- Je… Je sais pas, Scott, j'te le jure… Souffla Stiles à son meilleur ami.
L'alpha était assis au bord du lit dans lequel se trouvait l'hyperactif. C'était assez irrespectueux, mais il avait tenu à l'interroger dès son réveil, ne pouvant pas supporter d'attendre pour avoir les réponses à ses questions. Si Stiles était un être surnaturel, il devait forcément le savoir, y compris avoir une idée de ce qu'il pouvait être. Il ne pouvait pas ne pas être au courant de ce qu'il était, c'était invraisemblable.
- Mais si, Stiles, réfléchis un peu ! Tu dois savoir. Donne-moi un indice, n'importe quoi !
L'hyperactif secoua faiblement la tête de gauche à droite tout en articulant péniblement encore une fois qu'il ne savait absolument pas. Ayant froid, il tira les draps pour les remonter jusqu'à son menton.
- Stiles, fais un effort bon sang, tu nous aides pas là ! Insista encore Scott.
- Scott, j'te promets que… Que je réfléchis mais vraiment, je… J'sais vraiment pas…
Parler était difficile pour lui, c'était clair et net. Chaque mot prononcé l'essoufflait et il ne pouvait pas sortir une simple phrase sans devoir faire des pauses. Stiles ferma les yeux un instant tout en fronçant les sourcils. Ce qu'il avait mal à la tête… Et la lumière de la lampe de chevet lui paraissait si vive… La voix de Scott, n'en parlons pas : elle était forte, trop forte, frappait contre les parois de son esprit comme si elle était décuplée. Ne pouvait-il pas baisser de volume, ou se taire ? Stiles comprenait son désarroi, aussi bien qu'il n'arrivait pas à accepter lui-même qu'il pouvait éventuellement faire partie du monde surnaturel. Mais Scott savait bien que l'hyperactif était honnête avec lui, alors pourquoi insistait-il ?
- Putain, Stiles ! Tu…
- Scott, ça suffit, le coupa une voix grave.
- Mais…
- Sors.
La voix de Derek était sans appel et Stiles n'entendit rien d'autre qu'un soupir, des bruits de pas, de porte qu'on ouvre et qu'on ferme, et enfin, le silence. L'hyperactif se détendit légèrement : les coups de marteau qu'il avait l'impression de sentir à l'intérieur de son crâne perdirent un peu en intensité. Néanmoins, il avait toujours froid, n'était pas à son aise et… Il n'avait pas la tête à réfléchir, rien ne lui paraissait cohérent, rien du tout… Le jeune homme sursauta en sentant qu'on lui posait un linge humide sur le front. Il rouvrit les yeux un peu vite, si bien qu'il en eut la migraine et vit Derek près de lui. Bien vite, il essaya de lui faire comprendre, comme à Scott, que l'on ne pourrait rien tirer de lui :
- J'te jure Derek… Je sais pas… C'que je suis, ni ce qui m'arrive… J'te le promets…
C'était une supplique. Il suppliait Derek, dans un sens, de ne pas le harceler comme l'avait fait son meilleur ami. Il n'avait absolument pas la force de faire quoi que ce soit, se repasser le fil de sa vie en quête d'indices était déjà bien assez épuisant comme ça…
- Je sais Stiles, je sais, dit Derek à un volume bien plus bas que celui de Scott.
- J'me sens pas bien, j'sais pas où je suis, j'sais pas c'que vous faites là, je…
- Calme-toi, Stiles.
Sur ces simples mots, Derek prit la main de l'hyperactif qui dépassait des draps et la serra doucement, histoire de l'apaiser un peu. Il le savait dépassé par la situation et il était clair que Scott n'aurait pas dû chercher à l'interroger aussi tôt : Stiles était épuisé, malade, mourant. Les sueurs froides sur son visage étaient claires et nettes, des veines partiellement noircies pouvaient être aperçues ici et là, son regard vitreux et plus sombre que d'ordinaire trahissait son épuisement autant que le faisait son odeur. Stiles n'était pas en état.
- Tu es au loft, lui apprit-il en gardant un volume relativement bas, dans une des chambres à l'étage. On est là pour veiller sur toi et tu resteras ici le temps qu'on comprenne ce qui t'arrive, d'accord ?
Stiles hocha à peine la tête, dans un mouvement si faible qu'il était presque imperceptible. La voilà, sa réponse. Parler devenait difficile et cette fatigue… Sans même s'en rendre compte, il perdit lentement connaissance et ses doigts desserrèrent progressivement leur étreinte avec la main de Derek. Sincèrement inquiet pour lui, il se retira, s'assura que l'hyperactif était confortablement installé et avait tout ce dont il pouvait avoir besoin à portée. Enfin, voyant qu'il avait toujours froid – même inconscient, il frissonnait, Derek attrapa une couverture dans un placard et l'étala correctement sur les draps.
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Deaton regarda la fiole qu'il tenait entre ses mains avec inquiétude. Un jour était passé depuis qu'il avait examiné l'hyperactif et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'avait pas chômé. La machine continuait de tourner mais très honnêtement, le vétérinaire était persuadé que cet échantillon tout juste analysé était la réponse à toutes les questions qui concernaient Stiles. Les résultats étaient sans appel mais pourtant, il ne voulait pas y croire, tout simplement parce que c'était trop improbable. Que l'hyperactif soit en réalité un être surnaturel latent, c'était une chose : qu'il soit ce genre d'êtres en était une autre.
Le sang de Stiles était bourré de particules démoniaques qui ne cessaient de l'affaiblir. Son corps, si l'adolescent était effectivement ce qu'il était censé être, devrait combattre ces particules et non les laisser prendre du terrain. Il réagissait à sa manière, ce qui était une preuve en soi, mais pas de la bonne façon. Cependant… Si ses cellules ne se réveillaient pas bientôt, Alan ne savait pas s'il serait en mesure d'aider le jeune homme à survivre. Il n'avait pas assez d'informations et il allait falloir qu'il se renseigne. Tout de même, c'était invraisemblable. Un wendigo, un métamorphe quel qu'il soit, un vampire, un sorcier, un druide, il aurait compris. Mais ça… Le vétérinaire reposa la fiole dans le compartiment adéquat. Pour le moment, il valait mieux ne rien dire à la meute. Tant qu'il n'était pas certain de son diagnostic et de ce qu'il pourrait leur expliquer, il garderait le silence. Autrement, cela pourrait s'ébruiter et Stiles pourrait se retrouver en danger… Car les êtres de sa trempe étaient une denrée rare que la plupart des meutes s'arrachait. Le druide accordait toute sa confiance à la meute Hale-McCall, mais pas aux autres. Il releva ses yeux bruns vers son calendrier lunaire.
La pleine lune était dans quelques jours.
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- Comment va-t-il ? Demanda timidement Lydia en lissant les bords de sa jupe.
- Il a vomi y a un quart d'heure, encore, l'informa Scott.
Tendu, l'alpha ne parlait pas plus que nécessaire. Il fallait dire qu'il venait de se faire recadrer par Derek, qui était resté au chevet de Stiles un moment, avant de venir lui remonter les bretelles. Alors, forcément, il n'était pas trop d'humeur à parler. Même si c'était lui l'alpha, le loup de naissance en imposait et il le respectait beaucoup. Il n'avait donc pas bronché, pas rouspété, laissant Derek lui faire des remontrances tout à fait légitimes. Scott avait tout de même essayé de lui dire qu'il était important de savoir ce qu'était Stiles le plus tôt possible, mais impossible de faire changer d'avis son aîné qui continuait de camper sur ses positions. Là encore, Derek gardait les bras croisés sur son torse et son aura, même invisible, dissuadait quiconque de venir le contredire.
- Qu'est-ce qu'on peut faire ? Demanda la banshee, dont le désarroi était clairement visible sur son visage.
Elle était inquiète, sincèrement.
- Rien, à part attendre des nouvelles de Deaton, intervint rapidement Derek avant que Scott en place une.
De sa part et au vu de son léger emportement auprès de Stiles, le loup de naissance préférait ne pas prendre de risque. Inutile de presser les membres de la meute et de les influencer : l'hyperactif avait besoin de tout, sauf qu'on le harcèle, surtout qu'il n'avait aucune information pouvant les aider. Les battements de son cœur avaient été, tout du long, criants de vérité. Stiles était aussi perdu que la meute, si ce n'est plus. En tant que principal concerné de l'affaire, apprendre qu'il n'était pas réellement ce qu'il était censé être avait dû lui faire un sacré choc. Ne pas le ménager, c'était faire comme si cette nouvelle ne lui faisait rien. D'une part, c'était faux et d'autre part, Stiles était incapable de réfléchir correctement dans son état. La « maladie » l'affaiblissait à tel point qu'il était incapable de se redresser, c'était tout juste s'il avait réussi à remonter les draps jusqu'à son menton. Sa faiblesse était palpable. Derek se souvenait clairement de la sensation de sa main et ses doigts se détendant alors qu'il perdait connaissance, dans ce lit qu'il lui avait attribué car il s'agissait de l'un des plus confortables du loft – outre le sien. Ici, dans la grande pièce à vivre qui servait à la fois de salle de réunion et de salon, le loup écoutait d'une oreille les battements de cœur provenant de l'étage. Au moindre changement, il était prêt à monter.
Deux pauvres jours passèrent ainsi. Stiles peinait à rester éveillé et à se nourrir, si bien que Lydia et Derek devaient s'y mettre à deux pour lui faire avaler quelque chose. Et encore, leurs efforts ne payaient pas vraiment. Très vite, l'on fit appel à Melissa McCall pour qu'elle leur déniche quelques poches de nutriments. Ainsi, Stiles fut rapidement perfusé et ne put faire grand-chose d'autre que de rester alité. Garder conscience plus d'une dizaine de minutes était une épreuve et Stiles luttait réellement pour garder les yeux ouverts. Finalement, son corps épuisé gagnait toujours la partie puisque ses paupières bien trop lourdes se refermaient bien vite sur ses iris ambrés bien fades. Lorsqu'il ne cauchemardait pas, il vomissait : Derek avait déjà dû changer les draps par deux fois, les précédents étant tâchés par du sang plus noir que la nuit.
Dans la meute, on harcelait Deaton d'appels. Scott était même passé le voir à son cabinet, sans succès. Le druide était aux abonnés absents et ce n'était pas des plus rassurants. Il était le seul à pouvoir aider Stiles, ses connaissances et ses recherches étaient sans aucun doute la clé pour réussir à guérir l'hyperactif du mal qui le rongeait.
Mal qui gagnait toujours plus de terrain à chaque heure qui passait.
A quelques rues du loft, l'on souriait. Cette fois, ce serait la bonne.
Encore quelques heures, et l'être d'exception enfermé entre ces quatre murs serait à eux.
