Scott l'avait eu. Encore. Possédé, aussi. C'était simple, avec lui. La douceur pouvait remplacer la violence en un rien de temps. Après la gifle, une étreinte. Puis un baiser. Des excuses. Une promesse.

Une interdiction, aussi.

Et Stiles s'était laissé faire, parce qu'il n'était plus vraiment là. Complètement sonné, il avait été incapable de le repousser d'une quelconque manière, encore moins de lui dire « non » de vive voix.

Liam ? Quelle drôle d'idée de penser à lui dans un moment pareil, mais Stiles ne pouvait pas s'en empêcher. Parce qu'il n'avait pas pu le prévenir – Scott l'avait fait à sa place, en envoyant un message depuis son téléphone. Que lui avait-il écrit ? Stiles n'en savait rien, mais il ne voulait pas le savoir.

Non, lui tout ce qu'il voulait à l'heure actuelle, c'était mourir.

Sous les draps, il était nu. Scott l'avait laissé là, dans ce lit. Il était parti depuis une heure déjà mais Stiles n'avait pas bougé. Trop sonné. Toujours trop sonné. Souillé, aussi. Parce qu'il ne se souvenait pas avoir consenti à ce qui s'était passé après la gifle. Il savait juste qu'il avait été absent et n'avait pas émis la moindre objection. Mais avait-il dit oui pour autant ? Non. Surtout pas après que Scott ait levé la main sur lui.

Levé la main sur lui.

Ça, il ne pouvait pas le nier. Cette fois, il ne voyait pas comment il pourrait lui trouver la moindre excuse. Autant, pour leur relation, il était presque capable de comprendre : Stiles lui-même n'était pas toujours clair dans ce qu'il voulait, encore moins au niveau de ses opinions. D'ailleurs, il s'en voulait assez souvent à ce sujet. Là, le combo de la violence et du sexe lui avaient mis un sacré coup au moral, d'autant plus qu'il avait pleuré.

Oui, lorsque Scott était entré en lui sans chercher à le préparer. Et bien sûr, il s'était confondu en excuses, mais avait songé que ses larmes n'étaient là que pour la gifle. Sauf qu'il avait tort.

Stiles avait pleuré pour tout. Tout ce qu'il avait ressenti. Pour cette gifle, oui. Pour la façon dont Scott le traitait depuis un moment. Pour ce plaisir coupable qu'il ressentait malgré tout. De colère, pour cette manière qu'il avait de se laisser faire, de s'offrir à quelqu'un qui ne le méritait pas. Pour ces gémissements qu'il avait poussés malgré lui. Pour avoir joui quand même. Pour avoir embrassé et étreint Scott contre lui. Pour la douleur. Pour son propre mal-être.

Et puis pour ce qu'il comptait faire.

Stiles s'était longuement bercé d'illusions, mais c'était fini. Scott avait franchi trop de barrières pour qu'il puisse le lui pardonner aussi facilement. Ce qui le faisait le plus souffrir ? Savoir qu'il le manipulait. Bordel, Scott savait qu'il devenait complètement impuissant lorsqu'il le touchait. Le sexe, ça le… Merde, le loup l'avait rendu addict. Trop. Il le savait. Et Stiles savait qu'il le savait. Et ça, c'était pire que tout. Alors non, il n'était plus vraiment dans le déni, n'entretenait plus cet espoir de se rabibocher avec lui.

Il voulait juste faire cesser ce qui n'avait plus lieu d'être.

Fut un moment où Stiles se leva, partit se doucher. A minuit, sortit de chez lui. Prit sa Jeep. Conduisit à vive allure. Fit le tour de la ville. Deux fois. Et puis, il se décida. S'arrêta quelques minutes, le temps de se donner du courage avant de se rendre compte de l'heure qu'il était. Se dire qu'il était idiot, mais se saisir de son téléphone et laisser ses mains tremblantes débloquer Liam… Que Scott avait bloqué dans la soirée. Ça aussi, c'était odieux, inacceptable.

Ainsi, il envoya un message au louveteau en espérant qu'il était encore debout.

Quelques minutes plus tard, il démarra en trombes. Aussi étrange que cela puisse paraître, c'était lui qu'il avait envie – ou plutôt besoin – de voir. Il avait fugacement pensé à Lydia mais… Stiles n'avait pas l'intention de subir un interrogatoire quel qu'il soit. Il n'avait pas l'énergie pour. Lui, tout ce dont il avait besoin, c'était d'une épaule sur laquelle se reposer. Et puis comme ça… Il pourrait en profiter pour expliquer à Liam que son absence concernant l'entraînement n'était pas désirée. Qu'il n'annulerait plus de cette façon. Qu'il ne laisserait plus personne prendre ce genre de décisions à sa place. Parce que ça non plus, il ne l'avait pas choisi.

Et peu importe ce qu'en pensait Scott, lui qui avait enchaîné les erreurs en cette horrible soirée. Bloquer Liam n'était pas tout ce qu'il avait fait. Le gifler non plus.

Cet enfoiré avait cru bon de lui dicter sa vie.

Il lui avait interdit de reprendre les entraînements avec Liam. Parce qu'annuler celui de ce soir ne lui suffisait pas. Pour une raison que Stiles ignorait, Scott avait une dent contre le louveteau et lui avait dit de but en blanc qu'il voulait lui faire couper tout contact avec lui. Avait-il pensé que l'hyperactif se soumettrait et accepterait facilement cette décision. Sans doute et sur le moment, il lui avait donné raison en ne réagissant pas vraiment. Parce que tout ça s'était passé durant ce moment un peu flou où Stiles s'était retrouvé déchiré sur tous les plans. Physiquement, il avait eu mal car l'alpha ne s'était aucunement préoccupé de la manière dont il le prenait. Mentalement… Y avait-il réellement besoin de décrire son état ? Stiles s'était déconnecté de son propre corps durant une bonne partie de l'acte et les paroles de Scott… Il les avait entendues sans réellement avoir les moyens de les comprendre sur le coup. Alors forcément, il n'avait pas émis la moindre opposition. Pire que ça : il avait malgré lui répondu automatiquement à ses étreintes, ses baisers, ses caresses.

En fait, il lui avait donné raison et inconsciemment… Encouragé dans son comportement. Et même si ce n'était pas vrai, Stiles y crut dur comme fer et c'est les yeux rougis qu'il arrêta sa voiture non loin de la maison des Dubar. Mais il ne sortit pas de la Jeep.

Il se figea et sentit une vague de dégoût le submerger. Un dégoût uniquement tourné vers lui. Ses doigts serrèrent le volant à outrance tandis qu'il commençait à avoir des sueurs froides. Pourquoi diable était-il venu ici ? Pourquoi avait-il ne serait-ce qu'envoyé un message à Liam ? Pour quelle raison, bon sang ?! Et puis à minuit passé ! Qui était-il pour le déranger à une heure pareille ?! Rien. Rien ni personne. Sa vision se flouta tandis qu'une nausée soudaine se mit à lui tordre les tripes. Tu t'es laissé faire. Son souffle se coupa. Tu as accepté ce qu'il t'a fait, et tu oses vouloir te plaindre ? Stiles ferma les yeux avec force. Sur le volant, ses phalanges étaient blanches comme la mort. Il devait partir. Rentrer. Se coucher. Oublier cette histoire ou du moins, son importance. Ne pas se laisser autant toucher par ce qu'il ressentait. Puis s'excuser auprès de Liam, aussi. Lui dire que son message, sa venue… C'était une erreur. Pour l'entraînement et son annulation, il n'aurait qu'à le lui expliquer plus tard. Par écrit.

Et il s'en voulut. Pour tout. Tout. Tout. Car tout était de sa faute. Pas la gifle : ça, il ne pouvait pas imaginer qu'il la méritait. Mais le reste… Oui, qu'en était-il ? Être sonné n'était pas une excuse ! Il avait laissé Scott lui faire du mal sciemment. Il l'avait laissé le séduire et faire de lui ce qu'il voulait.

Temps mort. Les larmes étaient là. Elles coulaient sur ses joues avec une abondance significative dans un silence lourd de sens. Stiles n'aimait pas pleurer. Il trouvait ça stupide, surtout le concernant. De manière générale, il avait toujours été dur envers lui-même. Un peu trop, sans doute. Pouvait-on lui en vouloir ? Il était la tâche de crasse au milieu de l'immaculé. L'humain au centre d'une meute d'être tous plus surnaturels les uns que les autres. Le point noir.

Alors voilà, pleurer pour ça… Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Il devait démarrer, maintenant. Effacer ces larmes. Assumer sa passivité pour mieux la combattre. Parce que s'il y avait bien une chose dont il était certain, c'est qu'il ne pouvait plus laisser Scott le traiter ainsi. Ils étaient beaux, ses mots doux. Et ses promesses avaient su faire baisser sa vigilance. Mais Stiles n'avait pas besoin qu'un poids mental supplémentaire vienne s'ajouter à tous ceux qu'il traînait derrière lui – des poids déjà trop nombreux pour un adolescent de son âge.

Stiles ne voulait plus que Scott le touche. Qu'importe la manière, qu'importe le contexte, qu'importe la raison. Ce n'était plus possible. C'était maintenant qu'il devait partir, tant qu'il le pouvait encore. Il devait juste… Avoir du cran, se montrer fort.

Mais en cet instant, il en était incapable. Même se redresser et mettre sa Jeep en marche, il en était incapable. Il devait partir et il le voulait, mais… Dans son état, il se savait dans l'impossibilité de conduire correctement. Parce qu'il pleurait, pleurait, pleurait. Il ne faisait que ça et ne cessait de penser aux différentes douleurs dont Scott était à l'origine. Elles étaient là, en lui. Omniprésentes. Obsédantes. Stiles s'avachit complètement sur son volant, le front posé dessus.

Il ne sut combien de temps s'écoula, mais vint un moment où il entendit la portière s'ouvrir de son côté. Il releva lentement la tête, s'attendant à tomber sur un voisin aigri désirant chasser tout individu suspect de son quartier. Il y en avait pas mal du côté des Stilinski.

Oui mais voilà, Stiles ne tomba pas sur un voisin aigri – aurait-il préféré ? D'un coup, il se sentit las. Nul. Stupide. Et las. Profondément las. Si ses larmes ne coulaient presque plus, ses joues en étaient inondées, tant et si bien qu'il était impossible pour lui de cacher physiquement état et à vrai dire, il ne chercha même pas à le faire.

Pas plus qu'il ne fut capable de refuser la main que lui tendit silencieusement Liam.