La réunion de meute de ce jeudi soir arrivait à son terme. Depuis leur précédente entrevue, il y avait eu trois meurtres de plus, tous exécutés plus ou moins de la même manière. Certains avaient le cerveau explosé, d'autres se contentaient de blessures un peu plus mortelles avec, toutefois, toujours quelques lésions au niveau cérébral.
Le « E » était toujours présent et depuis deux victimes, gravé sur la peau de leur bras, comme pour les marquer.
- J'ai fait toutes les recherches possibles et imaginables, je n'ai absolument rien trouvé là-dessus, soupira Lydia. Stiles devrait être là, il est plus doué que moi dans ce domaine.
- Laisse-le, il profite avec son père, ils en avaient besoin tous les deux, lui dit doucement Scott.
En soi, Lydia avait raison : si Stiles étaient avec eux, nul doute qu'il aurait déjà trouvé ce que voulait dire cette fichue lettre. Cependant, Scott savait que son meilleur ami n'avait pas pris de vacances depuis un bon moment et peut-être même… Depuis que Scott avait été mordu. Il ne prévoyait plus non plus de projets d'avenir, ne sachant pas de quoi serait fait le lendemain. Le surnaturel était un monde hasardeux, qui rendait la projection de soi difficile, lorsque l'on était humain. Alors si Stiles pouvait se reposer un peu, Scott ne disait pas non. Il avait toujours tant faire pour eux que son repos, il le méritait amplement.
- Mais puisque je vous dis qu'il est pas parti en vacances avec son daron, désespéra Jackson.
Le blond leur avait parlé de ce qu'il avait vu mais personne n'avait accordé de crédit à son histoire, lui disant que, des jeeps comme celle de Stiles, il n'y en avait pas qu'une.
- Jackson, recommence pas, s'il te plaît… Lui intima Lydia, agacée par le comportement de son ex.
- Putain mais puisque je vous dis que c'était la sienne ! Au bout d'un moment, je sais reconnaître sa plaque d'immatriculation défoncée, maugréa le kanima.
- Il t'a envoyé une photo, je te rappelle, intervint Liam.
- Des endroits comme ça, y en a pas loin d'ici.
Jackson croisa les bras sur sa poitrine. Il détestait cette sensation : être pris pour un débile et ne pas être cru alors qu'il savait pertinemment ce qu'il avait vu. Il y avait quelque chose d'anormal dans cette histoire, il en était certain.
- Tu as dit que tu avais reconnu sa plaque d'immatriculation ?
Jackson releva la tête. Derek s'était placé devant lui, l'air indéchiffrable. Le blond hocha la tête après avoir hésité. Allait-on encore le prendre pour un débile ou un fou, comme depuis qu'il leur avait fait part de son observation ?
- Tu serais capable de l'écrire ?
Nouveau hochement de tête, regard confus de la part du blond. Scott, de son côté, soupira.
- Les gars, arrêtez avec Stiles, laissez-le tranquille…
- Scott.
La voix de Derek était grave, sans appel. Il avait beau être un bêta, ancien alpha de surcroit, il en imposait toujours autant. Sous le regard de toute la meute, il montra son téléphone.
- Parrish vient de m'envoyer un message disant qu'il a retrouvé, en rentrant d'une patrouille, une jeep bleue semblable à celle de Stiles, abandonnée à un kilomètre de Beacon Hills. Le moteur était encore chaud quand il l'a trouvée. Alors si Jackson a raison, on a intérêt à se bouger le cul.
Le blond prit les premiers papier et stylo qui lui tombèrent sous la main et inscrivit tout ce dont il se souvenait concernant la plaque d'immatriculation de la voiture de l'hyperactif. Derek prit l'inscription en photo et l'envoya à Parrish, qui lui répondit dans la minute suivante. À ce moment-là, le visage de Derek se décomposa et tout le monde comprit.
Aussitôt, des directives furent données et la meute se divisa en plusieurs groupes. Peu importe s'il faisait nuit, peu importe si chacun s'était préparé à rentrer chez soi pour aller se coucher. Il y avait un problème avec Stiles et il fallait le retrouver.
Parrish appela toutefois Derek pour le prévenir d'un barrage de police se trouvait à chaque entrée et sortie de la ville, lui expliquant qu'une opération avait lieu pour empêcher certains criminels recherchés de pénétrer à l'intérieur de Beacon Hills et des villes alentour. À l'entente de cette nouvelle, l'ancien alpha fronça légèrement les sourcils, trouvant la chose étrange mais il ne dit rien.
Les petits groupes se mirent en route. Parrish ayant expliqué au préalable dans quel sens la voiture avait été laissée à l'abandon, tout le monde avait compris que si Stiles était parti, c'était bien en direction de Beacon Hills. Maintenant, il fallait le trouver. Et Jackson avait un mauvais pressentiment qui ne le quittait pas depuis qu'il avait croisé cette putain de voiture l'autre jour.
Scott mena les troupes, sans grand enthousiasme, l'angoisse l'ayant très vite gagné suite aux annonces de Jordan et Derek. Il s'en voulut grandement s'il avait cru Jackson plus tôt, il se serait mis à chercher Stiles bien plus vite.
Peut-être aurait-il pu éviter ce qui avait suivi.
Et Lydia hurla.
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Le lien télépathique se fissura.
Stiles avait survécu, mais pour combien de temps ? Se déplacer ou plutôt ramper, dans son cas, s'avérait être une tâche extrêmement difficile, après avoir fait le mort durant plusieurs minutes. Il était grièvement blessé et nul doute qu'il risquait de réellement passer l'arme à gauche s'il ne se soignait pas rapidement. Il voulait prévenir son père, le supplier de venir mais, ce dernier étant sans doute au bunker comme prévu, l'appel télépathique ne servirait à rien et Stiles n'arrivait pas à attraper son téléphone. La douleur de son abdomen et du reste de son torse le tiraillait énormément, tout autant que celle de sa tête, à tel point qu'il gémit faiblement à de nombreuses reprises. Son poignet gauche le piquait également. Il sentait toujours cette lame fine et tranchante graver cette lettre dans sa chair, dont le sang coulait encore un peu. Le pire, c'était au niveau de son ventre et de son flanc. Il fallait absolument qu'il stoppe l'hémorragie, très vite. Dans un effort surhumain qui le fit pitoyablement geindre, il réussit à se caler à moitié assis contre un mur. De sa main gauche, il pressa sa plus grosse blessure, au niveau de son flanc droit tandis qu'il levait péniblement l'autre vers son visage. Il regretterait sans doute ce qu'il s'apprêtait à faire mais tant pis. C'était sans doute sa seule chance de survie. Ses doigts tout sauf propres retirèrent une première lentille mais n'arrivèrent pas à atteindre la seconde. Le gadget oculaire tomba sans bruit sur le sol. Une suffirait, il sentait déjà la puissance affluer dans son corps. Si seulement il n'avait pas gardé ses lentilles en ville, il aurait pu se défendre. Mais, encore une fois, Stiles avait voulu jouer la discrétion et la sécurité ce qui l'avait empêché de prévoir l'attaque, empêché d'entendre, de faire un scan télépathique, de se défendre face à son agresseur armé qui l'avait reconnu comme étant un E-Psi et condamné à mort sans autre forme de procès. Heureusement, Stiles était résistant et avait de la ressource. Serait-ce assez pour survivre une fois de plus ?
L'œil tricolore apparut et Stiles rapprocha sa main de sa blessure au flanc. Au bout de ses doigts fins apparurent de petites flammes tout d'abord dorées, qui prirent rapidement et partiellement une teinte bleutée. En soi, c'était une mauvaise nouvelle qui, pour le coup, allait peut-être l'aider. De son autre main, il arrêta de presser sa blessure et souleva péniblement son t-shirt. Le frottement puis le décollement du tissu le fit grimacer et serrer les dents. Sa tête tournait, il était au bord de l'évanouissement mais se devait de tenir, encore un peu.
Le choc des flammes qu'il avait volontairement voulu nocif le fit brutalement vriller, hurler de douleur. La douleur était trop grande, pour son corps affaibli, agissant telle une torture sans nom. Au bout d'une dizaine de secondes de manipulation, Stiles perdit brutalement connaissance et ses flammes s'éteignirent tout aussi brusquement, laissant la peau partiellement brûlée de son flanc à vif et à découvert. Dans son état, la souffrance d'une brûlure faite pour cautériser ses blessures était impossible à supporter. Le corps de Stiles glissa contre le mur et son crâne heurta le sol. À ce moment-là, on put apercevoir le sang s'écoulant de sa bouche, de son nez et de ses oreilles.
Le lien immatériel entre lui et son père commença à se briser dans le silence le plus total.
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Des pas se firent entendre et des bras puissants mais tremblants soulevèrent le corps de Stiles tandis qu'une voix étouffée le suppliait de tenir un peu. Noah se mit à courir, son fils inanimé dans ses bras. Les larmes lui montaient aux yeux mais il se devait de les retenir, ou bien il n'y verrait plus rien et se casserait la figure sur le bitume.
En plus de l'heure tardive, c'était le lien qui l'avait alerté et l'avait poussé à sortir de la zone sécurisée du bunker. Noah ne pouvait pas perdre Stiles, c'était impossible. Pas lui, pas après avoir déjà perdu Claudia. Il avait couru et s'était laissé guider par la signature psychique de son fils. Il avait eu un peu de mal à le retrouver, celle-ci s'éteignant lentement. Il fallait qu'il appelle à l'aide et c'était ce qu'il allait faire. Tant pis pour leur secret, tant pis s'il devait tout révéler, Stiles ne devait pas mourir, pas déjà. Noah n'avait plus le choix. Mentalement, il créa une chambre télépathique avec les membres de la meute, dont il prit soin de se rappeler le visage avec une précision presque chirurgicale. L'avantage de les connaître tous était qu'il avait un lien avec eux et même si ce lien n'était pas puissant, cela suffirait. Il ajouta Melissa et Deaton avant de commencer à parler.
« Écoutez-moi tous. C'est Noah Stilinski qui vous parle, dans votre tête. J'ai besoin de votre aide et vite. »
Tout en se faisant discret et en évitant les attroupements policiers dans la nuit, le shérif avança et chercha à se rapprocher d'un endroit discret, où il pourrait se cacher avec Stiles le temps que les renforts arrivent, le tout sans relâcher sa concentration.
« Ne vous posez pas de question et faites ce que je vous dis. Pour les loups, dirigez-vous vers le centre-ville en voiture, vous sentirez facilement nos odeurs, à Stiles et moi. Venez vite, je vous en supplie… »
Noah ne pouvait rien faire de plus. Caché dans une étroite ruelle entre deux bâtiments, il allongea son fils, enleva sa propre veste qu'il attacha et serra aussi fort que possible autour du ventre et du flanc de Stiles. Une partie de l'une des blessures était brûlée, signe que Stiles avait tenté quelque chose pour se soigner. Cette chair déformée lui fit atrocement mal au cœur. Il sembla finalement remarquer l'entaille en forme de « E » à son poignet et eut un haut-le-cœur. L'horreur lui donnait envie de vomir. Et ce sang s'écoulant de ses oreilles… Stiles, que t'ont-ils fait… ? Au fond, il le savait déjà. Ces enfoirés avaient tenté de faire imploser son cerveau, mais les boucliers mentaux de Stiles avaient limité les dégâts. Plus tard, lorsque l'adolescent irait mieux, Noah renforcerait personnellement ses boucliers, en mêlant leurs deux énergies, pour les rendre plus solides et compliqués à détruire. Mais pour ça, il fallait que Stiles survive. Il n'avait pas le choix.
- Tiens le coup, fils…
Les larmes coulaient et Noah serrait son enfant contre lui, comme si le lâcher pouvait le tuer. Son cœur ralentissait lentement, mais battait toujours. Il y avait encore de l'espoir. Il fallait que les renforts arrivent et vite… S'il sortait de sa cachette, comme ça, un adolescent au bord de la mort dans ses bras, il alerterait ces gens qui les chassaient et qui viendraient sans doute finir le travail.
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Derek sentait beaucoup d'odeurs actuellement, mais pas celle du shérif. Accompagné de Scott et Liam, il arpentait les rues de Beacon Hills dans sa rutilante et habituelle Camaro. Toute la meute avait été surprise d'entendre la voix de Noah Stilinski dans leur tête et avaient cru à une espèce de rêve, ou d'hallucination collective. Poussé par son instinct, Derek leur avait dit d'agir et Scott avait relayé cet ordre à tous ceux qui l'avaient reçu. Sa mère l'avait même appelé, soucieuse de sa propre santé mentale. L'alpha l'avait rassuré en lui faisant part du fait que tous les membres de la meute avaient entendu la voix du shérif.
Derek roulait toutes fenêtres ouvertes, de sorte à pouvoir capter le plus d'odeurs possibles. Les senteurs urbaines lui irritaient les naseaux mais il faisait avec, tout comme les deux loups avec lui son alpha et un autre bêta.
- On approche du centre-ville, leur indiqua-t-il.
Quelques minutes plus tard, ils y étaient. Derek se gara et les trois loups descendirent de la voiture. Il fut décidé qu'ils se sépareraient, afin de couvrir une plus grande zone. Les autres groupes s'occupaient d'autres parties de la ville, au cas-où. Si jamais Noah avait bougé, on le trouverait quand même.
Derek commença à sentir une bribe d'odeur familière au bout de plusieurs minutes de recherches. Convaincu qu'il était sur la bonne voie, il la suivit et des sons étranges commencèrent à parvenir à ses oreilles.
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Noah Stilinski avait été obligé de bouger après avoir vu un Psi en uniforme passer près de la ruelle dans laquelle il se cachait avec son fils. Il courait désormais entre les bâtiments tout en se faisant aussi discret que possible. En réalité, il ne se trouvait pas si loin de l'endroit où se trouvait le bunker, mais le tout était d'y aller tout en étant discret et marcher en plein milieu de la ville avec son fils blessé à mort dans ses bras n'était pas forcément la chose à faire. Autant dire qu'attirer l'attention était assez aisé dans son cas. Le pire était qu'il ne savait pas si la meute avait entendu ses deux messages télépathiques et si elle allait venir. Si tel n'était pas le cas, c'en serait fini de Stiles, son fils adoré. Noah ne pouvait pas laisser cela arriver. Le bras fin qui se balançait au rythme de la course de Noah brillait presque à cause du « E » ensanglanté gravé dans sa chair. Il lui rappelait sans cesse que son fils était marqué et sur le point de mourir. Il fallait aller vite et le shérif faisait ce qu'il pouvait.
La ruelle de laquelle Noah sortit finalement déboucha sur un coin sombre et tranquille, vaguement éclairé par quelques lampadaires en fin de vie. La décharge. Ses mains se resserrèrent sur le corps vachement rafraîchi de Stiles. Le lien tenait encore, Noah le sentait, mais était beaucoup moins solide. Il flétrissait, se détruisait au fur et à mesure que le temps passait. Stiles était en train de mourir. Les larmes coulaient toujours sur les joues ridées du shérif. Que faire ? Il lui fallait vraiment des renforts… Noah pesta contre lui-même. Si seulement il était un M-Psi… Le soigner n'aurait pas pris beaucoup de temps. Heureusement, l'espèce de garrot qu'il lui avait fait limitait les dégâts, mais ce n'était pas assez. Si bien que, pris par un élan de désespoir, Noah tomba à genoux, son fils dans ses bras. Les larmes coulèrent de plus en plus, le flot devint incontrôlable. C'était son fils, sa dernière famille, la chair de sa chair. Son heure était proche, mais pas encore venue.
- Monsieur Stilinski ?!
Cette voix grave et rauque de si peu parler sortit Noah de sa torpeur. Derek arriva à sa hauteur et ses yeux s'écarquillèrent alors qu'il semblait remarquer l'état de Stiles. L'odeur si forte du sang lui sauta aux narines et les blessures à moitié visibles de l'adolescent étaient une horreur. Du sang semblait couler de presque tous ses orifices visibles : son nez, sa bouche, ses oreilles. Une sorte de veste enserrait son ventre et son flanc ensanglantés, comme pour faire une sorte de garrot. La monstruosité de la scène fit faire plusieurs ratés au cœur de Derek.
Noah soupira de soulagement. Le ciel l'avait entendu. Péniblement, car perdre espoir l'avait privé d'une partie de ses forces, il se releva et la faiblesse de l'adolescent sauta aux yeux de Derek. Son bras, dont le poignet paraissait mutilé, pendait mollement dans le vide tandis que sa peau était plus pâle que jamais et faisait ressortir le liquide pourpre.
Stiles semblait mort et c'était une vision terrifiante, même pour Derek qui en avait le cœur et le ventre tous retournés.
- Il est encore en vie… Lui apprit Noah en séchant plus ou moins ses larmes. Mais il faut faire vite.
- J'ai la Camaro, on sera à l'hôpital en deux minutes.
Le shérif hocha la tête et suivit prestement le loup-garou.
