Comme promis dans la préface, voici le tout premier chapitre de cette fanfiction. J'espère qu'il vous plaira. J'essaierai de poster autant que faire se peut à heures regulières mais je ne vous promets rien ! Bonne lecture !


Vendredi 1er décembre 2023

CHAPITRE UN: CALL ME MAYBE – CARLY RAE JEPSEN

Hey, I just met you, and this is crazy

But here's my number, so call me maybe

Castiel attendait devant l'entrée du restaurant, son pied battant une mesure frénétique que lui seul entendait. Il observa son reflet du coin de l'œil dans la vitre et tenta en vain de recoiffer ses cheveux désordonnés. Son père ne manquait jamais une occasion de lui glisser qu'il n'avait sans doute jamais su se servir d'une brosse tandis que Gabriel arguait, un sourire narquois aux lèvres, que ce n'était vraiment pas la raison qui lui donnait cet air échevelé. Ce qui valait d'ailleurs un regard réprobateur de leur mère à son frère.

Le jeune homme soupira et retira sa main de ses cheveux bruns avant de relever une manche de son trench coat beige pour aviser l'heure. Le cadran indiquait 20h23. Connaissant ses parents, ils ne devraient pas tarder. Jamais de leur vie il ne leur était arrivé d'être en retard et ce soir, Castiel le savait, ne ferait pas exception.

Ce qui n'arrangeait en rien son état de nerfs. Castiel se demandait pourquoi il avait décidé de leur dire ce soir. Après tout, ils fêtaient l'obtention prochaine de son doctorat en Sciences Humaines après la soutenance orale de sa thèse. «Gâcher» l'ambiance qui régnerait ce soir en ouvrant la boîte de Pandore de ses sombres secrets n'était sans doute pas sa plus brillante idée.

Castiel émit un second soupir et se retint de consulter sa montre à nouveau. Cette soirée allait se transformer en véritable Enfer, il en était persuadé.

«J'espère que ce n'est pas l'idée de me voir qui te fait soupirer ainsi, lança joyeusement une voix familière.

Castiel se tourna d'un bond et avisa l'habituel sourire narquois qui ornait les lèvres de Gabriel, drapé dans un costume gris anthracite qui aurait pu avoir sa place dans les films en noir et blanc qu'affectionnait tant leur père. Son frère avait coiffé en arrière ses cheveux châtains et dardait sur lui son regard brun perpétuellement allumé d'une lueur malicieuse. Et comme de bien entendu, Castiel se doutait que ses poches abritaient quelques friandises qu'il se garderait de déballer devant leur mère, laquelle aurait tôt fait de réprimander Gabriel pour sa gourmandise.

Un des sept péchés capitaux. À cette pensée, Castiel se rembrunit un peu plus. Il n'en laissa cependant rien paraître pour sourire faussement à son frère.

– Wow, tu es à l'heure, c'est une première, fit-il remarquer.

– Crois-tu sincèrement que j'allais manquer ce dîner en l'honneur de mon petit frère préféré?

– Ca me blesse ce que tu dis là, Gabe. Moi qui pensais être ton favori, retentit une autre voix.

Castiel se retint de rouler des yeux. Nick – ou Lucifer comme il avait décidé de se faire appeler le jour où leur mère l'avait malencontreusement comparé à l'ange déchu et qu'il avait trouvé plutôt amusant de la faire enrager – son frère aîné, venait d'arriver. Ses cheveux blonds étaient trempés par les gouttes de pluie qui commençaient à tomber – et sans doute parce qu'il n'avait pas songé à prendre un parapluie.

– Tu es l'aîné, espèce d'idiot, répliqua Gabriel avant d'aller le serrer dans ses bras.

Et avant qu'il n'ait pu fuir, Lucifer attirait Castiel dans leur étreinte et il se mit à suffoquer quand Gabriel le serra plus fort que nécessaire.

– Si tu m'aimes autant, pourquoi t'évertues-tu tant à me tuer? marmonna Castiel, le nez enfoncé dans le torse de son frère qui émit un rire étouffé avant de le relâcher.

– Le contraire de l'amour, c'est l'indifférence, pas la haine, Cassie. On t'a pas appris ça dans ton « doctorat», répondit Gabriel en prenant un accent aristocratique.

Ce fut le moment où Castiel leva les yeux au ciel que choisit Balthazar pour arriver. Il eut à peine le temps de le remarquer qu'il l'attirait à son tour dans ses bras.

Alors qu'il se dégageait de l'étreinte de ce dernier, les phares d'une berline les aveuglèrent avant de venir se ranger en créneaux près du restaurant. L'instant d'après, les parents de Castiel et Anna, sa plus jeune sœur, en sortaient. Duma et Anael, ses deux autres sœurs, les imitèrent peu de temps après. Et bientôt, Castiel fut assailli par l'étreinte ferme de ses parents tandis que ses sœurs lui adressaient une œillade moqueuse derrière eux.

– Comment vas-tu, mon chéri ? lui lança sa mère avec un grand sourire qui fit sentir Castiel coupable de sa décision de tout leur avouer ce soir.

– Bien, Maman.

– Il me semble que nous serons bien mieux à l'abri de cette pluie diluvienne, fit remarquer le père de Castiel en désignant la petite bruine qui s'abattaient sur leurs têtes. Castiel vit du coin de l'œil que Balthazar et Gabriel roulaient des yeux de concert face au dramatisme de leur auteur de père. Néanmoins, il acquiesça et tous les neuf entrèrent dans le restaurant.

Ils n'eurent à patienter que quelques secondes avant qu'un serveur, habillé de la traditionnelle tenue blanche et noire ne vienne s'enquérir de leur présence.

Et Castiel crut que son estomac venait de tomber dans ses chaussettes. Le jeune homme qui venait de les rejoindre était tout simplement… époustouflant. Castiel ne trouvait pas d'autres mots. Il avait des cheveux châtains qu'il avait habilement coiffés, un visage aux traits secs et ciselés, constellé de taches de rousseur qui ressortaient sous la lumière tamisée de la pièce et des yeux d'un vert émeraude à se faire damner tous les saints. Sans parler du corps d'Apollon mis en valeur par le costume moulant que lui imposait son lieu de travail. Castiel dut faire appel à tout son self control pour ne pas laisser sa bouche s'ouvrir dans un mouvement qui l'aurait trahi immédiatement et pour empêcher son visage de laisser transparaître quoi que ce soit de son trouble.

– Messieurs, Mesdames, vous aviez réservé? demanda le serveur tandis que Castiel peinait à détacher son regard de lui. Et à en juger par les chuchotements de ses sœurs derrière lui, il n'avait pas eu de l'effet que sur Castiel.

Bon sang, était-il seulement possible d'avoir une voix si sensuelle?

– Oui, au nom de Chuck et Naomi Novak, précisa son père. Pour 20h30.

– Vous êtes ponctuels! fit le serveur avec un sourire professionnel.

Et puis soudain, son regard vert croisa celui de Castiel qui eut l'impression que le temps s'était arrêté. Pendant quelques secondes, il n'y eut plus que ce jeune homme inconnu et son visage si envoûtant et Castiel était persuadé qu'il ne pourrait plus jamais détourner les yeux du serveur, si tant est qu'il l'aurait voulu. Il eut presque l'impression que l'autre le reluquait mais finalement, il se contenta d'esquisser un autre sourire que le doctorant fut bien incapable d'interpréter. Il rougit furieusement mais, fort heureusement, le serveur s'était déjà détourné pour leur indiquer la table qu'on leur avait choisie. Sa famille se mit en marche. Il fallut quelques secondes à Castiel pour les suivre, le temps pour qu'il se souvienne comment faire fonctionner ses jambes.

Quand Castiel atteignit la table, le serveur ôtait obligeamment leurs manteaux à ses sœurs et tiraient leurs sièges afin qu'elles s'installent. Il s'était déjà occupé de leur mère alors que son père et ses frères s'étaient eux-mêmes déshabillés. Mais pour une obscure raison, il tint à faire subir le même traitement qu'à ses sœurs à Castiel qui sentit son cœur s'emballer, rater un battement, essayer vainement de se reprendre avant de repartir à une allure folle dans sa poitrine. Ce fut pire quand la main du serveur toucha son bras. Finalement, ce dernier s'en fut sans un regard emporter leurs manteaux dans l'espace qui y était dédié tandis que Castiel essayait de reprendre contenance.

– Eh bien Cassie, on dirait que t'as une touche! lança Balthazar sur un ton suggestif.

Castiel devint cramoisi. Non, définitivement, il n'allait pas survivre à cette soirée. Il décida de cacher sa gêne derrière le menu, déjà posé sur la table – et il remercia le Ciel pour cela – en essayant de se concentrer sur la carte mais ses pensées revenaient irrémédiablement vers le serveur et la sensation de sa main sur son bras, persistant encore dans une brûlure qu'il ne sut pas si elle était agréable ou douloureuse.

Une main se posa sur son menu, essayant d'exposer son visage rouge pivoine aux regards de toute sa famille. Castiel résista assez longtemps pour faire disparaître un maximum de sa gêne et capitula. Il adressa un regard noir à Lucifer qui était celui qui avait essayé de révéler sa gêne.

– Eh! C'est Balthy qui a commencé!

L'intéressé prit un air outragé et Castiel roula des yeux. Est-ce que ses frères se comportaient parfois comme les adultes responsables qu'ils étaient censés être?

– N'empêche qu'il a raison, renchérit Gabriel et Castiel baissa les yeux en espérant pouvoir rentrer sous terre.

Pourquoi ses frères avaient-ils décidé de le taquiner à propos du serveur ce soir en particulier? À croire que l'Univers avait décidé de lui rendre la tâche encore plus difficile qu'elle ne l'était déjà.

– N'importe quoi, préféra répondre Castiel.

– Un apéritif peut-être? retentit une voix teintée d'un ton poli et Castiel retint le sursaut qu'elle lui inspira à grand-peine.

Le serveur s'était glissé jusqu'à eux sans bruit et leur adressait à présent un sourire poli, attendant qu'ils prennent commande. À nouveau, son regard glissa sur Castiel et le jeune homme fut presque certain d'avoir vu sa lèvre trembler, comme s'il se retenait de lui adresser un autre sourire en coin. Il détourna le regard, certain qu'il ne pourrait se contenir s'il continuait de le regarder, en se demandant s'il devait le bénir pour interrompre la conversation on ne pouvait plus embarrassante que ses frères tenaient à avoir ou en le maudissant pour tant le troubler.

– Eh comment! s'exclama son père. Nous fêtons un évènement ce soir!

– Ah, vraiment? demanda le serveur, toujours aussi cordial, néanmoins, la commissure de ses lèvres frémissait et Castiel dut se mordre la lèvre pour étouffer la chaleur qui venait de naître dans ses entrailles. Et quel genre d'évènement?

– Mon plus jeune fils vient de passer sa thèse! répondit fièrement Chuck et Castiel eut de nouveau envie de s'enfoncer six pieds sous terre.

– Oh, en effet, cela mérite notre meilleur champagne, j'imagine!

Le serveur se pencha par-dessus l'épaule du père de Castiel pour lui montrer de quelle boisson il parlait et ce dernier hocha vivement la tête pour lui donner son accord.

– Je reviens tout de suite.

Et il s'éclipsa tandis que Castiel essayait de nouveau de maîtriser la rougeur de ses joues. Quand il aperçut l'œillade intriguée de son père sur lui, il le foudroya du regard sans grande conviction.

– Tu sais bien que je déteste quand tu fais ça, Papa.

– Je n'ai pas le droit d'être fier de mon fils?

– Bien sûr que si mais…

Castiel déglutit difficilement tandis qu'il apercevait leur serveur slalomant entre les tables, un plateau en équilibre sur son bras, les neuf coupes perchées dessus et acheva dans un souffle.

– Tu n'es pas forcé de le faire savoir à la Terre entière. Je suis certain que ce jeune homme s'en fiche complètement, qui plus est.

– Et voilà! s'exclama ledit jeune homme en déposant les coupes de champagne devant chacun des convives.

Il s'appliqua ensuite à décapsuler la bouteille qui s'ouvrit dans un plop retentissant tandis que Castiel, lui, s'appliquait à ne pas le regarder. Il entendit le liquide couler dans le verre de son père puis dans ceux de tous les membres de sa famille. Finalement, le serveur se pencha au-dessus de Castiel. Alors qu'il remplissait son verre, son bras dangereusement au-dessus de l'épaule de ce dernier qui n'osait plus bouger, il dit doucement:

– Celle-ci est offerte par la maison.

Cette fois, Castiel n'eut d'autre choix que d'affronter son regard. À nouveau, il fut happé par les prunelles vertes, par le sourire doux que lui adressait le serveur et il dut y mettre toute sa volonté pour s'empêcher de se perdre dans cette émeraude ensorcelante.

– M… Merci, balbutia-t-il à mi-voix, incapable de dire autre chose de peur que sa voix ne tremble. Le sourire du serveur s'élargit et Castiel sentit son cœur faire une embardée.

– C'est normal. Ce n'est pas tous les jours qu'on obtient un doctorat, n'est-ce pas?

Et sans attendre, il s'enfuit vers le bar dans le fond de la pièce, pile en face de Castiel qui resta interdit quelques secondes. S'il ne pensait pas cela impossible, il aurait presque pu croire qu'il flirtait avec lui. Mais non seulement cela s'avérait être une très mauvaise idée en présence de ses parents – et d'autant plus malvenu que Castiel avait en tête de leur révéler que non, il n'épouserait jamais une fille bien comme il faut parce que les filles ne l'avaient jamais intéressé – qui auraient tôt fait de voir un signe dans le comportement étrange du serveur envers leur fils. Castiel ne pouvait décemment pas prendre ses désirs – qu'il aurait préféré être capable de réfréner ce soir – pour des réalités. Oui, c'était ça. Il s'imaginait des choses parce que leur serveur était bien trop attirant pour son propre bien.

– Il s'en fiche, hein? lui lança Lucifer par-dessus son menu.

Castiel lui renvoya un second regard noir mais ce dernier ne sembla pas s'en formaliser.

– C'était un simple geste commercial, répliqua-t-il du tac au tac.

– Oh oui, bien sûr, un geste commercial… répéta Balthazar sur le ton de celui qui n'en croyait pas un mot.

– Oh pour l'amour du Ciel, laissez Castiel tranquille, vous deux! fit Anna d'un ton exaspéré. Vous ne voyez pas que vous le mettez mal à l'aise?

– Mais c'est justement ce qui est drôle! lui répondit Gabriel.

Elle le foudroya du regard et Castiel bénit sa sœur pour prendre sa défense. Il remercia également sa bonne étoile que ses parents aient été concentrés sur le menu et non sur leur pseudo-dispute jusqu'à présent. Ils n'avaient levé la tête que lorsqu'Anna avait haussé la voix et leur adressait à tous des regards intrigués. Voyant qu'Anna et ses frères s'étaient engagés dans une bataille de regards plutôt habituelle, ils reportèrent leur attention sur le menu.

– Vous avez aucun humour, bougonna Gabriel au bout d'un moment.

– Je maintiens qu'il se passe quelque chose, martela Balthazar, approuvé par les vifs hochements de tête de Lucifer et Gabriel.

– Ouvrez les yeux, ce genre de mec ne peut qu'être hétéro, intervint Duma pour la première fois.

Son regard avait dérivé vers le bar où leur serveur était reparti. Castiel ne pouvait qu'approuver son aînée. Leur serveur avait l'air d'un tombeur de ces dames, pas d'un homme qui essaierait de flirter avec lui.

– Ah oui?

– Tu veux une preuve? répliqua Anna, ses yeux lançant des éclairs.

Castiel se lamenta en silence. Il se doutait sans mal de ce qui allait suivre et il n'était pas certain que ce soit une bonne idée. D'un autre côté, ses frères le laisseraient tranquilles jusqu'à la fin de la soirée et il pourrait se concentrer sur ce qu'il voulait annoncer à sa famille. Bien que les circonstances de ce soir ne jouent plus vraiment en sa faveur.

Anna, Duma, Anael et Gabriel, Balthazar et Lucifer s'affrontaient tous les trois du regard.

– Très bien, fit la première. À la fin de la soirée, on a son numéro.

Lucifer pouffa de rire.

– Ca m'étonnerait. Si ce garçon a un minimum de goût, il visera bien plus haut que vous trois.

L'aîné de la fratrie se vit foudroyer une nouvelle fois du regard et il leva les mains en signe de reddition.

Deal, accepta finalement Gabriel et il scella leur accord d'un hochement de tête.

Castiel, lui, songeait que c'était sans doute la pire soirée de toute son existence. Il décida de se concentrer sur le menu tandis que les mots qu'il avait soigneusement préparés pour annoncer à sa famille qu'il n'était pas aussi hétéro qu'ils le croyaient se rejouaient dans son esprit. Il les chassa aussi mais ils revenaient à la charge, tout comme le visage de leur serveur. Castiel leva les yeux de sa carte et vérifia que sa famille était bien concentrée sur le menu avant de reporter son attention sur le serveur. Celui-ci était derrière le bar et préparait un quelconque cocktail, dos à Castiel qui ne put qu'admirer la ligne de son dos. Il décida de ne pas aller plus avant dans ses observations et se força à regarder la carte. Mais peine perdue, impossible de se concentrer.

Quand le serveur revint pour prendre leur commande, il lui donna le premier plat qui tomba sous ses yeux et quand il fut parti, il ne se souvint même pas de ce qu'il avait réclamé. Quant à ses sœurs, elles avaient déjà enclenché la première étape de leur plan de séduction, à coups de battements de cils et de mèches entortillées sur leurs doigts.

Finalement, Castiel dut reporter son attention sur les membres de sa famille. Il se composa un sourire de circonstance avant d'affronter leurs regards, rivés sur lui. Ressentaient-ils son trouble? Il avait l'impression d'avoir affiché sur son visage un panneau aux lettres lumineuses indiquant à quel point il était nerveux. Il se demanda s'il aurait le courage d'aller au bout de ses intentions ce soir. D'autant qu'il n'avait pas prévu qu'un serveur particulièrement attirant viendrait troubler son calme inexistant. Ou que ses frères se mettraient à faire des blagues résonnant avec sa sexualité.

– Alors Castiel, fit son père en frappant la table. Raconte-nous. Ta soutenance orale. J'espère que tu as pensé à mentionner mon roman quelque part.

Le jeune homme se demanda s'il devait répondre honnêtement. Son père était l'auteur à la renommée modeste d'une série de livres intitulée Supernatural. Évidemment, il avait tôt fait de mentionner – quelque part entre le vingtième et le vingt-cinquième roman – l'existence des anges et donc son interprétation de la Bible qui, Castiel devait le reconnaître, n'était pas si mauvaise que cela. Seulement, il doutait que sa thèse sur l'évolution des perceptions de la religion au cours des âges inclue de mentionner un roman médiocre sur deux frères chassant des créatures surnaturelles et depuis quelques temps maintenant, flanqués d'un ange rebelle partageant un lien profond avec celui des deux hommes qu'il avait tiré de l'Enfer – ou de la perdition selon ses dires. D'autant qu'il se demandait s'il aurait pu en parler sans rougir en sachant l'énorme béguin qu'il avait eu un temps pour ledit frère. Maintenant qu'il y songeait, leur serveur lui faisait étrangement penser à l'image qu'il avait toujours eue de Jensen.

Oh, il aurait bien besoin d'un ange venant le sauver de la perdition lui aussi.

Réalisant qu'on attendait toujours sa réponse, Castiel aspira une goulée de champagne avant de se lancer:

– Le jury a été assez étonné de me voir aller aussi loin dans mes propos mais de toute évidence, mon projet leur a plu. La fac cherche un maître de conférences dans mon domaine pour le prochain semestre. Je pense que je vais postuler.

Castiel se garda de mentionner qu'il avait également reçu une proposition d'emploi dans l'université d'Amherst, sa ville natale où vivaient encore ses parents et qu'il l'avait poliment déclinée. Aussi près de sa famille, très peu pour lui. Surtout quand il se trouvait incapable de leur dire la vérité et pouvait se trahir à tout moment.

– C'est merveilleux! s'extasia sa mère au moment même où leur serveur revenait pour apporter leur plat. Castiel songea que les astres s'étaient alignés pour le mettre dans l'embarras face à lui.

Il remarqua du coin de l'œil que ses sœurs adressaient de grands sourires au jeune homme qui fit mine de ne pas les voir.

– Elles ne vont jamais réussir, souffla Gabriel à son oreille d'un ton amusé.

Castiel tourna la tête vers lui et haussa un sourcil désabusé. Il suivit le serveur du regard qui était reparti en cuisine chercher le reste de leur commande, en profita pour apprécier de nouveau son corps incroyablement bien sculpté et haussa les épaules.

– Je n'en serais pas si sûr, si j'étais toi.

Ses sœurs étaient loin d'être désagréables à regarder et cela suffisait à la plupart des hommes. Il ignorait si leur serveur en faisait partie mais cela ne l'étonnerait pas que l'une d'entre elles réussisse à obtenir son numéro.

Le serveur revenait déjà avec leurs plats qu'il déposa en douceur devant eux, non sans gratifier Castiel d'un autre sourire qui fit rater un battement à son cœur. Puis il s'enfuit en leur souhaitant bon appétit pour rejoindre le comptoir du bar qu'il semblait tenir en même temps qu'il effectuait le service. Castiel ignora royalement le sourire goguenard de ses frères et préféra baisser les yeux sur son plat.

Alors qu'il en avalait une bouchée, Castiel l'observa à la dérobée. Il était de nouveau dos à lui et secouait vigoureusement un shaker en parlant à une jeune femme blonde elle aussi derrière le comptoir. Castiel se demanda ce qu'elle dit pour qu'il s'immobilise ainsi, droit comme la justice. La jeune fille éclata de rire et gratifia le serveur d'une tape sur l'épaule avant de se tourner pour accueillir un nouveau client. Le serveur, lui, resta immobile quelques secondes avant de reprendre son activité. Castiel cessa de le dévisager quand il se tourna vers lui et évita de justesse de croiser son regard en baissant les yeux sur son plat. Il ne manquerait plus qu'il remarque son intérêt à son égard.

Castiel ne participa que peu aux conversations durant le repas. Il cherchait toujours le bon moment pour faire sa révélation mais il ne le trouvait jamais. Était-ce parce qu'inconsciemment, il ne voulait pas le voir venir? Alors il se rejouait indéfiniment la scène qu'il avait maintes fois imaginée ces derniers temps ce qui le rendait encore plus nerveux.

Ses parents semblaient tellement de bonne humeur, tellement heureux pour lui… Leur dire ne gâcherait-il pas tout? Leur dire ne ternirait-il pas leur fierté?

Et ses frères et sœurs qui s'amusaient tant de cette situation qu'ils s'imaginaient… Pouvait-il faire disparaître leurs sourires avec quelques mots?

– Hé.

La voix de Balthazar le tira de ses pensées. Ses yeux bleus brillaient d'une lueur concernée.

– Ça va?

Castiel acquiesça mais ne préféra pas s'étendre.

– T'es sûr? Parce que tu es blanc comme un linge.

– Je suis simplement fatigué, Balthazar. J'ai beaucoup travaillé ces derniers temps.

– Ouais, fit son frère, dubitatif. Si tu le dis.

Il marqua une pause avant de reprendre, suspicieux:

– Ce n'est pas à cause de nous, quand même?

Castiel secoua la tête en se demandant s'il devait expliciter – au hasard avec une pointe de sarcasme, signifiant que les taquineries de ses frères ne pouvaient pas le mettre dans cet état, histoire de maintenir la façade – mais il fut interrompu.

– Tout se passe bien?

Castiel sursauta en entendant la voix du serveur.

– Très bien, répondit son père.

– C'est excellent, renchérit Anna et le serveur lui lança un coup d'œil avant de hocher la tête d'un air poli.

Castiel vit que sa sœur papillonnait légèrement des paupières et le serveur se passa une main dans les cheveux en se mordant la lèvre inférieure. Castiel se demanda si le geste était nerveux. En tout cas, il était certain que la brusque chaleur qui remonta le long de son propre visage y était liée. Il se força à concentrer son attention sur autre chose mais ses yeux étaient attirés comme par un aimant par la silhouette sur sa gauche. En désespoir de cause, il se leva, manquant de renverser sa chaise et lança:

– Excusez-moi.

Et sans plus de cérémonie, il s'enfuit en direction des toilettes. Il poussa la porte et se jeta sur le robinet qu'il s'empressa de faire couler, les mains appuyées sur les bords du lavabo. Il avait longtemps imaginé ce qui pourrait mal tourner pendant ce dîner, il était loin d'avoir songé à un tel fiasco. Non seulement il était incapable de contrôler sa nervosité mais en plus il se sentait coupable d'une chose sur laquelle il n'avait aucune prise. Et pour couronner le tout, il y'avait ce serveur qui lui faisait tourner la tête et perdre encore plus ses moyens. Castiel soupira et leva la tête.

Son reflet dans le miroir le contemplait, ses yeux bleus le fixant avec cette lassitude qui le prenait souvent ces derniers temps. Ses cheveux bruns étaient dans tous les sens, comme à son habitude et Balthazar avait raison, il avait un teint cadavérique. Au moins sa famille l'aurait-elle mis sur le dos de la pression amassée pendant cette dernière année de thèse. Castiel soupira. Il entendit que la porte des toilettes s'ouvrait. Il se recomposa aussitôt un visage neutre, passa une main préalablement humidifiée sur son visage et éteignit le jet d'eau. Tête baissée, il s'en fut rejoindre sa famille. Son calvaire était bientôt terminé, se dit-il. Il rentrerait dans son petit appartement, sa famille dans leurs foyers respectifs et il ne reverrait plus jamais ce serveur aux yeux verts envoûtants. Ce dernier discutait d'ailleurs avec ses trois sœurs qui ne le lâchaient pas du regard.

Quand il rejoignit la table, le serveur détacha ses yeux d'Anna pour l'observer. Castiel se demanda s'il s'interrogeait sur son brusque départ. Cependant, professionnel, il n'en dit rien. En revanche, il n'accorda plus une once d'attention aux trois jeunes femmes, son regard rivé dans celui de Castiel. Ce dernier baissa les yeux,à nouveau gêné.

– Veuillez m'excuser, le devoir m'appelle, fit-il poliment avant de s'éclipser et Castiel laissa échapper le souffle qu'il avait retenu.

Il savait aussi qu'il ne leur dirait rien. Pas ce soir en tout cas. Il n'en avait pas le courage.

Le repas sembla durer des siècles pour Castiel qui ne désirait plus qu'une chose, fuir. Quand enfin, leur père manifesta l'envie de partir lui aussi et appela leur serveur, Castiel accueillit avec joie la sensation de délivrance. Il attendit sagement qu'on leur amène l'addition et se leva presque trop vite quand le serveur leur ramena leurs manteaux. Ce dernier insista pour les rhabiller, au grand damne de Castiel qui se demandait s'il supporterait un nouveau contact. Pourtant, comme s'il l'avait compris, le serveur ne le toucha pas mais il ne manqua pas de lui faire un nouveau sourire en coin qui fit piquer un fard à Castiel. Le doctorant baissa la tête pour masquer la rougeur de ses joues. Quand il releva la tête, le serveur prenait congé, un sourire indéchiffrable aux lèvres. Ils sortirent du restaurant, accompagnés des rires moqueurs de Balthazar, Gabriel et Lucifer.

– Alors, ça fait quoi de perdre un pari, les filles?

Pour toute réponse, Anna, Duma et Anael foudroyèrent Lucifer du regard.

– On aurait dû parier quelque chose, reprit ce dernier.

– Pour que Gabriel demande une montagne de bonbonsavant qu'on ait pu penser à quoi que ce soit d'autre? Ça ne vaut pas le coup, Nick.

Gabriel gratifia Balthazar d'un coup d'épaule ce qui lui valut une œillade réprobatrice de leur mère.

– Alors Cassie avait vraiment une touche, lança finalement le premier et Castiel voulut rentrer sous terre. Néanmoins, il décida de répondre. Ce soir, il pouvait encore prétendre qu'il n'en avait rien à faire.

– Ou bien vous vous imaginez des choses parce que ce jeune homme fait bien son travail. Je suis certain qu'il n'avait rien à faire d'aucun d'entre nous.

– Si tu le dis.

Ses trois frères ne pouvaient sonner plus dubitatifs. Castiel accéléra le pas pour clore la conversation.

Ils prirent congé les uns des autres avant que leurs parents et leurs sœurs ne hèlent un taxi tandis que ses frères rejoignaient leurs véhicules. Castiel se dirigea vers l'arrêt de bus au bout de la rue.

Quand il referma la porte de son appartement ce soir-là, ce fut avec un immense soupir de soulagement. Mais ce fut de courte durée. Il avait survécu au Purgatoire.

Mais pas encore à l'Enfer.


Quand il se réveilla le lendemain, il se rendit compte qu'il s'était endormi tout habillé, son trench coat en boule à côté de lui. Il se redressa, s'assit sur le lit qu'il occupait et entreprit de déplier le manteau. Alors qu'il bataillait avec une manche rebelle, quelque chose tomba de sa poche.

Intrigué, Castiel se pencha pour ramasser un petit morceau de papier. Il le retourna et sa gorge s'assécha aussitôt. Cette suite de chiffres écrite à la main, cela ne signifiait qu'une seule chose. Le serveur de la veille avait cherché à lui donner son numéro. Se pouvait-il que ses frères aient eu raison en fin de compte?

Son cœur s'emballa à la simple idée mais très vite, Castiel déchanta. Il était tout bonnement impossible que ce jeune homme s'intéresse à quelqu'un comme lui. Sans doute avait-il voulu donner le numéro à l'une de ses sœurs – qui n'avait finalement pas perdu son pari – et s'était simplement trompé de manteau. Ou pensait-il que Castiel le passerait à la concernée.

Castiel se leva, lissa distraitement sa chemise froissée et, tout en fixant le morceau de papier, mémorisant déjà le numéro malgré lui, il s'attela à se préparer une tasse de café. Tandis qu'il coulait, il partit accrocher son trench coat au porte-manteau près de la porte d'entrée. Il sortit un paquet de pain de mie qu'il mit au grille-pain, ses yeux toujours rivés sur les chiffres inscrits au stylo noir.

Devait-il transmettre le numéro à ses sœurs? Il n'en avait aucune envie. Et puis qu'en saurait le jeune homme? Il croirait sans doute qu'elles n'étaient pas intéressées. Son idée lui parut tout de suite stupide. Elles n'avaient pas été spécialement subtiles dans leurs intentions. Il ne pouvait pas simplement ignorer le papier dans sa poche.

Castiel récupéra la tasse de café et le pain grillé avant de s'installer à la table de sa cuisine, réfléchissant toujours à la meilleure marche à suivre. Et il finit par en venir à la conclusion qu'il pouvait tout simplement signaler au serveur qu'il s'était trompé de destinataire. Il lui demanderait le numéro de la sœur qui l'intéressait et ils en resteraient là. Tout comme la boule dans la gorge de Castiel.

– Tu es ridicule, se morigéna-t-il en se saisissant de son portable. Tu ne le connais même pas.

Il ouvrit l'application de messagerie et entra le numéro de téléphone, sans même regarder le papier. Son cerveau, ce traître, avait déjà mémorisé la suite de chiffres.

Jeu 16/11 – 9h37– Envoyé – Je pense que tu t'es trompé de destinataire. Le trench n'était pas à ma sœur.

Une fois son message envoyé, Castiel reposa le téléphone et trempa le pain grillé dans sa tasse de café sans grande conviction. Il mordit ensuite dedans, tout aussi morose quand le portable vibra. L'écran s'alluma et Castiel déverrouilla son cellulaire bien plus vite qu'il ne l'aurait souhaité.

Jeu 16/11 – 9h38 – Reçu – ;-)

Jeu 16/11 – 9h38 – Reçu –Non.

Malgré lui, Castiel sentit son cœur faire une embardée.

Jeu 16/11 – 9h38 – Reçu –Je ne me suis pas trompé, Mr le Thésard.

Cette fois, le cœur de Castiel s'engagea dans une course au triple galop. Il refusait de croire qu'il avait en réalité bien interprété les rares signaux que lui avait envoyés le serveur toute la soirée. Et il sentit une étrange chaleur naître dans son bas-ventre. Un peu la même qui l'avait saisi, quand, adolescent, il s'était plongé dans les romans de son père et que Jensen entrait en scène.

Jeu 16/11 – 9h40 – Reçu –Et honnêtement, je suis étonné que tu m'aies contacté.

Jeu 16/11 – 9h40 – Reçu –Mais j'en suis ravi, hein!

Castiel ne se rendit même pas compte que son pain ramollissait dans son café. Il ne savait pas vraiment quoi répondre, trop heureux pour trouver quelque chose d'intéressant ou d'intelligent à dire. Il se faisait l'effet d'un parfait idiot, immobilisé au-dessus de son café fumant, les yeux rivés sur son téléphone et le cœur battant la chamade pour quelqu'un qu'il n'avait aperçu que la veille, pendant l'espace de quelques heures. Quelqu'un qui, d'ailleurs, ne l'avait pas vu sous son meilleur jour.

Jeu 16/11 – 9h43 – Reçu – Hey, t'es toujours là?

Castiel faillit renverser sa tasse en s'empressant de répondre.

Jeu 16/11 – 9h43 – Envoyé –Oui.

Il attendit la réponse en se rongeant nerveusement l'ongle du pouce. Presque une minute plus tard, comme si son interlocuteur cherchait ses mots, elle lui parvint enfin.

Jeu 16/11 – 9h44 – Reçu – Je peux savoir ton nom au moins?

Castiel esquissa un sourire.

Jeu 16/11 – 9h44 – Envoyé – Castiel.

Jeu 16/11 – 9h44 – Reçu – Alors enchanté, Castiel. Moi c'est Dean.

Jeu 16/11 – 9h45 – Envoyé – Enchanté.

Castiel se demanda si la conversation allait continuer. Ou si Dean allait simplement prendre congé ou lui dire que c'était une blague et qu'il voulait bien le numéro d'Anna en fin de compte. Et il se rendit compte qu'il ne voulait absolument pas que cela arrive.

Jeu 16/11 – 9h46 – Envoyé – Je suis désolé. Je ne suis pas de très bonne compagnie quand il s'agit de discuter.

Jeu 16/11 – 9h46 – Reçu – Je suis sûr que c'est faux. Avec ton doctorat, tu dois avoir un paquet de trucs intéressants à raconter!

Jeu 16/11 – 9h47 – Reçu – Bien que je doive reconnaître que je comprendrai sans doute pas la moitié de ce que tu diras. *smiley gêné*

Castiel étouffa un rire au creux de sa paume. Le café était complètement oublié.

Jeu 16/11 – 9h47 – Envoyé – Tu trouverais sans doute barbant ce que je dis. La plupart des gens trouvent ça barbant. Surtout quand je m'emballe sur le sujet. Apparemment on ne peut plus m'arrêter. Mon frère m'a dit qu'un jour il m'enregistrerait pour ses insomnies.

Jeu 16/11 – 9h48 – Reçu – Ouais bah je suis pas la plupart des gens.

Le cœur de Castiel fit une nouvelle embardée. Et de nouveau, il se trouva incapable de répondre.

Jeu 16/11 – 9h49 – Reçu – Est-ce que c'est parce que je te fais perdre tes moyens que tu es si peu bavard?

Castiel se trouva bien chanceux de ne pas être dans la même pièce que Dean en cet instant. Il était certain qu'on pouvait faire cuire un œuf sur ses joues tant elles étaient brûlantes de gêne.

Jeu 16/11 – 9h50 – Reçu – Eh relax, mec. Je voulais pas te mettre mal à l'aise.

Lisait-il ses pensées? Ou bien avait-il posé un mouchard dans son trench en même temps que le numéro? Castiel secoua la tête. Dean avait raison. Il lui faisait perdre ses moyens.

Jeu 16/11 – 9h50 – Reçu – Bien que je sois flatté.

Il y'eut un instant de silence. Et puis le téléphone de Castiel vibra de nouveau.

Jeu 16/11 – 9h51 – Reçu – Quoi qu'il en soit, je voulais que tu saches que je fais pas ça habituellement.

Jeu 16/11 – 9h51 – Envoyé – Quoi donc?

Jeu 16/11 – 9h51 – Reçu – Donner mon numéro.

Jeu 16/11 – 9h52 – Reçu – Ecoute, Castiel, je vais être franc avec toi.

Jeu 16/11 – 9h52 – Reçu – Mon truc, c'est plus les coups sans lendemain. Du coup je suis du genre à sortir un classique «je finis à minuit, retrouve-moi derrière» et bon… je vais pas te faire un dessin. Tu sais comment ça finit ces choses-là.

Castiel sentit son estomac se serrer. Il n'avait aucune idée d'où voulait en venir Dean. La suite de son discours se fit attendre. Choisissait-il ses mots ou bien avait-il renoncé à s'expliquer? Castiel attendait, son café à moitié froid à présent, un nouveau message. Finalement, l'écran s'illumina et le doctorant but littéralement les paroles de son vis-à-vis.

Jeu 16/11 – 9h53 – Reçu – Mais toi… j'en sais rien. J'ai pas eu envie de faire comme je le fais d'habitude. Et Dieu sait que ça marche alors je me l'explique pas. Tout ça pour te dire que...

Jeu 16/11 – 9h53 – Reçu – Bordel, je suis vraiment pas doué avec ça.

Jeu 16/11 – 9h53 – Reçu – Les mots je veux dire. Je dois passer pour un con.

Jeu 16/11 – 9h53 – Reçu – Hum. Bref. Tout ça pour te dire qu'avec toi, j'ai eu envie de passer par la grande porte, comme on dit.

Jeu 16/11 – 9h54 – Reçu – Tu vois ce que je veux dire?

Jeu 16/11 – 9h54 – Reçu – *smiley gêné*

Castiel étouffa un nouveau sourire dans sa paume avant de répondre.

Jeu 16/11 – 9h55 – Envoyé – Je suis un privilégié alors?

Castiel se demanda quand est-ce qu'il avait trouvé le courage de flirter avec Dean lui aussi. Ça ne lui ressemblait pas vraiment mais c'était comme si le jeune homme l'y poussait. Et Castiel avait envie de se prendre au jeu.

Jeu 16/11 – 9h55 – Reçu – On peut dire ça, oui.

Jeu 16/11 – 9h56 – Reçu – Même si je ne nie pas que le facteur «parents» m'a aussi un peu forcé à la discrétion.

Jeu 16/11 – 9h56 – Reçu – Et puis…

Jeu 16/11 – 9h56 – Reçu – Je ne sais pas comment te dire ça mais tu…

Jeu 16/11 – 9h56 – Reçu – Tu n'es pas encore sorti du placard, pas vrai?

Castiel se tendit à la seconde où Dean eut mentionné cet état de fait. Toute la chaleur qui était née en lui alors qu'il discutait avec le jeune homme, tout disparut d'un seul et même coup remplacé par une froideur glaciale et désagréable. Un instant, il eut envie de mettre fin à cette conversation – et tant pis pour les yeux envoûtants de Dean – mais ce dernier ne lui en laissa pas le temps.

Jeu 16/11 – 9h57 – Reçu – Ne t'en fais pas, je comprends.

Castiel grimaça. Il ne voulait pas se montrer froid ou désagréable. Il ne pouvait s'en empêcher.

Jeu 16/11 – 9h57 – Envoyé – Non. Tu ne sais pas.

Il fallut à peine quelques secondes pour que Dean réponde.

Jeu 16/11 – 9h57 – Reçu – Oh, crois-moi. Si. Je sais et je comprends.

Jeu 16/11 – 9h57 – Reçu – Plus que tu ne t'en doutes.

Et étrangement, Castiel pouvait presque entendre sa voix qu'il avait tant aimée la veille emplie d'une amertume qu'il ne s'expliquait pas. Il ne préféra pas insister. Il avait comme l'intuition que ce serait mal venu.

Jeu 16/11 – 9h59 – Reçu – Je crois que c'est jamais un moment facile pour personne. Le coming out, je veux dire. Mais parfois ça se passe mieux qu'on pensait que ça se passerait.

Jeu 16/11 – 9h59 – Reçu – C'est ce qui est arrivé à ma meilleure amie, Charlie.

Castiel ne put s'empêcher de noter que Dean n'avait pas pris son propre exemple. Était-ce parce qu'il n'avait rien dit à ses proches lui aussi? Ou bien était-ce pour une toute autre raison? Castiel préféra enterrer le sujet avant de poser des questions qu'il n'avait pas le droit de poser. Pas à un parfait inconnu.

Jeu 16/11 – 10h00 – Envoyé – Quoi qu'il en soit, je te remercie de ta prévenance.

Jeu 16/11 – 10h00 – Reçu – C'est normal. Je ne te mettrai jamais dans une position délicate. Toi ou n'importe qui.

Castiel eut un sourire.

Jeu 16/11 – 10h01 – Reçu – Même si je me demande comment tu t'es pas grillé. *smiley qui pleure de rire *

Cette fois, le doctorant sentit ses joues prendre feu. Il savait très bien que son corps l'avait trahi, ce qui était la cause principale de son état de nerfs la veille mais il n'aurait pas cru que la chose était si visible. Il préféra vérifier quand même.

Jeu 16/11 – 10h01 – Envoyé – Je te demande pardon?

Jeu 16/11 – 10h02 – Reçu –Désolé de te l'apprendre, mais tu devenais pivoine dès que j'étais dans les parages.

Jeu 16/11 – 10h02 – Reçu – Je trouve ça mignon, tu sais.

Son visage l'échauffa plus encore si c'était possible. Est-ce que Dean essayait de le tuer d'embarras?

Jeu 16/11 – 10h03 – Reçu – Comme ton petit jeu de «fuis-moi, je te suis, suis-moi je te fuis.»

Castiel fronça les sourcils.

Jeu 16/11 – 10h04 – Envoyé – Qu'est-ce que tu veux dire?

Jeu 16/11 – 10h04 – Reçu – Que je t'ai vu me regarder quand tu pensais que je ne te voyais pas.

Castiel piqua un fard et mit près d'une minute à envoyer sa réponse qui ne comportait pourtant qu'un seul mot.

Jeu 16/11 – 10h06 – Envoyé – Comment?

Jeu 16/11 – 10h06 – Reçu – Il y'a un miroir derrière le comptoir du bar.

Castiel se mordit la lèvre et serra le poing. Oserait-il réellement aller au bout de sa pensée? Quand la douleur finit par poindre dans sa bouche, il se décida à laisser de côté ses réserves. Il avait la chance inouïe que Dean s'intéresse à lui.

Jeu 16/11 – 10h07 – Envoyé – Est-ce que ça veut dire que tu me regardais aussi?

Jeu 16/11 – 10h07 – Reçu – Touché.

Un rire monta de la gorge de Castiel et vint exploser au creux de ses lèvres. Il se sentait léger. Intouchable. Et c'était stupide, il le savait.

Jeu 16/11 – 10h08 – Reçu – Mais je te l'accorde, Cass. Je l'ai un peu cherchée, celle-là.

Jeu 16/11 – 10h08 – Envoyé – Cass?

Jeu 16/11 – 10h09 – Reçu – Oups, désolé. J'ai tendance à donner des surnoms à tout-va. J'arrête, si ça te plaît pas.

Jeu 16/11 – 10h09 – Envoyé – Non.

C'était nettement mieux que les «Cassie» dont le gratifiaient ses frères. Et puis il aimait l'idée que Dean lui donne un surnom, comme s'il était un peu spécial.

Jeu 16/11 – 10h10 – Envoyé – J'aime bien, Dean.

Jeu 16/11 – 10h10 – Reçu – :-)

Jeu 16/11 – 10h10 – Reçu – Plus sérieusement, prends ton temps. Je sais que c'est difficile. Ce sera le bon moment quand tu seras sûr que c'est le bon moment.

Jeu 16/11 – 10h10 – Reçu – Je dois te laisser, Cass. On se parle plus tard.

Castiel se trouva toujours incapable de répondre. Ce ne fut que quelques minutes plus tard, quand son cœur eut appris à rebattre normalement qu'il reprit son portable pour répondre.

Jeu 16/11 – 10h14 – Envoyé – A plus tard, Dean.


Dean était… Il n'était même pas certain de savoir exactement ce qu'il se passait dans sa tête en ce moment. Toutes ses pensées formaient un énorme imbroglio difficile à démêler.

D'abord il se sentait gonflé de joie et il avait envie de sourire à tout et n'importe quoi. Il nierait sans doute autant que faire se peut le fait qu'il avait eu un énorme coup de cœur pour Castiel. C'était bien une des dernières choses qui lui arriverait. Il n'avait de béguin pour personne. Même pas pour Castiel et ses magnifiques yeux bleus et…

Dean secoua la tête. Mieux valait s'arrêter là.

Il n'aurait jamais cru qu'il lui répondrait. Il avait bien remarqué que Castiel prenait une délicate teinte pivoine dès qu'il s'approchait de lui ou dès qu'il essayait de flirter discrètement avec lui. Il avait aussi vu les regards qu'il avait posés sur lui quand il était au bar – grâce à Jo qui ne ratait pas une occasion de le mettre mal à l'aise et qui avait trouvé amusant de le forcer à aller voir Castiel alors que c'était bien la première fois que Dean se trouvait pétrifié dans cette situation-là. Mais il avait aussi vu la crainte dans les yeux trop bleus de Cass, sa façon d'éviter son regard quand il venait à leur table, tous ces signes qu'il n'avait aucun mal à identifier. Alors il avait donné son numéro – Jo encore même s'il ne l'avouerait jamais à Cass – comme on jetait une bouteille à la mer. Et il avait espéré.

Et Castiel lui avait écrit le matin-même. Même s'il avait d'abord cru que Dean s'était trompé. Et puis ils avaient commencé à discuter. Le flirt était beaucoup plus facile quand il n'y avait pas le regard de Cass vissé sur lui. C'était plus simple de faire comme d'habitude quand Castiel ne le regardait pas.

Et pourtant… Et pourtant, un seul regard posé sur Castiel à travers la vitre – comme dans ces stupides comédies romantiques et Dean en rougissait rien que d'y penser – avait bouleversé toutes ses convictions. Quand Dean l'avait vu, Cass attendait nerveusement dehors et il avait d'abord cru que c'était une potentielle petite amie – pour un premier rendez-vous – qui devait le rejoindre. Et une étrange frustration l'avait envahi. Peut-être parce qu'il avait très vite remarqué que Cass correspondait totalement à ses standards. Il avait un truc pour les bruns. Et les yeux océan. Définitivement. Quand la famille de Cass l'avait rejoint, l'estomac de Dean s'était dénoué et c'était stupide. Ça ne voulait rien dire. Et puis Castiel était entré, Jo l'avait poussé jusqu'à eux pour jouer les serveurs – alors que ce soir il était censé être au bar – et Dean avait croisé le regard de Castiel. Il avait un instant oublié pourquoi il était là.

Il n'avait jamais vu des yeux aussi bleus que ceux de Cass. Des lèvres aussi alléchantes. Des cheveux aussi irrésistiblement en bataille. Un corps qui appelait tant aux caresses. Et puis quelque chose avait dû court-circuiter dans son esprit parce que Dean avait été incapable de gratifier Cass de son approche habituelle. Il avait joué dans une catégorie qui ne lui appartenait pas. Celle de la drague subtile, des jeux de regards et puis du numéro glissé dans la poche. Des choses qu'il ne faisait au grand jamais. Des choses qu'il trouvait éminemment stupides en temps normal. Cass lui avait complètement retourné le cerveau.

Mais il avait répondu. Alors c'était peut-être mieux ainsi.

S'il devait être honnête avec lui-même, Dean devait avouer qu'il ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait. C'était la première fois qu'il réagissait de la sorte après avoir rencontré quelqu'un. Il n'avait décemment aucune idée de pourquoi Castiel lui avait fait cet effet-là sans même échanger un seul mot, il savait seulement que leur petite conversation du matin n'avait fait que renforcer cet effet.

Et manquer de faire remonter des souvenirs qu'il avait enfouis au plus profond de sa mémoire. Dean secoua la tête. Il espérait de tout cœur que le jour où Cass se lancerait, les choses se dérouleraient bien mieux qu'elles ne s'étaient déroulées pour lui.

Il entra par l'arrière du restaurant pour prendre son service et salua ses collègues tandis qu'ils se changeaient. Tout le temps que dura le premier service, Dean eut beaucoup de mal à ne pas regarder son téléphone plusieurs fois pour guetter un nouveau message de Castiel. Il ne s'attendait pas à ce qu'il lui écrive si tôt après qu'il l'ait laissé ce matin mais c'était plus fort que lui. Le doctorant hantait déjà ses pensées. Il dut parfois demander aux clients de répéter leur commande tant il était distrait.

Dès qu'il eut quelques minutes, entre deux services, Dean dégaina son portable et envoya un message. C'était le seul moyen pour qu'il puisse regagner en concentration.

Jeu 16/11 – 12h31 – Envoyé – Dis, tu n'as pas d'autres frères et sœurs cachés, hein? Ils étaient tous là?

Dean se mordit la lèvre tout en se demandant s'il n'avait pas juste l'air idiot à essayer d'engager la conversation. Il redressa un instant la tête pour vérifier qu'on ne le cherchait pas et s'apprêtait à ranger son portable, n'attendant pas une réponse immédiate quand l'écran s'alluma. Il déverrouilla le téléphone et cliqua sur la conversation.

Jeu 16/11 – 12h32 – Reçu – Non, effectivement. Tu as vu l'essentiel de ma famille. Mon frère aîné s'appelle Nick. Ensuite il y'a Gabriel, Duma, Balthazar Anael, Anna et moi.

Dean fronça les sourcils.

Jeu 16/11 – 12h32 – Envoyé – Arrête-moi si je me trompe mais… ce sont des noms d'anges, non? Pour vous tous.

Jeu 16/11 – 12h33 – Reçu – Mes parents sont très croyants.

Ce qui expliquait peut-être la réaction de Castiel quand il lui avait dit avoir deviné qu'il n'avait rien dit de son orientation sexuelle à ses parents. Cependant, Dean jugea opportun de ne pas s'étendre sur le sujet et Cass dut approuver puisqu'il envoyait déjà un nouveau message.

Jeu 16/11 – 12h34 – Reçu – Tu as des frères et sœurs, Dean?

Jeu 16/11 – 12h34 – Envoyé – Un petit frère. Il s'appelle Sam. Tu vois, je suis presque sûr que vous vous entendriez bien!

Dean se mordit la lèvre après avoir envoyé le message. Cependant, il n'eut pas le temps de réfléchir à deux fois à son action, parce que Jo s'approchait de lui d'un air conquérant.

– Ha-ha! Pris sur le fait, Winchester!

Dean s'empressa de ranger son portable dans la poche arrière de son pantalon et fit de son mieux pour masquer ses joues qui rougissaient sans aucune raison. Il ne faisait rien de mal.

– J'ai pas le droit de prendre une pause? Le second service n'a pas vraiment commencé.

Jo lui lança un long regard qu'il soutint sans ciller. Aussi fort qu'elle le voulait, Jo était loin d'être aussi intimidante que sa mère.

– Et qu'est-ce que tu faisais exactement, hein?

Puis soudain, son visage s'illumina d'une lueur de compréhension et elle sourit d'un air que Dean n'aimait vraiment, mais vraiment pas du tout. Celui qu'elle avait quand elle préparait un mauvais coup.

– C'est le gars d'hier, c'est ça? Il t'a répondu?

Dean resta impassible mais il ne put plus soutenir le regard de son amie. Le sourire de Jo s'élargit.

– Oooooh… Quand je vais dire aux autres que tu as le béguin…

– Je t'interdis de parler de ça à qui que ce soit! Et je n'ai le béguin pour personne!

Pour toute réponse, Jo éclata de rire et le gratifia d'une tape sur l'épaule.

– Tu peux nier tant que tu veux, Dean, j'ai un radar pour ça! Traîne pas trop, on a un service à assurer.

Et sur ce, elle s'en fut accueillir de nouveaux clients. Dean la regarda partir et quand il fut certain qu'elle soit trop occupée pour le voir, il ressortit son portable qu'il déverrouilla à nouveau.

Jeu 16/11 – 12h35 – Reçu – Vraiment?

Jeu 16/11 – 12h39 – Envoyé – Oui. Je suis sûr que tu es aussi nerd que lui. *smiley fou*

Jeu 16/11 – 12h40 – Reçu – Qu'est-ce qui te fait dire ça?

Jeu 16/11 – 12h40 – Envoyé – Tu sais… tes longues études. Comme lui.

Jeu 16/11 – 12h40 – Envoyé – Je dois vraiment te laisser. Je suis en service et je vais me faire taper dessus si j'y retourne pas.

Et Dean rangea le portable une bonne fois pour toutes avant de rejoindre Jo en salle pour prendre des commandes.


Castiel releva la tête du livre qu'il essayait de lire depuis le début de l'après-midi avec un soupir. Il ne l'avouerait jamais, mais sa faible concentration était causée par son attente – interminable – d'un nouveau message de Dean. Il l'avait laissé au beau milieu de leur conversation et même s'il travaillait, Castiel aurait préféré qu'elle ne se finisse jamais.

Ce dernier soupira une seconde fois et reposa le livre sur sa table de chevet avant de se contorsionner pour attraper son téléphone. Une fois réinstallé confortablement sur son lit, le doctorant hésita un instant. Et puis tant pis. Il se faisait l'effet d'un parfait idiot mais il ne pouvait s'en empêcher.

Jeu 16/11 – 16h31 – Envoyé – Qu'est-ce que tu aimes faire quand tu t'ennuies, Dean?

Il fallut quelques minutes avant que Dean ne lui réponde et quand le vibreur retentit une intense chaleur se répandit dans ses entrailles.

Jeu 16/11 – 16h35 – Reçu – Je regarde un film, en général. Ou un truc du genre. Et toi?

Jeu 16/11 – 16h35 – Reçu – Est-ce que tu essaies de faire un small talk?

Castiel sentit son visage s'échauffer. Dean semblait capable de lire en lui comme dans un livre ouvert et pour être honnête, la chose lui faisait un peu peur. Il décida de répondre à la première question d'abord.

Jeu 16/11 – 16h35 – Envoyé – Je préfère lire pour ma part.

Castiel se mordit la lèvre, hésitant, avant d'appuyer sur la touche «Envoyer».

Jeu 16/11 – 16h36 – Envoyé – Je ne sais pas. Ce n'était pas la raison pour laquelle tu m'as donné ton numéro?

Jeu 16/11 – 16h36 – Reçu – Bordel, Cass, change jamais.

Le concerné haussa un sourcil, intrigué parce qu'il ne voyait pas vraiment le lien entre ce qu'il venait de dire et la réponse de Dean.

Jeu 16/11 – 16h36 – Envoyé –?

Jeu 16/11 – 16h36 – Reçu – Je me comprends.

Jeu 16/11 – 16h36 – Reçu – Plus sérieusement, si, c'est une des raisons de ce traitement de faveur que je t'ai réservé, mais pas que, Cass.

Un sourire étira les lèvres du doctorant.

Jeu 16/11 – 16h37 – Envoyé – Un traitement de faveur, carrément?

Jeu 16/11 – 16h37 – Reçu – C'est toi qui as dit que tu étais privilégié. ;-)

Jeu 16/11 – 16h37 – Reçu – Mais oui.

Jeu 16/11 – 16h38 – Reçu – On discute. Et plus si affinités.

Le cœur de Castiel s'emballa à la lecture du message et pendant un moment, il se sentit incapable de répondre à ça. Dean ne pouvait être plus explicite quant à ce qu'il espérait de leurs discussions et pourtant, lui avait toujours autant de mal à y croire.

Jeu 16/11 – 16h39 – Envoyé – Et qu'est-ce que serait ce plus?

Castiel voulut aussitôt supprimer son message. Il n'était pas habitué. Il ne faisait pas ça. Il ne flirtait pas. Il était plutôt du genre passif. Son comportement n'avait aucun sens.

Jeu 16/11 – 16h39 – Reçu – A toi de voir.

De nouveau, il ne sut pas quoi dire. Une chose était certaine, Dean savait parfaitement ce qu'il faisait. Il dosait sans mal ses paroles et Castiel comprenait que sa méthode fonctionne. Il pourrait aisément tomber dans le piège lui aussi. Si tant est qu'il fréquentât des bars gays où il imaginait que Dean partait en chasse. L'idée lui tordit d'ailleurs un peu l'estomac. Il refusa d'identifier le sentiment.

Jeu 16/11 – 16h39 – Reçu – Désolé de pas avoir continué à parler après mon service. J'étais allé aider un ami de mon père. Il est un peu comme un oncle pour Sam et moi. Et il se fait vieux et a pas l'argent pour engager quelqu'un d'autre dans son garage. Du coup, dès que j'ai du temps, je vais l'y aider. J'ai passé mon après-midi sous un capot.

Jeu 16/11 – 16h40 – Envoyé – C'est honorable de ta part. De venir l'aider.

Jeu 16/11 – 16h40 – Reçu – C'est la moindre des choses. Sans lui, je sais pas où je serai.

Castiel se demanda un instant ce que ces paroles-là signifiaient. Mais il ne se sentit pas de satisfaire sa curiosité. Il ne parlait à Dean que depuis quelques heures. Et on ne posait pas ce genre de questions à quelqu'un que l'on connait depuis quelques heures seulement.

Il se demanda où il pourrait mener la conversation. Il se rendait compte que Dean était bien plus doué que lui pour cela. Castiel avait souvent vécu en ermite. Il n'avait que peu d'amis, si on exceptait Meg, une fille aussi bizarre que brillante qui ne manquait jamais une occasion de lui répéter que «c'était vraiment dommage qu'il soit gay» et Crowley qui les avait présentés, et encore, il n'était pas certain que ce dernier soit véritablement classable dans cette catégorie puisqu'il était le fils d'une vieille amie de sa mère. Tout ça pour dire qu'il n'était pas du genre à lancer les conversations et qu'il avait beaucoup de mal à les entretenir. Alors sa tentative pour continuer le fameux « small talk» qu'il avait initié lui parut complètement stupide.

Jeu 16/11 – 16h41 – Envoyé – Tu as fait des études de mécanique?

Pourtant, Dean ne le jugea aucunement. Il semblait même prendre plaisir à répondre à ses questions. Comme s'il n'était pas assez parfait comme ça, songea Castiel en se faisant de nouveau l'effet d'un idiot de classe mondiale.

Jeu 16/11 – 16h41 – Reçu – Nope.

Jeu 16/11 – 16h41 – Reçu – J'ai appris sur le tas.

Jeu 16/11 – 16h41 – Reçu – Enfin, j'ai surtout appris à prendre soin de Baby.

Jeu 16/11 – 16h41 – Reçu – C'est ma voiture. Un «cadeau» de mon père… enfin, c'est pas important comment je l'aie eue.

Jeu 16/11 – 16h41 – Reçu – C'est une Chevrolet Impala de 1967. Une merveille. Faudrait que je te la présente un jour.

Castiel sourit. Ce que sous-entendait ces quelques mots lui plaisait énormément.

Jeu 16/11 – 16h42 – Envoyé – J'aimerai beaucoup.

Jeu 16/11 – 16h42 – Reçu – Ouais mais compte pas sur moi pour te laisser la conduire. Je suis son seul maître. Même Sam a pas le droit de la toucher.

Jeu 16/11 – 16h42 – Envoyé – Il n'y a aucun risque. Je suis un véritable danger public sur la route, Dean. Je ne me déplace qu'en transports en commun.

Jeu 16/11 – 16h42 – Reçu – xD

Il y'eut un instant de silence, si on pouvait appeler cela ainsi. Castiel se demandait si Dean ne le laissait pas sciemment mener la conversation. Était-ce un test? A la simple idée, son estomac se tordit. Et s'il échouait? Il avait déjà failli gâcher ses chances, il ne voulait pas recommencer.

Jeu 16/11 – 16h43 – Envoyé – Tu parles beaucoup de ton frère.

Tu es une véritable catastrophe, se morigéna-t-il.

Jeu 16/11 – 16h43 – Reçu – Oups.

Jeu 16/11 – 16h43 – Reçu – Désolé.

Jeu 16/11 – 16h43 – Reçu – Je m'en rends pas compte.

Jeu 16/11 – 16h44 – Envoyé – Il n'y a pas de mal.

Jeu 16/11 – 16h44 – Envoyé – En apprendre un peu plus sur toi et ta famille… c'est le but de ces discussions, non?

Jeu 16/11 – 16h44 – Reçu –Ouais. Carrément!

Jeu 16/11 – 16h45 – Reçu – Sam a quatre ans de moins que moi. C'est un petit génie. Il est à Stanford. Il veut devenir avocat. Il est un peu nerd sur les bords.

Jeu 16/11 – 16h45 – Reçu – Qu'est-ce que je peux te dire d'autre sur lui?

Jeu 16/11 – 16h45 – Reçu – Quand il était petit, (mon Dieu il va me tuer s'il sait que je t'ai dit ça) il adorait que je lui lise les romans de Carver Edlund, Supernatural. Il disait que les personnages principaux lui faisaient penser à nous deux. Tu connais?

Castiel manqua s'étouffer avec sa propre salive. Oh bon sang… songea-t-il, complètement abasourdi.

Jeu 16/11 – 16h46 – Envoyé – Un peu que je connais.

Devait-il spécifier qu'il connaissait également l'auteur, il l'ignorait.

Jeu 16/11 – 16h47 – Reçu – Sérieux? Chaque fois que j'allais acheter un volume à la librairie avec mon argent de poche du mois, le vendeur me disait que j'étais probablement le seul à lire ça de toute la ville.

Castiel se gratta l'arrière du crâne. Il ne risquait sans doute rien à se confier à Dean. Il n'avait pas encore dit du mal des romans Supernatural.

Jeu 16/11 – 16h48 – Envoyé – A vrai dire, je n'ai pas eu trop le choix que de les lire. Au moins pour que mon père me laisse tranquille. Bien que ça n'a pas été aussi désagréable que je le pensais.

Jeu 16/11 – 16h48 – Reçu – Attends une minute. Pourquoi ton père…

Jeu 16/11 – 16h48 – Reçu – Putain de merde. Je vais sûrement dire un truc débile et improbable mais…

Jeu 16/11 – 16h48 – Reçu – Carver Edlund, c'est ton père?

Si Dean s'était trouvé dans la même pièce que lui, Castiel l'aurait sans doute gratifié d'un «Mmh» très éloquent.

Jeu 16/11 – 16h49 – Envoyé – Oui. C'est son nom de plume.

Jeu 16/11 – 16h49 – Reçu – Attends, en vrai de vrai? Genre je suis pas à côté de la plaque?

Jeu 16/11 – 16h49 – Envoyé – Non, Dean.

Jeu 16/11 – 16h49 – Reçu – Oh bordel, la coïncidence!

Jeu 16/11 – 16h49 – Envoyé – Alors ton frère est un fan?

Les livres de son père, voilà un sujet sur lequel Castiel était capable de mener une conversation. Bien que, comme Dean l'avait si justement fait remarquer, il n'aurait pas pensé qu'une telle coïncidence se produise.

Jeu 16/11 – 16h51 – Reçu – Non. Honnêtement, j'avais pas acheté ce bouquin pour Sam. Une pote à moi m'en avait parlé et comme elle arrêtait jamais de le mentionner, j'ai décidé de lui donner sa chance. Sam m'a vu avec et comme tous les petits frères et sœurs du monde à son âge, il voulait faire comme moi. Sauf qu'il savait à peine lire à l'époque. Du coup, j'ai dû lui faire la lecture.

Jeu 16/11 – 16h52 – Reçu – Étonnamment, Supernatural nous a énormément rapprochés. Le soir, quand je lui lisais un chapitre, c'était notre moment rien qu'à nous. Ensuite on s'amusait à essayer de deviner la suite. T'aurais vu son regard quand je le félicitais d'avoir trouvé… Parfois, on se demandait ce qu'on ferait à la place de Jensen et Jared.

Jeu 16/11 – 16h52 – Reçu – Tout ça pour te dire que c'est des supers souvenirs d'enfance. Alors, ouais, Supernatural a une place particulière dans mon cœur.

Castiel eut un sourire attendri en imaginant un jeune Dean blotti contre son frère cadet dans un lit une place, un volume des aventures des frères Morgan sur les genoux, contant à voix basse à son petit frère qui l'écoutait religieusement. Une chose, qu'étrangement, il voyait bien Jensen et Jared faire s'ils n'avaient pas eu la vie que leur père les avait forcés à vivre.

Jeu 16/11 – 16h53 – Envoyé – Tu sais, je vois pourquoi ton frère trouve que vous leur ressemblez.

Jeu 16/11 – 16h53 – Envoyé – A Jared et Jensen.

Jeu 16/11 – 16h53 – Reçu – Ah ouais?

Jeu 16/11 – 16h54 – Reçu – Je crois pas à tous ces trucs mais c'est peut-être un signe qu'on devait se rencontrer.

La remarque fit rosir Castiel. Il passa une main gênée dans ses cheveux.

Jeu 16/11 – 16h54 – Reçu – Dis-moi, Cass… est-ce que ton père s'est inspiré de toi pour créer Cassiel? [1]

Jeu 16/11 – 16h55 – Envoyé – Peut-être. Tous les anges de Supernatural (ceux qui sont récurrents du moins) ont plus ou moins des points communs avec mes frères et soeurs. Et c'est vrai que je me retrouve un peu dans Cassiel.

Jeu 16/11 – 16h56 – Reçu – Cassiel est mon personnage préféré.

Jeu 16/11 – 16h56 – Envoyé – Vraiment?

Jeu 16/11 – 16h56 – Reçu – Yep. Même que je l'imaginais un peu comme toi.

Castiel rit face à son écran. Il allait finir par croire que sa rencontre avec Dean n'avait rien d'une coïncidence. Castiel se demanda s'il pouvait dire à Dean qu'il était l'incarnation-même de la façon dont son imagination s'était figuré Jensen. Mais avant qu'il ait pu décider ce qu'il en ferait, son portable se mit soudain à sonner, affichant le numéro de Gabriel. Castiel laissa échapper un soupir.

Jeu 16/11 – 16h59 – Envoyé – Je dois te laisser, Dean.

Jeu 16/11 – 16h59 – Reçu – A plus, Cass. *wawing*

Jeu 16/11 – 17h00 – Reçu – C'était sympa de discuter avec toi.

Ce fut avec un sourire que Castiel décrocha à l'avant-dernière sonnerie.

– Allô?


[1] Alors oui, j'aurais pu continuer le délire de Supernatural dans Supernatural et appeler ce personnage Misha mais allez savoir pourquoi, je trouvais que cela ne faisait pas assez «ange». Du coup j'ai opté pour un nom ressemblant à Castiel et qui est celui d'un véritable Ange du Seigneur dans la mythologie angélique (si on peut dire ça comme ça) et qui est l'Ange du Jeudi. C'est d'ailleurs grâce à Cassiel qu'Eric Kripke a nommé Castiel ainsi.


Bon. n'a pas gardé la pagination de mon document donc j'ai dû tout remettre en forme. J'espère que je n'aurais rien oublié et qu'il n'y aura pas de "surprises" à la publication. Normalement, les messages de Dean étaient alignés à droite etles smileys visibles mais ces fonctionnalités n'existent pas ici donc je me contente du centre. Bref.

Sinon, j'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à me laisser une review, c'est un peu mon calendrier à moi ;-). On se retrouve lundi pour le chapitre 2 intitulé Shivers !