Derek soupira.

- Je sais que ce n'est pas vraiment le moment pour un interrogatoire, mais c'est important. Stiles, ne joue pas au plus malin avec moi, j'ai besoin que tu me répondes vite. T'étais blessé, partout.

- Et ? Ne put que répondre l'hyperactif d'un ton las.

L'hyperactif sentait bien que son corps n'était plus douloureux, que son visage ne le piquait pas comme il aurait dû. On l'avait soigné, sans doute, mais cela n'avait pas d'importance pour lui. Ce qui le gênait, c'était de savoir qu'on avait vu ce qu'il cachait, ces blessures qui n'avait voulu montrer à personne. Même son père n'était pas au courant. Et il ne le serait pas. Il ne pardonnerait jamais à Scott d'avoir proposé un tel ultimatum à son fils, tout comme il en voudrait à Stiles de s'être laissé faire, mais il comprendrait. Il savait que Lydia, comme n'importe quel membre de la meute, comptait beaucoup pour lui.

- Et tu dois me dire qui t'a fait ça.

Derek le regardait sérieusement, comme si connaître l'identité de son agresseur l'intéressait réellement. Stiles baissa le regard sur son assiette. Il ne la finirait pas, tout comme il savait qu'il aurait bien du mal à avaler quelque chose. Les deux bouchées qu'il avait prises étaient exceptionnelles. Il n'était même pas certain de les garder dans son ventre, tellement la nausée le lui retournait. Il secoua doucement la tête. Il aurait pu dire qu'il s'agissait des Psis qui l'avaient poursuivi, mais il était certain que Derek percevrait son mensonge, tout comme il était sûr qu'il avait cherché une odeur ennemie sur lui. Celle de Scott avait disparu depuis plusieurs jours déjà. Il avait tout fait pour qu'il ne reste pas la moindre fragrance du latino sur son corps – autrefois – meurtri.

- Je ne… Fais plus partie d-de la meute.

Parler restait difficile, si bien qu'il ne disait que le strict minimum, ce qu'il était utile de sortir. Alors, Derek devrait se contenter de cette réponse, parce qu'il n'allait pas épiloguer, ni rester des heures ici. Autrement, il ne voudrait plus jamais partir, pas plus qu'il n'en aurait la force. Il devait profiter de ce faible élan de motivation. Faible, car il peinait encore à garder les yeux ouverts.

- Tu as sauvé Isaac, rétorqua Derek.

Une lueur de vie fugace passa dans les iris si particulier de Stiles, avant de s'éteindre presque aussitôt.

- Je… L'ai pas fait pour… Avoir de la reconnaissance, ni… Ni m'exposer, s'opposa l'hyperactif. Je l'ai s-sauvé parce qu'il… Compte pour moi.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, lâcha le loup en soupirant.

- De toute manière, reprit Stiles sans lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit, je… T'aurais… T'aurais pas dû voir ça. C'est la combustion… Ça a éteint mon contrôle, mon illusion et… J'aurais dû… Faire plus attention. Mais attends, comment je…

- La M. La M-Psi t'a soigné, comme elle a soigné Isaac, lui apprit Derek, sans laisser la moindre émotion le submerger.

Pourtant, elles bouillonnaient en lui. Mais il se devait de savoir. Il lui expliqua alors qu'il s'agissait de Moira Stanfield, la M que son père avait trouvé la première fois. Il se trouvait qu'elle était la sœur de la E-Psi qui avait failli être exécutée, au même titre que l'adolescent, qui était donc son neveu.

- Elle m'avait dit que tu dormirais un jour ou deux, mais tu es resté trois jours inconscient. J'ai failli la rappeler, avoua Derek. Trois jours au lieu de deux, c'est…

- Tout à fait normal, le coupa Stiles en essayant de forcer un peu plus sur sa voix pour ne pas s'interrompre sans arrêt à cause de sa faiblesse. Ça dépend de… Du stade auquel en est le Psi qui a eu la combustion.

Derek fronça les sourcils. De cela, Moira ne lui avait pas parlé du tout.

- Quel stade ? Demanda-t-il.

Stiles le regarda un instant, eu l'air de s'en vouloir, mais reprit tant bien que mal contenance.

- Il faut que je rentre, articula-t-il.

Derek secoua la tête.

- Tu ne rentreras pas.

Stiles se tendit complètement tant cette phrase avait un aspect… Définitif. Comme s'il n'avait jamais été question qu'il quitte le loft. Il frissonna et posa instantanément les doigts sur sa gorge, au niveau des brûlures qu'il s'était faites pour cautériser les plaies légères infligées par Scott. L'angoisse revint, plus forte que jamais. C'est alors qu'il effectua un rapide scan télépathique du loft. Il se paralysa. Il y avait quatre signatures psychiques – qu'il ne prit pas le temps de décoder – dans le salon. Sa terreur revint en force.

- J'ai… Derek, je te jure que j'ai… Pas fait exprès d'atterrir ici, il faut que… Il faut que tu me croies.

Sa voix faible était implorante. Il ne pouvait pas mourir maintenant, c'était trop tôt. Il devait les protéger, faire son maximum pour les préserver des Psis. Il était peut-être intervenu de front pour sauver Isaac, mais il continuerait à agir dans l'ombre sans aucun problème. Comme il l'avait précisé un peu plus tôt, il ne cherchait pas la moindre forme de reconnaissance. Il voulait simplement… Les aider, les sauver en cas de danger, rien de plus. Paniquant complètement et sans laisser le temps à Derek d'en placer une, il continua, quitte à s'essouffler :

- Je… J'ai visualisé le bunker, je te le promets. Je te jure qu'au moment de me… De me téléporter, j'ai… J'ai pensé qu'au bunker, rien d'autre.

Il ne vit pas le regard de Derek changer, pas plus qu'il ne remarqua qu'il commençait à se lever. Ses yeux se fermèrent un instant. Il avait besoin de reposer son corps, naturellement épuisé par sa téléportation ainsi que la combustion et… Sa déchéance lente et progressive.

- Je sais pas ce qui s'est passé, je… J'y ai peut-être pas pensé assez fort, je…

Il se prit la tête dans les mains. C'est vrai ça, pourquoi avait-il atterri ici au lieu du loft ? Pourquoi n'était-il pas fichu d'utiliser ses facultés correctement ?

- Pardon, je te promets que ça ne… Se reproduira plus.

Il rouvrit les yeux, se leva un peu vite sans doute. Vacilla. Eut le souffle coupé une seconde. Non, vraiment, ça n'allait pas. Il devait partir au plus vite.

- Stiles, calme-toi.

Stiles releva ses yeux si particuliers vers le loup, qui s'était levé également et se rapprochait. Forçant une dernière fois sur sa voix, il débita :

- Comment tu veux que je me calme ?! Je suis à deux doigts de… De me faire exécuter. Tu pourrais rester calme dans… Dans cette situation ?

Sa voix était cassée, il avait un peu de mal à respirer. Sa vue était toujours floue et son monde n'était pas extrêmement stable. Il referma les yeux, s'appuya sur la table pour ne pas tomber tout de suite. Ses paupières étaient fermées avec force. Une douleur étrange lui vrillait le crâne, à tel point qu'il se sentait défaillir à une vitesse folle. Il se savait faible.

- Personne n'a parlé d'exécution Stiles.

- Non, mais ça se sent. On veut… On veut ma mort, depuis le début. Je comprends et je suis parfaitement ok, mais… Il me faut encore un peu… Un peu de temps. Pas beaucoup, juste assez pour… Juste assez pour… Pour… Vous protéger.

Le dernier mot avait été soufflé. Il allait tomber. Il allait tomber, encore une fois. Mais avant même que ses jambes ne le lâchent, il se sentit entouré et il sut que Derek l'avait attrapé. Il le tenait contre lui, comme à son réveil. Il laissa son front se poser contre son épaule. Il n'arrivait plus à se tenir droit. Ni même à accrocher correctement le haut du loup.

- Laisse-moi rentrer, supplia-t-il d'une petite voix. Sinon je… Je vais dormir ici…

- Tu peux, entendit-il.

- N-non… Je dois y aller… Le bunker…

Il sentit Derek le soulever du sol, encore. Se laissa faire. Faillit perdre connaissance.

- Le bunker n'existe plus, Stiles, le coupa Derek sur un ton qu'il tendait à croire préoccupé.

Il sentit du mouvement, tout comme il sut que cette nouvelle lui faisait quelque chose. Mais il était trop faible. L'hyperactif était incapable de rouvrir les yeux. A ce moment précis, on pouvait faire ce qu'on voulait de lui, il n'avait pas la force de résister. Alors, les émotions ne le submergèrent pas autant qu'elles l'auraient dû. Il ressentit ce qui devait sans doute s'apparenter au choc, mais bien atténué. Il eut peur, un peu, mais se rappela que son père était chez Deaton. Bien. Ses proches allaient bien. De son côté, il se débrouillerait, comme toujours… S'il ne s'endormait pas entre temps. Honnêtement, il pourrait essayer de forcer et d'obliger Derek à le lâcher, mais quelque chose l'en empêchait. La souffrance quant à sa solitude permanente depuis la découverte de sa véritable nature, peut-être… Et si, au fond, il avait besoin d'un peu de contact ? Qu'on se préoccupe un peu de lui ? Il ne pouvait pas leur demander de faire cet effort, pas après leur avoir menti depuis tant d'années.

- M'en fous, je… Trouverai… Autre chose… Souffla-t-il sans arriver à faire plus d'efforts.

Son bras mutilé pendait mollement, bougeant au rythme de la marche de Derek, sous plusieurs paires d'yeux peinés, attristés, choqués. Il ne vit rien, pas même Derek secouer la tête de dépit. Il le sentit s'arrêter un instant, se tourner alors qu'il le tenait toujours fermement dans ses bras, comme s'il avait peur de le faire tomber. Et il perdit progressivement connaissance, resta juste conscient le temps d'entendre faiblement :

- Lydia, appelle la toubib… Pas norm… Jours…

xxx

Lorsque Stiles s'éveilla à nouveau, il se sentait un peu mieux. Pas forcément réellement en forme, mais tout de même un peu moins fatigué. Disons qu'il arrivait à ouvrir les yeux sans que ses paupières n'aient l'air de peser des tonnes. Néanmoins, il ne se leva pas tout de suite. Si son corps semblait avoir repris du poil de la bête, il n'en allait pas de même de son esprit, où régnaient des émotions peu reluisantes. En fait, il avait envie de se rendormir, de passer le temps qu'il lui restait dans le royaume des songes à ne rêver de rien, à simplement… Errer, sans but, sans souffrance, sans émotion. Pouvait-il se permettre de gratter quelques minutes de plus ? Avait-il le droit de rester encore un peu dans ces draps doux ? Stiles se sentait terriblement seul et n'avait aucune motivation. Il devait se lever, quitter les lieux, c'était tout ce dont il se rappelait, mais… Pourquoi ne pouvait-il pas s'autoriser un peu de répit ? Juste un peu de temps pour lui, avant qu'il retourne affronter ses emmerdes dans le monde réel.

Son père lui manquait. Mentalement, Stiles se replia sur lui-même et entra dans la chambre télépathique que son paternel avait créée il y avait des années de cela. Il appela, attendit. Noah ne se montra pas. L'hyperactif sortit de la pièce mentale et se concentra sur le lien. Il était toujours là, établi, solide. Toutefois, il fronça les sourcils. Il ne saurait expliquer pourquoi, mais il sentait que quelque chose avait changé, un rien lui paraissait différent, sans qu'il puisse arriver à nommer ce que c'était. Simplement, le lien était étrange. Techniquement, s'il reliait toujours leurs deux esprits, c'est que tout allait bien. Oui mais… Quelque chose le titillait réellement. Il l'étudia sous toutes les coutures, ne trouva rien de probant et finit par abandonner ses recherches au bout de quelques minutes.

- Stiles ? Tu es réveillé ? Stiles ?

Le susnommé sursauta et quitta brutalement le monde psychique pour réatterrir dans celui, matériel, dans lequel il était obligé de vivre. Il rouvrit les yeux, tourna la tête vers l'origine sonore de la voix.

Derek.

Evidemment.

Stiles se crispa, la peur le submergea à nouveau. Il se redressa un peu vite mais fut plus sûr sur ses appuis. Toutefois, le loup se rapprocha et le repoussa doucement, d'une main sur son torse toujours prisonnier de ce t-shirt trop grand pour lui. Par contre, il notifia un détail, et pas des moindres. Derek, lui, ne portait pas les mêmes vêtements que lors de son précédent réveil. Stiles se raidit d'autant plus et osa demander en grimaçant, d'une voix faible :

- Désolé, je… J'ai dormi combien de temps ? Trois ? Quatre heures ?

Parler s'avérait tout de même un peu moins complexe que la première fois. Ses poumons semblaient fonctionner normalement et son cœur avait un rythme de battements régulier. Stiles scruta Derek qui, de son côté, semblait avoir besoin de dormir un peu. Il était assis sur la table de nuit et Stiles voyait bien que des cernes assombrissaient légèrement son regard. Le loup soupira et finit par lâcher :

- Un jour et demi.

La bouche de Stiles s'assécha.

- Quoi ? Articula-t-il avant de se reprendre. Non, non, c'est pas possible. Je peux pas avoir dormi trois jours puis un et demi…

Disons qu'il ne s'en était pas rendu compte et que mis bout à bout… On pouvait dire que cela faisait du temps. Beaucoup de temps. Perdu à jamais. Simplement parce qu'il s'était rendormi.

- J'ai fait venir la M-Psi pendant ton sommeil. Au départ, quand elle vous a soignés, toi et Isaac, elle avait dit que tu dormirais sans doute un jour ou deux. Hier, je l'ai rappelée. Trois jours, pour moi, c'était anormal. Et au final, tu as dormi un jour et demi de plus. Elle m'a assuré que c'était normal, mais elle mentait. J'ai entendu son cœur.

Stiles n'arrivait pas à identifier la réaction de Derek. Il gardait un air sérieux et impassible mais ses yeux trahissaient quelque chose de moins dur et plus profond. L'hyperactif s'interdit de penser à de l'inquiétude. Derek ne s'inquiétait pas pour lui. Correction : personne ne s'inquiétait pour lui. Stiles se retourna dans le lit et le regarda, avant de détourner les yeux. Il fallait qu'il répare les pots cassés et en même temps… Il n'avait pas d'autre choix que d'être honnête, tout simplement parce que Derek était un loup et que déceler un mensonge était sa spécialité. Il tâcha toutefois d'être bref :

- Si tu prends la situation telle qu'elle a l'air d'être, c'est pas normal. Par contre, si tu prends certains facteurs en compte, c'est normal.

- Elle ne les a pas pris en compte alors, si je suis bien ton raisonnement.

- Probablement…

- Et quels sont ces facteurs ?

Stiles sentit un début de nausée naître dans son ventre. Il ne voulait pas en parler. Y être préparé, c'était une chose, mettre les mots dessus, c'en était une autre.

- Je…

Le regard on ne peut plus fixe et sérieux de Derek ne l'aidait pas vraiment à faire de l'ordre dans son esprit. Comme toujours, en sa présence, il se sentait toute chose, complètement intimidé. Un détail lui revint soudain en mémoire, ce qui lui ouvrit indirectement une porte de sortie efficace :

- Attends une seconde, je crois me souvenir… Tu… Le bunker. Tu m'as dit qu'il n'existait plus. Je suis pas sûr, j'étais un peu dans les vapes, mais je… Je crois t'avoir entendu dire ça.

Derek hocha gravement la tête, confirmant ses doutes.

- Le bunker a explosé le soir où tu es venu nous aider, lui apprit-il de but en blanc.