- Tu vas bien ?
Stiles sursauta. Il était dans ses pensées et ça, Scott l'avait bien remarqué. Le jeune homme hocha toutefois la tête et esquissa un sourire trompeur.
- Bien sûr que ça va, pourquoi ça n'irait pas ? Je suis Stiles Stilinski, je vais toujours bien. Bon, c'est vrai que j'ai pas extrêmement bien dormi cette nuit mais ça, c'est une autre affaire. Le sommeil, ça se rattrape. Et toi Scotty, ça va ? T'es tout pâle mon frérot.
- J'ai peut-être mangé un truc que je digère mal, avoua le loup-garou.
Stiles se félicita intérieurement : ses diversions étaient toujours aussi efficaces. Pas qu'il soit réellement heureux de mentir et en fait, c'était plutôt l'inverse. Mais c'était Stiles. Quand il avait des soucis, l'hyperactif avait tendance à tout intérioriser dans le but de n'inquiéter personne. Cette habitude était décuplée lorsque c'était le latino qui se trouvait devant lui. Scott était quelqu'un d'adorable et ce, depuis toujours. Il voulait le bien de tout le monde et faisait généralement ce qu'il pouvait pour accéder aux demandes de chacun. C'était pour cette raison que la meute ne comptait que des gens satisfaits. Scott assumait parfaitement sa double identité : celle de l'alpha et celle de l'ami. Et c'était peut-être pour ces raisons-là que Stiles ne voulait surtout pas qu'il s'inquiète pour lui. Il avait déjà tant à penser, mieux valait ne pas rajouter des problèmes sur ses épaules déjà bien alourdies par ses responsabilités.
Et puis ce n'était pas si grave. Il était juste…Un peu malade. Il avait dû attraper froid pendant ces petites vacances, rien de bien inquiétant.
Sauf quand il se mettait à vomir parfois, la nuit. Déjà presque une semaine que ça durait, depuis le retour à la vie normale. Mais Stiles ne s'inquiétait pas, pas vraiment en tout cas. Il attendait simplement que ça passe.
C'est ainsi que les deux amis partirent en cours et que l'hyperactif se battit pour tenter de rester un minimum concentré sur son cours de chimie, matière qu'il exécrait depuis des années. Peut-être son ancien enseignant, le tout sauf regretté Harris, ne l'avait pas aidé à apprécier sa matière. C'était un tyran qui n'avait jamais hésité à se servir de son autorité de professeur pour l'humilier ou le rabaisser. Cependant, Stiles avait confiance en ses capacités et les tentatives de l'enseignants pour lui saper le moral n'avaient jamais réellement marché. C'était même le contraire. Il l'avait indirectement longtemps poussé à se dépasser, pour lui prouver qu'il avait tort sur toute la ligne le concernant.
La fin de la journée arriva bien assez vite pour tout le monde, sauf pour Stiles. Dire qu'il avait senti les heures passer était un euphémisme : l'horloge de la salle n'avait pas arrêté de le narguer, les aiguilles passant extrêmement lentement aux chiffres des minutes et heures suivantes. Sa fatigue était là, bien présente et Stiles n'aspirait qu'à une chose : dormir. C'est ainsi qu'il refusa tristement la proposition de Scott pour venir passer une soirée jeux-vidéo chez lui, chose qui n'arrivait que rarement. Néanmoins, Scott ne s'en formalisa pas, du moins, pas pour l'instant.
La nuit qui suivit fut pour Stiles une torture. Il se réveillait très régulièrement et lorsqu'il daignait dormir plus de dix minutes, il était embarqué dans des cauchemars qui le terrorisaient. Néanmoins, lorsqu'il en sortait violemment à cause de sa peur, il ne criait pas, n'hurlait pas, ne se débattait pas : en fait, il se réveillait paralysé, tétanisé par ce qu'il avait ressenti plus tôt. Comme si les sombres songes qui parasitaient son sommeil lui laissaient des espèces de séquelles provisoires. Le problème était qu'il n'avait aucune idée de ce dont il avait rêvé. Il oubliait ce qui le torturait dès qu'il ouvrait les yeux.
Le réveil final pour aller en cours fut d'autant plus difficile. Stiles tiendrait la journée, c'était sûr. Suivre serait sans doute une autre paire de manches.
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Stiles gara péniblement sa Jeep sur le parking du lycée et une fois ceci fait, se frotta les yeux avant de se gifler doucement pour se réveiller. Sur la route, il avait manqué à plusieurs reprises de garder les yeux fermés plus d'une seconde. Sachant qu'une seconde pouvait suffire à causer un accident, Stiles s'était efforcé de faire attention et de se battre contre l'énorme fatigue qui le guettait. Il en vint même à se demander s'il ne devrait pas demander à l'un de ses amis de le ramener ce soir. Tout dépendrait de la suite. S'il devenait un peu plus en forme au fil de la journée, cela ne serait pas utile, mais rien n'était sûr. Stiles n'était pas trop du genre à demander de l'aide pour ce genre de choses. Néanmoins, il n'était pas stupide, encore moins suicidaire. S'il le fallait, il serait même capable de demander au grand méchant loup de venir le chercher à la sortie des cours. En sortant mollement de Roscoe, Stiles se fit toutefois la réflexion que demander à Scott serait une bien meilleure idée. Durant leurs petites vacances, il avait beaucoup sollicité Derek, sans même le vouloir, ce qui n'allait sans doute pas arranger leur relation « amicale » déjà bancale. S'il d'était montré plutôt patient et agréable le temps de cette petite pause de quatre jours, Stiles savait que ça ne durerait pas. Se faire apprécier par Derek-grincheux-bipolaire-Hale n'était pas donné à tout le monde et il fallait avouer que Stiles avait toujours eu la fâcheuse tendance à vouloir le pousser à bout. Il adorait le provoquer, le voir réagir, s'énerver, parce que dans ces moments-là, Derek le voyait. Il faisait attention à lui, se rendait compte que, oui, le petit hyperactif de service était dans son champ de vision.
En marchant d'un pas lent vers le lycée, Stiles se fit la réflexion que durant ces vacances, il n'avait pas eu à embêter Derek pour que celui-ci le regarde. En fait, dès le premier soir, celui-ci avait fait attention à lui et s'était montré prévenant. Sans doute était-ce parce qu'il devait se partager le bungalow avec lui et Peter. Par conséquent, il avait sans doute assuré ses arrières en instaurant dès le début un terrain d'entente, calme, propice à l'hospitalité et la tranquillité. Ça avait été diablement efficace puisque Stiles ne l'avait pas emmerdé… Volontairement. L'hyperactif resserra ses doigts sur la hanse de son sac en pestant contre lui-même. Il ne se rappelait toujours pas de cette soirée durant laquelle il avait fini drogué. Rien ne lui était revenu, même après plusieurs jours. Lui avait-on proposé quelque chose ? Avait-il accepté comme un idiot ? L'avait-on forcé ? Ou alors… Avait-on simplement glissé quelque chose dans son verre sans qu'il ne s'en aperçoive ? Le problème avec ces hypothèses, c'est qu'elles étaient toutes probables. Chacune aurait pu arriver. Et ça lui foutait les jetons. Depuis cet épisode, Stiles n'était pas tranquille et au self, ne quittait pas son verre du regard, lorsqu'il était plein. Même s'il était généralement entouré par ses amis et qu'aucun individu suspect ne pouvait avoir l'occasion d'y fourrer quelque chose, c'était plus fort que Stiles. Il ne voulait pas ressentir ces choses à nouveau. Cette chaleur étouffante. Cette impression d'être anesthésiée. Cette incapacité à parler correctement, à se mouvoir également. Et surtout, il ne désirait en aucun cas redevenir ce fardeau qu'il avait été durant les derniers jours de vacances. Derek avait donné de son temps, Scott et Lydia aussi. Même Peter avait semblé faire cas de son sort, c'était dire. Stiles frissonna. Non, décidément, plus jamais ça.
L'esprit tout de même un peu embrumé, il dut vérifier son emploi du temps pour se rappeler où se trouvait sa salle de cours. Même avec le papier sous les yeux, il eut du mal à se situer. Par chance, il vit Isaac au loin et en profita pour aller à son cours avec lui, puisqu'ils étaient dans la même classe. Il cacha alors son trouble en le saluant et en entamant une discussion avec lui. Une conversation ponctuée par les soupirs d'Isaac qui avait toujours autant de mal à en placer une. Avec Stiles, difficile d'avoir le dessus, son débit de parole était trop élevé. Le bouclé cessa de suivre à plusieurs moments, tant le monologue de Stiles partait dans tous les sens. Il vit alors les cernes et les traits fatigués de l'hyperactif, mais n'y prêta pas trop d'importance, parce qu'il semblait aller bien. Il était juste fatigué.
Passer une mauvaise nuit arrivait à tout le monde.
Devant la salle, attendaient déjà Jackson et Lydia. Isaac et Stiles se joignirent volontiers à eux et, ainsi, son débit de parole se calma peu à peu, assez pour que chacun puisse parler à sa guise. Mais s'ils y avaient droit, ce n'était pas parce que Stiles s'était volontairement calmé. En réalité, sa fatigue était en train de l'écraser au sens propre du terme. C'était comme un poids invisible qui s'abattait avec violence sur ses épaules. Cachant son malaise grandissant, Stiles déposa son sac contre le mur et croisa les bras sur son torse avant de bien vite mettre ses mains dans ses poches. Il se sentait oppressé. Cela avait beau être léger, c'était assez en tout cas pour le déranger. Lydia se glissa à ses côtés et lui demanda discrètement si tout allait bien et il répondit que oui : il avait simplement passé une mauvaise nuit. Oui c'était ça, rien de plus. Son cœur n'eut aucun raté. Par conséquent, ni Isaac ni Jackson n'y apportèrent quelque attention que ce soit. Parce qu'après tout, Stiles croyait en ce qu'il disait. Pour lui, il n'y avait pas d'autre possibilité. Cependant, les minutes passèrent et l'état de l'hyperactif n'alla pas en s'arrangeant. L'épuisement était tel qu'il prétexta une envie pressante et s'éclipsa aux toilettes, l'air de rien. Puisqu'ils avaient encore cinq bonnes minutes avant que le professeur n'arrive, personne n'objecta, mais lui dirent toutefois de se dépêcher.
Une fois dans les toilettes pour hommes à l'autre bout du couloir, Stiles laissa tomber le masque et s'accrocha brusquement aux bordures du lavabo. Une chance que l'endroit soit vide, auquel cas il aurait eu bien du mal à continuer de faire semblant. Sa respiration se fit peu à peu haletante et la sueur se mit à perler sur son front. Il n'allait pas bien. En plus d'être épuisé, il tremblait, il avait froid. Ça l'envahissait, le submergeait avec une puissance telle qu'il ferma les yeux et dut se cramponner au lavabo. De la fièvre. Il avait sans doute de la fièvre. Une grippe. Fulgurante. Et toujours cette fatigue lancinante, épuisante.
- … Ski ?… Stilinski ?
Stiles ouvrit la bouche mais n'eut pas la force d'essayer de produire quelque son que ce soit, ni même de réfléchir à la voix qui semblait casser le silence auquel il ne faisait même pas attention. Il était épuisé, vraiment. En fait, il n'aurait pas dû venir en cours ce matin, c'était une erreur. Il aurait fallu que l'hyperactif s'écoute, qu'il reste chez lui pour se reposer au lieu de faire l'idiot et d'ignorer sa nuit horrible. Ses yeux commencèrent à se révulser, lentement alors que ses paupières étaient déjà à demi-fermées. Ses jambes flageolèrent avant de simplement céder sous son poids. Son corps ne toucha pas le sol. Sa tête non plus. Stiles ne sombra pas dans l'inconscience, même si ses yeux s'étaient finalement complètement fermés. Il entendait tout, sentait tout, mais était si épuisé que son corps s'était plus ou moins mis en pause. Des bras enserraient sa poitrine oppressée et… C'était quoi, cette odeur d'aftershave ?
- Stilinski, me claque pas dans les bras !
La voix était beaucoup plus nette qu'auparavant et si Stiles avait été en forme, il aurait été bien surpris. Pourquoi Jackson était-il là ? L'avait-il suivi ? Avait-il remarqué qu'en fait, ça n'allait pas vraiment ? Pour une fois, l'hyperactif fut presque heureux de penser que sa petite comédie n'avait pas tant marché que ça. Ce qui lui plaisait moins, c'était cette horrible impression de ne pas avoir le contrôle sur son propre corps. Il voulait ouvrir les yeux, remercier Jackson pour son étonnante présence, lui dire que non, il n'allait pas trépasser dans ses bras et… Et peu à peu, son esprit suivit l'exemple de son corps, s'éteignit sans qu'il ne puisse rien y faire. Il n'entendit donc pas les bruits de pas rapides, les voix tout autour qui augmentaient en nombre, ne sentit pas Jackson le soulever, le porter.
Stiles était isolé de tout, dans un monde vide et sans âme, complètement éteint.
