Prologue

La mer d'étoiles paraissait subitement cruelle et hostile. La cape satinée d'une mort brève mais titanesque où tout être semblait ridiculement fragile. Après le chaos de la bataille, la quiétude de cette déité fut brusquement sordide et monstrueuse. Une vie n'est plus qu'un éclat fugace dévoré par une obscurité, ventre démiurge de toute chose, qui a été et qui sera toujours là. C'est pourtant en ces petites secondes au déclin de son monde qu'une noblesse s'éveille à défendre son existence. Lutter pour sa survie ne se résume qu'à l'instinct, mais il nourrit l'espoir féroce que rien n'est encore écrit et que nous sommes maîtres de notre sort. La Force guide les sages autant que les fous, et n'aligne pas mais entremêle les astres pour sans cesse réécrire l'histoire.

Dans l'infime instant où la conscience sortit de sa douloureuse léthargie, les deux hommes s'enquirent des dernières forces que leurs corps pouvaient encore leur offrir dans le vide suffocant. Le temps s'était figé mais leurs cœurs battaient encore, c'était le soubresaut d'un second souffle et l'appel de l'un à l'autre à continuer. Une idée délirante éclata dans l'esprit de l'un et se répercuta dans les pensées de l'autre et, dans l'apesanteur, ils se tournèrent pour enfin croiser les regards. Aide-moi. Tous deux fermèrent les yeux et tendirent les bras, les paumes ouvertes à tout ce que la Force leur prodiguera et à tout ce qu'ils pourront partager. Une onde silencieuse naquit entre eux et s'accrut autant que leur lien se renforça jusqu'à deviner chaque être et chaque objet alentour. Les silhouettes inertes de leurs camarades frémirent de leur énergie et une dernière impulsion de la Force les poussèrent tous dans la cavité d'un vaisseau éventré. Le peu de masques respiratoires trouvables n'était plus fonctionnel, une nouvelle solution s'en dégagea et c'est sur le petit horizon des vestiges de l'affrontement qu'ils attirèrent une masse de débris encore à la dérive dans la bouche funeste de l'appareil. Chaque parcelle de métal et de duracier s'imbriquèrent jusqu'à ce que les deux hommes ne se concentrent plus qu'à confondre les atomes, se prêtant au travail d'artisan, d'architecte et de forgeron pour créer un nouvel espace salvateur et protecteur. Quand la Force se modula enfin dans une aire recluse, et lorsque ses rémanences dansèrent et cohabitèrent dans une sphère isolée du vide, une dernière poussée ouvrit les réserves d'oxygène et d'azote pour se propager dans la cabine toujours en micropesanteur. Les poumons se remplirent progressivement d'air, puis une ultime goulée résonna de concert avec de faibles gémissements. Comme les premiers cris des nouveaux-nés, les vies s'animaient chacune à leur tour aux quatre coins de cet habitacle inespéré. Ils avaient réussi et ils en étaient fiers. Ils se seraient félicités, auraient échangé un bref "merci" et se seraient même étreints, mais leurs derniers efforts consumés par une profonde gratitude, les deux hommes s'abandonnèrent au repos.