Derek mit un temps fou à émerger et ce, malgré les tentatives plus ou moins musclées de Deaton. Le sédatif qu'il lui avait injecté n'était pas des plus forts, cependant… Le loup semblait s'être plongé si profondément dans son inconscience que le vétérinaire eut bien du mal à l'en faire sortir. Mais il réussit. Toutefois, il ne l'interrogea pas tout de suite, s'assurant qu'il reprenne convenablement et qu'il organise correctement ses pensées pour pouvoir lui retranscrire au mieux ce qu'il avait pu voir. Car chaque détail comptait. Chaque image, chaque son, chaque mot. Tout. Il ne fallait rien laisser au hasard : la vie de Stiles en dépendait. Au vu du regard plus qu'alarmé que finit par lui lancer Derek une fois plus ou moins lucide, Alan sut que l'existence de l'hyperactif risquait de toucher à son terme incessamment sous peu.
Alors, Derek lui raconta tout. Tout ce qu'il avait vu. Tout ce dont il se souvenait. Il ne détailla pas l'état de Stiles : bien qu'il l'eût marqué, il n'avait pas les mots pour le décrire – ni l'envie, d'ailleurs, tant y repenser lui donna la nausée. Lorsque Deaton lui demanda pour le second Nemeton, Derek fut capable de le lui situer sur une carte sans même savoir comment. Il y était allé dans son rêve, sans savoir qu'il avait mémorisé le chemin emprunté. Il trouva cela étrange, tant et si bien qu'il décrivit avec précision son état au moment où il cherchait l'hyperactif et lui parla de cette facilité avec laquelle il avait instinctivement su où aller. Comme s'il savait déjà où le second Nemeton se trouvait… Ou comme si son loup intérieur lui avait soufflé l'information à l'oreille. Et pourtant, c'était Stiles qu'il avait senti. Stiles qui avait hurlé quelques fois avant de ne plus en avoir la force.
Son sauvetage, c'était ce soir ou jamais.
Se posait maintenant la question du moyen de le sortir de cet enfer. Derek avait l'avantage de connaître l'endroit où tout allait se dérouler et de manière générale… La forêt, c'était son dada et, plus jeune, il l'avait sillonnée jour et nuit avec ses sœurs, parce qu'ils adoraient s'y perdre. L'ancien alpha avait donc pour lui la connaissance du terrain.
Maintenant ce qu'il lui fallait, c'était de l'aide.
Parce que Derek n'était pas stupide : seul, il n'y arriverait pas. Une meute entière serait là pour « adouber » leur émissaire et par conséquent, le garder prisonnier. Derek avait beau être fort, seul, il ne ferait pas le poids. Entièrement d'accord avec lui, Deaton lui donna un petit remontant et de quoi manger histoire qu'il reprenne correctement de sa sieste forcée et s'isola pour appeler Chris Argent. Une équipe de chasseurs ne serait pas de trop pour cette mission de sauvetage. De son côté, Derek aurait beaucoup aimé pouvoir faire participer sa meute qui désirait presque autant que lui récupérer l'hyperactif. Mais il se souvenait de l'empoisonnement, de leur état à tous. Maintenant, il le savait : sa connexion avec Stiles y était pour quelque chose dans sa guérison. Le châtain avait dû, sans s'en rendre compte, utiliser un de ces pouvoirs dont il n'avait pas la connaissance. Ainsi, Derek était débarrassé de la moindre particule d'aconit et il se demanda malgré lui si cet acte n'avait pas participé à accélérer la déchéance de l'hyperactif. Angoissé à cette idée, il espéra que non. Il fallait que Stiles tienne jusqu'à ce qu'on le sorte de cet enfer. Néanmoins, il se prit à souhaiter intérieurement qu'au moins un de ses amis recouvre rapidement du poison. Disons que quelques loups supplémentaires pourraient peut-être changer la donne. Les chasseurs de la famille Argent avaient beau être forts, ils n'en restaient pas moins humains et un combat avec des lycanthropes pouvait fortement montrer un rapport de force inégal. Les humains avaient leurs armes, les loups leurs griffes. Les loups guérissaient vite, pas les humains. En mangeant sa barre énergétique, Derek s'assit et finit par se lever pour faire quelques pas dans le but de se dégourdir les jambes. Le temps était compté. Même s'il savait qu'il n'avait pas le droit de se démotiver, Derek commençait sérieusement à se dire que l'opération risquait de s'avérer fort compliqué et le problème… C'est que la petite meute de Beacon Hills était jeune et n'avait, par conséquent, pas encore eu l'occasion de former de réelles alliances, mis à part avec les Argent. Derek s'estimait néanmoins heureux d'avoir eu la chance d'être débarrassé ainsi de l'aconit : au moins, il pouvait bouger et savait qu'au manoir Argent, beaucoup aimeraient être dans la même forme que lui. Actuellement il était encore un peu mou avec le sédatif, mais l'effet s'estomperait complètement d'ici quelques minutes sans doute.
De loin, il entendait Deaton parler et mettre une équipe sur pied avec Chris. Oui, il entendait, mais il n'écoutait pas vraiment. Parce que maintenant qu'il avait tout déballé au vétérinaire, il ressentait le besoin de se repasser le cours des évènements au ralenti. Et il s'attarda malgré lui sur des détails qu'il ne pouvait pas oublier. Surtout ce sang dont il avait l'impression de sentir encore l'odeur. La fragilité du corps de Stiles qu'il avait tenu dans ses bras. Ce qu'il avait vu… Etaient-ce ses véritables blessures ou la réalité était-elle encore pire ? Derek ne voulait pas le savoir et en même temps… Il en avait besoin. Si ça ne tenait qu'à lui et s'il était complètement stupide, il aurait déjà foncé. Foncé pour tous les défoncer. Réduire tous ces loups-garous en bouillie et leur faire payer au centuple chaque coup porté à Stiles. L'alpha ? Il lui aurait broyé les testicules. Parce que Deaton lui avait déjà expliqué que ledit alpha chercherait sans doute, pour assoir davantage son pouvoir sur l'émissaire, à faire celui-ci sien. Derek espéra que ce n'était pas déjà fait. Mais dans le doute, il écraserait tout de même son appareil génital jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. Et il ne le tuerait pas. Il ne le tuerait pas parce que l'autre devrait vivre et souffrir, payer pour tout le mal qu'il avait causé.
Et surtout, il espérait que l'autre n'ait pas concrétisé cette idée de l'ériger en tant que « compagnon », même si le terme de « possession » conviendrait bien mieux à la situation.
Parce que si Stiles s'en sortait, il lui faudrait du temps pour récupérer, que ce soit physiquement et mentalement. Ce qui était certain, c'est qu'il n'en ressortirait pas indemne. La reconstruction serait sans doute longue et difficile, alors Derek aimerait vraiment lui éviter un traumatisme supplémentaire.
Le problème, c'est qu'il ne pouvait pas partir tout de suite pour la forêt. Outre le fait qu'il ne devait pas y aller seul, il y avait aussi un fait important à ne pas négliger. Il faudrait effectivement que Derek et l'équipe de chasseurs y aillent un peu avant que la nuit tombe, mais il était certain que la meute itinérante ne montrerait pas le bout de son nez plus tôt. Sans doute attendraient-ils que la lune se lève. Son pouvoir était important pour le rituel, parce que l'astre d'argent et tous les loups-garous entretenaient un lien étroit. Et même si Derek se doutait bien que Mère-Lune n'approuverait pas du tout l'agissement de ces gens, elle ne pourrait rien y faire.
Le loup sentit des vibrations au niveau d'une poche de son pantalon. Il en sortit alors son téléphone et fronça légèrement les sourcils en lisant le nom de l'appelant.
Isaac n'était pourtant pas féru des appels. Il avait toujours préféré les messages, c'était plus… Rapide, expéditif, d'autant plus que Derek n'avait jamais mis de sonnerie à son téléphone. Il préférait le vibreur. Plus discret, plus agréable pour ses oreilles lupines. Dans la mesure où son ouïe était impeccable, il n'avait pas besoin de plus. Perplexe et un peu comme anesthésié d'avoir passé ces dernières minutes à se souvenir de son rêve et à réfléchir à ce qu'il pourrait faire, Derek décrocha au dernier moment.
- Derek ! Entendit-il presque aussitôt.
- C'est moi, fut seulement capable de répondre le loup.
- Où es-tu ?!
Pour être honnête, Derek ne fit pas vraiment attention à ce qu'il considérait actuellement comme des détails. Des détails stupides. Lui, tout ce qu'il voulait, c'était connaître la raison pour laquelle Isaac bousculait ses habitudes : et en même temps, la situation actuelle sortait de l'ordinaire alors… Finalement, était-ce si surprenant que cela qu'il l'appelle ? Alors, l'esprit embrumé dans lequel apparaissait souvent un certain visage, Derek ne remarqua pas le ton perdu d'Isaac et sa voix étonnamment claire.
- Au cabinet de Deaton, répondit simplement Derek d'un ton las.
Il se pinça l'arête du nez un instant. Parce que l'air de rien, cela ne faisait pas si longtemps que ça qu'il était réveillé et… Même s'il se devait d'être fort, il était obligé d'avouer que tout cela le dépassait, et de loin. De même, il était encore un peu out à cause du sédatif. Fort heureusement, son métabolisme surnaturel était déjà à l'œuvre.
- Okay, on arrive tout de suite !
Derek n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche : Isaac raccrocha instantanément. Les sourcils froncés, il essaya de le rappeler, ne serait-ce que pour savoir ce qui lui arrivait et savoir qui désignait précisément ce « on ». La seconde d'après, Deaton revint dans la pièce et l'informa que Chris avait formé une équipe et qu'il faisait actuellement en sorte de leur fournir les meilleures armes possibles avec un concentré d'aconit non négligeable.
Il y aurait des blessés, ce soir, et peut-être des morts.
A son tour, Derek l'informa rapidement de l'espèce de conversation étrange qu'il avait eue avec Isaac tout en lui précisant que celui-ci arrivait et qu'il ne serait pas seul. Deaton fronça les sourcils : ayant eu Chris juste avant, il était clair que ce n'était pas avec lui que le bouclé viendrait. Et il y avait son état à prendre en compte. Isaac était, comme les autres, lentement en train de guérir de son exposition à l'aconit. Forcément, le vétérinaire se montra inquiet parce qu'il était impératif que chacun des membres de la meute continue de se reposer. Cela valait aussi pour Parrish, dans le sens où il restait au chevet de Lydia depuis le début de cette histoire, ne s'en allant que rarement pour aller dormir ou se nourrir. Ce qui se passerait ce soir aurait des retombées certaines et il faudrait faire attention aux jours suivants. Deaton avait l'espoir que chacun des loups-garous de la meute de Beacon Hills puisse avoir à peu près éliminé le poison d'ici quelques jours. Il faudrait donc, au départ, compter uniquement sur Derek et les chasseurs, enfin… Si ceux-ci arrivaient à ramener Stiles vivant.
Ils discutèrent alors de cela et de l'organisation de l'opération de la soirée plus en profondeur durant quelques minutes… Jusqu'à ce que la porte de la pièce s'ouvre brusquement. Isaac n'attendit pas pour entrer d'un pas déterminé, vite suivi de Jackson. Si Derek mit un peu de temps à réagir, Deaton fut tout de suite frappé non pas par leur présence, mais par tout autre chose.
Leur teint rayonnant de vitalité. Leur regard dur et complètement perdu à la fois.
Et surtout, leur forme indéniable.
