Un froid glacial régnait dans l'esprit de Mieczyslaw Stilinski tandis qu'il avançait d'un pas lent mais tranquille. Sur son visage, pas la trace de la moindre fatigue. Juste une impassibilité impossible. Pour cette fois, la téléportation ne lui avait pas posé le moindre problème tant il débordait d'énergie. Ces derniers jours à ne rien faire et à ne rien dire avaient porté leurs fruits : il avait recouvré une santé physique d'enfer et à une vitesse stupéfiante. Le fait qu'il ne portait plus d'inhibiteurs depuis quelques temps faisait également pencher la balance. Il ne fallait pas se leurrer. Le repos seul n'était pas l'unique responsable de sa forme aussi olympique qu'éphémère. Car si Stiles était actuellement capable de soulever des montagnes, tout partirait en fumée d'ici quelques temps. Son pouvoir était incroyable de puissance mais son corps ne pourrait pas suivre bien longtemps. Il n'était pas fait pour ça. Alors pour limiter les dégâts, Stiles devait agir vite et bien, puis se débrouiller pour se procurer des inhibiteurs. Néanmoins, il ne chercha paradoxalement pas à se dépêcher. D'abord, prendre le temps de repérer ses ennemis. Ensuite, attaquer. Ses sens psychiques étaient à l'œuvre et Stiles avait déjà refait son balayage télépathique trois fois. Ce qu'il lui manquait, c'était leur position exacte et un moyen de les isoler les uns des autres pour lui rendre la tâche plus facile. L'avantage qu'il avait, c'était leur bêtise. En effet, les cinq Psis se séparèrent au bout de quelques minutes, histoire de couvrir plus de terrain. Nul doute que leur balayage télépathique avait moins de portée que le sien : autrement, il aurait déjà été repéré. Sa signature psychique était du genre à se voir et à laisser des traces. La puissance pouvait avoir cela d'embêtant qu'elle était visible.

Stiles savait qu'il allait devoir les affronter, tous les cinq. S'il éprouvait une quelconque inquiétude ? Pas le moins du monde. Parce que ces gens-là n'étaient que des sous-fifres parmi d'autres. Des Psis de rang parfaitement moyen. Ils n'avaient rien de la puissance du Conseiller contre qui il avait manqué de mourir. Ceux-là n'avaient rien à voir avec lui.

Il allait les détruire avec une facilité monstrueuse. Quoique dans sa tête, une idée un peu plus fine naquit et se concrétisa à une vitesse stupéfiante. S'il voulait avoir un impact, il allait devoir taper dans les symboliques et les sous-entendus. Le pas léger et discret comme une ombre, Stiles prit en grippe un premier Psi. Ce dernier ne le vit pas venir et n'eut pas le temps de prévenir ses comparses qu'il tombait déjà au sol, l'esprit suffisamment compressé pour le garder inconscient un moment. Ce fut tel qu'il ne se réveilla pas malgré l'intense douleur qu'il ressentit lorsque Stiles fit fondre son pouce.

Chaque fois, il procéda de la même manière sans rien ressentir. Il était vide ou plutôt… Sa Dissonance retenait un peu trop bien ses émotions. Parce qu'il agissait avec une froideur robotique et sans aucune hésitation.

Le Psi suivant perdit son index. Celui d'après ? Le majeur. Le quatrième ne vit même pas son annulaire disparaître au milieu d'une main enflammée et le dernier s'en sortit sans son auriculaire.

Mais Stiles n'avait pas fini.

Il ne les acheva cependant pas et ce, même s'il en avait largement les capacités. A vrai dire, il avait besoin d'eux vivants et ces gens-là devaient devenir le symbole de sa résistance. De son insurrection.

Le symbole d'une vengeance froide.

Chaque fois que l'on arracherait la vie d'un E-Psi ou que l'on essaierait de s'en prendre aux membres de son ancienne meute, Stiles agirait en conséquence. Qu'importe l'éthique ou l'air que ça lui donnait. Qu'importe s'il devenait un monstre. Le temps de la discrétion était terminé.

Alors il marcha. Il marcha jusqu'à atteindre la falaise la plus haute de la forêt de Beacon Hills. S'il s'était débrouillé pour attaquer ces Psis avec la plus grande discrétion, il allait passer à la seconde étape de son plan qui était… L'exact inverse.

Il était temps pour lui de se montrer. Et même si sa présence ne changerait pas grand-chose – d'autant plus qu'elle était loin d'être éternelle –, elle lui permettrait de gagner un peu de temps.

Et c'était mieux que rien.

Dans un silence de mort, Stiles ne prit même pas la peine de se déshabiller. Il s'agenouilla au sol et posa sa main sur l'herbe tandis qu'il levait lentement l'autre vers le ciel. L'esprit complètement vide de toute idée parasite, il laissa la chaleur destructrice de son pouvoir monter en lui jusqu'à émerger soudainement.

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- Je ne le trouve pas !

Jackson arborait un air inquiet. Il avait retourné le manoir de fond en comble sous l'ordre de Derek qui, de son côté, avait dû s'occuper d'Isaac. Le loup, toujours mutique, s'était mis à faire une crise de panique quelques minutes plus tôt. Personne n'avait compris et Lydia avait pris sur elle pour ne pas céder, elle non plus, à l'angoisse. Dans ce manoir, on se soutenait, mais l'équilibre mental de chacun était précaire. En trop peu de temps, on en avait trop vu, trop subi. Et c'était son cas à elle aussi.

Liam avait été le premier à donner l'alerte. De nature timide et anxieuse, il avait mis du temps avant d'oser essayer d'aller voir Stiles. Son air froid et indifférent de ces derniers jours l'avait terrifié et… Il n'avait plus reconnu en lui le jeune homme qu'il avait connu. Ni l'hyperactif rayonnant de vie, ni le banni protecteur.

Il n'avait vu qu'un robot, ou un monstre glacé.

Alors voilà, il avait fini par aller à l'étage. Sa chambre ? Elle était vide. Alors, il était descendu demander où il pourrait trouver Stiles. On s'était alors posé des questions et on s'était activé, parce que l'hyperactif quittait sa chambre le moins possible et restait plus souvent en haut, ne se mêlant que rarement aux autres. En fait, il s'isolait.

Tout le monde avait alors participé, sauf Isaac et Derek, qui avait enfin réussi à le calmer. Enfin, un peu. Le bouclé ne voulait pas quitter ses bras et gardait ses yeux fortement fermés, essayant de s'apaiser plus en profondeur. Il angoissait, lui aussi. Il ne parlait pas, mais il sentait les choses.

Et il avait senti Stiles s'évaporer du manoir.

Isaac aurait bien aimé confier ce fait à ses amis, ce qui les aurait avancés et leur aurait évité de perdre du temps à le chercher inutilement à l'intérieur du manoir. Mais il en était incapable. Depuis son agression, les mots ne sortaient plus. Il ne le voulait plus, ressentant le besoin de s'emmurer dans un silence de plomb. Puis son esprit était devenu lent, aussi. Pas beaucoup, mais suffisamment pour qu'il en ait honte et qu'il cherche à tout pris à garder ses émotions pour lui, à exercer un certain contrôle sur elle.

Oui mais voilà, le départ précipité de Stiles avait fait exploser quelque chose en lui, quelque chose qu'il n'avait pu réprimer malgré toute sa bonne volonté. Parce qu'Isaac le sentait : il était parti. De son plein gré. D'une manière qu'il ne comprenait pas.

Et il était incapable de le dire alors qu'il le savait.

Alors forcément, on ne savait pas ce qu'il avait et on s'inquiétait. Derek prenait sur lui pour s'occuper du bouclé malgré son envie difficilement répressible d'aller chercher Stiles.

- Il doit être dehors, avança Peter, les bras croisés sur son torse.

- Mais… Personne ne l'a vu sortir et j'ai trouvé son odeur ni sur la porte, ni sur aucune fenêtre, fit Liam, blanc comme un linge.

Jackson se posa un instant et réfléchit, parce qu'il avait effectivement constaté les mêmes choses que son cadet. Il eut rapidement une illumination et monta à l'étage avant de revenir une poignée de secondes plus tard, tenant la M-Psi par le bras. Et Derek remarqua instantanément que quelque chose n'allait pas.

Son visage n'était pas complètement froid. Outre la fatigue, elle ne semblait pas maintenir parfaitement son masque d'insensibilité. Son odeur ? Tout sauf fade. Derek était à deux doigts de trouver la M-Psi soucieuse.

- Elle doit savoir quelque chose, argua directement Jackson.

Le kanima ne montrait pas la moindre agressivité : son inquiétude prenait une trop grande place. D'ailleurs, il avait beau vouloir savoir, jamais il ne ferait de mal à la jeune femme ni même à qui que ce soit d'autre. Alors non, il ne comptait pas la menacer, pas même lui dire qu'elle finirait dehors si elle ne leur fournissait pas la moindre information. D'une part, il n'était pas comme ça et de l'autre… Qu'importe sa réponse, elle leur donnerait à tous bon nombre d'informations malgré elle – Jackson et tous les autres loups pouvaient compter sur leur ouïe et leur odorat.

- Où est-il ? Demanda instantanément Derek, sans lâcher Isaac.

De toute manière, le bouclé s'accrochait à lui de manière presque maladive.

Moira ne chercha pas à faire l'idiote, à demander de quoi il parlait et pourquoi on l'avait faite venir. Car s'il y avait bien quelqu'un qui savait où était passé Stiles, c'était bien elle.

- Il est sorti, dit-elle simplement d'un air plus que tendu.

Et ce, depuis près de vingt-cinq minutes. C'était très court et très long à la fois, pour elle qui redoutait le moment où on viendrait lui demander des comptes. Jusqu'à maintenant, la M-Psi avait gardé le silence pour lui faire gagner du temps. Mais là, il allait falloir qu'elle les dissuade de sortir et ça n'allait pas être facile. Parce qu'elle n'avait affaire ni à des humains, ni à des Psis.

Elle avait affaire à des loups-garous. Des êtres dotés d'une part animale. Instinctive, primitive. Elle ne devait ni les sous-estimer, ni les provoquer, d'autant plus que le toit qu'elle avait au-dessus de la tête pouvait lui être retiré à tout moment. Mais pour Moira, ce n'était même pas le plus important.

Si elle faisait la moindre erreur, Stiles pouvait tout bonnement révéler le secret qu'elle gardait depuis des mois et qu'elle lui avait laissé voir en le sauvant.

Et ça, la M-Psi ne pouvait pas se le permettre.

- Alors on y va, décréta automatiquement Jackson.

- Non, s'empressa d'intervenir Derek. Personne ne bouge d'ici pour l'instant.

On lui lança des regards passablement surpris. L'ancien alpha lui-même voulait foncer et cela se voyait dans ses yeux, mais… Il était du genre mesuré. Dans ses bras, Isaac sembla se détendre très légèrement.

Derek leva ses orbes claires vers la M-Psi, que Jackson venait de lâcher. Elle se frictionna le bras : si le kanima ne l'avait pas serré fort, il avait une sacrée poigne. Une poigne à laquelle une Psi délicate n'était pas habituée, tout simplement parce que la majorité des membres de cette espèce ne se touchait pas. Le contact physique était interdit si jugé non nécessaire.

- Pourquoi tu ne nous as rien dit ? Demanda simplement Derek, diplomate.

Et pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait de courir à l'extérieur du manoir pour chercher Stiles et le ramener. Son loup le lui hurlait mais l'ancien alpha savait qu'il ne pouvait pas agir n'importe comment, pas alors qu'il venait de découvrir une dimension totalement inédite du monde.

- Il ne le voulait pas, révéla Moira. Parce que si vous aviez été au courant, vous l'auriez empêché de sortir ou, pire, vous l'auriez suivi.

- Il vous a parlé ? S'étonna Lydia, pleine d'espoir.

- Non, on l'aurait entendu, releva innocemment Liam.

- Nous avons discuté sur le PsiNet. Par télépathie, précisa la M-Psi.

- Dis-nous tout et ensuite, on verra ce qu'on fait, ordonna doucement Derek, qui peinait à garder son calme.

D'un geste, il lui indiqua de s'assoir et c'est ce qu'elle fit. Elle semblait vraiment fatiguée mais l'ancien alpha choisit de ne pas la mettre dans l'embarras et donc, de ne pas relever ce fait devant tout le monde. Du peu qu'il avait compris, les Psis se souciaient grandement de leur apparence et de l'image qu'ils renvoyaient.

- Il a repéré cinq Psis à proximité du manoir, finit par lâcher la M-Psis d'une voix sans émotion, alors il est allé s'en occuper.

Autour d'elle, on se tendit drastiquement.

- Il les aura, s'empressa-t-elle d'ajouter, ils sont de rang moyen.

Si elle l'imaginait tout de même revenir avec quelques blessures superficielles, Moira était loin de se douter qu'il les avait déjà tous mis hors d'état de nuire et ce, sans recevoir une égratignure.

Elle leur relata brièvement leur conversation et leur parla de sa téléportation sans leur faire part de ses hypothèses quant à sa forme inquiétante. Cependant, elle ajouta qu'il n'y avait aucun risque à le laisser s'occuper seul de ces gêneurs. Et elle était sûre d'elle, tout simplement parce qu'elle connaissait ses capacités et savait que s'il les poussait à son maximum… Stiles pouvait battre presque n'importe qui. Même un Conseiller. Mais seulement s'il était assez rapide et la rapidité, ce n'était justement pas son fort.

- Il m'a notamment dit de vous garder le plus longtemps possible à l'intérieur du manoir pour éviter de vous exposer… Et j'ose espérer que votre instinct de survie est suffisamment développé pour ne pas déroger à cette demande.

Derek se mordit la lèvre inférieure. Il n'aimait pas ça. Il n'aimait vraiment pas ça. Parce que même si la M avait raison, il n'avait pas réellement envie de l'écouter, tout simplement parce qu'il s'inquiétait sincèrement pour l'hyperactif. Ce dernier avait beaucoup trop subi ces derniers temps et même s'il s'agissait sans doute de l'être le plus fort de leur meute, Derek aimerait le préserver.

Mais le pouvait-il vraiment ?

Alors qu'il allait répondre à la M-Psi qu'il allait tout de même sortir pour aller l'épauler si besoin – sans mettre ses compagnons de meute mineurs en danger –, l'on entendit un grand bruit sourd. Moira devint livide d'un seul coup et tourna instantanément la tête vers la plus grande fenêtre du salon. Très vite, on l'imita.

La stupeur se peignit sur tous les visages. La plupart des membres de la meute se levèrent et s'approchèrent de ladite fenêtre. L'image qui leur fit face les figea sur place et chacun se souvint d'avoir déjà aperçu ce phénomène quelques jours plus tôt.

Sauf que cette fois-ci, la colonne de feu était énorme – titanesque – et bien plus proche que la fois dernière. Ses couleurs… Elles semblaient briller, s'enfonçant dans l'infinité du ciel depuis le sol. Mais quelque chose avait changé. Quelque chose que Moira fut la seule à notifier parce qu'elle connaissait pratiquement tout du pouvoir de Stiles.

Dans la tour incandescente, le bleu cyan primait sur l'orangé.

Et ça, c'était loin d'être une bonne nouvelle.