Chapitre posté le 21 septembre 2014

Disclaimer : Kingdom Hearts ne m'appartient pas, mais à Square Enix et Disney.

L'image de couverture, provenant de la fin de Kingdom Hearts 2, appartient donc également à Square Enix et Disney.

Je n'ai joué parmi les jeux Kingdom Hearts qu'à KH HD 1,5 Remix, donc, même si j'ai vu des vidéos sur les autres jeux et me suis renseignée sur eux, il reste peut-être des incohérences.

Bonne lecture !


Chapitre 2 : Que notre peine s'envole

En dépit de tous ses efforts, Kairi ne parvint pas à retrouver le sommeil, encore agitée suite à son cauchemar et à son réveil brutal. Quand les premières lueurs de l'aube percèrent le tissu de ses rideaux, elle décida qu'elle en avait assez, et se leva d'un bond, en maudissant mentalement son insomnie. Depuis qu'elle était tirée du lit au beau milieu de presque chaque nuit, la fatigue se faisait de plus en plus ressentir. De grosses cernes violacées avaient pris place sous ses yeux, et elle se surprenait régulièrement à somnoler en classe. La jeune fille faisait pourtant de son mieux pour accomplir son travail scolaire, mais ses résultats évoluaient inexorablement à la baisse. Comme si cela ne suffisait pas, elle avait commencé inconsciemment à éviter ses amis, à se défiler à leurs invitations, par manque de repos principalement, ajouté au désintérêt : après l'aventure qu'elle avait connu, après tout ce qu'elle avait vu, et surtout avec le mystère de ses cauchemars qui l'obnubilait de plus en plus, les discussions d'adolescents et les préoccupations futiles des gens de son âge ne l'intéressaient plus. D'ordinaire, elle se serait contrainte à rester sociable, à rencontrer ses amis pour leur faire plaisir, mais la fatigue aidant, la volonté lui faisait désormais défaut.

C'est pour cette raison, songeait-elle en tirant la porte de la penderie, que certaines de ses connaissances avaient à leur tour commencé à l'éviter ou plutôt, on ne lui parlait pas autant qu'avant, on ne lui proposait plus de sorties en mer ou dans les rues de la ville qu'occasionnellement et on ne recherchait plus vraiment sa compagnie. Elle avait remarqué tout cela aisément, mais ne s'en était pas formalisée: en fait, elle n'en avait cure. De toute manière, aux babillages de ses copines sur la mode ou les garçons, elle avait toujours préféré les excursions dans la jungle mystérieuse de l'île, avec Riku et …

Kairi sursauta quand trois coups sourds furent frappés contre la porte. Son père.

« Kairi ? Tu es levée ? »

Bien sûr qu'elle l'était.

« Ouii papa. J'arrive, j'arrive. »

Néanmoins, elle ne fit pas un geste pour enfiler son uniforme, écoutant d'un air absent les pas de son père s'estomper dans le couloir. Avait-elle vraiment envie de sortir ? D'aller à l'école, comme une gentille fille, une ado normale ? Peut-être pas. D'abord, elle voulait dormir. Ensuite, elle voulait se débarrasser de ses cauchemars. Enfin, elle voulait retrouver ce qu'il lui manquait, les souvenirs qui semblaient avoir disparus, bien que la peur d'être victime de son imagination la taraudait. Et puis, aussi, elle voulait repartir... Loin d'ici, voir les mondes, elle y avait goûté, et cela lui prendrait sans doute des années avant qu'elle n'oublie sa soif d'aventure. Peut-être jamais ne s'en débarrasserait-elle.


Dix minutes plus tard, propre et revêtue de son uniforme d'écolière, Kairi descendit rejoindre ses parents, attablés dans la salle à manger. Ils lui sourirent en l'apercevant. La jeune fille leur rendit leur sourire et s'installa à côté de sa mère, qui l'observait d'un air soucieux par-dessus son bol de thé.

« Tu as bien dormi, ma chérie ? » s'enquit-elle.

Kairi hocha la tête sans grande conviction, sachant immédiatement d'après le pli soucieux qui barrait le front de ses parents qu'ils ne la croyaient pas. Ils l'entendaient presque chaque nuit se précipiter à la salle de bain, ils apercevaient la lumière sous la porte de sa chambre quand ils se rendaient aux toilettes, et savaient pour son insomnie, bien qu'elle ne leur en ait rien conté. Elle n'avait pas osé leur parler de ses cauchemars, tout comme elle n'avait jamais mentionné devant eux, ou devant n'importe qui d'autre, la catastrophe survenue des mois plus tôt, et son aventure dans les mondes. Elle se savait être la seule à s'en souvenir. En parler n'apporterait rien de bon pour elle, ou pour quiconque.

Elle laissa échapper un soupir imperceptible, et se pencha pour se couper quelques tranches du pain, écoutant d'une oreille distraite la conversation de ses parents. Ou plutôt de ses parents adoptifs, mais elle les avait toujours considérés comme ses vrais parents, n'ayant aucun souvenir des siens.

Alors qu'elle s'appliquait à étaler du beurre sur son pain sans réduire ses tranches en miettes, elle se figea quand un nom perça dans la discussion de ses parents. Riku. Elle suspendit son mouvement, prêtant désormais une oreille attentive.

« … toujours rien, disait son père. Sa mère a insisté pour que les expéditions se poursuivent tant qu'il ne sera pas retrouvé, mais... -il soupira- la police n'a aucune trace, et je ne pourrais rien faire si le chef décide d'interrompre les recherches, la date limite est largement dépassée... »

Évidemment. Riku n'avait pas été effacé des mémoires, mais porté disparu depuis des mois. Ses parents avaient lancé de grandes expéditions en mer et dans la jungle de l'île pour tenter de le retrouver, mais bien entendu, ces recherches étaient restées vaines. Pour la police, il avait été emporté par la tempête, et l'affaire devait être classée. Mais ses parents refusaient d'accepter cette « vérité ». Persuadés que leur fils était encore en vie, bien que leur espoir s'était depuis longtemps éteint, ils avaient refusé d'organiser ses obsèques et étaient allés trouver le maire, le père de Kairi, pour obtenir que les recherches continuent. Son père avait accepté avec réticence, et Kairi le soupçonnait d'avoir fait cela pour elle, sachant que Riku était son seul meilleur ami.

Kairi poursuivit l'étalement de son beurre d'un air absent. Elle, elle savait. Elle savait que Riku n'était pas mort, qu'il reviendra un jour, et elle aurait tant voulu le dire ! Surtout à la famille de Riku : quand elle voyait les visages en larmes de ses parents, elle brûlait de leur révéler la vérité pour les rasséréner, et se retrouvait mortifiée, culpabilisant de ne pouvoir le faire. Mais elle ne pouvait pas. La croiraient-ils seulement ? Rien n'était moins sûr.

Elle mordit dans sa tartine, mais sa bouche était sèche et une boule dans sa gorge l'empêchait de déglutir. Quand Riku était mentionné, les gens se montraient soudain délicats avec elle, attentionnés, comme ses parents qui discutaient à présent à voix basse, en lui jetant des regards en coin, effrayés de manquer de tact à son égard. Elle était connue pour avoir été sa meilleure amie – certains prétendaient même qu'ils sortaient ensemble – et tous étaient persuadés que, même si elle ne le montrait pas, elle souffrait énormément de sa disparition et de sa mort. Elle n'avait rien fait pour les détromper, mais, sachant pertinemment que Riku était en vie, elle ne ressentait pas de tristesse à son égard. Elle s'inquiétait seulement pour lui, et espérait qu'il rentre vite, bien sûr.

Kairi avait découvert que ses parents avaient mis son insomnie et sa nouvelle indifférence sur le compte de la mort de son meilleur ami. De même, ses amis ne s'offusquaient pas du fait qu'elle se montre de plus en plus distante, considérant qu'il s'agissait du choc de la perte d'un être cher. Beaucoup lui avaient présenté leur condoléances, et parfois, on lui faisait de petits cadeaux : elle retrouvait des fleurs ou des gâteaux sur le pas de la porte, les commerçants lui faisait des réductions sans même l'en avertir, le barman lui offrait des thés gratuits... Elle ne les détrompait pas, sachant qu'il serait mal vu et étrange de révéler ne rien ressentir quant à la soi-disant mort de son meilleur ami. Contrainte d'accepter toutes ces marques de pitié et de sympathie, elle en ressentait une certaine culpabilité, tout cela lui laissant l'amère sensation de tromper les autres, de leur mentir... S'ils savaient la vérité...

Kairi poursuivit son petit-déjeuner en faisant mine de ne pas entendre les messes basses de ses parents, mais sa gorge se nouait de plus en plus. Elle ne put plus jouer la comédie quand son père s'adressa subitement à elle.

« Kairi, écoute... »

Il semblait terriblement gêné. Kairi reposa sa tartine, s'attendant au pire.

« J'aimerais te dire que... Ne le prends pas mal, hein... Je sais que tu souffres beaucoup de la … disparition de ton ami, mais... »

Elle garda un regard impassible, vaguement ennuyée, mais une terrible envie de rire, alimentée par sa fatigue et sa nervosité, la prit soudainement, fou rire qu'elle réprima en songeant à la tête de ses parents si elle éclatait de rire dans un tel contexte.

Son père baissa les yeux, l'air honteux, certain que ses mots allaient la blesser.

« Les recherches vont stopper. »

Silence. Kairi fit de son mieux pour ne pas paraître soulagée. Vu ton de son père, elle s'était attendue à quelque chose de pire.

« Ne le prends pas mal, surtout ! Je veux dire, la date limite des recherches est dépassée, rien n'ayant été découvert, le chef de la police a décidé d'interrompre les expéditions, et je ne peux rien y faire ! Je suis sincèrement désolé, Kairi. »

Son père parlait vite, comme s'il tentait absolument de s'expliquer, de se faire pardonner, quand bien même il n'était responsable d'aucune faute. Kairi baissa les yeux, honteuse. Toute cette affaire faisait du mal à tant de gens... Son père pensait lui annoncer des nouvelles blessantes et en était désolé, alors qu'elles l'indifféraient en réalité. Elle réprima l'envie de s'excuser.

Ses parents observèrent un silence inconfortable, seulement entrecoupé par des bruits de mastication, tandis que Kairi gardait la tête baissée, rendue fortement mal à l'aise par la situation. Elle se concentra sur la tâche difficile d'avaler ses tartines malgré la boule obstruant sa gorge. Les minutes défilèrent dans le calme, mais alors qu'elle se servait du thé, sa mère reprit la parole.

« Kairi... Ton père et moi avons parlé et... - elle lança un regard nerveux à son mari qui lui adressa un signe de tête encourageant - … nous savons que tu ne vas pas bien, que tu as perdu un ami cher, mais … nous ne savons pas comment t'aider, tu refuses de nous parler... »

Sa mère semblait à son tour terriblement embarrassée. Depuis des mois, elle ne cessait de demander à la jeune fille si elle avait besoin de parler, et Kairi lui répondait invariablement qu'elle n'en avait aucune envie c'était faux, et c'était justement cela le problème. Elle avait tant envie de parler, de leur raconter toute la vérité, sur elle, sur Riku, sur ce garçon dont elle ignorait le nom... Mais elle ne le pouvait pas. Personne ne la croirait et on la jugerait folle. Elle perdrait le soutien qu'il lui restait. Elle était condamnée à garder la vérité en elle, dans son cœur, aussi douloureux que ce soit. Même si elle se sentait peu à peu étouffer, ici, enfermée avec ce qu'elle savait dans cette île minuscule ou personne ne pourrait l'aider.

« Kairi... Nous pensons qu'il serait bien pour toi de te confier à quelqu'un... de révéler ce que tu as sur le cœur... Est-ce que tu connais Mlle Rosa ? »

La casserole de thé heurta son bol avec un bruit cinglant quand elle manqua lui échapper des mains.

Bien sûr qu'elle connaissait Mlle Rosa. C'était une jeune femme très gentille. C'était aussi la psychologue du village.

« Vous voulez m'emmener voir une psy ? » demanda-t-elle, articulant avec difficulté.

Ses parents échangèrent un regard inquiet.

« Nous pensons que c'est le mieux pour toi, Kairi, commença son père avec prudence. Tu as perdu un ami cher, tu as des choses à évacuer, cela se comprend... tu ne peux pas garder pour toi...

-Je n'ai pas besoin d'une psy ! » s'écria-t-elle d'un ton perçant, sentant les larmes lui monter aux yeux.

Sans qu'elle sache pourquoi, elle voyait en une telle décision un manque de confiance de la part de ses parents. Il n'en était rien, elle savait qu'ils ne faisaient cela que pour son bien, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'en sentir blessée.

« Tu en es sûre ? On sait que tu souffres, Kairi... Tu n'es plus la même, tu ne ris plus, tu nous souris à peine... Tu crois qu'on ignore que tu t'éloignes de tes amis ? Et de nous ? Que tu ne dors même plus la nuit ?

-Ça n'a rien à voir avec Riku ! » s'écria-t-elle avant d'avoir pu s'en empêcher.

Ses parents échangèrent un regard sombre, tandis que son regard passait de l'un à l'autre. Sa mère reprit prudemment la parole, les yeux fixés sur son bol de thé.

« Kairi... Nous avons parlé avec la mère de Riku et... tu n'as jamais dit un mot sur sa … disparition... Nous nous demandions... si tu ne serais pas au courant de quelque chose...

-Quelque chose dont tu ne voudrais pas parler, se hâta d'ajouter son père. Les … circonstances de sa disparition... »

Elle écarquilla les yeux.

« Vous me soupçonnez ? »

Elle savait pertinemment qu'il n'en était rien. Jamais personne ne pourrait la croire coupable d'une telle chose. Cela ne viendrait à l'esprit de personne, tout simplement. Ses parents voulaient seulement savoir si elle était au courant de ce qu'il était arrivé à Riku. Bien sûr qu'elle l'était.

« Non ! s'écria sa mère, choquée. Ce n'est pas ce que nous voulions dire ! »

Kairi secoua la tête, se leva d'un bond. Délaissant son bol de thé inentamé, elle se saisit de son sac.

« J'ai besoin de prendre l'air. A plus tard. »

Elle traversa la pièce sous le regard interloqué de ses parents, et se rua hors de la maison.


Kairi s'éloigna de la majestueuse maison du maire, et fit quelques pas le long de la large avenue bordée des grandes demeures où résidaient principalement les riches de la ville. Il était encore tôt, le soleil était à peine levé. Le silence de la rue déserte n'était troublé que par le bruissement des feuillages dans la brise fraîche du matin et le chant de quelques oiseaux solitaires. Elle fit une halte, fermant les yeux. C'était si agréable... Elle se sentait si bien, seule enfin, loin des autres qui ne pouvaient comprendre ce qu'elle ressentait. Une pointe de culpabilité s'immisça néanmoins dans son cœur : elle n'aurait pas dû s'énerver après ses parents, mais la fatigue avait eu raison d'elle.

Elle se mit en marche sans se presser vers le lycée : il était encore tôt, elle était en avance. Les yeux fixés sur la mer qu'elle pouvait apercevoir à l'horizon, Kairi se promit de chercher un moyen de remédier à sa situation. Prendre rendez-vous auprès de Rosa n'aurait aucune utilité, puisqu'elle ne pouvait rien lui révéler, mais elle songea à aller consulter Ifalna, la guérisseuse du village : très talentueuse, elle devait sans doute avoir des remèdes contre l'insomnie et les cauchemars. Débarrassée de sa fatigue, la jeune fille serait plus à même de réfléchir. Elle serait plus cordiale avec les autres pour commencer. Et ensuite, elle pourrait s'occuper de l'énigme du mystérieux garçon.

Sa motivation retrouvée, Kairi s'engagea dans les rues du village, longeant les maisons endormies sous l'aube. Elle ralentit en passant devant l'une d'entre elles, une demeure aux murs blancs et aux volets encore clos. La maison de Riku.

« Riku, songea-t-elle, reviens vite. Toi seul peut m'aider. »

Elle aimerait tant le revoir... Pour lui confirmer que tout cela n'était pas qu'un rêve... Et il était l'unique personne au monde à qui elle puisse se confier.

Peut-être Riku était-il au courant de quelque chose concernant ses cauchemars...

« Kairi ! Attends-moi ! »

Elle se retourna à l'appel. Selphie courait vers elle, son sac et sa veste dans une main, une brosse à cheveux dans l'autre. Elle s'arrêta pour lui permettre de la rejoindre et lui offrit le sourire le plus avenant qu'elle put réussir.

« Salut, Selphie.

-Salut ! s'écria joyeusement Selphie. Tu es matinale, dis-moi ! J'étais en train de me préparer quand je t'ai vue par la fenêtre : du coup, j'ai pas eu le temps de me coiffer. »

Kairi l'observa en silence enfiler sa veste et passer la lanière de son sac autour de ses épaules, puis elles reprirent leur route.

« Alors, commença Selphie en se brossant les cheveux, bien dormi ? »

Kairi hocha vaguement la tête, mais elle surprit son amie sourciller en apercevant ses cernes. Un silence inconfortable s'installa. Il fallait dire que les relations entre les deux filles s'étaient refroidies depuis que Kairi prenait de la distance avec les autres. Cependant, elle venait toujours lui parler quand elle en avait l'occasion, peut-être plus par habitude qu'autre chose.

Selphie soupira.

« Tu as encore fait ce cauchemar ? »

Elle était la seule personne à qui Kairi avait mentionné ses rêves, mais Selphie non plus ne connaissait pas l'identité du mystérieux garçon.

« Oui, espérons que ça va me passer, j'aimerais bien retrouver le sommeil. »

Elle s'était efforcée d'adopter un ton léger pour détendre l'atmosphère mais le résultat ne devait pas être convainquant, du moins en jugea-t-elle ainsi en voyant Selphie se rembrunir.

Elle passa sous silence la colère du garçon dans son cauchemar et continua d'un ton optimiste.

« Je passerai voir Ifalna après les cours. Elle a sans doute un truc contre l'insomnie pour moi. »

Les deux filles poursuivirent leur route en silence.

« En parlant d'Ifalna, dit soudain Selphie, je l'ai croisée au marché samedi. Je lui ai parlé de ton problème – ne t'en fais pas, je n'ai pas mentionné ton nom, ajouta-t-elle en voyant Kairi lui jeter un regard atterré. Elle a quelques théories.

-Qu'a-t-elle dit ? demanda Kairi, les yeux fixés sur la route.

-Elle pense que tu souffres peut-être des séquelles d'une vie antérieure. »

Kairi lui lança un regard curieux entre ses mèches rousses.

« Une vie antérieure ?

-Bah en clair, tu aurais connu ce garçon dans une vie antérieure et quelque chose se serait produit ou je ne sais quoi, et maintenant, ça te retombe dessus, dans cette vie. J'en sais rien, moi, j'y connais rien ! T'auras qu'à lui poser la question quand tu la verras.

-Oui... oui, je lui demanderai... »

Une vie antérieure ? Pourquoi pas après tout. Cela expliquerait que personne ne connaisse ce garçon, qu'elle n'ait aucun souvenir de lui, seulement l'ombre d'une sensation de reconnaissance. Peut-être était-ce cela. Peut-être pas. Serait-ce mieux de savoir que tout cela n'était que le fruit d'une ancienne vie ? D'un côté, oui : elle serait sûre de ne pas être folle, ou amnésique. D'un autre... comment parviendrait-elle à régler la situation ? Ce n'était pas comme si elle se souvenait de ses vies antérieures.

« Et à part ça ? Tu t'es décidée pour samedi ? »

Kairi lui jeta un coup d'œil interrogateur. Samedi ? Son amie roula des yeux.

« Samedi ! insista-t-elle. C'est l'équinoxe ! La Fête du Printemps ! »

Ah oui, elle s'en souvenait à présent. L'Île du Destin comptait quatre fêtes principales, se déroulant lors des équinoxes et solstices, et la Fête du Printemps, qui, comme son nom l'indiquait, avait lieu lors de l'équinoxe de printemps, rendait hommage à la fin de l'hiver, et au renouveau de la nature. A cette occasion, la ville se parait de guirlandes bariolées, et un grand carnaval était organisé, du matin jusqu'à tard dans la nuit. Nostalgique, Kairi se souvint des années précédentes, courant dans la foule costumée, revêtue d'un déguisement de sorcière, avec Riku et …

« Kairi ? Je te parle. »

Elle revint brusquement à la réalité. Selphie semblait un peu agacée de son absence.

« Tu vas y participer, alors ? »

Les autres années, on n'aurait même pas eu besoin de le lui demander, mais là... elle ne se sentait pas vraiment d'humeur. Mais elle ne tenait pas à décevoir Selphie. Elle se força à sourire et articula un « oui » presque inaudible. Toutefois, loin de paraître satisfaite, Selphie soupira.

« Écoute Kairi... je sais que c'est dur pour toi... tes cauchemars et la ... »

Elle se tut brusquement, étouffant les mots « la mort de Riku ».

« Je comprendrais que tu refuses de participer. Ne te force pas surtout. »

Kairi lui adressa un pâle sourire.

« Je viendrais. »

Peut-être la fête révérant la fin de la tristesse de l'hiver serait-elle plus à même de mettre fin à ses peines.


Le crayon marqua un arrêt. Elle s'était figée, le dessin à moitié terminé reposant devant elle. Une vague de tristesse qui ne lui appartenait pas l'envahit, bientôt remplacée par le remords et sa propre peine.

« Je suis désolée, Kairi. »