupations de Liam. Un sens qui le poussa à s'interroger même s'il se sentait parfaitement à l'aise quant au fait de s'occuper de son entraînement seul.
Un point de plus à éclaircir.
