Pendant la semaine qui précédait la reprise des cours, Jade s'appliqua à des tâches administratives, spécialement réclamées par le ministre de l'Éducation.

Le but était plutôt simple, elle remplissait des fiches informatives sur chaque enfants résidant au Phénix.

De ce fait, la jeune femme recevait ces derniers de façon individuelle dans son bureau pour un entretien d'une demi- heure. Ces rédactions prenaient une éternité et les informations qu'elle devait compléter étaient pour le moins étonnantes... Certaines problématiques de leurs passés y étaient abordées. Bien qu'elle essayât de prendre des pincettes, il fallait parfois rentrer dans le vif du sujet. La première fiche qu'elle avait complétée concernait Noma Macnair, une fillette de neuf ans qu'elle connaissait déjà très bien.

Situation avant son entrée : souvent seule dans la maison familiale, livrée à elle-même pour se faire à manger. Parent très peu présent.

Motif d'entrée : tuteurs légaux en prison.

Description physique: sous-poids, cheveux et yeux noirs.

Statut du sang : sorcière.

Un sombre détail échappait à Jade : chaque parchemin était prérempli du prénom et du nom de l'enfant concerné. Jusque-là, rien d'anormal. Ce qui la faisait tiquer, c'était le fait que pour les enfants issus d'un parent mangemorts, Jade devait inscrire leurs caractéristiques physiques. À l'inverse, pour les enfants non-mage, aucune description n'était demandée. De surcroît, le statut du sang était demandé alors que ce dernier était déjà également préinscrit sur le parchemin, à côté de leurs noms. Était-ce une erreur de mise en page?

Une fois tous ces entretiens terminés, elle glissa soigneusement ses rapports dans une grande enveloppe. Le moment était à présent venu de les transmettre à Rogue pour qu'il se charge de l'envoi. Il ne manquait plus que le sceau officiel du Phénix en cire rouge. Elle avait une certaine appréhension à l'idée de se rendre au bureau du directeur, personne n'y était jamais convié. Sa voix et ses manières brutes avaient parfois tendance à la mettre mal à l'aise... Jade n'avait pas envie de le voir. Cet homme n'avait ni sourire ni chaleur humaine.

Elle avait l'impression que quelque chose allait mal se passer. Peut-être était-ce son imagination qui lui jouait des tours. Elle marchait lentement pour retarder le moment où elle allait se retrouver devant son bureau.

- Dragée surprise, dit-elle d'une voix hésitante lorsqu'elle arriva.

La porte qui s'ouvrit directement.

Ayant seulement une cheminée pour source de lumière, le bureau du directeur était sobrement ordonné mais pas particulièrement grand par rapport à son utilité. Bien entendu, la jeune femme n'avait jamais eu l'occasion d'y rentrer jusqu'à présent. Elle avait plutôt imaginé une pièce circulaire sur plusieurs étages avec des escaliers en colimaçon comme on en voyait souvent dans le monde magique. Placé au centre, le bureau directorial était entouré de bibliothèques allant jusqu'au plafond. Dans un coin plus reculé se trouvait une petite table sur laquelle était disposée de curieux objets argentés ainsi qu'une pensine.

Manifestement, Severus Rogue ne s'attendait pas à recevoir de la visite. Affalé sur son bureau, ce dernier avait desserré le col et les manchettes de sa chemise blanche. Il avait le regard plongé dans un manuel, faisant comme si elle n'était pas là.

Rien ne l'intriguait particulièrement, tout lui paraissait cohérent à l'exception de deux détails : il n'y avait pas de cage à oiseau et la seule fenêtre était vraiment petite. Plutôt étrange, pour un sorcier devant si régulièrement traiter et envoyer du courrier avec sa grande chouette noire. Et si elle n'appartenait pas à Rogue? C'était insensé, pensa-t-elle. Elle ne voyait personne d'autre que lui capable d'apprivoiser un oiseau aussi atypique.

Soudainement, et sans quitter du regard son manuel " soin et enfermement de maléfices ", le directeur prit enfin la parole d'une voix traînante et ironique.

- Que me vaut cet honneur, Miss Stis?

- Bonjour monsieur le directeur. Je viens vous apporter les fiches-infos des enfants, dit simplement Jade en s'approchant de son bureau.

Il prit du temps à répondre, laissant la jeune femme dans le blanc...

- Ne vous avais-je pas dis, il y a quatre mois de cela, de ne pas venir dans mon bureau pour des futilités? Si vous êtes amnésique, je connais de bons médecins à Sainte-mangouste, s'exaspèra Rogue en levant enfin les yeux de sa lecture.

Une nouvelle fois, Jade se sentit prise au piège comme une petite sourit.

- Je... Je ne comprends pas, hésita Jade. Tout est fait, il ne manque que le sceau officiel du Phénix.

Rogue plissa ses yeux noirs.

- Forcé de constater que vous ne passez que très peu de temps dans votre bureau, dit-il d'une voix doucereuse. Tout le nécessaire se trouve dans votre tiroir du bas... Sceau, cire rouge. Sortez et ne venez plus me parler de ces sornettes de fiches-infos.

Jade en avait marre qu'elle et ses collègues se sentent persécuté et ridiculisé. D'un élan de rage intense, elle tapa son poing sur le bureau et vida son sac.

- Donc vous, professeur Rogue, qualifiez de " sornettes " des informations de la plus haute importance concernant les enfants dont vous avez la charge? Interrogea Jade en le fusillant du regard. Ne trouvez-vous pas votre attitude complètement négligente?

- De la négligence, dites-vous? Répéta Rogue d'une voix lente, nullement impressionné par la révolte de l'éducatrice.

Sans préambule, alors qu'il paraissait calme, il se leva et retourna le bureau par la même occasion. Il s'approcha d'elle, le regard jaugé d'une folie furieuse. Ses yeux noirs étaient plus sombres qu'à l'ordinaire. Jade voulut répondre, riposter, mais aucun mot ne sortirent de sa bouche. Ce sorcier avait une aura incommensurable.

- Espèce d'idiote! S'écria-t-il. Comment osez-vous parler de négligence? J'ai moi-même été chercher ces enfants un par un, je passe mes nuits à remplir des procédures pour les protéger au mieux! Le phénix est une forteresse de sortilèges de protections, que voulez-vous de plus?

- Je...suis désolée, dit-elle en baissant les yeux, à la limite de fondre en larmes. C'est juste que vous n'en donnez guère l'impression.

Jamais elle ne se serait imaginé que Rogue était si impliqué dans sa fonction. Elle avait lancé une bombe impossible à désamorcer et se sentait infiniment en tort. La réaction de Rogue était complètement démesurée, preuve qu'il prenait lui aussi les choses très à cœur.

- Pour votre gouverne, sachez que ces fiches-infos visent à categoriser et à discriminer les pensionnaires! Cria-t-il dans une colère qu'il ne contrôlait plus. Avez-vous remarqué que le statut de leurs sangs était demandé? Cela ne vous rappelle-t-il pas une époque qui n'est pas si lointaine?

- Je...je ne savais pas qu'il fallait préciser s'ils étaient sang-pur ou mêlé. J'ai juste noté s'ils étaient sorciers ou moldus...Pour moi, cela allait de soi. Les arbres généalogiques ne m'intéressent pas, répondit Jade qui essayait de se reprendre en main. Je ne suis pas comme le ministère de la magie...

Il se rapprocha dangereusement d'elle, la faisant trembler. Elle avait peur qu'il devienne violent.

Son visage à dix centimètres du sien, toujours dans une rage incontrôlée, Rogue poursuivit sans avoir prêté la moindre attention à sa réponse.

- Selon vous, pourquoi est-il demandé d'inscrire la description physique de chaque enfant issu de parents mangemorts? J'attends vos lumières,

vous qui avez l'air de connaitre mon travail mieux que moi.

La jeune éducatrice en resta stupéfaite. Elle avait la réponse au bout de ses lèvres, elle n'y avait pas pensé plus tôt.

- Ils veulent pouvoir parfaitement identifier les enfants des mangemorts car malgré leurs bas-âges, ils les suspectent déjà de vouloir suivre les convictions de leurs parents? demanda-t-elle d'une voix à peine audible. Je n'avais pas vu les choses sous cet angle.

- Mes félicitations, vous venez de comprendre ce que tout le monde savait déjà.

Après quelques secondes de silence, il paraissait enfin reprendre un peu son calme. Dans sa rage, il avait fait tomber plusieurs livres d'une de ses bibliothèques qui se remirent à voler pour rejoindre leurs place initiale. Quand il reprit la parole, c'était pour mettre fin à la conversation.

- Sortez.

Elle fila directement dans ses cachots. Il ne pouvait pas y avoir pire comme situation, elle ne comprenait pas ce qui lui était passé par la tête de parler de cette façon à son directeur. En traversant le couloir, les tableaux rigolaient sous son passage. De plus, elle fit tomber de sa poche son sachet d'épice d'herbe bleue qu'elle avait emportée en quittant la France. Sa honte était telle qu'elle ne chercha même pas à le ramasser