Derek se réveilla brutalement et en sueur, le cœur battant à cent à l'heure. Sans même se laisser le temps de reprendre complètement conscience de tout son corps, il s'était déjà levé. Il avait la bougeotte, un peu trop sans doute, mais le fait était qu'il n'arrivait pas à rester immobile. Il s'habillait déjà sans remarquer ce qui avait changé chez lui.

Il ne pensait qu'à Stiles.

Mais le loup n'était pas seul dans la chambre et pour être honnête, il avait complètement oublié qu'il la partageait de temps à autres avec Isaac, qui avait demandé à être mis là car la peur avait repris possession de lui. Il voyait Derek comme son grand-frère et trouvait sa présence rassurante. Il avait ce calme fou qui donnait envie de se reposer sur lui et lui donnait un air solide. Il en faudrait beaucoup pour le faire tomber.

Tout ça pour dire que Derek s'était levé sans se soucier le moins du monde des yeux écarquillés posés sur lui.

- Derek, tu…

Entendant sa voix, l'interpelé se retourna vers Isaac, qui n'en croyait pas ses yeux. Derek était… Il s'était levé sans aucun problème et paraissait aussi alerte qu'en forme. N'ayant pas encore fait attention à sa condition, le loup le regarda en haussant un sourcil.

- Quoi ? Fit-il enfin.

Si Isaac ne se décidait pas à lui répondre, difficile pour lui de deviner ce à quoi il pensait.

- Tu… Comment tu as fait ? Articula péniblement.

Le bouclé avait toujours du mal à parler, c'était flagrant. Sa voix tremblait et il n'arrivait pas à savoir exactement quand il devait reprendre sa respiration. L'aconit avait sévèrement touché ses poumons et le problème, c'était qu'il ne pouvait rien faire. Dans son cas comme dans celui des autres, il fallait attendre, oui, attendre que le poison s'évapore. Et c'était d'une lenteur incroyable mais peu étonnant lorsque l'on savait combien de temps ils avaient été exposés au gaz qui avait manqué de les tuer, tous.

- Fait quoi ? S'impatienta Derek, qui n'avait toujours pas pris conscience de son état.

- Pour aller mieux… Si vite, articula le bouclé, d'un air incrédule.

- De quoi tu parles ?

Mais sitôt qu'il eut posé la question, Derek ferma la bouche et se tut définitivement alors qu'il assimilait lentement les propos de son presque frère. Il fronça les sourcils et se regarda. Déjà, il se tenait debout, seul. Ensuite, il bougeait sans éprouver cette lourdeur due au poison. Il parlait sans aucune difficulté et ce, sans s'essouffler. Sans crier gare, il s'allongea sur le sol et se mit à faire des pompes. Lorsqu'il remarqua qu'il était capable d'en enchaîner dix sans que cela ne l'affecte négativement au niveau physique, il se releva en fronçant les sourcils. Quelque chose clochait. Il semblait… Complètement guéri de tout empoisonnement à l'aconit à grande dose. C'était comme la moindre molécule en lui s'était évaporée…

… Ou lui avait été retirée.

Le rêve que Derek avait fait se rappela à lui d'un seul coup. Chaque détail lui revint. Et une idée se forgea dans son esprit, prit de l'importance.

Il comprit et devint blanc comme un linge.

- D-Derek ?

L'ancien alpha baissa les yeux sur lui.

- Je dois voir Deaton, articula-t-il avant de sortir de la pièce le plus rapidement possible.

Sans laisser le temps à son ami de réagir et encore moins celui de répondre, Derek s'envola. Il arriva d'ailleurs plutôt rapidement dans le grand salon où des yeux à la fois effarés et curieux se posèrent sur lui. Scott. Chris. Alan. Jackson. Mais le loup ne fit nullement cas de leur surprise. Il n'avait pas le temps pour ça. Son cœur battait vite et le stress le contrôlait.

- Deaton, l'appela-t-il simplement, d'un ton urgent.

Il ne dit pas un mot de plus que ce nom, qui signifiait toute son intention. Il voulait parler, discuter, pour enfin agir. Sans attendre ni hésiter, le vétérinaire se leva et lui prit le bras pour le faire sortir de la pièce, puis du manoir. Ce dont ils avaient à discuter était trop important pour être écouté par des oreilles indiscrètes… Et Derek pensa automatiquement à Scott. Parce que cette connexion qu'il semblait avoir avec Stiles risquait fortement de remettre en cause son statut d'alpha. Alors oui, il allait sans doute se poser des questions, notamment concernant sa guérison aussi surprenante que soudaine. Lorsqu'ils se furent assez éloignés, Alan l'arrêta. Sans même qu'il ne prononce un mot, Derek sut qu'il pouvait tout lui dire.

- Vous aviez raison.

Sa voix était claire, sûre d'elle. Marcher ne l'avait pas essoufflé, parler non plus. Derek était dans une forme olympique et même s'il mourrait d'envie de partir à la recherche de l'hyperactif, il s'avait qu'il ne pouvait pas le faire tout de suite. Il lui fallait d'autres informations, d'autres indices, ainsi que des éclaircissements.

Deaton ne dit rien, croisa les bras sur son torse, attendant qu'il développe sa pensée.

- On a établi une connexion à travers un rêve, continua le loup, fébrile.

- Raconte-le moi.

Et il s'exécuta, essayant de lui fournir le plus de détails possibles. L'œil du vétérinaire se mit à briller d'une lueur nouvelle, mais il ne sourit pas. Rien n'était gagné, le timing était plutôt court et Derek n'avait pas d'information réellement parlante par rapport lieu où on le détenait. Enfin ça, c'est ce qu'il pensa, jusqu'à ceci :

- Il y a un autre Nemeton. Il ne me l'a pas dit, mais je l'ai senti. Je sais qu'il y en a un autre.

Derek continuait d'être fébrile, mais déterminé. Cette connexion qu'il avait avec Stiles n'était pas là pour rien et si cela créerait des problèmes. Comme l'avait dit Deaton, l'émissaire primordial ne pouvait entretenir une connexion importante qu'avec un alpha. En l'occurrence, c'était à Derek qu'il essayait de parler, et pas à Scott. Cela causerait de grands changements, mais de cela, le loup s'en fichait. Ce n'était pas ce qui comptait à ses yeux.

Son cœur se serrait, parce qu'il était terrifié à l'idée que Stiles puisse disparaître de sa vie à tout jamais. De leur vie à tous.

Deaton parut crispé, mais il garda un air des plus sérieux. Il l'écoutait, peut-être plus qu'il n'avait jamais écouté Scott. Derek avait eu, de tout temps, la tête sur les épaules. Il aimait chacun des membres de sa meute avec une sincérité impossible à feindre. Il avait perdu sa famille de sang, il ne perdrait pas sa famille de cœur. Pas un de ses membres.

Le vétérinaire prit une décision plutôt rapide.

- Au manoir, ordonna-t-il.

Sans poser aucune question, Derek le suivit jusqu'à sa voiture de fonction et le laissa conduire. Le trajet se fit dans le silence le plus total.

xxx

La porte s'ouvrit dans un claquement qui fit sursauter la pauvre silhouette ligotée sur le matelas miteux. Stiles ne dormait pas. Depuis qu'il était ici, les seules fois où il fermait l'œil étaient durant ces moments où on le poussait à bout, lorsque les coups s'avéraient trop difficiles à supporter. Dans ces moments-là, son esprit lâchait tout autant que son corps et il perdait purement et simplement connaissance. Cela n'avait rien d'un quelconque sommeil ou d'une forme de repos quelle qu'elle soit. Tout était trop fort. Trop dur. Trop difficile à vivre. C'était à peine s'il lui arrivait de trouver l'énergie de réfléchir, de penser à autre chose que cette douleur lancinante qui lui lacérait le corps entier à chaque mouvement, même infime, qu'il intentait.

Stiles gémit alors qu'on le redressait un peu brutalement et qu'on lui tournait la tête dans un sens, dans l'autre, comme si on examinait sa figure. Pourquoi faire, d'ailleurs ? Il se sentait comme… Défiguré. Se savait recouvert d'hématomes à tous les niveaux. Avait un œil au beurre noir, une partie du visage enflée. Et bordel, chaque parcelle de sa peau le brûlait. D'ordinaire, il lui aurait importé de ne pas montrer sa souffrance, de faire le fier, l'arrogant : d'interpréter une assurance qu'il n'avait pas. Cette fois, la douleur était trop forte, trop répandue dans l'intégralité de son corps meurtri. Il sentit un contact aussi doucereux que répugnant partir de sa joue, descendre, une main se perdre sur son corps, sous ses vêtements en lambeaux avant de revenir sur ses lèvres. Il frissonna violemment, fut incapable de faire autre chose que de geindre faiblement. Il était ligoté, à la merci de n'importe lequel de ces loups infâmes. Qu'importe ce qu'on voudrait lui faire, il était dans l'incapacité totale de se défendre. Dans tous les cas, il aurait mal.

- Petit ange, on se réveille… Crut-il entendre.

Et il ne s'était pas trompé.

Parce qu'il n'ouvrit pas les yeux, trop épuisé pour cela, la gifle fut aussi difficile à encaisser qu'à prévoir. Son souffle se coupa tandis que la douleur irradiait dans l'intégralité de son visage. Sans doute grimaça-t-il, mais il ne saurait pas le dire. Néanmoins, il fit un effort, ne serait-ce que pour limiter les dégâts et potentiellement éviter un nouvel accès de violence : il entrouvrit péniblement un œil.

Le visage face à lui était un des plus menaçant qui lui avait jamais été donné de voir et Stiles sut en voyant son sourire que cet homme-là était plus perfide encore que tous ceux qui l'avaient malmené jusqu'à présent.

Là encore, il eut raison.

Car l'alpha – il le comprit lorsque ses yeux s'illuminèrent de rouge – s'amusa avec lui des heures durant, tel un chat avec une souris. Logan avait toujours su se montrer particulièrement inventif lorsqu'il s'agissait de faire du mal. Son adorable petit ange devait s'endurcir tout en perdant sa volonté. Pour cela, rien de tel qu'une petite séance de torture réalisée par ses soins.