Vendredi 15 décembre 2023

CHAPITRE HUIT: I LOVED HER FIRST – HEARTLAND (partie 1)

I was enough for her not long ago

I was her number one, she told me so

And she still means the world to me

NDA : Les deux prochains chapitres sont plus ou moins centrés sur notre third wheel préféré, j'ai nommé le seul et l'unique Sam Winchester! Parce que j'avais envie de montrer le Destiel au travers des yeux d'un autre personnage. J'espère que j'aurais bien retranscrit le caractère de Sam!

Je ne sais jamais trop quoi penser de ce diptyque (il est quand meme un peu silly) mais je me suis assez amusée à l'écrire donc je l'ai gardé. J'espère qu'il vous plaira!

Bonne lecture!


Sam fut réveillé par les bruits de casseroles provenant de la cuisine. Il s'étira, ses vertèbres craquant une à une avec le mouvement. Il n'était pas vraiment mécontent de repartir à Stanford le lendemain. Pas qu'il n'apprécie pas la compagnie de son frère – au contraire – mais parce que le canapé de Dean était loin d'être confortable et que malgré les imprécations de son aîné à le rejoindre dans sa propre chambre – le lit était bien assez grand pour deux selon Dean et ils avaient de toutes façons déjà fait ça des milliers de fois – il finissait toujours par s'y endormir en relisant ses cours.

Sam se redressa et tourna la tête vers la cuisine où son frère s'affairait à leur préparer un petit déjeuner, chantonnant gaiement les paroles d' Heat of the Moment, d'Asia. Sam remarqua soudain la mélodie qui s'échappait à faible volume de la radio et il haussa un sourcil tandis que Dean se trémoussait.

« Rise and shine, Sammy! s'écria ce dernier sans se retourner, une poêle dans la main.

Sam secoua la tête, désabusé et s'extirpa du canapé sans un mot, renversant au passage quelques-unes de ses feuilles de cours sur lesquelles il s'était endormi la veille, avant de rejoindre son frère dans la cuisine. Dean avait déjà mis la table pour deux et terminait de faire cuire des œufs brouillés.

– Mec, Asia? demanda-t-il en s'adossant au plan de travail, non loin de son frère.

Dean se tourna vers lui et l'observa, indéchiffrable.

– Quoi?

Sam lui rendit son regard, les bras croisés sur sa poitrine.

– Allez! Tu adores cette chanson.

– Pour info, non, je ne l'adore pas.

Et ça n'avait rien avoir avec l'humour douteux de Dean que Sam avait subi pendant près d'un mois parce que son frère trouvait amusant de changer sa sonnerie tous les soirs quand il dormait pour le réveiller au son agressif d'Asia. Sam avait mis un moment avant de comprendre que ça n'avait rien avoir avec un bug [13]. Il secoua la tête, désabusé et observa son aîné quelques secondes. Il était impossible de ne pas remarquer le sourire qui ne disparaissait jamais de ses lèvres plus de quelques secondes ou la lueur dans son regard. Dean rayonnait. Il n'y avait pas d'autre mot et Sam n'était pas assez réveillé pour avoir la force d'en chercher un autre. Il lui fallait son café d'abord.

Un sourire lui échappa. Son frère n'avait jamais été comme ça. Aussi loin qu'il pouvait s'en souvenir du moins.

– Tu es de bonne humeur, fit-il remarquer quand Dean eut éteint la plaque de cuisson et servi les œufs dans leurs assiettes.

Il s'affairait déjà à leur faire couler un peu de café et Sam se dirigea vers le frigo pour sortir une bouteille de jus d'orange. Cela lui rappela l'époque où ils vivaient ensemble en Californie, quand Sam n'avait pas encore rencontré Jess. Dean et lui avaient toujours fonctionné ainsi. Ils se comprenaient sans vraiment se parler, se complétaient et savaient toujours ce dont l'autre avait besoin. Ils pouvaient passer des heures à plancher sur n'importe quelle activité et y parvenir sans communiquer.

Beaucoup trouvaient la relation des frères Winchester un peu étrange. Ils leur paraissaient bien trop soudés pour que cela soit tout à fait normal et certains disaient même qu'il y'avait une certaine codépendance dans l'affection qu'ils se portaient l'un à l'autre. Beaucoup des copines de Sam avaient tourné les talons après avoir rencontré Dean. Elles se sentaient de trop. Et Sam n'avait pas essayé de les rattraper parce que si elles n'acceptaient pas son frère, alors il n'avait plus rien à faire avec elles. Comme beaucoup, elles ignoraient ce qu'il s'était passé pendant l'adolescence de Sam et le rôle crucial que son frère avait joué dans sa vie à ce moment-là.

Sam savait que Dean pensait qu'il l'ignorait, mais il était pleinement conscient qu'il devait beaucoup à son frère. Après la séparation de leurs parents, Sam n'était pas certain qu'il aurait tenu sans le soutien de Dean. Il pouvait même affirmer que sans lui, il n'aurait même pas vécu décemment chez leur père.

Toute son adolescence, c'était Dean qui avait pris le rôle de John. Il l'avait accepté sans broncher. Si Sam l'avait compris plus tôt, il lui aurait sans doute dit que ça n'était pas normal et il aurait demandé à Dean de faire les démarches nécessaires pour que Mary obtienne la garde exclusive. Il détestait l'idée mais cela aurait été autant pour son bien que pour celui de Dean.

Il ne l'avait pas fait et Dean avait sacrifié beaucoup de choses pour lui. Sam le savait. Il se demandait s'il n'avait pas sacrifié bien plus que tout ce dont il se doutait déjà et parfois, il aurait voulu que Dean le lui avoue. Parfois, il aimerait lui dire à quel point il savait lui être redevable. À quel point il devait comprendre qu'il était la personne la plus désintéressée et aimante qu'il connaissait. Leur père avait empêché Dean de voir tout ça. Il espérait qu'un jour quelqu'un montrerait à Dean la belle personne qu'il était et lui ferait oublier les choses horribles que John avait dites à son fils. Et c'était pour cette raison que Sam ne supportait pas l'idée de partager sa vie avec quelqu'un qui n'acceptait pas que son frère y soit complètement.

– Ca m'arrive des fois, répondit Dean, sortant Sam de ses pensées.

Celui-ci haussa un sourcil et essaya d'établir un contact visuel avec Dean qui s'était installé face à lui.

– Hmm. Et ton rendez-vous d'hier soir n'y serait pas pour quelque chose par hasard?

Sam parvint finalement à rencontrer les prunelles vertes de son aîné.

– Ca s'est bien passé?

Et tant pis s'il ne pouvait pas retenir l'excitation qui le saisissait à l'idée de savoir. Il voulait tellement que Dean soit heureux.

– Sam, tu as l'air d'une gamine de quinze ans en quête des meilleurs potins du lycée.

– Réponds à la question, répliqua ce dernier avant d'enfourner une bouchée d'œufs brouillés.

Dean détourna les yeux, ses joues se colorant d'une délicate couleur rosée. Sam exulta intérieurement et retint l'exclamation qui voulait s'échapper de ses lèvres à grand-peine.

– Ooooh, ça s'est très bien passé, même!

Dean garda obstinément le regard baissé sur son assiette, sa gêne semblant s'intensifier avec les secondes qui passaient.

– Allez, raconte!

Dean adressa une œillade désabusée à son frère qui prit bien soin de le fixer avec l'expression la plus impatiente de sa collection, juste parce qu'il aimait bien trop faire sortir son aîné de ses gonds. Et puis ce n'était que justice après les blagues musicales de Dean.

– Deeeeeeaaaan?

L'intéressé roula des yeux et avala une gorgée de café avant de reposer la tasse un peu plus violemment que nécessaire. Sam, lui, n'avait pas cessé de le fixer, sans pouvoir retenir le sourire amusé et moqueur qui fleurissait sur ses lèvres quand Dean céda, non sans rouler des yeux une nouvelle fois.

– On a dîné ensemble. On s'est baladé dans le parc. Et je l'ai ramené chez lui.

Sam ricana. Dean le fusilla du regard. Il se targuait de ne pas être un romantique et pourtant, la scène que Dean décrivait avait toute sa place dans une comédie romantique de Noël. Son rire étouffé explosa bientôt hors de sa gorge. Il était incapable de le retenir. Son frère faisait cette tête bougonne qu'il avait toujours quand Sam faisait exprès de le mettre mal à l'aise et qu'il lui disait simplement de «monter dans la voiture» histoire de couper court à toute conversation. Et le cadet aimait bien trop s'amuser de cette timidité inhabituelle aux dépens de son frère.

– Et ensuite?

Dean le foudroya du regard. Mais il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer la délicate rougeur sur ses joues. Il resta muet. Le sourire de Sam s'élargit.

– Il t'a embrassé? Tu l'as embrassé? Vous vous êtes embrassés? lança-t-il sur un ton surexcité.

Le regard assassin que lui lançait Dean, regard très peu crédible si l'on considérait la couleur de son visage qui tenait présentement plus de l'écrevisse que de n'importe quoi d'autre, le prévenait déjà qu'il regretterait amèrement de s'être joué de lui. Sam ricana intérieurement. Il n'était vraiment pas prêt pour la suite...

Finalement, Dean se leva pour aller laver son assiette après avoir vidé d'un trait sa tasse de café. Sam le regarda s'appliquer à faire sa vaisselle, un sourire aux lèvres tandis qu'il sirotait tranquillement sa propre boisson. Ce qu'il faisait subir à Dean n'était qu'un juste retour des choses parce que son aîné l'avait chambré tellement longtemps quand il avait rencontré Jess qu'il s'était juré de se venger le jour où son frère vivrait la même chose. Ce à quoi Dean avait répondu qu'il était donc en toute sécurité.

– Oui, dit soudain ce dernier sans se retourner et il fallut quelques secondes à Sam pour comprendre que Dean répondait à sa question.

Il ricana.

– Sammy, tu te moques, je te jure que tu passes par la fenêtre.

– Je ne suis pas sûr que Castiel trouve un meurtrier très sexy, répliqua-t-il avant d'enfouir son rictus au fond de sa tasse. Encore moins si c'est un fratricide.

– Attends qu'il te rencontre. Je suis sûr qu'il me suppliera de te tuer tellement tu es insupportable.

– Moi aussi je t'aime, répondit Sam avant de ne plus pouvoir retenir ses éclats de rire.

Il s'était contenu bien trop longtemps. Il vit le regard désespéré de Dean sur lui tandis qu'il essuyait la tasse qu'il venait de laver et son expression ne fit que redoubler l'intensité de son hilarité. Dean finit par se retourner en secouant la tête, désabusé. Il aurait dit quelque chose comme «Les gosses, je te jure…» que Sam n'aurait pas été étonné.

Il termina son petit-déjeuner et il rejoignit son frère près de l'évier pour l'aider avec la vaisselle. Au bout d'un moment de silence, Sam finit par dire, plus sérieux que jamais:

– Je suis content pour toi, Dean.

Dean tourna la tête vers lui et sourit. Et si ses yeux brillèrent un peu aux mots de Sam, qui, ils le savaient tous les deux cachaient bien plus que ce qu'ils disaient explicitement, ils firent comme si c'était juste la poussière qui le gênait. Finalement, Dean attrapa Sam et l'enferma dans une ferme étreinte. Sam sourit et serra son frère dans ses bras.

– Merci Sammy.

Il le gratifia d'une tape dans le dos avant de le libérer et reprit sa tâche là où il l'avait laissée. Soudain, son portable vibra sur la table et Dean se détourna de la vaisselle pour venir voir de quoi il s'agissait. Aussitôt, ses lèvres se courbèrent en un sourire tendre et Sam ricana silencieusement avant de se glisser discrètement dans le dos de son aîné pour lire par-dessus son épaule.

Dim 10/12 – 10h36 – Reçu – Bonjour Dean.

La partie supérieure de l'écran du téléphone indiquait «Cass». Sam esquissa un sourire.

Dim 10/12 – 10h36 – Reçu – Hum… ça te dérange si je passe chez toi dans disons… une heure et demi?

Dim 10/12 – 10h37 – Envoyé – Je te manque déjà? *smiley qui tire la langue*

Dean ne semblait même pas avoir remarqué sa présence. Sam ne bougeait pas d'un pouce.

Dim 10/12 – 10h37 – Reçu – Je peux toujours venir plus tard, sinon…

Dim 10/12 – 10h38 – Envoyé – Espèce d'idiot. Évidemment que ça ne me dérange pas.

Dim 10/12 – 10h38 – Envoyé – Tu veux que je vienne te chercher?

Dim 10/12 – 10h38 – Reçu – Oh.

Dim 10/12 – 10h38 – Reçu – Hum.

Dim 10/12 – 10h39 – Reçu *smiley gêné*

Dim 10/12 – 10h39 – Reçu – A vrai dire, j'étais déjà en route…

Sam fit de son mieux pour ne pas rire en voyant la réaction de son frère, un immense sourire empreint d'une affection à peine dissimulée, un de ceux que Sam n'avait pas vus depuis des années sur le visage de son frère. Il lui tardait de plus en plus de rencontrer Castiel. Il devait avoir quelque chose de vraiment spécial pour parvenir à faire ressortir ce côté tendre que Dean cachait la plupart du temps. Et puis son initiative était assez attendrissante… Peut-être Castiel avait-il voulu faire une surprise à Dean et s'était ravisé, craignant de s'imposer?

Dim 10/12 – 10h39 – Envoyé – Alors je te manquais vraiment, hein? *smiley souriant*

Dim 10/12 – 10h39 – Reçu – …

Dim 10/12 – 10h40 – Envoyé – Toi aussi, tu sais?

Sam sourit. Qui aurait bien pu croire que Dean Winchester, parmi les près de huit milliards d'êtres humains qu'ils étaient sur cette Terre, soit un incorrigible romantique?

Dim 10/12 – 10h41 – Reçu – Dean?

Dim 10/12 – 10h41 – Reçu – Oui?

Dim 10/12 – 10h41 – Reçu – Il y'a quelque chose que je dois savoir sur ton frère?

Dim 10/12 – 10h41 – Reçu – Enfin… je ne veux juste pas…

Dim 10/12 – 10h42 – Envoyé – Quoi? Lui faire mauvaise impression?

Dim 10/12 – 10h42 – Envoyé *smiley qui pleure de rire*

Dim 10/12 – 10h42 – Envoyé – Ça risque pas, Cass. Il te vénère plus que Céline Dion à ce stade.

Dim 10/12 – 10h42 – Envoyé – C'est sa chanteuse préférée.

Dim 10/12 – 10h43 – Reçu – Dean, s'il te plaît.

Dim 10/12 – 10h43 – Envoyé – Non, Cass. Rien en particulier, si ce n'est qu'il est un insupportable casse-couilles qui lit par-dessus mon épaule depuis le début de cette conversation.

Dim 10/12 – 10h43 – Envoyé – Sois juste toi-même. Il va t'adorer.

Cette fois, Sam ne put s'empêcher d'exploser de rire. Ça n'était que justice en fin de compte. Il lança un regard à Dean qui lui tira la langue dans une attitude purement puérile avant de s'éloigner en riant aussi. Sam secoua la tête. Visiblement, la guerre avait été déclarée bien plus tôt que prévu.


Dire que Sam s'était précipité sur la porte à la seconde où Castiel avait toqué était un euphémisme.

Sa réaction semblerait sans doute disproportionnée à la majorité du monde mais la majorité du monde ignorait ce qu'il s'était passé dans la vie des Winchester. Ils n'avaient pas vu, comme Sam avait vu, Dean perdre totalement espoir en ce qui concernait l'amour et les relations humaines. Ils ne l'avaient pas vu s'abandonner à des inconnus parce qu'il était persuadé qu'il détruisait tout ce qu'il touchait. Ils ne l'avaient pas vu quand John avait petit à petit réduit en pièces chaque parcelle qui faisait de Dean celui qu'il avait été avant de révéler son secret. Ils ignoraient tout de la relation compliquée qu'avait Dean avec les sentiments – les positifs – et en particulier avec l'amour.

Alors à l'échelle de Sam Winchester, le fait que quelqu'un ait réussi à percer l'armure de son frère pour le toucher droit au cœur – oui il avait parfaitement conscience de comment cela sonnait, merci bien – ce qui se produisait en ce moment avait des allures de petit miracle. Et Sam étant d'une nature curieuse, il brûlait de découvrir comment et pourquoi Castiel avait réussi un tel exploit. Leur entrevue à la librairie ne lui avait pas permis une telle chose.

L'étudiant calma quelque peu ses ardeurs avant d'ouvrir la porte – il ne voulait pas effrayer Castiel – et après avoir pris une grande inspiration – parce qu'il avait l'étrange sensation qu'il vivrait dans peu de temps un moment très solennel – il enclencha la poignée en affichant un sourire sur ses lèvres. Il s'écarta pour laisser entrer Castiel avant de poser son regard sur lui. Même s'il savait que le geste pouvait paraître très étrange, il ne pouvait s'en empêcher.

Et comme la première fois, Castiel lui sembla simplement… banal. Il était brun, ce qui n'était pas rare, de taille moyenne – bien que du haut de ses presque deux mètres, Sam le trouvât petit – et il ne semblait rien transparaître de si particulier. Ok, peut-être qu'il avait parfaitement le physique des fantasmes inavoués de Dean que ce dernier ignorait être parfaitement connus de son cadet, mais en le regardant simplement, rien ne justifiait le brusque coup de foudre de Dean. Ce fut jusqu'à ce qu'il croise son regard.

Étrangement, ce ne fut pas ce bleu presque surnaturel qui attira l'attention du cadet Winchester. Non. Il le vit à peine. Ce fut cette étincelle dans les yeux de Castiel, la même petite étincelle qu'il voyait souvent dans le vert des prunelles de Dean. Cette étincelle si particulière que leur père et ses mots avaient mise dans les iris de l'aîné. Celle sans doute née de l'éducation de Castiel. Une étincelle dont l'intensité, des années en arrière, signifiait «Excusez-moi d'exister.» dans les yeux de Dean.

Aussitôt, Sam comprit pourquoi Dean était tombé pour Castiel. C'était évident. Ils souffraient des mêmes maux et il en fallait si peu pour se rendre compte qu'ils se comprendraient mieux que quiconque d'autre les comprendrait. Sam, à son grand regret, avait essayé et échoué parce qu'il ignorait tout simplement toutes les étapes qu'avaient dû franchir son frère pour s'accepter avant de timidement demander à sa famille de le faire également. Castiel, lui, vivait exactement la même chose. Il offrait à Dean ce qu'il avait toujours recherché. Quelqu'un qui saurait.

Castiel lui tendit un paquet et Sam mit quelques secondes avant de s'en saisir, trop perdu dans ses propres pensées.

– C'est le livre que vous aviez commandé. On l'a reçu vendredi en fin de journée.

Sam sourit.

– Merci.

Il hésita un instant.

– Au fait, on peut se tutoyer?

– Volontiers, lui répondit Castiel avec un sourire.

Sam se détourna un instant pour déposer le livre sur la table basse déjà envahie par ses notes de cours et quelques effets personnels de Dean puis il se tourna vers Castiel avec un autre sourire.

– Je suis vraiment content de te rencontrer, Castiel. Dean m'a beaucoup parlé de toi.

Castiel rosit et Sam retint à grand-peine le rictus qui voulait fleurir sur ses lèvres. Il tenait à la vie et préférait éviter de mettre le petit ami de son frère mal à l'aise, au risque de subir le courroux de ce dernier.

– Dean finit de se doucher, informa-t-il. Hum… j'imagine que tu peux poser tes affaires quelque part par là.

Sam désigna la cuisine et ses chaises d'un geste vague avant de rejoindre le canapé encore jonché de ses innombrables fiches de révisions. Il en récupéra quelques-unes avant de les tasser dans une vaine tentative de rangement. Il sentit soudain le regard de Castiel sur lui et leva la tête. Il souriait.

– Ca ne me rappelle pas de bons souvenirs, fit-il avec un signe de tête en direction des paquets de feuilles.

Sam en ramassa un autre avant de lui répondre. Finalement Castiel le rejoignit et l'aida à rassembler le reste de ses cours. Il les lui tendit sans se départir de son sourire.

– Merci.

Sam déposa ses cours sur la table avant de se tourner vers Castiel.

– J'avoue qu'il me tarde pas mal que tous ces partiels soient terminés.

Castiel esquissa un rictus compatissant.

– Pendant ces périodes-là, j'en venais presque à remettre en question mon choix d'aller à la fac.

– Dean dit que je suis un peu maso de m'infliger ça. Parfois je me demande s'il n'a pas raison.

Castiel eut un sourire tendre.

– Ca ressemble en effet à ce qu'il serait capable de dire.

Sam passa une main dans ses cheveux, grattant l'arrière de sa tête avec un sourire nerveux parce que ce sourire et ces paroles délivraient tant d'affection qu'il s'en sentit un instant mal à l'aise. Pas que cela le dérange, plutôt parce que cela le déstabilisait. Quelque chose changeait dans la vie de son frère et c'était tout aussi agréable qu'étrange et inattendu.

– Tu veux boire quelque chose, Castiel? demanda-t-il pour se donner contenance. Ou manger un truc?

– Ca ira pour le moment. Merci.

Sam désigna le canapé enfin libéré d'un geste.

– Installe-toi, je t'en prie.

Castiel acquiesça et s'assit. Sam l'imita une seconde plus tard, se plaçant à l'autre extrémité.

– Donc tu fais du droit?

Sam acquiesça mais ne sut pas trop quoi répondre. Castiel semblait se charger de mener la conversation, cependant.

– Il est fier de toi, tu sais. Ça se voit à la façon dont il parle de toi.

Sam détourna les yeux, sentant la gêne se manifester sur son visage.

– Vraiment?

– Oui. Même si ça le tuerait de l'admettre devant toi.

Sam esquissa un sourire et se tourna de nouveau vers Castiel. Il souriait toujours et ses yeux bleus brillaient d'une lueur de malice teintée de quelque chose qui pourrait presque passer pour de la complicité.

– Comment tu peux le connaître aussi bien en si peu de temps? s'étonna Sam sans pouvoir retenir sa langue.

Il n'était pas certain de vouloir dire ce genre de choses à voix haute. Castiel se mordit la lèvre avant de hausser les épaules.

– J'en déduis qu'il se confie rarement.

Sam acquiesça. Dean parlait peu de lui et il était passé maître dans l'art de détourner les conversations – et l'attention générale – de sa personne. Le cadet Winchester se mordit la lèvre à son tour.

– Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement? Si ce n'est pas indiscret.

Castiel prit quelques secondes pour réfléchir.

– Je crois que la chose la plus intime qu'il m'ait confié, c'est à propos de votre père. De sa réaction quand, hum… «il est sorti du placard». Ce sont ses propres mots.

–Il t'a parlé de notre père? fit Sam, surpris. Et de son coming out?

Castiel acquiesça. Et Sam en resta figé pendant un moment, incapable de parler. Dean n'avait plus jamais mentionné cet évènement depuis… depuis des années. Et la dernière fois qu'il l'avait fait, il était au plus bas et Sam se sentait impuissant parce que Dean lui échappait, parce qu'il avait l'impression de le voir perdre pied de jour en jour et il n'était même plus en contact avec leur père à ce moment-là. Quand Dean allait mieux, il avait simplement fait comme si l'évènement, les mots de John n'avaient jamais existé. Bien sûr, Sam savait qu'il n'avait pas oublié mais il n'en avait jamais reparlé, de peur de raviver la douleur. Il ne voulait plus jamais revoir Dean comme ça.

Et il s'était confié à Castiel? C'était… sans doute la chose à laquelle Sam s'attendait le moins. C'était presque incohérent avec le comportement habituel de son frère. Il était très doué pour enterrer les souvenirs, les sentiments qui le blessaient ou qui risquaient de le blesser. Et généralement, il n'en reparlait plus jamais. Il sentit le regard de Castiel sur lui alors Sam s'éclaircit la gorge et lui jeta une œillade en coin.

– Notre père… il… disons qu'il a fait en sorte que Dean … Il… il a réussi à lui faire croire qu'il ne valait pas... qu'il valait rien en fait. Il a mis dans sa tête qu'il était insignifiant. Dean… Dean s'est tellement déprécié à cause de lui et je…

Sam marqua une pause. Ça n'était pas son droit de parler de cette période de la vie de Dean, surtout sans son autorisation. Castiel semblait comme pendu à ses lèvres. Quant à ses yeux, même s'il le cachait bien, il scintillaient de rage contenue. Parfois Sam aussi ressentait ça. Parfois il détestait son père et même sa dépression après la séparation avec leur mère ne pouvait justifier son comportement avec Dean. Il ne risquait sans doute rien à mentionner quelques bribes de cette période sombre de sa vie.

– Tu n'as pas connu mon frère il y'a quelques années, quand on vivait encore ensemble. Il lui a fallu énormément de temps, même après qu'il m'ait accompagné à Stanford, pour aller mieux. Pourtant il gardait la face. Il ne voulait pas m'inquiéter, ni inquiéter notre mère. Il m'a fallu longtemps avant de voir qu'il allait mal et je m'en veux tellement pour ça. Encore aujourd'hui, je sais que ça a laissé des traces. Et j'aimerai juste… j'aimerai juste que Dean se voie comme je le vois, tu comprends?

Castiel considéra ses paroles un instant avant de hocher à nouveau la tête.

– J'aimerai aussi. Qu'il se voie comme je le vois.

Et juste comme ça, Sam adopta littéralement Castiel. Au même moment, son frère entrait dans le salon, ses cheveux encore humides et en bataille. Son visage s'illumina quand il aperçut Castiel. Sam jeta un œil à ce dernier. Il souriait, ses yeux rivés dans ceux de Dean qui venait de les rejoindre. Après quelques secondes d'hésitation, Dean déposa un chaste baiser sur la tempe de Castiel qui devint rouge pivoine et Sam sourit.

– Hey Cass, murmura-t-il en s'installant entre eux deux.

Sam n'eut aucun mal à remarquer que son frère s'était assis un peu plus près de Castiel. Leurs genoux se touchaient. Cette fois, il ne put cacher son sourire. Et il était sûr que Dean ne se rendait même pas compte de ce qu'il faisait.

– Tu ne l'as pas traumatisé, j'espère? lui lança-t-il avec un air suspicieux.

Sam leva les deux mains pour clamer son innocence.

– On a juste dit du mal de toi. Castiel était justement en train de me dire qu'il allait partir

Dean secoua la tête, désabusé mais Sam ne manqua pas le petit coup d'œil en direction de Castiel qui n'avait pas cessé de l'observer depuis son arrivée dans la pièce. Quelque chose dans son regard dû rassurer Dean puisque ce dernier s'appuya complètement contre le dossier du canapé.

– Bon, fit Sam en se levant, ses deux mains claquant avec force sur ses cuisses. Faut que j'appelle Jess.

– Hum, hum, fit Dean, déjà trop occupé à regarder Castiel.

Sam sourit, presque tenté de prendre une photo. Mais le doctorant n'était pas aussi inattentif que son frère – il semblait presque mal à l'aise soudainement – alors il se refusa à satisfaire son besoin de preuves pour ridiculiser son aîné dans un mois, quand il aurait atteint le quart de siècle. Il aurait d'autres occasions, il n'en doutait pas.

Sam secoua la tête et quitta le salon pour rejoindre la chambre de Dean non sans adresser un regard aux deux autres par-dessus son épaule. Dean le remarqua et le fusilla du regard ce à quoi Sam répondit en tirant la langue. Puis il s'enferma dans la chambre et composa le numéro de Jessica.


À peine Sam eut-il le temps de refermer la porte derrière lui que Dean était assailli de toutes parts par un Castiel qui le serra avec force dans ses bras. Même s'il ne se plaignait pas de cette brusque démonstration d'affection alors que Cass avait semblé complètement paralysé quelques secondes plus tôt, il en fut surpris. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre contenance et rendre son étreinte au doctorant qui avait déjà enfoui son nez dans sa nuque. Dean fronça les sourcils et murmura:

«Cass?

Aussitôt, l'intéressé leva la tête vers lui et plongea son regard dans le sien, aussi interrogatif que lui.

– Ne te méprends pas, je suis… très content de t'avoir là mais… que me vaut l'honneur?

Castiel lui sourit mais il y'avait une pointe de tristesse dans son regard dont Dean se trouva incapable d'identifier la provenance. Il leva une main et timidement, caressa la joue de Dean qui sentit un frisson remonter le long de son échine, comme à chaque fois que Cass le touchait. Ses doigts s'échouèrent dans les cheveux de Dean qui retint sa respiration. Ils étaient toujours pressés l'un contre l'autre et ce moment parfaitement inattendu lui semblait presque parfait. Si ça n'était cette satanée tristesse dans les yeux de son petit ami.

– Cass, qu'est-ce qu'il se passe?

Le doctorant se mordit la lèvre mais l'instant d'après, il plongeait son regard dans le sien sans cesser ses caresses.

– Je suis tellement désolé, Dean… Ce que tu as vécu… Toi plus que n'importe qui ne méritais pas ça.

Dean resta interdit un instant. Il ignorait de quoi Cass parlait. Ou plutôt, il préférait ignorer de quoi Cass parlait. Et toute cette affection, ce presque désespoir dans sa voix, Dean ne savait pas comment y réagir. Il ne faisait que contempler son petit ami, le regard vide, paralysé.

– Dean… dis-moi que tu sais que tu es quelqu'un d'exceptionnel.

Il fut incapable de répondre. Et Cass ne le quittait pas des yeux, l'implorant presque. Ses deux mains entouraient son visage cette fois-ci et Dean ne savait plus quoi faire. Son cœur ne cessait de s'emballer pour mieux s'arrêter, comme s'il avait oublié comment battre correctement à la seconde où Castiel l'avait regardé ainsi avec ces mots-là et quand enfin, les deux derniers neurones qui devaient rester fonctionnels dans son esprit parvinrent à additionner deux plus deux, Dean demanda, sa voix anormalement haut perchée:

– Tu as parlé à Sam?

Castiel acquiesça.

– S'il te plaît, dis-m…

– Qu'est-ce qu'il t'a dit? le coupa Dean et sa voix fut peut-être un peu sèche sans qu'il ne puisse l'empêcher.

Il ne voulait pas… il ne voulait pas que Cass apprenne – du moins pas pour le moment et pas par quelqu'un d'autre que lui – l'état dans lequel il avait été il y'a quelques années.

– Il m'a juste répété à quel point ton père est… est un…

Et il y'avait tellement de ressentiment, de colère dans la voix de Cass, toute dirigée contre quelqu'un qu'il ne connaissait ni d'Eve, ni d'Adam que Dean s'apaisa aussitôt. Il ne voulait pas que Castiel ressente ça. Pas avec lui.

– Un misérable connard, ouais je sais, Cass. Je sais.

Et ça ne devrait pas le blesser comme ça de dire du mal de quelqu'un qui l'avait détruit. Pourtant c'était le cas et Dean chassa tant bien que mal la sensation d'oppression dans sa poitrine.

– Il n'avait aucun droit de te faire sentir comme ça.

Et Castiel continuait de caresser son visage comme s'il essayait d'apprivoiser un animal blessé, il le regardait comme s'il était la plus belle œuvre d'art qu'il ait jamais vue et le cœur de Dean dansait encore la java.

– Dean, s'il te plaît. J'ai besoin de te l'entendre dire.

Dean le contempla un instant, muet. Mais il ne savait pas s'il pouvait dire ça. Tout simplement parce qu'il ne voyait pas ce qu'il avait de si exceptionnel aux yeux de Cass.

– Cass…

– Je t'en prie, Dean.

Il approcha son visage du sien. Leurs fronts se rencontraient, leurs nez s'effleuraient. Dean sentit son cœur rater un battement. Cela semblait si important pour lui et Dean était incapable de répondre. Alors il fit la seule chose qu'il savait faire dans ces moments-là.

Il agit. Il posa ses lèvres sur celles de Castiel et mit dans son baiser toute la conviction qu'il put pour montrer à Cass qu'il allait bien, qu'il allait mieux, que son père ne le remettrait jamais aussi bas qu'il l'avait été quelques années plus tôt, qu'il n'avait plus ce pouvoir. Et il espérait que Cass comprendrait. Son petit ami dut comprendre, car quand ils se séparèrent, Cass souriait. Dean lui rendit son sourire avant de repartir à l'assaut de la bouche de Castiel. Comme mues par une conscience qui leur était propre, les mains de Cass vinrent se poser près des clavicules de Dean qui se rapprocha plus encore de lui. Sans même qu'ils ne s'en rendent compte, Castiel s'était allongé contre l'accoudoir pour permettre à Dean de se coller à lui. Sa main droite partit à l'assaut de sa nuque et Dean laissa échapper un grognement au milieu du baiser. Cass s'empressa de s'infiltrer dans la brèche offerte et tandis que leurs langues se rencontraient, sa main gauche s'était posée sur sa taille, possessive. Ses propres doigts avaient déjà entrepris de décoiffer Cass plus qu'il ne l'était naturellement tandis que son autre main avait entouré le corps du doctorant pour effleurer la base de ses reins.

Ils finirent par se séparer, à bout de souffle, l'un contre l'autre et Dean ne put s'empêcher d'appuyer son front contre celui de Castiel avant de déposer un léger baiser sur le bout de son nez. Il sentit son compagnon frémir et sourit. Ses prunelles étaient toujours plongées dans celles de Cass qui le détaillait. Dean le laissa faire. Même si ce regard-là réveillait le désir au plus profond de son être. Il sentit que la main de Castiel quittait sa taille pour doucement remonter le long de son flanc. Aussitôt sa peau se couvrit de chair de poule. Est-ce qu'il essayait de faire disparaître les dernières réminiscences de cette difficile conversation?

– Cass? interrogea-t-il d'une voix rauque en se demandant comment un seul baiser pouvait le mettre dans un tel état.

L'interpellé interrompit ses caresses pour afficher une lueur interrogative dans ses yeux. Dean ne put retenir l'impulsion qui le saisit et il réduisit de nouveau la distance qui séparait leurs bouches pour l'embrasser encore. Dès lors que leurs lèvres s'effleurèrent, Castiel reprit ses explorations. Quand il eut presque atteint l'aisselle, il bifurqua pour venir caresser les pectoraux de Dean. La sensation fut telle qu'il mordit sans le vouloir la lèvre de Cass. Il rompit le baiser aussitôt.

– Pardon, je…

Mais Castiel le coupa en l'embrassant de nouveau. Quelques secondes plus tard, il le sentit jouer à son tour avec sa lèvre, la mordant avec douceur et tendresse. Ses mains n'avaient pas cessé de le parcourir. Dean retint un gémissement.

Sans interrompre le ballet de leurs lèvres, Dean partit à son tour à la découverte du corps de Castiel. Et même si une couche de vêtements le séparait de la peau de son compagnon, il pouvait dessiner chacun des contours de son torse. Il sentit Cass se cambrer sous ses caresses, comme pour augmenter la surface son corps en contact avec le sien et Dean sourit tout contre ses lèvres. Il vint toucher le ventre du doctorant qui gémit à son tour en se cambrant plus encore.

Dean pressa plus fort sa bouche contre celle de Castiel. Il s'effondra contre lui avec un soupir de contentement. Le bras de Castiel vint entourer sa taille. Dean sourit, son visage niché dans la clavicule de Cass.

Pendant un moment, ils ne dirent rien, restant simplement allongés l'un contre l'autre. S'il n'en était allé que de Dean, ils seraient sans doute déjà enfermés dans sa chambre mais il avait aussi l'étrange certitude que ce n'était pas le moment, pas encore. Encore plus quand il se connaissait assez pour savoir qu'il voulait juste faire disparaître ses pensées et les inquiétudes de son petit ami.

Il redressa un peu la tête, son nez effleurant la gorge de Cass qui frémit et tendit le cou, comme pour faire durer le contact. Dean continua de remonter le long de sa mâchoire, rencontrant les pommettes saillantes juste avant de déposer un baiser sur sa tempe, à la naissance de ses cheveux. Cass soupira et Dean sourit.

– Je suis désolé, Dean.

Il fronça les sourcils et se redressa pour pouvoir regarder Castiel. Ce dernier l'observait avec une expression penaude. Sans même se rendre compte qu'il avait adopté les mimiques de Cass, il inclina la tête sur le côté.

– De quoi tu t'excuses au juste?

– Avec ton frère, tout à l'heure… Je sais… je sais que tu aurais voulu m'embrasser mais je… je ne sais pas comment tu as su que… je suis désolé. J'aimerai pouvoir mais je…

Dean le fit taire d'un baiser. Il s'éloigna presque aussitôt mais il savait qu'il avait toute l'attention – plutôt confuse – de son petit ami.

– Cass. On s'en fout de ça. C'est pas ce qui compte. Ce qui compte, c'est que tu sois à l'aise avec ça. Nous deux, je veux dire. Et si c'est dans l'intimité d'une chambre, derrière des rideaux et pas en plein milieu de la rue, j'en ai rien à faire. Ça viendra avec le temps. Et si ça vient pas, je m'en fous aussi.

Dean plongea son regard dans le sien, ses doigts effleurèrent la joue du doctorant et il sourit.

– C'est toi-même qui as dit qu'on devait pas se mettre de pression. Je ne t'en mettrai jamais. On ira à ton rythme, Cass. Peu importe combien de temps ça prend, d'accord?

Castiel acquiesça avant de l'embrasser chastement, du bout des lèvres. Dean s'empressa d'approfondir le baiser, quémanda l'entrée dans la bouche de Cass qui le lui offrit sans faire de résistance. Ils s'embrassèrent longuement, faisant durer le moment jusqu'à ce qu'ils n'aient plus assez d'air pour respirer. Dean caressa les cheveux de Castiel dans un geste empli de tendresse qui l'étonna lui-même. Il n'avait jamais été aussi doux et prévenant avec ses autres relations. Mais elles n'avaient jamais inclus autant de… sentiments. Il replongea à nouveau dans les iris céruléennes pour achever son discours.

– Je veux que tu te sentes bien, Cass.

Castiel sourit, d'un sourire si tendre que Dean sentit son cœur rater un battement. Doucement, le doctorant approcha son visage du sien et l'embrassa. Encore. Dean répondit au baiser, savourant sa langueur, sa profondeur, toute l'affection qu'il pouvait y lire. Quand il fut libre de parler, Cass murmura:

– Je me sens bien avec toi, Dean.

Pourquoi son cœur fondait-il pour des paroles aussi niaises?

– Tu sais… les autres… avant toi… ils ne comprenaient pas. Pas vraiment. C'est pour ça que ça n'a jamais marché, je crois.

– Ils ne sont pas passés par là, j'imagine. Moi si. Je sais ce que tu ressens. Je l'ai accepté maintenant mais il y'a des fois où je doute encore, où je me dis que si les choses avaient été différentes, si j'avais été différent…

Dean s'interrompit alors que les paroles de son père lui revenaient encore en tête. Il ferma les yeux comme pour les chasser mais elles s'intensifièrent. Une main sur sa joue les firent disparaître et il sourit tristement à Castiel.

– Je les entends encore, tu sais. Les mots de mon père.

Castiel caressait sa peau sans le quitter des yeux.

– Je me demande parfois ce qui ne tourne pas rond chez moi, avoua-t-il à mi-voix quelques secondes plus tard. Pourquoi je ressens ces choses… interdites, dangereuses… malsaines. Pourquoi je ne pouvais pas faire comme tout le monde et… pourquoi je ne fais pas ce que l'on attend de moi.

Castiel marqua une pause. Dean savait qu'il entendait «une femme, une jolie maison, deux enfants et un chien».

– J'aime ma famille. Je n'ai pas envie de la perdre. Mais je n'ai pas non plus envie de fuir qui je suis jusqu'à la fin de mes jours.

– Cass...

Ce dernier secoua la tête avant de baisser les yeux. La prise de Castiel sur son visage s'intensifia pendant quelques secondes.

– Et je ne veux pas… je ne veux pas tout gâcher comme je l'ai déjà fait parce que je n'arrivais pas à m'assumer… Pas avec toi.

Quand Castiel releva la tête, incertain, Dean ne fut pas capable de répondre. Les mots du doctorant tournaient en boucle dans son esprit. De nouveau, il lui disait à demi-mot qu'il le trouvait spécial. Dean lui sourit, timide et une nouvelle fois les mots lui manquèrent alors il préféra montrer ce qu'il pensait en cueillant avec tendresse le sourire de Castiel de ses lèvres. Cass fondit contre sa bouche tandis que ses doigts reprenaient leur exploration de sa joue et que Dean enfermait un peu mieux son petit ami entre ses bras.

Quelqu'un s'éclaircit la gorge. Dean et Castiel se séparèrent avec brusquerie avant de tourner la tête d'un même mouvement vers Sam qui venait de rejoindre le salon sans faire de bruit. Ce dernier ricana, un sourire aux lèvres, à la fois moqueur et tendre.

– Je dérange?

Dean se redressa et se rassit dans le canapé pour permettre à Castiel de faire de même. Il prit ensuite soin de fusiller son frère du regard mais il savait que l'effet devait être moindre compte tenu que ses joues étaient rouges, tout comme celles de Cass.

– Non, répliqua-t-il sur un ton cinglant qui dénotait avec ses propos.

Il voulut ajouter quelque chose mais le téléphone de Sam sonna et il partit s'isoler dans la cuisine pour répondre. Sans se préoccuper plus de son frère, Dean en profita pour se retourner vers Castiel. Il entendait bien terminer leur conversation.

– Cass, je veux que tu saches que tu ne gâcheras pas quoique ce soit de cette façon. Je peux être empressé parfois et dépasser tes limites et je ne veux pas que tu te forces à quoi que ce soit. Je sais ce que tu traverses. Et je veux que ça soit facile pour toi. Alors quand tu penseras que c'est le bon moment, c'est que ça le sera.

Castiel le considéra un instant avant de hocher la tête. Dean ne savait pas s'il le croyait vraiment mais au moins l'expression soucieuse avait disparu de son visage. Comme un peu plus tôt dans la matinée, Dean se pencha vers Cass pour embrasser sa tempe. Il laissa ses lèvres tout contre la peau du doctorant sans doute un peu plus longtemps que nécessaire avant de se lever pour rejoindre son frère.

– C'était qui? voulut-il s'informer.

– Charlie. Elle m'a dit qu'elle arrivait pas à te joindre, et Dean ignora l'œillade aussi suggestive que moqueuse de son frère pour se concentrer sur ses paroles. Elle nous attend pour le jeu de rôle. Tu te souviens qu'elle nous avait invités?

Dean se mordit la lèvre. Effectivement, il avait accepté l'invitation de son amie mais les récents évènements avaient complètement occulté l'information.

– Elle m'a aussi dit que Castiel pouvait venir. Même qu'elle en serait vraiment ravie.

Dean haussa un sourcil. Pourquoi avait-il soudain l'impression que c'était encore un mauvais coup de son frère? Ce dernier l'observait avec les yeux les plus innocents du monde ce qui ne fit que renforcer sa suspicion, cependant, avant qu'il n'ait pu l'exprimer, Castiel, qui les avait rejoints à son tour, répondait à sa place.

– Pourquoi pas?

Il se tourna vers Dean.

– T'es sûr de toi, Cass? Les jeux de rôle de Charlie sont plutôt… hard.

Castiel acquiesça sans cesser de le regarder et Dean sut d'avance qu'il avait perdu sa seule chance d'éviter un potentiel coup monté de son frère. Quand Sam ou Cass le regardaient comme ça, il ne pouvait rien leur refuser.

Foutus yeux de chiens battus.

– Ok.»


«Mais… c'est un grandeur nature? interrogea Castiel alors que Dean se garait à proximité de l'immense champ dans lequel Charlie avait fait monter les tentes et autres arènes de combat de son jeu de rôle.

Sam sourit. Il avait de plus en plus de mal à contenir son excitation à l'idée de faire tourner Dean en bourrique. Le plus drôle étant qu'il aurait tôt fait de se rendre compte de la supercherie mais que, si Sam ne se trompait pas, il ne pourrait pas – ne voudrait pas – ne pas jouer le jeu.

– Tu as rencontré Charlie, tu t'attendais à quoi?

Un sourire étira les lèvres du doctorant aux paroles de Dean. Ils quittèrent la voiture et se mirent en route vers l'entrée du terrain de jeu. Pendant qu'ils avançaient, Dean s'appliquait à expliquer à un Castiel qui ne le quittait pas des yeux les bases de l'univers dans lequel ils évolueraient pour la journée. Sam ne put retenir un sourire attendri. Son frère se penchait excessivement dans la direction de son petit ami et ils marchaient si près l'un de l'autre que leurs épaules se touchaient à chacun de leurs pas. Quant à Castiel, il le dévorait littéralement des yeux, c'était presque à se demander s'il écoutait un mot de ce que lui racontait Dean. Si Sam avait été ne serait-ce qu'un quart aussi flagrant que ça avec Jess, il comprenait aisément toutes les moqueries qu'il avait dû subir. Bien que cela ne l'empêche nullement de mettre sa vengeance à exécution. Il avait attendu ce moment trop longtemps.

Ils atteignirent finalement la parodie d'arche – il ne s'agissait en fait que de deux bâtons aussi fins que longs – plantés dans le sol et sur lequel on avait accroché une banderole annonçant joyeusement «Bienvenue à Moondoor» dans une police stylisée ornée de motifs rappelant les enluminures du Moyen-Âge.

Quand elle les aperçut, déjà vêtue de sa tunique bordeaux sur laquelle était brodé l'écusson de Moondoor, Charlie se précipita sur eux en affichant l'air le plus affolé de sa collection. Sa chevelure rousse qui se balançait au rythme de ses pas aidait grandement à asseoir l'image et Sam retint un autre sourire satisfait. Définitivement, leur plan était la meilleure des blagues que Sam pourrait jamais faire à son frère.

Charlie s'arrêta devant eux sous l'œil perplexe de Dean qui n'eut même pas le temps de la saluer qu'elle se jetait déjà sur Castiel en babillant à toute vitesse:

– Castiel, tu es mon sauveur! J'ai vraiment, vraiment, vraiment besoin de ton aide!

– Hmm… Que se passe-t-il, Charlie?

Le ton de Castiel était en accord parfait avec l'expression confuse qu'il affichait. Il inclina la tête sur le côté et Sam surprit un sourire naissant sur les lèvres de son frère dont les yeux transpiraient d'affection. Dean ne se rendait même pas compte d'à quel point il était transparent quand il s'agissait de Castiel. Sam se demandait encore comment l'un et l'autre avait pu douter que les choses se finiraient ainsi entre eux.

– Alors voilà. Je ne sais pas si on t'a expliqué ce qu'il se passait à Moondoor mais bref, je suis la reine. Et je suis censé avoir un… hum… cousin éloigné et aujourd'hui, son rôle est très, très, très important, même crucial – enfin, tu vois le genre – et hum… Le gars qui avait son rôle… bah il a quitté le jeu. Il a dit qu'il était plus intéressé par les LARP et il nous a lâchés comme ça – enfin moi parce que je n'ai prévenu encore personne – et le truc c'est qu'on peut pas réorganiser tout un scénario là maintenant tout de suite, parce que c'est trop compliqué et que ça nous mettrait en retard pour la journée et – enfin bref. Ce que je veux dire, Castiel, c'est que tu es mon seul espoir, exposa Charlie sans prendre le temps de respirer.

Sam songea qu'elle devrait songer au cinéma. Son jeu d'actrice était parfait.

Pendant un moment, Dean et Castiel ne firent qu'observer Charlie qui leur rendit leur regard sans taire l'affolement dans ses yeux. Sam fit de son mieux pour paraître aussi interdit que son frère et Castiel, histoire que Dean – pour le moment du moins – ne se doute de rien.

– Tu veux que je prenne le rôle de ton cousin? demanda prudemment Castiel après avoir remis de l'ordre dans les paroles et la demande implicite de Charlie.

– Je sais que c'est pas dans les règles mais… si ça ne te dérange pas…

Elle baissa les yeux et regarda ses pieds enfermés dans des bottes en cuir, feignant être mal à l'aise à la perfection. Castiel eut l'air de réfléchir un instant avant d'acquiescer. Le visage de Charlie s'illumina d'un immense sourire avant de prendre le doctorant dans ses bras qui lui rendit maladroitement son étreinte tandis qu'elle ne cessait de répéter des «merci» à toute vitesse. Finalement, elle le relâcha et s'adressa aux trois hommes:

– Bon, vous venez vous changer? On attend plus que vous!

Et sans même attendre leur réponse, elle s'engagea dans l'allée bientôt envahie par des tentes et de nombreux joueurs en costume, qui arborant des oreilles en pointe, qui des dents pointues et un nez aplati, qui patrouillant, casque sur la tête, lance en main. D'autres encore s'entraînaient au combat à l'épée – des armes en bois couvertes de mousse – et il y'avait même un homme portant les armoiries de Charlie qui informait un autre – au piloris – de sa sentence quelle qu'elle soit. Sam sourit. C'était bon de revenir ici. Il avait tant de souvenirs à Moondoor, tant d'aventures qu'il avait partagées avec son frère – qui adolescent prétendait être irrité de voir son cadet le suivre partout où il allait alors qu'il était juste heureux et fier que Sam le vénère de la sorte – et Charlie ici. Il n'avait jamais réalisé jusqu'à présent à quel point le jeu de rôle grandeur nature lui avait manqué.

Castiel jetait des regards émerveillés sur tout ce qui les entourait, provoquant un sourire attendri et stupide sur les lèvres de Dean. Discrètement, Sam sortit son portable de sa poche pour immortaliser le moment. Dean ne le remarqua même pas. Quand il vit le regard semi-réprobateur de Charlie, il s'empressa de ranger l'objet du délit et lui promit d'un regard de ne plus y toucher de la journée. Finalement, ils atteignirent la tente dans laquelle étaient rangés les costumes. Castiel touchait le tissu d'un costume avec une sorte de vénération quand il parla:

– C'est drôlement réaliste.

– Une partie de LARPing n'en est pas une si tout n'est pas fait pour que l'on s'y croie, Castiel! fit Charlie sur un ton professoral. Ne bouge pas, je vais te chercher le tien. Je l'ai gardé dans la tente royale!

Alors qu'elle quittait la tente, Dean et Sam sélectionnèrent leur propre tenue. Sam opta pour une tunique verte sur une chemise blanche, une cape d'une couleur similaire et un pantalon noir. Dean, lui, se saisit d'une chemise beige, d'un surcot caramel orné d'une fausse cotte de maille. Il prit également deux canons en cuir brun foncé et un pantalon de la même couleur avant d'attraper une ceinture cloutée sur laquelle était attachée un fourreau. Tous deux prenaient une paire de bottes larges au moment même où Charlie revenait dans la tente avec un sourire victorieux. Elle s'approcha de Castiel et lui tendit une masse de vêtements indistincte tant elle était pliée sans se départir de son rictus. Le doctorant s'en saisit, manquant d'en faire tomber la moitié alors qu'elle se reculait.

– Allez les champions! Rendez-vous sur la place publique dans cinq minutes, j'ai une petite annonce à faire.

Elle leur lança un regard d'avertissement, entrant immédiatement dans son rôle.

– Et vous ne voulez vraiment pas faire attendre votre reine, n'est-ce pas?

Elle se détourna dans un mouvement dramatique et quitta la tente d'un pas vif. Sam secoua la tête, désabusé et se dirigea dans un coin de la tente pour se changer. Mais même de dos, il aurait fallu être aveugle, sourd, insensible et tout un tas d'autres choses pour ne pas ressentir l'incroyable tension qu'il y'avait dans l'air. Il entendit Dean s'éclaircir la gorge tandis qu'il partait lui aussi dans un coin de la tente pour se changer et esquissa un sourire amusé. Il se dépêcha de terminer pour observer Castiel et Dean en pleine action.

Ce jeu était vraiment divertissant.

Il ne put manquer les fréquents regards de son frère en direction du doctorant qui enfilait très sérieusement son costume et il ne put pas non plus ignorer que Dean semblait subjugué par la ligne du dos de Castiel. Sam détourna le regard quand celui appréciateur – ce qui fit naître une pensée sur laquelle il ne désirait vraiment pas s'attarder et Sam la chassa bien vite de son esprit, comme brûlé par elle – de son aîné s'attarda un peu plus bas. Quand il les observa à nouveau, Dean était fin prêt et Castiel bataillait avec ses propres canons d'avant-bras, imitant avec une précision digne d'un bon film de fantasy le fer des armures des chevaliers d'un autre temps. Dean observait son petit ami avec un sourire aux lèvres et finalement, il dut avoir pitié de lui car il s'avança doucement vers Castiel et lui tendit une main.

– Laisse-moi t'aider.

Castiel leva les yeux vers lui. Évidemment, leurs regards se croisèrent et pendant un moment, ni Dean, ni Castiel ne bougea, plongeant simplement dans le regard de l'autre. Sam profita quelques secondes du spectacle de son frère complètement abandonné aux prunelles de son petit ami sans pouvoir cacher l'attendrissement que le geste lui provoquait. Il n'avait jamais vu Dean regarder quelqu'un comme ça. Cependant, quand il le vit passer nerveusement sa langue sur ses lèvres, il estima que l'intensité de leur échange visuel allait un peu trop croissante pour lui – parce que son cerveau semblait décidé à lui faire imaginer des choses qu'il ne désirait en aucun cas voir – et il s'éclaircit la gorge. Dean baissa aussitôt les yeux et Castiel lui tendit obligeamment son bras droit, tous deux rougissant et Sam ne put retenir le ricanement moqueur qui s'échappa de ses lèvres. Il obtint en récompense une œillade foudroyante de son aîné qui s'appliqua ensuite à lacer les canons aux avant-bras de Castiel.

Une fois son œuvre terminée, il se recula d'un pas pour observer le doctorant. Et il fallut tout son self control à Sam pour ne pas exploser de rire quand Dean se mordit violemment la lèvre, sans doute pour ne pas ouvrir la bouche dans un geste aussi suggestif que ridicule.

Mais il fallait dire, objectivement, que les vêtements choisis par Charlie seyaient à merveille à Castiel. Le bleu sombre de sa tunique, ornée d'armoiries inconnues à Sam, rendait celui de ses yeux encore plus frappant, tandis que la chemise qu'il avait enfilée par-dessous, enserrées dans les canons dessinait les muscles de ses bras. La cape sur ses épaules – agrémentée de fils dorés – lui donnait une aura de prestance indéniable et Sam se retint de sauter de joie en jubilant intérieurement. Charlie s'était dépassée. Il était purement et simplement impossible que Dean ne tombe pas dans le panneau. Im-po-ssible. Dean s'était d'ailleurs rapproché de Castiel comme il l'aurait fait d'une œuvre d'art fragile qu'il ne voulait surtout pas abîmer et, timidement, il réajusta la cape sur les épaules de son compagnon qui frémit. Castiel n'avait pas non plus quitté Dean des yeux et même s'il était plus discret que son frère, Sam voyait que la tenue de Dean, quoi que simple, lui faisait également de l'effet.

– Voilà. Maintenant tu es parfait, fit Dean, le souffle court, en se reculant.

Castiel baissa les yeux et rougit furieusement. Sam sourit de nouveau, bien trop amusé par la situation. Il n'oserait jamais le dire à voix haute mais Dean et Castiel étaient sans doute le couple le plus mignon qui lui ait été donné de voir. À regret, Sam s'éclaircit à nouveau la gorge pour attirer l'attention des deux autres sur lui – avant qu'ils ne démarrent une nouvelle session de regards intenses. [14]

– Quoi? fit Dean sur un ton un peu sec ce qui fit ricaner Sam.

– Charlie a dit cinq minutes. Si vous ne voulez pas qu'on finisse au pilori, je nous conseille de partir maintenant.

Non sans lui adresser un regard noir pour la forme, Dean acquiesça et se dirigea vers l'extérieur de la tente, flanqué de Castiel. Il saisit une épée en sortant et la glissa à sa taille, tout comme Sam qui, même s'il était ici en premier lieu pour embêter son frère comptait tout de même prendre son rôle de membre de la garde rapprochée de la reine au sérieux.

Ils se dirigèrent vers la place publique, guidé par Dean qui ne cessait d'expliquer une tonne de détails à Castiel. Le doctorant s'efforçait d'en retenir le plus possible à en juger par son air très concentré. Quand ils atteignirent la place publique où un grand nombre de LARPers étaient déjà rassemblés, il y'eut comme un passage s'ouvrant sur eux. Sans doute que les autres joueurs avaient reconnu l'uniforme que portait Castiel. Intrigué, ce dernier suivait Dean qui l'entraînait obligeamment vers Charlie. Elle les attendait dans une position altière, sa couronne posée sur le sommet de son crâne. Sans attendre Castiel, Sam rejoignit les autres membres de la garde rapprochée de la reine, saluant ceux qu'il connaissait déjà et qu'il n'avait pas vus depuis très longtemps avec chaleur. Dean glissa quelque chose à l'oreille de Castiel avant de s'enfuir rejoindre les soldats, rassemblés dans le coin gauche de la zone dédiée aux annonces publiques. Il s'installa dans la même position d'attente militaire que ses camarades et tourna son regard vers l'estrade où montait Castiel pour rejoindre sa désormais cousine d'un jour.

Derrière Sam, on joua un grand coup de trompette pour annoncer le discours de la reine. Charlie esquissa un sourire impatient qu'elle dissimula bien vite pour entrer dans son rôle et à peine l'instrument se fut-il tu qu'elle commençait son discours sur un ton calme et posé, à mille lieux de celui sur lequel elle les avait accueillis:

– Mes très chers sujets! Aujourd'hui, nous avons l'honneur de recevoir la visite de mon cher cousin, Emrys, prince et héritier du royaume d'Eden, nos voisins et amis. Mais je me dois d'être honnête avec vous, chers sujets, ce royaume court un grave danger. Les ennemis venus de Darkdoor menacent d'attaquer le royaume de mon cousin et nous nous devons de lui venir en aide. Nous nous devons d'unir nos forces. Vous savez sans doute que nos royaumes furent ennemis il y'a des siècles de cela. De cette discorde est née une étrange loi gouvernée par la magie. Nous ne pourrons nous allier qu'à la condition suivante: un citoyen ou une citoyenne de Moondoor et un citoyen ou une citoyenne d'Eden doivent choisir de s'unir pour la vie entière, sans quoi nous serons forcés par la puissante magie de mes aïeuls à nous faire la guerre jusqu'à la fin des temps.

Charlie marqua une pause pour observer ses sujets. Sans doute aussi pour se ménager un petit effet dramatique. Sam jeta un œil à son frère qui haussait un sourcil. Peut-être que l'intrigue de Charlie était un poil tirée par les cheveux. Le cadet ricana. C'était encore mieux si Dean commençait déjà à se rendre compte que quelque chose clochait.

– C'est pourquoi j'organise dès aujourd'hui un tournoi de chevalerie qui permettra au plus valeureux – ou à la plus valeureuse – de toutes les combattantes – et combattants – de Moondoor d'obtenir la main de mon cher cousin et d'ainsi unir pour de bon nos royaumes pour vaincre cet ennemi abject!

Une clameur de tous les diables répondit aux paroles de Charlie mais ce fut sur Dean que Sam reporta son attention. Ce dernier s'était figé en entendant les derniers mots de leur amie et lentement, il tourna la tête vers Sam. Quand leurs regards se croisèrent, le cadet sut d'instinct que Dean avait compris dans quelle machination Castiel et lui avaient été entraînés. Il sourit à son frère qui articula silencieusement quelque chose comme «Tu me le paieras .» ce à quoi Sam répondit par un ricanement tout aussi silencieux. Devant lui, Castiel ne semblait pas vraiment avoir saisi la blague et il observait Charlie avec un air passablement paniqué.

– J'invite donc tous les prétendants et prétendantes à se présenter dans l'heure aux membres de ma garde rapprochée qui s'occuperont d'enregistrer les participants aux tables dressées à cette occasion près de la tente des armures où vous pourrez bien entendu en récupérer une à votre taille. Je tiens à préciser que les combats s'effectueront masqués pour plus de frissons. Il s'agira d'un combat à l'épée en manches progressives et seul le vainqueur se démasquera. À présent, vous pouvez aller vous inscrire ou bien rejoindre les tribunes pour assister aux affrontements.»

À ses mots, la foule se dispersa. Comme il le lui avait été implicitement demandé, Sam se dirigea vers les tables où il enregistrerait les participants au tournoi en priant pour que Dean tombe sur son stand.


«J'y crois pas, marmonna Dean en se dirigeant vers la queue qui se formait déjà au niveau des stands d'inscription. Je suis vraiment en train de faire ça.

Il savait, à la seconde où Sam avait dit que Charlie voulait que Cass se joigne à eux, que quelque chose clochait dans son expression. Évidemment que son imbécile de frère allait mettre au point tout un plan pour le ridiculiser pour ses sentiments pour Cass. Et évidemment qu'il allait enrôler Charlie dans le processus parce que ces deux-là ne manquaient jamais une occasion de lui mener la vie dure.

Évidemment que ce serait quelque chose du genre. Un combat pour gagner la main de Castiel. Évidemment. Il était même presque certain que Sam et Charlie avaient monté cette histoire pour les pousser l'un vers l'autre, avant que Gabriel ne le fasse d'une façon bien plus directe que cette parodie déguisée. Est-ce que Sam avait vendu la mèche à Charlie?

Ça n'avait pas vraiment d'importance parce qu'ils savaient apparemment tous les deux que Dean ne pouvait pas refuser de participer. Tout simplement parce qu'il ne supportait pas la simple idée que quelqu'un pose ses sales pattes sur Cass – et peu importait que ce soit dans un stupide jeu médiéval grandeur nature. Rien que de penser que quelqu'un d'autre que lui puisse se retrouver seul dans une tente avec Castiel lui donnait la brusque envie de cogner dans quelque chose – au hasard dans la tête de son frère – et non, il n'était pas jaloux. Absolument pas. Simplement, si dans cette connerie, quelqu'un devait épouser Cass – mon Dieu, songea Dean – c'était lui et seulement lui. Et pas une stupide Elfe ou qui que ce soit d'autre. Et tant pis si ainsi, il rentrait dans le jeu de son petit frère.

Dean avisa la foule massée devant et derrière lui et déglutit. Il savait qu'il se débrouillait plutôt bien avec une épée et quand il était encore un joueur régulier à Moondoor, il avait gagné plus d'un combat, à la lance, au corps à corps ou avec une pointue comme celle qui pendait à sa cuisse. Cependant, il n'avait pas pratiqué depuis longtemps et si les mouvements lui semblaient encore familiers, il n'était pas certain de rencontrer moins doué que lui dans l'arène.

Non, songea-t-il en fermant les yeux. Il ne laisserait personne lui prendre Cass. Sam dirait sans doute qu'il prenait la chose un peu trop à cœur et que ce n'était qu'un jeu mais Dean, non seulement, s'en fichait mais en plus lui aurait volontiers fourré son poing dans la tronche pour ne serait-ce qu'avoir eu l'idée profondément débile d'instaurer un truc pareil, juste pour le faire chier.

Oh, sa vengeance serait terrible. Dean en fit le serment. Oui, Sam voulait une Pranks War d'un autre niveau, il l'aurait, Dean s'en assurerait. Il avança pour se retrouver face au sourire suffisant de son frère.

– Je te déteste, lâcha Dean en le foudroyant du regard.

– Je ne vois pas de quoi vous parlez, Messire.

Sam releva la tête de son registre pour croiser les prunelles furibondes de son aîné et Dean ne put manquer le tremblement de sa lèvre inférieure – un tic qu'ils partageaient quand ils avaient une furieuse envie de rire.

– Votre nom, je vous prie, fit Sam d'un ton poli au bout d'un moment.

– Sire Ewen, répondit Dean, de mauvaise grâce.

Sam nota son nom dans le registre avant de lui désigner une tente sur leur droite.

– Vous trouverez votre équipement de combat dans cette tente. Derrière, il y'en a une autre où vous pourrez vous sustenter avant les premiers affrontements. Sachez qu'en cas de victoire, vous serez convié à la table de la reine ce soir et bien entendu, pourrez faire connaissance avec le prince Emrys avant celui-ci.

Sam agrémenta sa réplique d'un sourire suggestif auquel Dean répondit par un roulement d'yeux. Il n'adressa pas un regard ni un mot de plus à son imbécile de frère et se dirigea vers la tente qu'il lui avait indiquée.

– Bonne chance! hurla Sam d'un ton goguenard quand Dean entrait dans cette dernière. L'aîné ne se gêna pas pour lui répondre avec un doigt d'honneur avant de disparaître dans la tente.

Il y fut aussitôt accueilli par une jeune fille blonde en tenue de bonne qui lui adressa un grand sourire. Elle tenait dans ses mains un mètre-mesureur et s'approchait. Elle s'inclina légèrement devant Dean avant de lui demander:

– Me permettrez-vous, Messire, de prendre vos mesures. Ainsi, nous pourrons choisir l'armure qui vous siéra le mieux. Avez-vous des préférences?

Dean réfléchit un instant.

– Quelque chose de léger si possible.»


Il se devait d'être rapide. C'était son meilleur atout. Car quitte à jouer le jeu, autant le jouer bien, jusque dans les moindres détails. Sam n'aurait pas le plaisir de le voir débarquer dans la tente alors que Cass y était avec quelqu'un d'autre comme il était sûr que son enquiquineur de frangin avait imaginé que les choses pourraient se passer.

«Tu aurais pu me prévenir, tout de même, glissa Castiel à Charlie alors qu'ils rejoignaient la tente où se déroulerait le festin royal précédent le tournoi en son honneur.

Dire qu'il avait été surpris par la chose était un euphémisme. Castiel était certain que son cœur s'était arrêté quelques secondes avant de reprendre une course folle dans sa poitrine quand on avait annoncé que l'on faisait de sa main le prix des combats qui suivraient. Même s'il ne s'agissait que d'un jeu. Intérieurement, il espérait que Dean participe à ce tournoi, mieux encore, qu'il le remporte. Il ne voulait pas se retrouver seul dans sa tente avec qui que ce soit d'autre.

Dean… Castiel se demandait s'il y'avait bien un vêtement qui ne lui allait pas. Parce qu'il avait bien cru faire une crise cardiaque quand il l'avait aperçu dans son costume médiéval qui, non content de mettre son corps d'athlète en valeur, lui donnait vraiment l'air d'un guerrier venu de temps anciens. Castiel lui-même était plutôt satisfait de son propre costume. Il le trouvait très beau. Et à en juger par l'expression de Dean quand il l'avait enfilé, il devait bien lui aller. Castiel sentit ses joues s'échauffer en se souvenant du regard brûlant de son compagnon près d'un quart d'heure plus tôt.

– Te prévenir de quoi? demanda Charlie en s'asseyant.

Castiel l'imita avant de lui répondre.

– Que je devais me marier, murmura-t-il sans la regarder.

– Désolée, je ne voulais pas te mettre devant le fait accompli mais je n'avais plus vraiment le temps de t'en parler avant l'annonce.

Charlie arbora une expression pensive pendant quelques secondes avant de se pencher à son oreille.

– Et puis… avec un peu de chance, c'est Dean qui va remporter le tournoi…

Castiel rougit furieusement et baissa la tête vers la nappe bordeaux qui ornait les tables de bois installées sous la tente. Il lui fallut quelques secondes avant de demander:

– Tu crois qu'il va participer?

– Tu poses sérieusement la question?

Pour toute réponse, Castiel leva le regard vers la jeune femme et la fixa quelques secondes. Il était parfaitement sérieux. Charlie posa une main sur son épaule avec un grand sourire.

– Crois-moi, il ne manquera pas une telle occasion. Et puis c'était un peu le but de tout ça…

Castiel n'eut pas le temps de lui demander ce qu'elle voulait dire – Charlie s'était d'ailleurs mordu la lèvre comme si elle avait laissé échapper quelque chose qu'elle aurait dû garder pour elle – car les membres de la garde rapprochée de la reine – et donc Sam – rejoignaient la tente. Le cadet Winchester pointait d'ailleurs son pouce en l'air à Charlie, comme pour lui signifier que quelque chose se déroulait exactement comme ils l'escomptaient.

Et alors qu'il les rejoignait, Castiel se demanda un instant si cette histoire de mariage n'était pas une vaste blague ou un coup monté contre lui et Dean.

Quand Sam se fut placé derrière eux, Charlie se leva pour annoncer le début du repas. Aussitôt, une petite dizaine de joueurs, tous habillés en serviteurs, vinrent placer devant les convives un grand nombre d'assiettes remplies à outrance de mets très différents. Castiel se demandait très sérieusement où donc les LARPers trouvaient les moyens d'organiser leurs sessions de jeu. Charlie leur souhaita un bon appétit avant d'entamer son propre plat.

Pendant que Castiel l'imitait, Sam s'était approché de lui, une assiette en main et tout en s'adossant à un poteau de bois, il lui demanda:

– Alors? Moondoor te plaît, Castiel?

L'intéressé prit le temps de mastiquer le morceau de viande qu'il avait ingéré avant de répondre au cadet Winchester.

– Plutôt oui. Je n'avais jamais participé à des jeux de rôle grandeur nature. Avec mes frères et sœurs, on était plutôt du genre à faire des parties de Dungeons and Dragons tous les dimanches après-midi mais c'est ma seule expérience dans le domaine.

– DD est chénial! intervint Charlie, la bouche pleine ce qui fit sourire Sam.

– Tu as beaucoup de frères et sœurs, Cass?

Sam se mordit la lèvre.

– Pardon. C'est juste que quand Dean parle de toi, il t'appelle toujours comme ça et hum… je t'ai plutôt associé à ce surnom.

Castiel sourit.

– Ca ne me dérange pas.

Sam lui rendit son sourire.

– J'ai trois frères et trois sœurs. Je suis le dernier de la fratrie.

C'était très facile de discuter avec Sam. C'était un jeune homme intéressant et Castiel voyait sans mal pourquoi Dean en était aussi fier. Pendant tout le repas, ils échangèrent sur leurs études, leurs futurs métiers, sur Dean et tout un tas de sujets tous plus passionnants les uns que les autres. Quand Charlie annonça qu'il était l'heure de rejoindre les tribunes d'honneur pour le tournoi, Castiel avait un grand sourire aux lèvres. Il était heureux de s'entendre si bien avec le frère de Dean, parce qu'il avait le sentiment que ce serait important pour lui.

Il suivit Charlie jusqu'à l'arène. Elle le traîna jusqu'à la tribune d'honneur, montée en hauteur pour l'occasion. Celle-ci surplombait l'étendue de sable où les combattants s'affronteraient. D'ici, ils avaient une vue imprenable, comme s'ils étaient réellement ces seigneurs qu'ils prétendaient être pour une journée. Castiel s'installa près de sa «cousine» et attendit patiemment que la foule ait fini de se masser autour de l'arène.

Quand enfin, ils eurent terminé, Charlie se leva pour annoncer le début du tournoi. Aussitôt, un soldat en bas se chargea de faire entrer les premiers combattants. Quand ceux-ci se furent placés face à face, il donna le départ et Castiel comprit qu'il s'agissait en fait de l'arbitre du combat.

Le premier affrontement dura une dizaine de minutes, jusqu'à ce que l'un des assaillants ne fasse basculer l'autre contre la lice. L'autre tomba à la renverse et l'arbitre sonna la fin du combat. Ce ne fut qu'au bout de la cinquième manche que Castiel remarqua véritablement quelqu'un.

Le style du chevalier était très agressif mais en même temps, il était aussi fluide et cinglant qu'un courant d'air. Il attaquait de l'estoc de sa lame sans hésitation, incisif et avec une vitesse doublée de précision qui ne manqua pas de faire reculer son adversaire. Ce dernier évita d'ailleurs une botte qu'il avait allongée en sautant en arrière, ce qui le déséquilibra. L'autre fit tournoyer sa lame et attendit que son adversaire soit de nouveau près de lui. Et puis il frappa de nouveau. Les lames s'entrechoquèrent et même s'il n'y avait pas le son du fer, Castiel était complètement absorbé par le combat.

Une minute plus tard, le chevalier avait mis l'autre à terre. On sonna la fin de l'affrontement. Et quand le vainqueur disparut de l'arène, Castiel fut certain – malgré le casque qui cachait son visage – qu'il avait regardé dans sa direction.

Le doctorant trépigna tout le temps que dura la première manche, attendant avec impatience que le chevalier revienne. Il espérait au plus profond de lui-même que ce mystérieux combattant soit Dean. Auquel cas, il faudrait qu'il lui dise qu'il était impressionnant avec une épée.

Quand il reparut enfin, le combat ne dura qu'une minute. Son adversaire était grande et lente et la célérité du chevalier eut raison de sa technique de combat pourtant très bonne lors de son premier affrontement. Mais il l'avait mise à terre en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Et comme la première fois, le chevalier regarda dans sa direction.

La troisième manche fut plus complexe. Le mastodonte qu'il affrontait avait une force phénoménale et Castiel remarqua bien vite que les bras du chevalier tremblaient à chaque assaut que l'autre lui faisait subir. Pourtant il tint bon, jouant de nouveau de sa vitesse pour parader. L'adversaire parvenait à bloquer chaque attaque mais ses arrêts étaient chaque fois plus brouillons si bien que le chevalier s'infiltra dans l'ouverture que l'autre lui avait fournie pour lui assener un coup violent dans le ventre. L'autre en eut tant le souffle coupé qu'il ne vit pas venir l'attaque derrière les genoux qui le fit tomber à la renverse.

À chaque fois, les combats étaient plus impressionnants. À chaque fois, Castiel retenait son souffle. Il espérait si fort que Dean se cache derrière ce guerrier si motivé à obtenir sa main qu'il en avait mal à la poitrine.

Finalement, les deux derniers combattants, le chevalier et une guerrière petite et rapide, se faisaient face. Quand on annonça le début du combat, ils se tournèrent lentement autour comme deux fauves sur le point de s'affronter. Et puis la guerrière s'élança. Surpris, le chevalier recula d'un bond avant de parer la botte qu'avait allongé son adversaire. Castiel se mordit la lèvre.

Leurs lames s'entrechoquèrent au-dessus de leurs visages avant que le chevalier ne rompe l'étreinte pour venir rencontrer à nouveau l'estoc de l'épée de la guerrière. Il fit un rapide et complexe mouvement du poignet destiné à désarmer la jeune femme mais sa stratégie échoua et il faillit essuyer un coup qui l'aurait disqualifié s'il ne l'avait pas paré au dernier moment.

Ce fut dos à dos que leurs épées se rencontrèrent une nouvelle fois. Elle fut la première à se retourner et c'est en se baissant que le chevalier évita son attaque. Une goutte de sang perla sur la lèvre de Castiel sans même qu'il ne se rende compte l'avoir mordue. La guerrière tenta d'attaquer son adversaire alors qu'il roulait au sol mais il fut trop vif et son épée se planta dans le sol. Dans un même mouvement, il se releva et envoya valser l'épée encore enfoncée dans le sable un peu plus loin. La guerrière recula aussitôt pour récupérer son arme et le chevalier en profita pour l'attaquer par-derrière. Elle bloqua son attaque en le saisissant par le poignet et d'un coup de pied expert, l'envoya rouler sur le sol. Castiel mordit sa lèvre plus fort.

Le chevalier ne se relevait pas, comme sonné par le coup. Il savait qu'on allait annoncer la victoire de cette inconnue. Mais peut-être que l'autre n'était pas Dean… Même si un étrange instinct le poussait à croire le contraire… Et puis soudain, le bras du chevalier fusa du sol et tira d'un coup sec sur celui de la jeune femme qui avait amorcé un mouvement pour le menacer de la pointe de son épée, inversant leurs positions. La guerrière s'effondra dans un cri de surprise tandis que l'autre se relevait sous les hourras de ses partisans et pointait son épée contre la gorge de son adversaire.

Quelques secondes plus tard, l'arbitre s'avançait dans le sable tandis que le chevalier aidait la guerrière à se relever.

– Veuillez retirer votre casque, valeureux combattant.

Le chevalier se tourna lentement vers l'estrade. Castiel ne le quittait plus des yeux, fébrile, le cœur battant, oubliant même de respirer tant il espérait fort. Charlie semblait dans le même état euphorique à côté de lui mais il la vit à peine.

Et soudain, la main du chevalier vint détacher son heaume et il le retira, révélant son visage avant de jeter l'objet au sol.

Castiel aurait hurlé de joie s'il n'avait pas un minimum de self control. Parce que c'était Dean qui lui souriait depuis l'arène, ses cheveux châtains trempés de sueur, rayonnant, magnifique dans cette armure. Sans le quitter des yeux, il s'agenouilla dans le sable, face à lui, laissant tomber son épée sur le sol.

– Je suis votre humble serviteur, Altesse, l'entendit-il dire d'en bas.

Castiel se leva, incertain de s'il s'agissait de son devoir de parler. Il tourna la tête vers Charlie qui l'encouragea d'un signe de tête. Castiel réfléchit un instant à ce qu'il pourrait dire.

– Puis-je connaître le nom de celui qui a fait preuve de tant de bravoure en mon nom?

– Ewen, Altesse.

Castiel sourit et regarda Dean. Même séparés par plusieurs mètres de distance, il savait qu'il pourrait lire dans ses yeux à quel point il était heureux qu'il soit le gagnant de ce tournoi.

– Sire Ewen remporte le tournoi!» s'exclama l'arbitre qu'ils avaient tous deux oublié.


[13] Ma version personnelle de Mystery Spot

[14] Ouais, Sam est totalement un fanboy dans cette fic… quoique parfois, je me demande s'il ne l'est pas un peu dans la série aussi…


Et voilà pour aujourd'hui ! On se retrouve dimanche pour la deuxième partie de ce chapitre ! Pas de chapitre lundi prochain mais le rythme s'intensifie dès mardi puisqu'il y aura un chapitre par jour jusqu'au 25 décembre !