Il avait été décidé que Stiles resterait sous surveillance au loft tant que ce M-Psi ne serait pas venu guérir Derek. Il était constamment surveillé et si ça le blessait, il n'en disait rien. A vrai dire, il passa les deux jours suivants à se reposer et les quelques fois où il était conscient, il gardait le silence et évitait les regards. La meute était sans cesse sur les gardes, prête à bondir au moindre geste suspect de sa part. Stiles était devenu un étranger. Non, pire : on le considérait presque comme un ennemi. Plusieurs fois, il voulut leur dire que tout ceci était inutile. S'il retirait ses inhibiteurs, il serait capable de tous les tuer en quelques secondes. Les mettre à terre serait un jeu d'enfant et fuir cet endroit ne serait pas beaucoup plus compliqué. Avec la puissance qu'il continuait d'acquérir chaque jour, cela serait loin d'être difficile. Néanmoins, il n'en dit rien et se fit tout petit. La discrétion lui permettait de se prendre un peu moins de remarques et, ainsi, de garder un minimum de contrôle sur ses émotions. Comme on ne lui donna rien de particulier à faire, il passa une grande partie de son temps à dormir, enfin récupérer de ses blessures. L'autre partie fut consacrée à ses pensées et réflexions, qui se chamaillaient sans arrêt. Stiles ruminait, faisait régulièrement le point sur sa vie avant, pendant et, déjà, après la meute. Lui qui voulait accomplir des tas de choses, c'était raté.

Le troisième jour, on eut des nouvelles de Noah Stilinski par l'intermédiaire de Deaton, qui informa la meute qu'un M-Psi était en route pour le loft. Si au début, les loups furent contre cela, Stiles prit sur lui et intervint pour avancer un argument de taille :

- Mieux vaut que le M vienne ici, parce que vous serez en supériorité numérique et sur votre territoire. Si c'est vous qui allez sur le sien, vous risquez de vous faire piéger. Les Psis ne sont pas des tendres.

Et ils pourraient vous tuer sans même que vous vous en rendiez compte.

Nombreuses furent les remarques qui fusèrent. Celle qui ressortit le plus dans le tas fut celle de Jackson : « un traître comme toi devrait se la fermer. » Et pourtant, son argument fit mouche, puisque Derek confirma que c'était une meilleure idée.

- On ne connaît pas encore bien cette espèce, alors mieux vaut se méfier et être chez nous, dit-il.

- On a un des leurs avec nous, rappela Malia.

Stiles, assis sur le canapé, toujours dans sa tunique d'hôpital, ne s'autorisa pas plus de réaction qu'un simplement mordillement de lèvre inférieure. Le fossé entre la meute et lui ne cessait de se creuser, il le ressentait. C'était Scott qui était venu lui ouvrir et qui l'avait presque porté, parce qu'il était incapable de marcher seul. Sans l'accès à la télékinésie, c'était beaucoup plus compliqué et Scott l'avait aidé à marcher, sans rien dire. Son regard était dur, pas une once de compassion ne l'illuminait. Et Stiles ne put soutenir ces yeux ébènes si froid plus de quelques secondes.

- Après cette foutue visite médicale, on le leur rend, lâcha tout naturellement Jackson en sirotant un verre de soda.

Stiles ne dit rien, mais son regard baissé sur le sol parlait pour lui. Qu'on le considère comme un paria, c'était une chose. Qu'on parle de lui comme s'il n'était pas là, c'en était une autre. Il vit quelques-uns de ses anciens amis acquiescer. Avaient-ils oublié que sa propre espèce avait essayé de le tuer ? Il semblerait. La violente tristesse qui menaçait de l'assaillir fut retenue et contenue par sa conscience. Ne pas exploser. Tu pleureras quand tu seras sorti d'ici.

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Une jeune femme aussi froide que la glace pénétra à l'intérieur du loft, sous le regard méfiant de la meute. Sa démarche était parfaite, gracieuse, mais robotique, malgré ses talons aiguilles. Pas un seul cheveu noir ne dépassait de son chignon sophistiqué encadrant un visage fin et diaphane, sans aucune imperfection visible. Son regard bleu ciel balaya l'ensemble des membres de la meute présents avant de s'arrêter sur Stiles, à qui l'on avait prêté quelques vêtements plus ou moins à sa taille, de manière à ce qu'il soit présentable. Pour autant, l'on n'avait pas regardé ni changé ses pansements depuis trois jours, alors autant dire qu'il souffrait en silence et que son visage crispé ne passait pas inaperçu.

- Bien le bonjour, j'ai été missionnée par Noah Stilinski pour venir ici pour guérir un certain Derek Hale. Je m'appelle Moira Stanfield et je suis une M-Psi de rang 8,2.

Si les loups la regardèrent étrangement et ne comprirent pas vraiment ce que signifiait cette histoire de rangs, ils notèrent tous son ton froid et sans âme. Cette femme ressemblait à un robot, un simple automate parfaitement fonctionnel, dont l'odeur était particulièrement fade, presque métallique. Derek fronça légèrement les sourcils en remarquant la similitude entre son odeur et celle du faux infirmier de l'autre soir.

Scott, en tant que chef de meute, se présenta, mais la M-Psi l'arrêta d'un geste de la main.

- Je ne dialoguerai pas avec vous, mais avec le Psi qui est avec vous. C'est d'ailleurs lui qui me paiera pour mes services.

Stiles ouvrit la bouche en un « o » parfait, se désignant du doigt. La jeune femme hocha la tête, mais l'hyperactif secoua la sienne.

- Je ne suis pas le chef ici, je… C'est avec Scott que vous devez discuter.

- Si tu refuses, je repars, dit-elle simplement.

Stiles sentit les regards des loups sur lui et d'un coup, il se voûta, la pression soudaine écrasant ses épaules. Alors, il accepta plutôt rapidement. Il entendit bien les protestations de certains, mais fit tout pour ne pas y prêter plus d'attention que cela. La jeune femme déposa une grosse mallette sur le sol et déclama :

- Noah Stilinski m'a parlé d'un problème cérébral, est-ce exact ?

La froideur dans sa voix fit frissonner tout le monde. Stiles hocha la tête et décrivit un peu plus en détail le problème de Derek.

- C'est arrivé suite à deux déferlantes télépathiques, précisa-t-il.

Et pour la première fois, la meute sut ce qu'il était arrivé à l'ancien alpha. Le concerné avait très clairement l'air confus. Des… Déferlantes télépathiques ? La Psi haussa un sourcil et pourtant, son impassibilité était totale.

- Deux ? Cet homme est un métamorphe, une seule aurait dû le tuer, dit-elle simplement.

- Je me suis fait la même réflexion, mais il faut croire qu'il a un cerveau solide, répondit Stiles en se retenant d'hausser les épaules.

Le moindre mouvement lui faisait mal, alors il les économisait. Aucun des membres de la meute n'irait lui prendre sa douleur, il en était conscient. Il gardait notamment une expression plus ou moins stoïque, mais c'était difficile. Cette Psi lui foutait les jetons et cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé devant un membre de son espèce, à simplement discuter. Dans ses souvenirs, seule la violence prédominait, accompagnée du mépris. La M face à lui paraissait toute aussi hautaine que les autres, et pourtant… Pourtant, il sentit quelque chose émaner d'elle.

- Ou plutôt qu'il possède ses propres boucliers, avança-t-elle, le coupant dans ses réflexions.

- Seuls les Psis possèdent des boucliers mentaux, à ma connaissance, rétorqua toutefois Stiles, perplexe.

- Il y a beaucoup de choses que nous ne connaissons pas au sujet des métamorphes. J'apprécierais de vérifier si…

- Non, s'opposa tout de suite l'hyperactif.

Il savait ce qu'elle allait dire, ce qu'elle désirait faire et c'était hors de question. Et pourtant, Derek se mit à grimacer, et prit soudainement sa tête entre ses mains, sans que l'hyperactif puisse faire quoi que ce soit. La Psi, elle, resta de marbre et l'on commença à s'agiter.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Demanda précipitamment Scott, inquiet.

Puisque personne ne prêtait attention à lui, Stiles retira l'une de ses lentilles et son œil apparut à peine au grand jour qu'il s'assombrit au point de devenir abyssal et pourtant rempli d'étoiles blanches. D'un coup d'un seul, il se leva grâce à sa télékinésie fraîchement retrouvée et étira son esprit, se retira à une vitesse folle sur le PsiNet, trouva l'étoile de la M et l'isola, coupant tout lien avec l'extérieur. Tout ce qu'elle essayait de faire fut stopper d'un coup. A cet instant, Derek cessa de grimacer et sembla essoufflé. Il dut même s'appuyer sur Scott qui alla l'aider à s'assoir sur le canapé. Stiles sentit la colère monter en lui. La Psi sembla légèrement désarçonnée et recula d'un pas. Sans doute ne s'attendait-elle pas à se voir contrée de la sorte. Stiles, quant à lui, continua d'user sa télékinésie et fit un pas.

- Si vous tentez à nouveau de vous infiltrer dans son esprit, je vous tue.

Sa voix était incisive, forte, et diablement froide. Contrairement à celle de la M-Psi, la voix de Stiles était empreinte d'émotions. Et celle qui prédominait était si noire qu'il était à deux doigts de relâcher son contrôle.

Autour d'eux, la meute s'ébroua et les visages se fermèrent après que les mots prononcés par Stiles se furent insinués en eux. La première partie de sa phrase, du moins.

- Tu n'es pas un mauvais télépathe, Mieczyslaw Stilinski, siffla-t-elle froidement.

- Faites ce pourquoi vous êtes venue et partez, rétorqua-t-il sans faire attention au semblant de compliment qu'elle venait de lui faire.

- Non, on ne va pas la laisser toucher à Derek, s'opposa Jackson.

Parce qu'il n'était pas bête et, comme les autres, il avait compris que cette femme pouvait être une menace. Pourtant, personne ne releva l'air glacial de Stiles, le fait qu'il s'était levé d'un coup et qu'il avait retiré une lentille, qui traînait désormais par terre, inutilisable. Dans sa précipitation, Stiles n'avait fait attention à rien, il se foutait de tout.

Il était hors de question qu'une Psi viole l'esprit de Derek. Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait. La curiosité de la M était telle qu'elle ne se serait pas arrêtée à la vérification de la présence ou non de boucliers psychiques dans la tête du loup : elle aurait cherché plus loin, pour comprendre d'où viendrait ce prodige. Elle se serait insinuée dans son esprit sans son consentement et aurait laissé le bêta complètement brisé. Un viol psychique n'était pas moins douloureux qu'un viol physique. Et à voir le visage de Derek, il avait agi à temps. Il paraissait seulement déboussolé et épuisé. Avait-il résisté ? Sans doute et c'était une bonne chose. Sa résistance avait laissé le temps à Stiles d'agir. Et désormais, il était aux aguets, avec un œil whisky et un de jais parsemé d'étoiles blanches. Il faisait attention aux esprits de chaque membre de la meute présents autour de lui. Il les sentait, tous, et son psychisme était déjà prêt à faire barrière en cas d'intrusion.

- Elle est la seule à pouvoir l'aider, rétorqua Stiles sans cesser de fixer l'intruse, et je m'assurerai personnellement qu'elle ne retente plus rien.

- Parce que tu penses sérieusement pouvoir faire quelque chose ? Cracha Malia.

Peter, dans un coin, regardait Stiles avec fascination, commençant à comprendre l'implication de l'hyperactif dans ce qu'il venait de se passer. Lydia, Liam et Isaac n'osaient rien dire. Derek, lui, le regardait sans comprendre mais semblait clairement épuisé et inquiet. Il était loin, l'ancien alpha imperturbable.

- Hors de question que cette folle le touche, s'opposa à son tour Scott.

- Dans ce cas, Derek gardera son handicap à vie, rétorqua Stiles d'un ton qui se voulut neutre.

Mais cette idée noua l'estomac de l'hyperactif.

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Derek n'était clairement pas à l'aise. On pouvait même dire qu'il était profondément inquiet. Allongé sur le canapé, il appréhendait vraiment ce qui allait suivre et c'était sans doute le cas de tous les membres de la meute présents.

- Je ne peux pas agir directement sur son cerveau sans aller à l'intérieur, expliqua la M-Psi d'un ton monotone. Pour accéder à la lésion, je dois « m'étendre ».

- Et vous allez envoyer un petit robot dans son crâne, lâcha Liam, blanc comme un linge.

- C'est trop dangereux, fit Scott en se levant. On ne peut pas faire ça. On ne peut pas lui faire confiance. Et puis, qui dit qu'elle va vraiment le guérir ?

- Je suis une M-Psi de haut rang, je peux facilement guérir ce genre de choses, fit remarquer Moira.

- On ne connaît pas votre espèce, releva Jackson, on sait pas ce que vous valez.

- Moi, si, intervint Stiles.

- On t'a pas sonné, l'enfoiré, cracha Malia.

Stiles fit de son mieux pour ne pas relever l'insulte et laisser l'agressivité de Malia l'atteindre. L'important actuellement, c'était Derek.

- Je vous jure qu'elle peut le soigner, tenta-t-il. Si vous ne me croyez pas, je peux vous le prouver.

Parce que cette M-Psi ne mentait pas sur son rang. En tant que Psi, il ressentait sa puissance et puis, son père lui avait envoyé tout un dossier la concernant, par télépathie. Cette Moira était diablement qualifiée et semblait toucher à tout, autant au cerveau qu'aux tissus. Elle était capable de guérir tout type de blessures, qu'elles soient internes ou externes.

- Quel serait votre prix si je vous demandais de me soigner aussi ? S'enquit l'hyperactif en se levant et en se mettant face à la M-Psi étrangement accroupie à côté du canapé.

Elle tenait une grosse seringue à la main, seringue contenant un liquide avec une toute petite puce qui s'y baladait. La jeune femme eut vaguement l'air pensive, du moins un instant. Son expression n'aurait sans doute pas dû changer, mais ce fut le cas. C'était minime. Presque invisible.

- Je ne te demanderai pas d'argent, dit-elle simplement.

- Qu'est-ce que vous voulez, alors ? Demanda Stiles, pas très sûr de vouloir aller sur ce terrain-là.

La jeune femme se releva et déposa sa grosse seringue dans un bac stérile. Elle se mit ensuite face à lui et le toisa de ses yeux océaniques glacés. Avec ses escarpins aux fins talons, elle faisait presque sa taille.

- Le prix pour tes soins sera ton sang. Permets-moi de prélever un peu de ton sang et je te soignerai. Les Psis défectueux sont si rares de nos jours qu'il serait dommage que je ne puisse pas analyser le sang de l'un d'entre eux.

Son ton, malgré son manque d'expression, était si sinistre que Stiles frissonna. Les regards convergèrent sur lui et il lui tendit son bras sans hésiter. Après qu'elle eut rempli trois petites fioles, la M-Psi demanda à voir ce qu'il souhaitait soigner. Stiles releva son haut et ses horribles brûlures apparurent au grand-jour. Autour de lui, on jura, poussa des soupirs horrifiés, chuchota il ne savait quoi. Ses plaies cautérisées par ses soins n'étaient vraiment pas belles à voir et l'on se rendit compte à quel point il devait souffrir. Et pourtant, personne ne fit rien. Personne ne leva le petit doigt pour lui proposer de lui prendre sa douleur. Seul Derek regardait Stiles avec inquiétude. Si la peur ne le tiraillait pas actuellement quant à son propre problème, il n'aurait sans doute pas hésité.

- Je vois, commenta la Psi. Ce sera rapide. Concernant le métamorphe, je demanderai un prix un peu plus élevé.

- Allez-y, continua Stiles en rabaissant son haut, essayant de combattre son appréhension montante.

Donner son sang, c'était une chose : il savait pertinemment qu'il ne contenait rien de très parlant. Le regard glacé de la M-Psi ne le rassura pas le moins du monde. Pourtant, il aurait juré que quelque chose clochait chez elle, mais non. Elle était simplement extrêmement bien conditionnée, une Psi parfaitement Silencieuse. L'exemple contraire de celui qu'était Stiles : un Psi libre, impétueux, plein d'émotions, impulsif. Ce qui, aux yeux du Conseil Psi, le reléguait théoriquement au rang de déchet. Il était considéré comme défectueux.

- Je veux voir tes yeux. Tes vrais yeux. Ceux du double cardinal que tu es.