Auteur : Nat, pour vous servir… sur un plateau des textes que personne n'avait envie de lire. Si vous n'avez besoin de rien, je suis là pour vous !
Disclaimer : Les elfes ne m'appartiennent pas. Oui, je sais, c'est un scoop. Prévenez les médias.
Warnings : A priori, y'aurait rien de trop choquant dans ce texte, c'est juste un truc bizarre sans être drôle, pour une fois. Et je crois pas que ça soit triste non plus. Au pire, vous me direz ce que vous en pensez. Donc voilà : Attention, euh… truc bizarre en approche.
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Tibo
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Il n'avait pas sa place dans la cuisine, il le savait pourtant, lui avait dit la Mère en le poussant gentiment dans la salle commune. Mais il y avait trop de monde dans la salle commune, et Tibo était trop petit : il avait peur qu'un adulte ne le voit pas et le bouscule. Il se réfugia alors sous le grand buffet, celui qui était juste à côté de la cheminée. C'était là qu'il était le mieux, bien au chaud, emmitouflé dans sa couverture douillette et caché dans l'ombre. C'était son coin à lui, et personne d'autre ne pouvait s'y glisser. De là, il écoutait le brouhaha familier de la salle commune et il regardait le va-et-vient des clients du Père et de la Mère. Du fond de sa cachette, il s'amusait de leurs mimiques, imitait leurs gestes, leur inventait des conversations, et personne n'était là pour lui reprocher de faire des bêtises. Un de ses jeux préférés, c'était d'essayer d'imaginer les vies des gens qu'il croisait ainsi. Est-ce qu'ils venaient de loin ? Comment était leur maison ? Est-ce qu'ils avaient des familles ? Qu'est-ce qu'ils faisaient, quand ils étaient chez eux ?
Ce soir-là, le hasard lui avait fait don de spécimens intéressants pour s'adonner à son occupation favorite. Près de l'imposant foyer de la large cheminée s'était installée une caravane de marchands Nains, occupant toute la longue table de gauche. Les petits hommes trapus (la Soeurette disait qu'il y avait cinq Naines, aussi, mais Tibo ne parvenait jamais à faire la différence à cause des barbes) avaient apporté des quintaux de grain à moudre au moulin de son imagination. Ils étaient arrivés avec deux énormes chariots remplis de coffres de fer scellés, et le petit garçon ne s'était toujours pas décidé sur ce qu'ils contenaient : des monceaux de pierres précieuses et de pièces d'or, ou des centaines de jouets articulés aux mécanismes précis et délicats ? Les Nains, à présent, buvaient de la bière en plaisantant dans leur rude parler, et l'attention du garçonnet s'était déportée sur leurs voisins de droite.
Les gens qui s'étaient attablés près du feu ronflant étaient tous grands et beaux, vêtus comme des seigneurs, aux longs cheveux impeccablement peignés et aux oreilles étrangement étirées. Ce sont des Elfes, lui avait dit la Soeurette, et il avait trouvé ça fantastique. Il n'avait jamais vu d'Elfes, avant, et il se sentait très fier d'en rencontrer pour de vrai –bien qu'il devait reconnaître qu'ils fussent un peu impressionnants. Il admirait surtout les splendides livrées rouge et or des deux petits enfants qui voyageaient avec toutes ces belles gens. Ils étaient un peu plus grands que lui en taille, avait-il estimé, mais comme ces Elfes étaient tous grands, peut-être avaient-il en réalité le même âge que lui ? Il aurait aimé leur demander, pour pouvoir jouer avec eux, un peu, mais les deux enfants demeuraient sagement assis à table près de leurs parents et, de toute façon, ils ne parlaient que dans une langue bizarre que Tibo n'avait jamais entendue auparavant. Alors il restait là, caché sous son buffet, il les observait et il imaginait.
Les deux petits garçons (ils avaient son âge, c'était sûr) étaient des princes, avait-il décrété. Adel-de-la-ferme lui dirait que non, parce que les princes ont toujours des couronnes et que eux n'en portaient pas, mais il avait décidé qu'ils en seraient quand même, juste pour ce soir. Les Elfes habillés en brun et noir pouvaient être leurs serviteurs, et ceux qui portaient des armes et des armures formeraient leur armée. C'était une toute petite armée, mais les enfants non plus n'étaient pas bien grands comparés aux adultes, alors ça allait. Après que l'immense monsieur aux cheveux rouges et aux cicatrices eut obligé un des enfants à finir son bol de soupe (« Law ! Avmelin i salph, tôradar ! » « Mado, pînlim. Si. »), Tibo estima qu'il ne pouvait être que leur papa. La dernière personne, celle qui avait l'air gentille et qui parlait avec une jolie voix, devait être leur maman. La Soeurette lui avait dit que c'était un monsieur, lui aussi, mais Tibo ne la croyait pas.
Il était en train de leur imaginer une superbe maison (une maison dans les arbres, la Grand-mère avait dit que les Elfes vivaient dans les forêts) lorsque les deux enfants se levèrent de table pour jouer sur le parquet devant la cheminée. Un des petits Elfes, dont les cheveux étaient tenus attachés par une curieuse pince en forme de poisson, sortit une dizaine de billes en verre coloré d'une poche de cuir et commença à jouer avec son frère. Tibo en était réduit à les dévorer des yeux, brûlant de se joindre au jeu mais n'osant pas s'approcher, lorsque l'impensable, le miracle se produisit. Une des si jolies billes de couleur échappa aux jeunes joueurs et vint rouler sous le buffet. Le garçonnet s'en saisit prestement et l'approcha de son visage pour mieux l'admirer, la tournant entre ses doigts, fasciné par les reflets ambrés que le feu crépitant faisait danser sur sa surface sphérique. Il détacha à contrecoeur son regard de la petite boule de verre et sursauta : l'un des garçons Elfes s'était glissé sous le buffet et le dévisageait avec curiosité. Pris d'inquiétude, Tibo fit brusquement rouler sa bille vers lui, et l'enfant aux oreilles pointues l'attrapa avec des réflexes de chaton. Il replaça dans ses cheveux la pince en forme de papillon qui en était tombée et tendit la main vers le tas des autres billes, là-bas sur le parquet, souriant timidement.
« Mae govannen ! Teiliach an ceryn di ammen ? »
Tibo ne comprit absolument rien, mais il comprit tout, et son visage rond s'orna d'un large sourire triomphant. Lui et le garçon-papillon sortirent de sous le buffet, et le jeu commença. Ils jouèrent d'abord aux billes et Tibo remporta deux parties. Puis le garçon-poisson bondit sur ses pieds et courut à l'étage, dont il revint les bras encombrés de jouets elfiques. Il étala son chargement devant les yeux éberlués du petit Humain, tout en babillant dans sa langue incompréhensible. Le garçon-papillon attrapa une poupée de chiffons et la présenta à son nouvel ami, souriant gaiement.
« E na tolim. Dín eneth na Lúthien.
-A hûim na Huan ! ajouta le garçon-poisson en lui agitant une peluche de chien sous le nez. Nar melde tílinmín ! »
Dans le doute, Tibo hocha. Peut-être satisfaits de sa réponse, les deux enfants Elfes câlinèrent longuement les jouets qu'ils tenaient et le garçonnet en profita pour étudier le reste de leurs affaires. Des petits chevaux de bois attirèrent son attention, et ce fut bientôt lui qui se précipita dans la chambre qu'il partageait avec la Soeurette et la Grand-mère, pour en revenir avec son jouet à lui : un magnifique chariot à roulettes pour lequel il ne cachait pas sa fierté. Des exclamations enthousiastes accueillirent son retour : bien vite, les chevaux de bois se virent attelés au chariot et le jeu reprit de plus belle. Enhardi par leur bonne entente, Tibo osa tapoter sur le bras du plus proche des garçons, celui à la pince à cheveux en forme de poisson.
« Comment qu'tu t'appelles ? lui demanda-t-il. Moi mon nom c'est Tibo. »
Le garçon-poisson s'immobilisa et le regarda d'un air interloqué. Comme son nouveau copain n'avait pas l'air de comprendre, il répéta en se pointant du doigt :
« Tibo. »
Cette fois-ci, le garçon aux oreilles pointues comprit. Il sourit et tendit aussi le doigt vers le fils des aubergistes.
« Tíbo, » répéta-t-il. Puis il se désigna lui-même : « Elros. »
Tibo fit de grands efforts pour répéter convenablement le nom indiqué :
« Elrrross. »
Ça roulait sous la langue et c'était rigolo. Elros rit aussi et pointa du doigt son frère.
« Elrond.
-Elrrronde, s'appliqua Tibo. Elrrross, Elrrronde. »
Elrond hocha la tête. Comme son frère, il désigna Tibo du doigt et articula :
« Tíbo. »
Les trois garçonnets échangèrent des sourires ravis avant de recommencer à jouer, et Tibo se sentit aussi content et fier que s'il avait eu une longue et complexe conversation avec ses amis étrangers.
Bientôt les plus las des clients quittèrent l'auberge, qui sortant dans la nuit pour rentrer chez soi, qui montant à l'étage dans sa chambre attitrée. Les garçons, eux aussi, commencèrent à fatiguer. Le premier, Elros récupéra sa peluche et, bâillant à s'en décrocher la mâchoire, grimpa se réfugier sur les genoux de sa maman. Celle-ci le berça doucement en fredonnant une jolie chanson en elfique, et l'enfant sombra vite dans un profond sommeil. A leur tour, Elrond et Tibo se sentirent devenir somnolents et délaissèrent leurs jeux. Le garçon-papillon se hissa avec sa poupée sur les hauts genoux de son papa à l'air sévère et Tibo, qui ne pouvait pas en faire de même sur ceux du Père ou de la Mère qui travaillaient encore, attrapa sa couverture abandonnée sous le buffet pour s'y pelotonner. Les serviteurs Elfes rangèrent les jouets de leurs jeunes maîtres et lorsque la berceuse de la maman prit fin celle-ci monta à l'étage, son fils endormi dans les bras et l'autre titubant de sommeil derrière elle. Le papa la suivit un peu plus tard et les autres Elfes désertèrent peu à peu la grande salle. A leur tablée, les Nains entonnèrent un chant lent qui sentait la roche solide et les racines de la terre. Tibo retourna se cacher bien au chaud sous son buffet, enroulé dans sa douce couverture.
Il dormira là, écoutant d'une oreille distraite le chant guttural et les dernières conversations assourdies de la salle commune, jusqu'à ce que la Soeurette vînt le chercher pour le mettre au lit. Il serrait fort dans sa main quelques billes que les enfants Elfes avaient oublié de récupérer.
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Bonjour, je suis en retard. En fait, je voulais répondre aux reviews avant de poster un troisième chapitre, sauf que comme c'est la galère en ce moment et que j'ai cinq milliards de trucs à faire, ben… Désolée.
Enfin voilà, le troisième chapitre est là, cette fois-ci dans la peau du petit garçon des aubergistes. J'espère que ce texte vous aura plu ! N'hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé. Bon dimanche et bonne semaine prochaine à tou(te)s !
