Je viens d'entrer dans l'acte 3 sur ma session de jeu et je vais me tenir devant un grand dilemme : est-ce que oui ou non j'envoie Astarion sur scène avec Baveur ? Juste pour l'entendre paniquer de son merveilleux « No ! Don't you dare ! This isn't funny. » qui me fait rire. Ça vaut presque tout les « I'm going to fucking kill you » du monde et en plus, je peux me le permettre, il m'aime à 99% Lol
Journal des reviewers :
Seulie : Une perle rare ? Oula, attends que l'histoire se développe avant de dire ça ! Mais ça fait très plaisir, merci beaucoup !
Jennalocked : An ENFIN ! Enfin un retour sur mon Astarion ! ç_ç J'ai tellement peur de le rater dans ses interactions « hors cadre », MERCI ! Chaque fois que je le faire "vivre" indépendemment du scénario du jeu, je me demande en boucle "est-ce qu'il ferait/dirait/réagirait vraiment ainsi?"
Allez, allons donner quelques bribes à Silesta, au moins pour l'aider pour la suite.
Petit aparté : Avec cette fic, je me suis rendue compte à quel point les scènes d'action sont horribles à faire. Allez écrire un combat qui implique cinq personnages en simultané et en plus pour un jeu au tour par tour. Mon truc à moi, c'est les états d'esprits, le bonding, les sentiments intérieurs qui animent les persos. Pas les cabrioles avec des épées.
Bref, tout ça pour vous implorer de votre grande clémence pour toute future scène de baston que vous lirez. Je vais être très honnête : si j'ai l'ouverture pour esquiver une bataille dans cette fic, je le fais.
Un grand merci pour votre compréhension.
CHAPITRE V - … PAR PETIT PAS
Le groupe se figea et tous mirent un genou à terre pour se cacher. À environ une cinquantaine de mètres plus loin devant eux, ils perçurent des fortifications entre les ramures des arbres. Du lierre et autres branchages recouvraient les hautes murailles ainsi que la lourde porte qu'elles entouraient et en leur sommet, des silhouettes apparurent sur les remparts. En contrebas, un groupuscule d'humains en armure s'agitait.
« Ouvrez les portes ! hurla celui qui était au plus près de la porte fermée. Des gobelins nous pourchassent ! Vite !
_ Quoi ? Des gobelins ! Vous avez amené des gobelins ici ! » s'épouvanta en haut des parois barricadées une immense silhouette à la peau brique et dotée de cornes sombres.
Alors que ses compagnons tremblaient de tous leurs membres en guettant avec terreur les buissons environnants, le premier homme – visiblement le chef de l'escouade – arracha une flèche plantée dans le bouclier de son compagnon le plus proche et la brandit à l'attention du tieffelin récalcitrant.
« Dépêchez-vous ! Ils vont... ! »
Trop tard. Une bande de plusieurs petites créatures humanoïdes à la peau jaunâtre ou verdâtre et au visage couvert par des peintures tribales pour certains déboula dans un amalgame de hurlements sanguinaires. Avec leur taille d'enfant, leurs traits grossiers affublés d'un nez crochu et leurs longues oreilles pointues, les assaillants furent vite reconnus : des gobelins. Un archer s'arrêta en retrait et décocha une flèche droit sur les remparts, tuant avec précision l'une des pauvres sentinelles. Des appels d'alerte éclatèrent et se mêlèrent aux cris rageurs, autant ceux des gobelins que de leurs proies littéralement mises au pied du mur. Les hommes dégainèrent leurs armes et se mirent en position afin de défendre leur vie.
« Il faut les aider, décida Ombrecoeur en attrapant déjà son bouclier. Nous devons accéder à...
_ Ne pourrait-on pas attendre qu'ils gèrent ce petit différend entre eux ? » suggéra plutôt Astarion, visiblement ennuyé.
Le glissement de la lame de Lae'zel hors de son fourreau ne semblait hélas pas aller en son sens.
« Ils sont en sous-nombre en bas. Dites-vous que vous le faites pour le guérisseur qui se trouve potentiellement dans ce campement.
_ Vu ainsi... »
Agitée par une montée d'adrénaline, Silesta voulut se lever mais fut aussitôt rabaissée d'une pression sur ses épaules.
« Mieux vaut rester cachée, lui conseilla Gayle. C'est trop dangereux, laissez faire les expérimentés.
_ Quoi ? Mais non, je veux... ! »
Elle n'eut pas l'occasion d'exposer ses griefs que ses compagnons étaient déjà partis pour profiter d'un effet de surprise. Elle pesta. Non ! Ce n'était pas juste ! Elle bondit sur ses pieds mais son corps refusa d'avancer. Si elle partait avec eux, à quoi pourrait-elle servir ? Ses paumes se fermèrent en poings rageurs.
« Je ne...
_ Tiens, tiens, tiens, une grande carotte esseulée, s'ébaudit une voix grinçante dans son dos. On t'a abandonnée, petite ? »
Silesta pivota sur ses talons et se retrouva face à un gobelin à la peau olivâtre dont les petits yeux perçants jaune citron brillaient même à l'ombre du casque de cuir qu'il portait. Il sortit son épée tout en jaugeant sa future victime avec appétit.
« Tu n'vaudras p't'être pas autant que les autres, mais y'aura quand même moyen de s'amuser avec toi. »
Le gobelin se jeta droit sur l'humaine, convaincu de sa force et sa réussite. Aussi vive que son cerveau et ses réflexes latents lui permirent, la jeune femme bondit et attrapa la branche d'arbre au-dessus d'elle, laissant le gobelin foncer dans le vent dans une vocifération enragée. Ni une ni deux, elle retomba au sol et se saisit de la dague que Lae'zel lui avait laissée après sa coupe de cheveux, prête à faire face. La créature fit volte-face et repartit à la charge en attrapant son épée à deux mains au-dessus de sa tête.
« Tu vas voir, sale garce ! Tu ne m'auras pas deux fois ! »
Alors qu'il se jetait sur elle avec toute sa fureur, Silesta considéra ses options à toute vitesse. Elle ne serait pas de taille si elle se battait à la régulière, elle devait jouer la malice.
Elle attrapa une poignée de terre qu'elle lança droit dans la visière du casque de son assaillant. Le gobelin rugit et interrompit son élan. Maintenant ! La jeune femme asséna le coup de pied le plus fort qu'elle put dans le poignet du gobelin pour lui faire lâcher son arme puis se jeta à tour sur lui et abattit à deux mains la dague qu'elle tenait. Des gouttelettes chaudes éclaboussèrent le visage de Silesta alors qu'elle forçait tout son poids dans ses bras. L'étranglement de surprise de la créature verte mourut dans un étrange gargouillis puis elle s'effondra de tout son long.
Raide comme un piquet et le souffle saccadé, Silesta ne reprit conscience d'elle qu'après de longues secondes lorsque ses jambes se dérobèrent sous son poids. Elle regarda d'un air hagard ses mains couvertes de sang, envahie par un sentiment atroce mêlant tension, soulagement et horreur. Était-ce que l'ont ressentait quand on tuait quelqu'un ?
Le brouhaha des combats plus loin la ramena à elle. Elle devait bouger au moins pour sa propre sécurité, à défaut de vraiment servir à ses camarades. La jeune femme se releva, prête à repartir lorsque quelque chose attira son œil sur le corps du gobelin. À sa ceinture, celui-ci portait ce qui semblait être un cordage de cuir enroulé. Elle le détacha et déplia la cordelette usée dotée d'un morceau de cuir tanné plus large au centre.
« Une fronde ? »
Ce fut comme si son esprit se mettait en pause. Rien d'autre autour d'elle n'avait plus d'importance hormis l'objet qu'elle tenait et dont la forme l'attirait comme un aimant. Silesta se remit debout sans détacher ses yeux de la fronde qu'elle prit dans sa main droite puis son poignet se mit à tourner dans un rythme qui s'accéléra de plus en plus, faisant danser d'abord devant puis autour d'elle la corde de cuir. Le geste était précis, fluide, même lorsqu'elle se permit des variations plus amples ou plus serrées selon différents angles. Elle expira brièvement dans un sourire, ébahie. Non, ce n'était pas une force invisible qui prenait possession de ses bras. Elle n'en revenait pas.
« Oui... OUI ! »
Elle s'élança dans les fourrés vers les clameurs de la bataille et se cacha d'abord derrière un rocher une fois qu'elle fut assez près pour voir ce qui se passait. Lae'zel et Ombrecoeur se battaient comme des lionnes contre trois gobelins à grands coups d'épée et de masse tandis que Gayle avait rejoint le groupe d'humains et tentait de se défaire des attaquants à distance grâce à des boules de feu. Les défenseurs tieffelins avaient entre-temps sonné un cor d'alerte, sans doute pour que la population derrière les murs puisse s'abriter et appeler des renforts.
La gorge de Silesta se serra malgré elle en ne voyant pas Astarion tout de suite. Ce fut lorsqu'elle plissa les yeux avec plus de minutie qu'elle le vit, caché dans les ombres mais trahi par l'éclat nacré de ses cheveux dans un rai de lumière. Elle le vit se faufiler avec discrétion vers un archer gobelin embusqué et l'envoyer à trépas d'un geste virtuose du poignard sous la carotide. Même dans cette situation, il ne se départait pas de sa perfection gracieuse.
Le soulagement de la jeune femme se changea tout à coup en peur. Non loin derrière l'elfe pâle, elle perçut l'éclat brillant d'un casque qui s'approchait dangereusement de lui. Elle était trop loin pour le prévenir.
Sans y réfléchir deux fois, Silesta prit une pierre à ses pieds, la mit dans la fronde et se redressa tout en faisant tournoyer la cordelette. Elle ramena le mouvement parallèlement à son corps puis immobilisa le poignet d'un geste de sec. La fronde se cambra et la pierre fut éjectée non pas droit sur le gobelin comme Silesta l'avait voulu mais contre le tronc d'un arbre proche d'Astarion. À ce son venu de nulle part, il sursauta et se mit en garde.
« Derrière vous ! » lui cria-t-elle, tentant le tout pour le tout.
L'elfe eut un bref mouvement de tête en sa direction puis se retourna à temps pour découvrir la mauvaise surprise qui le guettait une chance que le gobelin fut lui aussi pris par surprise par le jet du projectile. Il ne fallut guère plus de quelques secondes à Astarion pour vite se débarrasser de l'opportun.
« C'est terminé ! retentit soudain une voix dans l'écho. Les gobelins sont morts ! Ouvrez les portes ! Ouvrez les portes ! »
Le cœur tambourinant comme un fou dans sa poitrine, Silesta fit courir son regard devant elle. Les corps gobelins rougissaient l'herbe ici et là, ainsi que ceux de quelques malheureux tieffelins percés de flèches précises. Il ne restait plus que des clameurs victorieuses dans les hauteurs des remparts. Quelle ne fut pas la joie de la jeune femme lorsqu'elle vit Ombrecoeur, Lae'zel et Gayle la rejoindre, Astarion un peu plus loin sur leurs talons.
« Vous allez bien, tous ? s'enquit-elle en les inspectant brièvement.
_ Que sont quelques gobelins pour le magicien d'Eauprofonde ? Vous allez me vexer, gronda celui-ci.
_ J'ai terrassé des horreurs que vos pires cauchemars n'oseraient reproduire, cracha la githyanki en essuyant le sang de son épée. Ceci n'était que de la vermine bonne à nourrir les dragons, et encore.
_ Mais vous, Silesta ? Ce sang...
_ Du sang de gobelin », coupa tout de suite Astarion qui arrivait. Il s'éclaircit la gorge. « Je veux dire, ça se voit que c'est une projection de sang. Elle n'a pas de blessure ouverte. Cela voudrait-il dire que notre coquille vide aurait commencé à remplir la coupe de son esprit ? »
Il avait retrouvé sa voix ondulante accompagnée de ce sourire en coin délicieusement aguicheurs. Elle sut au travers d'eux qu'il pensait à sa tentative d'aide à moitié ratée. Silesta hocha timidement la tête, sa paume se resserrant sur la fronde qu'elle gardait dans son dos.
« Nous verrons cela plus tard. Avec une telle entrée, je pense que nous sommes attendus. »
En effet, la lourde porte de pierre responsable de la souricière dans laquelle ils s'étaient tous retrouvés se releva dans un raclement sourd. Le groupe suivit les trois hommes et passèrent les murs de l'enceinte. Ils entrèrent ainsi dans ce qui leur sembla être à première vue une cité née de la montagne mais un rapide coup d'œil leur indiqua que c'était bien plus sommaire que cela.
Les lieux accueillaient de nombreux tieffelins, bien plus importants en nombre que les quelques elfes ou autres races qu'ils purent apercevoir. À en juger par leur tenue faite de cuir léger orné de feuillage, il était aisé de reconnaître des druides.
Les aventuriers n'eurent pas le temps d'aller bien loin après l'entrée car ils furent accueillis par le tieffelin qui était accouru en premier aux remparts. Ses yeux infernaux jaunes éclataient sous le soleil et le contraste de sa peau carmine.
« Voilà nos alliés providentiels. Votre intervention a épargné bien plus de vies que celles de ces humains imprudents comme vous pouvez le constater. Je vous remercie infiniment. Je m'appelle Zevlor, se présenta-t-il, une main sur le cœur.
_ Quel est cet endroit ? demanda Lae'zel en regardant par-dessus son épaule, visiblement plus intéressée par son objectif que par des remerciements.
_ Le Bosquet d'Émeraude. Hélas, quoiqu'il vous amène ici, il vous faudra faire vite. Les druides veulent cloîtrer ces lieux par un rituel magique, refoulant ainsi nombreuses familles livrées à elles-mêmes : mon peuple. Ils pensent que les étrangers sont la cause des nombreuses attaques que nous avons essuyées et ce nouvel incident ne fera que les conforter dans leur projet. Une fois expulsés, tous ces gens que vous voyez seront à la merci de nouvelles horreurs. »
Astarion eut un petit rire méprisant.
« La charité druidique visant à penser que la vie est sacrée n'est plus ce qu'elle était.
_ Allez dire cela à Kagha, c'est elle qui régente les lieux, maugréa Zevlor avec amertume. Si vous arriviez à la persuader de ne pas procéder à ce rituel, peut-être vous écoutera-t-elle, vous qui nous avez sauvés. »
Silesta écoutait en silence. Au fond d'elle, la perspective évoquée par Zevlor lui tordait le ventre. Elle voyait au loin beaucoup d'enfants parmi la populace qui grouillait au fond dans la caverne taillée dans la montagne. Tous ces gens allaient se retrouver seuls en proie à on-ne-sait-quoi.
« À vrai dire, nous sommes nous-mêmes dans l'urgence, intervint Ombrecoeur. Y a-t-il des soigneurs parmi vos gens ou les druides ?
_ Eh bien, vous pouvez vous adresser à Nettie. Elle est l'apprentie de Halsin, l'archidruide en charge du Bosquet en temps normal, mais il a disparu lors d'une expédition. J'imagine que vous avez déjà vos propres soucis. Prenez un peu de repos, faites ce qui peut vous rendre service, nous vous devons bien cela. »
Silesta le remercia et le tieffelin prit congé de ses hôtes. Tous échangèrent un œil entendu.
« Allons trouver cette Nettie, dit Lae'zel. Et profitons-en aussi pour nous ravitailler en vivres et équipement.
_ Je veux bien me dévouer pour cette partie, se proposa l'humaine.
_ Et moi je tâcherai de nous trouver un endroit où nous établir cette nuit, ajouta Astarion avant de regarder autour de lui d'un air ennuyé. Avec autant de réfugiés, ce ne sera pas chose aisée de nous trouver un peu d'intimité. »
Les autres approuvèrent et chacun partit de son côté.
Le Bosquet d'Émeraude se constituait principalement d'une immense cavité dans la roche protégée par les falaises et dont l'épicentre était le cercle druidique depuis lequel les chants sacrés des mages de la nature s'élevaient. Hormis cet espace, les lieux étaient peuplés en très grosse majorité par des tieffelins de tous âges, leur point commun étant l'inquiétude et la peur qui animaient leurs conversations ou se lisaient sur leur visage. Le cœur de la Silesta se serra en passant près d'un enfant qui sanglotait contre sa mère en demandant s'il allait se faire manger par des gobelins quand ils seraient expulsés. Le refuge fourmillait d'agitation et en dépit des circonstances dramatiques de l'instant, cette effervescence faisait déborder la visiteuse de sur-stimulation.
À présent qu'elle était en présence d'une réelle foule, la jeune femme rousse se retrouva bombardée de signaux qui lui matraquaient la tête. L'odeur d'une marmite qui bouillait à côté lui donnait-elle seulement faim ou cette sensation était-elle aussi un rappel qu'elle aimait sans doute le plat qui cuisait dedans ? Les intonations de voix de toutes modulations la mettaient aussi en alerte. Connaissait-elle quelqu'un avec un rire aussi chantant ou une exclamation courroucée aussi sèche ? Très vite, tous ces messages sensoriels finirent par faire le contraire de leur office premier et lui firent l'effet d'un coup de massue sur la tête. Silesta interrompit sa promenade en s'adossant contre la roche et se massa les sinus.
« Je veux savoir, certes, mais là c'est beaucoup tr... »
Elle s'interrompit lorsqu'elle reconnut parmi les silhouettes qui passaient devant elle, une ombre à la carrure familière qui virevoltait avec grâce et discrétion entre les corps. Rien de bien spécial au premier abord, si ce n'était qu'Astarion avait la main drôlement leste, surtout quand elle approchait les bourses de cuir attachées à la ceinture des passants. Marchands, réfugiés et même certains gardes, toute cible était bonne à prendre pour le roublard qui distrayait l'attention par un sourire séducteur ou une phrase enrobée. D'aucun dirait que ce n'était pas du tout moral mais Silesta ne sut retenir un sourire mi-coupable, mi-admiratif.
« Un endroit où nous établir cette nuit, hein. »
Au coup d'œil suivant, le voleur avait disparu. Espérons au moins qu'il ne se fît pas prendre, les « héros de la porte du Bosquet » auraient l'air bien !
Un bruit sourd de métal qui vibrait la tira de ses pensées. Elle s'était arrêtée près de la modeste échoppe d'un forgeron qui frappait son enclume. Le feu de sa forge vacillait de son reflet dans les lames des épées, haches et lances déjà prêtes et disposées dans un coin. Silesta s'approcha de la table de fortune qui servait d'étalage. Le forgeron, un tieffelin à la peau bronzée et aux cheveux cendrés, se retourna pour attraper ses tenailles et découvrit sa visiteuse.
« Bonjour, Dammon à votre service. » Ses yeux d'un bleu cristallin s'agrandirent un instant. « C'est vous et vos compagnons qui avez repoussé cette attaque de gobelins, n'est-ce pas ? Nous vous devons beaucoup, merci. Ce sera un honneur pour moi de vous aider. Que peut faire ma forge de fortune pour vous ?
_ Eh bien, je ne sais pas trop... »
Ses yeux se promenèrent sur les armes sagement alignées. Toutes ces choses trop lourdes ne lui parlaient pas du tout ses homologues féminines auraient de quoi faire, mais pas Silesta. Dans sa poche, elle serra inconsciemment les cordons de sa fronde. Elle tenait une piste mais son être tout entier lui disait que ce n'était pas ça. Pas exactement.
Sa réflexion silencieuse prit fin sur des billettes de fer de la taille de son poing qui n'attendaient qu'à être forgées.
« Ma demande va sans doute vous paraître incongrue mais ces deux morceaux-là... Puis-je les tenir un moment ? »
En effet un peu surpris, Dammon récupéra les billettes et les lui tendit. Elle soupesa, une billette par paume.
« Le poids est parfait. Vous serait-il possible d'essayer de les modeler de façon plus ronde ? Avec de quoi les attacher ? Un peu comme un fléau.
_ Oui, je vois très bien. Mais j'avoue ne pas cerner leur usage.
_ Je tâtonne moi aussi si cela peut vous rassurer. Dites-moi juste votre prix et... »
Sa phrase se décrocha dans un silence gêné. L'argent ! Quelle idiote, elle avait complètement oublié qu'elle était presque fauchée, quelques maigres pièces d'or tout au plus.
Un frôlement d'étoffe effleura son dos.
« Ah, vous vous cachiez là. Nous avons trouvé un petit coin tranquille un peu plus loin dans les hauteurs à l'extérieur, au plaisir de vous y retrouver. »
Elle n'eut pas le temps de le voir, mais Silesta reconnut ce parfum subtil de romarin et de bergamote. Une main fraîche éthérée longea le bas de son bras valide vers son poignet et dans sa paume se glissa le rebondi cliquetant d'une bourse en toile. À peine tourna-t-elle la tête que Silesta voyait déjà l'ombre d'Astarion se faner parmi les autres.
« L'un de vos compagnons ? devina Dammon qui le suivait aussi du regard. Il est drôlement pâle... »
La jeune femme ne répondit pas tout de suite. Pourquoi son esprit venait-il de se remettre à turbiner avec fébrilité ?
« Ne vous en faites pas pour lui. Cet homme est au contraire très haut en couleurs. »
Au grand dam de nos aventuriers, la journée pourtant riche en péripéties dut s'arrêter sur ces derniers entre-faits. La fameuse Nettie n'était pas disponible au moment où il lui fut demandé audience la visite se ferait donc le lendemain. La frustration fut bien sûr la même pour tous – n'en déplaise à Lae'zel qui attendait sa « purification » - mais le fait de pouvoir préparer la potentielle suite de leur périple leur fut une sorte de réconfort. Gayle avait pu se procurer quelques parchemins magiques et autres potions tandis qu'Ombrecoeur avait déniché une nouvelle paire de brassards pour remplacer les siens qui n'auraient tardé à tomber en lambeaux. Lae'zel pour sa part ne jurait que par le savoir-faire gith, à la non-surprise de tous. Silesta, elle, n'était pas en reste. Grâce à l'intervention salvatrice d'Astarion, elle put même trouver de nouveaux vêtements pendant que Dammon s'occupait de sa commande spéciale. Bien sûr, le choix n'était pas le même que chez le tailleur mais ses trouvailles lui permettraient d'être plus à l'aise : un pantalon de coton doublé léger mais robuste couleur vin et une chemise de lin un tantinet trop ample à laquelle elle avait dû ajouter l'achat d'un corset de cuir noir lacé dans le dos pour la maintenir en place.
Ses emplettes vestimentaires finies, la jeune femme était venue récupérer ses deux petits boulets de fer auxquels Dammon s'était permis de lui ajouter une vingtaine de centimètres de chaînettes en guise de remerciement pour leur sauvetage.
Lorsque Silesta regagna le campement en fin d'après-midi, Astarion était le seul présent, penché dans l'étude d'une carte récupérée – volée? - plus tôt dans la journée. L'humaine se hasarda à l'analyser un instant pour deviner dans quel état d'esprit il se trouvait. S'agissait-il de l'homme entouré de suave mystère ou la statue de froideur ? Peut-être ses pensées furent-elles trop bruyantes car le roublard sembla sentir sa présence et leva les yeux de sa carte. Et pourtant, la larve n'avait pas bougé d'un iota.
« Oh. On dirait que les affaires ont été bonnes, lança-t-il avec un sourire de connivence en voyant les bras chargés de paquets de Silesta.
_ En effet. Et c'est grâce à vous. Merci encore, répondit-elle dans un hochement de tête reconnaissant.
_ Un prêté pour un rendu, dirons-nous. Le gobelin. »
Il fut difficile de déterminer le ton de sa voix, à croire qu'il s'agissait d'un remerciement maladroit si étouffé de fierté qu'il n'en ressortait qu'une curieuse bouderie. Elle se fit violence pour ne pas rire mais ses autres pensées ne se firent pas discrètes. Les mots coulèrent tout seuls de ses lèvres :
« Je suis vraiment curieuse de vous. »
Elle se mordit la joue mais c'était trop tard. Non pas que ce n'était pas vrai, bien au contraire mais elle aurait préféré garder cela pour elle ou le verbaliser d'une autre manière. Elle perdit le fil de sa pensée maintenant qu'Astarion avait attaché ses yeux aux siens avec intérêt.
« Je vous laisse à votre carte, j'ai moi-même des choses à étudier. »
Ainsi éluda-t-elle en partant à grandes enjambées tout en essayant d'ignorer la densité des yeux qui la suivaient dans son dos. Elle en avait la colonne vertébrale qui vibrait.
La soirée fut bien plus calme que la journée. Le campement avait été installé à l'extérieur de la grotte principale vers les mi-hauteurs des falaises et permettait de profiter d'une certaine quiétude et de la luminosité des différents feux qui gorgeait la cavité d'orangé. Le léger brouhaha des habitants du bosquet ne leur parvenait qu'en vague murmure et il était bon de ne pas souffrir promiscuité avec les autres réfugiés il leur serait ainsi plus simple de converser sans informer les autres de leur condition avec leur larve.
Silesta resta un peu en retrait ce soir-là. Elle avait installé sa paillasse plus loin derrière, assez près pour profiter de la lumière de leur feu mais assez loin pour s'isoler et rester concentrée sur sa tâche. Depuis son retour, elle s'attelait à découper, tresser, attacher. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle faisait, ses mains la guidaient et suivaient des instructions muettes qui la coupèrent des discussions de ces acolytes sur un possible plan de secours si cette Nettie n'était pas en mesure de les guérir. Bien sûr, le sujet était important et elle était aussi concernée mais ses doigts lui brûlaient ils devaient faire ce que son inconscient leur dictait.
« -lesta ? Vous devriez manger un peu. »
La jeune femme battit des paupières et releva le nez de son ouvrage posé sur ses genoux. Gayle lui tendait une miche de pain avec du fromage qu'elle s'empressa de prendre. Maintenant qu'elle avait repris un peu le contrôle de sa tête, elle se rendait compte qu'elle avait très faim. Elle mordit à pleine dent dans la mie tendre.
Intrigué par son artisanat secret, le magicien se tordit légèrement le cou pour espérer trouver un angle correct d'observation.
« Qu'est-ce donc ? Vous êtes dessus depuis un moment... »
La jeune femme ralentit un instant sa mastication avant d'avaler lentement.
« Je crois que... Je crois que je sais... », souffla-t-elle d'une voix étrange.
Elle se leva, son œuvre dans les mains. Aux chaînettes attachées aux boulets, elle avait ajouté une longue lanière de cuir au bout de laquelle elle avait fixé une dragonne également faite de cuir tressé. Elle glissa chaque main dans un bracelet, les boulets se balançant près de ses jambes. Arrivée près du feu, Silesta attrapa une bouteille d'huile qu'elle versa sur les boulets avant de les tremper dans les flammes. Son souffle se suspendit.
Semblable à sa rencontre avec le gobelin plus tôt, ses poignets se mirent à tourner. Les cordages de cuir se tendirent et les boules enflammées se mirent à danser autour d'elle dans une gerbe d'étincelles éclatantes comme une pluie d'étoiles. Alors que ses bras allaient d'avant en arrière, de haut en bas, Silesta s'abandonna à cette sensation retrouvée. Ses jambes et son corps se plièrent et s'étendirent dans une danse lente et gracieuse, faisant voler le feu autour d'elle comme un cocon ardent.
Elle ne sut combien de temps elle perdit pied avec le réel mais quand elle revint à elle, elle rencontra les regards ébahis des quatre spectateurs qu'elle avait complètement ignorés.
« Une jongleuse de feu ? finit par articuler Gayle, une main dans sa nuque. Ça par exemple...
_ J'allais dire plus crûment une saltimbanque, concéda Ombrecoeur avec un sourire en coin. Cela expliquerait certaines choses : des réflexes, le fait de savoir se défendre, l'appétence pour l'argent... »
Le mot saltimbanque résonna plus fort dans la poitrine de la jeune femme rousse et son cœur se mit à déborder. Un vide venait de se combler en elle.
Sa joie s'excoria en croisant le visage fermé de Lae'zel qui était sur le point de rétorquer quelque chose. Sans réfléchir, Silesta attrapa la lanière de son bolas droit, tira d'un coup vif pour en saisir une plus courte longueur, fit danser son bras et brisa son mouvement aussi sec, projetant le boulet droit dans une poterie située à quelques centimètres derrière la githyanki. Le récipient en terre cuite se brisa dans un craquement net et l'eau qu'il contenait se répandit dans la terre gravillonneuse. La guerrière bondit sur ses pieds et Gayle se tendit, prêt à intervenir. Ombrecoeur se pinçait les lèvres pour ne pas sourire. Quant à Astarion, il avait mis une main devant sa bouche, l'œil pétillant de malice captivée. Par tous les dieux...
Silesta accorda à Lae'zel la révérence la plus obséquieuse qui fût mais son regard était devenu métallique, des nuages assombrissant le ciel de ses iris.
« Je ne m'en souviens pas mais comme le suggère Ombrecoeur, j'ai dû en effet avoir eu l'occasion de fracasser quelques crânes pour ma défense, minauda-t-elle avec ironie avant d'éteindre l'amusement dans sa voix. Il semble donc que je ne sois ni magicienne, ni bretteuse. Juste une amuseuse des rues. C'est ce que je serais et nous sommes dans la même situation. C'est à prendre ou à laisser. »
Le silence s'abattit comme la hache du bourreau sur la nuque du condamné et l'atmosphère se densifia. Les deux femmes se jaugèrent sans ciller durant de longues secondes. La githyanki observa un instant les bolas encore enflammés puis finit par plisser un peu les yeux.
« Vous avez plus de cran que vous ne laissez paraître. » Son ton se durcit, plus menaçant cette fois. « Prenez-moi encore pour cible et vous irez divertir les Enfers. »
Sourire cynique en face.
« Naturellement. »
Une fois Lae'zel partie vers sa paillasse, l'humaine eut un long, très long soupir de soulagement intérieur. Ses appuis et ses bras se firent mous tout d'un coup. Bien qu'elle aurait dû s'en douter si elle était une saltimbanque, elle n'avait pas songé au fait qu'elle serait aussi dotée d'un sens de l'esbroufe aussi poussé, pour ne pas dire risqué. Par les Neuf Enfers, cette frousse...
Ses émotions auraient pu se tamiser maintenant que Lae'zel n'était plus dans les parages, mais non. Parce qu'après le regard tempétueux de la guerrière, voici à présent qu'elle se faisait littéralement engloutir par le grenat profond des iris d'Astarion qui n'en avait pas perdu une miette.
Alors... pourquoi une jongleuse de feu et pas une barde?
Ben tout simplement parce que je n'aime pas la simplicité, lol. Je voulais un dérivé.
Mais plus que ça, contrairement au jeu où notre Tav est (pour des raisons évidentes de scénario) érigé au rang de leader naturel charismatique auquel tout le monde se remet et que tout le monde suit simplement en émettant des avis de temps à autre, je voulais une Tav accessible, presque proche du lambda, pas hyper badass typée super-héroïne ou strong MC. Pourquoi les flagelleurs n'enlèveraient-ils que des « héros » ou personnes naturellement talentueuses ?
Ben non. Ma Tav est simple, d'une caste inférieure, pas une leader dans l'âme mais elle saura prendre les décisions qui s'imposeront en temps voulu. À voir si elle vous convaincra sur le long terme.
