C'était ridicule, dérangeant, révoltant.

Drago comprenait désormais le mélange de rage, de recherche d'affection et de méfiance qui habitait le Survivant quand il s'agissait de la vaste majorité de la population Sorcière.

Il avait suffi d'une gifle, un seul manquement, une seule erreur, et tous semblaient considérer Potter comme un monstre violent, et Drago comme une pauvre victime innocente.

Drago avait toujours considéré que Potter en faisait des caisses à Poudlard : Il se plaignait d'être au centre de l'attention, il se plaignait de faire des jaloux, il se plaignait de passer dans les journaux, il se plaignait d'avoir l'honneur de représenter son école au Tournois des Trois Sorciers… Drago s'était fait un devoir de le remettre à sa place, de lui faire payer ses exploits. Ça avait été un tel plaisir quand il avait découvert sa phobie des Détraqueurs… Il s'en était gargarisé. Il adorait alors le voir échouer, le voir perdre ses moyens, le voir être rejeté de tous, le faire passer pour un fou…

Et aujourd'hui, il réalisait que le monde Sorcier n'avait pas besoin de lui pour accuser le Héros de tous les maux.

Personne encore n'osait lui dire les choses en place, Merlin en soit loué, mais Drago voyait bien que le comportement des gens à son égard avait changé. Les Surveillants le saluaient avec raideur, avec une politesse presque froide dans la voix. Savage, qui était revenu quelques jours auparavant, le reprenait à chaque plaisanterie ou manque de concentration… Le moment qui brisa le plus le cœur de Drago fut quand Madame Johnson, qui l'avait auparavant porté aux nues, se permit de le reprendre sur un soi-disant manque de politesse après qu'il fut venu signer des papiers et qu'il n'eut pas remercié Drago pour son labeur…

Potter resta interloqué un moment, puis éclata d'un rire contrit avant d'admettre son oubli, de s'excuser pour ce manquement, puis de s'humilier en remerciant Drago pour son travail, et Madame Johnson de lui avoir fait remarquer ses torts, et aussi pour sa patience et sa disponibilité, remerciements qu'il étendit à l'ensemble des personnes présentes, avec de nouvelles excuses pour son manque de communication et les dangers encourus, et…

Drago avait senti ses mâchoires trembler.

C'était injuste. C'était abominablement injuste de lui imposer la responsabilité de l'échec collectif.

Il s'était toutefois interdit de prendre la parole avant que Potter ne soit pas reparti dans le château.

Alors, il avait osé indiquer à la vieillarde que lui-même ne faisait qu'exécuter son travail, qu'il était payé pour cela, et qu'aucun remerciement supplémentaire n'était nécessaire ou même souhaité.

« Mon pauvre petit Malfoy… Votre génération a oublié que la politesse est à la fois le ciment et le lubrifiant des relations sociales. »

Il avait fait pire que mieux : Il avait essayé de faire entendre son point de vue à la vieille, et elle avait salué son humilité. Il avait voulu lui faire comprendre que Potter montrait sa reconnaissance chaque jour en lui permettant de conserver son poste, et elle avait loué sa loyauté. Il avait fini par s'agacer et lui dire franchement qu'il n'avait pas besoin d'aide pour gérer ses relations sociales, et elle l'avait encouragé et félicité comme un gamin que l'on acclame pour être parvenu à nouer seul ses lacets.

En outre, la surdité de Madame Johnson les avait tout deux forcés à élever la voix, et à faire profiter l'ensemble des spectateurs présents de leur débat stérile.

Et évidemment, tout le monde s'était rangé du côté de la vieille.

Heureusement, grâce soit rendue en Merlin, encore une fois, il y avait Granger et Weasley. Eux étaient fidèles. Eux avaient continué de soutenir leur ami. Quand Potter s'était confondu en excuses publiques, eux avaient protesté. Si on lui avait dit, un jour, qu'il porterait leur amitié aux nues, il n'y aurait pas cru.

Weasley, en particulier, était absolument parfait. Peut-être son pur Sang de Sorcier le rendait plus clairvoyant que la moyenne. Il était le seul à admettre que Drago recevait déjà un traitement de faveur sidérant en pouvant travailler hors de sa cellule, s'organiser comme il le voulait, se déplacer presque à sa guise, qu'il était un prisonnier, et qu'il était donc normal que Potter tienne à connaître sa position à chaque instant.

Drago s'était surpris à lui sourire sincèrement à chaque fois qu'il défendait son ami. La pureté du Sang ne faisait cependant pas tout, et Weasley restait une espèce de belette stupide : Il s'était mépris sur ses sourires qu'il avait jugé arrogants – ce qui pouvait se comprendre – et Drago avait donc cessé de le regarder.

« Pourquoi tu ne vires pas cette vieille folle de l'île ? » demanda-t-il franchement à Potter quand ils se croisèrent aux toilettes, en fin d'après-midi.

Potter éclata de rire alors qu'il était en train de se laver les mains, éclaboussant partout autour de lui.

« Tu parles de Madame Johnson ?! Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?

– Rien, justement, répliqua Drago en s'adossant à la porte et en croisant les bras. Elle n'a rien fait d'utile jusque maintenant. C'est juste une bouche de plus à nourrir. Une bouche désagréable, qui plus est !

– Tu dis ça à cause de sa remarque de ce matin ? Il va falloir t'y habituer, je provoque rarement des réactions très modérées. Avec moi, c'est tout ou rien : Soit les gens m'adorent, soit ils me détestent. »

Potter se sécha les mains et vint le rejoindre à la porte.

« Et puis, il y a les petits malins dans ton genre qui parviennent à faire les deux en même temps. »

Drago plissa les yeux. Il avait été à deux doigts de répondre qu'il ne le détestait pas, mais il n'était pas négligeant au point d'accorder une pique aussi facile à Potter. De plus, l'éclat attentif dans les prunelles rieuses indiquait assez bien que la remarque avait été préméditée.

« Je ne sais pas comment tu supportes cette bande d'hypocrites, marmonna Drago.

– Je me dis que c'est la rançon du succès, répondit Potter en haussant les épaules. Maintenant, quand tout va bien, j'essaye d'en profiter… Et quand ça ne va pas, et bien j'essaye de trouver un détenu pour taper dessus. Parfois, on fait de bonnes rencontres. »

Drago secoua doucement la tête sans parvenir à sourire réellement.

« Pour en revenir à Madame Johnson, reprit Potter en replaçant une mèche des cheveux de Drago derrière son oreille, je pense que c'est la seule qui serait capable de créer un véritable Patronus Chimérique avec son fiston chéri, si vraiment on a pas le choix. C'est ma solution de dernier recours… »

Drago se souvint de leur toute première partie d'échecs, quand Potter était indubitablement en train de perdre, mais qu'il avait tout de même refusé d'abandonner. Il avait prétendu que rien n'était encore joué, qu'une émeute pouvait survenir pour les forcer à s'arrêter, et que s'ils ne finissaient pas la partie, alors il n'aurait pas perdu son pari.

Potter avait perdu la partie, mais il avait remporté le pari : Drago était finalement resté manger avec lui pour le réveillon.

Faire durer les choses tant qu'aucun meilleur plan n'était envisageable.

Potter était silencieux et pensif depuis quelques secondes, et Drago devina, à son regard fixé sur sa joue, ce qui le tracassait :

« Elles repoussent, confirma-t-il. J'avais peu d'espoir qu'elles disparaissent d'elles-mêmes, de toute façon. Au moins, maintenant, on en a la confirmation. »

Il ne souligna pas que celles qui étaient tombées naturellement n'avaient pas été remplacées. Soit c'était visible, soit ça ne l'était pas. Dans les deux cas, ça ne changeait pas grand-chose.

Potter ne répondit pas immédiatement, et Drago sentit venir un nouveau flot d'excuses inutiles. Il lui coupa l'herbe sous le pied en le taquinant :

« Avoue que ça te fait plaisir.

– Non, bouda Potter. Je les aimais bien, mais elles ne signifient plus du tout la même chose, maintenant… »

Potter était passé de colérique à triste.

C'était largement pire.

Quand Potter hurlait, frappait, utilisait sa voix cruelle pour blesser, alors il agissait, il était fier et effrayant comme un animal sauvage. Beau comme un griffon, comme le disait parfois Narcissa Black Malfoy, à l'époque, après avoir coiffé son fils ou lui avoir faire revêtir un nouveau costume.

Ce défaitisme, cet effacement nouveau de Potter brisait le cœur de Drago.

·

A chaque fois que Drago s'éloignait de son bureau, il retrouvait, en le regagnant, un répugnant cadeau de la Selkie : Des cubes bloblotants de graisse froide et rance qu'il distribuait discrètement aux albatros, des petites molaires jaunies, ou un os long et creux, de la taille de son bras, qui ressemblait à un bâton de pluie légèrement courbé. Le trouvant joli, il le posa en évidence sur son bureau, jusqu'à ce que le Surveillant Shesh qui passait par là ne l'informe qu'il s'agissait d'un oosik, autrement dit d'un os pénien. Drago étudia alors la chose d'un autre œil, effrayé et révulsé, cherchant comment la faire disparaître sans avoir jamais plus à la toucher.

« On dit que ça porte bonheur, ajouta Shesh avec un clin d'œil. Pour avoir des enfants nombreux et en bonne santé. »

L'objet trouva son utilité bien plus tard : Wihelma Welbert vint le voir, et le contraste entre la femme flamboyante et joyeuse qu'elle avait été et cette créature triste et morne faisait peine à voir. Drago lui demanda s'il y avait quoi que ce soit qu'il puisse faire pour elle, et elle répondit, avec un petit sourire forcé :

« En fait, oui, mais je ne sais pas vraiment quoi. On m'a dit qu'il fallait que je vienne et que je te demande de me montrer ton énorme bite. Je ne sais pas trop si c'est à prendre au sens littéral ou pas. Je ne sais pas non plus ce qui me plairait le plus, d'ailleurs. »

Drago, rouge de honte, désigna l'objet et lui répéta ce que Shesh lui en avait dit.

La rouquine éclata alors d'un rire franc en enchainant les plaisanteries obscènes et vulgaires sur la chance supposée qu'avaient les morses femelles dans l'histoire. Plusieurs spectateurs et spectatrices vinrent s'enquérir sur ce qu'il y avait de drôle, et Drago se retrouva de nouveau au centre de l'attention, Welbert trouvant hilarant le fait de le faire rougir de gêne à chaque « blague » potache. La plupart des femmes trouvèrent l'objet fascinant et amusant. La majorité des hommes étaient pour leur part choqués par l'idée d'un os de cette taille à cette endroit-là, voir inquiétés par les risque d'accident en cas d'accouplement trop soudain.

·

Le soir venu, Potter fut surpris de découvrir Drago parfaitement éveillé quand il vint le rejoindre dans son logement.

Le détenu haussa les épaules et insinua : « Je me suis dit que tu préfèrerais peut-être passer la nuit ailleurs.

– Soit plus clair, Drago. Est-ce que tu es en train de me plaquer, de me refuser un câlin, ou bien tu as envie de t'envoyer en l'air ? »

Drago grogna une imprécation, saisit Potter par la main, et le traîna à sa suite dans les couloirs à la recherche d'une pièce un peu moins glauque que les autres. Malheureusement, il savait, pour avoir visité les lieux avec Mullan qu'à moins de trouver les chambres de torture excitantes – ce qui était peut-être le cas de Potter, au vu des remarques salaces qu'il continua de lui infliger – c'était peine perdue.

Ulcéré, il finit par amener le Sorcier dans le monte-charge qu'il n'avait pas emprunté depuis des lustres. Il espérait que les appartements Directoriaux ne seraient pas trop froids et poussiéreux après avoir été abandonnés tout ce temps, mais il n'eut pas l'occasion de s'en assurer : La cabine s'immobilisa entre deux étages, faisant sursauter et s'inquiéter le détenu jusqu'à ce qu'il remarque l'expression moqueuse de Potter.

« Est-ce que tu es en train de me faire le coup de la panne, Potter ?

– J'espérais que tu ne connaisses pas l'astuce. Je pensais que c'était un truc de moldus…

– J'ai lu des romans moldus.

– Putain, oui, merde, on a lu les mêmes, en plus…

– Est-ce qu'on ne pourrait pas repousser toute cette idée de draps de soie et pétales de roses à un moment plus propice, et envisager tout de même de passer aux choses sérieuses ? »

Les salles de torture auraient peut-être été davantage adaptées à ce que Potter lui fit subir alors : Plaqué dans le dos de Drago, il le masturba pendant ce qui sembla des heures au prisonnier, en lui demandant d'expliciter ses propos, stoppant son mouvement à chaque fois que la jouissance menaçait de le submerger.

Nu et à quatre pattes sur le sol de la cabine, Drago gémissait et suppliait, mais refusait pour une fois d'accorder à Potter ce qu'il exigeait et de prononcer les mots qu'il voulait entendre. Le sexe inflexible et moite de Potter coulissait contre ses fesses, le rendant aussi humide que s'il avait été enduit de lubrifiant, et à son oreille, sa bouche articulait de cette voix grave et irrésistible :

« Alors comme ça, tu ne veux pas que je te fasse l'amour tendrement comme je l'ai prévu ? Très bien, dis-moi ce que tu veux, Drago… Dis-moi comment tu imagines les choses. Tu veux qu'on le fasse ici ? Tu veux qu'on le fasse dans cette position ? Dis-moi ce qui te fait fantasmer la nuit, Drago… »

Ce fut seulement quand Drago commença à l'insulter copieusement que Potter consentit enfin à le laisser éjaculer.

Le prisonnier se laissa alors tomber au sol, éreinté, presque sanglotant d'apaisement, et Potter lui baisa tendrement le dos avant de le caresser comme un gros chat.

Il fallut plusieurs minutes de calme à Drago pour réaliser qu'il aurait pu utiliser sa baguette pour faire redémarrer la cabine ou pour faire apparaitre un lit confortable dans n'importe laquelle des pièces par lesquelles ils étaient passés.

Il aurait aussi pu utiliser sa propre main pour se masturber.

Décidément, il devenait bel et bien stupide quand ses yeux croisaient ceux du Survivant.