Derek avait encore du mal à respirer et c'était le cas de la majorité des membres de la meute présents au loft au moment de l'attaque fulgurante qui leur avait pris Stiles. Chris Argent réajusta le masque à oxygène de l'ancien alpha, installé rapidement sur un fauteuil confortable, parce qu'il était actuellement incapable de rester debout. Sa maison de chasseur était peuplée de loups-garous en mauvais état et il pouvait s'estimer heureux de pouvoir compter Alan Deaton parmi ses alliés.

- Ça va ? Demanda-t-il au jeune Hale.

Derek le regarda de ses yeux entrouverts et fatigués avant de lever faiblement son pouce en l'air pour lui répondre. Oui, ça allait, en théorie. Ses poumons étaient toujours envahis d'aconit mais la solution que lui avait injecté Deaton quelques minutes plus tôt était en train de détruire chacune des particules du sinistre poison qui avait manqué de leur coûter à tous la vie. Respirer à l'aide de ce masque à oxygène relié à un petit boitier posé sur ses genoux l'aidait également à se remettre petit à petit de cette agression même s'il mourrait de frustration à l'idée de ne pas être capable de partir à la recherche de Stiles tout de suite. Parce que… Merde, il avait été enlevé. Comment la meute avait-elle pu être neutralisée aussi facilement ? Une chose était certaine, ceux qui étaient à l'origine de cette attaque étaient futés et s'étaient particulièrement bien préparés. Une chance qu'Argent soit passé dans le coin quelques minutes à peine après leur départ à tous ! S'il n'avait pas été là, s'il n'avait pas décidé d'aller au loft pour discuter avec Derek des Calaveras… Peut-être la meute Hale-McCall ne serait-elle plus qu'un souvenir. Chris avait appelé Deaton, qui s'était tout d'abord occupé d'emmener Lydia aux urgences, ainsi que Melissa McCall, qui l'avait aidé à acheminer les loups au manoir Argent. Il n'avait pas été question de prévenir le shérif même si son aide ne serait pas de trop : ils avaient alors fait un compromis et contacté Jordan Parrish qui, pour des raisons de sécurité, resterait à l'hôpital pour veiller sur Lydia une fois qu'elle serait sortie du bloc, si elle survivait… Et elle survivrait, parce que personne ne pouvait ne serait-ce qu'imaginer que le contraire puisse arriver.

Deaton fit alors son entrée dans le bureau, là où avait été installé Derek ou plutôt où il avait choisi d'être amené. Parce que s'il n'était clairement pas en état de partir en croisade, il avait tenu à pouvoir discuter le plus tôt possible avec Chris Argent pour déployer de quoi retrouver Stiles. En fait il était, à l'heure actuelle, le loup le plus en forme de la meute, le seul à être réellement conscient. Scott, lui, n'arrêtait pas de dormir. Liam, de son côté, peinait à garder les yeux ouverts. Les autres dormaient quelques minutes avant de se réveiller puis de se rendormir. Même Peter avait du mal à garder conscience et il avait été installé dans la chambre de Chris. Derek était particulier parce que même épuisé, il montrait une urgence folle et un intérêt pour Stiles plutôt… Evident. En tout bien tout honneur, l'intérêt. Il l'avait vu se faire enlever et se souvenait de cette impuissance qui l'énervait toujours autant. Il avait voulu poursuivre ces gens, les empêcher de le prendre, de le kidnapper, de… Que lui faisaient-ils à l'heure actuelle ? Pourquoi avaient-ils organisé toute cette attaque pour le prendre, lui ? Derek tourna les yeux vers Deaton qui le regardait d'un air plus que sérieux : il était grave comme jamais. Les mains reposant sans force sur les accoudoirs du fauteuil, le loup essaya de lui transmettre ses questions d'un regard. Le vétérinaire s'accroupit face à lui et ancra ses yeux ébènes dans les siens, bleu-vert.

- Tu m'entends bien ? Tu comprends ce que je dis ? Demanda Alan, pour être sûr.

Derek hocha faiblement la tête : c'était tout ce qu'il pouvait faire dans son état actuel, pas beaucoup mieux même quelques heures après l'attaque. Chris alla s'assoir à son bureau et attendit, lui aussi, que le vétérinaire crache le morceau. L'air de rien, il était allié à la meute Hale-McCall et ce qui touchait la meute le touchait immanquablement lui.

- Ecoute, Derek, je te le dis à toi pour que tu sois au courant et j'en informerai les autres une fois qu'ils seront plus aptes à… Ecouter. On doit se dépêcher, on n'a pas de temps à perdre et même si la meute ne peut pas intervenir pour l'instant au vu de votre état à tous, je veux que tu sois au courant. Il faut que l'information soit transmise le plus vite possible.

Levant à nouveau faiblement le pouce en l'air, Derek montra ainsi qu'il avait compris. Maintenant, il attendait la suite.

- Stiles… Ils ne l'ont pas enlevé par hasard. Tu sais qui a fait ça ? Une meute. Ils l'ont enlevé parce qu'ils ont besoin de lui et parce qu'il est… Spécial. Tu sais, il est écrit dans tous les livres sur l'histoire du surnaturel que les premiers émissaires étaient des druides. C'est vrai… Et faux.

Derek haussa un sourcil et fronça l'autre, l'air de dire « pourquoi tu me parles de ça ? » et il fut tenté d'enlever son masque pour prononcer cette question qui le taraudait fortement mais Chris, qui avait compris son idée, le dissuada d'un regard.

- Les premiers émissaires tels que nous les connaissons étaient des druides, oui, mais il y avait une génération avant eux. Une génération unique et qui n'a pas longtemps perduré. On appelait ces réels premiers émissaires des Emissaires Primordiaux, aussi rares qu'importants.

- Si les… Emissaires Primordiaux n'étaient pas des druides, qu'étaient-ils ? Demanda Chris pour épauler Derek qui commençait à fatiguer à nouveau et qui n'était pas encore capable de parler sans danger.

Deaton soupira. Il s'en voulait, c'était certain, mais aurait-il seulement pu faire autrement ? S'il avait tant tardé à faire ces révélations alors qu'il avait analysé le sang de Stiles dans ses moindres détails, c'était pour le protéger. Il pensait qu'en gardant ces données secrètes, en évitant d'énoncer ces mots condamnateurs, Stiles aurait été tranquille. Cependant, il semblait qu'il avait été devancé, que d'autres connaissaient la condition de l'hyperactif depuis un peu plus longtemps que lui. La preuve en était que leur attaque avait fonctionné et qu'en plus de l'enlever, ils avaient manqué de peu d'anéantir une meute entière. Le vétérinaire baissa les yeux, comme s'il était coupable de ce qui arrivait et même si ce n'était pas le cas, il s'en voulait réellement.

- Des anges… Laissa-t-il échapper, abattu.

xxx

Stiles gémit. Il était faible, si faible… Incapable de se mouvoir à sa guise, de se lever, il ne pouvait qu'assister, impuissant, à cette espèce de petit passage à tabac qu'il subissait. Il était certain qu'au vu de la carrure de ces gens, ils pourraient lui faire bien pire : si à leurs yeux, leurs coups étaient légers, Stiles était en si mauvais état que chaque coup lui envoyait une sacrée décharge de douleur.

- Relève-toi, pauvre merde.

Stiles lui aurait bien sorti une pique on ne peut plus sarcastique s'il était dans son état normal. Cependant, sa faiblesse était si grande qu'il évitait de parler, tout comme il était incapable d'exécuter l'ordre qu'on lui lançait. Il essaya et cela, on ne pouvait pas le lui enlever. Les mains toujours liées dans le dos, il pouvait à peine se redresser, en particulier son postérieur, le mettant dans une position pour le moins… Aguicheuse aux yeux des animaux qui l'entouraient. Animaux parce que si leur corps était humain, leurs yeux affamés tenaient plus de l'animal que de l'homme tant ils étaient sauvages. Inhumains. Stiles ne pouvait même pas parler, essayer de les piquer ou même de les supplier : ce qui coulait dans son sang l'affaiblissait à un point inimaginable, si bien que même réfléchir s'avérait être une tâche ardue. C'était à peine s'il avait pu se demander où il était et ce qu'il faisait ici, sans même songer qu'il se souvenait potentiellement à peine de l'attaque tant il était dans les vapes à ce moment-là.

- Mais c'est qu'il a de belles courbes… Pas étonnant que le chef passe son temps à avoir la gaule…

Stiles crut sentir des mains sur ses fesses avant de s'agripper à ses hanches puis un bassin venir s'écraser contre son pantalon à plusieurs reprises, mimant l'acte charnel qui n'avait pas lieu, mais il n'en était pas certain. Il avait mal, son corps le tiraillait à cause des coups qu'il avait pris dès son réveil et… Tout était flou autour de lui, si bien qu'il n'arrivait même pas à distinguer les visages de ces gens qui s'amusaient à le brutaliser. Oui, ils s'amusaient comme s'il était un ballon ou une poupée de chiffon. Et lui… Il était là, il subissait sans pouvoir se défendre. Sa joue se râpait contre le sol dur et sale de ce qui aurait pu être, avec un peu d'imagination, une cellule.

- C'est peu de le dire, je l'ai surpris à se branler sur lui pendant qu'il dormait hier !

Hier ? Se demanda Stiles qui peinait à comprendre ce qui se disait autour de lui. Il entendait mal, voyait mal, ne comprenait presque rien à ce qu'il se passait, ce qu'il entendait, n'arrivait pas vraiment à se situer, encore moins à savoir combien de temps il s'était écoulé depuis qu'il était là. Son corps se contracta, il se retrouva complètement au sol et gémit, encore. Il ferma les yeux, épuisé, sans même se rendre compte d'à quel point ses vêtements étaient déchirés, tâchés, de son sang et d'autre chose. Il était… Là sans être là, faible, gangréné par le poison qui continuait de le tuer à petit feu sans que ses cellules ne songent à se défendre. Nouveau coup qui l'envoya loin. Son cri… Ne fut même pas audible pour une oreille humaine, à peine pour une ouïe surnaturelle. Sa respiration se coupa et il lui fallut de longues secondes pour la retrouver et la régulariser au mieux. Il toussa : il y avait quelque chose de nouveau dans sa bouche, un goût qu'il n'avait pas l'habitude de sentir. C'était peu ragoutant, métallique, sanglant… Du sang, finit par comprendre Stiles, les yeux entrouverts mais éteints. Sa salive avait le goût du sang.

- Vous pensez que le chef nous en voudra si on le casse un peu ?

Un coup dans la tête. Bruits sourds. Des éclairs zébrèrent la vision de l'adolescent mal en point l'espace d'un instant. Puis, tout commença à s'assombrir.

- Tu le connais, il n'aime pas qu'on casse ses jouets, surtout qu'on a cette fois affaire à son futur mari et notre futur émissai…

- … ommage, c'est drôle de le…

- … tu veux rester en vie, tu arr…

- … nan, ça le dresse, tu vas vo…

Stiles ferma les yeux et perdit connaissance pour la troisième fois en une heure. Il rata donc l'entrée de l'alpha dans cette pièce crasseuse, où il l'avait jeté en pâture à ses bêtas pour qu'ils s'amusent un peu. C'était drôle de voir ce corps fin être balloté dans tous les sens mais il en rabroua plus d'un : l'hyperactif devait tenir jusqu'à la pleine lune et plus encore. Le casser, il en ferait son affaire. Il n'était pas contre le fait d'un peu de violence le concernant, tant que ça ne tuait pas son petit ange. Le reste, il n'en avait rien à faire. Il n'avait pas l'intention de l'aimer : ce gamin, il comptait juste le posséder de toutes les manières possibles et le mettre au service de sa meute.

Car une meute guidée et soutenue par un émissaire Primordial n'avait rien à craindre de personne.