Chapitre 8

Le jour du départ était arrivé. Sur les berges, la Cour s'était réunie pour dire au revoir à sa jeune princesse. Les pleurs de Tommen exaspéraient Joffrey. Mais il sentait la présence de Sansa à ses côtés. Comment réagirait-elle face au plus jeune des ses frères en larmes? Comment l'avait-elle géré si cela s'était produit lors du départ de Winterfell? Il prit sur lui, ce qu'il allait faire lui demandait beaucoup.

-Cesse donc de chouiner. Lâcha-t-il. Ce n'est pas pour toujours. Myrcella sera bien évidemment invitée pour mon mariage, donc tu la reverras vite. Et si tu ne m'ennuies pas trop, je l'inviterai aussi pour le tien.

L'enfant regarda son frère, les yeux brillants de larmes et aussi d'espoir.

-Pour de vrai?

-Pour mon mariage, oui. Pour le tien, tâche de devenir un prince digne: tant que je n'ai pas d'enfants mâles, tu es mon héritier, je te rappelle. Nous sommes les valeureux fils de Robert le Conquérant. Honore sa mémoire. Pleure si tu le dois mais pleure dans l'intimité.

Sa promise lui souriait. Le jeune roi se sentait particulièrement fier. Il s'approcha doucement de sa soeur, laquelle faisait ses adieux à leur mère. Cersei baisait ses joues, caressait ses cheveux une dernière fois.

-Ton grand-père m'a écrit que les Martell avaient hâte de te rencontrer. Ils seront bons pour toi. Je t'écrirai!

L'adulte s'écarta à regret quand arriva son fils. L'adolescent enlaça sa cadette.

-En t'envoyant à Dorne, j'envoie aux dorniens le meilleur de toutes les Sept Couronnes. Tu les éblouiras un premier temps par ta beauté puis une seconde fois par ton intelligence.

Le regard de la princesse trahissait son incrédulité.

-Je le pense, Cella. Je ne suis pas doué pour les sentiments. Mais je pense chacun de mes mots. Tu es la meilleure des trois enfants de Père.

-S'ils me traitaient mal...

-Alors, je ferai comme le père de Sansa. Je marcherai sur Lancéhélion pour t'arracher à leurs griffes.

Myrcella se jeta à son cou.

-On se reverra vite. Mon conseil me dit d'attendre la floraison de ma fiancée pour l'épouser mais si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurais épousée séance tenante à Winterfell.

-Je le sais. Sois gentil avec Tommen : il a besoin qu'on le guide. Il n'a pas ton assurance.

Il lui sourit.

-Je te le promets. Ca me coûtera, mais je te le promets.

Il la mena sur le bateau, l'embrassa une dernière fois avant de rejoindre la rive et de reprendre sa place d'honneur.

Ainsi s'en allait la panacée de leur famille. Quittant les côtés de son futur époux, Sansa s'approcha de la reine mère, cachant sa crainte au plus profond d'elle-même. Elle l'évitait depuis leur altercation mais en public, elle voulait montrer au monde que tout allait bien dans la famille royale. Il en allait de la stabilité du règne de Joffrey.

-Votre Grâce.

-Petite colombe.

-Si jamais vous veniez à vous sentir seule, je serais heureuse de vous accueillir dans mes appartements pour vous tenir compagnie.

C'était subtil. Pour tous, c'était une quasi-bru soucieuse du bien-être de sa belle-mère suite au départ de sa seule fille. Pour la concernée, c'était doux-amer. Nul doute que Sansa le pensait mais rien que la vue de cette petite rousse lui retournait le coeur.

-J'y penserai, douce Sansa. Je te remercie, tu es bien bonne.

Joffrey se retourna, tendit son bras à sa compagne. La Lannister comprenait à son attitude qu'il ne lui avait pas pardonné.


-Khaleesi, c'est dangereux!

Oui, c'était dangereux, Daenerys le savait. Jorah lui répétait mille fois que c'était un piège. La jeune fille ignorait comment la missive de Port-Réal avait pu la retrouver à Qarth mais peu lui importait. Elle devait réfléchir.

L'Usurpateur était mort.

Son fils lui avait succédé.

Et désormais, il lui écrivait, tendant un rameau d'olivier.

Joffrey Baratheon dénonçait les agissements de son père : s'il défendait la position paternelle d'aller secourir sa promise de l'époque car il avait été floué, il regrettait le massacre qui en avait suivi. Cela aurait dû s'arrêter avec la mort de Rhaegar. Puis avec celle d'Aerys, causée par son oncle, pour des raisons encore obscures. Mais Elia, Rhaenys et le petit Aegon auraient dû être épargnés. La reine Rhaella aurait dû être épargnée. Viserys aurait dû être épargné.

Elle aurait dû être épargnée.

Ils auraient dû se voir déchoir de leur titre royal, peut-être. Mais un avenir aurait pu et aurait dû leur être assuré. Ils étaient des innocents.

Sa belle-soeur, son neveu, sa nièce, avaient été vengés : les responsables avaient été exécutés et leurs restes envoyés à Dorne.

Aujourd'hui, l'adolescent voulait faire amende honorable auprès d'elle.

Et pour se faire, il l'invitait à Port-Réal afin d'en discuter, de lui proposer ses termes, en lui garantissant un accueil pacifique et digne de son sang. Dynastie tombée ou non, elle avait en elle le sang de nombreux souverains.

"Je n'oublie pas non plus que mon arrière grand-mère était la princesse Rhaelle, fille du roi Aegon V. Nos maisons ont toujours été plus ou moins liées par les jeux des mariages. Je souhaite vous accueillir en cousine, dans l'espoir de peut-être pouvoir vous appeler ma soeur."

-Il vous fera exécuter dès votre arrivée! Ou il abandonnera sa promise pour ensuite vous forcer à l'épouser pour légitimer sa position!

Elle soupira en refermant la missive.

-Je sais tout cela, Ser Jorah. Dit-elle

Elle observait le lointain.

-Mais cela reste une chance. Une opportunité de pouvoir rentrer enfin chez moi. Ce garçon a fait l'effort immense de m'atteindre et est le premier à me présenter un semblant d'excuses pour ma vie. Je dois le rencontrer. Par politesse. Je veux croire à une possibilité de paix.

Le chevalier restait soucieux.

-Joffrey ne vous proposera jamais de monter sur le trône. Il prétend l'avoir de droit par son père, lequel l'a acquis par droit de conquête.

-N'était-ce pas ce que je comptais faire aussi? Reconquérir et mettre en avant mon sang? Si je peux revenir plus tôt chez moi, c'est tant mieux. Me voir permettrait peut-être à ceux restés loyaux de reprendre espoir. Je suis sans doute naïve mais Ser, m'accompagnerez-vous?

L'exilé s'agenouilla devant sa toute jeune reine.

-J'irai jusqu'au fin fond des Sept Enfers si vous me l'ordonniez.

Elle lui sourit.

-Westeros d'abord me semble une bonne escale.


-Sansa, vous êtes merveilleuse, tout simplement merveilleuse!

Joffrey entra en trombe dans les appartements de sa fiancée, fondit sur elle et la prit dans ses bras avant de la soulever et de la faire tourner. Le rire de l'adolescente remplit la pièce. Ce ne fut que quand il la reposa qu'il remarqua la présence d'Eddard.

-Mes excuses, Lord Stark. C'est que j'ai été si pris dans mon élan...

Le seigneur du Nord lui sourit avec bienveillance.

-Il n'y a eu aucun mal, Votre Grâce.

Le souverain le remercia et intima à sa compagne de lire la lettre qu'il venait de recevoir :

Daenerys Targaryen acceptait de venir les rencontrer à Port-Réal.