Auteur : Nat, pour vous servir… sur un plateau des textes que personne n'avait envie de lire. Si vous n'avez besoin de rien, je suis là pour vous !
Disclaimer : Les elfes ne m'appartiennent pas. Oui, je sais, c'est un scoop. Prévenez les médias.
Warnings : A priori, y'aurait rien de trop choquant dans ce texte, c'est juste un truc bizarre sans être drôle, pour une fois. Et je crois pas que ça soit triste non plus. Au pire, vous me direz ce que vous en pensez. Donc voilà : Attention, euh… truc bizarre en approche.
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Berthil
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Les respirations tranquilles de la Petite et du Petit, endormis tous deux dans le lit de coin, se mêlaient au clapotement de l'averse nocturne. Nul autre bruit ne troublait la quiétude de l'auberge assoupie. C'était une bonne nuit pour ne pas dormir. Non pas que Berthil tenait particulièrement à veiller, mais la mauvaise saison avait ravivé le mécontentement de ses vieux os et ceux-ci rivalisaient à présent d'ingéniosité pour se rappeler à son bon souvenir. Les douleurs dans les articulations de ses mains n'aidaient pas, non plus. Combien de tonnes de légumes avait-elle épluché au cours de la soirée ? Les gamins avaient vidé son baquet d'épluchures deux fois, et ses doigts usés criaient grâce. Son dos aussi. La mollesse du matelas défraîchi de son lit lui interdisait toute position confortable. Le Petit avait sauté dessus, la veille, et le sommier était sûrement défoncé. Qu'à cela ne tienne : puisqu'elle ne pouvait pas dormir, Berthil ne resterait pas inactive à ruminer ses maux de vieillesse dans un grabat inconfortable. L'aube ne tarderait plus à poindre, autant qu'elle en profite pour descendre faire un brin de ménage dans la cuisine et la salle commune. Ce sera autant de corvées de moins pour la Liset. La vieille femme se leva avec une lenteur calculée qui visait autant à éviter les craquements du parquet que ceux de sa carcasse, passa un surcot délavé sur sa longue chemise de nuit et emmitoufla ses épaules grêles dans un épais châle de laine piquante. Elle trouva à tâtons la porte de la chambre et sortit sur le palier, non sans avoir pris le temps de reborder la Petite qui s'acharnait à perdre sa couverture chaque nuit.
Elle arpentait le palier à petits pas précautionneux lorsqu'une porte entrouverte attira son attention. C'était la chambre des messieurs Elfes, réalisa Berthil, et une interrogation existentielle lui titilla tout à coup l'esprit : était-il vrai que ces gens-là dormaient les yeux ouverts ? Elle s'approcha, oh, à peine, juste de quoi glisser un œil inquisiteur dans l'embrasure de la porte. La curiosité avait beau être un vilain défaut, ce n'était sûrement pas à son âge qu'elle allait commencer à se corriger. Hélas, cette brave curiosité ne serait pas assouvie cette nuit-là. Si la respiration régulière de l'homme brun allongé sur la paillasse indiqua assez clairement qu'il dormait du sommeil du juste, son dos tourné à la porte interdisait en revanche de vérifier s'il gardait ou non les yeux ouverts. Les deux enfants Elfes reposaient l'un contre l'autre dans le petit lit, leurs peluches pressées contre leurs cœurs, plongés dans des rêveries profondes et une pénombre qui ne permettait pas au regard fatigué de la vieille femme de distinguer leurs visages. Quant au grand lit, ses draps froissés prouvaient, si besoin en était, que quelqu'un s'y était allongé… mais le quelqu'un en question n'était visible nulle part dans la pièce, et certainement pas endormi les yeux ouverts.
Un peu déçue, Berthil entreprit de descendre les escaliers qui faisaient leur possible pour grincer à chaque marche. C'était long, cette descente, et cela mettait à rude épreuve ses articulations malmenées par l'humidité ambiante, mais son installation au troisième étage libérait la chambre du bas pour la Liset et le Gendre, ce qui leur simplifiait grandement la vie à tous deux. De craquements en chuintements, l'escalier la mena jusqu'à la pièce à vivre du rez-de-chaussée, où un détail incongru attira son attention. Une des grandes chaises à dossier avait été tirée jusque devant la cheminée où les derniers reliquats de la flambée du soir achevaient de mourir. Le dosseret du siège, on ne pouvait plus chauve en temps ordinaires, arborait à présent une surprenante tignasse rousse. Tignasse qui surmontait en réalité, s'aperçut la doyenne en contournant la chaise, la figure scarifiée du gigantesque Elfe tout droit sorti des récits de vieilles batailles et des légendes des temps anciens qu'elle relatait aux enfants les soirs d'hiver, avec ses blessures de guerre, son moignon, ses airs de grand seigneur et sa suite de serviteurs. Mais là, dans la pénombre de la salle commune déserte, le géant roux semblait seulement pensif et fatigué, son regard gris vissé à la cheminée.
« 'Dormez donc pas ? » S'entendit questionner la vieille femme.
L'Elfe se contenta de secouer l'incendie hirsute qu'il avait sur la tête sans lâcher des yeux celui qui s'acharnait à agoniser dans l'âtre.
« Insomnie, lâcha-t-il dans un souffle rauque. J'ai pris la liberté de descendre. J'espère que cela ne vous dérange pas.
-Ma foi, tant qu'vous cassez rien… Le lit est peut-être pas assez confortable, supposa la vieillarde. 'Devez être habitué à mieux.
-Du tout. C'est très bien. »
Si le lit n'était pas trop inconfortable pour les goûts elfiques du grand monsieur, où donc se situait le problème ? Avisant alors la taille improbable de l'individu, Berthil saisit soudain la situation.
« Z'y êtes à l'étroit. »
Les lèvres de l'Elfe se tordirent en ce qu'elle supposa être une esquisse de sourire.
« Pour sûr, réfléchit-elle à part elle, c'pour ça qu'y fallait la paillasse. 'Pouvez bien vous installer qu'en travers du lit, et c'pas possible si vous l'partagez avec votre compagnon.
-J'aurai préféré prendre la paillasse et lui laisser le lit, soupira le rouquin. Quitte à ne pas dormir, autant que lui puisse se reposer dans les meilleures conditions.
-Z'avez pas insisté ? » S'étonna Berthil.
Il avait pourtant une tête à déstabiliser son monde, ce bougre-là, et la stature rigide de ceux qui ne s'en laissaient pas conter bien longtemps. Mais quelque chose qui ressemblait à de l'amusement scintilla dans l'œil d'acier du géant roux, adoucissant l'espace d'un instant sa figure austère.
« Mon frère ne paie pas de mine, je vous l'accorde volontiers. Mais vous n'imaginez pas à quel point il peut être têtu. »
Oh, si, elle imaginait. Elle imaginait fort bien. Des têtes de mule, elle en avait connu son comptant.
…A commencer par ses fichues vertèbres, d'ailleurs, qui s'entêtaient à lui faire la vie dure dès que le temps tournait à la pluie. Berthil soupira. Une bonne tisane devrait calmer tout ça, et elle comptait bien s'en préparer une avant d'attaquer le ménage. Elle jeta un dernier coup d'œil à l'Elfe, et quelque chose chez lui l'interpella. Il n'était pas à l'aise, remarqua-t-elle. Elle n'aurait pas su dire ce qui lui mit la puce à l'oreille : la façon dont il se tenait de manière à soulager son dos, l'ombre discrète sur son visage, sa manie de changer imperceptiblement son assise à intervalles réguliers, comme si quelque chose le gênait. Autant de détails qu'elle ne connaissait que trop bien.
Berthil ravala un sourire en trottinant jusque dans la cuisine où elle mit de l'eau à bouillir. Elle ne savait toujours pas si les Elfes dormaient les yeux ouverts, c'était un fait, mais elle aurait au moins appris qu'ils pouvaient souffrir de rhumatismes, arthrite et autres douleurs osseuses et articulaires aussi bien que les Humains. Dès que l'eau fut chaude, elle y plongea des herbes médicinales qu'elle laissa infuser quelques minutes, puis elle versa la décoction dans deux grandes tasses de grès. Tricotant sur les bâtons raides qui lui tenaient encore lieu de jambes, la femme retourna auprès du grand étranger. Elle lui fourra d'office l'une des timbales dans la main :
« Tenez. Prêle, cassis et reine-des-prés, y'a pas mieux pour les temps d'pluie. »
L'Elfe accepta la tasse fumante sans un mot mais avec un éclat de reconnaissance au fond des yeux. Posant dans un soupir d'os craquants sa vieille carcasse sur un bout de banc, Berthil souffla sur sa propre tisane avant d'en avaler quelques gorgées. Non loin d'elle, l'étranger aux oreilles pointues s'abîmait dans la contemplation d'un reste de bûche à demi calcinée que la flambée du soir avait négligé de dévorer. Pas bavard pour deux sous, cet Elfe. Il sirotait lentement son infusion brûlante, sa main unique montant lentement la tasse grossière jusqu'à ses lèvres barrées d'une antique cicatrice, le regard perdu dans les braises rougeoyantes du feu mourant.
« Je vous remercie. Glissa-t-il finalement dans le silence feutré de la grande pièce déserte.
-Oh, y'a pas de quoi. Je faisais d'la tisane pour moi, autant que z'en profitiez. Les avantages d'la vieillerie, voyez-vous : tout l'monde part, mais les rhumatismes restent. »
L'Elfe acquiesça et se mura dans un nouveau silence, qui présentait au moins l'intérêt de n'être guère différent de l'ancien. Ce n'était pas la causerie de l'année, il fallait en convenir. Berthil s'en satisfaisait. Quelque part, et c'était à la fois étrange et un peu réconfortant d'y songer ainsi, ce grand escogriffe taciturne lui rappelait son vieux Graham. Les minutes s'égrenèrent lentement, traînassant dans l'ombre de la salle commune. Quelque part, à l'extérieur, un oiseau trop matinal fit entendre un chant ténu. L'Elfe cligna des yeux lorsque la dernière braise s'éteignit, étouffée par la cendre qui s'amoncelait dans le foyer. Ah, il fallait s'occuper de ça, aussi. Le Gendre ou la Liset s'en chargeraient à leur réveil, Berthil s'était par trop cassé les reins sur la pierre grise de la cheminée pour s'imposer encore de la nettoyer. Le fourneau de la cuisine, en revanche, était à la bonne hauteur, et elle n'y avait pas encore touché. Avalant d'une traite les dernières gorgées de son infusion, la petite vieille se remit douloureusement sur pieds.
« Bon. Z'êtes bien aimable, mon bon monsieur, mais la cuisine va pas s'laver toute seule. Z'avez fini votre tisane, que j'rince votre tasse avec la mienne ? »
L'Elfe opina du chef, faisant brinquebaler ses mèches rousses. Berthil récupéra sa tasse et s'en alla vaquer dans la cuisine tandis que le jour se levait doucement. Lorsqu'elle revint dans la salle commune pour y regarnir le comptoir, l'Elfe, sans un bruit, s'en était allé.
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…Devinez qui est encore en retard pour absolument TOUT ?
En fait j'ai passé (et planté, accessoirement) mon concours la semaine dernière, et cette semaine j'ai bossé de 5h à 14h et j'étais complètement crevée. Du coup, ben… j'ai rien fait. Mais genre, rien de rien. J'ai rien écrit sur aucun texte, j'ai répondu à aucune review ni message, ni remercié personne, je suis un être humain abominable. Du coup je me permets de vous remercier maintenant pour les reviews du précédent chapitre et je vais tâcher de me remettre à niveau !
Et j'espère que ce chapitre vous a un peu plu, merci de l'avoir lu ! :D Bonne soirée et bonne semaine prochaine !
