Le lendemain, Stiles se sentait assez bien pour marcher sans aide. Il était encore un peu fragile sur ses jambes, mais ça allait. Le repas de la veille au soir lui avait fait du bien et même si la meute avait été assez surprise de le voir arriver en fauteuil, poussé par Scott et entouré de Derek et Lydia, chacun s'était abstenu de lui poser de question, pour le plus grand bonheur de Stiles.

Les deux dernières journées de vacances de la meute se déroulèrent plutôt tranquillement ou en tout cas, de manière moins catastrophique que les précédents. Le seul bémol, c'était l'état de Stiles. Lui qui avait été au départ l'un des plus emballés à partir en vacances se retrouvait à faire partie de ceux qui participaient le moins aux activités. Son excuse ? Il était fatigué et le pire, c'est qu'il ne mentait pas – les loups avaient assez souvent écouté son cœur pour le savoir. En fait, il paraissait juste un peu mou, si on comparait à ses habitudes. Il parlait toujours autant, mais faisait plus de pauses dans ses phrases avant de reprendre ses monologues avec la même passion que d'ordinaire. Ça au moins, ça ne changeait pas.

Par exemple, Stiles était resté allongé sur le sable lorsque tout le monde se baignait. Scott et Lydia avaient bien essayé de le convaincre de se mettre à l'eau, sans succès. Stiles avait toujours réussi à l'éviter, sans éveiller trop de soupçons. L'alpha et la banshee avaient alors pensé que sa fatigue lancinante était due à la drogue qui mettait du temps à s'en aller. Il gardait d'ailleurs quelques fois des petits soucis d'équilibre. Ça diminuait, mais c'était toujours là.

Le seul qui gardait de réels soupçons vis-à-vis de l'état de l'hyperactif, c'était Derek. Peut-être se sentait-il responsable de lui, puisqu'ils dormaient dans le même bungalow. Peter n'avait pas ce problème : il avait au moins le mérite de donner l'impression de s'intéresser à lui, puisqu'il lui demandait de temps en temps si ça allait. Le sarcasme était néanmoins toujours là et Stiles y répondait toujours, quoiqu'avec un peu moins d'enthousiasme.

Derek surveillait toujours Stiles de loin, il en ressentait le besoin. Pour lui, il y avait quelque chose de pas net. Il n'oubliait pas non plus le fait qu'on avait voulu droguer l'adolescent pour une raison inconnue. Pourquoi lui ? Il se posait encore la question.

Dernier jour de vacances, la meute profitait une dernière fois de la plage avant de partir en fin de journée. Tout le monde était à l'eau, sauf Stiles, qui avait émis le besoin de se reposer un peu, allongé sur le sable. Il ne dormait pas très bien en ce moment, paraît-t-il. Derek pouvait le confirmer, il entendait parfois le jeune homme se lever la nuit. Son rythme cardiaque variait souvent et le loup pouvait sans peine deviner qu'il avait le sommeil agité. En outre, l'hyperactif n'était pas au maximum de ses capacités et le fait qu'il soit le seul à rester sur la plage garder leurs affaires n'enchantait pas l'ancien alpha. Scott avait bien essayé de le rassurer : même si ce qui était arrivé à Stiles l'avait bouleversé, celui-ci avait tenu à tout faire pour le rassurer et il y avait réussi. Scott était beaucoup plus tranquille, il avait confiance en lui.

Au bout d'une trentaine de minutes de baignade, Derek fut le premier à sortir de l'eau. Barbotter et jouer au ballon dans l'eau, ce n'était pas son truc. Il avait bien tenté pour faire plaisir à cet adolescent qui lui servait d'alpha mais c'était bon, il avait assez donné. Ce qu'il aimait, c'était le calme, la tranquillité. Stiles n'était pas forcément le plus posé des membres de la meute – c'en était même le parfait opposé – mais ça allait à Derek. Et puis il prendrait de ses nouvelles.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il le trouva endormi en plein soleil, sur sa serviette de plage ! Quel idiot. Avant même de se sécher, Derek pesta. Stiles n'avait même pas pris la peine de planter leur parasol de plage. Le loup s'empressa de corriger cette erreur. Bien sûr qu'il aurait pu s'éviter ça, il lui aurait simplement suffi de réveiller Stiles : mais celui-ci avait l'air de si bien dormir que ça l'embêterait de couper sa sieste. Oui, Derek devenait bienveillant. A force, Scott McCall finissait par déteindre sur lui… A tel point que le lycanthrope vérifia que son front n'était pas trop chaud avant d'installer le parasol de telle manière que le jeune endormi se retrouvait à l'abri des rayons fourbes de l'astre solaire.

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Sacs et valises étaient prêts, fermés, sanglés. On avait fait le tour des bungalows et rien ne manquait. Dire adieu à cet endroit paradisiaque embêtait tout le monde, mais c'était comme ça, il fallait rentrer. Beacon Hills attendait le retour de ses gardiens de l'ombre, ceux qui la protégeait sans que la majorité de sa population ne le sache.

La meute était entièrement prête à partir et l'une des voitures était déjà partie. Les groupes étaient les mêmes, si bien que Jackson soupirait d'avance à l'idée de retourner dans l'épave de Stiles, conduite par ce dernier. A sa connaissance, il n'avait jamais eu d'accident, mais le blond considérait que c'était juste un miracle. Rien de plus, rien de moins. Stiles avait une conduite qu'il avait toujours considérée comme dangereuse. Au regard un tantinet paniqué que lui lança Liam, Jackson comprit que celui-ci était de son avis.

- Lydia, vas-y doucement, fais attention à Roscoe.

Jackson tourna la tête vers Lydia, à qui Stiles venait de tendre… Ses clés ? Elle devait être aussi surprise que lui puisqu'elle regardait l'hyperactif, les yeux grands ouverts. Stiles ne laissait personne d'autre que sa personne conduire son bébé. Que lui arrivait-il pour qu'il laisse sa meilleure amie poser ses belles mains dessus ?

- Stiles, tu vas bien ? Finit-elle par lui demander.

A elle aussi, ce don paraissait bizarre. Stiles opina du chef, un petit sourire mutin mais un peu faible sur les lèvres.

- Oui, je suis simplement fatigué et je pense que mourir embrochés dans un arbre par la faute d'un conducteur somnolent ne fait pas vraiment partie de votre programme, rit-il.

Aucun des passagers ne protesta et c'est ainsi qu'un quart d'heure plus tard, Stiles dormait profondément, la tête appuyée contre la fenêtre à l'arrière. Liam, à sa droite, lui jeta de temps à autres quelques regards inquiets. Jackson ne fit aucun commentaire même si cet état de fait le surprit beaucoup. Lydia, elle, resta silencieuse tout le long du trajet, même si conduire ce vieux tas de ferraille la mettait peu à l'aise tant il lui donnait l'impression de pouvoir tomber en panne à tout moment.

Et c'est ce qui arriva au bout d'une bonne heure de route. Il fallut réveiller Stiles qui eut bien du mal à sortir de ce qui semblait être pour lui le meilleur dodo de sa vie. Selon Jackson, c'était à lui qu'incombait d'appeler un dépanneur.

- On va rien appeler du tout, maugréa Stiles en s'étirant doucement.

- Mais enfin, Stiles, ta voiture, elle… Commença Liam.

- Elle va bien, il faut juste la rafistoler un peu, le coupa l'hyperactif.

Sur ces paroles, il sortit mollement de la voiture, fouilla dans le coffre et en ressortit avec sa trousse de bricolage et son fidèle rouleau de scotch. Il se plaça à l'avant de la voiture et souleva difficilement le capot. Les traits de son visage se crispèrent, tandis qu'il constatait que ses bras manquaient de force. Il s'était toujours connu faible, mais pas à ce point-là. Il passa toutefois outre, estimant que ce n'était pas la peine de penser à ces choses-là qui le déprimeraient à coup sûr s'il y songeait trop. Il commença alors son inspection tandis que les autres attendaient bien sagement à l'intérieur de l'habitacle. Le jeune homme trouva bien vite la source du problème et entreprit de rafistoler la pièce abîmée. Ce n'était pas difficile mais il mit toutefois un peu de temps. Son corps était lourd et ses mouvements se faisaient lents. Pour éviter d'être imprécis, il ralentissait encore la cadence. C'est ainsi qu'il mit le double de temps qu'il mettait d'ordinaire à « réparer » la pièce qui avait un problème. Lorsqu'il eut fini, il soupira de soulagement et se redressa. Un peu vite, sans doute. Un vertige le prit soudainement, si bien qu'il dut s'appuyer contre le capot pour rester debout. Son rythme cardiaque s'accéléra, son souffle se fit aléatoire. Ses doigts se crispèrent sur le métal et il ferma fortement les yeux. Pas maintenant… Mais son corps en avait décidé autrement.

Il entendit à peine la porte côté conducteur claquer.

- Stiles, qu'est-ce qui t'arrive ?

La main de Lydia se posa sur son épaule tandis que le capot était toujours relevé, empêchant quiconque de les voir depuis l'intérieur, mais pas de les entendre. C'était Liam qui lui avait fait remarquer que le pouls de Stiles était assez irrégulier.

- Je… Un petit vertige, répondit doucement l'hyperactif en essayant de reprendre contenance.

La jeune femme, inquiète, passa un bras autour de ses épaules et l'aida à marcher pour qu'il se réinstalle à l'arrière. Stiles tanguait et se reposa beaucoup sur elle. Liam l'aida à mettre sa ceinture tandis que Jackson, étrangement silencieux, s'en alla refermer le capot et tout ranger dans le coffre. Il prit notamment la place de Lydia, qui s'en alla à l'arrière avec Stiles et Liam.

Le plus étrange dans tout ça fut la vitesse à laquelle Stiles se rendormit.

Il ne mit même pas une minute à trouver le sommeil et ce, sans même s'en rendre compte.

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- Si t'as le moindre problème, tu m'envoies un message et je rapplique, d'accord ?

- T'inquiète pas Scotty et puis tu sais, mon père est là, répondit Stiles en riant légèrement.

Il savait que Lydia lui avait raconté, pour l'épisode de la voiture. Lydia ou bien Liam. Le louveteau admirait Scott et il avait la fâcheuse tendance de toujours tout lui confier. Mais bon, il ne le ferait pas si ça ne lui tenait pas à cœur. De plus, il appréciait beaucoup Stiles alors le voir dans l'état dans lequel il avait été, faible et fatigué à tel point qu'il s'endormait comme une masse avait dû le marquer. Le pire, c'était sans doute le fait qu'il ait laissé Lydia, puis Jackson conduire Roscoe. Jamais il ne le faisait, d'ordinaire. C'était sa voiture, son bébé, personne d'autre que lui ne pouvait la conduire, il avait trop peur qu'on l'abîme. Là, il n'avait pas hésité à léguer son poste, parce qu'il était parfaitement conscient que conduire fatigué comme il l'était n'était pas une bonne idée. Quand même, il savait être responsable, quand il le voulait.

Stiles continua de discuter par téléphone avec son meilleur ami pendant encore quelques minutes avant de le laisser, sous prétexte de vouloir passer du temps avec son père. Au départ, c'était vrai. Mais lorsqu'il se leva de sa chaise de bureau, il sentit l'immense fatigue l'assaillir à nouveau, plus puissante que jamais. Alors, il se ravisa et au lieu de descendre rejoindre son père au salon, Stiles choisit de s'affaler sur son lit et de traîner sur son téléphone, histoire de rester un peu éveillé. Ce n'était pas normal de vouloir s'endormir à dix-neuf heures trente. Il ne pouvait décemment pas fermer les yeux maintenant, ou bien il se réveillerai dès cinq heures du matin, ce qui n'était pas forcément la meilleure idée pour être en forme pour les cours.

Que pouvait-il faire alors ?

Stiles se redressa un peu, décidant de se mettre en position assise pour lutter contre la fatigue. C'est alors qu'une nausée le prit et qu'il partit en courant vomir dans les toilettes. Il était alors si faible qu'il s'accrocha comme un forcené à la cuvette et qu'il ferma les yeux, sans sembler remarquer l'étrange couleur de jais de ce qu'il avait régurgité. Il tremblait comme jamais et s'essuya comme il le put, sans parvenir à maîtriser ces foutus tremblements. Il peinait à réfléchir, à tel point que voir finalement son vomi noir colorer les toilettes ne fit aucunement tilt dans son cerveau. Il était un peu en mode automatique, ne faisait circuler que les informations les plus importantes : il se sentait malade, faible et épuisé. Alors, il tira la chasse, se traîna péniblement jusqu'à la salle de bain dans laquelle il se lava la bouche avant de retourner difficilement dans sa chambre.

Cette fois, il ne lutta pas contre la fatigue.

S'il avait été un peu plus observateur, sans doute aurait-il remarqué que certaines de ses veines, notamment à ses poignets, avaient commencé à prendre une teinte si sombre qu'elle était bien visible sur sa peau blanche.