C'était à n'y rien comprendre. Scott attendait, en compagnie de Lydia, Jackson et Derek, dans la salle d'attente du cabinet d'Alan Deaton. Au vu de ce qu'avait régurgité Stiles et de ce dont il avait parlé un peu plus tôt concernant ses examens à l'hôpital – examens qui n'avaient rien donné et n'expliquaient pas son état de fatigue si longuement mentionné – la meute avait décidé de lui faire voir quelqu'un de bien plus… Compétent. Pas que les médecins de l'hôpital de Beacon Hills l'étaient, simplement… Stiles ne semblait pas être un patient comme les autres.

- Il est humain, grommela Scott pour la énième fois depuis qu'ils étaient arrivés ici.

Déjà trente bonnes minutes qu'ils attendaient d'avoir des nouvelles du seul véritable humain de la meute et le fond du cabinet étant complètement isolé, l'on ne pouvait pas entendre un seul bruit qui pouvait en provenir.

- A ta place, j'en serais pas aussi sûr, maugréa Jackson, qui avait la désagréable impression d'avoir été trompé.

- Un être humain ne peut pas produire de sang noir, fit Derek, catégorique.

- Mais Stiles… Objecta une nouvelle fois Scott.

Le regard assombri de Derek le fit taire, purement et simplement, si bien qu'il n'osa pas rouvrir la bouche. Le lycanthrope semblait sûr de lui et c'était compréhensible : il baignait dans le surnaturel depuis sa naissance. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait donner son avis sur cette affaire, c'était bien lui. Il en savait un rayon dans le domaine, il n'y avait peut-être que Peter ou Deaton capable d'avoir une meilleure connaissance de la chose que lui. Le premier était occupé à faire on ne savait pas et le second examinait Stiles depuis un bon moment. Pour en savoir plus, il fallait donc s'armer de patience et attendre le verdict.

Pour être honnête, personne ne comprenait ce qu'il s'était passé. Lydia, qui restait irrémédiablement silencieuse depuis le début de cette histoire, ne cessait de se repasser en boucle le déroulé de la réunion : l'annonce concernant le Nemeton, les photographies des potentiels « envahisseurs » comme dirait Liam, Stiles qui voulait se rapprocher parce qu'il y voyait flou, sa possible reconnaissance de l'un des hommes, son moment d'absence, son vomissement violent et sa vive perte de connaissance. Tout cela avait été si rapide qu'elle n'avait pas vraiment réalisé. Tout ce sang noir… Impossible de le confondre avec de l'hémoglobine séchée. C'était un noir si noir qui lui rappelait atrocement la mort d'Aiden, le jumeau d'Ethan. Jackson, ayant remarqué son trouble, passa un bras autour d'elle et la rassura comme il le put. Plus qu'une ex, c'était une amie chère à son cœur et il n'avait pas honte de le dire. S'il avait dû avoir une sœur, nul doute que celle-ci se serait appelée Lydia Martin.

Un quart d'heure interminable plus tard, la porte du fond s'ouvrit sur un vétérinaire aux traits fatigués. Sa journée n'avait pas été des plus difficiles ni des plus longues. Simplement, l'examen de Stiles Stilinski l'avait vidé de toute son énergie. A la vue de l'émissaire, tout le monde se redressa et il soupira. Heureusement qu'il avait pensé à fermer son cabinet juste après leur arrivée… Voir des clients débarquer l'aurait bien embêté et n'aurait pas aidé à dissimuler son activité concernant le surnaturel. Une chance également que la voisine du vingtième soit partie avec son chien quelques minutes avant l'arrivée en trombe de ces jeunes gens. Décidément, les astres s'étaient alignés pour qu'il puisse examiner Stiles en toute discrétion.

Scott s'avança, prêt à aller voir son ami, mais le vétérinaire l'arrêta d'un geste de la main.

- J'aimerais qu'il se repose un peu, qu'on le laisse tranquille pour le moment, dit-il simplement. Venez.

Sur ces paroles, il les emmena dans un autre coin du cabinet, un peu plus chaleureux et cosy. Ce qu'il avait à leur dire n'était ni facile à prononcer, ni facile à entendre. Lorsque tous se furent assis – sauf Derek, qui dérogeait éternellement aux règles –, le vétérinaire soupira une nouvelle fois et commença :

- Avant toute chose, sachez que vous avez bien fait de réagir et de me l'amener. J'ai analysé le sang qu'il avait encore autour des lèvres et il n'y a pas de doute possible : il s'agit bel et bien de sang surnaturel. J'ai envisagé la possibilité d'une infection mais l'hypothèse ne tient pas. Ce sang sort de son corps naturellement, il n'y a aucun signe d'infection ou de contamination quelle qu'elle soit. J'ai également vérifié autre chose. Stiles garde toujours cette cicatrice au niveau de l'épaule, ce qui était il n'y a pas si longtemps une morsure de wendigo.

Scott se tendit, se souvenant parfaitement de cet épisode. Celui durant lequel, au lieu d'épauler son meilleur ami, il avait décidé de l'accuser à tort sans écouter sa version des faits. Dire qu'il s'en voulait était un euphémisme.

- Puisqu'il garde cette cicatrice, il est très probable qu'il n'ait pas été transformé et cette hypothèse a très vite été confirmée. En effet, je me suis permis de voir comment réagirait son corps si je lui mettais un bracelet englué d'aconit autour du poignet. J'ai attendu quinze minutes et il ne s'est rien passé, j'en ai donc déduit qu'il n'est pas un métamorphe.

- Mais alors, intervint Derek, si Stiles n'est pas un métamorphe, qu'est-ce qu'il peut être ?

- Pour être honnête avec toi, je n'en sais rien. Je lui ai prélevé beaucoup de sang et j'ai un échantillon encore en cours d'analyse au fond. Je possède une machine qui me permet d'analyser plus en profondeur en testant l'effet de plusieurs plantes et matériaux auxquels les êtres surnaturels sont sensibles. Avec un peu de chances, je devrais pouvoir déterminer ce qu'il est d'ici deux ou trois jours. C'est long et minutieux. Tout ce que je peux vous confirmer, c'est qu'il n'est effectivement pas un métamorphe, comme je vous l'ai dit plus tôt.

Les informations, nombreuses, étaient aussi difficiles à croire qu'à assimiler. Derek n'eut aucun mal à accepter cela et derrière son air de marbre, son cerveau tournait à plein régime, essayant de comprendre et surtout d'imaginer ce que pouvait être Stiles. Jackson, lui, se sentait dupé, comme si l'hyperactif leur avait caché quelque chose, même s'il savait fort bien que ce n'était pas le cas. Lydia et Scott, eux, avaient du mal à réaliser et se repassèrent comme ils le pouvaient tous les moments avec Stiles où celui-ci aurait pu montrer – plus ou moins sans le vouloir – son appartenance au monde surnaturel. Et ils ne trouvèrent rien, absolument rien. Stiles aimait son humanité et se vantait d'être toujours humain ! Il avait même refusé la morsure, qui aurait pu le sauver à maintes reprises de situations compliquées.

Deaton leur détailla alors le protocole de ses légères expériences – qui n'étaient pas douloureuses, simplement un peu gênantes – et parla des résultats qu'il avait eus, ce qui n'aida pas beaucoup, puisque le plus gros des informations avait été dit. A la fin de son récit, il mit toutefois le bout de meute en garde sur la possibilité d'une dégradation quant à l'état de l'hyperactif.

- N'oublions pas que je ne sais toujours pas ce qu'il est, rappela-t-il. Certaines de ses veines sont noires et visibles, mais sachez qu'elles ne ressemblent pas aux vôtres lorsque vous prenez la douleur de quelqu'un. Ce sont des bouts de veines noires qui ressortent. Je ne sais pas si ça va stagner ou progresser. Stiles aurait d'ailleurs déjà dû remarquer tout ça avant, parce qu'il est certain que l'apparition de ces veines noircies ne date pas d'hier.

- Il… Il m'a dit avoir fait des examens à l'hôpital avant de… Avant la réunion. Pourtant, il n'a pas fait mention de ça, intervint Scott. S'il a tant de veines noircies, les médecins qui l'ont examiné les auraient vues… Non ?

- Je ne sais pas quoi te dire, Scott, répondit Deaton d'un air désolé. Je suis aussi perdu que toi. Ce qui est certain, c'est que Stiles n'est certainement pas au courant de ce qu'il est.

Le vétérinaire expliqua à son petit auditoire que l'hyperactif s'était brièvement réveillé durant l'un des examens et avait eu l'air profondément confus.

- Il ne comprenait pas ce qu'il faisait là, pourquoi il se sentait si mal et pourquoi il avait sans cesse envie de vomir. Je lui ai rapidement touché un mot de l'état dans lequel il était lorsque vous l'avez amené ici et il n'a pas su m'expliquer quoi que ce soit. Je n'ai pas pu le garder éveillé assez longtemps pour l'interroger plus. Il était épuisé et je ne sais pas si ça va aller en s'arrangeant. Je ne peux pas le garder ici cette nuit, mais il faut qu'il reste avec vous, sous surveillance. Au moindre problème, vous devrez m'appeler, d'accord ? Lorsque les dernières analyses seront effectuées, on pourra agir et l'empêcher de mourir.

Parce que c'était ce qui, lentement, était en train d'arriver. Toutefois, Deaton avait des doutes quant à l'origine de ce sang surnaturel. Bien qu'il ne s'agisse effectivement pas d'une infection, Deaton n'était pas entièrement persuadé que la noirceur de son sang était le signe d'une mort imminente. Peut-être l'était-il, mais partiellement seulement. Il y avait quelque chose d'étrange dans cette affaire – plus étrange encore que la nature apparemment surnaturelle de Stiles.

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Stiles n'était pas à son aise. Il ne savait pas où il était et ça lui fichait les jetons. Ce qui ne l'aidait pas franchement à se sentir mieux, c'était la nature plutôt vide et sombre de l'endroit dans lequel il se trouvait. L'on aurait dit une forêt dont la très grande majorité des arbres semblaient morts. De plus il était seul et son état le perturbait profondément. Sa faiblesse ? Disparue ! Sa fatigue ? Envolée ! Ici, plus rien ne comptait à part sa… Présence, sans doute. Sa présence bien fantomatique soit dit en passant. Non parce que voir partiellement le sol à travers sa main n'était pas fort agréable. C'était même plutôt terrifiant, si bien que Stiles hurla de terreur et perdit, sans s'en rendre compte, la maîtrise qu'il avait inconsciemment sur le monde autour de lui. Il ne remarqua pas non plus la silhouette si claire à quelques mètres seulement de lui, une silhouette angélique aux traits doux et qui l'aurait tout de suite calmé s'il ne s'était pas laissé aveuglé par sa terreur.