CHAPITRE 16

Charlotte entra dans la maison et posa sa tasse de thé sur le comptoir avant d'enlever ses bottes à la hâte et de se débarrasser de sa veste, qui se balançait distraitement sur le portemanteau. Elle ne lui accorda pas une seconde d'attention lorsqu'elle tomba sur le sol en un tas froissé, l'esprit trop occupé par une vague d'émotions.

Merde ! Elle se maudit mentalement. Pourquoi lui avait-elle avoué une telle chose ? Pourquoi ?

La peur se logea au creux de son estomac comme une sphère glacée à l'idée du refus qui ne manquerait pas de survenir. Elle avait déjà affronté son fameux courroux une fois et Charlotte n'avait pas envie de revivre cela, sans parler de sa rebuffade. Thranduil devait la considérer comme une enfant stupide pour avoir ne serait-ce qu'effleuré l'idée qu'ils pourraient être ensemble de cette façon ! À quoi avait-elle bien pu penser en lançant une telle invitation ?

L'anxiété se répandit dans ses veines et Charlotte eut soudain envie de fuir, et sa chambre était à peu près la seule option qui s'offrait à elle pour l'instant. Sans hésiter, Charlotte s'élança dans les escaliers comme un chat effrayé, ne ralentissant qu'une fois arrivée sur le palier supérieur. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour s'assurer que Thranduil ne la poursuivait pas et fut soulagée de ne voir aucun signe de sa présence.

Alors qu'elle passait devant la porte de Thranduil, quelque chose attira son attention du coin de l'œil. Charlotte jeta un coup d'œil à l'intérieur, s'arrêtant lorsqu'elle remarqua le carnet de croquis posé sur le lit bien rangé de Thranduil. Le carnet était ouvert et le crayon de graphite reposait au milieu de la page, attendant manifestement son prochain projet.

Mais c'est l'image qui se trouvait sous le crayon qui provoqua sa pause contemplative. Charlotte entra dans la pièce à pas prudents, comme si elle pénétrait dans une demeure sacrée, et se dirigea vers le lit.

Son souffle se bloqua dans sa gorge et son pouls s'accéléra lorsque l'image devint plus claire : il s'agissait d'un dessin d'elle.

Charlotte fronça les sourcils en regardant l'image qui avait été dessinée avec art et beauté - plus belle que ce qu'elle était en réalité, pensa-t-elle. Le soin que Thranduil avait mis à la dessiner ne laissait aucun doute, jusqu'aux légères taches de rousseur qui parsemaient son nez et ses joues. Mais ce qui lui coupa le souffle, c'est qu'il s'agissait manifestement du tableau sur lequel elle était tombée hier, pensant qu'il s'agissait d'un dessin de la femme de Thranduil. Elle passa le bout de son doigt sur les traits de crayon. C'était presque comme si Thranduil avait mis toute son âme dans la création de cette image, et il n'y avait aucun doute dans son esprit que c'était ainsi qu'il la voyait vraiment : quelqu'un de valable et de beau. Les larmes lui montèrent aux yeux en réalisant cela.

- Je l'ai terminé hier soir, dit Thranduil derrière elle.

Charlotte se retourna, le cœur battant la chamade dans sa poitrine, et fixa le roi des Elfes. Thranduil se tenait dans l'embrasure de la porte, de toute sa taille imposante, ses vêtements sombres contrastant avec le blanc pur de ses cheveux qui pendaient sur ses épaules comme de la soie finement filée. Son visage était un masque magnifiquement sculpté, tandis qu'il jaugeait soigneusement la réaction de la jeune femme.

- Je l'ai vu hier. Je pensais que tu dessinais ta... femme, marmonna Charlotte en reportant son regard sur le dessin.

Il y eut une longue pause et Charlotte jeta un coup d'œil vers lui. Thranduil la fixait d'un regard si pénétrant qu'elle détourna rapidement les yeux, incapable d'affronter pleinement son regard.

- Tu es celle qui occupe mes pensées ces derniers temps, Charlotte, admit-il doucement.

Charlotte s'arrêta, se demandant si elle avait bien entendu, et releva lentement son regard pour rencontrer le sien. Ses traits ne révélaient rien d'autre qu'une toile blanche.

- Que veux-tu dire exactement, Charlotte ?

Charlotte se figea, se sentant soudain prise au piège. C'était le moment de vérité, le moment où elle devrait faire face aux conséquences de ses actes, ou dans ce cas, de ses paroles. Et elle devrait également faire face à son rejet. Soudain, Charlotte eut très peur.

Son regard se porta sur la porte d'entrée que Thranduil bloquait. Il n'y avait pas d'issue. Thranduil, remarquant la nervosité de son regard, s'écarta.

- Je ne t'empêcherai pas de t'échapper, mais j'ai besoin de savoir.

Charlotte déglutit difficilement, une boule se formant dans sa gorge. Elle ne put empêcher le léger tremblement qui parcourut son corps.

- Que veux-tu dire ? Insista Thranduil.

- Rien, murmura-t-elle en croisant les bras sur son ventre. Ce n'était... rien.

Thranduil s'approcha d'elle d'un pas, remarquant la peur qui brûlait maintenant sur son visage. Il était évident que Charlotte avait une peur bleue, mais pourquoi ? Elle n'avait sûrement pas peur de lui ? Il rejeta instantanément cette idée comme étant ridicule. Cela signifiait donc qu'elle avait peur de sa... réaction. Thranduil était tenté de la laisser tranquille, car il n'aimait vraiment pas l'idée de lui causer une telle détresse, mais il avait désespérément besoin de savoir et il ne lâcherait pas l'affaire tant qu'il n'aurait pas toute la vérité.

- Ne me mens pas, Charlotte. Je pensais que c'était claire pourtant, les contrevérités ne marchent pas sur moi.

Ses yeux s'écarquillèrent. Elle avait oublié qu'il savait reconnaître ses mensonges.

- S'il te plaît, Thranduil. Laisse tomber, supplia-t-elle.

Thranduil s'approcha encore d'un pas, ses yeux la transperçant, cherchant des réponses qu'elle n'était pas disposée à donner, ou qu'elle ne voulait pas donner.

- Non, Charlotte. Je dois savoir.

Charlotte détourna le regard, son pouls s'accélérant frénétiquement.

- Réponds-moi, Charlotte. Sa voix était basse et douce, mais il n'y avait pas d'erreur sur l'ordre qu'il donnait.

- Je ne peux pas, murmura-t-elle.

- Pourquoi ? Thranduil se tenait maintenant juste devant elle. Il n'aurait pas fallu grand-chose pour réduire la distance, mais Thranduil se retint prudemment.

- Parce que... j'ai peur.

- De quoi ?

Charlotte secoua la tête, ses cheveux bruissant sous l'effet du mouvement.

- As-tu peur de moi ?

- Non.

- Alors quoi ?

- Ton refus ! dit-elle en bloquant sa main sur sa bouche, le regardant avec des yeux écarquillés qui montraient clairement le choc qu'elle ressentait à cet aveu.

Thranduil pencha la tête sur le côté, la regardant avec un petit froncement de sourcils.

- Qu'est-ce qui te fait penser que je te rejetterais ? demanda-t-il finalement.

Charlotte laissa tomber ses mains, baissa la tête et répondit d'une petite voix :

- Pourquoi ne le ferais-tu pas ? Je veux dire, regarde-moi.

Comparée aux perfections des elfes, Charlotte savait qu'elle n'était rien d'autre qu'une humaine mal fagotée qui ne pourrait jamais se comparer ou rivaliser, et elle n'avait certainement aucune chance avec Thranduil.

Le bout de ses doigts sous son menton guida doucement son regard vers le haut, jusqu'à ce qu'elle soit obligée de le regarder. Au lieu de voir une froide insensibilité, il n'y avait que de la lumière et de la chaleur qui illuminaient ses traits avec sincérité, faisant briller ses yeux bleus comme des pierres précieuses.

- Je te regarde, Charlotte, murmura-t-il. Sais-tu ce que je vois ?

Charlotte déglutit difficilement, incapable de détacher ses yeux de son regard hypnotique.

- Je vois la personne que tu es vraiment, Charlotte. Le feu qui brûle en toi est si intense qu'il est inextinguible, et vraiment magnifique à regarder.

Charlotte se mordit la lèvre inférieure, l'incertitude se disputant toujours en elle.

Les mains de Thranduil se relevèrent lentement pour prendre son visage entre ses paumes et dégager sa lèvre inférieure d'entre ses dents avec son pouce. Elle eut le souffle coupé lorsqu'il passa doucement son pouce sur sa lèvre, ses yeux s'assombrissant jusqu'à devenir des puits de fumée.

- Je crains que ton feu ne me consume et ne me réduise en cendres, Charlotte, et il n'y a pas grand-chose que je puisse faire pour l'arrêter.

Charlotte fronça les sourcils. Thranduil parlait par énigmes et elle était fatiguée de ce jeu du chat et de la souris. Elle souhaitait simplement qu'il parle franchement.

- Cesse de jouer avec moi, Thranduil, chuchota-t-elle.

Thranduil étudia Charlotte avec attention. Le doute que lui inspiraient ses paroles transparaissait dans ses yeux noisette, et Thranduil sut qu'il était temps de mettre un terme à ce jeu stupide une fois pour toutes. Qu'importent les conséquences.

- Je ne joue pas, Charlotte. Je pensais qu'à travers mes actions, je t'avais clairement fait comprendre que je tenais profondément à toi, que mes désirs étaient plus profonds que l'aspect physique. Thranduil marqua une pause. Et si je ne me trompe pas... je pense que tu ressens la même chose.

- Non, mentit-elle faiblement.

L'ombre d'un sourire se dessina sur ses lèvres, et sa détermination s'effondra lorsque ses yeux se portèrent sur ses lèvres pulpeuses.

- Tu mens encore, Charlotte.

Thranduil réduisit lentement la distance, ses lèvres s'approchant dangereusement des siennes. Le cœur de Charlotte battait si fort dans sa poitrine qu'il étouffait toute pensée cohérente tandis que son souffle chaud se mêlait au sien. Ses genoux se sentirent soudain faibles et chancelants, et elle s'accrocha aux bras de son compagnon pour le soutenir.

Ses lèvres douces effleurèrent les siennes dans un mouvement de plume que Charlotte se demanda si elle avait imaginé tandis que ses yeux se fermaient, ses genoux étant dangereusement près de se dérober sous elle.

- C'est ce que tu veux, Charlotte ? chuchota Thranduil, ses lèvres frôlant les siennes.

Seigneur, elle ne pouvait plus le nier, même si elle essayait de toutes ses forces.

- Oui.

Son pouce caressa sa joue, puis il l'embrassa. Ses lèvres se moulèrent contre les siennes dans une danse exquise et sensuelle, tandis qu'il prenait le temps de savourer lentement son goût et sa sensation. Charlotte eut l'impression d'être littéralement coupée dans son souffle alors qu'elle se fondait dans ce baiser brûlant.

Thranduil se retira, la surprise se lisant sur ses traits. Si Charlotte pensait avoir eu le souffle coupé auparavant, ce n'était rien comparé au moment où son regard s'assombrit et se transforma en une promesse et une intention brûlantes.

Ses lèvres s'écrasèrent contre les siennes, féroces et possessives, et Charlotte se sentit guidée en arrière tandis que Thranduil la déposait doucement sur le lit, sans jamais rompre le baiser fiévreux. Charlotte sentit qu'on tirait sur ses cheveux avant qu'ils ne soient libérés de leur attache et que de douces ondulations tombent autour de son visage. Thranduil passa ses doigts dans ses cheveux et Charlotte répondit en grattant ses ongles contre son cuir chevelu, ce qui provoqua un profond gémissement de la part du roi des Elfes. On aurait dit qu'il se brisait à son contact autant qu'elle.

Le baiser ralentit et s'approfondit, mais sembla s'intensifier en devenant quelque chose de plus intime. Quelque chose qui allait bien au-delà du désir, au point d'en être presque trop difficile à supporter.

Thranduil se retira en frissonnant et posa son front contre le sien, les yeux fermés tandis qu'il s'efforçait de contrôler sa respiration. Charlotte s'agrippa à ses épaules, encore tremblante et étourdie par le baiser passionné. Ce baiser... ne ressemblait à aucun autre qu'elle avait connu auparavant.

- Nous devons nous arrêter avant que cela n'aille plus loin, gémit-il.

Charlotte aurait été d'accord avec lui si elle avait pu réfléchir, mais tout ce qu'elle pouvait faire, c'était respirer à grandes bouffées d'air. Une partie d'elle voulait protester, mais elle savait que si les choses allaient au-delà d'un simple baiser, elle serait réduite à une flaque de bouillie sous lui. De plus, elle ne s'était pas rasé les jambes dernièrement et la forêt avait repris possession des lieux. Peut-être était-ce une bonne chose que Thranduil fasse preuve de plus de maîtrise de soi qu'elle. Elle ne voulait pas qu'il rencontre des jambes poilues et qu'il la prenne pour une naine !

Thranduil ouvrit lentement les yeux et un sourire satisfait se dessina sur son visage à la vue d'une Charlotte rougissante allongée sous lui. Cher Eru ! Elle était plus belle ainsi qu'il ne l'aurait jamais imaginé.

Thranduil caressa son pouce contre sa pommette en la regardant avec une adoration non dissimulée. Il se pencha et effleura ses lèvres.

- Je pensais que le feu que tu avais allumé en moi s'éteindrait après t'avoir goûté, mais il n'a fait que provoquer un brasier.

- Parle français, Thranduil. J'ai du mal à penser correctement en ce moment.

Thranduil poussa un petit rire. Il embrassa le bout de son nez et se leva à contrecœur du lit, aidant Charlotte à se relever. Il posa ses mains sur sa taille, attirant son corps chaud et souple contre le sien, et posa son menton avec contentement sur le sommet de ses vagues indisciplinées tandis qu'elle enroulait ses bras autour de sa taille fine et posait sa joue contre son torse.

- Est-ce que... est-ce que tu le regrettes ? marmonna-t-elle contre sa poitrine, retenant sa respiration en attendant sa réponse.

- Oui.

Charlotte leva les yeux vers lui, incapable de cacher la douleur qui se lisait sur ses traits.

- Mais pas de la façon dont tu le penses. Le visage de Thranduil devint sérieux et il replaça une mèche de cheveux derrière l'oreille de la jeune fille. Je regrette que tu sois mortelle.

Charlottes écarquilla les yeux de compréhension. Il est vrai qu'elle n'y avait jamais pensé, mais maintenant que Thranduil en parlait, c'était d'une clarté aveuglante.

Thranduil regarda la femme dans ses bras. Sa mortalité n'était pas une chose à laquelle il voulait penser, mais maintenant que les barrières qu'il avait si désespérément cherché à maintenir s'effritaient comme une fine poussière à ses pieds, ce simple fait pesait maintenant lourd dans son cœur. Il s'était perdu dans l'essence même de Charlotte, et il savait que sa disparition l'écraserait jusqu'à ce qu'il ne souhaite plus rien d'autre que la mort.

Comment les choses étaient-elles devenues si compliquées, surtout en si peu de temps ?

Thranduil captura à nouveau les lèvres de Charlotte, gravant à jamais ce moment dans sa mémoire, qui lui servirait de lumière dans les temps sombres qui ne manqueraient pas de venir.

À suivre...