Lydia était nerveuse. Angoissée. Mal.

On avait retrouvé le corps de sa voisine ce matin, près de sa maison. Et elle avait hurlé, cinq minutes plus tôt, faisant accourir sa mère qui n'était pas partie au travail. Mais Lydia ne savait pas où se trouvait le cadavre. Jordan Parrish, si. Parce que c'était lui qui l'avait trouvé.

Et le verdict était sans appel. En fait, les images étaient sans appel.

La pauvre quadragénaire avait la cervelle explosée et qui sortait un peu par tous les orifices existants de sa tête.

Il s'agissait du cinquième cadavre depuis que la dernière réunion avec Stiles avait eu lieu, trois jours plus tôt. Depuis ce moment où Malia l'avait griffé. Il fallait faire quelque chose. Ces gens mouraient tous les jours de manière horrible. Lydia se laissa tomber sur le sol de sa chambre et la moquette amortit la chute au niveau de ses genoux. Une main sur sa bouche entrouverte par l'horreur tandis qu'elle retenait péniblement les larmes qui montaient à une vitesse vertigineuse.

Trop de gens mouraient. Et même si Lydia ne connaissait pas vraiment cette voisine, elle commençait désormais à comprendre le réel danger que représentaient les Psis. Ils étaient sans sentiments, sans empathie, sans âme.

Les premières larmes coulèrent alors qu'elle étouffait tant bien que mal de pauvres geignements douloureux. Elle n'y arrivait pas. C'était la première fois de sa vie qu'elle vivait aussi mal un évènement surnaturel. Des situations horribles, elle en avait vécu : mais là… C'était à un tout autre niveau, bien plus élevé et sordide.

Car comme l'avait dit une fois Noah Stilinski, il s'agissait d'un génocide.

Des bras forts et une chaleur familière l'entourèrent. Lydia se réfugia aussitôt dans cette étreinte dont elle ne pensait pas avoir autant besoin. Parce qu'elle les ressentait, toutes ces morts. Être une banshee avait ses avantages mais aussi ses inconvénients. A savoir lequel des deux côtés prédominait, c'était une autre histoire… Ses doigts aux ongles négligés serrèrent avec une force étonnante le tissu beige de la chemise de l'uniforme du policier qui l'étreignait avec amour. Et elle se laissa complètement aller, sachant qu'il ne la jugerait pas, qu'il savait ce qu'elle vivait.

Heureusement que Jordan était là.

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- Papa, tu rentres quand ? Demanda Stiles, le téléphone contre son oreille.

Si sa voix était calme et posée pour rassurer Noah sur son état, la manière dont il triturait les plaies de sa main libre étaient une excellente démonstration de son humeur réelle, un mélange d'angoisse, de manque, de tristesse et de peur. Il devait faire de véritables efforts pour empêcher sa voix de trembler.

- Je ne sais pas, Stiles, entendit-il à l'autre bout du fil.

- Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui te retient ? Je veux dire… Les gens ne viennent presque plus là où j'ai… Tu sais. Il n'y a rien à craindre !

- C'est compliqué Stiles. J'ai des choses à régler et… C'est compliqué.

Moi aussi, c'est compliqué. Je vais mal, papa. Scott a tenté de me tuer. Malia m'a blessé. Et puis Scott se met à me harceler. Mais Stiles ne dit aucun de ces mots.

- Qu'est-ce qui te prend tant de temps ? Demanda-t-il malgré son envie de se confier.

Ses problèmes à lui… Ce n'était pas grave, ça pouvait attendre. Là, l'inquiétude commençait à naître. Des jours qu'il n'avait pas vu son père et celui-ci retardait encore son retour ?

Noah laissa planer le silence durant quelques secondes qui mirent Stiles mal : cependant, il ne dit rien, laissant son géniteur prendre le temps dont il avait besoin pour répondre. Après tout, il s'agissait peut-être de quelque chose de grave qui pouvait être difficile à dire. Si cela ne le rassurait pas le moins du monde, cela avait au moins le mérite d'être une explication possible à son absence longue durée…

Mais Noah brisa tous ses espoirs en lâchant un simple :

- On se reparle plus tard.

Et puis il raccrocha au nez de Stiles.

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- Il est bien gentil Stiles, mais on va devoir agir. Ce qu'il se passe… On ne peut pas laisser ça continuer !

Jackson s'efforçait de rester calme. En soi, Isaac avait raison. Les meurtres continuaient de s'enchaîner à une vitesse qui dépassait l'entendement. C'était un véritable massacre. Et puis, il ne s'agissait pas que d'inconnus : en plus de la voisine de Lydia s'ajoutait l'un de ceux de Liam. Les gens tombaient et l'on découvrait à ce moment-là leur origine, leur véritable identité mais aussi et surtout cette classification qui était le motif de leur mort.

- On peut pas, lâcha le sportif en se grattant le menton d'un air pensif.

Lui aussi avait envie d'intervenir, mais il savait réfléchir. Et c'était ce qu'il faisait depuis que tout cela leur était tombé dessus. Stiles leur avait peut-être menti par rapport à son origine, mais il avait un avantage. Il connaissait le terrain. S'il leur avait conseillé de ne pas intervenir directement, ce n'était pas par je m'en foutisme, encore moins par égoïsme : c'était véritablement parce qu'ils ne pouvaient rien faire. La dévotion de Stiles envers eux montrait bien que cette affaire l'intéressait véritablement et il voulait aider. Il faisait tout pour, et il n'hésitait pas à les renseigner.

Le pire, c'était qu'il en payait chaque fois le prix. Entre Scott et Malia… Jackson risqua un regard vers son alpha, qui pianotait sur son téléphone depuis un moment. Il était souvent sur son portable ces temps-ci.

- Je sais que Stiles a dit qu'on pouvait pas faire grand-chose face à eux, mais on peut pas laisser les E-Psis de la ville se faire tuer ! Glapit Liam, son regard océanique trahissant parfaitement l'horreur que cette situation représentait pour lui.

- Et tu proposes quoi ? S'enquit Théo, véritablement curieux.

- Je sais pas, je…

- On va intervenir. Frontalement.

Les membres de la meute présents tournèrent la tête de concert vers Scott, qui n'avait même pas pris la peine de relever la tête de son téléphone. On le regardait, choqué. Mais qu'est-ce qu'il leur sortait là ? Ces quatre mots étaient les premiers qu'il sortait depuis le commencement de la réunion.

- Vous allez faire des rondes à certains endroits. Les Psis sont faciles à repérer. D'après ce qu'on sait, ce sont des robots à l'odeur fade. Ils ne ressentent rien. On les trouve, on les tue, on sauve les E-Psis.

Ces paroles-ci étaient prononcées avec une froideur étrange. Et puis ces mots… Scott n'était pas censé inclure des meurtres dans les plans de la meute. N'était-ce pas lui qui autrefois faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter les morts, de quelque côté que ce soit ?

- Mais Stiles a dit que… Commença Liam.

- Et tu écoutes un traître qui n'est même plus dans la meute ? Le coupa Scott en daignant enfin lâcher son téléphone du regard pour fixer celui-ci sur le louveteau. Réveille-toi Liam. Il nous a menti pendant des années, qui dit qu'il ne nous a pas raconté des salades, histoire de se venger de son éviction de la meute ?

Derek, adossé contre la poutre à côté du canapé, fronça les sourcils. L'attitude générale de Scott lui déplaisait. Il était arrogant et parlait d'une manière qui ne lui était pas habituelle.

- Ce qu'il veut, c'est nous diviser et nous éloigner de tout ça. Il veut qu'on rate ce qu'on entreprend. Il ne veut pas sauver les E-Psis, il veut juste participer à leur chute sans se salir les mains. C'est plus simple pour lui de nous dire de ne pas intervenir plutôt que de nous arrêter.

Et pourtant, Derek se fit une réflexion et il eut une certitude : celle que Stiles pouvait les mettre au tapis, tous autant qu'ils étaient. Pour lui, les propos de Scott sonnaient faux. Parce qu'ils étaient faux. Mais il ne dit rien, préférant observer en silence pour l'instant. C'était sa méthode à lui.

Et puis, ne disions-nous pas que les gens les plus dangereux étaient ceux qui récoltaient les informations en silence ?

- Et ce qu'il en pense, on s'en branle.

Autour de lui, la surprise profonde imprégna les odeurs tandis que le doute commença à naître chez certains, tandis qu'il se renforçait chez d'autres.

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Stiles se retrouvait dans une impasse. Ses doigts tremblaient au-dessus de son écran, tant le stress que la situation lui procurait était énorme. Tout aurait été bien plus simple si Scott ne s'était pas mis à le harceler : oui et surtout, tout aurait été plus simple s'il n'avait pas décidé de jouer sur la corde sensible…

… S'il n'avait pas décidé d'inclure Lydia dans l'équation.

Jusque-là, Stiles pouvait refuser toute rencontre avec lui. Se retrouver face à son meilleur ami capable de le tuer n'était pas franchement quelque chose qu'il appréciait. Son moral était déjà très bancal et il pouvait envoyer valser ses résolutions à tout moment. C'était dur pour lui, de continuer malgré tout ça. Alors pourquoi lui en rajouter ? Qu'avait-il fait pour mériter un harcèlement de ce genre ? Il faisait pourtant tout pour les aider, tout pour leur plaire et en même temps, tout pour s'effacer. Parce qu'il savait que sa présence n'était plus appréciée.

Scott lui envoyait des dizaines et des dizaines de messages par jour, lui demandant où il était, arguant sur le fait qu'il était important qu'ils parlent, qu'ils avaient des choses à se dire, en passant par tout un tas de noms d'oiseaux et de messages ayant pour buts de le rabaisser. Stiles endurait en silence, sans doute parce qu'il le méritait, mais Lydia… Elle ne devrait pas faire partie de l'équation.

Parce que Scott n'aurait pas dû menacer de s'en prendre à elle si Stiles n'acceptait pas bientôt de lui dire où il se terrait. Stiles regarda le dernier message qu'il avait envoyé à l'ancien alpha.

A : Scott.

Elle n'a rien à voir là-dedans, laisse-la tranquille.

Et Scott de lui répondre :

Donne-moi ce que je veux et je ne la toucherai pas.

Alors Stiles avait pensé à quelque chose et même si ça ne lui plaisait pas le moins du monde, c'était mieux que rien. Il était hors de question que Lydia subisse la colère de Scott par sa faute, surtout dans la mesure où elle ne pouvait pas se défendre à armes égales contre lui. Son cri de banshee était puissant, mais Scott était un alpha. Un vrai alpha. Stiles aurait pu esquisser un sourire ironique s'il n'allait pas aussi mal, si la boule dans son ventre n'était pas aussi grosse. L'on obtenait ce pouvoir par mérite et uniquement de cette manière. Scott le méritait-il toujours ?

Stiles donna un lieu de rendez-vous à Scott, loin du bunker. Ainsi peut-être qu'enfin, il le laisserait tranquille, sans se douter une seule seconde des risques qu'il prenait.