Stiles se réveilla en sursaut aux alentours de quatre heures du matin. Il avait froid. Ou peut-être chaud. Ou bien froid. Il ne savait plus. Les sueurs froides qui coulaient sur ses tempes le brûlaient. Il avait mal, au ventre, à la tête. Son estomac semblait se tordre dans tous les sens et sa tête était martelée, comme si on lui frappait le crâne sans discontinuer. La nausée était plus forte que jamais mais Stiles resta allongé. S'il se relevait, nul doute qu'il vomirait ses tripes. Mais avec quelles jambes ? Il avait un mal fou à bouger, à se mouvoir dans ce lit. Son lit, ou un autre, il n'en savait rien. Alors même qu'il était réveillé, tout était flou dans son esprit. Il n'arrivait pas à se situer, à savoir où était le haut, où se trouvait le bas, la gauche, la droite. Les rayons de la lune avaient beau traverser les rideaux et éclairer la chambre, c'était à peine s'il la reconnaissait. En tous les cas, il se sentait mal à tel point qu'il referma les yeux car de toute manière, il ne pouvait pas faire grand-chose. Sa tête était un labyrinthe sans fin, un imbroglio tel qu'il se posait des questions avant de les oublier par la suite il n'eut même pas le temps de terminer de se demander intérieurement pourquoi il n'arrivait pas à bouger qu'il était déjà passé à autre chose, notamment cette douleur qui traversait son crâne. Sa respiration se bloqua de la même manière que la précédente matinée et son cœur s'emballa.
C'était à peine s'il sentit les bras l'entourer et le redresser doucement, à peine s'il arriva à prononcer un mot pour décrire ce qui risquait d'arriver s'il restait dans cette position. Les bras le lâchèrent après l'avoir rallongé puis étaient revenus quelques instants plus tard, le remettant en position assise à nouveau. La nausée était forte, si forte… Que Stiles vomit sans demander son reste, le contenu de son estomac se déversa dans un horrible bruit de gargouillis. Il sentit vaguement quelque chose caresser doucement ses cheveux et il régurgita à nouveau. C'était comme si son corps souhaitait expulser quelque chose d'étranger, qu'il ne supportait pas. Comme lors de son indigestion. Enfin, au bout d'un moment, son corps arrêta de rejeter l'ordure qui le pourrissait et resta là, tremblant dans son entièreté. Stiles ne se posa aucune question quant à l'endroit où avait fini son vomi, son esprit était trop embrumé pour cela.
De son côté, Derek se boucha le nez, recoucha vite fait Stiles et partit laver la bassine dans la cuisine. Il avait bien intuité comme il l'avait imaginé, l'hyperactif avait fini par se réveiller en pleine nuit. C'était le changement de rythme aussi soudain que rapide de son palpitant. Par contre, il n'avait pas pensé qu'il se mettrait à vomir, heureusement que l'adolescent avait réussi à articuler « suis pas bien » avant de se lâcher Derek avait tout de suite compris ce qui allait se passer et s'était précipité pour chercher une bassine, sans se soucier du bruit qu'il faisait. Peu importe si ça réveillait Peter.
Voir Stiles dans un tel état lui avait fait mal au cœur et ce fait avait été accentué par sa fatigue car Derek était resté éveillé depuis qu'ils étaient rentrés. Ce n'était pas la peine de l'emmener à l'hôpital mais il avait senti qu'il fallait que quelqu'un soit là pour lui. Là, ses émotions étaient exacerbées, à tel point qu'il ouvrit les yeux en grand en voyant le contenu de la bassine. Outre le côté dégueulasse de la nourriture complètement ramollie, c'étaient les filets noirs qui le surprirent. Des filets de sang d'un jais intense, du sang surnaturel. Bien vite, il la nettoya pour effacer cette odeur qui lui piquait les narines mais également pour pouvoir retourner plus vite auprès de l'adolescent. En passant du produit vaisselle car c'était tout ce qu'il avait trouvé, Derek fronça les sourcils. Il avait dû se tromper. Ce qu'il avait vu ressemblait en tout point à ce qui arrivait lorsqu'un être surnaturel était sévèrement blessé mais cela ne devait pas être ça, le loup avait forcément dû confondre. Ce n'était pas possible autrement. Refusant de s'attarder plus longtemps là-dessus et faisant de Stiles sa priorité, il retourna auprès de celui-ci avec un verre d'eau et deux feuilles de sopalin pour essuyer sa bouche. Une fois nettoyées, les lèvres laissèrent passer l'eau avec plaisir. C'était doux, c'était plaisant, agréable et autant dire que Stiles en profita. Cette sensation de fraîcheur lui donnait l'impression que toute sa bouche perdait ce côté pâteux qui le dérangeait tant.
Alors qu'il rallongeait l'adolescent, Derek eut l'air désemparé. Il voulait bien croire que Stiles était dans un état pathétique à cause de la drogue, mais tout de même. Ce n'était pas normal. Il avait tout en lui ce mauvais pressentiment, cette impression qu'il manquait quelque chose. En le regardant mieux, Stiles avait l'air… Malade. Mais peut-être Derek était-il un peu paranoïaque sur les bords. Peut-être que sa vision lupine, nettement plus développée que l'humaine, surtout avec aussi peu de lumière, déformait sa vision des choses. Il y avait également la possibilité que, sachant que Stiles avait été drogué –car c'était clairement une évidence–, Derek ait les nerfs un peu plus à vif que d'ordinaire.
Stiles était un adolescent, un putain d'adolescent. Et le fait qu'on lui ait fait ingérer une substance de ce genre, sans doute à son insu, le mettait en rage tout autant que ça l'angoissait. Derek avait beau avoir l'air froid et distant en général, il n'en gardait pas moins un cœur et une âme. Il haïssait les injustices et voulait couper les couilles de tous ceux qui commettaient des crimes, notamment ceux… Qui droguaient des gens pour profiter d'eux. Pour lui, il n'y avait pas d'autre motif Stiles était un adolescent, beau de surcroit. Il avait son charme, ces petits yeux rieurs, ces grains de beauté parsemant sa peau avec harmonie, ce joli nez retroussé et ce sourire ensoleillé. Alors oui, il parlait beaucoup et même trop, mais ça ne lui enlevait à aucun moment ce charme fou qui n'appartenait qu'à lui. Mais de là à… Derek avait envie de vomir rien qu'à songer à cette idée. Et putain, s'ils n'étaient pas tous sortis, incommodés par ce qu'ils avaient ressenti, peut-être que Stiles… Peut-être que ce mec l'aurait emmené sans que personne ne voie rien. On aurait alors juste cherché Stiles, en fin de soirée, ou bien le lendemain. Trop tard, en somme. Derek prit la main de l'hyperactif et la serra entre les siennes, comme pour s'assurer qu'elle était bien réelle. Sa chaleur toute relative le lui prouva et l'apaisa un peu.
xxx
Stiles ouvrit les yeux avec lenteur avant de les refermer, comme si son esprit voulait se réveiller, mais pas son corps. Sa tête lui faisait mal, mais ce n'était rien à côté de sa gorge. Elle était en feu, presque littéralement. Et puis il avait ce goût, dans la bouche, ce goût acide qui lui donnait l'impression que sa gorge n'était plus en état d'avaler quoi que ce soit, notamment sa salive. Enfin il le pouvait, c'était juste un peu douloureux. Et presque éprouvant, comme si c'était un effort plus important que ça ne le devrait. Que s'était-il passé pour qu'il soit dans cet état-là ? Il n'avait pas le souvenir d'avoir bu quoi que ce soit, il… Rien ne lui venait. Qu'avait-il fait la veille au soir ? Il avait mangé au restaurant avec les autres, et après ? Était-il un boulet au point de s'être lamentablement rétamé et cogné la tête contre il ne savait quoi ? Stiles fronça les sourcils avant de rouvrir les yeux. Et d'encore plus froncer les sourcils. Il fallait savoir que la chambre de Stiles, comme les deux autres, était assez petite et que, pour laisser un minimum de place pour se déplacer, le lit une place était collé contre le mur. Difficile de ne pas remarquer la silhouette de Derek, assis au bout du lit, le dos et la tête contre ce fameux mur et les bras croisés sur sa poitrine. Le plus étonnant était qu'il avait les yeux fermés. Stiles comprit alors : il dormait. Derek dormait à ses pieds, au bout de son lit. L'hyperactif, qui n'en croyait pas vraiment ses yeux, se pinça faiblement le bras. Malgré le manque de force de ses doigts, il réussit à se faire mal et comprit qu'il ne rêvait pas, n'avait aucune hallucination. Derek était… Vraiment là.
La question que se posa Stiles une bonne dizaine de fois fut simple et composée d'un seul mot : « Pourquoi ? » Là encore, il n'en avait pas la moindre idée. Derek et lui n'étaient pas proches, bien au contraire, alors… Pourquoi ? S'était-il trompé de chambre ? Bien sûr que non, Derek ne se trompait jamais et même si c'était le cas, il se serait allongé sur le lit, pas… Assis au bout. Stiles essaya du plus fort qu'il le put de ne pas penser à Derek, sur lui, allongé. C'était une mauvaise idée. Le pire, c'était que l'hyperactif adorait les mauvaises idées de ce type. Ce qu'il appréciait moins, en revanche, c'était cette faiblesse qu'il ressentait un peu trop, tout comme ce brouillard, dans son esprit. Autant dire que Stiles détestait être dans le flou. Et puis ce mal de crâne qui, bien que léger, semblait interminable…
Stiles, qui en avait assez d'être allongé, tenta de se redresser il ne sut si c'était le froissement des draps ou bien le léger gémissement plaintif qu'il poussa qui réveilla Derek. En effet, le loup eut un très léger sursaut avant d'ouvrir les yeux d'un coup sec et de tourner la tête vers lui. Stiles le regarda, effaré malgré sa faiblesse et son épuisement palpable. Ce qui l'étonna ? L'absence de froideur dans le regard de Derek. Et peut-être la présence potentielle d'inquiétude dans ce même regard. Pourtant, les mots « Derek » et « inquiétude » n'allaient pas forcément ensemble.
- Stiles, souffla Derek.
- Hey, articula difficilement Stiles avant de froncer les sourcils.
Pourquoi avait-il la bouche aussi pâteuse ? Pourquoi parler, articuler ce simple mot lui paraissait être un sacré effort ? Il avait l'impression que sa mâchoire était quelque peu… Anesthésiée.
- Comment tu te sens ? Lui demanda précipitamment Derek, sans lui laisser le temps de se mentaliser pour poser correctement ses propres questions.
Stiles eut du mal à répondre, parce que parler à cet instant était loin d'être facile.
- Bien… J'crois, dit-il difficilement, en essayant de se redresser un peu plus, mais ses bras cédèrent et il retomba lourdement sur le matelas.
- Attends, je vais t'aider.
Avec un semblant de douceur qui paraissait inédit à Stiles, Derek se rapprocha et passa un bras dans son dos, le redressant plutôt facilement et le faisant s'appuyer contre le mur. D'un regard accompagné d'un faible sourire, Stiles le remercia alors qu'il s'éloignait de deux pas.
- Tu as besoin de quelque chose ? Lui demanda alors Derek.
- P't'être… D'l'eau… Mais pourquoi je…Pourquoi…
- On verra ça plus tard, Stiles, lui dit le loup, avant de sortir de la pièce.
Il était indéniable que voir l'hyperactif confus et ne pas comprendre pourquoi il mâchait ses mots et avait du mal à articuler lui brisait le cœur. Oui, dans le fond, Derek était quelqu'un de sensible. Et savoir que de la drogue coulait dans le sang de cet adolescent le rendait fou de rage. Mais Derek Hale étant ce qu'il était, il garda son sang-froid, empêchant ses yeux de bêta d'apparaître.
Peter, assis sur le canapé du petit salon, releva le nez de son livre en voyant Derek sortir de la chambre de Stiles.
- On m'aurait dit ça y a des années, je n'y aurais pas cru, se moqua gentiment l'oncle Hale.
- Tais-toi, je suis pas d'humeur, râla Derek.
Sans un mot de plus, le lycan se dirigea la cuisine qui était ouverte et littéralement collée au salon. Il s'empara d'un verre qu'il remplit d'eau et dans lequel il mit un ou deux glaçons. Un peu de frais ferait sans doute du bien à Stiles.
- Tu as dormi, au moins ? S'enquit Peter.
- Un peu, répondit simplement Derek.
- Tant mieux. Oh et, que je te prévienne, le petit chiot va passer.
Par « petit chiot », Peter voulait dire Scott. C'était le surnom qu'il lui donnait depuis un moment, parce qu'il trouvait que, lorsqu'il était content, leur alpha ressemblait à un petit chien excité. Manquait plus qu'il trépigne et remue la queue en attendant son os.
Derek haussa un sourcil alors, Peter s'expliqua en désignant le téléphone de Derek, sur la table basse :
- Ton message l'a alerté ce matin, lorsqu'il s'est réveillé. Il se prépare et il arrive. Oh et ne m'en veux pas, hein, mais tu dormais et il ne faisait qu'appeler. Ce n'est pas ma faute si tu n'as pas de mot de passe.
Derek fronça les sourcils mais ne dit rien, n'ayant aucune envie de se prendre la tête avec son oncle maintenant. À la place, il retourna dans la chambre de Stiles et fit bien attention de fermer la porte derrière lui. L'hyperactif le regardait, avec toujours cette confusion palpable. Il était complètement perdu et ça se sentait. Autant dire que le cœur de Derek se serra encore un peu plus. Il se rapprocha et lui tendit le verre. Après s'être assuré que Stiles le tenait correctement et n'allait pas le lâcher, Derek se rassit au bord du lit. L'hyperactif but l'eau en fermant les yeux, comme s'il savourait ce moment. Les glaçons étaient un sacré plus. Bon point pour Derek. Ce dernier prit le verre vide et retourna le remplir, avant de le lui tendre à nouveau. Stiles but une nouvelle fois bien lentement, sa gorge très irritée le ralentissait un tantinet. Puis, il posa fébrilement le verre sur la table de nuit et eut l'air embêté. Il ne comprenait rien et ça l'agaçait fortement. Pourquoi avait-il l'impression d'avoir un trou dans ses souvenirs ? Il n'aimait pas ça, vraiment pas…Ne rien savoir était angoissant.
- Stiles, calme-toi, lui intima Derek. On va en parler, t'en fais pas.
L'hyperactif ne s'était même pas rendu compte que son rythme cardiaque s'était emballé. Il détourna le regard et hocha la tête, montrant qu'il avait compris. Puisqu'avoir du mal à parler le mettait mal à l'aise, mieux valait pour lui qu'il réponde par des gestes. Il avait presque honte d'avoir des difficultés à articuler le moindre mot. Être faible ne l'arrangeait pas des masses alors s'il pouvait éviter de se montrer encore plus pathétique, il le ferait.
Derek récupéra le verre qu'il partit mettre dans l'évier. Il laisserait Peter le laver puisqu'il n'avait rien à faire. Par la suite, il retourna pour la énième fois dans la chambre de Stiles qui l'observait. Cependant, lorsqu'il se rassit au bord du lit, il remarqua que l'hyperactif avait détourné le regard. Dans son odeur, Derek ne discernait que de la confusion et de l'angoisse malgré le rythme plus ou moins régulier de son palpitant. Il les maîtrisait à peu près.
- Ça va aller, lui dit-il simplement.
Derek n'était pas très doué avec les mots mais il avait bien fallu qu'il dise quelque chose pour combler le silence et c'était loin d'être facile. D'ordinaire, c'était Stiles qui parlait, qui meublait, s'accaparait n'importe quelle discussion et la faisait durer à tel point que c'en était impressionnant. Là, il se réduisait lui-même au silence, ce qui était une première. Bien sûr qu'il pouvait parler : il l'avait fait, difficilement toutefois. C'est là que Derek perçut un soupçon de honte dans son odeur.
Stiles jeta un regard au loup, perplexe. Derek avait-il réellement tenté de le rassurer ? Ce n'était pas réellement étonnant, plutôt… Improbable, tout comme sa présence à ses côtés. Le lycan n'avait-il pas mieux à faire ? Pour autant, Stiles préféra ne pas lui poser la question. Un Derek gentil, c'était plutôt agréable. Ce qui le poussait à se taire était surtout cette lourdeur qui semblait lui paralyser partiellement la mâchoire. Quand s'en irait-elle ? Pas que de sa mâchoire d'ailleurs, mais aussi et surtout de tout son corps. Stiles ferma les yeux un instant. Il avait l'impression d'être un gros rocher et chacun de ses membres, un caillou. Déplaçable, mais lourd. L'adolescent était intelligent et pourtant, il n'imagina à aucun moment qu'un certain liquide pouvait couler dans ses veines.
C'était trop… improbable.
- Stiles, putain !
L'hyperactif rouvrit les yeux en sursautant et fronça les sourcils. Quelle était cette voix ? Il la reconnaissait… Son meilleur ami. Voilà, c'était la voix de Scott. Que faisait-il ici ? Et le voilà qui pénétrait dans sa chambre et se précipitait vers lui, l'enserrant dans ses bras comme s'il ne l'avait pas vu depuis des lustres. Mais c'était trop serré, Stiles se sentait non pas câliné, mais plutôt compressé dans un étau désagréable. Il étouffait et leva mollement les bras pour essayer de tapoter doucement son dos, espérant qu'il comprenne. Finalement, ce fut Derek qui éloigna Scott de l'hyperactif, ayant parfaitement capté le début de stress dans son odeur. Après avoir calmé l'alpha en étant un peu ferme et sec, Hale junior lui céda sa place au bout du lit, allant s'appuyer contre le mur voisin.
- Stiles, qu'est-ce que t'as bu hier ? Lui demanda Scott après s'être assis.
Le concerné haussa un sourcil, perplexe. Pourquoi son meilleur ami lui posait-il cette question ? Il n'avait rien bu, enfin… N'en avait aucun souvenir et refusait de penser à certaines possibilités. Pourquoi y penserait-il de toute manière ?
- Je… Sais pas, articula-t-il difficilement.
Stiles fronça les sourcils, pestant à nouveau intérieurement contre lui-même. Déjà plusieurs minutes qu'il était réveillé et il ne constatait aucune amélioration de son état : sa gorge le brûlait toujours autant, sa bouche était toujours aussi pâteuse et parler était un calvaire, sans ajouter cette fatigue qui l'obligeait à forcer pour garder les yeux ouverts.
- La question, c'est plutôt de savoir de quoi tu te souviens. En dernier, précisa Derek.
Stiles se mit alors à réfléchir, sous l'œil inquiet de son meilleur ami qui ne le quittait pas du regard. Derek eut beau ressentir la tristesse de l'alpha, il resta appuyé contre son mur, silencieux. Oui, Scott avait sans doute été remué par son message mais il devait se concentrer sur Stiles, qui semblait clairement perturbé. Le loup n'aimait pas ces rides d'inquiétudes qui se formaient sur son visage juvénile, ni cette réflexion visible qui donnait l'impression qu'il était plus perdu qu'autre chose ce qui était, en soi, le cas. L'hyperactif était complètement paumé en plus de sembler épuisé.
Le visage de Stiles finit par se décomposer lorsqu'il fit la même constatation qu'à son réveil.
- Le restaurant, dit-il faiblement.
- Oui, et ensuite ? L'encouragea Scott, qui n'avait pas encore tilté.
Derek, lui, fronça doucement les sourcils. Lui avait d'ores et déjà compris depuis un moment, mais il avait eu besoin de vérifier. Néanmoins, si Stiles n'avait pas été drogué, il s'en serait voulu d'avoir vomi dans une bassine apportée par Derek et se serait sans doute excusé mille fois, ce qui n'était pas le cas.
- Ensuite… Rien… Fit Stiles avec effroi.
Peut-être que, cette fois, il commençait à comprendre. Derek le devinait non seulement avec son expression, mais aussi et surtout à son odeur qui se teintait progressivement de peur.
- Rien ? Tu es sûr ? Lui redemanda Scott, qui gardait toutefois un espoir.
Stiles, après un instant d'hésitation, hocha la tête. Commencer à comprendre n'enlevait rien à sa confusion et il essaya de parler, ouvrit la bouche, mais la referma sans avoir rien dit de plus. Son cerveau se remettait progressivement en route et il ne tournait pas encore à plein régime, même si cela ne saurait tarder.
Scott aussi avait fini par capter ce qui clochait au vu de son visage qui se décomposait toujours plus à chaque seconde qui passait. Oui, le message de Derek disait vrai, c'était indéniable.
Stiles regarda son meilleur ami puis Derek, tour à tour. Il avait besoin qu'on lui dise ce qu'il se passait, qu'on éclaire sa lanterne parce que dans son état, ce n'était pas tout de suite qu'il allait sauter aux conclusions. Il le pourrait, il ne voulait juste pas se précipiter et laisser son imagination débordante prendre le relais sur sa raison. L'angoisse monta d'autant plus lorsqu'il vit l'expression défaite de son meilleur ami.
Alors, Derek prit la parole et dit tout haut à l'adolescent ce qu'il soupçonnait sans vraiment y croire, après lui avoir raconté le déroulé de la soirée. Les yeux de Stiles s'écarquillèrent avant qu'il ne se secoue la tête. Non, ça ne pouvait pas être ça, il se souviendrait quand même de quelque chose, au moins des bribes !
- Stiles, t'as vomi au beau milieu de la nuit, l'informa Derek en voyant qu'il doutait de ce qu'il lui disait.
Le concerné fronça les sourcils et regarda tout autour de lui, cherchant des traces de son méfait. En soupirant, Hale junior l'informa qu'il lui avait amené une bassine juste à temps.
- Derek, t'aurais dû m'appeler, souffla Scott.
- Ça va, je gérais, répondit simplement l'ancien alpha.
Scott se serait certainement déplacé. Après tout, il s'agissait de son meilleur ami. Cependant, Derek savait que la meute avait dû affronter bon nombre de choses ces derniers temps et McCall avait beaucoup donné de sa personne. Autant dire qu'il avait besoin de repos, comme les autres. Et puis, Derek étant sur place et plus précisément dans le même bungalow que l'hyperactif, autant qu'il l'aide un peu.
Et comme il s'y attendait, Siles tenta de se confondre en excuses. Tenta parce que parler était toujours difficile et ce qui était compréhensible fut seulement son premier « pardon ». Le reste était un mélange de syllabes difficilement prononcées, ce qui fit d'autant plus mal au cœur aux deux loups. Ils voyaient que Stiles avait des difficultés à s'exprimer mais surtout qu'il en avait honte. Ils le sentaient et puis percevaient également la frustration dans son odeur.
Scott resta quelques minutes de plus le temps de rassurer Stiles et de tenter de lui changer les idées un minimum. Puis, il prit Derek à part dans le salon, laissant l'adolescent seul.
- Je te laisse veiller sur lui mais si ça te dérange, tu me le dis et je prendrai le relais, lui dit-il sérieusement.
- Retourne avec les autres, fit simplement Derek. Il est en sécurité avec nous.
Scott grimaça.
- Avec toi oui, par contre l'autre…
- L'autre a un nom, entendit-on depuis la salle de bain.
- Faites ce que vous avez prévu de faire, on vous rejoindra quand il ira mieux, dit Derek sans faire cas de la remarque de son oncle.
L'alpha hocha la tête, le remercia et prit congé. Derek, quant à lui, retourna dans la chambre qui empestait l'anxiété. Le regard perdu au possible de Stiles se posa sur lui et Derek sembla remarquer seulement à cet instant les cernes qui assombrissaient son visage.
- Tu veux manger quelque chose ? Demanda-t-il un peu abruptement.
Stiles secoua doucement la tête. Alors, Derek se rapprocha et l'aida à se rallonger correctement, étendant la légère couette sur lui. Sous le regard aussi fatigué que perplexe de l'hyperactif, Derek lui expliqua qu'il devait se reposer.
- Allez… Avec les autres, réussit à articuler Stiles. Je… Dormir.
Pourrissez pas vos vacances à cause de moi, voilà ce que Stiles aurait aimé dire. Qu'il était frustrant de ne pas pouvoir s'exprimer correctement !
- On ira seulement quand tu iras mieux. Je ne te laisse pas seul tant que tu es dans cet état, le prévint le loup, montrant ainsi qu'il était responsable.
Stiles secoua doucement la tête. Non, Derek et Peter devaient absolument rejoindre les autres. Mieux valait qu'ils n'écourtent pas ces vacances déjà pas très longues. Mais Derek ne semblait pas vraiment de cet avis, alors il lui dit de faire appel à lui dès qu'il avait besoin de quoi et qu'il lui suffirait de chuchoter, il l'entendrait. Puis, il sortit de la chambre en fermant la porte derrière lui. Stiles, toujours plus frustré, n'eut pas d'autre choix que de soupirer longuement et de fermer les yeux. De toute façon, réfléchir était si compliqué qu'il n'arrivait pas encore à assimiler et à prendre conscience de ce qu'il avait appris.
À aucun moment il n'aurait imaginé que le sommeil lui viendrait aussi vite, l'emportant avec lui dans les bras de Morphée, sans se douter un seul instant que quelques kilomètres plus loin, un petit groupe préparait un plan le concernant. Ils ne l'avaient pas eu au premier essai, tant pis : ils l'auraient au deuxième.
Après tout, on ne laissait pas passer une opportunité pareille de bénéficier d'un être aussi pur et rare.
