Il s'agit sûrement du plus long one-shot que j'ai écrit et je dois avouer en être plutôt contente !

A l'origine une réécriture de "Azkaban a ses cas parmi les cas" que je trouvais bien trop insuffisant pour le thème aborder, voilà que c'est devenu une belle histoire. Je ne sais pas si j'en avais parlé mais cette histoire m'a été inspirée de "Seconde chance : la pierre philosophale", une fanfiction sur Neah que j'adore comme pas possible et qui est publiée sur Fanfic-fr (s'il y a des lecteurs de cette plateforme : suis-je la seule à ne pas être capable d'y accéder ? Si oui, sauriez-vous pourquoi ?).

J'ai une petite idée pour la suite de cet OS qui m'a décidément beaucoup inspiré. A voir si cela se concrétise par la suite... Ce serait quelque chose du point de vue d'Harry.

Résumé Le prisonnier centenaire :

Emprisonné à Azkaban sans procès pour le meurtre de son meilleur ami et de sa femme, Sirius se retrouve à avoir pour voisin un étrange individu du nom de Neah D. Campbell. Cet homme bien singulier recèle de beaucoup de secrets et se révèle être une présence réconfortante dans l'Enfer de cette prison.


Azkaban était un lieu terrifiant. Isolée de toute civilisation, perdue au milieu de l'océan, l'ile qui l'abritait dégageait cette ambiance effrayante. Il semblait que la lumière ne venait jamais en ces lieux et que la pluie s'y abattait continuellement depuis l'installation des Détraqueurs.

Sirius observait les cellules qui défilaient. Il y avait quelques Mangemorts qu'il avait eu l'occasion de croiser sur le champ de bataille mais aucun des plus puissants de Voldemort. Il faudrait du temps avant de tous les attraper. Cela ne faisait que quelques jours depuis qu'Harry avait arrêté le mage noir.

Quelques jours depuis le meurtre de James et Lily.

Cela lui semblait être il y a une éternité.

Le soir où, prit d'un doute quant aux allégeances de Peter, il s'était rendu chez les Potter, il avait trouvé la maison détruite et les cadavres de ses amis. Il avait été pris d'une rage folle. Sans hésitation, il avait confié Harry à Hagrid et s'était lancé à la poursuite de celui qui fut l'un de ses meilleurs amis durant toute sa scolarité à Poudlard. Il devait faire payer à ce sale rat pour ce qu'il avait fait. Comment avait il pu trahir Lily et James ainsi ?

Mais Peter était plus rusé qu'il le pensait. Il l'avait piégé et maintenant, il était à Azkaban, sans aucun moyen de faire entendre au monde la vérité, de rendre justice à celui qu'il considérait comme son frère.

Sirius serra les dents et baissa la tête. Il sentait sur lui les regards moqueurs des partisans de Voldemort. Ça devait bien les amuser de le voir ici. Bientôt, les cellules seront toutes pleines. Les Aurors attraperont tous les Mangemorts. Il faisait confiance à Maugrey, notamment, pour s'en occuper. L'homme était complètement fou et maniaque. Il ne mourra pas tant qu'il n'aura pas coffré tous les Mangemorts et cette pensée réchauffait le cœur de Sirius.

- Je ne vais pas au quartier de haute sécurité ? demanda t il avec surprise lorsqu'il vit qu'il le quittait.

- Tais toi et avance, Black, grogna l'un des Aurors en le poussant brutalement dans le dos.

- Pour toi, c'est la cellule spéciale, dit un autre Auror. C'est ce que tu mérites pour ce que tu as fais.

- Cellule spéciale ?

Il n'en avait jamais entendu parler.

Avec la guerre faisant rage, il n'avait pas eu le temps de commencer sa formation d'Auror. Cela était son rêve de l'être.

Ils tournèrent à l'angle d'un couloir et arrivèrent dans une impasse. Six Aurors montaient la garde de deux cellules mais l'une d'entre elle était étrange.

Plusieurs couches de protection entourait la cellule de tout type. Il y avait de la magie, des runes, des rituels restrictifs tous emmêlés les uns sur les autres. C'était la première fois que Sirius voyait de telles mesures pour empêcher un prisonnier de s'échapper. Cela avait pour conséquence de rendre l'air autour de cette zone particulièrement lourd et chargé en magie. A tel point que Sirius se sentait étouffé.

L'un des Aurors chargés de monter la garde ouvrit la cellule d'à côté et Souris de retrouva poussé dans celle-ci si fort qu'il s'échoua sur le sol froid en béton. La porte de referma derrière lui dans un horrible grincement qui lui donna des frissons dans le dos.

A partir de maintenant, il ne sortirait plus jamais de cette cellule. Il était condamné à perpétuité.

- Maintenant que Tu Sais Qui est mort, cette cellule revient à son bras droit, c'est ça ? demanda l'un des Aurors.

- Ouais. On peut pas vraiment mettre les morts dans une cellule…

- Chut ! fit précipitamment un troisième Auror. Ne parlez pas de ça devant lui.

Il désigna d'un air nerveux le voisin de cellule de Sirius.

- J'oublie tout le temps que c'est un nécromancien… marmonna l'Auror qui avait parlé d'enfermer les morts dans une cellule.

Sirius sentit un frisson lui parcourir tout le dos.

Un nécromancien ?

C'était une magie taboue dont la seule mention suffisait à effrayer. Ramener les morts était la plus sombre des magies et même les Black n'y auraient jamais touché. Elle pervertissait l'esprit à tel point que Voldemort n'était rien à côté de ce qu'elle pouvait faire à celui qui pratiquait la nécromancie.

Sirius tourna son regard vers son voisin de cellule, curieux malgré lui de voir à quoi pouvait ressembler un nécromancien.

Il fut vraiment surpris de constater qu'il s'agissait d'un sorcier qui semblait tout juste avoir atteint la majorité. Pourtant, il ne lui semblait pas l'avoir déjà croisé à Poudlard. Il se serait souvenu d'une personne avec sept stigmates alignés creusés dans son front – qui faisait cela ? Il fallait être dérangé psychologiquement pour se mutiler ainsi. Ses yeux étaient d'un doré hypnotisant. C'était la première fois que Sirius en voyait de tels. Pourtant, Remus avait déjà une belle couleur ambrée due à son statut de loup garou.

Cet homme était il un loup garou ?

Ses poils étaient hérissés à cause de l'aura qui émanait de cet homme. Il dégageait quelque chose de tordu et de malsain. Ses instincts canins lui disaient de s'éloigner de cet homme et de courir vite s'il voulait survivre.

Quoi que soit cette personne, elle était dangereuse.

Démoniaque.

- « Dans l'après midi du quatre novembre, Sirius Black, le dernier héritier de la Grande et Noble maison des Black depuis la disparition du cadet Regulis Black, a été retrouvé au milieu d'une scène horrifiante : entouré d'une douzaine de cadavres de moldus, riant aux éclats, le doigt de son ancien camarade de classe Peter Pettigrow dans les mains. Des témoins affirment avoir entendu celui-ci s'énerver contre Sirius Black pour avoir trahi les époux Potter. En effet, ceux-ci étaient traqués par Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom depuis plusieurs mois et, sous les conseils d'Albus Dumbledore, directeur de Poudlard, s'étaient cachés grâce au sortilège de Fidelitas dont Sirius Black était le gardien du secret. L'héritier Black s'est révélé être le bras droit de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom et a révélé la position des Potter à ce dernier, conduisant au décès de James et Lily Potter le 31 octobre et à la défaite du mage noir grâce au jeune Harry Potter, à peine âgé d'un an. Sirius Black a été conduit à Azkaban afin d'y passer le restant de ses jours. »

Sirius sursauta en entendant la voix mélodieuse et envoûtante de son voisin de cellule lire l'article de la Gazette du Sorcier du jour. Du fait qu'il avait été décrit comme un nécromancien, il ne s'était pas attendu à ce que sa voix soit aussi délicate.

Il ne savait pas à quoi il s'attendait, en fait.

- Je me demande quel sortilège est assez puissant pour tuer douze personnes et annihiler complètement ule corps d'une personne…

- Je n'ai pas tué ces moldus ! s'écria Sirius. Et encore moins ce sale rat de Peter !

L'homme en face de lui pencha la tête sur le coté et leurs regards se croisèrent.

Les paroles que voulut dire Sirius lui échappèrent complètement. C'était comme si cette personne l'avait envoûté. Ce regard doré était si doux et si pur que c'en était déstabilisant.

Comment un nécromancien pouvait il avoir un regard si innocent ?

- Ah oui ?

- Et puis, tu es qui, d'abord ?

L'homme ouvrit la bouche en O et tapa son poing gauche dans sa paume.

- Mais oui, je ne me suis pas présenté.

L'homme secoua la tête.

- Allen ne serait pas content de cette négligence…

Sirius remarqua alors que ce qui rendait la voix de cet homme envoûtante c'était son accent. Il avait un accent étranger. Quelque chose de chantant. De l'espagnol ? Non, cela n'y ressemblait pas. En tant qu'héritier de la famille Black, il avait eu quelques cours e cette langue pour maitriser les bases. Cela ressemblait plus à du portugais. De plus, sa manière de prononcer certains mots étaient très désuètes. D'où sortait ce type ? S'il était portugais, cela expliquait pourquoi il ne l'avait jamais vu à Poudlard. Il devait avoir été à Beauxbatons. C'était tout de même épatant qu'une personne aussi jeune maitrise la nécromancie…

L'homme se leva soudainement et s'inclina vers l'avant, une main sur son cœur, comme les nobles du siècle dernier tout en disant :

- Je suis Neah D. Campbell, comte Millénaire. C'est un plaisir de te rencontrer, Sirius Black.

Sirius écarquilla les yeux de surprise et fit quelques pas en arrière.

En tant que sorcier de sang pur ayant reçu une éducation stricte et renforcée, il avait entendu parler du comte Millénaire. Le fléau du 19e siècle, comme dirait son professeur particulier d'histoire. Un sorcier immortel qui avait tenté d'annihiler plusieurs fois l'humanité à l'aide de la nécromancie. Il a été arrêté à la fin du 19e siècle par une organisation du nom de l'Ordre Noir.

Il ignorait que cet homme était encore en vie et surtout, qu'il était à Azkaban.

Il comprenait mieux les protections autour de sa cellule.

- Oh, mais ne te méprends pas ! fit joyeusement le comte Millénaire. Moi, je suis Néah. L'homme auquel tu penses, c'est Mana, mon frère. J'ai écopé de son titre lorsqu'Allen l'a arrêté.

- Donc, euh… Tu n'as pas tenté d'annihiler l'humanité ?

- Moi ?

Néah – puisqu'il semblait vouloir qu'on l'appelle ainsi – se désigna avec un grand sourire.

- Non. J'ai aidé à l'arrêter ainsi que ses partisans. Mais ce n'est pas l'envie qui manque ! Le gouvernement mondial a pensé que c'était mieux que je reste sous surveillance, alors je suis ici !

- D'accord…

Il jeta un coup d'œil en direction des cinq Aurors qui surveillaient les lieux. Ceux-ci faisaient mine de regarder ailleurs, ne voulant pas se mêler de la conversation ou de quoi que ce soit d'autre.

C'était rassurant de savoir qu'il n'était pas à côté du véritable comte Millénaire mais plutôt d'une personne qui avait hérité du titre à la mort du précédent. Côtoyer un être pire que Voldemort durant tout son séjour ne l'enthousiasmait pas.

- Et donc… tu es ici depuis un siècle ?

- Quelque chose comme ça. Je ne compte pas vraiment les années. Bienvenue à Azkaban, au fait.

- Merci…

Etonnamment, la compagnie de Neah n'était pas désagréable.

C'était quelqu'un de simple qui avait ses habitudes et qui aimait s'y tenir.

En tant normal, il était difficile d'avoir ses habitudes lorsqu'on était à Azkaban mais Néah bénéficiait d'un traitement de faveur du fait de son statut de comte Millénaire.

Tous les matins, il était sorti de sa prison par un Auror pour qu'il puisse aller se laver et faire une promenade de santé au bord de la plage. Sirius avait cru à une blague lorsque Néah lui avait dit cela. Lui, il n'avait même pas le droit de mettre un pied hors de sa cellule et cet homme pouvait profiter de l'air frais de la mer !

- Il ne s'enfuira pas alors on le laisse sortir, lui dit un Auror à contrecoeur. De toute façon, s'il n'a pas sa promenade, on finit par le retrouver dehors ou errant dans le bâtiment.

- Il… il peut sortir ?

Pourtant, sa cellule était incroyablement sécurisée. Il n'avait jamais vu de telles protections jusqu'à maintenant.

- Oui. Alors autant qu'il sorte escorté.

Après sa promenade, Néah revenait en cellule et se faisait amené un café et le journal du jour qu'il lisait en sirotant sa boisson. Il commentait vaguement ce qu'il lisait puis s'occupait d'une manière ou d'une autre après avoir donné son journal à Sirius.

- Pourquoi tu restes ici alors que tu peux sortir quand tu veux de cette cellule ? demanda Sirius.

Il avait le dos appuyé à la porte de sa cellule en observait la neige qui tombait par le mince interstice qui servait de fenêtre et d'aération. C'était bien trop petit pour qu'il puisse espérer s'enfuir par là et beaucoup trop haut. C'était comme si on cherchait à le narguer en lui montrant une issue inaccessible.

Cela devait faire près d'un mois qu'il était ici s'il se mettait à neiger. Il regrettait de ne pas avoir commencé à compter les jours dès son arrivée. Ne pas avoir conscience du temps qui passe était quelque chose d'horrible qu'il n'aurait jamais soupçonné. Avant son emprisonnement, il ne s'était jamais rendu compte de l'importance de savoir l'heure ou les jours qui s'écoulaient.

Neah leva les yeux de son calepin. De là où il était, Sirius pouvait apercevoir les portées tracées dessus. Il savait que son voisin de cellule composait des mélodies. Il fredonnait souvent des morceaux d'air pour vérifier si ce qu'il écrivait sonnait bien. Comment faisait il pour être inspiré en ces lieux, Sirius l'ignorait. Lui ne parvenait pas à imaginer quoi que ce soit. Tout ici était gris et morne, sans distraction ni nouveautés.

- Parce que j'ai déjà fait un cinquième de ma détention.

- Tu n'es pas emprisonné à perpétuité ? demanda Sirius, surprit.

Neah secoua la tête.

- Non. J'ai écopé de cinq cent ans. J'en ai déjà fait cent. Ce serait idiot de partir maintenant alors que j'ai déjà fait tout ça… J'aurai perdu mon temps.

Des fois, Neah n'avait pas la même logique que lui. Ou peut être que c'était lui qui ne l'était pas. Il ne savait plus.

- Tu aurais pu partir dès le début, alors.

- Je ne suis pas si mal, ici.

Étant donné le traitement de faveur qu'il recevait, Sirius voulait bien le croire.

Il soupira et Neah retourna à sa composition.

Sirius jeta un coup d'œil vers les cinq Aurors qui montaient continuellement la garde. Ils étaient toujours aussi impassibles. Eux aussi devaient s'ennuyer à les regarder durant des heures, jusqu'à ce que vienne la relève d'autant plus qu'ils ne les surveillaient pas tant que cela.

Il vit Neah se lever du coin de l'œil. Celui-ci se dirigea vers la porte de sa cellule. Il sortit la main de celle-ci et dit à l'intention de leurs gardes :

- Carnet.

L'un des Aurors – qui semblait à peine plus âgé que Sirius – s'empressa de tapoter son uniforme avec nervosité.

Neah fronça les sourcils, agacé par l'attente.

Un autre Auror tendit un carnet à Neah qui le prit sans un mot et retourna s'asseoir à sa place pour reprendre sa composition là où il s'était arrêté.

- Il faut être paré à répondre à ses exigences, gronda l'Auror plus âgé en murmurant.

Sirius l'entendait car il n'était pas loin de lui.

- Il n'est pas connu pour sa patience.

- Je suis désolé… J'ai été pris de court.

- Ça ne fait qu'une semaine que tu as été affecté à ce poste, c'est normal. Mais lui, il ne le comprend pas. Il nous hait, tu saisis ?

- Mais… pourquoi ? On a rien fait et tu m'as dit qu'il pouvait sortir quand il voulait…

L'Auror plus âgé haussa les épaules.

- C'est un noah, c'est dans sa nature.

Sirius pinça les lèvres. Il avait tendance à l'oublier car Neah se comportait normalement avec lui. Il lui parlait de temps en temps et avait des passes temps normaux.

Mais cet homme avait tué.

Beaucoup.

Il était à l'origine de massacres, comme n'importe quel noah.

Un frisson lui parcourut le dos.

Combien étaient morts de ses mains ?

Neah le savait il lui-même ?

- Pourquoi… tu détestes les humains ? demanda Sirius.

Neah le regarda droit dans les yeux. Mais l'or de son regard était brutal et sauvage. Il n'y avait plus rien de pour dedans. C'était comme être face à une bête assoiffée de sang et Sirius recule, collant davantage son dos contre les barreaux de sa cellule, cherchant à s'éloigner de cet homme qui dégageait une aura mortelle en cet instant.

- Vous êtes des créatures stupides et inférieures. Vous polluez l'air que je respire. Le monde se porterait bien mieux dans vous. Un jour, vous périrez tous de ma main, je te le garantis.

Sirius se sentit soudainement étouffé. L'air autour de lui était tellement saturé en magie qu'il en devenait irrespirable. Il entendit vaguement les Aurors tousser alors que sa gorge lui brulait et qu'il commençait à voir flou. Sa vision de remplit de points noirs et c'est tout ce dont il se souvient avant de perdre connaissance.

Ainsi le petit garçon sombra dans un profond sommeil

Entouré par les flammes dont il respirait les cendres

Une par une, s'élevant et grandissant

Des milliers de rêves flottent au dessus de la terre

Ces rêves.

Ces doux rêves.

Sirius se réveilla en sursaut.

Paniqué, il regarda partout autour de lui pour ne voir que l'obscurité. La seule lumière qui la transperçait venait de sa droite. C'était une lumière vive, presque aveuglante.

Dans la nuit, alors que les yeux argentés frissonnent

Tu es né dans une lumière éclatante

Il se redressa pour de mettre assit et réalisa à ce moment précis que c'était Neah qui chantait d'une voix si douce et réconfortante. C'était comme si elle le berçait, comme le ferait une mère aimante. A une époque, il avait connu cela, la chaleur des bras de sa mère. C'était il y a longtemps.

Même si des centaines de milliers d'années passent

Peut importe le nombre de prières retournant à la Terre

Il porta une main à sa poitrine alors que des larmes s'amassèrent au coin de ses yeux. C'était si familier… Il aimerait tant que cette chanson dure éternellement.

En plissant les yeux, il vit que la lumière qui avait attiré son attention entourait complètement Neah, ne faisant plus qu'un avec elle. Comme si elle le protégeait de ce qu'il se passait à l'extérieur.

Je continuerai à prier.

La dernière note coula longuement et même lorsque Neah s'arrêta de chanter, elle continuait de flotter dans l'air ambiant.

- Tu es réveillé.

- Oui… Qu'est ce qu'il s'est passé ?

- Tu t'es évanoui.

- Ah…

Sirius se souvenait de l'air lourd et chargé en magie.

Un frisson le parcourut.

C'était la première fois que Neah lui était apparu aussi effrayant. Un vestige de ce que furent les noahs et le comte Millénaire il y a de cela un siècle.

Qu'est ce que cela faisait de vivre à une telle époque ? Etait ce aussi effrayant que de vivre sous le règne de terreur de Voldemort ? Il ne parvenait pas à imaginer ce que pouvaient ressentir les sorciers de l'époque face à des créatures comme les noahs. Des êtres quasiment immortels, sadiques et dépourvus de la moindre compassion envers les humains.

Comment faisaient ils pour ne pas se laisser aller au désespoir ?

Lui, après à peine un mois à Azkaban, il se sentait déjà désespéré. Il ne parvenait pas à supporter cet enfermement. Il voulait voir comment allait Harry, dire à Remus qu'il était innocent, voir la tombe de James et s'excuser d'avoir causé sa mort par sa stupidité.

- Neah… Tu penses que tu mérites ta place dans cette prison, n'est ce pas ? dit il soudainement.

L'homme pencha la tête sur le côté.

- J'ai massacré deux générations de noahs. Leur mémoire a été tellement endommagé que cela fait cent ans que je n'ai pas senti l'éveil de l'un d'entre eux. Détrompe toi : je ne ressens pas de culpabilité. C'était la chose à faire. Tout comme il fallait que je tue mon frère.

- Pour le bien de l'humanité…

- Pour le bien d'Allen.

Sirius fronça les sourcils.

- Allen ?

Neah esquissa un sourire. Un vrai, comme il en faisait rarement.

- Mon neveu.

- Oh…

- Il voulait que cette guerre interminable cesse. Il a tout donné pour cela alors quand il est mort, consumé par son Innocence, j'ai décidé de prendre la relève. De toute façon, c'était déjà mon objectif de devenir le comte Millénaire et de délivrer Mana. C'était juste une motivation supplémentaire, je suppose…

C'était la première fois que Sirius l'entendait parler autant de son passé. Même si Neah ne restait pas seul dans son coin et lui parlait de temps en temps, il n'évoquait jamais son passé, se contentant de l'information qu'il était le comte Millénaire.

Est-ce que Neah commençait à l'apprécier ?

Cela faisait un an qu'il était à Azkaban lorsque cela arriva pour la première fois. Ce n'était pas différent de d'habitude : le matin, un Auror ouvrit la porte de la cellule de Neah et le laissa en sortir. Comme tous les matins, il allait prendre sa douche et faire sa petite promenade d'une heure au bord de la plage. Cependant, le temps passait et son voisin de cellule ne revenait pas. L'Auror qui l'avait accompagné était revenu à son poste de surveillance et ne semblait pas perturbé par l'absence de leur prisonnier centenaire. Comme d'habitude, il restait principalement silencieux, s'échangeant vaguement quelques paroles à des moments aléatoires.

Sirius écoutait tout ce qu'ils disaient dans l'espoir de comprendre pourquoi Neah n'était pas déjà de retour.

C'est au quatrième jour de son absence qu'il interpella l'un des Aurors.

- Où est Neah ?

Les Aurors tournèrent leur regard vide vers lui, l'observant comme s'il était un insecte misérable indigne de leur attention. Il avait l'habitude d'être regardé d'une telle manière. Tout le monde pensait pour une raison qu'il ignorait qu'il était le bras droit de Voldemort, celui qui avait livré son meilleur ami sur un plateau d'argent à un meurtrier psychopathe. Lui aussi se regarderait ainsi si c'était la vérité. C'était ce qu'il pensait de Peter, en fait.

- Il a une permission de sortie d'une semaine, répondit finalement l'un des Aurors d'une voix morne.

- Permission ? répéta Sirius, hébété.

Les promenades sur la plage était une chose, la liberté durant une semaine complète en était une autre. Comment se faisait-il qu'il était autorisé à partir comme ça, sans surveillance ? Cet homme était dangereux malgré ce qu'il laissait paraitre.

- C'est un accord entre le précédent directeur de la prison et lui. Tous les ans, il a une permission de sortie la première semaine d'octobre. S'il ne l'a pas, il sort tout seul d'une manière ou d'une autre pour se la faire alors ça a été rendu officiel.

- Et… Il rentre à chaque fois ?

- Oui. Toujours.

Sirius était hébété.

Neah faisait vraiment ce qu'il voulait lors de son incarcération. C'était la première fois qu'il entendait parler d'un tel accord. Mais d'une certaine manière, cela ne l'étonnait pas venant de lui.

- Maintenant, tais-toi, Black.

C'est fredonnant une chanson étrange et enfantine que Neah reparut quelques jours plus tard, escorté par un Auror que Sirius n'avait encore jamais vu. L'homme semblait nerveux, de la sueur coulant le long de son front alors qu'il se tenait à l'écart du comte Millénaire.

Le comte Millénaire est à la recherche

A la recherche de son précieux cœur.

Es-tu le bon ?

Vérifions-le.

Neah ne chantait pas avec la même voix que d'habitude. C'était un timbre très sombre qui donnerait des sueurs froides à quiconque l'entendrait. Même s'il était habitué à l'entendre fredonner, Sirius non plus n'était pas très à l'aise. C'était la première fois qu'il entendait cette chanson mais d'une certaine manière, elle résonnait familière en lui. Comment cela se faisait-il ? Il ne comprenait pas.

Le comte Millénaire est à la recherche

A la recherche de son précieux cœur.

Es-tu le bon ?

Vérifions-le.

- C'est une nouvelle chanson ? demanda Sirius d'un air crispé lorsque Neah se laissa tomber sur son canapé – privilège de comte Millénaire, assurément.

- Mmh ? Oh, celle-là ?

Neah sourit tendrement.

- Non…

Dans son regard, il y avait de la nostalgie.

- C'est… une noah que j'appréciais beaucoup qui l'a inventé.

- Qu'est-elle devenue ?

Pour qu'il parle d'elle au passé…

- Je l'ai tué, évidemment. Je me suis occupé de tous les noahs.

- Même ceux que tu appréciais ?

- Oui. Il le fallait.

Sirius n'en demanda pas plus à ce sujet. Au lieu de cela, il dit :

- Qu'est-ce que tu as fait durant ta semaine de liberté ?

Neah lui jeta un regard en coin, l'air de se demander si cela valait la peine de lui répondre. Il sembla juger que oui puisqu'il lui offrit une réponse.

- Sur la tombe d'Allen. C'est la seule personne qui a une sépulture. Mon frère n'y a pas eu le droit. De toute façon, il n'y avait pas de corps. Cet enfoiré de Marian non plus n'a pas eu droit à une sépulture…

- Comment il était, Allen ?

Neah regarda cette fois-ci le plafond, fredonnant toujours ce morbide air, pensif.

- C'était un idiot. N'importe qui ayant été élevé par Mana et Marian ne peut être qu'un idiot.

- Euh…

- Mais c'était un idiot adorable et très gentil…

Son regard doré s'adoucit.

- Il a tout donné pour la guerre sainte, quand bien même il en a beaucoup souffert. Même lorsque ses alliés l'ont rejeté, il a continué de se battre pour eux. Finalement, cela n'a servit à rien : ils sont tous morts. Tous ceux ayant participé à la guerre sainte sont morts. Ceux qui n'ont pas perdu la vie durant la bataille finale ont été brûlés vifs sur un bûcher par le Vatican.

- Le bûcher expiatoire… murmura Sirius.

Il se souvenait en avoir entendu parler durant ses cours d'histoire.

Après qu'Allen Walker, le destructeur du temps, ait vaincu le comte Millénaire dans un ultime face à face en y laissant la vie, le Vatican s'est complètement retourné contre cet ordre qu'il avait créé. Chaque membre restant brûla vif sur le bûcher pour purger ses péchés – car les armes qu'ils utilisaient était un forme de magie. L'Eglise n'avait jamais aimé la magie. Ils avaient fait la chasse aux sorcières par le passé. Par cette grande exécution publique, ils avaient ni toute implication avec ce qu'ils appelèrent des « sorciers possédés par le Malin ».

Sirius se souvenait avoir été choqué lorsque son professeur particulier le lui avait raconté. Après avoir détruit la vie de ceux ayant participé à leurs magouilles, le Vatican s'était retourné contre eux pur les exécuter. La haine l'avait envahi et il s'était senti si honteux d'être de a même espèce que ces hommes.

- Un jour, les humains périront de ma main, dit simplement Neah. Ils paieront pour leurs péchés.

- Une fois que tu seras libéré ? Dans quatre cent ans ?

Neah fredonna.

- Peut être. Cela peut survenir n'importe quand. C'est ma mission, après tout.

Le silence s'installa.

Deux ans depuis qu'il était à Azkaban, déjà. Deux ans depuis que Lily et James Potter étaient décédés parce qu'il avait accordé sa confiance à une personne aussi froussarde et suspicieuse que Peter. Dire qu'il savait qu'il y avait un traitre dans l'Ordre et qu'il n'avait pas soupçonné un seul instant que ce soit Peter qui n'était pas réputé pour son courage. Comment avait il même pu atterrir à Gryffondor ?

Sirius jeta un regard en direction de Neah. Sans surprise, il ne changeait pas. Imperturbable. C'était comme regarder une photographie. Peu importe l'heure de la journée, cette personne demeurait assise à sa place, fredonnant de temps à autre tandis qu'il remplissait ses carnets. Il ne se levait que le matin pour prendre sa douche et faire sa promenade journalière. Sirius ne l'avait jamais vu dormir. Surement qu'il s'endormait après lui et se réveillait avant lui.

- Qu'est ce que tu en penses, de Voldemort ? demanda t il en posant à côté de lui le journal du jour.

Celui-ci montrait en première de couverture un rassemblement de sorcier à Godric's Hollow, célébrant la chute du mage noir et honorant la mémoire des héros qui avaient rendus cela possible. Il aurait aimé pouvoir rendre hommage à son meilleur ami et sa femme et voir aussi comment se portait son filleul… James l'avait nommé parrain de Harry pour qu'il veille sur lui s'il venait à lui arriver quelque chose.

Sirius avait promis de le faire et le voilà coincé dans une cellule, sans la moindre idée d'où se trouvait cet enfant qui devait avoir fêté ses trois ans il y a quelques mois.

Neah leva les yeux de son carnet et le regarda droit dans les yeux, ses yeux dorés luisant de cet éclat si particulier que Sirius ne parvenait pas à identifier.

- Voldemort ? Je ne sais pas… Je n'y avais encore jamais réfléchi.

- C'est le moment d'y penser. Tu n'as pas grand-chose d'autre à faire, de toute façon !

Neah fredonna.

- Je suppose que oui, en effet.

Sirius esquissa un sourire tandis qu'il aperçut du coin de l'œil les Aurors qui l'observaient comme s'il était une étrange bestiole.

Cela arrivait de plus en plus fréquemment.

Il savait qu'ils se demandaient comment il faisait pour rester sain d'esprit étant donné son voisin de cellule. Sirius savait que Neah pouvait être difficile à vivre s'il le désirait. Avait il mené à la folie ses précédents voisins ? Cela posait la question de pourquoi lui n'avait pas le droit à ce traitement. Le comte Millénaire l'appréciait il ? Sirius n'était pas sûr de vouloir connaitre la réponse.

Combien de personnes, en cent ans, avaient dormi sur son lit ?

- Je pense que Voldemort a un discours noble.

Sirius le regarda avec les yeux écarquillés.

Pourquoi était il même surprit ? Cet homme était un noah. Il avait dû assassiner avec un grand sourire des centaines d'hommes et en plus, il parlait joyeusement de l'extermination prochaine de l'humanité qu'il comptait perpétrer à un moment ou à un autre.

- Oh, ne me regarde pas avec ces yeux là, je te prie. Je n'ai pas dit sue j'encourageais ses projets. Je trouve juste son discours noble. En théorie, peu seraient ceux prêts à sacrifier leur humanité dans le but de mener à bien ce qu'ils estiment être une nécessité pour leur espèce. J'ai vu beaucoup de gens s'effondrer après avoir fait ce qu'ils pensaient être juste – j'en ai poussé quelques uns à la folie, sans vouloir me vanter.

- Donc… tu trouves Voldemort courageux ? demanda Sirius en fronçant les sourcils.

- En théorie, oui. Mais je pense que ce n'était qu'une excuse pour assouvir ses pulsions meurtrières. De belles paroles pour rassembler autour de lui des fidèles. Rien de plus. L'Ordre aussi, était très doué pour ce genre de belles paroles. Ils ont embobiné plein de monde sans aucun remord. Des milliers de personnes sont mortes par leur faute.

Sirius baissa la tête.

Il voyait où il voulait en venir.

- Bien sûr, vous n'y êtes pas vraiment pour grand-chose. Votre espèce est pourrie jusqu'à la moelle. Remettre les compteurs à zéro vous fera le plus grand bien.

Sirius s'abstint de répondre. Il commençait à s'habituer aux commentaires spécistes de Neah. Il n'aimait pas les hommes et ne cherchait pas à le cacher. C'était quelqu'un d'honnête qui ne craignait pas de blesser les autres par ses paroles. Après avoir vécu plus de cent ans, le regard des autres devait peu lui importer.

- Pourquoi tu m'épargnes ? Je me doute que tu n'as pas traité tes anciens voisins aussi amicalement… Tu n'essaies pas de me rendre fou, peu importe à quel point tu sais que je me sens coupable pour la mort de Lily et James.

Neah le regarda longuement sans dire un mot. A tel point que Sirius se sentit embarrassé par l'incandescence de ses pupilles dorées. Il se tortilla avec embarras.

- Tu me rappelles quelqu'un.

- Ah… ?

Était ce une bonne chose ?

Mais Neah ne dit rien de plus, retournant à sa composition du moment.

Nous devons continuer à aller de l'avant

Nous n'aurons plus jamais de temps mort.

Enterre ton désespoir au fond de ton cœur,

Ne laisse rien paraître hormis ta force.

Sirius ferma les yeux et se laissa bercer par la chanson.

Nos ailes nous porteront toujours vers l'avant

Elles ne nous laisseront jamais tomber.

Nous continuerons jamais d'avancer

Jusqu'à ce que nous sauvions le monde.

Il se sentait apaisé, maintenant. La voix de Neah le détendait toujours, lui apportant cette paix intérieure dont il n'osait rêver depuis ce 31 octobre qui avait signé la fin de sa paisible existence.

La fin de son insouciance.

Sirius observa Neah s'asseoir à sa place habituelle, les cheveux encore humides de sa douche. Cette scène était devenue familière. Les habitudes étaient importantes dans ce genre d'endroits. C'était ce qui empêchait de sombrer dans la folie : s'accrocher à un quotidien.

Un Auror arriva en trottinant, les sourcils froncés. Il s'arrêta non pas devant la cellule du noah comme c'était souvent le cas mais devant la sienne. Il tapota sur les barreaux en disant :

- Tu as de la visite, Black.

Sirius se leva d'un bond en entendant cela, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Qui était ce ? Remus ? Remus venait il lui demander ce qu'il s'était passé cette nuit là ? Il se mit debout avec une telle vitesse qu'il en perdit l'équilibre, titubant. Il se rattrapa après le mur derrière lui.

Le visiteur arriva mais ce n'était pas Remus.

Il manqua de s'étouffer avec sa propre salive en voyant sa mère qui l'avait renié il y a des années devant sa cellule. Que faisait elle ici ?

- J'ai demandé ta libération au ministre, fit d'une voix étrangement doucereuse sa mère.

- Ma… libération ? répéta Sirius d'une voix rauque. Mais…

- Regulus a été officiellement déclaré mort.

- Ah…

Ceci expliquait cela.

Maintenant que son frère cadet, le fils parfait, était officiellement reconnu décédé et que son père était mort, il n'y avait plus la possibilité d'engendrer un nouvel héritier pour continuer la lignée. Elle avait besoin de lui, malgré la haine qu'elle éprouvait à son encontre.

Il n'arrivait pas à croire qu'elle de soit rabaissée à une telle chose. C'était tellement impensable.

- J'ai sélectionné quelques candidates dignes de faire partie de notre lignée. Bien sûr, tu n'auras pas ton mot à dire sur le choix. C'est bien peu en comparaison de tout ce qu'exige ta libération.

Sirius pinça les lèvres.

Que devait il faire ?

C'était tentant de sortir de cette prison. Même si la compagnie de Neah étai agréable, il n'aimait pas être enfermé et surtout si c'était pour finir ses jours ainsi. De l'autre, il ne voulait pas vivre comme une marionnette entre les mains de sa mère. Il avait quitté la maison à ses seize ans parce qu'il ne supportait plus cette vie qui lui était imposée et dont il ne partageait pas les valeurs.

- Et Harry ?

Walburga émit un son dédaigneux.

- Ce sang mêlé ?

Sirius pinça les lèvres.

- Oui…

- Il vit chez des parents moldus, aux dernières nouvelles. Cet amoureux des moldus estime qu'il doit vivre en dehors du monde sorcier. Avec sa célébrité, il risquerait d'avoir la tête aussi enflée que celle qu'avait ton ami Potter.

Le visage de Sirius passa du blanc au rouge en quelques secondes. Comment osait elle venir le voir et insulter feu James devant lui ?

- Tu peux te mettre cette demande de libération là où je pense. J'ai quitté la maison pour sortir de ton contrôle obsessionnel. Je ne compte pas y retourner ! La lignée Black, je m'en fou royalement. Elle n'a qu'à s'éteindre ! Ou mieux : transmets tout aux Malefoy et aux Lestrange ! Cette famille est déjà tombée bien basse, après tout !

Il vit sa mère serrer les poings et les dents de rage. Il savait combien ça avait dû mettre un coup à sa fierté de venir le voir pour lui demander une telle chose. Les Black ne revenaient jamais sur leur décision et ne rampaient devant personne. Venir jusqu'ici pour lui proposer de le libérer en échange de sa réintégration à la succession et de la production d'un héritier était le contraire même de cette mentalité. Sirius trouvait cela particulièrement jouissif à voir.

Cette mère qu'il avait tant haït rampait à ses pieds tant elle craignait de voir sa lignée s'éteindre.

C'était pathétique.

- Très bien. Moisis dans cette cellule jusqu'à la fin de tes joues, Sirius ! fit Walburga d'un ton dédaigneux.

Elle lui lança un regard mauvais avant de s'en aller d'un pas rapide, pressée de quitter cette horrible prison.

- Tu ne vas pas le regretter ? demanda Neah avec un léger sourire sur les lèvres. Tu as raté ta chance de te réconcilier avec elle et de sortir d'ici.

Sirius serra les poings.

- Elle n'est plus ma mère depuis le jour où elle m'a jeté dans les rues de Londres avec ma malle et qu'elle a levé sa baguette pour brûler mon nom de la tapisserie familiale, murmura t il.

- Nous, noahs, considérons qu'il n'y a rien de plus précieux que la famille. Unie contre l'humanité tout entière, à jamais.

- Ils pensaient la même chose, les autres ?

Neah baissa légèrement la tête alors que son sourire et ses yeux se mirent à luire d'une tristesse difficilement contenue.

- Ils m'ont haït pour avoir attenté à la vie de Mana. Tout comme ils m'ont haït de les avoir tué. Leur haine était farouche. Je ne sais comment ils réagiront en voyant que je suis devenu le comte Millénaire. Ce sera sûrement quelque chose…

Il tourna la tête sur le côté, regardant le mur à côté de lui d'un air distrait. Sirius comprit que la discussion était close. Malgré tout il dit, à moitié en plaisantant et à moitié sérieux :

- Ce n'est pas si mal de passer le restant de mes jours avec toi, tu sais.

Il se laissa tomber le long des barreaux de sa cellule jusqu'à finir assit par terre, les genoux repliés contre sa poitrine. Il passa ses bras autour de ceux-ci, se forment un bouclier le protégeant du monde extérieur. Il savait qu'il avait fait la bonne chose en refusant la demande de sa mère, alors pourquoi ressentait il cette douleur solide au fond de la poitrine ?

- Tu ne réfléchis pas beaucoup, des fois, constata Neah, toute son attention plongée dans ses habituelles partirions.

Ce devait bien être la seule chose à laquelle il tenait vraiment…

- C'est gratuit ? bougonna Sirius.

- Non. Tu n'as pas songé que si elle te libérait, tu pourrais faire valoir tes droits en tant que parrain et récupérer la garde de ton filleul ?

- Mais elle a dit…

- Qu'Albus Dumbledore l'avait placé chez ses parents moldus parce qu'il ne veut pas qu'il devienne voir son père. Elle n'a près dit que tu ne pourrais pas t'en occuper.

Sirius ouvrit la bouche en O.

Neah secoua la tête, exaspéré par ce manque flagrant d'esprit. Azkaban avait dû lui ramollir le cerveau à force de ne pas s'en servir pour résoudre des questions compliquées.

- Mais je suis con ! s'écria Sirius en s'empoignant les cheveux, dépités. Quel con !

- Je ne te le fais pas dire, fredonna Neah.

Un des Auror renifla dédaigneusement.

- Rêve pas, Black. Même libre, personne ne serait assez fou pour te confier la vie du Garçon Qui A Survécu. T'es un Mangemort et tu le resteras aux yeux de tous, peu importe l'influence de maman.

- Je suis pas un Mangemort ! hurla Sirius, faisant sursauter tous les Aurors.

Il était rare qu'il hausse aussi la voix. Malgré son emprisonnement injuste, il demeurait calme, faisant face à la fatalité avec le courage qui caractérisait si bien les Gryffondor.

Il fronça les sourcils.

- Au fait… elle a bien dit « parents moldus » ?

Neah fredonna distraitement.

- Mais… la seule famille moldue qu'il a, c'est l'horrible sœur de Lily et son mari. Ils haïssent la magie plus que tout au monde. Dumbledore ne peut tout de même pas penser que confier Harry à des gens comme eux est une bonne idée, quand même !

- Je t'avais dis que tu risquerai de regretter de ne pas avoir accepté son offre.

- Pourquoi tu ne me l'as pas dit à ce moment là ?!

Neah leva les yeux de ses partitions et observa calmement Sirius de ses yeux dorés glaçants.

- Ça ne me concerne pas. J'apprécie ta compagnie, c'est tout. Nous ne sommes pas amis ou quoi que ce soit d'autres. Tu prends tes décisions. Les conséquences m'importent peu. N'as-tu pas la vingtaine ?

Sirius serra les dents si fort qu'il les entendit grincer les unes contre les autres. Le regard qu'il posait sur Neah était mauvais.

Comment osait il se moquer ainsi de lui et de la vie de son filleul ? Il était possible que la vie d'un enfant soit en jeu, à l'heure actuelle et lui, il estimait qu'il n'avait pas à lui dire tout ce qu'il savait sous prétexte qu'ils n'étaient pas amis ?

Il se moquait de lui ?

- Quand tu me regardes de cette manière, tu me rappelles Joyd, souffla Neah, un rictus sur les lèvres. Harry Potter va bien.

Cela calma instantanément Sirius.

- Qu…

- Il pourrait avoir une meilleure vie, j'en conviens, mais il ne subit pas de dommages physiques ou mentaux. Il sera peut être un enfant perturbé durant sa scolarité mais rien qui ne soit intraitable. Un suivi psychologique sera suffisant. La médecine actuelle est puissante… peu de choses lui résiste.

Sirius n'en pouvait pas en croire ses oreilles.

- Tu… Est-ce que tu… es allé voir comment se portait Harry ? Pour moi ?

Neah sourit et secoua la tête de gauche à droite.

- J'étais juste curieux de voir à quoi ressemblait celui qui avait vaincu un mage noir aussi puissant que Voldemort.

Les Aurors à l'extérieur de la cellule couinèrent de peur à l'entente du nom tant redouté, regardant partout autour d'eux avec crainte, comme s'ils pensaient que des Mangemorts allaient surgir pour les attaquer sans crier garde.

Mais Sirius n'y prêta pas attention.

Parce que Neah venait de lui donner de brèves nouvelles de son filleul.

Le comte Millénaire ne se fichait pas complètement de lui.

Il savait que Neah était allé voir Harry pour lui également.

Il était heureux de cela.

- Neah…

- Mmh ?

- Merci.

Le noah fit comme s'il n'avait rien entendu. Mais Sirius ne manqua pas la légère rougeur d'embarras qui colora son visage.

Il esquissa un sourire.

Les mots et les souvenirs qui restent gravés dans mon cœur…

Les évènements de ce jour qui approfondissent mes blessures…

Je suis sûr que tout cela est la clé qui me permettra de changer.

Sirius pencha la tête en arrière, les yeux rivés sur le plafond tandis qu'il écoutait la chanson. Il y avait dans son ton une alternance successive de notes fortes et d'autres basses, malgré le tempo rapide. Les syllabes et les mots se succédaient sans s'arrêter. C'était une chanson triste mais teinté d'espérance.

L'espoir d'une vie meilleure.

Sans raison, je ne suis pas aligné sur la ligne de départ

En retenant mon souffle, vous étiez à gauche, mais j'ai choisi le chemin de droite !

Sirius ne s'était jamais vraiment questionné sur ce que Neah ressentait à propos de son enfermement. L'homme paraissait ne pas être dérangé par sa situation actuelle qui durait depuis déjà cent ans. Alors il s'était dit que peut-être, il s'était résigné à son sort et l'acceptait. Neah était le premier à clamer qu'il anéantirait un jour l'humanité. Pour lui, c'était écrit dans le marbre qu'il le ferait tôt ou tard.

Finalement, peut être qu'il regrettait ce qu'il avait fait, ce qui avait mené, d'une certaine manière, à sa détention.

Je ne veux pas que quelqu'un suive la même route,

Pour la première fois, j'ai choisi ce chemin moi-même

Les regrets m'ont ouvert la voie à suivre afin d'échapper à mon passé de lâcheté.

Sirius redressa la tête et tourna la tête sur le côté pour observer les Aurors.

Leurs yeux étaient fermés, attentifs à la chanson de Neah, comme toujours. S'il y avait bien une chose sur laquelle Sirius était d'accord avec eux, c'était à quel point le comte Millénaire était un brillant chanteur, capable d'émouvoir quiconque avec ses mélodies. Il savait toucher la corde sensible de ceux qui prenaient la peine de l'écouter. C'était ce trémolo dans sa voix, cette manière d'alterner entre murmure et cris du cœur… Neah ne parlait pas beaucoup de lui mais ses chansons étaient comme un libre ouvert sur sa vie et ses émotions.

C'est ma seule clé.

Je suis là,

Les yeux rivés sur le futur.

La dernière syllabe résonna longtemps dans le couloir, comme le murmure continu d'un fantôme.

- Tu étais le noah de quoi, avant de prendre la place de Mana en tant que comte Milleénaire ?

Neah eut un sourire nostalgique alors qu'il disait du bout des lèvres :

- J'étais le musicien.

- Musicien ?

Neah fit un geste vague de la main.

- Je contrôlais le déplacement de notre quartier général, le modelait selon mes envies, ouvrait des portes vers les lieux pour que les noahs puissent faire ce qu'ils avaient à faire… Ce genre de choses.

- Ça ne ressemble pas au travail d'un musicien, remarqua Sirius.

- Le quartier général – l'Arche – est contrôlé par un piano.

- Oh.

Cela expliquait le titre de son travail.

- Tu aimais bien ?

Le noah haussa les épaules.

- Je suppose. Je n'appréciais pas vraiment affronter les exorcistes. Je craignais toujours de tomber sur Marian ou Maria.

C'était bien la deuxième fois qu'il entendait parler de ce « Marian », cinq ans après qu'il soit devenu le voisin du comte Millénaire. Allen et Mana revenaient parfois durant leurs conversations. Neah semblait éprouver beaucoup d'attachement pour ces deux là.

Il fallait dire que l'un était son frère jumeau et l'autre son neveu. Même si les noahs semblaient se considérer comme une famille, ces deux la restaient sa véritable famille, celle avec laquelle il avait partagé bien plus que le désir d'annihiler l'humanité.

- Marian ? Et… Maria ?

- Des exorcistes ? supposa Sirius.

Étant donné qu'il avait parlé d'affronter des exorcistes juste avant de les mentionner, cela lui semblait être la théorie la plus probable.

- Oui… Marian était un adolescent fraîchement embarqué dans la guerre sainte lorsque je l'ai rencontré. C'était un idiot. Il voulait être prêtre depuis son plus jeune âge alors je te laisse imaginer son égo et sa joie lorsqu'il s'est révélé être choisi par leur dieu stupide pour servir de chair à canon. Un privilège, disait il. Il voulait purifier le monde de ses impuretés et répandre la parole de Dieu sur la terre. Il aurait été ravi de faire les Croisades, à une autre époque.

- Euh…

Neah agita la main.

- De l'histoire moldue.

- Ah…

Sirius n'avait aucune idée de ce qu'étaient ces fameuses croisades mais il supposait que cela avait un rapport avec le fait de répandre la parole de Dieu à tout le monde.

- Il s'est attaqué à toi, quand vous vous êtes rencontrés ?

Neah le fixa avec des yeux ronds avant qu'un sourire ne se trace lentement sur ses lèvres. Puis, un ricanement lui échappa. Suivi de plusieurs autres. Qui se transformèrent en un fou rire incontrôlable, à la surprise de Sirius qui le voyait ainsi pour la première fois.

Il ignorait même que Neah était capable de rire ainsi !

- Bien sûr que non ! s'exclama Neah en essuyant les larmes de rire qui perlaient au coin de ses yeux. Je te l'ai dit : c'était un imbécile. Il s'est donné la mission de me remettre dans le droit chemin, bien sûr. Il me prêchait la bonne parole avec un dévouement comme je n'en avais jamais vu auparavant. Il était persuadé que le comte Millénaire et les noahs étaient des brebis égarées qu'il fallait remettre dans le droit chemin et qu'en tant qu'apôtre de Dieu, c'était là sa mission. Son égo surdimensionné lui disait que lui réussirait où tant d'autres avaient échoué.

- Cela vous a rapproché ?

Neah hocha la tête.

- D'une certaine manière. Il a estimé qu'apprendre à me connaître l'aiderait à me remettre sur le droit chemin. Il s'est révélé être un bon ami… Mais à mesure que la guerre progressait et prenait de l'ampleur, à mesure que l'Ordre s'enfonçait dans les ténèbres, son cœur était saisi par le doute : était il dans la vérité ou avait il été berné ? Les noahs avaient ils finalement raisons lorsqu'ils proclamaient que son dieu n'était pas le bon ? La guerre nécessite d'employer les grands moyens. On ne peut la gagner en restant entièrement pur. Il faut se salir les mains à un moment ou à un autre. L'Ordre a fait beaucoup de sacrifices durant les cinquante dernières années de guerre, enchainant les recherches, brisant toujours plus les tabous. La goutte de trop pour Marian fut les exorcistes de deuxième génération.

- Deuxième génération ?

- Une magie de l'âme très sombre. Prélever l'âme pour l'implanter dans des corps artificiels dans le but de transmettre la compatibilité à l'Innocence, la substance divine avec laquelle les exorcistes se battaient.

Sirius se sentir nauséeux à l'entente de cette possibilité.

Même chez les sorciers, la magie de l'âme était un grand tabou auquel personne n'osait toucher. C'était la plus sombre des magies qui soient et certainement la plus périlleuse. Comment l'Ordre, qui était censé être le bon côté de la guerre, le côté de la Lumière, avait pu se lancer dans de telles expérimentations ? Il n'en croyait pas ses oreilles.

- Marian estimait qu'il fallait laisser les soldats reposer en paix. Ils avaient suffisamment souffert et méritait le repos éternel. De plus, les humains n'étaient pas autorisés à créer la vie. C'était le privilège de Dieu. La créer, c'était se prendre pour lui.

- Qu'a-t-il fait ?

- Il s'est détourné de l'Ordre. C'est à la même période que Mana a commencé à perdre l'esprit, à se laisser ronger par la mémoire du comte Millénaire. Nous avons décidé de faire une coalition et de réunir des partisans à notre cause : libérer Mana de l'emprise de sa mémoire. Étant son jumeau, j'étais capable d'endosser ce rôle et je m'estimais suffisamment fort pour le garder sous contrôle – cela s'est confirmé par la suite puisque cent ans plus tard, sa mémoire ne m'a toujours pas rongé. Il y a eut quelques mésaventures mais finalement, nous avons triomphé.

- Et… l'Ordre a fini par payer pour ses péchés, n'est ce pas ?

Neah le regarda avec curiosité.

- Je veux dire… Tous ses membres ont été exécutés par l'Eglise, non ?

- Oui… oui, c'est vrai. L'Ordre a payé pour ce qu'ils ont fait. Mais des innocents aussi, ont péri. Mais il y avait aussi des innocents, dans le lot, je le reconnais. Beaucoup d'exorcistes ont été forcé à entrer dans cette guerre. Certains ont été enfermé durant des années, attachés à leur lit jusqu'à ce qu'ils cèdent au dogme de l'Ordre. D'autres sont morts dans d'atroces souffrances dans l'espoir de forcer l'Innocence a accepter des compatibles.

- Qu'est il arrivé à Allen et Marian ? Ont-ils été… exécutés ?

Étant donné comment Neah semblait tenir à eux, il doutait qu'il les aurait laissé finir sur un péché pour payer des crimes qu'ils n'avaient pas commis.

- Allen a été exécuté par l'Ordre à cause de son affiliation avec moi. Il s'était enfui quelques mois plus tôt et ils ont fini par le rattraper. Déserter est un lourd péché, surtout lorsqu'on est suspecté d'être de mèche avec le comte Millénaire… Marian se faisait passer pour mort depuis longtemps, à ce moment là – sa spécialité, il a toujours été doué pour leur échapper. Alors quand l'Eglise s'est retourné contre l'Ordre, ça n'a pas changé grand-chose à son quotidien. Il a trinqué à la justice, entouré de femmes.

- Euh… Il ne voulait pas être prêtre ? demanda Sirius, surprit.

- Je pense qu'il essayait de se donner un genre plus qu'autre chose. C'était sûrement un moyen de montrer à l'Ordre son désaccord avec leurs méthodes. Il a toujours été très puéril…

Neah soupira.

- Il a juste fini par miroir de vieillesse à un moment donné. Sur le coup, c'était étrange parce qu'il m'a toujours paru être increvable. J'avais l'impression que peu importe le temps qui s'écoulait, je pourrai toujours compter sur lui pour m'aider dans mes plans foireux. Quel idiot… De toute façon, il était exaspérant au possible. Il n'arrêtait pas de me filer ses interminables dettes sous prétexte que j'étais un Campbell…

Malgré ce qu'il disait, Sirius entendait dans sa voix toute l'affection que Neah avait eu par le passé pour cet homme au comportement bien étrange. Il lui avait fait confiance et s'était appuyé sur lui à de multiples reprises, sans la moindre hésitation. Pour un noah, ce devait être quelque chose de pouvoir tourner le dos en toute sérénité à un exorciste, sans jamais douter de sa bonne foi ni de sa sincérité.

Qu'avait il pu ressentir en constatant le décès de cette personne ? De celle qu'il pensait avoir pour toujours à ses côtés ? Sirius pensait que James serait toujours à ses côtés, lui aussi. Pourtant, le destin en avait décidé autrement et il s'était laissé consumer par la rage et le désir de revanche. Voilà où ça l'avait mené…

Neah avait il cherché à venger la mort naturelle de cet homme ? En avait il voulu à la terre entière ?

Sirius l'ignorait.

Tout ce qu'il pouvait faire, c'était constaté l'amertume dans la voix du comte Millénaire, le fait que l'humanité n'avait pas été décimée également.

Il fallait croire que Neah avait plus de contrôle que lui sir ses émotions.

Il fronça les sourcils.

- Attends… Tu as dit « Campbell » ?

D'habitude, il n'était pas du genre à se préoccuper des noms de famille mais ayant été élevé comme héritier de la grande maison des Black, il connaissait cette singulière lignée.

- Les Campbell qui descendent de l'ancienne royauté sorcière anglaise ?

Neah esquissa un sourire amusé. Sa lignée ne semblait pas être un sujet tabou pour lui.

- Oui… Étant donné ton affiliation, je pensais que tu aurais plutôt évoqué cette théorie selon laquelle nous sommes les descendants du dernier roi sorcier qui fut exécuté lors de la guerre contre les moldus – une théorie populaire chez les sorciers. Mais soit !

Sirius avait entendu cette théorie mais l'avait toujours considéré comme étant ridicule. S'il restait des descendants de la famille royale, cela aurait fait longtemps qu'ils auraient reprit la place qui leur revenait de droit plutôt que de laisser un ministre pas forcément qualifié régner sur la communauté sorcière de Grande Bretagne, prenant des décisions en fonction de la valeur des pots de vins qu'il recevait.

- C'est une théorie valable ? demanda Sirius, curieux.

Neah haussa les épaules.

- J'ai les gènes d'Adam, le premier apôtre. Je n'ai de Campbell que le nom. Leur sang ne coule pas dans les veines. C'est un sang plusieurs fois millénaires qui y circule.

Il était vrai qu'en tant qu'héritier de la mémoire noah, la « pureté » de son sang était incontestable. Tous les humains, qu'ils soient sorciers ou moldus descendaient d'eux. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait proclamer avoir le sang pur, c'était lui. Il n'avait aucune impureté. C'était l'essence même de l'humanité, celle qui avait permis à la vie de se reconstruire après le fameux Déluge qui lava la terre des péchés des hommes.

- Tous les noahs sont des sorciers ? demanda Sirius, curieux.

- Non. La chance qu'on noah s'éveille dans un sorcier est la même que pour un moldu. On s'éveille en tant que tel parce qu'on a ses gènes. Tous les humains ont les gènes noahs en eux mais ils ne s'éveillent pas forcément. Ce n'est que du hasard, rien de plus. Certains parleront de malchance…

Sirius trouvait que Neah était très bavard sur sa vie privée, aujourd'hui. D'habitude, il évitait habilement le sujet. Il se demandait ce qui avait pu faire changer d'avis cet homme d'une manière aussi soudaine.

C'était peut-être l'occasion d'en apprendre davantage sur lui.

- Est-ce que des noahs se sont éveillés depuis que tu es devenu le comte Millénaire ?

Neah secoua la tête, les yeux fixés sur un point invisible, devant lui.

- Aucun. Quand il arrive quelque chose au comte Millénaire, il n'est pas anormal qu'il y ait une période de latence. Ils sont là pour m'aider à amener les trois jours de ténèbres. Si je ne suis pas prêt à le faire, c'est inutile pour eux de s'éveiller. De plus, en les tuant, j'ai une nouvelle fois beaucoup endommagé leur mémoire. Il leur faut du temps pour s'en remettre.

- Est-ce que ça signifie que tu attends qu'il soit à tes côtés pour détruire l'humanité ?

Neah fredonna.

- Je suppose qu'on peut dire cela, d'une certaine manière… Depuis que j'ai pris ce rôle, je passe mon temps à attendre. Cela finira bien par payer un jour ou l'autre.

Après cela, Neah ne prononça plus un mot, prit dans un silence contemplatif. Il semblait avoir beaucoup de choses à penser pour quelqu'un qui avait déjà passé cent ans enfermé ainsi.

Sirius aurait donné cher pour en connaitre ne serait ce qu'un cinquième.

- Ta mère est morte, lui dit un jour Neah en lui tendant le journal du jour.

Sirius le prit distraitement, comme il avait l'habitude de le faire tous les matins.

L'avantage d'avoir Neah comme voisin de cellule, c'était qu'il pouvait se tenir informé au jour le jour de l'avancée de la communauté sorcière. Il savait précisément ce qu'il se passait dans le monde et en était ravi. Il n'aurait pas aimé être entièrement déconnecté du monde.

Ce journal lui donnait l'impression qu'il était normal et il aimait cela.

La mort de Walburga Black était sur la une. Depuis la défaite de Voldemort, rien de spécialement intéressant se passait. Le décès du dernier membre viable de la maison des Black était une nouvelle d'une grande importance. C'était la chute d'une maison venue de France il y a de cela plus de six cent ans. Une maison de sang pur, qui plus est. Comme le disait l'article, il restait lui, Sirius Black. Mais en plus d'avoir été rayé de la lignée familiale, il était à emprisonné à perpétuité à Azkaban. Pas très idéal pour faire circuler le sang Black.

C'était étrange mais entendre parler de la mort de sa mère ne le rendait pas aussi heureux qu'il l'aurait cru. En fait, il ressentait ce pincement dérangeant à la poitrine.

- Je t'avais dis que tu regretterai d'avoir refusé son offre, fit Neah en constatant sa mine triste. La famille reste la famille, peu importe à quel point on peut la détester. J'ai haï les noahs. Leur mort m'a anéanti.

Sirius refusait d'admettre qu'il ressentait de la tristesse ou des remords pour cette femme qui avait pourri son adolescence avec son obsession du sang pur. Elle avait été son pire cauchemar et Sirius se souvenait encore de la douleur du Doloris qu'elle lui avait jeté le jour de son départ dans l'espoir de le « raisonner ». Cette femme ne connaissait que la violence.

Il serra les dents, chassant de son esprit les souvenirs d'avant Poudlard, avant qu'il ne devienne une déception. Avant, c'était une mère aimante.

Cela faisait longtemps que ce n'était pas le cas.

- Je pense que malgré tout, elle se souciait de toi, Sirius, dit Neah. Si elle te détestait vraiment, elle ne serait pas venue jusqu'ici pour te proposer de te sortir de prison. Sa fierté a sûrement trouvé le prétexte d'engendrer un héritier pour poursuivre votre lignée.

- Tais toi, Neah, grinça Sirius.

Neah n'ajouta rien de plus. Au lieu de cela, il se mit à chanter.

Ainsi le petit garçon sombra dans un profond sommeil

Entouré par les flammes dont il respirait les cendres

Une par une, s'élevant et grandissant

Des milliers de rêves flottent au dessus de la terre

Ces rêves.

Ces doux rêves.

La nostalgie que transmettait cette chanson était agréable aux oreilles de Sirius.

Il aurait tant aimé que ce ne soit pas le cas. Qu'il soit insensible à la situation.

Il voulait ne plus rien ressentir, ne penser à rien. Se laisser emporter par cette chanson, loin de tout.

Dans la nuit, alors que les yeux argent frissonnent

Tu es né dans une lumière éclatante

Même si des centaines de milliers d'années passent

Peu importe le nombre de prières retournant à la Terre

Je continuerai à prier

S'il te plaît, délivre ce message d'amour

Joignons nos mains et embrassons-nous...

La seule chose qui le rendait heureux, c'était qu'il était maintenant le dernier Black et donc, que leur fortune lui appartenait. S'il venait à mourir, Harry hériterait de tout en tant que son filleul et celui qu'il avait désigné comme son héritier. Avec sa fortune et celle des Potter réunis, il n'aurait jamais besoin de travailler de toute sa vie.

Il aimerait tant voir Harry…

Cela faisait déjà sept ans qu'il était enfermé dans cette cellule. Sept années durant lesquelles il n'avait pas pu faire plus que quelques pas étant donné qu'elle ne faisait pas plus de cinq mètres carrés. Il lui arrivait de faire les cent pas malgré l'étroitesse du lieu, principalement pour se dégourdir les jambes et essayer de garder ne serait-ce qu'un peu la capacité de marcher. Il ne voulait pas que ses muscles s'attrophient. Il avait déjà perdu beaucoup de la masse musculaire qu'il avait à Poudlard, fruit de ses entrainements de Quidditch en tant que batteur dans l'équipe de Gryffondor. Il avait occupé ce poste de sa troisième année jusqu'à sa septième année.

A l'origine, c'était parce que James semblait beaucoup s'amuser en tant que poursuiveur et que cela avait un côté frustrant de le voir filer régulièrement à l'entrainement, sans lui. D'autant plus que cette année là, Regulus faisait sa deuxième année en tant qu'attrapeur dans l'équipe de Serpentard – il avait été un excellent attrapeur, volant à de multiples reprises la victoire aux Gryffondor. Quand ce n'était pas le cas, c'était parce que James avait trop creusé l'écart pour qu'un vif d'or fasse obtenir la victoire. Regulus avait laissé filé bien peu de vif d'or durant toutes les années où il avait été en poste.

Sirius détestait l'admettre mais c'était aussi à cause de lui qu'il avait ce palmarès. En tant que batteur, il s'était donné un point d'honneur à ne jamais viser son frère ce qui faisait qu'il n'y avaient pas beaucoup d'obstacles pour se dresser sur sa route. Durant la première année où son frère avait été attrapeur, il avait eut suffisamment de sueurs froides en le voyant être dans la ligne de mires de ses camarades Gryffondor. Il avait même fini à l'infirmerie durant deux jours, une fois. Avec lui en tant que batteur, il ne s'était plus jamais prit un seul cognard. Au début, ses camarades lui en voulaient pour cela. Mais ils avaient fini par accepter que Sirius ne changerait pas d'avis et, malgré tout, il était excellent à son poste. Les membres de son équipe ne se prenait jamais quoi que ce soit grâce à lui. Il avait toujours été très énergique et cela avait été mis à contribution pour le Quidditch.

Qu'est-ce qu'il aimerait pouvoir sortir un peu dehors. Sentir le souffle du vent par la minuscule fenêtre de sa cellule lui était insuffisant. Il avait besoin de respirer un peu. C'était bien trop étouffant.

Il jeta un coup d'œil vers Neah.

Il avait bien de la chance de pouvoir sortir une semaine une fois par an, lui ! Cela devait l'aider à accepter ses siècles à venir d'emprisonnement.

Il aurait apprécié avoir ce même passe droit mais étant donné que tout le monde pensait qu'il était le bras droit de Voldemort, ce n'était même pas la peine d'en rêver. Comment ils pouvaient penser cela après tout ce qu'il avait fait durant sa scolarité pour qu'on ne le compare plus à sa famille extrémiste et raciste ? N'avait-il pas suffisamment montré qu'il était différent des autres Black, qu'il méritait leur confiance ?

Il fallait croire que quoi qu'il fasse, il serait suspecté. Jamais on ne lui accorderait le bénéfice du doute. Si ça avait été Peter, il l'aurait eu. On lui aurait accordé le droit d'être jugé plutôt que d'être expédié ainsi à Azkaban. Pour la communauté sorcière, il demeurerait à jamais Sirius Black.

La vie était injuste.

- Dis…

Neah leva les yeux du dessin de champ de blé sur lequel il était depuis déjà trois jours pour le regarder.

Il était intéressant que la nuance doré dans son regard était la même que celle dans son dessin.

- Tu as mentionné, il y a longtemps, que tu avais obtenu tes droits parce que sinon tu les obtenais de toi-même en sortant de ta cellule…

- Oui ?

Neah pencha la tête sur le côté, curieux de voir où il voulait en venir. Ou peut être qu'il savait déjà ce qu'il allait dire mais était curieux de la manière avec laquelle il allait la formuler.

- Mais comment tu fais pour sortir de cette cellule ? C'est l'endroit le plus protégé que j'ai jamais vu. Il suffit de voir toutes les runes restrictives et anti-magie qu'il y a tout autour.

- Oh. Eh bien, je suis le musicien de l'Arche.

Sirius se souvint que « l'Arche » était la manière de Neah d'appeler le quartier général des noahs.

- D'accord ?

Mais il ne voyait pas le rapport entre le fait d'être le musicien et de pouvoir sortir de sa cellule.

C'est là qu'il remarqua une agitation du côté des Aurors. Celui qui était le chef du petit groupe murmurait rapidement et avec un ton presque paniqué des instructions à ses camarades.

Neah esquissa un sourire sadique qui donna des frissons à Sirius.

- Laisse moi donc te montrer, Sirius.

Il se leva.

- Je vous demanderai de ne pas faire cela, comte Millénaire, dit l'un des Aurors d'une voix autoritaire en sortant sa baguette pour la pointer sur lui.

Mais Neah fit comme s'il n'avait rien dit.

Il fit craquer ses doigts avec une lenteur mesurée, son sourire s'agrandissant lorsque le chef du groupe d'Aurors qui montaient la garde dit à ses collègues :

- Sortez vos bouchons d'oreille et enfoncez les profondément !

- C'est inutile, rit Neah.

Sa voix était douce et voluptueuse.

Les touches noires et blanches d'un piano apparurent devant lui et aussitôt, il se mit à jouer les premières notes d'une mélodie qui semblait bien familière aux oreilles de Sirius.

Les Aurors avaient sortis des bouchons d'oreille, mais ils ne furent pas assez rapides. La voix de Neah commença à résonner dans tout le couloir avec une force et une puissance comme il n'en avait encore jamais vu. La mélodie familière que le noah avait l'habitude de chantonner commença.

Ainsi le petit garçon sombra dans un profond sommeil

Entouré par les flammes dont il respirait les cendres

- Ne lui laissez pas le temps de vous affecter avec sa musique !

Une par une, s'élevant et grandissant

Des milliers de rêves flottent au dessus de la terre

Avec surprise, Sirius vit les Aurors commencer à basculer de gauche à droite, soudainement prit de fatigue. Ils s'appuyèrent contre le mur derrière eux en se tenant la tête, les sourcils froncés.

Ces rêves.

Ces doux rêves.

Sur ces mots, ils s'effondrèrent tous au sol, endormit.

Le piano sous les doigts de Neah disparu puis des milliers de cristaux blanc brillant d'une incroyable lumière comme Sirius n'en avait jamais vu sortirent de nulle part, formant une étrange forme dépassant la taille d'un humain. Une autre apparue à l'extérieur de la cellule, non loin de là où se trouvaient les Aurors endormit.

Neah s'approcha de l'étrange forme lumineuse qui était dans sa cellule et la traversa, ressortant par celle de l'autre côté des cellules, comme si de rien n'était.

- Le musicien est capable de l'Arche sans limites. Je peux donc ouvrir des portes me permettant de voyager n'importe où dans le monde. Bien sûr, il est préférable que je me sois déjà rendue sur les lieux car autrement, il est possible que j'en ouvre une dans le vide – ce qui peut s'avérer assez problématique, je dois dire.

Sirius ne pouvait pas croire qu'une telle magie existe. Mais il n'aurait pas dû être surprit. Neah avait hérité de toute la mémoire des premiers sorciers ayant foulé cette terre. Leurs connaissances en magie devaient être incroyables et bien plus évoluées que les leurs. Beaucoup de savoir avait dû se perdre avec le temps.

- C'est incroyable… murmura-t-il en observant les deux portes lumineuses d'un regard avide.

Etait-ce là le moyen pour lui de sortir ? Neah le laisserait-il utiliser ces portes pour s'enfuir d'Azkaban ?

- Tu aimerais quitter Azkaban, n'est-ce pas ? demanda Neah.

Sirius ne put s'empêcher de hocher la tête avec beaucoup d'entrain.

- Je peux comprendre cela. Cet endroit est étouffant. Je pense que tu as suffisamment payé pour ce crime que tu n'as pas commis, Sirius. Néanmoins, il faut que tu comprennes que partir d'Azkaban, c'est devoir vivre une vie de fugitif. Tu seras recherché dans tout le pays, traqué come une bête. Tu n'auras plus jamais la chance d'être innocenté. Tu ne pourras pas avoir la garde de ton filleul, de ce fait.

- Je trouverai un moyen d'être reconnu coupable, dit Sirius avec véhémence, son regard ne quittant pas la porte.

Neah soupira.

- Soit. Il faut que tu trouves Peter Pettigrow. Si tu le trouves et que tu convaincs quelqu'un de le montrer au ministère, cela suffira à prouver ton innocence. S'il était innocent, avec toi à Azkaban, il ne risquerait rien. Le fait qu'il se fasse passer pour mort est une preuve en soit. Tu comprends, Sirius ? Tu dois attraper Pettigrow et non le tuer.

- Attraper le sale rat… marmonna-t-il. Bien, compris.

Neah esquissa un sourire.

Une porte apparue dans la cellule de Sirius, l'éblouissant.

- L'emprisonnement sera moins amusant avec toi loin d'ici mais quelque chose me dit que ta fuite va amener de la distraction.

Des larmes se mirent à couler aux coins des yeux de Sirius.

Il ne pouvait pas croire qu'après toutes ces années, quelqu'un lui offrait une possibilité de fuite. La possibilité de prouver son innocence. Cela prendrait du temps, il le savait, mais il ne perdrait pas espoir.

Une fois acquitté, il pourrait tenir la promesse qu'il avait faite à James lorsqu'il avait accepté d'être le parrain de son fils : prendre soin de lui s'il venait à arriver quelque chose à sa femme et lui.

- Cette porte te mènera à Londres. Harry Potter vit dans une petite ville du nom de Little Whinging chez une famille portant le nom de Dursley.

Sirius hocha la tête.

Il parvint à décrocher son regard de sa porte de sortie pour le poser sur Neah qui se tenait toujours de l'autre côté de leurs cellules. Il lui fit le sourire le plus sincère qu'il ait jamais fait depuis son entrée à Azkaban.

- Neah, merci beaucoup. Je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour moi. Est-ce que tu… Viendras-tu me voir lors de tes sorties ?

Neah le regarda d'un œil vide.

- Non. Je te recommande d'oublier mon existence, Sirius Black, et d'espérer ne jamais croiser ma route. Partout où je passe, je sème la mort et la destruction. Tout ce qui tombe entre mes mains est réduit à néant.

Sirius ressentit un pincement au cœur face au rejet de cet ami qu'il n'aurait jamais soupçonné se faire dans un tel lieu.

- Je ne peux pas faire cela, Neah. Nous avons été voisin durant sept ans. Nous sommes amis, peu importe ce que tu souhaites croire. Même si c'est dangereux, j'aimerai te revoir lorsque je serai dehors. Ce n'est pas un adieu, c'est juste un au revoir, d'accord ?

Il croisa une dernière fois ce regard doré à la lueur si particulière et franchit la porte de l'Arche, un pincement au cœur malgré la liberté à laquelle il pouvait à présent goûter.