Derek sentit un violent frisson parcourir l'intégralité de son corps mais fit en sorte de ne pas trop y faire attention. Avec Deaton, ils épluchaient les différentes étagères – et Dieu seul sait combien il y en avait – de l'immense bibliothèque dont une grande partie du contenu avait survécu à l'incendie. Si Derek avait su qu'un sort de magie blanche pouvait empêcher le feu de tout brûler, sans doute aurait-il tanné sa mère pour qu'elle fasse protéger l'entièreté de la maison. Thalia Hale avait usé de toutes ses économies pour protéger ce qu'elle avait toujours considéré comme un trésor : le savoir contenu dans ces vieux grimoires. Sans doute ne s'imaginait-elle pas qu'une jeune femme, chasseuse de son état, charmerait son fils et incendierait le manoir familial dans le but d'exterminer purement et simplement leur famille. La mort dans l'âme, Derek fit de son mieux pour mettre ce genre de pensées sur le banc de touche. Le passé étant ce qu'il était, il n'avait pas intérêt à le laisser le rattraper, d'autant plus qu'il n'y avait pas de pire moment pour cela. L'urgence dominait chacun de ses gestes, chacune de ses recherches. Il lisait en diagonale et tournait les pages à un rythme frénétique avant de changer de livre. De son côté, Deaton faisait de même dans un silence des plus absolus.
Il fallait trouver ce second Nemeton avant qu'il ne soit trop tard.
Honnêtement, Derek ne savait pas si leur méthode de recherche était la bonne. Sans doute y en avait-il de plus efficaces, mais il n'avait aucune idée de la manière dont il pourrait s'en occuper autrement. Il se disait que s'il y avait une réponse à sa question, elle se trouvait dans un de ces livres, et pourtant… Pourtant, il sentait qu'il y avait autre chose. Une possibilité à laquelle il pensait vaguement.
Non loin de lui, Deaton referma le livre qu'il consultait d'un air las. Sur le coup, Derek n'y fit pas vraiment attention. Il continuait, s'acharnait à arracher de ces bouquins le moindre indice, la moindre information qui pourrait leur être utile.
- Derek, l'appela-t-il doucement.
Le loup sembla ne pas l'entendre, trop concentré qu'il était sur sa tâche. Deaton fronça les sourcils et réitéra. Il lui fallut deux essais supplémentaires, et un haussement de voix, pour que le loup-garou daigne lever les yeux dans sa direction.
- Ce que nous faisons ne sert à rien, fit le vétérinaire d'un air abattu.
A force de feuilleter tous ces grimoires, c'était la triste conclusion à laquelle il était venu. Il s'était occupé de tous les atlas, tous les ouvrages de cartographie qu'il avait trouvés… Et rien. Il n'y avait qu'un seul Nemeton répertorié à Beacon Hills. Stiles n'avait pas dû mentir dans les informations qu'il avait fournies à Derek – informations verbalisées ou non – mais… Ils ne le trouveraient pas. Pas en faisant de cette façon. Au départ, il y avait cru, mais force était de constater qu'après avoir brassé des pages pendant des heures, il s'était fourvoyé. Le temps était précieux et ce temps, ils n'en avaient plus beaucoup.
Derek tourna vers lui un regard des plus abasourdis, avant de se reprendre rapidement.
- Vous ne pouvez pas abandonner aussi vite, fit-il en fronçant les sourcils, un soupçon de désespoir dans la voix.
Derek était parfaitement conscient du temps qu'ils prenaient – et perdaient par la même occasion – mais stopper leurs investigations n'était pas une option. Sans l'emplacement de ce Nemeton, Stiles était perdu et seul… Derek ne pourrait pas arriver à le trouver. Le handicap actuel de la meute le pénalisait d'autant plus qu'ils auraient tous pu mettre la main à la pâte. Intérieurement, il enrageait. Leurs ennemis les avaient eux bien trop facilement… Et en même temps, comment prévoir un tel plan ? Ils avaient agi de telle sorte que l'aconit ne pouvait être détectée que lorsqu'il était trop tard. Ils étaient malins. Assez malins pour tromper leur vigilance et mettre la main sur leur petit stratège. Stratège qu'ils perdraient bien assez vite s'ils ne trouvaient pas bientôt la moindre information sur cet autre Nemeton.
Autant dire que cette possibilité était plus qu'inenvisageable.
- Je n'ai pas la moindre intention d'abandonner, se rectifia Deaton, plutôt de changer de stratégie.
Derek ne répondit pas, préférant attendre, tout en zieutant de temps à autres certaines pages du bouquin qu'il avait entre les mains, que le vétérinaire développe.
- Je pense que nous ne trouverons rien de cette manière. Pas parce qu'on cherche mal, commença l'homme, simplement parce que l'information qu'il nous faut n'est peut-être répertoriée nulle part. Ce que je te propose, c'est de mettre à profit quelque chose de plus… Mystique, si j'ose dire.
Derek vit aussitôt de quoi il voulait parler.
- Mon lien… Avec Stiles, finit-il par lâcher.
- Exactement, répondit Deaton. S'il te reconnaît comme l'alpha de la meute et que vous avez communiqué à plusieurs reprises… Je pense que tu peux essayer d'obtenir davantage d'informations à travers cette chose que vous partagez.
- Il n'a pas su me dire où il se trouvait, rétorqua Derek qui, loin d'être contre l'idée, se retrouvait un peu perdu.
Parce que tout ça… C'était nouveau pour lui. Trop récent aussi, sans doute. Pourtant au fait de bon nombre de choses au niveau du monde surnaturel, l'existence des Emissaires Primordiaux et de leurs spécificités lui échappaient complètement… Sans doute parce qu'ils étaient plus ou moins éteints. Alors forcément, il se sentait hésitant. Aller sur un terrain qui ne lui était pas familier avait le don de l'inquiéter.
Néanmoins, il saurait prendre sur lui.
- A toi d'insister, de trouver le moyen d'obtenir cette information. Pour le retrouver, on a besoin de ça.
Derek le savait très bien, mais là n'était pas la question. Si seulement il savait comment se servir de cette chose qu'ils partageaient… Il n'y aurait pas de problème. Mais il était là, à devoir faire quelque chose sans avoir le moindre mode d'emploi, la moindre idée de la manière dont il pouvait agir. Et si Stiles lui-même n'avait réellement aucune information ? Si ces gens, lorsqu'ils l'amèneraient au second Nemeton, lui bandaient les yeux ? Sans doute ne parlaient-ils pas de grand-chose devant lui. Comment faire ? Le seul avantage que Derek avait, c'était cette connexion improbable. Il eut une idée.
- Vous pensez qu'ils sont au courant ? Demanda-t-il soudainement.
Alan fronça légèrement les sourcils et lui lança un regard interrogateur. Derek comprit aussitôt qu'il avait parlé trop vite, sans réfléchir, sans prendre le temps de formuler proprement sa question.
- Cette meute, reprit-il. Vous pensez qu'ils sont au courant pour… Ce lien ? Ce que j'ai avec Stiles ?
Une lueur d'intérêt naquit dans les orbes chocolat du vétérinaire qui répondit aussitôt ceci :
- Non, et on va pouvoir tirer ça à notre avantage.
Derek se força à réfléchir davantage. L'existence de ce lien entre Stiles et lui allaient leur faciliter les choses, c'était certain. Maintenant, restait à savoir comment profiter de cet avantage conséquent.
- Je ne sais pas grand-chose des Emissaires Primordiaux mais je peux te dire que s'ils entretenaient le moindre soupçon quant à la présence de ce lien, ils n'exécuteraient certainement pas le rituel à Beacon Hills. Des Nemetons, il y en a dans le monde entier et, apparemment, deux à Beacon Hills.
Il fit une très courte pause le temps d'organiser ses pensées. Puis, il reprit :
- Stiles fait partie de la meute, je sais que vous le considérez tous comme un membre à part entière. Mais… Aux yeux d'une autre meute, en tant qu'Emissaire Primordial, il n'en fait pas partie, pour la simple et bonne raison qu'il n'a jamais été au courant de sa véritable nature. Lorsqu'il décide de se faire sa place dans une meute et fait le serment de la guider, un ange se donne corps et âme. Le symbole de cet engagement ancestral, c'est une marque. La marque de la meute à laquelle il aura décidé d'appartenir.
Derek s'était débarrassé du livre qu'il feuilletait. Il buvait les paroles du vétérinaire et commençait, de son côté, à faire certains liens, à entrevoir certaines possibilités.
- Si Stiles avait la moindre marque, continua Deaton, ils l'auraient vu et chercheraient à s'éloigner le plus possible d'ici car ils sauraient devoir s'attendre à une attaque de la part de la meute. Ainsi, ils pensent avoir le champ libre et se dire que la cérémonie d'assimilation sera simple ce qui, en théorie, serait effectivement le cas.
- Vous en doutez, remarqua aussitôt le loup-garou.
- Stiles vous aime tous, répondit Alan après avoir hoché la tête. Si votre lien existe… C'est qu'il se considère déjà comme une partie de vous sans même avoir conscience de ce qu'il est vraiment. Le rituel a toujours eu un caractère meurtrier, mais les risques sont réduits si l'Emissaire Primordial est solitaire à ce moment-là. Dans le cas où il fréquente une meute et commence à envisager l'engagement ou s'il est d'ores et déjà pris… Les risques de le perdre sont bien plus grands.
Derek prit maladroitement appui sur le bureau face à lui. Encore une fois, les informations l'écrasaient de par leur nombre et leur importance. Mais ce que l'ancien alpha voyait plus que tout, c'était ce danger, cette épée de Damoclès constamment au-dessus de la tête de l'hyperactif. Un pauvre jeune homme qui n'avait rien demandé, voilà ce qu'il était. A l'arrière de sa tête, il sentait une espèce de pression invisible qui ne l'aidait pas à réfléchir le moins du monde. Comment ? Comment pouvait-il faire, bon sang ?! Au fond de lui, il savait que Stiles n'avait aucune idée de là où il se trouvait, qu'il n'avait pas non plus la moindre information quant au lieu où on comptait l'emmener. Il ne savait rien.
- Je peux tenter d'entrer à nouveau en contact avec lui, dit-il d'une voix peu assurée, mais je ne sais pas… Il ne saura rien. Et puis, les seules fois où je lui ai parlé, je dormais. Peut-être qu'il faut…
Mais il ne termina pas sa phrase. Prendre sur lui et réfléchir, il ne faisait que ça. Toutefois loin de désespérer, il demanda simplement quelques secondes de silence à Deaton. Passé ce temps mort, il déclara avoir besoin d'aide. Pour quoi faire ? Pour dormir. Passer par le rêve était actuellement le seul moyen qu'il connaissait pour entrer en contact avec l'hyperactif.
Ainsi, les deux hommes prirent la route vers le cabinet. Le vétérinaire avait pris la décision de conduire, la manière dont Derek commençait à s'agiter l'inquiétant assez pour ne pas risquer sa vie d'humain. Car le loup avait une espèce de migraine qui ne le quittait pas, sans doute à force de trop réfléchir, d'autant plus que leurs recherches s'étaient révélées des plus fatigantes.
- Ne me laissez pas trop de temps, quémanda le loup, soucieux.
- Je ne te laisserai pas plus d'une heure, lui assura Deaton.
Arrivés au cabinet, les deux hommes poussèrent un soupir et Derek réprima une forme de stress lorsque son aîné lui demanda de s'allonger sur sa table d'examen – après lui avoir, au préalable, mis un semblant de coussin à sa disposition. Se retrouver ainsi vulnérable ne lui plaisait pas le moins du monde. Deaton se lava les mains, prépara quelque chose dans son coin, disposa, au cas-où, une couverture de survie sur le loup et enfin, lui montra l'objet responsable de ses tourments.
Une seringue.
- La sédation sera légère, lui expliqua le vétérinaire. Elle ne te fera pas dormir directement, mais disons qu'elle t'y poussera.
- D'accord, articula Derek en lui lançant toutefois un regard inquiet. N'oubliez pas de me réveiller.
- Je n'y manquerai pas, sourit faiblement Alan.
C'est à peine si Derek sentit l'aiguille percer sa peau. Par contre, il sentit nettement le produit s'écouler dans ses veines et doucement, engourdir ses membres.
Bien vite, tout devint noir.