Chapitre publié le 20 mai 2017
Chapitre 13 : Le Comité de restauration de la Forteresse Oubliée
Le lendemain, la journée se déroula sans encombre. Roxas vint l'attendre devant la porte de sa chambre, ce dont elle lui sut gré car elle s'était à nouveau réveillée en retard : impossible de connaître l'heure dans ce monde au ciel éternellement noir ! Elle se vit assigner une mission avec lui, encore une fois au Château de la Bête, mais ils ne pénétrèrent pas à l'intérieur, se contentant de chasser les Sans-cœur dans les bois environnants. Roxas se montra très attentionné, conscient de ses difficultés, peut-être même trop attentionné (il ne cessait de lui demander comment elle se sentait et Kairi en aurait rougi d'embarras si elle n'était pas aussi préoccupée par les dangers potentiels qu'ils couraient dans cette forêt infestée de monstres), mais elle s'en sentait reconnaissante : ce n'était que la seconde fois qu'elle chassait des Sans-cœur, après tout, et ceux qu'ils croisèrent étaient beaucoup plus dangereux et intimidants que les Ombres de la veille. Kairi resta prudemment en arrière, laissant son camarade se charger des monstres les plus dangereux, ce à quoi il n'eut aucune difficulté. Il ne leur fut pas facile de remplir leur quota mais Saïx avait dû se sentir clément ce jour-là car ils s'étaient vus attribuer un quota relativement peu élevé.
Kairi fut cependant soulagée quand ils purent quitter les bois obscurs résonnant de craquements sinistres pour retrouver la lumière douce et avenante de la ville crépusculaire où il semblait que Roxas et Axel aimaient se rendre après leurs missions, et qu'elle avait entendu Roxas appeler la Cité du Crépuscule.
Ils ne montèrent pas au sommet de l'horloge mais décidèrent d'attendre Axel en bas de la gare, car ils avaient en effet convenu de se rendre à la Forteresse Oubliée ce jour-là.
Kairi s'accouda à la balustrade qui délimitait la grande place déserte devant la gare, et plongea son regard sur la cité aux toits multicolores qui s'étendait en contrebas, d'où montaient divers sons qui lui étaient familiers : des citadins qui s'interpellaient, les cris des enfants qui couraient dans les ruelles, le bruit d'un chariot qu'on poussait sur les pavés... Elle avait l'impression de se retrouver dans le centre-ville des Îles du Destin, bien que l'atmosphère soit plus urbaine. C'était plutôt réconfortant.
Elle eut une pensée pour les habitants des Îles. Comment allaient-ils ? Selphie était-elle déçue qu'elle ait manqué à sa promesse et ne se soit pas rendue à la fête ? Xion avait-elle réussi à s'adapter ? Comment avait-elle réagi face à ce qui lui était arrivé ? Avait-elle décidé de jouer le jeu et de prendre le rôle de Kairi pour dissimuler sa disparition ? Kairi fut envahie par une vague de sympathie pour la pauvre fille, mêlée à une pointe de culpabilité.
Ses pensées dérivèrent vers son compagnon qui se tenait à ses côtés, silencieux, et elle lui jeta un regard en coin. Il avait posé le menton sur la balustrade et était plongé dans la contemplation de la ville. A quoi pensait-il ? se demandait-elle. Cette tranquille cité évoquait-elle également chez lui des souvenirs anciens ?
Elle se sentait à l'aise avec Roxas. Plus le temps passait, plus elle s'habituait à lui et plus elle était persuadée qu'il était celui qu'elle cherchait, ou du moins qu'il avait un lien avec lui. Elle l'avait observé se battre : son attitude face à ses ennemis ravivait en elle des souvenirs flous. Elle y avait réfléchi : il y avait la possibilité qu'il souffre d'amnésie, non ? Et puis, il y avait cette histoire de Simili, de seconde vie... Elle avait un mauvais pressentiment mais ne pouvait demander plus d'explications sans se trahir. Elle s'était néanmoins rendue compte qu'elle avait développé un léger sentiment protecteur à son égard, aussi ironique que cela paraisse : il n'avait pas besoin d'elle après tout, c'était elle qui était vulnérable. Mais elle répugnait de plus en plus à le laisser seul dans cette forteresse froide et vide, avec ces individus qui ne lui inspiraient aucune confiance.
Un Couloir s'ouvrit à quelques pas sur leur droite et Axel en sortit immédiatement en grimaçant. Il avait l'air plutôt mal en point : des traces sales constellaient son visage et une volute de fumée s'échappait d'une large déchirure de la manche droite de son manteau, qui laissait entrevoir une plaie sanguinolente.
« Axel ! »
En un clin d'œil, Roxas s'était précipité vers lui, le visage inquiet.
« Que s'est-il passé ? Tu es blessé !
-Je vais bien, tenta de le rassurer Axel en réprimant une grimace de douleur. Ce satané Sans-cœur était plus doué que ce que je croyais et j'étais à court de potion.
-Tu devrais faire attention, lui reprocha Roxas en lui en tendant une.
-Je sais, je sais... T'inquiète, j'ai pas l'intention de disparaître aussi facilement. »
Kairi, qui les observait sans un mot, se surprit à ressentir une pointe d'envie. Ils s'entendaient si bien... Elle aurait aimé avoir un compagnon d'aventure à qui parler ainsi. Mais ni Riku, ni Sora, n'étaient là.
Axel, qui avait bu d'une traite la fiole de potion et semblait avoir retrouvé son énergie, se tourna vers elle.
« Hé, ça va Xion ? T'as l'air dans la lune.
-Oui, merci », répliqua-t-elle aussitôt, chassant ses pensées mélancoliques.
Axel haussa les sourcils.
« T'es sûre ? Pas la peine d'être aussi formelle tu sais. Bien, continua-t-il en s'étirant. Vous êtes prêts ? On va faire un tour à la Forteresse Oubliée, mais je vous préviens, on va pas pouvoir y rester trop longtemps si on ne veut pas que l'Organisation se doute de quelque chose. »
Il invoqua un second Couloir et ouvrit la marche, les deux autres se hâtant de le suivre.
L'air frais du soir les accueillit dès qu'ils émergèrent des Ténèbres. La première chose que Kairi vit fut le ciel, crépusculaire, mais aux couleurs plus douces que celui de la Cité du Crépuscule. Elle abaissa ensuite le regard et ce qu'elle vit lui coupa le souffle.
Elle se souvenait de la Forteresse Oubliée comme d'un monde en ruine au centre duquel seul subsistait un château aux immenses halls vides et aux couloirs sombres et froids, qui n'était pas sans ressemblance dans son atmosphère avec la citadelle de ce mystérieux groupe. La forteresse était toujours présente mais désormais, une véritable cité aux allures médiévales s'étendait sous ses yeux émerveillés, aux rues pleines de vie, et elle pouvait apercevoir un lac et la silhouette de montagnes par-delà les murailles de la ville. C'était comme un monde complètement différent, tout droit sorti d'un conte de fées.
Kairi s'avança, sous le charme, jusqu'à heurter un muret de pierre. Elle baissa les yeux, revenue sur terre, et remarqua enfin qu'ils étaient apparus au sommet des remparts.
« Ça a vraiment beaucoup changé », murmura-t-elle pour elle-même.
En se retournant vers ses compagnons, elle s'aperçut qu'ils étaient sous l'emprise du même envoûtement qu'elle. Axel avait l'air nostalgique, les yeux perdus dans le lointain. Et Roxas... Roxas observait quelque chose en fronçant les sourcils, comme plongé dans de profondes réflexions. Kairi suivit son regard et comprit que c'était le château qu'il fixait ainsi.
Il lui vint alors à l'esprit que si Roxas était vraiment Sora, peut-être reconnaissait-il ce lieu, celui où il avait combattu Ansem et Maléfique, celui où il avait défié Riku, celui où il l'avait sauvée. Elle observa attentivement le visage de Roxas.
« Xion, tu te souviens où habite la fille que tu dois aller voir ? demanda Axel, sorti de sa contemplation.
-Oh euh... »
Elle n'en avait pas la moindre idée.
L'année précédente, Aeris lui avait dit un jour qu'avant que ce monde ne sombre, elle et ses amis y vivaient, mais elle n'avait jamais précisé où. Mais ce n'était pas cela qui allait décourager Kairi : elle chercherait la ville entière s'il le fallait. Sans attendre davantage, elle tourna les talons et se dirigea vers l'escalier voisin.
Axel, de son côté, observait Roxas d'un air un peu inquiet.
« … Hé, ça va ? Tu rêves ? »
Brusquement ramené sur terre, ce dernier cligna des yeux et secoua la tête, s'arrachant à ses pensées.
« … Désolé. C'est étrange, j'ai l'impression d'avoir déjà vu cet endroit. Est-ce que tu penses que je le connaissais quand j'étais humain ? »
Il avait posé cette question de manière complètement innocente, comme s'il se parlait à lui-même, mais Axel se tendit.
« Je n'en ai aucune idée, répondit-il d'une voix qu'il voulait détachée. Mais on n'est pas venu pour ça. On doit chercher... Hé, où est Xion ? »
Ils se retournèrent et regardèrent autour d'eux, en vain. Ils étaient seuls au sommet du rempart.
Kairi vagabondait dans les rues de la ville d'un pas rapide, observant les environs avec curiosité. Elle se sentait un peu gênée de les avoir laissés derrière mais elle ne tenait pas à ce qu'ils la suivent chez ses amis et découvrent sa véritable identité. Elle espérait seulement qu'ils ne quitteraient pas ce monde sans elle.
Elle remontait une rue très animée : les passants allaient et venaient autour d'elle sans lui prêter attention, les vendeurs dans les petites échoppes le long de la route hélaient les promeneurs dans l'espoir de vendre leurs derniers produits de la journée, et, du haut de leurs échafaudages, des ouvriers se criaient des ordres. Les échafaudages étaient partout : il était évident que la ville était en pleine reconstruction, et elle était impressionnée par le travail qui avait déjà été accompli depuis l'été dernier. Les habitants semblaient avoir repris une vie normale comme si rien ne s'était jamais passé, comme si la ville n'avait jamais sombré. Pourtant, la cité conservait encore des traces des Ténèbres : l'entrée de certaines ruelles étaient barrées d'une corde ou d'une barrière de bois, accompagnée d'un panneau avertissant de la présence de Sans-cœur dans la zone. Les vendeurs de potion et d'éther étaient partout aussi.
Kairi ne savait pas où elle allait, mais elle prit plaisir à regarder tout autour d'elle, se rassasiant de chaque détail. La ville témoignait d'une beauté passée qui ne demandait plus qu'à resurgir : les parterres de fleurs longeaient les trottoirs, et les fontaines, dont la plupart étaient encore en ruine, étaient omniprésentes. Une ville propre, d'eau et de lumière. Elle aimait cela. Et puis, il y avait cet étrange sentiment de familiarité qui ne la quittait plus depuis tout à l'heure. C'était comme si elle connaissait cette ville, comme si ces ruelles ne lui étaient pas inconnues, comme si elle avait déjà arpenté ces rues et ces places...
La jeune fille déboucha sur une petite place où s'ouvraient plusieurs échoppes devant lesquelles allaient et venaient les habitants qui faisaient leurs dernières emplettes avant le soir. Une bonne odeur de viande grillée s'élevait d'une fenêtre ouverte et son estomac vide gronda, mais elle se contint, et se dirigea vers le commerçant le plus proche, un vendeur de boucliers bon marché, censés assurer une protection contre les Sans-cœur les plus faibles.
« Bonjour ! » dit-elle avec un grand sourire.
Le commerçant la dévisagea, d'abord soupçonneux à la vue de sa tenue insolite, mais il se détendit vite devant son sourire éclatant.
« Bonjour ! Vous cherchez quelque chose pour vous défendre ? J'ai ce qu'il vous faut ici...
-Ah, je suis désolée, précisa-t-elle avec une grimace d'excuse. En fait, je viens tout juste d'arriver en ville et je cherche quelqu'un. Je me demandais si vous pourriez me renseigner.
-Bien sûr, jeune fille ! Je peux faire de mon mieux, du moins.
-Euh voilà. Je cherche une fille qui se prénomme Aeris. »
Elle réalisait seulement maintenant le peu d'informations qu'elle pouvait offrir. Elle ne connaissait même pas son nom de famille !
Mais la chance était de son côté et le visage du vendeur s'éclaira :
« Aeris ? Aeris Gainsborough ? Du Comité de restauration ? Bien sûr, tout le monde la connaît ! Elle vient souvent vendre des fleurs par ici quand elle n'est pas occupée au Comité... Rendez-vous simplement au quartier général du Comité de restauration, vous l'y trouverez sans aucun doute. C'est dans les faubourgs : retournez sur vos pas et prenez à droite à la grande avenue qui coupe la rue. Vous aurez juste à suivre les panneaux ensuite. »
Le chemin en tête, Kairi remercia le commerçant et tourna les talons. Elle n'avait pas escompté un tel succès.
Trouver la maison du Comité de restauration fut chose aisée : dès qu'elle s'engagea dans l'avenue centrale menant aux faubourgs, moins animés, elle remarqua aussitôt les panneaux fabriqués à la hâte qui indiquaient toutes sortes de lieux, du Comité de restauration à la bibliothèque du quartier, et elle suivit la direction indiquée. Mais les faubourgs étaient aussi moins sûrs et quelle ne fut pas sa surprise quand, se retournant en entendant des cris derrière elle, elle vit une Ombre se précipiter dans la foule, toutes griffes dehors, entre les jambes des passants. Et elle n'avait même pas d'arme pour se défendre ! Elle fut encore plus surprise quand un homme bondit sur le monstre qui menaçait un promeneur et lui asséna un violent coup de bâton, le tuant sur le coup. Le monstre n'avait pas fini de se désintégrer que la foule se calma et que tous reprirent leurs activités comme si de rien n'était.
« Ce genre de chose doit arriver régulièrement, si tout le monde trouve ça normal », murmura-t-elle.
Elle était tout de même heureuse de constater que les habitants ne se laissaient pas dominer par leur peur et poursuivaient leur vie, avec ou sans Sans-cœur.
Les panneaux la menèrent jusqu'à une petite place, non loin des remparts, au fond d'une ruelle. Les alentours étaient déserts et Kairi fut soulagée de ne pas faire de mauvaise rencontre. Elle s'arrêta devant la porte d'une modeste habitation, en tous points semblable aux autres qui cernaient la place. Elle n'aurait pas songé qu'il s'agissait de sa destination sans le panneau cloué à la porte où on pouvait lire « Comité de restauration de la Forteresse Oubliée ». Sans attendre davantage, elle frappa trois coups, et patienta, le cœur battant.
Elle n'eut pas à attendre longtemps : la porte s'ouvrit quelques secondes plus tard sur le visage enjoué d'une jeune fille de son âge aux cheveux noirs, qui la dévisagea de haut en bas sans la moindre gêne.
« Bonjour ! Le Comité de restauration, c'est bien ici ! Que peut-on faire pour vous... Hé, je te connais, non ? »
La fille se gratta le menton, l'air songeur.
« Yuffie ? Qui est là ? » demanda quelqu'un à l'intérieur.
Yuffie pirouetta sur elle-même.
« Une fille !
-Heu, excusez-moi... commença Kairi, mais elle fut coupée par le jeune homme brun qui vint rejoindre Yuffie à la porte, l'air agacé.
-On ne peut pas te demander de te charger d'accueillir les gens, hein... Qu'est-ce que vous voulez ? » demanda-t-il, un peu sèchement, à l'adresse de Kairi.
Les mains sur les hanches, Yuffie se tourna vers lui, sarcastique.
« Léon, c'est pas comme ça qu'on accueille les gens non plus ! »
Mais Léon ne l'écoutait plus. Il dévisagea Kairi, les sourcils froncés.
« Tu ne serais pas... »
Kairi leur offrit un large sourire.
« C'est moi, Kairi ! Je suis heureuse de vous revoir !
-Kairi ?! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? fit Léon, intrigué, tandis que Yuffie portait les mains à sa bouche.
-Ah, ça, dit Kairi avec un petit rire en touchant ses cheveux noirs. Je peux vous expliquer...
-Non, je veux dire, qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu étais rentrée dans ton monde ?
-Kairi ? » fit une autre voix.
Une troisième personne vint les rejoindre. Vêtue d'une robe rouge et blanche qui laissait les épaules découvertes, de longs cheveux châtain rassemblés en une tresse, des yeux verts avenants... Tout comme les autres, elle n'avait pas changé et Kairi la reconnut immédiatement.
Cette dernière aussi avait percé à jour sa véritable identité et écarquilla les yeux.
« Kairi ? C'est bien toi ?
-Oui, c'est moi. Bonjour, Aeris ! Ça fait longtemps.
-Oui, c'est vrai... Oh, Kairi, qu'est-il arrivé ? Mais entre, ne reste pas dehors ! Les rues ne sont toujours pas sûres. »
Kairi fut presque tirée à l'intérieur par une Aeris enchantée de sa visite et une Yuffie surexcitée, qui la firent s'asseoir à une table. La jeune fille regarda autour d'elle avec timidité : si l'extérieur n'avait rien d'extraordinaire, il n'en était pas de même pour l'intérieur. Une grande table ronde occupait le centre de la pièce, croulant sous d'énormes dossiers et piles de documents que Yuffie se hâtait de pousser tant bien que mal pour dégager de la place. Toutes sortes de gros ouvrages multicolores s'alignaient sur les étagères d'une bibliothèque poussée contre le mur et Kairi était presque sûre qu'il s'agissait de grimoires de magie. Au fond de la salle, elle avait aperçu un gros ordinateur à l'apparence grossière qui ronronnait en émettant des signaux de lumière à intervalles réguliers. Un placard entrouvert laissait apercevoir toutes sortes d'armes entreposées, et un escalier contre le mur montait à l'étage.
Aeris s'assit à côté d'elle.
« Est-ce que tu veux manger quelque chose ou boire quelque chose ? On a du thé, et je crois qu'il reste un bout de cake... »
Kairi avait faim mais elle déclina poliment.
« Alors, qu'est-ce qui t'amène ici ? demanda Léon qui s'était adossé à la porte.
-J'aime bien ta nouvelle couleur de cheveux, dit Aeris. Ça va bien avec tes yeux, je pense.
-...Merci, répondit Kairi avec un sourire gêné.
-Alors, comment vas-tu ? Et ton monde ?
-Tout va bien, l'assura-t-elle. La vie a repris son cours. Les gens ne se sont même pas rendus compte que le monde avait été détruit.
-C'est pareil ici, sourit Aeris. Même si, comme tu as pu le voir je suppose, il reste encore du travail à faire.
-Et c'est notre rôle ! s'écria Yuffie par-dessus une pile de documents qui penchait dangereusement sur le côté. Le rôle du Comité de restauration !
-Qu'est-ce que c'est que ce Comité ? » demanda Kairi, intriguée.
Léon lui répondit :
« On l'a fondé il y a quelques mois, quand les gens sont revenus vivre ici. On coordonne la reconstruction de la cité et sa défense. Comme tu as sans doute pu le voir, les Sans-cœur n'ont pas tardé à revenir, et les habitants ne savent pas toujours se défendre. Il y a déjà eu quelques pertes. »
Aeris se tourna vers elle.
« Kairi, est-ce que tu connais la raison de leur réapparition ? »
Elle secoua la tête.
« Navrée, mais je n'en ai pas la moindre idée.
-Ce n'est pas le seul problème, continua Léon. Il y a ces étranges créatures argentées qui sont apparues en même temps que les Sans-cœur. Je n'en avais jamais vues jusqu'à présent.
-Des créatures argentées ?
-On ne sait pas trop ce qu'elles veulent. Elles n'ont pas l'air très agressives. Souvent, elles se contentent de vagabonder dans la ville. »
Kairi songea à la créature blanche et filiforme qu'elle avait aperçue dans la citadelle, mais Yuffie changea de sujet.
« Alors, pourquoi tu es venue nous voir ? On te manquait ?
-Je cherche un ami...
-Oh, c'est Riku, n'est-ce pas ! la coupa Yuffie. Vous ne l'avez toujours pas retrouvé ? »
Kairi sentit son cœur se serrer. Elle avait complètement oublié Riku.
« Non, avoua-t-elle. En fait, je cherche aussi un autre ami. Est-ce que... vous avez vu Sora ? »
Elle ne s'était pas attendue à une réponse positive, mais elle ne put s'empêcher de se sentir déçue.
« Sora ? répondit Yuffie en inclinant la tête. Connais pas. Je devrais ?
-Je ne me souviens pas avoir rencontré quelqu'un portant ce nom, dit Aeris avec un sourire d'excuse.
-Moi non plus. Désolé, Kairi », ajouta Léon.
Kairi hésita une fraction de seconde puis sourit.
« Ce n'est pas grave, dit-elle. Je vais vous expliquer. »
Et elle leur raconta tout.
Elle leur raconta qui était Sora, ce qu'elle avait vécu après son retour aux Îles, sa rencontre avec Yeul, et son plan fou, ainsi que ce qui l'avait conduite ici. Cela faisait tellement du bien de pouvoir se confier à des gens de confiance ! Elle se sentait moins seule et plus forte.
Un grand silence suivit ses révélations.
Bouche bée, Yuffie paraissait sous le choc. Aeris, de son côté, avait porté une main à ses lèvres, comme plongée dans une intense réflexion, les yeux dans le vague. Elle entendit Léon soupirer dans son dos.
Le silence s'éternisa et Kairi décida de reprendre la parole.
« Vous ne me croyez pas ? risqua-t-elle d'une voix timide.
-Heu, je veux dire, c'est une histoire plutôt étrange ! répondit Yuffie qui n'avait pas l'air de trop savoir que penser mais ne voulait pas la décevoir.
-Yuffie a raison, murmura Aeris. Mais... j'ai envie de croire Kairi. Le fait que ce Sora existe... Tout a beaucoup plus de sens maintenant.
-Si ce que tu dis est vrai, alors ta stratégie n'était pas très prudente, cingla Léon.
-Je sais, mais... Je n'avais aucun autre moyen de quitter les Îles. Et je ne pouvais plus rester coincée là-bas sans rien faire ! » répliqua Kairi, embarrassée et sur la défensive.
Aeris soupira.
« Que comptes-tu faire maintenant ?
-Je vais rester avec cette organisation jusqu'à ce que je retrouve Sora, lança-t-elle.
-Je vois que tu es déterminée, soupira à nouveau Aeris. Mais je suis d'accord avec Léon : ce n'est pas très prudent.
-Je sais. Mais j'ai pris ma décision. »
Il y eut un instant de silence, puis Léon reprit la parole :
« Cette organisation... Ils portent tous des manteaux noirs ?
Kairi se retourna vers lui.
« Oui. Ils en ont besoin pour voyager entre les mondes.
-Et tu dis qu'ils chassent les Sans-cœur... »
Kairi inclina la tête, intriguée.
« Quelque chose ne va pas ?
-J'ai déjà aperçu des gars en manteau noir, expliqua-t-il, les sourcils froncés. Je n'ai jamais pu les approcher, ils disparaissaient toujours sans laisser de trace. Mais ils me paraissent louches.
-Je suis d'accord, enchaîna Aeris. Kairi, je sais que tu penses que Sora est avec eux, et qu'ils semblent partager le même but que nous, mais... je n'aime pas ça. »
Le souvenir de la veille lui revint en mémoire. Le visage terrifié de la petite fille que Xigbar avait failli tuer pour le plaisir...
« Moi non plus, dit-elle lentement. Mais pour le moment, c'est ma seule piste.
-Si c'est ce que tu souhaites, on ne peut pas t'en empêcher, déclara finalement Aeris avec un sourire calme. Mais sois prudente, d'accord ? Et n'hésite pas à venir nous voir si les choses tournent mal.
-Pas de problème. Merci.
-Tu ne devrais pas les rejoindre, d'ailleurs ? Ils risquent d'avoir des soupçons si tu tardes trop, lança Léon.
-En fait, j'avais besoin de vous demander quelque chose d'autre. »
Kairi leur expliqua le problème qui l'incommodait gravement.
« … Tant que je ne peux pas utiliser la magie, je suis vulnérable, finit-elle. Aeris, tu avais commencé à m'apprendre quelques sorts, la dernière fois ? Avec des cristaux colorés. Je me demandais si tu en avais encore...
-Tu veux dire les matérias ?
-Les matérias ?
-C'est de cette manière que j'utilise la magie. Beaucoup d'habitants de cette ville, du moins ceux qui ont les moyens d'en acheter, les utilisent car les sorts basiques en sont plutôt simples à invoquer. »
Aeris tira quelques cristaux en forme de petits globes de sa poche.
« En voilà quelques-uns. Nous avons surtout des matérias défensives et curatives, mais celle-ci est un sort de feu et celle-ci une invocation mineure », expliqua-t-elle en désignant les cristaux un par un.
Kairi en prit un entre les mains et l'examina.
« Ifalna aussi en a une, se rappela-t-elle. Elle m'a dit qu'elle l'avait utilisée pour voyager entre les mondes.
-Ça devait être une matéria super rare ! s'écria Yuffie. On n'en a pas d'aussi puissantes ici...
-Attends, tu as dit Ifalna ? » l'interrompit Aeris.
Kairi releva les yeux, surprise. Couper la parole à ses amis ne lui ressemblait pas.
« C'est la mère de Sora, expliqua-t-elle. J'étais allée lui demander conseil mais elle aussi l'avait oublié... Aeris ? Est-ce que ça va ? »
La jeune femme ne la regardait plus ni ne souriait plus. Elle observait un point invisible sur la table en serrant ses mains, le front plissé et les lèvres pâles.
« … C'est le nom de ma mère, dit-elle enfin d'une voix que Kairi ne lui connaissait pas, une voix presque brisée.
-Hé, Aeris ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? » Yuffie lui secoua l'épaule, sans parvenir à la sortir de son trouble.
« Elle a disparu il y a si longtemps... Je croyais qu'elle était morte. C'était avant même que ce monde ne sombre. Je n'avais que huit ans, je ne me souviens plus de ce qu'il s'est passé... »
Kairi l'observa avec sympathie. Maintenant qu'elle y pensait, les ressemblances entre les deux femmes sautaient aux yeux.
« Ifalna est la meilleure guérisseuse des Îles, raconta-t-elle avec douceur. Et elle est très gentille. »
Si Ifalna était la mère perdue d'Aeris, alors cela voulait-il dire qu'Aeris était la sœur de Sora ? Cela impliquait qu'Aeris avait perdu deux membres de sa famille.
Yuffie était parvenue aux mêmes conclusions :
« Alors ce Sora c'est le frère d'Aeris ? demanda-t-elle d'une voix douce.
-Kairi, tu as dit qu'Ifalna possédait une matéria pour voyager entre les mondes, intervint Léon. Mais... si tu n'as pas pu l'utiliser, cela veut dire...
-Sa matéria est déchargée, avoua Kairi. Et elle ne sait pas comment la recharger.
-Les sources d'énergie nécessaires n'existent pas dans ton monde...
-Ah, ce n'est pas grave, murmura Aeris, s'arrachant brusquement à ses sombres sentiments. Ne parlons plus de cela...
-Tu es sûre ? demanda Kairi.
-Oui. Il n'y a rien que l'on puisse faire pour le moment, alors... Je suis quand même heureuse de savoir qu'elle est en vie et qu'elle va bien. Pour le moment, c'est Sora qui a besoin de notre aide. Nous devons le sauver. »
Elle regarda Kairi avec un sourire paisible. Toute trace de chagrin avait quitté son visage.
« Je vais t'apprendre à utiliser les matérias, et je vais t'en donner quelques-unes, d'accord ? Tu verras, ce n'est pas très compliqué. Tu es prête ? »
Kairi hocha la tête avec enthousiasme.
Oui, la fin du chapitre est un peu abrupte, mais je ne savais pas trop comment conclure et j'en avais un peu assez. Quand j'ai commencé cette fic, je m'étais dit que les chapitres ne feraient pas plus de 8-10 pages, mais à chaque fois, j'en écris trop (je crois que les chapitre les plus longs faisaient 15 pages).
Dans le prochain chapitre, on retourne du côté de Naminé (et un peu Xion, mais bon, elle dort).
