Quelques heures plus tard, Stiles eut bien du mal à rassurer ses amis. Scott, Lydia, Isaac étaient sacrément angoissés. Même Jackson, le saint Jackson, semblait préoccupé par sa personne ! Et pourtant, Stiles s'était simplement évanoui. Tout ce qu'il put leur dire était qu'il dormait passablement mal en ce moment et que cela pouvait expliquer sa perte de connaissance.
- Je suis idiot, dit-il. Je savais que j'étais fatigué mais je me suis dit… Que ça allait, que je pouvais assumer les cours. Faut croire que je me suis surestimé, haha…
Assis dans le lit qu'on lui avait attribué à l'infirmerie, Stiles se triturait les doigts nerveusement. Il savait qu'il ne mentait pas. Néanmoins, il avait peur qu'on ne le croie pas. Inquiéter ses amis, c'était loin d'être ce qu'il voulait. S'il appréciait savoir qu'on se souciait de lui, il préférait toutefois ne pas être le centre de l'attention – ce qui était le cas actuellement.
Scott était là depuis plus de deux heures, il avait même somnolé un peu sur sa chaise. Isaac et Lydia l'avaient rejoint un peu plus tard. Jackson, qui leur avait pris à tous les cours, était arrivé cinq minutes plus tôt. Personne ne lui avait demandé de venir, il avait pris sa décision seul ce qui en avait surpris plus d'un. Jackson et Stiles n'étaient pourtant pas amis, ils se lançaient même des piques assez souvent mais gardaient une entente plutôt cordiale, pour la meute. Au fond, tous savaient qu'ils s'appréciaient un peu, les deux adolescents ne voulaient juste pas vraiment l'avouer.
- Stiles, je… Sincèrement, je t'adore, tu sais ? Fit Scott, anxieux. Mais j'aimerais que tu arrêtes de faire l'idiot et que tu fasses plus attention à toi-même. On voit bien que t'es pas en forme depuis quelques temps alors… Prends un peu de temps pour toi, d'accord ?
Parce que Scott n'oubliait à aucun moment ce qu'il s'était passé lors de leurs petites vacances. A vrai dire, elles l'avaient carrément marqué. L'alpha ne s'était pas complètement remis du fait que l'on avait intentionnellement drogué son meilleur ami et même s'il avait semblé apaisé de ce côté-là ces derniers jours, il n'oubliait rien. Il se rappelait même un peu trop bien de la manière dont Stiles avait semblé perdu à son réveil, la façon dont il avait essayé d'articuler péniblement ses mots, la difficulté qu'il avait eue à se mouvoir. Alors même s'il avait eu le temps d'aller mieux et d'éliminer la toxine de son corps, il fallait croire que l'hyperactif n'était pas complètement remis.
Stiles hocha la tête et baissa les yeux. Bien sûr qu'il était sensible à l'inquiétude tangible de son meilleur ami mais à son avis, il n'y avait pas à se préoccuper autant de lui.
- Il a raison, tu devrais penser à t'écouter. Si tu as besoin de te reposer, n'hésite pas, on peut te prendre les cours, intervint Lydia. Je suis sûre que ton père comprendra si tu lui expliques.
Il releva presque timidement les yeux vers la jolie blonde vénitienne pour qui il avait longtemps eu un béguin. Elle était vraiment adorable et quand il y repensait, il était vraiment heureux de la compter dans son cercle d'amis. Au moins, il savait qu'elle ne le lâcherait pas et qu'elle l'appréciait vraiment. Mais ce qui ternissait son impression très positive d'elle, c'était tout simplement leur différence de force. Sur le coup, Stiles fut légèrement jaloux. Elle, elle allait bien. Lydia avait beau avoir une constitution physiquement humaine, elle possédait des pouvoirs de banshee. Stiles, lui, était toujours aussi humain, banal. Il aimait son humanité, c'était indéniable. Cependant, c'était sa faiblesse qui l'embêtait. Il était toujours celui que l'on traînait derrière soi, ce même boulet dont seul le cerveau était utile. Alors, son odeur changea légèrement, contrairement à son visage, qui garda ce même sourire timide.
Isaac rajouta son grain de sel en accentuant les propos de Scott et Lydia. Jackson, de son côté, lui dit seulement qu'il n'avait pas envie de le voir à nouveau presque claquer dans ses bras.
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Scott ne pensait pas que Stiles prendrait ses consignes autant au pied de la lettre. Se reposer, c'était une chose. Pratiquer l'absence totale, c'en était une autre. Voilà cinq jours qu'il n'avait pas mis le pied au lycée et comment dire que ça commençait sérieusement à l'inquiéter. L'évanouissement de Stiles avait fait le tour de la meute, et ses absences de plus en plus fréquentes également. Après tout, ils étaient une famille et une famille devait prendre soin de ses membres en plus de s'enquérir de son état. Ce qui embêtait l'alpha, ce n'était pas tant ses absences que son refus de voir qui que ce soit. Dans ses messages, il disait que ça allait, mais qu'il couvait probablement quelque chose, peut-être une grippe ou une maladie semblable. Scott avait eu beau lui rappeler que les loups-garous ne pouvaient pas tomber malade, Stiles n'avait rien voulu entendre. Scott, compréhensif, avait respecté sa volonté.
L'avantage cependant, c'est qu'il allait le revoir aujourd'hui. Son idiot de meilleur ami avait dit qu'il serait présent pour la réunion de la meute qui était planifiée depuis trois jours. Il s'agissait de la première depuis les vacances au camping. Scott en profiterait pour savoir comment il allait. A priori, mieux, puisqu'il venait.
Au loft, presque tout le monde était déjà arrivé. Il manquait quelques personnes mais nul doute qu'elles ne mettraient pas longtemps à arriver.
L'entrée de Stiles ne fut pas aussi bruyante que d'habitude. En fait, l'hyperactif se fit carrément discret mais aucun des loups-garous présents ne manqua son odeur quelque peu… Fade et chimique. Ce fut même elle qui attira leur attention. Autrement, ils ne l'auraient pas remarquée tout de suite.
- Stiles ! S'exclama Scott, sincèrement heureux de le voir.
Mais le sourire fatigué qu'esquissa l'hyperactif fana plutôt vite son enthousiasme. Le loup posa la main sur l'épaule de son ami et lui fit sincèrement part de ses impressions. Stiles le prit par le bras et l'emmena vers la cuisine, pour avoir un semblant d'intimité. La présence de Derek en train de sortir plusieurs verres d'un placard ne sembla pas le déranger outre mesure puisqu'il lui fit honnêtement part de son ressenti :
- Je… Ca va pas fort, Scotty mais je… Je fais de mon mieux pour me reposer. J'ai juste l'impression de pas y arriver.
C'était sincère. Son cœur était on ne peut plus régulier et les deux loups y firent particulièrement attention.
Stiles n'aimait pas inquiéter qui que ce soit mais il savait qu'il y avait des limites à cela. Leur mentir n'était pas une bonne idée et il le savait, c'était pour cette raison qu'il choisissait l'honnêteté. Autrement, Scott, l'adorable Scott, pourrait lui taper sur les doigts et Lydia lui fournirait la règle en métal.
En parlant de l'alpha, celui-ci s'appuya contre l'ilot de la cuisine tandis que Derek arrêtait toute activité, se tournant vers eux. Après tout, si Stiles avait commencé à parler en sa présence, cela signifiait qu'elle ne le dérangeait pas. Impossible alors de manquer sa pâleur presque maladive accompagnée de ces cernes passablement sombres. Stiles semblait ne pas avoir réellement dormir depuis des jours. En y accordant une attention particulière et lupine, l'on pouvait constater que son pouls était légèrement trop rapide et qu'une certaine irrégularité paralysait son souffle. Ce qui prédominait, c'était vraiment son odeur trop fade et chimique.
- Stiles, t'as pensé à voir un médecin ? S'enquit l'alpha sans cacher son inquiétude.
- J'ai passé deux jours à l'hôpital, j'en suis sorti cet après-midi, lui avoua l'hyperactif, cash. J'ai passé ces deux jours à passer toute une batterie d'examens parce que… Mon père a fini par remarquer, tu vois ? C'est lui qui a insisté pour que j'aille voir un médecin, et lui encore qui a décidé qu'il valait mieux que passe tous ces tests.
Si les deux loups-garous furent surpris ou choqués par cette information, seul Scott le laissa transparaître. Hale, à côté de lui, resta de marbre, du moins, en apparence. A l'intérieur, son inquiétude renaissait. Lui qui pensait que Stiles allait mieux depuis ces vacances avait appris il y a quelques jours pour son évanouissement au lycée. S'il avait relégué l'information au second plan, pensant que c'était simplement parce que Stiles avait fait l'idiot à se surestimer par rapport à son sommeil, là, il voyait clairement que quelque chose n'allait pas.
- Ton père a eu raison, intervint laconiquement Derek, les bras croisés sur son torse.
- Je sais pas, parce qu'on a rien trouvé, tu vois ? Je suis crevé, je dors à peine, je me sens presque jamais bien et je… Il n'y a rien d'anormal dans mon corps, absolument rien.
En disant cela, Stiles montrait qu'il était dépassé par la situation et commençait lui-même à s'inquiéter de son propre état. Ce n'était pas son genre et Scott le savait. Pour cette raison, il sut que c'était sérieux, que rien de tout ça n'était pas feint. Stiles n'était pas du genre à faire semblant, mais tout était différent. S'il faisait lui-même attention à lui au point d'accepter d'aller passer des examens, c'était qu'il allait vraiment mal.
- Rien du tout ? S'étonna Derek.
Si Stiles allait si mal que ça, pourquoi aucun examen ne révélait rien ?
- Rien, rien de rien de rien, s'agaça l'hyperactif.
Scott posa ses mains sur ses épaules et tenta comme il le put de le rassurer, insistant sur le côté passager de la chose, sur le fait que cela disparaîtrait sans doute bientôt. Il n'en avait aucune certitude mais désirait plus que tout calmer son meilleur ami qui puait cette fois l'angoisse.
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- Bonjour à tous. Si on fait cette réunion aujourd'hui, c'est parce que Derek a repéré une concentration un peu anormale de loups-garous dans la forêt de Beacon Hills, particulièrement aux alentours du Nemeton, déclara Scott lorsque tout le monde fut présent et installé.
Peter, en oncle adorable et exemplaire, approcha un énorme tableau à roulette sur lequel étaient déjà collées plusieurs photos, toutes d'hommes inconnus.
- Ces photographies concernent les gens que Derek a pu repérer. Au vu de leur ressemblance, on pense qu'ils font tous partie de la même meute. Cependant, on ne sait absolument ce qu'ils font là puisque, d'après ce que je sais, l'ancienne meute Hale était la seule de Beacon Hills.
- Des envahisseurs ? Proposa Liam, un peu extrême.
Si Stiles était plus en forme, nul doute qu'il aurait lâché une remarque sur son imagination débordante qui aurait pu être la sienne. Liam était, comme lui, un grand consommateur de films de science-fiction. Mais l'hyperactif n'ouvrit pas la bouche, à la surprise d'une partie de la meute. Assis entre Isaac et Lydia, il était particulièrement sage. En fait, il semblait surtout à deux doigts de s'endormir. Du peu que l'avaient entendu certains loups, l'adolescent traversait une période compliquée durant laquelle il avait du mal à se reposer. Jackson, en face, gardait un œil discret sur lui. Au cas-où. Simplement au cas-où. L'hyperactif donnait l'impression de pouvoir sombrer à chaque instant et c'était diablement perturbant, si bien que même Scott avait du mal à rester concentré sur sa tâche de maître de réunion. Stiles n'en était pas conscient parce qu'on ne le montrait pas, mais il était actuellement le centre de l'attention de tous.
- Non, enfin, on ne sait pas, répondit Scott en se raclant la gorge. C'est pour ça qu'on va enquêter. L'un de ces visages vous dit-il quelque chose ?
La plupart des membres de la meute hocha la tête et à la plus grande surprise de tous, Stiles se leva.
- Je… Je peux m'approcher un peu ? J'y vois un peu flou, dit-il simplement.
En vérité, et même si ce qu'il avait dit n'était pas faux, il avait une impression étrange. L'impression qu'il devait mieux voir ces photos. Scott lui accorda la permission et on le regarda avancer d'un pas peu assuré jusqu'au tableau. Au début, rien ne se passa. L'on observa Stiles avec perplexité alors qu'une tension particulière se lisait sur son visage.
- Je crois qu'il y en a un qui me dit quelque chose mais je saurais pas dire d'où, finit-il par avouer après quelques secondes.
Alors qu'il allait se reculer pour retourner à sa place, il eut un flash et d'un coup, tout son monde devint plus sombre. Il ferma les yeux un instant et lorsqu'il les rouvrit, ce fut le choc.
Stiles était dans ce qui semblait être une salle des fêtes. Tout le monde dansait, la musique était à fond et les lumières clignotaient. L'hyperactif, le souffle court, se regarda. Pourquoi diable portait-il une tenue différente de celle qu'il avait enfilée avant de venir ?! Et… Qu'est-ce que c'était que ce verre de whisky ? Mais le pire, c'était qu'il bougeait. Il se déhanchait et n'arrivait pas à stopper ses mouvements. Je veux comprendre ce qu'il se passe, pas danser ! Surtout qu'il n'aimait pas danser, vraiment pas, il avait trop honte de ses mouvements étranges.
Mais il fut comme expulsé de son corps, d'un coup. Tel un esprit, Stiles se retrouva à côté de lui-même et se vit avec horreur danser. Qu'est-ce que c'étaient que ces mouvements à deux balles ? Que faisait-il ici ? Il était où, le loft ? Et ses amis ? Il en aperçut certains, au loin, qui buvaient, dansaient, discutaient. Et lui, il était là, seul, au milieu de tout le monde. Stiles aurait pu d'ores et déjà comprendre, oui. Il aurait pu, mais il fallut attendre deux minutes de plus pour que ça fasse tilt dans son esprit. En effet, il vit un homme blond et de haute stature se rapprocher de lui et verser une poudre dans son verre sans que le Stiles de la fête ne s'en rende compte. Oh l'enfoiré ! Jura-t-il intérieurement alors qu'enfin, il comprenait ce qu'il s'était passé. Il pouvait finalement mettre des mots sur cette soirée dont il n'avait aucun souvenir. Et puis surtout… Il était capable de mettre un visage sur cette personne qui avait aidé à transformer ses vacances en cauchemar. Mais alors qu'il se réjouissait, tout disparut d'un seul coup. La lumière revint, le monde disparut, la musique se tut et lorsqu'il rouvrit les yeux, Stiles était de nouveau au loft. Mais c'était brutal, bien trop soudain, à tel point que sa tête se mit à tourner, à tel point que son estomac se retourna violemment, à tel point qu'il n'entendit pas la voix de Scott, encore moins celles de Derek et d'autres membres de la meute.
A tel point qu'il se mit à vomir d'un coup sans pouvoir se retenir, ni dire ce dont il venait de se rappeler. Le jais tâcha ses vêtements, le sol, une partie du tableau. Du sang si noir qu'il paraissait surnaturel.
Ou plutôt qu'il l'était.
